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La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring

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par Daniel KIMBMBA KAHYA
Université catholique du Congo - Licence 2012
  

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III.1.2. Bernard Häring et le Concile Vatican II

Riche d'une immense formation philosophique et théologique, déjà reconnu comme un moraliste très important en raison de son manuel La loi du Christ Bernard Häring apparaît comme un des personnages les mieux préparés à contribuer au succès du renouveau conciliaire tel que souhaité par Jean XXIII. Toutefois, son itinéraire sera marqué par des tensions liées à ses options fondamentales comme théologien et pasteur.

Au coeur des débats conciliaires et, au lendemain du Concile, dans les controverses très médiatisées entourant la parution de Humanae vitae, Häring maintient son engagement à proposer une morale enracinée dans le trésor des Écritures, centrée sur le message et la personne du Christ, ouverte aux problèmes et aux souffrances de notre époque. Ainsi, il se compromet de manière audacieuse dans le territoire de la bioéthique, au risque de certaines prises de position qui ont pour ambition de mettre la théologie morale catholique à contribution dans la recherche de bons discernements liés à des questions nouvelles.

Dans ce point, nous voulons analyser la période du concile Vatican II, où la pensée morale de Bernard Häring a eu une grande influence, en particulier par le plus grand enracinement biblique et christologique de la réflexion morale, mais également pour une ouverture plus marquée aux problèmes éthiques contemporains. Cette influence s'est cependant butée à une sorte d'échec, autour des questions d'éthique biomédicale, et Häring fut soupçonné de trahir l'enseignement du Magistère. Notre propos entend montrer qu'au coeur de son immense travail et des controverses qui l'ont accompagné, Bernard Häring demeura un moraliste catholique libre et fidèle, soucieux de protéger la conscience éthique du croyant, et désireux de maintenir une profonde solidarité avec son Église.

a. Häring au coeur des tensions du renouveau conciliaire

B. Häring aura à vivre sa mission et sa responsabilité de théologien en fonction de quatre principaux enjeux : le sens même de la contribution du théologien, surtout du moraliste, au travail magistériel du pape et des évêques ( 1-La mission du théologien); la refondation du discours moral sur les sources scripturaires et l'herméneutique qui y est associée ( 2-La dimension biblique de la morale); la mise en rapport plus radicale de la théologie et de la vie morale au mystère du Christ homme et Dieu (3-Le christocentrisme de la morale); la conversion au monde réel pour l'aider à poursuivre ses quêtes de sens en cohérence avec des fondements anthropologiques ouverts aux changements et permettant de les interpréter ( 4- Présence à un monde en changement). Ces enjeux se retrouvent dans le cheminement concret du théologien Häring au moment de l'événement conciliaire.

En effet, lorsque après trois mois de pontificat, Jean XXIII prend la décision de convoquer deux grands rassemblements : un Synode diocésain pour la Ville, et un Concile oecuménique pour l'Église universelle, la question morale n'est pas absente des préoccupations du Pape. Ayant vécu en France, il est bien au courant du malaise de la théologie morale et de l'aspiration générale et puissante pour un renouveau en ce domaine. Dans son discours du 25 juin 1959209(*), il rappelle que le but principal du Concile consiste à « promouvoir le développement de la foi catholique, le renouveau moral de la vie chrétienne des fidèles, l'adaptation de la discipline ecclésiastique aux besoins et méthodes de notre temps. »210(*) L'intérêt du renouveau moral est donc bien un but assigné au Concile par celui qui l'a convoqué.

L'annonce du Concile a surpris les moralistes, sans doute davantage que les autres spécialistes de la théologie. A cette époque, à cause de la suspicion de la part du Saint-Office, le renouveau en morale était encore en chantier et ne paraissait pas une urgence pour les théologiens de cet important dicastère. Cette attitude inquiétait Häring, et il a vu dans le Concile un espoir de rénovation du discours moral officiel.

Ainsi donc, après le mauvais accueil de sa synthèse morale211(*), le jeune rédemptoriste était revalorisé et sera même invité par Jean XXIII212(*) comme expert à la Commission Théologique Préparatoire213(*) du Concile, qui comprendra également des théologiens audacieux et comme Yves Congar, Marie-Dominique Chenu, Henri de Lubac, Jean Daniélou, tous représentatifs de la pensée théologique française qui avait été contestée à Rome depuis la crise de Humani generis.214(*) Ces nominations feront naître une espérance dans le monde des théologiens en quête d'un nouveau dialogue avec le Magistère.

Comme promoteur le plus assidu du renouvellement de la théologie morale dans une perspective pastorale, Häring allait donc être parmi les experts nommés par le Saint-Siège dans la Commission Théologique Préparatoire. A sa renommée internationale, en raison surtout de La loi du Christ - traduite en quatorze langues- s'ajoute une compétence fort utile pour le travail conciliaire : sa connaissance parfaite du latin, langue dominante des travaux.

Dans le travail des sous-commissions, Häring exposera sa pensée théologique avec insistance. De plus, il contribuera à faire progresser le Concile par l'élaboration des textes rédigés en latin dans diverses Commissions, et sera, comme secrétaire, « un des principaux artisans de la rédaction du texte de janvier à juin 1964 »215(*) de la Constitution Pastorale Gaudium et spes. L'apport de Häring est considérable, car une lecture assidue de Gaudium et spes nous fait voir que sa pensée morale s'y dévoile peu à peu.

Le 27 octobre 1960, la Commission Théologique Préparatoire, connue aussi comme Commission Centrale, s'est réunie pour la première fois. Le projet d'une des cinq sous-commissions avait pour objet la morale individuelle et conjugale. D'abord présenté sous le titre De re morali individuali et familiari, le texte devient, après plusieurs remaniements, le De ordine morali christiano.

Dès la première session le cardinal Alfredo Ottaviani soulignera l'importance et l'objectivité du travail de cette quatrième sous-commission De re morali individuali et familiari en présentant les questions auxquelles la sous-commission doit se pencher pour la rédaction du schéma demandé : le fondement de l'ordre moral, la conscience chrétienne, le subjectivisme et le relativisme éthiques, le vrai sens du péché et les relations entre les époux. 216(*)

Le travail de la sous-commission qui prépara le texte reposa principalement sur trois théologiens Romains : le jésuite Franz Xavier Hürth, le dominicain L. Gillon et le franciscain Hermenegildus Lio. Häring ne fut pas invité à participer aux travaux de cette équipe; il devait l'être, « mais seulement après qu'il eut été exclu d'une participation directe au travail parce que son approche était jugée incompatible avec celle du groupe. »217(*)

Selon Alberigo, depuis le début de l'élaboration du texte sur la morale jusqu'à sa conclusion, l'exposé fut dominé par le besoin de défendre certains aspects de la vie chrétienne contre les erreurs contemporaines, et non par un effort pour présenter de manière positive et cohérente le fondement et les caractères propres de la morale chrétienne. Le P. Lio, qui présida à la rédaction, « visait avant tout à rejeter tout ce qui tendait à bâtir la théologie morale sur des fondements évangéliques et spirituels, et à lui donner une orientation plus positive et plus spécifiquement chrétienne. »218(*) C'est bien évident que Häring, comparé à leurs champs de vision, représentait une tendance extrême.

Toutes les heureuses propositions formulées, dont celle d'une apparence moins philosophique qui s'appuie davantage sur le mystère, n'a pas été non plus discutée au Concile. Pourtant les Pères ont eu durant de nombreux débats théologiques « à leur disposition un ensemble impressionnant de réflexions pour bâtir un édifice moral qui répond aux interrogations contemporaines soulevées. »219(*)

Une hypothèse semble s'imposer dès maintenant : au Concile, malgré le souhait de Jean XXIII et l'engagement vigoureux des cardinaux, le renouveau de la morale était dérouté par l'étroitesse d'esprit de ceux en position de pouvoir.

Selon Jean Desclos, au terme de ces débats, le document De ordine morali sera rejeté par la Commission Centrale, et relégué aux oubliettes, parce qu'il était plus un texte de condamnations et de mises en garde qu'une présentation positive de la morale chrétienne. Les Pères conciliaires ont alors procédé autrement. La morale fera corps avec l'ensemble de l'enseignement dogmatique et pastoral qu'ils présentent à l'Église et au monde.220(*)

En conséquence, aucun document conciliaire ne portera spécifiquement sur la morale. Pourtant le Magistère partageait avec les théologiens invités au concile le même souci et tous souhaitaient, selon leur mission propre, un renouveau de l'enseignement moral et des moeurs des catholiques. L'enseignement moral du Concile est disséminé dans l'ensemble des textes et l'influence de Häring sur les travaux conciliaires déborde le territoire d'un seul document qui aurait porté sur la morale proprement dite.221(*)

L'évolution des travaux conciliaires allait prendre une tournure particulière avec le décès de Jean XXIII le 3 juin 1963 et l'élection de Paul VI. Malgré cette transition, l'influence de Häring demeure importante.

La troisième session commençant le 14 septembre 1964 inaugura une nouvelle période de travail avec un agenda surchargé. Il fallait terminer les trois schémas déjà largement discutés lors de la session précédente, à savoir De ecclesia, De oeucumenismo et De episcoporum munere. On a repris l'examen du schéma sur l'Église dans le monde de ce temps, plus généralement connu sous le nom de schéma XIII, né à l'issue de la première session, et largement influencé alors par les cardinaux Montini et Suenens, avec la collaboration de Häring pour la rédaction, dans lequel il joue un rôle original.222(*) En rétrospective, le 3 décembre 1962, à la fin de la première session, le cardinal Suenens proposa un plan général de travail, conçu d'après une double orientation axiale; l'Église et sa vie propre et l'Église en dialogue avec le monde. Sur les bases de ce projet va naître la constitution pastorale qui prendra le nom de Gaudium et spes sur la valeur de l'homme et de son monde.

* 209 C'est la date où le Pape a rendu publique sa décision d'organiser le Concile.

* 210 Documentation Catholique, 56 (1959), col. 907.

* 211 « La loi du Christ va procurer au père Häring en quelques années une réputation vraiment universelle. Elle devait lui valoir, à côté d'une grande considération, les premières suspicions ». Lire, G. MATHON, « un demi-siècle d'histoire de la théologie morale catholique. Le père Bernard Häring (1912-1998) », dans Esprit et Vie, n°6 18 mars 1999, p. 123.

* 212 Après l'élection de Jean XXIII, la traduction espagnole de La loi du Christ put enfin paraître et le pape qui adressa au Général des Rédemptoristes une lettre dans laquelle il exprimait sa très haute estime pour La Loi du Christ, envoyait sa bénédiction et promettait de prier pour que beaucoup, grâce à cet ouvrage, puissent déceler avec joie les implications morales de la foi. Cfr. Ibid., p. 124.

* 213 Pendant la période préconciliaire, le pouvoir réside dans la Commission Théologique Préparatoire chargée d'élaborer des textes de schémas, après une vaste consultation. Cette consultation s'adresse en premier lieu aux futurs Pères du concile, ensuite aux Dicastères ou Congrégations du Vatican et aux Universités catholiques.

* 214 Vers les années 1950 et jusqu'à la veille du concile Vatican II un courant de pensée catholique apparu, la Nouvelle Théologie, parmi les théologiens allemands et français en particulier. Il prône un retour aux sources du christianisme, notamment à travers les Pères de l'Église, et prend ses distances avec l'hégémonie de la scolastique. La Nouvelle Théologie exerça une influence déterminante non seulement sur le déroulement de Vatican II mais aussi sur ses conséquences. La Nouvelle Théologie suscita les inquiétudes du Vatican. En France, un certain nombre de ces nouveaux théologiens, notamment les Jésuites de Fourvière et les Dominicains du Saulchoir, se virent interdits d'enseignement. Pie XII, qui craignait un retour de la crise moderniste, critiqua la Nouvelle Théologie dans son encyclique Humani Generis (1950).

* 215 P. d'ORNELLAS, Liberté, que dis-tu de toi-même ? Vatican II 1959-1965, Op., cit., p. 404.

* 216 Ibid., p. 106.

* 217 Ibidem.

* 218 G. ALBERIGO (éd.), Histoire du Concile Vatican II, Tome I. p, 276.

* 219 P. d'ORNELLAS, Liberté, que dis-tu de toi-même ? Vatican II 1959-1965, Op., cit., p. 341.

* 220 J. DESCLOS, Libérer la morale, p. 52.

* 221 P. DELHAYE, «Les points forts de la théologie morale à Vatican II», dans Studia Moralia, XXIV/1, 1986, p. 13.

* 222 J. SUENENS, «Aux origines du Concile Vatican II», dans Nouvelle Revue Théologique, 107 (1985), p. 3.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci