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La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring

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par Daniel KIMBMBA KAHYA
Université catholique du Congo - Licence 2012
  

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c. La question de la morale conjugale après le Concile : Häring entre fidélité et liberté

Au grand étonnement des laïcs de la commission extra conciliaire en particulier malgré toutes leurs propositions sur les questions de la morale conjugale, l'encyclique Humanae Vitae, a pris une position plus prudente, celle que l'on sait.232(*)Après la publication de l'encyclique, Häring écrit : « Ceux qui, en conscience, estiment pouvoir accepter la ligne de l'encyclique doivent être conséquents jusqu'au bout, et ne pas désespérer s'ils rencontrent des difficultés. Ceux qui, au contraire, après avoir prié et réfléchi, sentent en conscience qu'ils ne peuvent en suivre les postulats, peuvent en toute sérénité suivre leur conscience sans pour autant devoir quitter l'Église ou s'éloigner des sacrements. »233(*)

Beaucoup d'interprètes de la théologie morale de Häring croient que le contenu de cette encyclique a forcé ce théologien de l'Alphonsianum à se ranger parmi les contestataires et a déclenché une vraie crise d'autorité parce qu'on a jugé que son enseignement était « en rupture avec l'enseignement conciliaire à cause des concepts juridiques employés et de la notion de nature fondant son argumentation. »234(*) Il faut bien admettre que, sur le point précis de la contraception, l'enseignement doctrinal du Magistère n'a pas changé d'un iota. Humanae vitae propose une norme morale sévère provenant en droite ligne de l'encyclique Casti connubii de Pie XI et des célèbres allocutions de Pie XII sur la morale conjugale.235(*)

Malgré que la délibération collégiale fut négligée dans la préparation du document, dans sa lecture du dossier Delhaye, a montré que les évêques n'ont nullement trahi l'encyclique mais dans leurs déclarations et leurs commentaires ils ont tenté d'apporter des nuances à la condamnation de toute contraception. Face à pareils énoncés émis comme le dernier mot de la sagesse pratique, on se rend compte du besoin urgent d'une soigneuse mise au point de la notion de malice objective du péché quant à la malice intrinsèque de la contraception.

De toute manière, là où l'encyclique condamne sans équivoque tout choix délibéré de ce genre, la Note de l'épiscopat français apporte une nuance. « La contraception ne peut jamais être un bien. Elle est toujours un désordre, mais ce désordre n'est pas toujours coupable. Il arrive, en effet, que des époux se considèrent en face de véritables conflits de devoir. »236(*) Häring rappelle qu'à l'intérieur de la Commission pontificale, le texte de I Co 7, 1-5 a été souvent cité.237(*) Saint Paul y met énergiquement en garde contre une continence prolongée. Un rapport concret a été soumis au pape, montant que la majorité absolue des époux consultés a fait l'expérience que l'application à longue durée de la continence périodique a sensiblement troublé l'harmonie conjugale. Fort de cette connaissance psychologique et de l'orientation de 1 Co 7, Häring, enfin, fait la référence au Concile qui a prononcé cette mise en garde : « Là où l'intimité conjugale est interrompue, la fidélité peut courir des risques et le bien des enfants être compromis; car en ce cas sont mis en péril et l'éducation des enfants et le courage nécessaire pour en accepter d'autres ultérieurement » (GS 51,1).

À titre de professeur à l'Alphonsianum, Häring a contribué régulièrement dans la revue Famiglia Cristiana, à des articles pour le public ordinaire italien sur des quaestiones disputatae de la théologie morale et pastorale. Son influence fut énorme tout au cours des années sur la scène romaine, cependant peu appréciée par certains milieux académiques en le stigmatisant d'une dilatation de la morale par introduction dans l'espace théologique de la créativité de la conscience morale perçue comme la relativisation de l'autorité. On sait que la conception moderne de l'autonomie de la conscience est traditionnellement considérée par la théologie catholique comme un héritage de Luther et du protestantisme.238(*) Sans hésitation, dans cette conception du statut moral de la conscience, Häring va traiter la question du conflit de devoir en s'appuyant sur la Note pastorale de l'épiscopat français sur Humanae vitae.

Ainsi, après avoir mûri longtemps ces convictions qu'il exprima, le 5 janvier 1989, dans l'article: Chiedere l'opinione di vescovi e teologhi, paru dans « Il regnoattualità », 34, n°615, p. 1-4, Häring suggère de rouvrir le débat et de procéder à une vaste consultation auprès des évêques, des théologiens et des laïcs. Car les évêques forment l'Église dite enseignante et leurs positions concordantes avec les experts en théologie morale peuvent être soumises à l'examen des simples fidèles et, ainsi humaniser le fonctionnement de l'Église.

Contre cette initiative, Rome n'a pas pris beaucoup de temps d'intervenir par un texte de cinq pages dans l'Osservatore Romano le 16 février 1989 intitulé: Dichiarazione e documenti où l'article de Häring fut qualifié comme « un attacco publico alfinsegnamento del Magistero circa la morale sessuale e coniugale. »239(*) En voici la teneur d'accusation qui vise spécialement Häring : « De graves confusions et des équivoques bouleversent les fidèles lorsque, de la part de certains théologiens même, on parle des déclarations du Magistère en taisant ou en déformant leur nature spécifique et leur fonction particulière. Comme chaque fidèle devrait savoir, l'enseignement du magistère de l'Église ne peut pas être interprété correctement avec le recours aux mêmes critères qui sont employés pour les sciences humaines et en recourant au seul critère socio-culturel d'une plus au moins grande adhésion à ce message. »240(*)

Nous sommes manifestement en face d'une incompatibilité entre la réception du message chrétien et la position de l'autorité ecclésiastique. La rencontre entre un discours de la tradition théologique et les sciences humaines n'était pas une affaire de mode au moment de la parution de Humanae vitae. Le rapport entre théologie et sciences humaines ainsi posé reste à construire de façon à préciser ce qu'on peut en attendre dans le champ de la théologie elle-même.

Les discours autour de l'encyclique Humanae vitae montrent que la crise de la théologie morale qui a suivi le Concile est arrivée à mettre en question non seulement les normes morales singulières enseignées par l'Église mais jusqu'aux fondements mêmes de toute la doctrine morale catholique.

En effet, les débats autour de cette encyclique ont remis en cause, encore une fois, la portée objective et universelle de la loi naturelle sur laquelle le Magistère s'appuyait pour résoudre les problèmes moraux. La moralité de la contraception n'est pas un article de foi. Elle n'est pas, en toute rigueur de termes, une déclaration irréformable non plus. Pourtant, on est même allé jusqu'à parler d'un tacite mais imposant «schisme moral» à l'intérieur de l'Église.241(*) On se trouve devant des consciences imperméables à l'enseignement moral du Magistère de l'Église, qui n'est plus reçu comme critère objectif du jugement. Bien qu'il y ait eu une consultation assez considérable dans la préparation de cette Encyclique, on reproche au Pape d'avoir pris le contrepied de l'opinion majoritaire qui s'était fait jour au sein de la Commission d'experts mandatés pour l'assister.

En référence à son expérience dans la commission des experts, Häring résume ainsi sa perception du travail : « Il m'a paru évident que le Saint Office et les organismes similaires n'avaient pas accepté le tournant réalisé par la théologie morale, biblique et dogmatique. Bien au contraire, on pouvait remarquer qu'un effort concerté s'est déployé pour le discréditer et le condamner. »242(*)

Devant cette question, les théologiens furent placés devant deux pôles souvent exagérés : soit la liberté, soit la loi centrée sur l'idée de l'obligation, le tout dans une rencontre avec le champ de la conscience et des actes humains. Seule l'intelligence de la foi inconditionnelle de Häring, laquelle est essentiellement une réponse de foi et d'amour au Christ, lui permettra de rester fidèle alors que quelques penseurs brillants quittent l'Église.243(*)

L'encyclique Humanae vitae va ainsi soulever avec acuité la question morale des actes intrinsèquement mauvais : après avoir réaffirmé la condamnation de l'avortement, le Pape explicite l'immoralité intrinsèque de l'intervention volontaire dans le processus naturel de la procréation : « Est exclue également toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation. Et on peut invoquer comme raisons valables pour justifier des actes conjugaux rendus intentionnellement inféconds, le moindre mal ou le fait que ces actes constitueraient un tout avec les actes féconds qui ont précédé ou qui suivront, et dont ils partageraient l'unique et identique bonté morale. En vérité, s'il est parfois licite de tolérer un moindre mal moral afin d'éviter un mal plus grand ou de promouvoir un bien plus grand, il n'est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin qu'il en résulte un bien, c'est-à-dire de prendre comme objet d'un acte positif de volonté ce qui est intrinsèquement un désordre et, par conséquent, une chose indigne de la personne humaine, même avec l'intention de sauvegarder ou de promouvoir des biens individuels, familiaux ou sociaux. C'est donc une erreur de penser qu'un acte conjugal rendu volontairement infécond et, par conséquent, intrinsèquement déshonnête, puisse être rendu honnête par l'ensemble d'une vie conjugale féconde » (HV 14). 

Cette affirmation va susciter un débat où plusieurs réactions vont se confronter : nous voulons profiler ainsi la question en mettant en exergue la conception häringienne de la question des actes intrinsèquement mauvais.

* 232 Voir l'histoire du contexte immédiat de l'encyclique Humanae vitae et de la commission dans Robert Mc CLORY, Rome et la contraception. Histoire secrète de l'encyclique Humanae Vitae. Ttrad. Jacques Mignon, Paris, Editions de l'Atelier, 1998.

* 233 B. HÄRING, Quelle morale pour l'Église. p. 45.

* 234 P. d'ORNELLAS, Liberté, que dis-tu de Toi-même ? Vatican II 1959-196. Paris, Éditions Parole et Silence, 1999, p. 604.

* 235 Le texte de Casti connubii est un avertissement sévère et solennel, qui ne laisse place à aucun doute, aucune hésitation, aucune discussion. « En vertu de Notre suprême autorité et de la charge que Nous avons de toutes les âmes. Nous avertissons les confesseurs et tous ceux qui ont charge d'âmes, de ne point laisser leurs fidèles dans l'erreur sur cette très grave loi de Dieu. Bien plus, qu'ils se prémunissent eux-mêmes contre les fausses opinions de ce genre et ne pactisent en aucune façon avec elles. Si d'ailleurs un confesseur ou un pasteur induisait en ces erreurs- ce qu'à Dieu ne plaise ! - les fidèles qui lui sont confiés, ou si du moins, soit par approbation, soit par silence calculé, il les y confirmait, qu'il sache qu'il aura à rendre à Dieu, le Juge suprême, un compte sévère de sa prévarication; qu'il considère comme lui étant adressées ces paroles du Christ; « Ce sont des aveugles, et ils sont les chefs des aveugles; or, si un aveugle conduit un aveugle, ils tombent tous les deux dans la fosse». Casti connubii, n° 85.

* 236 ÉPISCOPAT FRANÇAIS. «Note de l'épiscopat français sur Humanae vitae», dans La Documentation catholique n° 1529, décembre 1968, col. 2060, n. 16.

* 237 B. HÀRING, Crise autour d'Humanae vitae, p. 10.

* 238 Cfr. Ibidem.

* 239 L'article contre «osservationi entiche » de Häring est intitulé: La norma morale di Humanae vitae e il

compito pastorale.

* 240 «Chiedere l'opinione di vescovo e teologhi », in Il regno-attualità, anno XXXIV, n. 609, 15-1-1989,

p. 1-4.

* 241 L. MELINA, La morale entre crise et renouveau. Op. cit., p. 13.

* 242 B. HÄRING, La théologie morale. Idées maîtresses. Op. cit., p. 18.

* 243 Cfr. J. DESCLOS, Libérer la morale. Op. cit., p. 139.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand