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La problématique de la délinquance juvénile en Haà¯ti de 1995 à  2005

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par Joseph Théofils René
Université d'état d'Haà¯ti - Licencié en droit 2007
  

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1.4-En Angleterre

L'historiographie de la délinquance juvénile anglaise au XIXème siècle s'est longtemps préoccupée de l'augmentation apparente de la criminalité du début du siècle et des débats sur les solutions législatives et pénales envisagées pour l'enrayer. Une première génération d'historiens s'est limitée au récit descriptif de ces débats et à une analyse enfermée dans un cadre conceptuel défini par les réformateurs eux-mêmes. De même, les choix politiques et les innovations législatives furent presque toujours interprétés comme le résultat de la campagne humaniste pour la mise en oeuvre de solutions pénales spécifiques et appropriées aux jeunes délinquants.

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Ce type d'analyse s'inscrit dans un courant historiographique plus large, à savoir l'interprétation téléologique de l'histoire de la justice pénale anglaise, dite « whig ». Il considère que, tout au long du XIXème siècle, les solutions pénales plus « humaines », plus « modernes » se sont inexorablement développées, remplaçant peu à peu les châtiments « barbares » d'antan. Ainsi, la mise en place de nouvelles institutions carcérales pour jeunes délinquants s'inscrirait dans cette tendance « humanisante » plus large, avec la réduction du nombre de crimes passibles de la peine de mort, la restriction du châtiment corporel et l'abolition de la relégation dans les années 1860.

C'est ainsi que de nouvelles institutions pour jeunes délinquants, alternatives à l'incarcération traditionnelle, furent mises en exergue. Il s'agit tout d'abord de maisons de redressement ou « reformatories », mises en place à la suite de la promulgation d'une loi de 1854 (Reformatory Schools Act). La nouvelle loi donna aux magistrats locaux (chargés des condamnations pour délits) le pouvoir de condamner des délinquants en dessous de 16 ans à une peine de deux à cinq ans en maison de redressement, mais seulement après un passage de quatorze jours minimum en prison locale. Une loi de 1857, complément de celle de 1854, donna aux magistrats le pouvoir d'envoyer des enfants de 7 à 14 ans condamnés pour vagabondage dans une « école industrielle » pour une période appropriée, mais jamais au-delà de l'âge de 15 ans (Industrial Schools Act). En 1861 et 1866, la portée de cette loi fut élargie à d'autres catégories de jeunes « futurs criminels », tels que les mendiants et les indigents, les orphelins, les enfants de forçats et autres criminels, et les enfants pauvres considérés comme trop « réfractaires » pour être logés en asile pour les pauvres. Les institutions qui succédèrent à ces deux types d'établissements devinrent les solutions pénales incontestées du XXème siècle pour jeunes délinquants. Les autres initiatives pénales, comme l'expérience de la prison pour enfants à Parkhurst dans l'Île de Wight, ouverte en 1838 et abandonnée vingt-cinq ans plus tard, furent, en revanche, largement négligées par les historiens. Même l'influence de Surveiller et punir de Michel Foucault (qui parut en anglais en 1977) n'inversa pas cette tendance. Pourtant, les foucaldiens développèrent un nouvel axe d'analyse des motivations des réformateurs, le concept de « délinquance juvénile » étant reformulé comme une stratégie de contrôle social, « ... un stéréotype que l'on utilise afin de stigmatiser et moraliser les enfants de la classe ouvrière qui se seraient éloignés des mentalités et des comportements prônés par les classes moyennes ». Cela dit, les théoriciens du contrôle social accordèrent la même importance aux écrits des réformateurs pénaux que l'historiographie traditionnelle. En fait, les foucaldiens se contentèrent d'exploiter le même éventail réduit des sources primaires. Il en résulte, selon les termes choisis par l'historien américain Martin J. Wiener, « une image négative photographique sombre et peu convaincante » des récits classiques, dans laquelle un nouveau « simplisme » (à savoir « la marche inéluctable de la surveillance et du contrôle ») remplace l'ancien (« la réforme humaniste »).

Les explications de la délinquance juvénile qui se fondent sur le milieu ne manquent pas. L'extrait suivant, paru dans l'Edinburgh Review en 1851, en est un exemple typique : « Le sort [du délinquant juvénile] n'était pas forcément d'être élevé, dès ses premiers jours, dans un taudis surpeuplé, mais probablement dans un lieu aussi malsain, dans un milieu imbibé de saleté, de violence et de vice, milieu qui émousse toute conscience morale, toute pensée et tout sentiment. Les coups et les jurons auront été son premier catéchisme, la tricherie et le mensonge, ses premières leçons. A un âge où l'on s'occupe des enfants de riches avec sollicitude, et où l'on ne laissera sous aucun prétexte les enfants s'éloigner des quartiers de la nursery, on l'envoie mendier et chaparder. S'il manque de talents ou de chance, on le bat, si ses efforts sont couronnés de succès, on loue son intelligence et on le récompense. »

L'auteur anonyme de cet article poursuit : « Il me semble que la majeure partie des jeunes délinquants sont induits en erreur et tournés vers le vice par le manque de surveillance et de formation industrielle. Les parents sont obligés d'aller travailler et sont dès lors occupés toute la journée et ces garçons livrés à eux-mêmes dans la rue. Les pouvoirs publics n'ont-ils pas autorisé ces lieux de prédilection de la méchanceté et de l'infamie (dans lesquels le jeune délinquant est élevé) à perdurer au coeur même de nos grandes villes ? Leur indifférence envers les conditions physiques et morales des couches inférieures de nos classes laborieuses a favorisé ces pépinières de criminalité. Aussi, les pouvoirs publics ne sont-ils pas en partie les auteurs et les complices de la dépravation du garçon ? » L'évocation de ce milieu criminogène est souvent haute en couleurs : l'influence néfaste des « parents brutaux et dénaturés » et des « mauvais compagnons » induit « le garçon vicieux » à emprunter « la voie de la mort ». Ces images jouèrent un rôle essentiel dans la campagne de réforme. On ne peut espérer « rendre leur enfance » aux jeunes criminels, selon la formule célèbre de Matthew Davenport Hill, juge de la ville de Birmingham, l'un des personnages clefs du mouvement de réforme, qu'à la seule condition de les séquestrer de manière définitive loin du milieu familial et social si nocif. C'est la seule manière, poursuivait-il, d'« inverser leur comportement criminel et de les ramener au sein de notre société fraternelle ». De telles opinions étaient largement répandues chez ceux qui prônaient la mise en place de maisons de redressement à la campagne sur le modèle de Mettray et chez ceux qui préféraient des mesures plus punitives à l'encontre des jeunes criminels, comme celles d'une prison spécialisée pour enfants de moins de 16 ans. Dans leur deuxième rapport de 1836, William Crawford et Whitworth Russell, inspecteurs de prison du ministère de l'Intérieur, préconisaient une solution carcérale à la délinquance juvénile.

La nouvelle prison de Parkhurst devait permettre de « sevrer le délinquant [juvénile] de ses pulsions criminelles » grâce à un alliage judicieux de « correction et d'amendement », en l'éloignant de « la pauvreté et de l'ignorance, de la misère et de la dégradation, qui frappent, dans cette métropole énorme, des milliers de personnes appartenant aux couches inférieures ». Au-delà des débats sur la solution carcérale, tous s'accordaient à reconnaître les difficultés de son application. Ainsi, le Révérend Henry Worsley, auteur d'un essai primé de 1849, La dépravation juvénile, soulignait que les « relations provenant de la petite enfance et de l'enfance sont tenaces et inflexibles. La première courbure de la brindille, témoin de toute la croissance antérieure, est difficile à changer complètement. » Difficile certes, mais pas nécessairement impossible. Pour beaucoup de contemporains, le déferlement de la délinquance (notamment juvénile) provenait essentiellement de l'industrialisation rapide et de l'urbanisation sauvage. On comprend, dans ce contexte, que l'on ait voulu mettre de la distance entre le jeune criminel et son milieu criminogène et que l'on ait envisagé les rythmes immuables du travail agricole comme remède. D'ailleurs, le modèle de redressement des jeunes délinquants par le travail aux champs, « métier d'extérieur, où l'on se trouve exposé aux intempéries, et à l'épuisement musculaire », est resté un des choix privilégiés des gouvernements et des législateurs pendant une bonne partie du XXème siècle. On peut considérer que les deux types de délinquants juvéniles évoqués, à partir de cette analyse, dans cet article sont représentatifs des forces de l'innocence et de l'expérience, ou plutôt des deux issues possibles de leur combat, combat qu'elles se livraient, selon les croyances des contemporains, au sein de chaque jeune criminel. L'issue de ce conflit dépendait en partie de l'âge de l'individu (l'innocence diminuant avec l'âge), en partie de l'influence du milieu familial et de l'impact des fréquentations de l'enfant (plutôt « mauvaises » ou carrément « vicieuses »), et enfin - et ceci de plus en plus à partir des années 1860 - de la force des prédispositions biologiques innées au crime. Les victoriens des années 1840, 1850 et 1860, se rendant bien compte que les débats sur la délinquance juvénile était « une mer agitée par des théories controversées et des expériences contradictoires », naviguaient en se servant de criminels-types à la fois puissants et durables, dotés de caractéristiques tant psychologiques que physiologiques. La force de chacun de ces sous-types permet, tel un baromètre, de mesurer, tout au long du XIXème siècle, l'influence des explications optimistes par rapport aux explications fatalistes de la causalité criminelle. Pendant la période que nous avons retenue ici, la délinquance juvénile est analysée essentiellement dans un contexte d'optimisme quant aux possibilités d'amendement des jeunes. Ce cadre perdura durant le reste du XIXème siècle, malgré les nombreuses mutations des institutions préconisées pour réformer les délinquants. Cela étant, à partir des années 1890, de nouvelles théories fatalistes, selon lesquelles un nombre considérable de jeunes délinquants demeurerait au-delà de la portée de toute solution pénale, gagnèrent du terrain. Pour ces malheureux, le poids de leurs tares mentales et physiques innées étaient telles qu'un comportement criminel était presque inéluctable.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille