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Des identités de papier à  l'identité biométrique

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par David Samson
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 de théorie et analyse du droit 2009
  

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Chapitre III:La CNIL, texte réglementaire et doctrine p. 156

3.La biométrie dans l'entreprise

«L'évolution aura été constante.

D'abord, le contremaître, personne repérable, chargé de contrôler la présence physique du salarié sur son lieu de travail et en activité.

Puis, les « contremaîtres électroniques » chargés du contrôle de la présence

physique : les badges d'accès.

S'ouvre désormais l'ère du « contremaître virtuel » pouvant tout exploiter sans que le salarié en ait toujours parfaitement conscience et permettant, le cas échéant, au-delà des légitimes contrôles de sécurité et de productivité des salariés, d'établir le profil professionnel, intellectuel ou psychologique du salarié « virtuel ». »

Bouchet, Hubert (2004), La cybersurveillance sur les lieux de travail406

En raison de l'évolution actuelle du management dans l'entreprise, l'usage des technologies biométriques y est particulièrement intéressant. Il faut noter d'une part une propension plus grande à surveiller les actes et le travail des employés, d'autre part une délocalisation de celui-ci, qu'on pourrait qualifier de « déterritorialisation », l'employé amenant son travail chez lui dans de nombreux cas (non limités au télétravail), avec son ordinateur portable, son téléphone, etc. Or, l'entreprise établit divers moyens de contrôle à distance de l'employé. La biométrie dans l'entreprise doit s'apprécier au regard de ce contexte général.

Outre la loi de 1978, le Code du travail a introduit un certain nombre de principes concernant le droit à la vie privée dans l'entreprise, en particulier depuis la loi du 31 décembre 19924°7, qui a introduit le principe de proportionnalité (art. L12o-2 du Code du travail); le principe de consultation du comité d'entreprise lors de l'introduction de nouvelles technologies (article L. 432-2 du Code du travail) ; et celui d'information préalable des salariés sur tout dispositif de collecte de données le concernant personnellement (article L. 121-8). Ces principes ont été rappelés par le TGI de Paris en 2005, jugement qui soulève la question d'une éventuelle atteinte à « l'intégrité

406 Bouchet, Hubert (2004), La cybersurveillance sur les lieux de travail, rapport de la CNIL, p.io 4O7 Op.cit.

Chapitre III:La CNIL, texte réglementaire et doctrine p. 157

humaine » ou à la « dignité de la personne » par l'usage des technologies biométriques (chap. IV).

En 2002, la CNIL a délivré une autorisation unique concernant l'usage, sur les lieux de travail, de traitements de données concernant la gestion du contrôle d'accès, des horaires, et de la restauration, qui excluait nommément les dispositifs biométriques4°$. La légitimité de la finalité du contrôle automatique d'accès ou des horaires n'est donc pas mise en cause par la CNIL; elle va s'intéresser à la proportionnalité du dispositif eu égard à ces finalités. Technologiquement, il est tout à fait possible de délier contrôle d'accès et contrôle des horaires: il suffit de ne pas enregistrer les passages. La CNIL, cependant, n'exige de désamorcer de telles mesures de traçabilité que lorsqu'il s'agit de dispositifs de reconnaissance d'empreintes digitales sur support central4°9: la traçabilité, en soi, est une finalité admise, lorsque la technologie n'est pas « à trace ».

408 Délib. n°21302-1 du 8 janvier 2002 concernant les traitements automatisés d'informations nominatives mis en oeuvre sur les lieux de travail pour la gestion des contrôles d'accès aux locaux, des horaires et de la restauration

4°9 Délib. n°00-056 du 16 nov. 2000 (projet d'arrêté ; ministère de l'Education; contrôle d'accès; empreintes digitales; cité académique de Lille).

A. LE CONTRÔLE DES HORAIRES AVEC LES TECHNOLOGIES « À TRACE »

Chapitre III:La CNIL, texte réglementaire et doctrine p. 158

Nous avons vu que la CNIL, confirmée en cela par le jugement du TGI de Paris (19 avril 2005), refuse l'instauration de dispositifs de reconnaissance d'empreintes digitales, stockant les gabarits sur support central, et poursuivant d'autres finalités que le contrôle d'accès, notamment le contrôle des horaires4'O Elle peut toutefois admettre des dispositifs doubles, comme celui précédemment exposé pour TF1 411 Lorsqu'il s'agit d'un contrôle d'accès, elle n'admet le stockage sur support central qu'en cas de « fort impératif de sécurité »; le dispositif doit sinon stocker les données sur support individuel. La CNIL avait établi cette distinction générale dès 2004412. De même, elle n'autorise les (rares) dispositifs de reconnaissance d'iris qu'en cas de « fort impératif de sécurité »413.

Malgré le jugement du TGI (cf. infra), elle a déjà autorisé des dispositifs stockant les empreintes digitales sur support individuel aux fins mixtes de contrôle d'accès et de contrôle des horaires4~4, l'ayant en d'autres occasions refusé en préconisant un système de reconnaissance géométrique de la main 415

41° Outre les exemples pré-cités, cf. délib. n°2006-005 du 12 janvier 2006 (refus d'autorisation ; clinique de Goussonville ; empreinte digitale ; contrôle des horaires)

411 Délib. n°2005-001 du 13 janvier 2005 (TF1 ; contrôle des accès de certains personnels autorisés à certaines zones sensibles ; empreintes digitales). Cf. supra.

412 CNIL (2004), « La biométrie sur les lieux de travail », 29 avril 2004.

413 Délib. n°2005-066 du 20 avril 2005 (Redbus Interhouse SA ; reconnaissance de l'iris ; contrôle accès aux locaux sensibles).

Délib. n°2005-023 du 17 février 2005, ( Banque de France ; contrôler l'accès aux locaux sensibles).

414 Délib.n°2006-069 du 16 mars 2006 (Brisach SAS ; empreintes digitales; contrôle des horaires et le contrôle de l'accès aux locaux)

415 Délib. n°2009-025 du 29 janvier 2009 (refus ; Famer Industrie Maintenance ; empreintes digitales ; contrôle de l'accès aux locaux et le contrôle des horaires). Voir aussi les exposés du motif du refus de la délib. n°2008-058 du 6 mars 2008 , où la CNIL préconise un stockage sur support individuel.

B. LE CONTRÔLE DES HORAIRES AVEC LES TECHNOLOGIES « SANS

Chapitre III:La CNIL, texte réglementaire et doctrine p. 159

TRACE »: UN POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE DE LA CNIL ?

En revanche, elle admet tout à fait l'usage de la géométrie de la main pour le contrôle des horaires des employés, ou pour la restauration dans l'entreprise, ayant émis l'autorisation unique 007 du 27 avril 2006 « relative aux dispositifs biométriques reposant sur la reconnaissance du contour de la main et ayant pour finalités le contrôle d'accès ainsi que la gestion des horaires et de la restauration sur les lieux de travail »416 L'autorisation, qui vaut pour le secteur privé et public, exclut toutefois les dispositifs établis pour le « compte de l'Etat » ainsi que ceux des « établissements accueillant des mineurs, lorsque les personnes concernées sont des mineurs. » Le gabarit de l'empreinte palmaire, enregistré sur une base de données (à l'exclusion de toute photographie de l'empreinte) peut être associé à un « numéro d'authentification de la personne » (s'il est directement associé à un nom, le dispositif sort donc du champ de cette autorisation unique). La durée de conservation des données est fixée (le gabarit doit être supprimé dès le départ de l'employé de l'entreprise, les autres données pouvant être conservées 5 ans). En ce qui concerne la traçabilité des personnes, « les éléments relatifs aux déplacements des personnes ne doivent pas être conservés plus de trois mois. Toutefois, les catégories de données relatives aux déplacements des personnes et aux temps de présence des employés peuvent être conservées pendant 5 ans lorsque le traitement a pour finalité le contrôle du temps de travail. » Les instances représentatives du personnel doivent être consultées et le personnel informé.

On note ici le caractère complexe et peu clair de la doctrine de la CNIL, qui délivre cette autorisation unique (avril 2006) alors qu'elle a refusé, peu de temps auparavant et à plusieurs reprises, de donner son accord à des dispositifs semblables417. Par exemple, un an auparavant, elle refusait l'instauration d'un dispositif de reconnaissance de la main « dont la finalité principale [était] le contrôle des horaires des employés et ayant pour finalités accessoires l'édition de

4i6 Délib. n02006-101 du 27 avril 2006, portant autorisation unique de mise en oeuvre de dispositifs biométriques reposant sur la reconnaissance du contour de la main et ayant pour finalités le contrôle d'accès ainsi que la gestion des horaires et de la restauration sur les lieux de travail.

417 Délib. n°2006-005 du 12 janvier 2006 ; n°2005-031, n°2005-035 et n°2005-037 du 17 février 2005

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statistiques, la planification des horaires et l'envoi de messages relatifs à la gestion des horaires. » En effet, « la Commission [considérait], au vu des motifs invoqués par la société UTEL dans sa demande d'autorisation, que l'objectif d'une meilleure gestion des temps de travail, s'il est légitime, ne paraît pas, en lui même, de nature à justifier l'enregistrement dans un lecteur biométrique des gabarits du contour de la main des employés. » 418 Refus étranges (l'un d'entre eux est daté de janvier 20064~9) au vu d'autres autorisations émises à la même époque 420. Elle autorise par exemple un dispositif similaire visant à permettre « via l'enregistrement des entrées et des sorties des employés, de gérer la diversité des horaires et d'assurer un suivi des temps de présence au sein de l'entreprise. II servira ainsi à gérer les plannings, les heures supplémentaires et les autorisations exceptionnelles d'absence. »421 Ce refus se laisse donc difficilement comprendre, la CNIL se défendant en affirmant examiner les dispositifs au cas par cas. Il est possible que la situation des différents cas soit réellement différente. Toutefois, rien dans les délibérations ne permet de comprendre la différence de traitement, et en particulier pourquoi le principe de proportionnalité est rempli dans un cas, et non dans l'autre. Davantage qu'une incohérence, on peut conclure qu'en restant délibérément laconique sur les motifs réels, ou motifs matériels, du refus ou du blanc-seing donné au dispositif examiné, la CNIL se réserve le droit -- et le pouvoir -- d'apprécier souverainement la légitimité des dispositifs, qu'elle seule peut autoriser. En d'autres termes, en n'indiquant pas dans ses délibérations les raisons matérielles pour lesquelles tel dispositif ne répond pas aux principes formels (proportion, nécessité, etc.), la CNIL s'arroge un pouvoir discrétionnaire, équivalent au pouvoir juridique de qualification des faits.

On peut comparer cette discrétion de la CNIL à l'attitude de l'Autorité grecque de protection des données (HDPA), par exemple dans sa décision n°9/2003 concernant le dispositif de reconnaissance géométrique qu'Attiko Metro (AMEL) voulait installer pour sécuriser certaines zones (son système informationnel). L'Autorité grecque a autorisé AMEL à mettre en oeuvre le dispositif, mais son avis précise qu'elle a d'abord demandé à AMEL de commander un audit et une analyse des risques de son système

4i8 Délib. n°2005-031 du 17 février 2005 (refus d'autorisation ; UTEL ; contour de la main ; contrôle des horaire)

419 Délib. n°2006-005 du 12 janvier 2006 (refus d'autorisation ; clinique de Goussonville ; empreinte digitale ; contrôle des horaires)

42O Délib. n°2005-163 du 21 juin 2005 (mairie de Gagny ; contour de la main ; contrôle des horaires) 421 Délib. n°2005-247 du o3 novembre 2005 (Info Service Europe ; contour de la main ; contrôle des horaires)

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informationnel. Ce n'est qu'à l'issue de cet audit, au cours duquel des dispositifs biométriques « légers » ont été recommandés à l'AMEL, que l'Autorité grecque a autorisé le dispositif en question. La procédure est donc plus lourde, puisqu'elle requiert un audit; elle conduit aussi l'Autorité de contrôle à déléguer une partie de son pouvoir, s'appuyant pour sa décision sur les résultats de l'expertise commandée, tandis que la CNIL se contente de sa propre expertise.

Outre la reconnaissance de la main, elle admet l'usage de la reconnaissance du réseau veineux des doigts de la main, technologie non classée parmi celles laissant des « traces ». Elle l'a notamment autorisé pour un cas spécifique concernant des travailleurs handicapés (mentaux), en précisant que le dispositif n'avait pas ici pour finalité le contrôle des horaires:

« la fmalité poursuivie s'inscrit dans une démarche de sécurisation de la prise en charge de personnes présentant un handicap spécifique et permettra de prévenir leur famille et/ou leur représentant légal en cas d'absence ; d'autres solutions ont été testées mais ne répondent pas, contrairement au dispositif projeté, aux contraintes liées au handicap des personnes concernées. »422

Plus encore: en mai 2009, elle a délivré une autorisation unique à ce sujet, lorsque la finalité poursuivie est le contrôle d'accès4~3. L'AU-o19 reprend les dispositions des autorisations précédentes (exclusion des mineurs et des traitements effectués pour le « compte de l'Etat ») mais exclut, en outre, le contrôle des horaires du champ de son application.

Si, pour ce qui concerne les restaurants scolaires, elle prête attention, depuis 2006, à la présence, ou non, d'une clause d' « opt-out », ce n'est pas le cas dans l'entreprise4~4. En revanche, tout comme ce qui se passe pour la restauration scolaire, l'impératif de sécurité, pour n'être pas forcément inexistant, demeure secondaire, le caractère de commodité l'emportant. Ainsi, le dispositif utilisé par un Carrefour4~5: on

422Délib. n°2008-038 du 7 février 2008 (Centre d'Aide au Travail - « le Vert Coteau » de Thionville; reconnaissance du réseau veineux ; contrôle de la présence des travailleurs handicapés)

423 Délib. n°2009-316 du 7 mai 2009 portant autorisation unique de mise en oeuvre de dispositifs biométriques reposant sur la reconnaissance du réseau veineux des doigts de la main et ayant pour finalité le contrôle de l'accès aux locaux sur les lieux de travail

424 Cf. AU-007, ainsi que par ex. délib. n°2006-099 du o6 avril 2006 (Diagnostic Medical Systems MS; contour de la main ; contrôle des horaires)

425 Délib. n°2006-098 du o6 avril 2006 (Carrefour ; contour de la main ; contrôle de l'accès).

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peut difficilement affirmer que d'autres moyens de sécurité n'auraient pu être utilisés. Ou encore le dispositif utilisé par le Service Départemental Incendie et Secours de la Haute Corse, visant essentiellement à « éviter les contraintes liées à la gestion d'un badge magnétique »426.

426 Délib. n°2006-409 du 27 avril 2006 (Service Départemental Incendie et Secours de la Haute Corse ; contour de la main ; contrôle des horaires)

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