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Ecriture et politique dans "en attendant le vote des bêtes sauvages " d'Ahmadou Kourouma

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par Kossi Wonouvo GNAGNON
Université de Lomé Togo - Maà®trise en lettres 2009
  

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Conclusion partielle

Kourouma est parvenu à produire une écriture politique, politisée, en faisant la représentation de la politique dans l'Afrique postcoloniale. D'abord, son action politique se manifeste à travers la défense et l'illustration de l'identité culturelle africaine (écriture de l'oralité), et à travers l'appropriation de la langue française, donnée comme une libération linguistique et politique. Ainsi, Kourouma réinvente-t-il le roman négro-africain par des audaces linguistiques (la malinkisation et l'insécurité linguistique). L'action politique de Kourouma s'est amplifiée par le procès de la dictature et l'aspiration à la Démocratie. En effet, Kourouma s'est exercé à condamner la dictature, à dénoncer le néocolonialisme tout en proposant l'alternance et le dialogue démocratiques.

Eu égard à tout cela, nous estimons que le roman de Kourouma est une oeuvre politique, c'est-à-dire une littérature qui fait de la politique en tant que littérature. Ce type d'oeuvre subtilement politisée, que nous pouvons appeler « roman politique africain postcolonial » propose une analyse littéraire du politique. Il s'agit là d'un genre nouveau dont Kourouma est à bien des égards l'inventeur, un genre dont l'étude conduit à l'appréhension de la dimension littéraro-politique des écritures postcoloniales.

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84 René DUMONT, Démocratie pour l'Afrique, Paris, Seuil, Février 1991, p. 250.

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CONCLUSION GENERALE

Le champ de recherche `' littérature et politique» n'est évidemment pas neuf dans les études littéraires africaines et francophones, littérature et politique étant en relation étroite depuis les débuts lointains de la littérature négro-africaine. « La littérature est un outil privilégié pour l'analyse politique des violences africaines de par son obsession des formes »85 écrit Xavier Garnier dans un article intitulé `' Les formes « dures » du récit : enjeux d'un combat», article dans lequel il fait comprendre que « La littérature africaine serait en charpie, éventrée par les bégaiements violents de l'Histoire »86. La production littéraire africaine de la période postcoloniale est le témoin des aberrations des régimes totalitaires postcoloniaux, des guerres civiles et des désillusions politiques provoquées par le néocolonialisme.

Ainsi, littérature et politique s'intègre dans une vaste section concernant non seulement les rapports entre littérature et politique mais surtout la dimension politique de la littérature. Si selon Jacques Rancière « L'animal politique moderne est d'abord un animal littéraire »87 et que « L'homme est un animal politique parce qu'il est un animal littéraire, qui se laisse détourner de sa destination `'naturelle» par le pouvoir des mots »88, la création littéraire, comme toute forme d'art, est par évidence une activité sociale qui ne s'isole pas de l'environnement politique. La représentation de l'environnement politique dans les romans africains postcoloniaux pose la problématique de la politicité et de la politisation de l'écriture. La première partie de notre étude a porté sur les définitions d'écriture et de politique.

85 Xavier GARNIER, « Les formes `'dures» du récit : enjeux d'un combat » in Notre Librairie, Revue des littératures du Sud, « Penser la violence », n° 148, juillet-septembre 2002, p.54.

86 Ibid., op.cit.

87 Jacques, RANCIERE, La Mésentente, Politique et philosophie, Paris, Galilée, 1995, p.61.

88 Ibid., Le partage du sensible, Esthétique et Politique, Paris, La Fabrique, 2000, p.63.

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En effet, toute écriture est foncièrement politique, c'est-à-dire naturellement liée à la société, reflétant la réalité organique même de cette dernière, un peu comme son esprit ; d'ailleurs, il est facile de lire l'Histoire de la société dans l'histoire des Signes de la Littérature. Barthes ne dit pas autre chose à ce propos : « il n'est pas nécessaire de recourir à un déterminisme direct pour sentir l'Histoire présente dans un destin des écritures ».89

L'écriture est par nature un produit historique au travers duquel s'identifie la liberté et la responsabilité de l'écrivain. Ainsi l'écriture en soi est l'expression d'un acte politique mais elle peut également devenir une action politique. Particulière et complexe, l'écriture kouroumalienne présente les caractéristiques des écritures postcoloniales dont les formes nouvelles traduisent clairement le fond. On y rencontre une problématique énonciatoire axée sur la polyphonie discursive, le dialogisme, et un `'Je» au pluriel. Il s'agit d'une écriture violente où mêlent transgressions, conciliations ou altérité générique et linguistique. De cet engagement formel, Kourouma arrive à l'engagement politique. En effet, le roman, En attendant le vote des bêtes sauvages, est fondamentalement une oeuvre idéologique (l'idéologie de la forme) et politique, c'est-à-dire une oeuvre qui fait la peinture de la cité des hommes. Ce faisant, l'oeuvre de Kourouma est une représentation de la politique dans l'Afrique postcoloniale. C'est à cela que nous avons consacré la seconde partie de notre travail.

En étudiant comment à travers le récit épique, Kourouma présente d'abord les prouesses politiques avant de les tourner en dérision par l'ironisation des bouffonneries des personnages, et comment il présente les instabilités politiques à travers la déstabilisation sémantique par la conciliation de l'écriture et de l'oralité, nous osons dire que le roman, En attendant le vote des bêtes, est une représentation de la politique dans l'Afrique postcoloniale. L'onomastique, la thématique et l'étude des personnages nous ont été aussi utiles pour mieux

89 Roland BARTHES, op. cit., p. 9-10.

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mettre en évidence les réalités politiques. Si pour Madame de Staël, la littérature est la peinture de la société, En attendant le vote des bêtes est à bien des égards une représentation de l'histoire de la société africaine, de la conférence de Berlin à la fin de la guerre froide. Il montre, comme un miroir que l'on promène, la naissance de l'Etat africain postcolonial et les aberrations des nouveaux dirigeants venus au pouvoir par des coups d'Etat. L'Etat africain postcolonial est fondé sur la violence, la sorcellerie et la magie, le détournement d'argent, le militarisme, en un mot, il s'agit de puissants régimes dictatoriaux.

Or, Kourouma ne saurait décrire la politique sans produire une écriture politique, c'est-à-dire une écriture politisée et idéologique. C'est ce qui a fait l'objet de la troisième et dernière partie de notre mémoire.

Nous avons vu que Kourouma est parvenu à produire une écriture politique, politisée, en faisant la représentation de la politique dans l'Afrique postcoloniale. D'abord, son action politique se manifeste à travers la défense et l'illustration de l'identité culturelle africaine (écriture de l'oralité), et à travers l'appropriation de la langue française, donnée comme une libération linguistique et politique. Aussi Kourouma réinvente-t-il le roman négro-africain par des audaces linguistiques (la malinkisation et l'insécurité linguistique). L'action politique de Kourouma s'est amplifiée par le procès de la dictature et l'aspiration à la Démocratie. En effet, Kourouma s'est exercé à condamner la dictature, à dénoncer le néocolonialisme tout en proposant l'alternance et le dialogue démocratiques.

Eu égard à tout cela, nous estimons que le roman de Kourouma est une oeuvre politique, c'est-à-dire une littérature qui fait de la politique en tant que littérature. Ce type d'oeuvre subtilement politisée, que nous pouvons appeler « roman politique africain postcolonial » propose une analyse littéraire du politique. Il s'agit là d'un genre nouveau dont Kourouma est à bien des égards l'inventeur, un genre dont l'étude conduit à l'appréhension de la dimension littéraro-politique des écritures postcoloniales.

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Pour des recherches futures, nous estimons que les littératures africaines et francophones constituent un terrain d'observation par excellence pour l'étude de la relation entre littérature et politique. C'est parce que les littératures africaines et francophones sont fondamentalement marquées par l'histoire de la politique, dès leur naissance. Quand nous pensons à tous les débats autour de la Négritude (Orphée noir de Jean-Paul Sartre), il s'agit à l'évidence d'un terrain très politique : affrontement autour de la question coloniale, question de la critique de l'européocentrisme, problème des dictatures postcoloniales.

Pour finir, nous osons conclure que l'étude du thème : « Ecriture et Politique dans En attendant le vote des bêtes sauvages » nous a permis de réaliser, que ce roman est une évocation réaliste du régime Eyadéma, et une mise en scène des liturgies politiques de l'Etat postcolonial. Qu'il s'agisse de Koyaga ou d'Eyadéma - peu importe la précision désormais-les cauris sont jetés : le jour a triomphé de la nuit. L'espoir reste permis. Comme le promet ce proverbe qui ferme le roman:

« Au bout de la patience, il y a le ciel.

La nuit dure longtemps, mais le jour finit par arriver ».

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