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Ecriture et politique dans "en attendant le vote des bêtes sauvages " d'Ahmadou Kourouma

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par Kossi Wonouvo GNAGNON
Université de Lomé Togo - Maà®trise en lettres 2009
  

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2. La violence de l'écriture et l'écriture de la violence

La violence apparaît comme le domaine de définition du roman En attendant le vote des bêtes sauvages. C'est parce que la décolonisation a été une expérience de la violence contre la violence. Fanon expliquait dans Les damnés de la terre que : « La violence désintoxique, débarrasse le colonisé de son complexe d'infériorité, de ses attitudes contemplatives et désespérées »44. En effet, Kourouma a le génie de produire des textes radicaux, immédiatement identifiés comme rupture, des textes-scandales qui portent indélébilement les marques d'une lutte de libération politique (culturelle, linguistique...). Il s'agit bien évidemment d'un discours rebelle, d'une écriture révolutionnaire.

43 Bakhtine MIKHAIL, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978, p. 19.

44 Frantz FANON, Les damnés de la terre (1961), préface de Jean-Paul Sartre, présentation de Gérard CHALIAND, Paris, Gallimard, Coll. Folio, 1991, p.127.

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2.1. La violence de l'écriture

En attendant le vote des bêtes sauvages d'Ahmadou Kourouma dévoile par un discours scandaleux les désenchantements et les leurres des indépendances par la caricature des dictateurs dans l'Afrique postcoloniale. Cet écrivain a donné une nouvelle orientation à la littérature négro-africaine par son audace, son non-conformisme virulent et corrosif.

Kourouma a choisi de bousculer la raison logicienne, la syntaxe, le vocabulaire de la langue française au profit d'une langue parlée : le Malinké. Ainsi oppose-t-il au système d'écriture français un éclatement des formes marquées par les textes les plus bousculés, les intrigues contrariées et multiples, les personnages déstructurés, la syntaxe rebelle ou le lexique outrancier.

La violence verbale parcourt également l'oeuvre de Kourouma. Ce sont des formes crues en l'occurrence les jurons, les insultes, les injures et autres gros mots, qui fonctionnent comme des procédés langagiers, qui entrent dans la violence verbale. C'est souvent lorsqu'il fait le portrait d'un chef d'Etat dictateur. Kourouma traitait Tiékoroni, dictateur au totem caïman, de « rat voleur, un toto », « le petit vieillard » et « vieux dictateur roussi par les matoiseries et la corruption ». Parlant de Bossouma, l'Empereur du Pays aux Deux Fleuves, il écrit : « Képi de maréchal, sourire de filou, l'homme au poitrail caparaçonné de décorations » ; « Sa langue et ses lèvres piquetaient, elles puaient le miasme de l'anus d'une hyène ». Il taxe le dictateur au totem chacal de « moyenâgeux, barbare, cruel, menteur et criminel ». A la page 10, les propos de Tiécoura sont d'une violence particulière :

« - Président, général et dictateur Koyaga, nous chanterons et danserons votre donsomana en cinq veillées. Nous dirons la vérité. La vérité sur votre dictature. La vérité sur vos parents, vos collaborateurs. Toute la vérité sur vos saloperies, vos conneries ; nous dénoncerons vos mensonges, vos nombreux crimes et assassinats... »

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De même, à la page 172, on note les injures de Maclédio à l'encontre de Nkoutigui Fondio de la République des Monts :

« - Salaud ! Favoro ! Mère de chienne ! Je te défie, criminel dictateur ! Commande à tes hommes de m'assassiner comme les autres. Assassin ! Oui, tu es un assassin ! »

Dans tous les cas, la violence de l'écriture menace d'une implosion, celle de la langue écrite. Comme le note Xavier Garnier : « La violence du texte ne vient pas de la destruction des formes mais de cet effondrement du centre qui la provoque »45, la violence sur la langue, par les procédés de néologisme et la resémantisation des mots français (par monosémisation ou par polysémisation), commence avec la bousculade de la langue classique.

Avec Kourouma, nous sommes toujours en face d'une écriture déstructurée décrivant un monde en permanente dégradation.

Ce qui est plus intéressant dans En attendant le vote des bêtes sauvages, c'est que l'écriture de par sa forme déchirée donne ainsi l'image déstructurée de la Politique dans l'Afrique postcoloniale. En réalité, la littérature est un outil excellent pour l'analyse politique. La littérature kouroumalienne en l'occurrence se propose comme objectif la représentation de l'Histoire du peuple noir, des violences africaines de par son obsession des formes. C'est pourquoi Xavier Garnier écrit :

« La littérature se ferait en quelque sorte avec les débris d'une violence qui se serait passée ailleurs, la littérature africaine serait en charpie, éventrée par les bégaiements violents de l'Histoire »46.

45 Xavier GARNIER, « Les formes `'dures» du récit : enjeux d'un combat » in Notre Librairie, Revue des littératures du Sud, « Penser la violence », n° 148, juillet-septembre 2002, p.54.

46 Xavier GARNIER, op.cit.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo