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Ecriture et politique dans "en attendant le vote des bêtes sauvages " d'Ahmadou Kourouma

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par Kossi Wonouvo GNAGNON
Université de Lomé Togo - Maà®trise en lettres 2009
  

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2. L'idée de Politique africaine postcoloniale dans l'oeuvre

Ahmadou Kourouma nous donne d'importantes conceptions de la notion de Politique dans l'Afrique postcoloniale. Dans En attendant le vote des bêtes sauvages à la page 278, on lit ce qui suit:

« La politique est illusion pour le peuple, les administrés. Ils y mettent ce dont ils rêvent. On ne satisfait les rêves que par le mensonge, la duperie. La politique ne réussit que par la duplicité. »

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Ainsi, la Politique dans l'Afrique d'après les indépendances fonctionne sur la base du mensonge et, pour les dictateurs africains, elle ne peut réussir que par la fausseté, la matoiserie, la tromperie et l'hypocrisie.

La conséquence en est que dans les systèmes politiques africains postcoloniaux, les gouvernés sont animalisés et tout se déroulent exactement comme l'a pensé Thomas Hobbes56 dans son livre Le Léviathan. Tout est régi par la loi de la force et les gouvernés ne sont pas plus considérés que comme des animaux à chasser. C'est bien ce que dévoile cet extrait de En attendant le vote des bêtes sauvages à la page 183 :

« La politique est comme la chasse, on entre en politique comme on entre dans l'association des chasseurs. La grande brousse où opère le chasseur est vaste,

inhumaine et impitoyable comme l'espace, le monde politique. »

Nous comprenons donc pourquoi les assassinats politiques ont été courants, pratiquement quotidiens dans les jeunes Etats indépendants en Afrique. Citons entre autres les cas Sylvanus Olympio du Togo - ce dernier nous intéresse même beaucoup dans cette étude que nous consacrons à En attendant le vote des bêtes sauvages -, Patrice Lumumba du Congo Belge, Thomas Sankara du Burkina Faso, assassinés, victimes de l'inhumanité politique dans l'Afrique indépendante. Cette inhumanité politique détermine la conception de l'Etat et la nature des régimes en Afrique.

L'Afrique postcoloniale connaît l'instauration des Etats dictatoriaux dans tous ses pays où tout sursaut de nationalisme ou d'attention particulière aux problèmes fondamentaux des populations par tel ou tel Nouveau Dirigeant est systématiquement torpillé. Commencera alors le culte de l'incurie politique, de la concussion, de la corruption, pour tout dire, le règne de la "gestion carnassière", pour utiliser l'expression de Sony Labou Tansi. L'Etat africain

56 Thomas HOBBES (philosophe anglais de 1588 à 1679) appelle `'état de nature'' un état où il n'y a ni lois ni règles, ni conventions sociales qui déterminent la vie des hommes en groupe, où les hommes vivent selon le droit naturel qui leur confère un pouvoir naturel. Conséquence : il y a dans cet état « la guerre de tous contre tous » et « l'homme est un loup pour l'homme », le fort peut tuer le faible en recourant à la force et le faible aussi peut se servir de la ruse pour éliminer le fort.

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postcolonial fonctionne sur la base de la violence politique, de la corruption et du mensonge, de la gabegie et du népotisme.

Les pays africains, presque dans leur majorité, seront dirigés par des soldats venus au pouvoir à la faveur des coups d'Etat. Dans En attendant le vote des bêtes sauvages, Kourouma nous décrit la scène horrible de l'assassinat de Fricassa Santos, le Président démocratiquement élu de la République du Golfe, par Koyaga et ses lycaons :

« Le Président saigne, chancelle et s'assied dans le sable. Koyaga fait signe aux soldats. Ils comprennent et reviennent, récupèrent leurs armes et les déchargent sur le malheureux Président. Le grand initié Fricassa Santos s'écroule et râle. Un soldat l'achève d'une rafale. Deux autres se penchent sur le corps. Ils déboutonnent le Président, l'émasculent, enfoncent le sexe ensanglanté entre les dents. C'est l'émasculation rituelle [...] Un dernier soldat avec une digue tranche les tendons, les bras du mort... » (pp. 100-101).

C'est ainsi que sont venus au pouvoir les Nouveaux Dirigeants pour la plupart des militaires issus de l'armée coloniale, meurtriers des dirigeants nationalistes, usant d'une violence qui ne dit pas son nom. Le pouvoir s'assoit en dernier recours sur la coercition, la force, la violence mais la mise en productivité du pouvoir se fait mieux et plus facilement à travers sa légitimité qu'au moyen de la violence. Dans cette Afrique-là, Pouvoir et Violence vont de pair. D'ailleurs, dans un pays où règne le parti unique, l'adversaire politique est un ennemi à abattre absolument. Cet extrait d'En attendant le vote des bêtes sauvages (p. 200) en témoigne :

« Les adversaires politiques sont des ennemis. Avec eux, les choses sont simples et claires. Ce sont des individus qui se placent en travers du chemin d'un président, les individus qui aspirent au pouvoir suprême - il ne peut exister deux hippopotames dans un seul bief. On leur applique le traitement qu'il mérite. On les torture, les bannit ou les assassine. ».

Au total, dans l'Afrique postcoloniale, la Politique est perçue comme la science de la dictature que tout nouveau chef d'Etat devait apprendre. C'est ce qu'on découvre dans l'oeuvre à la page 183 :

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« Vous ne devez, Koyaga, poser aucun acte de chef d'Etat sans un voyage initiatique, sans vous enquérir de l'art de la périlleuse science de la dictature auprès des maîtres de l'autocratie. Il vous faut au préalable voyager. Rencontrer et écouter les maîtres de l'absolutisme et du parti unique, les plus prestigieux des chefs d'Etats des quatre points cardinaux de l'Afrique liberticide ».

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