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Des identités de papier à  l'identité biométrique

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par David Samson
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 de théorie et analyse du droit 2009
  

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TITRES DE SÉJOUR

Après une période d' « harmonisation » de la politique européenne en matière de visas, le Conseil de l'UE a adopté en 2002 le règlement (CE) n°1030/2002 « établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers », qui envisage l'introduction d'éléments biométriques afin de prévenir la contrefaçon des titres de séjour"°8. La décision d'introduire ces éléments a été entérinée par le règlement n°380/2008 7°9, modifiant le règlement de 2002, et qui s'inspire des standards de l'OACI (doc. 9303). Ce nouveau règlement prévoit « l'insertion d'identificateurs biométriques », présentée comme « un pas important vers l'utilisation de nouveaux éléments établissant un lien plus fiable entre le titre de séjour et son titulaire afin de contribuer sensiblement à la protection du titre de séjour contre une utilisation frauduleuse. »71° L'utilisation à des fins d'administration électronique de ces documents biométriques est également envisagée7n, tandis que l'interopérabilité du système est de mise"12.

y°6 G29 (2007), Avis commun sur la proposition de décision-cadre du Conseil relative à l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR) à des fins répressives présentée par la Commission le 6 novembre 2007, adopté le 5 décembre 2007 par le groupe de travail «Article 29»; adopté le 18 décembre 2007 par le groupe de travail sur la police et la justice

707 Agence européenne des droits fondamentaux (2008), « Opinion of the European Union Agency for Fundamental Rights on the Proposal for a Council Framework Decision on the use of Passenger Name Record (PNR) data for law enforcement purposes », 28 octobre 2008.

'08 Cons.6 du Règlement (CE) n°1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 (modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers)

7°9 Règlement (CE) n° 380/2008 du Conseil du 18 avril 2008 modifiant le règlement (CE) n° 1030/2002 , Journal officiel n° L 115 du 29/04/2008 p. 0001- 0007

710 Cons. 3 du règlement (CE) n°380/2008.

711 Cons. 6, ibid.

712 Cons. 10, ibid.

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 259

L'art. 4 modifié du règlement n°1030/2002 dispose:

« aux fins du présent règlement, les éléments biométriques intégrés dans les titres de séjour ne sont utilisés que pour vérifier:

a) l'authenticité du document;

b) l'identité du titulaire grâce à des éléments comparables et directement disponibles lorsque la législation nationale exige la production du titre de séjour. »

La finalité de l'insertion de ces éléments («image faciale et deux images d'empreintes digitales », et non simplement les gabarits numériques) est donc de vérification d'identité, et non d'identification, sauf en cas de contrôle du titre de séjour. La même formulation sera utilisée pour le règlement n°2252/2004 concernant les passeports et documents de voyage. Les caractéristiques biométriques sont stockées sur une puce RFID.

Enfin, au moment de la demande du titre de séjour, les Etats relèvent empreintes digitales et photographies du demandeur, la saisie des empreintes digitales étant « obligatoire à partir de l'âge de six ans ». Une clause prévoit que « les personnes dont il est physiquement impossible de relever les empreintes digitales [soient] exemptées de l'obligation de les donner. »713

C. LE SYSTÈME D'INFORMATION SUR LES VISAS

La création du système d'information sur les visas (VIS, Visa Information System), a été décidée par le Conseil en juin 2004714. Celui-ci comprend une interface centrale et une interface nationale dans chaque Etat, et vise à l'échange des données concernant les demandes de visas. Selon le règlement n°767 de 2008715, le VIS entrant dans le cadre du ler pilier, il vise notamment à « prévenir le « visa

713 Art. 4 ter du règlement n°1030/2002 modifié.

714 Décision du Conseil du 8 juin 2004 portant création du système d'information sur les visas (VIS) (2004/512/CE)

715 Règlement (CE) n°767/2008 du 9 juillet 2008 concernant le système d'information sur les visas (VIS) et l'échange de données entre les États membres sur les visas de court séjour (art. 2)

shopping » », « faciliter la lutte contre la fraude » et « faciliter les contrôles aux points de passage aux frontières extérieures et sur le territoire des États membres. » Enfin, il vise aussi à mettre en oeuvre de façon efficace le règlement Dublin II de 2003716, pour lequel le fichier d'empreintes digitales Eurodac a aussi été créé7~7, ainsi qu'à permettre « l'identification de toute personne qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée, de présence ou de séjour » et à « contribuer à la prévention des menaces pesant sur la sécurité intérieure de l'un des États membres. »718 L'accès est ainsi étendu aux autorités administratives compétentes en matière de visa; aux autorités chargées du contrôle des frontières; aux autorités chargées du contrôle de l'identité du détenteur de visa et de la régularité de son séjour; aux autorités compétentes en matière d'asile et enfin aux autorités compétentes en matière d'anti-terrorisme et de prévention et de répression des « infractions pénales graves ».

L'accès dans le cadre de l'anti-terrorisme et de la prévention des « infractions pénales graves »

Cette dernière finalité est mise en oeuvre par l'art. 3, qui permet aux autorités nationales et à Europol la consultation du fichier « aux fins de la prévention, de la détection et de l'investigation des infractions terroristes et autres infractions pénales graves », lui-même concrétisé par la décision 2008/633/JAI du 23 juin 20087~9, cet aspect relevant du 3e pilier. L'accès, qui peut se faire par les données d'état civil, les empreintes digitales, etc., est conditionné à trois conditions (art. 4-1) :

-- il doit être « nécessaire à la prévention, à la détection d'infractions terroristes ou d'autres infractions pénales graves, ou aux enquêtes en la matière »;

716 Règlement (CE) n°343/2003 concernant les « critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile ».

717 Cf. infra. Règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du ii décembre 2000 (création «Eurodac» ; comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin) et Règlement (CE) n°407/2002 du Conseil du 28 février 2002 (modalités d'application du règlement (CE) n° 2725/2000)

718 Règlement (CE) n°767/2008 (art. 2)

719 Décision 2008/633/JAI du Conseil du 23 juin 2008 concernant l'accès en consultation au système d'information sur les visas (VIS) par les autorités désignées des États membres et par l'Office européen de police (Europol) aux fins de la prévention et de la détection des infractions terroristes et des autres infractions pénales graves, ainsi qu'aux fins des enquêtes en la matière.

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p.

260

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 261

« un cas spécifique doit rendre l'accès en consultation nécessaire »;

il doit y avoir « des motifs raisonnables de considérer que la consultation des données du VIS contribuera de manière significative à la prévention ou à la détection des infractions en question, ou aux enquêtes en la matière. »

Les « infractions pénales graves » sont celles définies à l'art. 2-2 de la décision-cadre de 2002 relative au mandat d'arrêt européen72O. Concept large, celles-ci recouvrent donc, pêle-mêle, la « participation à une organisation criminelle », la

« traite des êtres humains » ou la « pédopornographie », le « trafic illicite de stupéfiants » ou d'armes, la « corruption », la « fraude » et le « blanchiment », le

« faux monnayage » et la « cybercriminalité », les « crimes contre l'environnement » et 1' « aide à l'entrée et au séjour irréguliers », 1' « homicide volontaire » et les « coups et blessures graves », le « racisme » et la « xénophobie », les « vols organisés ou avec arme », 1' « escroquerie », la « contrefaçon et piratage de produits », la « falsification de documents administratifs et trafic de faux », le « trafic de véhicules volés », le « viol », le « sabotage », etc.

Notons qu'en cas d'inscription préalable au SIS II, notamment pour des infractions semblables, ce qui se peut faire lorsqu'il y a des « indices réels laissant supposer qu'une personne a l'intention de commettre ou commet une infraction pénale grave » ou « lorsque l'appréciation globale portée sur une personne, en particulier sur la base des infractions pénales commises jusqu'alors, laisse supposer qu'elle commettra également à l'avenir des infractions pénales graves »721, le visa peut être refusé : le VIS enregistre alors le motif du refus, à savoir que le demandeur était inscrit au SIS (art. 12 du règlement n°767/2008). Toutefois, pour l'instant, la consultation automatique du SIS II n'est pas encore effective: les services utilisant le SIS le consultent en cas de demande de visa, mais n'en informent pas les consulats722.

Bien qu'en principe exclu, les données peuvent aussi être transmises, à titre exceptionnel à d'autres Etats ou organisations internationales lorsque ces finalités

H2O Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (2002/584/JAI)

721 Art. 36 de la décision n°2007/533/JAI du Conseil du 12 juin 2007 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II)

722 Conclusions du Conseil relatives à la mise en oeuvre d'un mécanisme de détection précoce de la menace liée au terrorisme et à la criminalité organisée, 2908e réunion du Conseil JAI, 27-28 nov. 2008

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 262

sont en jeu. De manière générale, le VIS est le pendant européen au système US-VISIT, qui lui enregistre par ailleurs toutes les entrées et sorties des étrangers, ce qui permet notamment de repérer ceux qui ont dépassé la durée de leur autorisation de séjour.

Collecte et conservation des données

Relevées dans les consulats, voire par des prestataires de service extérieurs, les données personnelles, y compris les dix empreintes digitales et la photographie, sont conservées pour une durée de cinq ans, sauf si le sujet est naturalisé avant ce délai 7~3. Suite à un compromis négocié par le Parlement avec le Conseil, les enfants de moins de douze ans sont exemptés de la prise d'empreintes digitales7~4; une proposition de règlement de 2006 avait en effet retenu l'âge de six ans7~5. Les personnes physiquement incapables de délivrer leurs empreintes digitales sont aussi exemptées726, bien que s'il est possible d'enregistrer quelques-unes seulement de leurs empreintes, cela sera fait7~7. Sur 20 millions de demandeurs de visa attendus, cela concernerait une population d'un million de personnes728.

Ajoutons que pour les consulats, le matériel de recueil des données biométriques sera mis en commun par les Etats membres et le recours à l'externalisation vers des prestataires de services doit intervenir en dernier ressort7~9. Le G29 s'était opposé à cette externalisation, notant le « paradoxe » consistant à renforcer la sécurité du document à l'aide de la biométrie et à l'affaiblir en utilisant des prestataires de service ne bénéficiant pas de la même protection qu'un consulat ou une ambassade73°. Il soulignait aussi les risques de favoriser une usurpation d'identité biométrique si

723 Cons. 14 du règlement n°767/2008 et chap. IV, « Conservation et modification des données ». Les spécifications techniques des normes avaient été précisées par la décision de la Commission 2006/648/CE.

724 Parlement européen (2009), « Visas biométriques : pas d'empreintes digitales pour les enfants de moins de douze ans », communiqué de presse du 25 mars 2009.

725 Proposition de règlement modifiant les instructions consulaires communes adressées aux représentations diplomatiques et consulaires de carrière, en liaison avec l'introduction d'éléments d'identification biométriques et de dispositions relatives à l'organisation de la réception et du traitement des demandes de visa, 31 mai 2006 (COM(2oo6) 269 final)

26 COM (2006) 269 final, art. cit..

727 Ibid.

728 G29, avis n° 3/2007 sur la proposition de règlement (...) modif. les instructions consulaires communes (COM(2oo6)269 final)

729 Parlement européen (2009), ibid.

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 263

l'identité civile du demandeur n'était pas suffisamment vérifiée lors du prélevé des caractéristiques biométriques731.

Les avis du G29

Saisi du projet de règlement, le G29 (avis n°7/2004) avait noté que le Conseil européen avait envisagé, par sa déclaration de lutte contre le terrorisme du 25 mars 2004, la synergie des systèmes d'information (SIS II, VIS et EURODAC)732. Il remarquait que ce projet impliquait « tout étranger demandant un visa, soit plusieurs dizaines de millions de personnes »733 et préconisait donc la prise en compte de la directive 95/46/CE et de l'art. 8 de la Charte européenne des droits fondamentaux, points sur lesquels il a été suivi.

En revanche, ses « plus grandes réserves » concernant l'instauration de bases de données comprenant des données « à trace » n'ont pas été suivies734. Il était prévu, à l'origine, d'enregistrer les données biométriques à la fois sur le VIS et sur une puce sans contact insérée sur le visa, mais cette dernière proposition avait été abandonnée en juin 2005 pour des raisons techniques735.

73° Lettre datée du 27 mai 2008 du Président du Groupe de Travail «Article 29» à la baronne Sarah Ludford, concernant l'externalisation de la collecte des données biométriques dans le cadre des demandes de visa.

731 G29, avis n°3/2007 précité.

732 G29, avis n°7/2004 sur l'insertion d'éléments biométriques dans les visas et titres de séjour en tenant compte de la création du système d'information Visas (VIS), adopté le 11 août 2004. 11224/04/FR WP 96.

733 Ibid. Le règlement adopté (n°767/2008) entend par « visa » non seulement les « visas de court séjour », mais les « visas de transit », les « visas de transit aéroportuaire », les « visas à validité territoriale limitée », ainsi que les « visas national de long séjour ayant valeur concomitante de visas de court séjour », de même que les « vignettes visas », qui sont respectivement définis par la convention de Schengen (art. 11, 14, 16 et 18), les instructions consulaires communes, et le règlement (CE) n°168395 établissant un modèle type de visa.

734 Le G29 note qu' « en particulier, le risque n'est pas négligeable qu'un individu dont les empreintes digitales auraient été collectées ne communique par ailleurs pas sa véritable identité, en particulier si les circonstances de la collecte des empreintes digitales ne garantissent pas une parfaite fiabilité; l'identité usurpée serait alors associée de manière permanente aux empreintes digitales en question. » (avis n°7/2004).

735 Au-delà de quatre vignettes-visas biométriques, des problèmes d'interférence intervenaient. Cf. COM (2006) 269 final, précité.

Il note en outre qu'avec une durée de conservation de cinq ans, le VIS enregistrerait environ 100 millions de demande de visas: la masse numérique des caractéristiques biométriques pose ici un problème de fiabilité souligné par le G29.

Le G29 considère aussi que la question de l'âge, minimum et maximum, ne devrait pas être traité comme « une question purement technique », et que, « pour préserver la dignité de la personne et pour garantir la fiabilité de la procédure », des seuils devraient être fixés; la littérature scientifique n'a pas démontré de façon « irréfutable que la technologie dactyloscopique est suffisamment fiable en ce qui concerne soit les enfants, soit les personnes âgées. »736 Il préconisait d'aligner cet âge sur celui retenu par EURODAC (qui fixe les seuils à 14 et 8o ans)737.

Au regard des finalités, de vérification et d'identification, le G29 admet la première, mais considère que la seconde n'est pas assez définie et soulève « d'importantes difficultés au regard du principe de proportionnalité ». En effet, la vérification n'implique pas la constitution d'une base centrale, au contraire de l'identification biométrique. Il souligne par ailleurs le risque de confusion des finalités, avéré puisque la lutte contre le « visa shopping » et la fraude est mêlée à l'identification des personnes en situation irrégulière, ainsi qu'à la lutte contre le terrorisme. D'évidence, il n'a été guère suivi sur ces points.

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 264

T36 G29, avis n° 3/2007 précité. 737 Ibid.

D. L'IDENTIFICATION DES ÉTRANGERS EN FRANCE: DE LA LOI DEBRÉ A

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 265

VISABIO ET ELOI

Le pendant français du VIS, dénommé VISABIO, est prévu par l'art. L611-6 du CESEDA738 et a été établi par décret en novembre 2007739 (R611-8 à 611-15 du CESEDA), la CNIL ayant examiné le projet de décret l'instaurant en juillet74°. De nouveau, cette mesure s'inscrit dans une tendance longue, qui fait de l'identification des étrangers une mesure de contrôle nécessaire à leur éloignement du territoire, et, de façon générale, à l'établissement des dispositifs de contrôle des flux de circulation. En effet, c'est la « loi Debré » de 1997 qui introduit la possibilité d'enregistrer les empreintes de certains étrangers, procédure étendue aux demandeurs de visa par la « loi Sarkozy » de 2003. Toutefois, ce n'est qu'en 2004 que BIODEV, précurseur de VISABIO ainsi que du VIS, permet d'enregistrer les empreintes des demandeurs de visa. L'identification biométrique n'est ici que le moyen de la régulation et du contrôle de la liberté de circulation. On remarque, au passage, que ce contrôle a pu s'appliquer aussi bien à l'entrée et au séjour des étrangers, qu'à la sortie des étrangers du territoire, la France étant l'un des rares pays à avoir rétabli, un temps, un visa de sortie pour les étrangers741

T38 L'art. L611-6 du CESEDA dispose: « Afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers qui sollicitent la délivrance, auprès d'un consulat ou à la frontière extérieure des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, d'un visa afin de séjourner en France ou sur le territoire d'un autre Etat partie à ladite convention peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Ces empreintes et cette photographie sont obligatoirement relevées en cas de délivrance d'un visa. »

T39 Décret n°2007-1560 du 2 novembre 2007

74° Délib. n°2007-195 du 10 juillet 2007.

741 Cela a été fait par la circulaire non publié du 28 nov. 1986, après les attentats de 1986. Cette circulaire fut annulée par le Conseil d'Etat, suite à un recours du GISTI, le 22 mai 1992 (cf. « Illégalité totale des visas sortie-retour », Plein Droit, n°53-54, mars 2002, et Conseil d'Etat statuant au contentieux , n° 87043, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Les visas de sortie sont en général appliqués aux nationaux, par des Etats autoritaires ou/et voulant éviter la « fuite des cerveaux » (cf. Torpey, John (200o), op.cit., p.202 sq.). * Cf. aussi le témoignage de la magistrate Evelyne Sire-Marin concernant les arrestations de travailleurs marocains placés en rétention alors qu'ils quittent la France (« Le témoignage d'un juge », Mediapart, 22 novembre 2009).

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 266

De la loi Debré de 1997 à BIODEV I et II

La « loi Debré »742 de 1997 avait modifié l'ordonnance du 2 novembre 1945743 en insérant un art. 8-3 permettant de relever et de traiter les empreintes digitales des étrangers extra-communautaires demandant un titre de séjour, ainsi que des étrangers « en situation irrégulière en France ou qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ».

Le gouvernement justifiait cette mesure non seulement par la « fraude documentaire sur les cartes de séjour », qui « valent aussi justification de l'identité », mais aussi en affirmant que cela donnerait « une valeur opérationnelle réelle aux mesures d'éloignement dont elles feront éventuellement l'objet. »744 Quatre ans après l'établissement de l'ADGREF, « système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France » qui enregistre leur situation juridique, leur état civil et leur attribue un « numéro national d'identification »745 (il est aujourd'hui envisagé d'y inclure des caractéristiques biométriques, en le rebaptisant GREGOIRE746), le problème de l'identification et de la « fraude » était en effet un thème majeur de cette loi et des débats parlementaires qui l'ont accompagné, tel sénateur affirmant ainsi que « l'anonymat est devenu une véritable filière d'immigration clandestine » et qu' « il suffit de paraître sourd et muet pour être remis en liberté »747. Ainsi, le Conseil d'Etat n'ayant pas reconnu l'utilisation de multiples identités, qui constituait déjà une « fraude délibérée », parmi les motifs de refus de demande d'asile748, la loi Debré (art.11749) qualifie désormais cet acte de « recours

742 Loi n°97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration, JO 25-04-97.

743 Ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. L'art. 8-4 de l'ordonnance a été transféré à l'art. L611-3 du CESEDA.

744 Obs.du gouvernement en réponse aux saisines du Conseil constit., 27 -03-97, JO n°97 du 25-04-97.

745 Décret du 29 mars 1993 (création système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France), JO 29 mars 1993, pris après avis sous réserves de la CNIL, délib. n°91-033 du 07 mai 1991

746 Ligue des droits de l'homme (2009), « Grégoire, petit frère d'Edvige », 9 mars 2009.

747 Sénateur Marquès (groupe centriste) des Pyrénées orientales, cité in Lessana, Charlotte (1998),

« Loi Debré: la fabrique de l'immigré », Cultures & Conflits, n°31-32, automne-hiver 1998, p.125-159.

748 CE, 12 décembre 1986 et 9 février 1994

749 Art. 11 de la loi n°97-396: « Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. ». L'Assemblée nationale avait supprimé l'adjectif « frauduleux », qui a été rétabli ensuite par le Sénat. En effet, selon le rapporteur du Sénat Paul Masson, « cette modification a des conséquences sur le fond du dispositif proposé. » Supprimer l'adjectif implique « en effet que la preuve soit apportée que la présentation de plusieurs demandes sous des identités différentes était bien

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 267

abusif ». De même, la loi consacre la sécurisation des certificats d'hébergement (art.

i), requis pour obtenir un visa, et permet la « retenue » du passeport de l'étranger en situation irrégulière (art. 3), afin d'empêcher que celui-ci ne le fasse disparaître, ce document étant « la clé de son éloignement » selon les mots du gouvernement75°. Elle étend aussi le champ des contrôles d'identité (art. 19), dans des objectifs de lutte contre le travail illégal, ainsi que la durée possible de la rétention (art. 13).

La rétention judiciaire, instituée en 1993 pour parer aux exigences du Conseil constitutionnel en matière de rétention administrative, permet en outre une incarcération de trois mois aux seules fins de l'identification, disposition peu appliquée jusqu'à une circulaire de 1995751. Dès 1994, une autre circulaire demandait aux préfectures de repérer dans les prisons les étrangers en situation irrégulière ou susceptibles d'une mesure d'expulsion, en favorisant notamment les contact avec les greffes de la prison afin d'identifier ces derniers, à l'aide de différents indices (permis de conduire, cartes de sécurité sociale, et même audition des étrangers par des spécialistes des dialectes)752. Des « cellules régionales de coordination et de suivi des étrangers incarcérés » furent créées en 1995 à cette fil-1753. Cette politique a été réaffirmée par des circulaires de 2003 et 2004754.

motivée par un détournement de la procédure d'asile. » Il est donc « souhaitable » de rétablir celui-ci, « afin de prendre en compte les cas où l'utilisation d'identités différentes peut ne pas constituer une fraude mais résulter par exemple des caractéristiques de l'état civil du pays d'origine du demandeur. » (Masson, Paul (1997), « Rapport 200: L'immigration », Commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale - Rapport 200 -1996 /

1997 )

750 Observations du gouvernement (1997), ibid. Le gouvernement rétorque aux auteurs de la saisine que la retenue du passeport « ne prive en aucune façon l'étranger concerné de la possibilité de choisir (...) son pays de destination »; celle-ci est cependant largement restreinte par les accords de réadmission, qui contraignent les Etats à admettre sur leur territoire des étrangers refoulés (qui peut être d'une nationalité autre que celle de l'Etat en question, selon la nature de l'accord). Cf. sur cette question Spire, Alexis (2004), « Le poids des consulats », Plein Droit, n°62, octobre 2004.

751 Circulaire du ministre de la justice du 26 septembre 1995 adressée aux parquets, « concernant l'autorité judiciaire et la lutte contre l'immigration clandestine ». Cf. Lessana, Ch. (1998), art. cit., qui cite M. Debré dans les débats à l'Assemblée nationale: « cette rétention judiciaire de trois mois serait un atout maître pour engager la procédure d'identification » (17 déc. 1996), et Lochak, D. (2004), « Éloigner, une tâche comme une autre », Plein droit, n°62, octobre 2004.

752 Circulaire du ministre de l'intérieur du 10 mars 1994 relative à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, citée par Lochak, D. (2004), art. cit.

753 Circulaire interministérielle du 27 octobre 1995, citée par Lochak, D. (2004), art. cit.

754 Circulaire du ministre de l'intérieur du 22 octobre 2003 : « Amélioration de l'exécution des mesures de reconduite à la frontière » et Circulaire du ministre de la justice du 21 janvier 2004 :

« Amélioration de la coordination entre les établissements pénitentiaires et les services du ministère de l'intérieur pour la mise en ouvre des mesures d'éloignement des étrangers du territoire français ». Citées par Lochak, D. (2004), art. cit.

Les mesures prévues par la loi Debré, concernant le relevé des empreintes digitales, ne furent toutefois pas appliquées jusqu'à 2004. La CNIL le remarque à l'occasion de son examen du projet de « loi Sarkozy »755, qui vise à étendre cette procédure aux demandeurs de visa et aux étrangers entrant sur le territoire de façon irrégulière. Jusqu'à présent, seul le FNAED pouvait être utilisé à des fins d'identification des étrangers en situation irrégulière. La CNIL ne s'oppose pas franchement au projet de loi, considérant qu'il en va bien d' « exigences impérieuses en matière de sécurité ou d'ordre public ». Rappelant que le Conseil européen de Laeken (décembre 2001) avait prévu l'instauration d'une base biométrique pour les demandeurs de visa, elle déclare simplement que l'accès à la base de données biométriques devrait être restreint et sécurisé, un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL devant préciser les organismes y ayant accès, et prend acte de ce que le projet prévoit de créer deux bases distinctes, l'une pour les empreintes des demandeurs de visa, l'autre pour la seconde catégorie (demandeurs de titres de séjour, entrée ou séjour irrégulier, ou faisant l'objet d'une mesure d'éloignement).

L'art. 11 et 12 de la nouvelle loi réforment donc l'ordonnance de 1945 en conséquence, en généralisant à tous les étrangers le prélèvement d'empreintes et en ajoutant qu'ils doivent être photographiés. Seuls les ressortissants d'Etats de l'UE, de l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique sont exceptés de cette mesure. L'introduction de cette clause d'exception, qui fait écho à ce qu'E. Balibar considère comme le développement d'un « racisme spécifiquement « européen » »756, montre que ce « racisme » institutionnel distingue non seulement entre ressortissants extra-communautaires et nationaux des Etats membres, mais, plus finement, entre ces derniers et les ressortissants d'Etat tiers non membres de l'EEE (à savoir l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein) ou de la Suisse, ces derniers étant dotés d'un statut ambigu entre étranger extra-communautaire et citoyen européen. Cela va dans le droit fil de ce que les règlements européens considèrent désormais comme « ressortissant d'un pays tiers », c'est-à-dire les personnes qui ne sont ni ressortissantes d'un Etat de l'UE, ni « ressortissant d'un pays tiers jouissant,

755 Délib. n°03-015 du 24 avril 2003 ; loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité

756 Balibar, Etienne (1999), « Le droit de cité ou l'apartheid? », in Etienne Balibar, Jacqueline Costa-Lascoux, Monique Chemillier-Gendreau, Emmanuel Terray, Sans papiers : l'archaïsme fatal . Paris : Editions La Découverte, 1999.

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en vertu d'accords entre la Communauté et ses Etats membres, d'une part, et le pays en question, d'autre part, de droits de libre circulation équivalents à ceux des citoyens de l'Union européenne. »757 Toutefois, la catégorie des demandeurs de visa est distinguée de la catégorie introduite par la « loi Debré », faisant l'objet de l'art. 8-4 de l'ordonnance de 1945 (désormais L611-6 et L611-3 du CESEDA).

Se référant à l'avis n°7 (2004) du G29, la CNIL examine donc en octobre 2004 le projet de décret instituant, « à titre expérimental », un visa biométrique, assorti de la seconde base biométrique, après le fichier de l'OFPRA, visant des étrangers. Elle précise que la finalité doit être bien déterminée, à savoir « l'amélioration du contrôle de la validité des visas présentés aux personnels de la police de l'air et des frontières et de l'identité de leurs détenteurs, lors du passage aux frontières »758. Dans cette mesure, elle préconise de limiter l'enregistrement des données biométriques aux étrangers ayant obtenu un visa: il s'agit de vérifier l'identité de l'étranger ayant le droit d'entrer sur le territoire, donc détenteur d'un visa, et non pas d'enregistrer les empreintes de tous les étrangers souhaitant entrer sur le territoire. D'évidence, le contrôle aux frontières fait désormais partie des « exigences impérieuses en matière de sécurité ou d'ordre public », ce que le Conseil constitutionnel avait admis dès 1997.

Le décret de novembre 2004759 reprend ainsi les finalités de la loi de 1997 (prévenir les « fraudes documentaires et les usurpations d'identité ») et celle suggérée par la CNIL. Il créé un traitement automatisé, BIODEV, enregistrant les dix empreintes digitales et la photographie des demandeurs de visa (qu'ils l'aient, ou non, obtenu), une vignette visa pouvant, en sus, stocker ces caractéristiques biométriques. Le traitement enregistre en outre toutes les informations stockées sur le Réseau mondial visas 2, créé en 1989 (données d'état civil, caractéristiques du visa). La durée de conservation dépasse celle de deux ans préconisée par la CNIL pour les visas long séjour et les refus de visa, qui est fixée à cinq ans. L'accès, enfin, est limité aux « agents du ministère de l'intérieur, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur central de la police aux frontières. » L'avis de la CNIL, déjà

757 Définition utilisée dans le règlement n°1987/2005 établissant SIS II (art. 3).

758 Délib. n°04-075 du 05 octobre 2004

759 Décret n° 2004-1266 du 25 novembre 2004 (...) (création à titre expérimental ; traitement automatisé des données à caractère personnel relatives aux ressortissants étrangers sollicitant la délivrance d'un visa), JO 26/11/04.

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en retrait par rapport au G29 franchement opposé à tout stockage sur support central des empreintes digitales, n'a donc été que très partiellement suivie. L'année d'après, les maires ont été autorisés à mettre en place des traitements automatisés « relatifs aux demandes de validation des attestations d'accueil »760, disposition prévue par la loi de 2003 (art. 7).

En décembre 2005, la CNIL examine un nouveau projet de décret, visant à étendre la zone d'application de l'expérimentation BIODEV, ainsi qu'à mutualiser les ressources avec les consulats d'autres Etats membres de l'UE, préfigurant ainsi l'établissement du VIS. Désormais, la finalité dépasse le contrôle aux frontières, pour inclure tout contrôle sur le territoire national, le gouvernement s'appuyant notamment sur les procédures de « vérification d'identité » prévu dans le Code de procédure pénale (art. 78-3) pour légitimer la prise d'empreintes des récalcitrants. Les empreintes prises lors du contrôle d'identité seraient alors comparées avec BIODEV puis détruites. La CNIL s'oppose à cette innovation, non prévue par la loi de 1997 (qui n'autorise l'accès qu'au FNAED) et qui tend à confondre les missions de police administrative et de police judiciaire, et déclare ainsi que « d'autres solutions peuvent être étudiées voire expérimentées » 761

Le gouvernement Villepin ne suit guère l'avis négatif de la CNIL, étendant en avril 2006 la finalité du dispositif aux « vérifications d'identité » (art. 78-3 CPP) et l'accès à certains « agents des chancelleries consulaires et des consulats français (...) individuellement désignés et spécialement habilités » et aux « officiers de police judiciaire des services de la police nationale mentionnés à l'annexe 5762, individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet de police ou le commissaire central concerné, pour des missions de vérification d'identité prévues par les articles 78-2 et 78-3 du code de procédure pénale » 763. BIODEV II abandonne en outre le visa biométrique.

76° Délib. n°2005-052 et décret n° 2005-937 du 2 août 2005 pris pour l'application de l'article L. 211-7 du CESEDA et portant sur le traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux demandes de validation des attestations d'accueil

761 Délib. n°2005-313 du 20 décembre 2005

762 Préfet de police, commissariats centraux de Lille, Lyon et Marseille.

763 Art. 4 du décret n° 2006-470 du 25 avril 2006

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VISABIO: du contrôle aux frontières au contrôle des étrangers

En juillet 2007, la CNIL est appelée de nouveau à examiner le projet pérennisant BIODEV, et regrette alors le peu d'études et la faiblesse de l'expérimentation en cours (la base centrale ne contenait, en décembre 2006, que 2,8% de l'ensemble des visas émis)764. Elle prend acte, sans guère plus de résistances, du nouvel élargissement de l'accès au traitement aux « agents des préfectures compétents pour la délivrance et la prorogation des visas », aux douanes ainsi qu'aux différents services chargés de la lutte anti-terroriste, conformément à la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme765. Muette au sujet de cette confusion des finalités, entre contrôle de l'immigration et antiterrorisme, certes voulue par le législateur, elle relève toutefois que le dispositif prévoit d'enregistrer les entrées et sorties, mesure non prévue par le règlement, ainsi qu'une procédure prévue par le projet de décret pour ceux qui sont dans l'impossibilité physique de délivrer leurs empreintes. Elle suggère aussi l'introduction d'une mesure de destruction du fichier, dont la finalité de contrôle de l'immigration en fait autre chose, dit-elle, qu' « un fichier d'identification des étrangers consultable en toutes circonstances »766

Le décret n°2007-1560 créant VISABIO767, sur le fondement de l'art. L611-6 du CESEDA, autorisant l'enregistrement des empreintes des demandeurs de visa, étend à nouveau les finalités, puisqu'il sert non seulement à détecter les demandes multiples sous des identités différentes, ainsi qu'à des fins de contrôle des frontières, mais aussi à « faciliter » les vérifications d'identité (art. 78-3 CPP) ainsi que les vérifications de « l'authenticité des visas et de la régularité du séjour » (en ce cas, la consultation des empreintes digitales est exclue768). D'une expérimentation visant officiellement à vérifier le lien entre le visa et son porteur lors du contrôle aux frontières, on passe ainsi explicitement à une base visant à permettre l'identification

764 Délib. n° 2007-195 du io juillet 2007 (projet de décret; application de l'article L. 611-6 CESEDA)

765 Art. 9 et 3o de la loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers. La saisine du Conseil constitutionnel n'a porté que sur les art. 6 et 8 (décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006).

766

Ibid.

767 Décret n°2007-1560 du 2 novembre 2007 (création traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux étrangers sollicitant la délivrance d'un visa ; application de l'article L. 611-6 du CESEDA)

768 Art. 2 du décret n°2007-1560 et R611-10 sq. du CESEDA.

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des étrangers dans les consulats, aux frontières, et sur le territoire national. Certes, VISABIO n'enregistre les empreintes que des demandeurs de visa; les contrôles d'identité et de titres de séjour, et les rapprochements autorisés avec VISABIO, touchent toutefois tous les étrangers, ou présumés tels. De plus, VISABIO fonctionne comme FNAED bis, ou FNAED réservé aux étrangers, pour tout ce qui concerne les vérifications d'identité opérées sous l'art. 78-3 du CPP, la finalité du FNAED s'étant quant à elle étendue à l'identification des étrangers en situation irrégulière depuis la loi Debré (L611-4 CESEDA). Une extension des finalités de VISABIO à laquelle la CNIL, peut-être refroidie par l'issue malheureuse donnée à sa fin de non-recevoir en décembre 2005, n'a guère opposé de résistance.

VISABIO relève conjointement du Ministère des Affaires étrangères et du Ministère de l'Immigration, et intègre « les images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des dix doigts des demandeurs de visas », seuls les enfants de moins de six ans étant exclus. Les données sont conservées cinq ans, tandis que le décret précise que le traitement ne comprend pas de dispositif de reconnaissance faciale. Lors de l'entrée sur le territoire, l'étranger doté d'un visa peut être soumis à un contrôle de ses empreintes digitales (R211-1 CESEDA).

VISABIO enregistre par ailleurs les différentes données rassemblées dans l'application informatique RMV 2, utilisée par les consulats et qui interroge « de façon systématique » le « fichier d'opposition du système d'information Schengen »

769

Contrairement à ce que préconisait la CNIL, aucune « procédure de destruction en urgence des fichiers » n'a été prévue par le décret, procédure qui permettrait « d'éviter qu'il puisse être utilisé comme un fichier des étrangers pour des fins non voulues par les autorités nationales. »77°

769 L'application Réseau Mondial Visas 2 met en lien le fichier des demandes, délivrances et refus de visas, le fichier central d'attention, le fichier consulaire d'attention, le fichier des répondants signalés, le fichier des titres de voyage répertoriés, le fichier des demandes de carte de commerçant, le fichier des interventions et le fichier du suivi du contentieux. Il consulte par ailleurs le SIS (arrêté du 22 août 2001 portant création d'un traitement informatisé d'informations nominatives relatif à la délivrance des visas dans les postes diplomatiques et consulaires, JO du 14 septembre 2001).

77° Délib. n°2007-195 du 10 juillet 2007.

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FNAD et ELOI et l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté de 2006

Qu'en est-il des « étrangers sollicitant un titre de séjour, ou en infraction relativement au normes régulant l'entrée et du séjour des étrangers, ainsi qu'aux « bénéficiaires de l'aide au retour »71, dont la loi Debré avait permis le recueil d'empreintes? Un arrêté du 3o juillet 2006 réalise cette possibilité, en instaurant avec l'aval de la CNIL le fichier ELOI, visant à « faciliter l'éloignement des étrangers »772. Entre autres mesures, le fichier enregistre la « photographie numérique » de « l'étranger en situation irrégulière » ainsi que sa « filiation complète » (en particulier le « nom, prénom et date de naissance des enfants », pourtant inexpulsables773). Cet arrêté fut toutefois annulé pour excès de pouvoir par le Conseil d'Etat en février 2007, seul un décret en Conseil d'Etat pouvant établir un tel fichier74. La Cour relevait notamment que le fichier comportait « une photographie d'identité des intéressés », l'arrêté n'ayant d'ailleurs pas suivi l'avis de la CNIL qui préconisait de préciser qu'aucun « dispositif de reconnaissance faciale » ne serait instauré. Dans son communiqué de presse, la Cour précisa qu' « aux termes du code, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 26 novembre 2003, un tel décret est en effet nécessaire pour définir les modalités de fonctionnement des traitements automatisés comprenant à la fois des empreintes digitales et des photos d'identité, mais aussi pour des traitements ne comportant que l'une ou l'autre de ces deux données. »75 Tel qu'interprété par la Cour, les art. L611-3 et 5 du CESEDA accordent aux fichiers contenant les photographies d'identité des étrangers le même statut que la loi de 1978 accorde aux traitements biométriques ou aux traitements opérés pour le

771 Extension introduite par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 (art. 62)

772 La CNIL (délib. n°2007-110 du 24 mai 2007) ne s'oppose guère à l'enregistrement non seulement des étrangers en situation irrégulière, mais aussi de l'hébergeant lorsque celui-ci est assigné à résidence, ainsi que des « visiteurs d'une personne étrangère placée en centre de rétention administrative », mesure qui suscite l'indignation des associations de défense de droits des étrangers et des droits de l'homme. Les hébergeants étaient par ailleurs fichés en vertu de l'art. L211-7 du CESEDA et du décret n°2005-937 du 2 août 2005 (le Conseil d'Etat ayant rejeté le recours déposé contre ce décret le 26 juillet 2006, décision n°285714 publiée au recueil Lebon). Pour ELOI, cf. arrêté du 30 juillet 2006 relatif à l'informatisation de la procédure d'éloignement par la création d'un traitement de données à caractère personnel au sein du ministère de l'intérieur, publié au JO le vendredi 18 août 2006 (la date n'étant pas innocente)

773 La « filiation », définie par le Code civil, désigne pourtant un rapport familial ascendant, et non descendant. Cf. par ailleurs Perrotet, Serge, « Le fichage des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement a été institué », Le Village de la justice, 8 janvier 2008.

T74 CE (2007), Section du contentieux sur le rapport de la 10 ème sous-section,

Séance du 7 février 2007 - Lecture du 13 mars 2007 , n°297888,297896,298085 - (GISTI) et autres - SOS RACISME - SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE

775 CE (2007), « Le Conseil d'État annule l'arrêté créant le fichier Eloi », communiqué de presse.

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compte de l'Etat contenant des « données sensibles ». En raison de la formulation du CESEDA, on ne saurait dire que cette protection s'accorde à tout fichier contenant des photographies d'identité; elle n'en demeure pas moins intéressante.

Le fichier ELOI est donc re-créé par le décret du 26 décembre 2007, qui lui ajoute une finalité statistiquen6, notamment afin d'évaluer l'effectivité des mesures d'éloignement, mais se restreint aux « étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ». Contrairement à l'avis de la CNIL, le décret ne mentionne pas que « les résultats issus des requêtes statistiques ne doivent pas permettre d'identifier les personnes »777.

Les données, qui comportent notamment la photographie d'identité, le numéro ADGREF et les données concernant les enfants, sont en principe conservées trois mois après l'éloignement effectif, sinon trois ans. Toutefois, certaines d'entre elles « peuvent être conservées jusqu'à l'expiration d'une période de trois ans » (R611-28 CESEDA): il s'agit notamment de la plupart des données « relatives à l'étranger » permettant son identification (nom, prénom, ainsi que ceux des parents et des enfants, numéro ADGREF, photographie d'identité, etc.), des données « relatives à la mesure d'éloignement », des données concernant une éventuelle « soustraction à l'exécution d'une mesure d'éloignement » ainsi que d'éventuels recours contentieux, et des données relatives à la demande de laisser-passer consulaire.

Il est précisé qu'aucun dispositif de reconnaissance faciale ne sera établi. Les visiteurs des CRA ne sont plus fichés: la CNIL ne s'y était pourtant pas opposée, l'opposition des associations de défense des étrangers et des droits de l'homme ayant sans doute été plus déterminante dans la suppression de cette mesure du projet de décret. Tout comme pour ce qui regarde la biométrie à l'école, on note ici que des organisations politiques, ici associatives, « doublent » parfois la CNIL sur son propre terrain.

776 Décret n° 2007-1890 du 26 décembre 2007 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement et modifiant la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, publié le 30 décembre 2007, à nouveau à une date stratégique.

777 Délib. n°2007-110 du 24 mai 2007

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La Cimade, le GISTI, IRIS et la LDH déposèrent un nouveau recours contre ce décret le 28 février 2008778. Ils soutenaient notamment que le décret aurait du être pris en consultation avec le Conseil national de l'information statistique (CNIS), en vertu de la loi de 1951 et du décret n°2005-533 relatif au CNIS779 et affirmaient aussi que la nationalité devrait être comptée au rang des « données sensibles ». Au contraire, la CNIL considère aujourd'hui qu'il s'agit d'une « donnée objective » ne relevant donc pas de cette catégorie'$°; elle a pu cependant, dans le passé, considérer que « l'information relative à la nationalité des personnes peut indirectement faire apparaître leur origine raciale »781. De plus, les requérants remarquaient que « le décret ne spécifie aucune mesure relative à ces statistiques, à leur établissement, à leur encadrement, ni à leur utilisation »782 et que cette nouvelle fonction conduit à une confusion, « voire à un détournement de finalité », le CESEDA n'ayant nullement prévu l'établissement de statistiques à partir d'un tel fichier. L'inclusion du numéro ADGREF permet aussi, soulignaient-ils, une interconnexion des fichiers, non prévue par le décret, et qui, le cas échéant, soumettrait le décret à l'autorisation de la CNIL. D'autre part, l'inclusion d'une mention concernant la « nécessité d'une surveillance particulière au regard de l'ordre public » ne serait pas justifiée selon les requérants, non plus que l'inclusion des données concernant les enfants, qui risquerait de stigmatiser ceux-ci en tant qu'enfants de « sans-papiers » et d'hypothéquer leurs chances d'obtenir plus tard un titre de séjour783.

778 Deuxième recours conjoint de la CIMADE, du GISTI, d'IRIS et de la LDH pour l'annulation du fichier ELOI et Mémoire en réplique des associations au mémoire du ministère de l'Intérieur (15 septembre 2008): cf. http://www.iris.sgdg.org/actions/fichiers/index.html

T79 Loi n°51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques et décret n° 2005-333 du 7 avril 2005

780 « L'adresse, la nationalité et le lieu de naissance ne sont pas considérés par la CNIL comme des données « sensibles » au sens de l'article 8. En effet, l'information sur le lieu de naissance de la personne fait partie de l'état civil et est considérée comme une donnée « objective ». La Commission porte cependant une attention particulière au traitement des données relatives à la nationalité et au lieu de naissance dans les fichiers, la pertinence de leur collecte devant être dûment justifiée, au cas par cas, par le responsable du traitement. »(Debet, Anne (2007), « Mesure de la diversité et protection des données personnelles », rapport de la CNIL, p.12).

781 Délib. n°88-120 du 8 nov. 1988 (Fichier des personnes recherchées)

7$2 Souligné dans le recours.

783* Le Conseil d'Etat a depuis statué sur ce recours, rejetant la majorité des requêtes des associations; seules l'inscription du numéro ADGREF et la durée de conservation de trois ans de certaines données ont été jugées contraires aux principes d'adéquation, de pertinence et de proportionnalité. Cf. CE, 30 décembre 2009, n°312 031, 313 760, SOS Racisme, GISTI & al., et commentaire de Serge Slama, « Eloi du plus fort: invalidation très partielle du fichier des étrangers en instance d'éloignement (CE, 3o décembre 2009, SOS Racisme, Gisti et a.) », http://combatsdroitshomme.blog.lemonde.. r/2olo/01/o4/eloi-du plus fort-invalidation-tres-partielle-dufichier-des-etrangers-en-instance-deloignement-ce-3o-decembre-2009-sos-racisme-gisti-et-a/

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Par ailleurs, dans la continuité de l'arrêté de juillet 2006, un décret du 25 juillet 2007 créé un fichier relatif aux étrangers arrêtés aux frontières, dit « Fichier des non-admis » (FNAD) qui enregistre les « images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des dix doigts » ainsi que « l'image numérisée de la page du document d'identité ou de voyage supportant la photographie du titulaire », couplées aux informations d'état civil, « complétée par l'identité des mineurs dont il est accompagné », du titre du voyage, du motif du refus d'entrée et de la « suite réservée à la procédure de non-admission »784.

Pour les « besoins exclusifs des procédures administratives ou juridictionnelles de refus d'entrée sur le territoire et, le cas échéant, de maintien en zone d'attente des ressortissants étrangers mentionnés à l'article R. 611-18 », à savoir les demandeurs de visa par ailleurs fichés au VISABIO, d'autres données sont conservées pour une durée de 32 jours, en particulier les données de santé résultant « des examens médicaux relatifs à la compatibilité du maintien en zone d'attente ou à la détermination de l'âge de l'étranger »; données de santé non évoquées par l'avis de la CNIL délivré six mois plus tôt78 .

Ecartant l'adjonction d'un dispositif de reconnaissance faciale, le décret n°20071136 précise par ailleurs qu'il vise à lutter contre l'immigration irrégulière « en facilitant l'identification des étranger qui, lors de leur contrôle à l'occasion du franchissement de la frontière à l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle, en provenance d'un pays tiers aux Etats parties » à la convention de Schengen « ne remplissent pas les conditions » d'entrée. En vertu de la loi de 2006 sur le terrorisme, les services concernés ont accès à ces données.

784 Décret n° 2007-1136 du 25 juillet 2007 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel des ressortissants étrangers qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière, ne remplissent pas les conditions d'entrée requises et modifiant la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (pris en Conseil d'Etat); * ce décret a été modifié par le décret n°2009-1483 du f décembre 2009, qui proroge l' « expérimentation » pour une durée de quatre ans et oblige à inscrire, le cas échéant, sur le fichier la mention de l'impossibilité de collecte des empreintes digitales.

785 Délib. n°2007-008 du 18 janvier 2007 portant avis sur le projet de décret pris pour l'application des articles L. 611-3 à L. 611-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et portant création du fichier des non-admis (FNAD)

Il s'agit là d'une finalité fantasmatique, comme le remarque en termes plus mesurés la CNIL, puisque par définition, l'identification ne peut jouer que pour des personnes déjà fichées. Selon elle, « le principal intérêt du fichier résiderait donc dans la prévention et la détection des personnes commettant de nouveau une infraction aux règles d'entrée et de séjour des étrangers. En outre, l'identification de la personne requiert que les données d'identité associées aux empreintes relevées la première fois soient exactes. »786 Pour autant, la CNIL ne s'oppose pas au décret, et ne requiert aucun seuil d'âge minimum.

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786 Dé1ib. n°2007-008 du 18 janvier 2007

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4.Du fichier dactyloscopique des demandeurs d'asile a la base de données Eurodac

Le fichier dactyloscopique des demandeurs d'asile, dépendant de l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et des apatrides), créé par arrêté en 1989787, est, avec le FNAED, l'un des premiers systèmes biométriques autorisés par la CNIL. Enregistrant les empreintes digitales des deux médius, le fichier de l'OFPRA vise à prévenir ce qu'on appellera plus tard, dans le cadre de la Convention de Dublin,

l' « asylum shopping », ou le fait de présenter plusieurs demandes d'asile sous des identités civile distinctes. Ce fichier est ainsi l'ancêtre d'EURODAC, qui poursuit la même finalité au niveau européen.

A. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DU FICHIER DACTYLOSCOPIQUE DE

L'OFPRA: DE 1987 A LA CONVENTION DE DUBLIN EN PASSANT PAR LA LOI DEBRÉ

En 1987, la CNIL avait émis un avis favorable avec réserves à la mise en place du fichier de l'OFPRA, « à titre expérimental », pour une durée de deux ans, expérience prolongé à nouveau pour deux ans en octobre 1989788. Elle notait en particulier le caractère anonyme du fichier, une table de concordance entre l'identité du demandeur d'asile et un numéro aléatoire permettant de relier l'empreinte au requérant. De plus, elle considérait que, puisqu'en cas de coïncidence entre les empreintes digitales prélevées lors de demandes distinctes, la personne serait simplement convoquée par l'OFPRA, le projet ne contredisait pas l'art. 2 de la loi de 1978, qui dispose qu' « aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé. » Enfin, elle émettait la réserve selon laquelle « en cas de circonstances exceptionnelles » la « destruction du système » devait être prévue

787 Arrêté du 28 juin 1989 (JO du ii juillet 1989, NOR: MAEF8910013A) et arrêté du 21 décembre 1989 (JO 8 janvier 1990, NOR: MAEF8910053A ).

788 CNIL, délib. n°87-106 du 3 novembre 1987 ; délib. n°89-110 du 10 octobre 1989

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« sous forme d'instruction », réserve qui n'a pas été reprise par l'arrêté. Celui-ci fixait la durée de conservation à 5 ans, ce qui avait été exigé par la CNIL, et précisait la finalité du dispositif, limitée à la « détection des tentatives d'obtention frauduleuse du statut de réfugié » (art. 2), l'OFPRA en étant le seul destinataire (art. 5). L'arrêté précisait aussi que le « fichier ne [ferait] l'objet d'aucune cession ni d'aucune interconnexion » (art. 6).

Sollicitée en 1991 par le directeur de l'OFPRA qui souhaitait obtenir une autorisation de mise en oeuvre définitive du fichier, la CNIL décida de procéder à une vérification sur place pour s'assurer que ses recommandations, émises lors des délibérations pré-citées, avaient bien été suivies789. A l'issue de cette visite, elle donna son aval à la mise en place permanente du fichier79°. Elle pris alors acte du fait que, le dispositif visant à la destruction du fichier en cas de circonstances exceptionnelles n'ayant pas été instauré lors de sa visite, le directeur de l'OFPRA lui avait transmis un « exemplaire de l'instruction interne de sécurité » visant à organiser cette procédure. Elle précisa aussi que « la durée de conservation ne [devrait] plus faire l'objet de publicité dans l'arrêté » afin de ne pas « fournir des indications aux auteurs de demandes multiples ». Aucun arrêté ne fut cependant publié. En 1995, elle autorisa l'augmentation de la durée de conservation des données de cinq à dix ans791. Un arrêté fut alors publié, abrogeant l'arrêté de 1989 tout en reprenant l'essentiel des dispositions antérieures, mais sans préciser, conformément aux indications de la CNIL, la durée de conservation des données792.

En 1997, le projet de « loi Debré » prévoyait d'étendre l'accès au fichier de l'OFPRA et au FNAED, géré par le ministère de l'Intérieur, aux « agents expressément habilités des services du ministère de l'intérieur et de la gendarmerie nationale. »793 Le Conseil constitutionnel a cependant censuré la disposition permettant l'accès des forces de l'ordre, dans le cadre d'une mission de police administrative, au fichier détenu par l'OFPRA, lequel avait enregistré, depuis sa

789 CNIL, délib. n°92-o27 du 17 mars 1992 (vérification sur place ; fichier dactyloscopique des demandeurs du statut de réfugiés ; OFPRA)

79° Délib. n°92-052 du 26 mai 1992

791 CNIL, délib. n°95-126 du 24 octobre 1995 (demande modificative présentée par l'OFPRA relative à la durée de conservation des informations enregistrées dans le fichier dactyloscopique...)

792 Arrêté du 6 novembre 1995 portant création permanente d'un fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs du statut de réfugié, publié au JO du 14 novembre 1995.

793 Projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, texte définitif adopté par le Sénat le 26 mars 1997

création, 200 00o profils794. Le Conseil a en effet considéré que « la confidentialité des éléments d'information détenus » par l'OFPRA « est une garantie essentielle du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle qui implique notamment que les demandeurs du statut de réfugié bénéficient d'une protection particulière ; qu'il en résulte que seuls les agents habilités à mettre en ouvre le droit d'asile, notamment par l'octroi du statut de réfugié, peuvent avoir accès à ces informations, en particulier aux empreintes digitales des demandeurs du statut de réfugié »795. Cette décision est intéressante en ce qu'elle répond clairement à un argument alors invoqué par le gouvernement, qui affirmait que l'inviolabilité des documents détenus par l'OFPRA, en vertu de la loi de 1952, ne s'appliquait qu' « aux récits des demandeurs d'asile et [à] tous les documents relatifs aux personnes dotées du statut de réfugié », mais non aux « empreintes des personnes ayant demandé le statut de réfugié et ne l'ayant pas obtenu. »796 Cela sous-entend que le gouvernement voulait imposer une distinction non seulement entre les réfugiés et les déboutés du droit d'asile, mais aussi entre les empreintes digitales et les récits biographiques. Le Conseil ne s'est pas prononcé sur cette distinction implicite entre empreintes et récits, mais uniquement sur le caractère inviolable des documents détenus par l'OFPRA, assimilant toutefois implicitement les empreintes enregistrées dans le fichier à des « documents ».

Nonobstant la décision du Conseil, on remarque que dès 1991, le GISTI signalait l'utilisation illégale du fichier de l'OFPRA, indiquant ainsi qu'« au centre d'accueil des demandeurs d'asile de Réaumur Sébastopol, des interpellations au guichet sont pratiquées lorsque l'individu figure sur le fichier des personnes recherchées ou s'il a déposé plusieurs demandes d'asile sous des noms différents, mais qui s'avèrent -- grâce à la comparaison des empreintes digitales recensées dans un fichier informatique autorisé par la CNIL depuis 1990 -- correspondre au même individu. »797

Saisie d'un projet d'arrêté visant à mettre en oeuvre la Convention de Dublin de 1990 qui réglemente les critères utilisés pour déterminer l'Etat responsable d'une demande d'asile, notamment l'art. 15.2 concernant « l'identité du demandeur », la

794 Observations du gouvernement en réponse aux saisines du Conseil constitutionnel en date du 27 mars 1997, JO n°97 du 25 avril 1997.

795 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 (« loi Debré »)

796 Observations du gouvernement (1997), ibid.

7"7 GISTI, « Portes ouvertes dans quelques préfectures », Plein Droit n°15-16, novembre 1991.

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p.

28o

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 281

CNIL autorise en 1998, un an après le traité d'Amsterdam prévoyant l'intégration des accords d'application de la Convention de Schengen au droit communautaire, l'échange inter-étatique des données dactyloscopiques concernant les exilés798. La procédure prévoit que les données envoyées par un Etat-tiers soient adressées à la DLPAJ (Direction des libertés publiques et des affaires juridiques) du ministère de l'Intérieur, qui les transmet immédiatement, sans les enregistrer, à l'OFPRA, lequel les compare à son fichier, sans les enregistrer, et informe la DLPAJ du résultat obtenu (« connu » ou non). Ce dispositif vise à la confidentialité de ces informations, reconnue par le Conseil constitutionnel comme une garantie essentielle du droit d'asile. Le ler janvier 2000, l'arrêté du 9 décembre 1999 mettant en oeuvre ces dispositions est publié, reprenant pour le reste les dispositions antérieures, en particulier concernant la finalité du fichier et la non-connexion de celui-ci à d'autres. L'art. ler dispose désormais que les « empreintes digitales ne peuvent être utilisées qu'en vue de la détection des tentatives d'obtention frauduleuse du statut de réfugié ou de la détermination de l'Etat responsable du traitement d'une demande d'asile. »799 Ainsi, les informations détenues par l'OFPRA sont désormais partagées avec l'ensemble des Etats parties prenantes à la Convention de Dublin.

798 Dé1ib. n°98-o33 du 31 mars 1998 (projet d'arrêté ; OFPRA - empreintes digitales ; réfugié)

799 Arrêté du 9 décembre 1999 modif. l'arrêté du 6 novembre 1995 portant création permanente d'un fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs du statut de réfugié (JO, 01-01-00)

B. LA MISE EN PLACE D'EURODAC

« Depuis le 5 mai, 170 personnes ont été reçues aux permanences de la sous-préfectures, à raison de deux jours par semaine. Cinquante et une ont été identifiées par leurs empreintes digitales comme étant passées par les bornes Eurodac en Grèce et en Italie. Cinquante sept ont des empreintes effacées (les migrants se brûlent ou se coupent la peau des doigts en espérant ne pas être identifiés, ndlr). Trente et un ont reçu une autorisation provisoire de séjour, 29 sont déjà en Centre d'accueil pour demandeur d'asile. »

Gérard Gavory, sous-préfet de Calais, 20 juillet 2009800.

Le 11 décembre 2000, le Conseil européen décide par le règlement (CE) n°2725/2000 la création d'EURODAC qui vise à comparer les empreintes digitales des exilés en vue de « l'application efficace de la convention de Dublin »$O1 Officiellement, EURODAC, qui est le premier système automatisé d'identification des empreintes digitales (AFIS, Automated Fingerprint Identification System$O2) à être mis en place au niveau de l'Europe (l'UE ainsi que la Norvège, l'Islande et la Suisse), vise à prévenir la procédure de l'« asylum shopping », qui désigne le fait pour un demandeur d'asile de déposer une demande dans plusieurs Etats-membres de l'UE, afin d'augmenter les chances (infimes$°3) d'être admis. Il s'agit donc d'un système à finalité identificatrice, fonctionnant comme une « watch list », chaque empreinte d'un demandeur d'asile étant comparée avec le système central, pour s'assurer qu'une demande sous un autre nom ou dans un autre Etat n'ait pas été déposée auparavant par le demandeur. En cela, EURODAC, qui est opérationnel depuis 2003, ne fait que généraliser à l'échelle européenne le système mis en place par l'OFPRA dès 19871989. Toutefois, à la différence du fichier de l'OFPRA, EURODAC intègre aussi les empreintes des personnes appréhendées et non refoulées lors du franchissement

80° Reuters, « A Calais, les Afghans menacés de «retours forcés» », publié sur Libé-Lille, 20 juillet 2009: http://www.libelille.fr/saberan/2009/07/interview-souspr%C3%A9fet-de-calais.html 801 Règlement (CE) n°2725/2000 du Conseil du ii décembre 2000 concernant la création du système «Eurodac» pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin, publié au JOCF le 15 décembre 2000.

8°2 Le FBI possède une base similaire, IAFIS, et prévoit d'intégrer d'autres caractéristiques biométriques dedans (iris, tatouages, etc.).

803 73% des 193 690 demandes d'asile déposées en 2008 dans l'UE-27 ont été rejetées en première instance; 13% (soit moins de 25 000 demandes) ont été acceptées; 10% ont bénéficié de la protection subsidiaire, et 5% d'une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires (EUROSTAT,

« Demandes d'asile dans l'UE en 2008; Environ 20 000 demandeurs d'asile enregistrés chaque mois dans l'UE27 », communiqué de presse 66/2009, 8 mai 2009) .

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p.

282

irrégulier d'une frontière, et permet aussi la comparaison des empreintes d'étrangers interpellés en situation irrégulière. Si ces derniers sont identifiés, ils sont renvoyés dans l'Etat où ils ont effectué leur demande d'asile. De même, les personnes déposant une demande d'asile mais ayant été préalablement fichées lors d'une interpellation à la frontière sont renvoyées vers l'Etat les ayant interceptées, sans les avoir refoulées. Prévu par la Convention de Dublin, ce mécanisme vise à inciter l'ensemble des Etats à contrôler de près leurs frontières.

Le système poursuit aussi une finalité statistique quant aux demandes d'asile, ce qui permet d'élaborer des rapports annuels chiffrant et localisant les demandes d'asile effectuées, les « demandes multiples », ainsi que le nombre de personnes interpellées lors d'un franchissement illégal de frontières (art. 3). Comme bien d'autres indicateurs de la « délinquance », il fonctionne ainsi comme un thermomètre de l'activité policière tout autant que des « tendances en matière de demandes d'asile et d'entrées illégales », comme le présente la Commission européenne.

Enfin, la Commission a proposé en septembre 2009 d'étendre l'accès à EURODAC aux autorités en charge de la lutte contre le terrorisme et les « infractions pénales graves »8°4. La proposition de modification du règlement EURODAC affirme ainsi:

«Lorsqu'une personne soupçonnée d'avoir commis un acte de terrorisme ou une autre infraction pénale grave a été enregistrée dans le passé comme demandeur d'asile, mais qu'on ne trouve, dans aucune autre base de données, des données la concernant, ou bien seulement des données de caractère alphanumérique (lesquelles peuvent être inexactes, par exemple si la personne en question s'est présentée sous une fausse identité ou qu'elle a produit des documents falsifiés), les informations biométriques contenues dans EURODAC constituent peut-être les seules informations disponibles pour l'identifier. »805

Ainsi, lorsque les échanges de données dactyloscopiques prévues par le traité de Prilm n'ont rien donné, il pourrait être fait appel au système EURODAC (art. 3). La nouvelle proposition de règlement indique expressément que ces données ne

8o4 « La Commission entend renforcer la lutte contre le terrorisme et autres infractions pénales graves en autorisant les services répressifs à consulter les empreintes digitales des demandeurs de protection internationale », Bruxelles, 10 sept. 2009, IP/o9/ 1295

8o5 Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la création du système EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (CE) n° [.../...] (COM(2oo9) 344, accessible sur http://www.statewatch.org/news/2oo9/sep/eu-com-eurodac-lea-access-fr.pdf)

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p.

283

devraient pas être échangées avec des Etats tiers, afin de parer aux craintes des demandeurs d'asile que l'Etat qu'ils fuient puisse y avoir accès, et que des statistiques devraient être élaborées concernant le « nombre de comparaisons effectuées à des fins répressives » ainsi que le « nombre de résultats positifs » (cons. 21 et art. 3 et 6): en d'autres termes, afin de savoir si les demandeurs d'asile constituent « une population à risque ». Par ailleurs, elle devrait remplacer le terme « demandeur d'asile » par « demandeur de protection internationale », incluant ainsi les demandes de protection subsidiaire et non seulement celles visant à obtenir le statut de réfugié.

EURODAC est constitué d'une unité centrale, hébergée par la Commission européenne, dont les frais de fonctionnement se sont élevés en 2008 à plus de 600 00o euros8o6. Les autorités nationales en charge des procédures d'asile disposent d'un point d'accès national à cette unité centrale, dans laquelle sont stockées les empreintes digitales. Le système n'enregistre que les empreintes digitales, associées à un numéro de dossier, ainsi qu'au sexe de la personne: les noms ne sont pas enregistrés. Il est divisé en trois sous-systèmes, correspondant chacun à une catégorie d'étrangers, la durée de conservation des données et l'usage de celles-ci différant. Dans tous les cas, l'âge minimal pour la prise d'empreintes est fixé à 14 ans.

8°6 Publication du rapport annuel de 2008 sur EURODAC, Bruxelles, 25 sept. 2009, MEMO/o9/414

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p.

284

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 285

Tableau des catégories d'étrangers utilisées par EURODAC

Catégorie

d'étranger

Article du

règlement

n°2725/2000

Durée de conservation des données

Cas prévu d'effacement des données

Catégorie 1:

Demandeurs d'asile

Art. 4-7 (chap. II) et 12 (chap. IV)

10 ans (comparaison avec les données déjà transmises)

Acquisition

citoyenneté d'un Etat

membre8o7. En cas

d'acquisition du statut de réfugié, les données

sont « verrouillées »
(conservées).

Catégorie 2:

Etrangers (et apatrides)

interpellés lors du
franchissement

irrégulier d'une
frontière et non refoulés

Art. 8-10 (chap. III)

2 ans8°8 (comparaison

avec des données

relatives à des

demandeurs d'asile
transmises

ultérieurement)

Acquisition d'un titre

de séjour; de la

citoyenneté d'un Etat

membre; sortie du
territoire de l'UE.

Catégorie 3:

Etrangers interpellés

sur le territoire national en situation irrégulière

Art. 11(chap. IV)

Néant (comparaison

uniquement avec la
catégorie 1, aux fins, le cas échéant, de renvoi

dans l'Etat où une
demande d'asile a été effectuée).

 

Les empreintes des étrangers interpellés alors qu'ils sont en situation irrégulière sur le territoire (catégorie 3) sont comparées aux empreintes des personnes ayant déposé une demande d'asile (catégorie i) mais ne sont pas enregistrées. S'il est identifié, il est alors renvoyé dans l'Etat où il a effectué sa demande d'asile. Cette comparaison s'effectue en particulier si le sans-papier « n'indique pas l'Etat membre » dans lequel il a effectué sa demande d'asile ; s'il s'oppose « à son renvoi en faisant valoir qu'il s'y trouverait en danger » ; « s'il fait en sorte d'empêcher d'une autre manière son éloignement en refusant de coopérer à l'établissement de son identité, notamment en ne présentant aucun document d'identité ou en présentant de

8°7 Une proposition amendée par le Parlement européen en mai 2009 vise à inclure l'acquisition d'un permis de séjour de longue durée parmi les circonstances permettant l'effacement des données des demandeurs d'asile (Résolution législative du Parlement européen du 7 mai 2009 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la création du système "Eurodac" pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (CE) n° [.../...] [établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride] (refonte) (COM(2oo8)0825 -- C6-o475/2008 -- 2008/0242(COD)) .

8°8 La nouvelle proposition de règlement prévoit de réduire cette durée à un an.

faux documents d'identité » (art. ii). En 2008, cette fonction a été utilisée 75 919 fois, soit 17,6% de fois plus qu'en 2007, selon le rapport Eurodac 20088°9.

L'application des mesures concernant EURODAC a été précisée, en France, par la circulaire du ministère de l'Intérieur du 31 décembre 2002$10. Désormais, les empreintes digitales de tous les doigts sont prises, et non plus simplement de deux doigts. Ceci est rendu nécessaire afin d'éviter les « fiches inexploitables » en raison de l'agrandissement de la base de données, et donc de la population concernée. Le même système de relevé d'empreintes est pratiqué par tous les Etats membres afin de faciliter les comparaisons, la Commission européenne proposant un modèle de fiche décadactylaire (cf. image ci-contre$11). Des bornes numériques de relevé d'empreintes, coûtant chacune 5o 000 euros, ont été mises en place dans les préfectures faisant face à un grand nombre de demandes d'asile.

Ainsi, EURODAC concerne tout autant les demandeurs d'asile que toute personne

dans les Etats

ayant commis une infraction constatée à la législation sur les étrangers participant à la Convention de Dublin (c'est-

Projet de fiche Eurodac

à-dire, au 31 décembre 2008, tous les Etats d'empreintes digitales

K

EMPREINTES ROULÉES

1. Pouce dr.t 2. Index d'oit 3. medws drort Annulaire droit

membres de l'UE, plus l'Islande, la Norvège et la Suisse$12). La jonction de ces deux, finalités (faciliter l'harmonisation des procédures d'asile et lutter contre l'immigration irrégulière) est considérée par nombre d'auteurs et d'associations comme
·
, l'un des signes de la tendance à ^ subordonner le droit d'asile à la lutte contre'.

AIN .GALCHE

l'immigration irrégulière, elle-même EMPREINTES DE CONTRÔLE

GALICH DROIT

8°9 Publication du rapport annuel de 2008 sur EURO]

81° Circulaire du 31 décembre 2002, NOR/INT/D/o2/

Accessible sur

http://www.interieur.gouv.fr/sections/a votre service/lois decrets et circulaires/2002/INTDo200

219C.pdf/downloadFile/file/INTD0200219C.pdf?nocache=1159264324.19

811 Annexe 2 du Règlement (CE) n°407/2002 du Conseil du 28 février 2002 fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n°2725/2000.

812 Ou Dublin II, selon le Règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers.

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p.

286

assimilée dans nombre de textes officiels aux dangers représentés par le « terrorisme ».

Cela seul justifierait de s'arrêter un moment sur l'utilisation, dans ce cadre, de la biométrie. En effet, ces technologies s'appliquent ici à des personnes qui affirment fuir les persécutions dont elles sont victimes dans leur pays, et revendiquant donc le droit aux protections accordées aux réfugiés. Il s'agit par conséquent de personnes privées de la protection juridique accordée par leur Etat, et qui, pour bénéficier du statut de sujet de droit, doivent s'en remettre soit à des organismes internationaux tels le HCR (Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés8l3), soit, en l'espèce, aux autorités des Etats signataires de la Convention de Dublin. Le droit international et communautaire accorde à ces personnes un certain nombre de droits, mais, du fait de leur fragilité et de leur histoire, celles-ci se trouvent dans un état de faiblesse tel qu'il est difficile de faire valoir ces droits. Conjuguée à leur appréhension en tant que possibles « fraudeurs » et amalgamés aux « immigrés clandestins », c'est-à-dire aux personnes soupçonnées ou jugées responsables d'une infraction au droit des étrangers, qui eux-même sont amalgamés aux dangers du « terrorisme », ceci fait de ces personnes en état de faiblesse extrême (après H. Arendt, G. Agamben parle de « vie nue ») des personnes potentiellement très « dangereuses ». La conjonction de ces deux facteurs, « faiblesse » et « dangerosité », d'autant plus que la lutte contre le terrorisme représente un enjeu de sécurité nationale légitimant un certain nombre d'exceptions au regard du droit commun, transforme ces personnes en cibles idéales d'expérimentation de procédures d'identification, de la même façon que les nomades, en France, puis les étrangers, ont été les premiers assujettis au port de la carte d'identité obligatoire (du carnet anthropométrique pour ces derniers).

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 287

813 Cf. Michel Agier et Jérôme Valluy, « Le HCR dans la logique des camps », in Olivier Le Cour Grandmaison, Gilles Lhuilier, Jérôme Valluy (dir.), Le retour des camps ? Sangatte, Lampedusa, Guantanamo..., Paris : Autrement, 2007, p. 153-163

C. LA QUESTION DE L'ÂGE: ÉTAT CIVIL ET CONTRÔLES MÉDICAUX

Comme les autres systèmes biométriques, EURODAC pose un problème juridique et éthique, concernant l'âge des personnes contraintes de se faire prélever les empreintes digitales. Toutefois, s'agissant d'exilés pouvant être dénués de papiers, et donc de tout document d'état civil prouvant leur âge, EURODAC est impliqué dans une boucle identificatrice: il faut pouvoir déterminer l'âge de la personne, souvent dénuée de tout document d'identité en raison de son statut, avant de pouvoir légalement prélever ses empreintes, qui serviront à son identification ultérieure. A défaut de déterminer l'état civil du sujet, il faut d'abord déterminer son âge, ce qui n'est pas sans poser de problèmes.

Le second rapport du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) concernant EURODAC, de juin 2009, met précisément l'accent sur ce point$14. Il s'intéresse aussi à la mise en oeuvre du droit d'information et du droit d'accès et de rectification aux données, prévus par l'art. 18 du règlement (CE) n°2275/2000 (« règlement EURODAC») ainsi que par la directive 95/46/CE, qui, citée par le règlement, intervient en tant que lex generalis. Nous nous intéresserons ici cependant davantage à la question de la détermination de l'âge.

Les articles 4, 8 et 11 du règlement EURODAC disposent en effet que les empreintes digitales des mineurs de plus de 14 ans, appartenant aux catégories de personnes sus-mentionnées, doivent être prélevées et enregistrées dans l'unité centrale. Pour appliquer cette règle, les autorités nationales doivent donc estimer l'âge des personnes interpellées. Qu'elles soient dépourvues, pour la majorité, de papiers d'identité émis par leurs autorités, ou que les autorités nationales parties prenantes à Dublin jugent leur fiabilité trop faible, les agents en charge de cette estimation ne peuvent donc s'appuyer sur l'état civil des personnes. Les moyens les plus souvent utilisés sont donc, en premier lieu, des examens médicaux divers, et, en second lieu, les déclarations elles-mêmes des personnes. Dans certains Etats membres (non majoritaires), la déclaration prévaut sur les autres modes d'estimation de l'âge815, et, en cas de doute, peut être considérée comme vraie (in dubio pro).

814 Eurodac Supervision Coordination Group Second Inspection Report, 24 juin 2009.

815 Ibid., p.18

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