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Des identités de papier à  l'identité biométrique

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par David Samson
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 de théorie et analyse du droit 2009
  

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3. Conséquences et interprétation de l'arrêt S. et Marper v. Royaume-Uni

Sans nul doute, l'arrêt de la CEDH de décembre 2008 a des conséquences importantes, en particulier concernant la législation britannique, qui autorisait jusqu'alors la conservation sans durée de limites des échantillons et empreintes prélevées lors d'enquêtes judiciaires, visant toutes sortes d'infractions, y compris des infractions non passibles de peines de prison, et quels que soit les résultats du processus judiciaire (acquittement, non-lieu, condamnation, suspension des poursuites, etc.). Ce faisant, la Cour va plus loin: elle condamne comme fondamentalement anti-démocratique le projet de constituer une base de données biométriques exhaustive, fût-ce à des fins de prévention du crime.

Etant donné la conjoncture actuelle, qui conduit à un accroissement considérable du nombre de ces bases de données, de leur taille, et des personnes qui sont susceptibles d'y figurer, sans doute cet arrêt marque-t-il une position de principe importante, en érigeant une limite au « tout fichage »902. Cette prise de parti de la Cour vaut pour davantage que le Royaume-Uni, puisque cette tendance est à l'oeuvre au sein de l'Union européenne et de la France (traité de Prüm, EURODAC, SIS II, passeport biométrique, extension du FNAEG, etc.). S. Preuss-Laussinotte rappelle qu' « en France, les profils ADN peuvent être conservés pendant vingt-cinq ans après un acquittement ou l'abandon des poursuites. Si le procureur de la République peut ordonner leur suppression avant l'expiration de ce délai, «soit d'office soit sur demande si la conservation n'est plus nécessaire à des fins d'identification dans le cadre de poursuites pénales », force est de constater que cette suppression est extrêmement rare : outre le fait que la procédure ouverte aux personnes est peu connue, la notion de nécessité de conservation à des fins d'identification est conçue de manière très extensive. »9°3

9O2 Preuss-Laussinotte, Sylvia (2008), « Données biométriques et libertés (CEDH, GC 4 déc. 2008, S. et Marper c. Royaume-Uni », Combat pour les droits de l'homme, blog hébergé sur le site du Monde: http://combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/2oo8/12/o8/donnees-biometriques-et-libertes-cedh-gc-4-dec-2oo8-s-et-marper-c-royaume-uni-par-s-preuss-laussinotte/

9°3 Ibid. Cf. chap. V, section A, pour des détails concernant le FNAEG.

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 326

Néanmoins, la Cour n'a statué que sur un cas spécifique et presque caricatural: celui de la conservation sans limites de données biométriques, incluant non seulement les gabarits mais les échantillons cellulaires et les images des empreintes digitales, pour des sujets non condamnés, l'un d'entre eux étant, de surcroît, mineur au moment des faits. En retenant l'argument de la discrimination et de la présomption d'innocence, elle retient le fait que différentes catégories de personnes sont assujetties à des conditions différentes en ce qui concerne le traitement des données personnelles, de même qu'on ne peut traiter de la même façon les différentes catégories de données (§43-44, 11o, 119-120, 125). Elle cite pour cela (§42-44) la recommandation R (87) 15 du Conseil de l'Europe, « visant à réglementer l'utilisation des données à caractère personnel dans le secteur de la police », ainsi que la recommandation R(92)1 du Conseil de l'Europe sur l'utilisation des analyses de l'ADN dans le cadre judiciaire, ainsi que le mémorandum explicatif, qui affirment notamment que les échantillons et les résultats des analyses ADN doivent être supprimés une fois leur fonction remplie, acceptant comme exception les individus condamnés pour des violations graves contre « la vie, l'intégrité ou la sécurité des personnes » (art. 8 de la recommandation R(92)19°4). Elle admet la conservation de ces données même si la personne n'a pas été condamnée ni inculpée lorsque la « sûreté de l'Etat est en cause ». Le mémorandum explicatif, cité par la Cour, admet enfin la conservation des données y compris après que la fonction pour laquelle elles ont été prélevées ait été dépassé, dans les cas où il y a eu condamnation pour une violation grave contre la vie, l'intégrité ou la sécurité des personnes, si la durée de conservation est « strictement limitée », définie par la loi, et que la base de données est sujette au contrôle parlementaire ou au contrôle d'un organisme indépendant.

Ainsi, si le projet de constituer une base de données biométriques couvrant l'ensemble de la population, sans distinction, s'est heurté à l'opposition de la CEDH, il n'en demeure pas moins que d'une part, celle-ci distingue entre les différentes caractéristiques biométriques, certaines étant plus sensibles que d'autres, et que d'autre part la conservation de données biométriques demeure légitime lorsqu'il en va

9°4 « Il faut veiller à effacer les données des analyses de l'ADN et les informations obtenues au moyen de ces analyses dès lors qu'il n'est plus nécessaire de les conserver aux fins en vue desquelles elles ont été utilisées. Les données des analyses de l'ADN et les informations ainsi recueillies peuvent toutefois être conservées lorsque l'intéressé a été reconnu coupable d'infractions graves portant atteinte à la vie, à l'intégrité ou à la sécurité des personnes. En prévision de tels cas, la législation nationale devrait fixer des délais précis de conservation. » (art. 8 R(92)1

Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p. 327

de la « sûreté de l'Etat ». Pour important qu'il soit, l'arrêt du 4 décembre 2008 montre surtout la nécessité juridique d'opérer des différenciations et des catégorisations spécifiques: les données personnelles d'individus disculpés ne sauraient, sans justificatif suffisant, être conservées dans des fichiers à finalité judiciaire. Mais si la CEDH s'oppose à la constitution d'un « méga-fichier biométrique » couvrant la totalité de la population, il n'en demeure pas moins que de tels fichiers soient en cours d'instauration dans le cadre de l'émission des passeports biométriques. Certes, ils poursuivent alors, en principe, une fonction administrative, mais l'accès des autorités policières et judiciaires à ces fichiers ne cesse de s'étendre. Si le prélèvement d'échantillon ADN demeure restreint au cadre de la recherche et de la prévention d'infractions pénales graves, à quelques exceptions près, qui pourraient, à l'avenir, s'étendre, la collecte des empreintes digitales fait désormais partie de l'instrument ordinaire de l'émission des documents d'identité et de voyage. En outre, la photographie, dont l'importance est peut-être sous-estimée, conserve un rôle important dans le cadre du contrôle d'identité. Les possibilités étendues de stocker celles-ci dans différents fichiers conduisent à élargir les cas où une personne « signalée » peut être « reconnue » par les forces de l'ordre, et donc soumises à une procédure d'interpellation et, le cas échéant, de vérification d'identité, procès qui peut alors faire appel aux différents systèmes d'information enregistrant les caractéristiques dactyloscopiques.

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