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Contribution à  l'étude des origines de la poésie mallarméenne

( Télécharger le fichier original )
par Mohamed Dr Sellam
Université de Bordeaux - Doctorat 1981
  

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Du Mal et du Bien...(Verlaine)

Pour Mallarmé,comme pour Rimbaud,la vie,en elle-même,n'a pas de valeur,mais ce qui la rend plus tolérable,ce qui lui donne vraiment plus de rayonnement et de signification,c'est le chemin-c'est à coup sûr le sens même de cette vie-par lequel nous conduit lentement jusqu'au but,sans atermoiements,ni réticence,qui est la fin des fins,le terme de nos interminables jérémiades et de nos malheurs sur terre ; ; :

Le moulin tourne au fond du soir,très lentement,

Sur un ciel de tristesse et de mélancolie,

Il tourne et tourne,et sa voile,couleur de lie,

Est triste et faible et lourde et lasse,infiniment,

.................................................................

le vieux moulin qui tourne,et las,qui tourne et meurt ;

Verhaeren.

Pour Verhaeren,le moulin,c'est en quelque sorte l'humanité qui trime,peine,souffre et meurt...C'est encore l'essence ou le sens de la vie et ce qui est particulièrement séduisant dans cette vie,c'est qu'elle n'est jamais au repos,elle est au contraire en perpétuel mouvement,et cela nous amène à déduire qu'une vie au calme,c'est une vie en état d'agonie..

Mais en fin de compte,la vie,après avoir pleinement accompli sa carrière,s'arrache du temps pour sombrer dans le néant..

Au pli le plus profond de la mouvante dune,

En la nuit sans aurore et sans astre et sans lune,

Que le navigateur trouve enfin le repos,

O terre,O mer,pitié pour son ombre anxieuse..

J.M.de Hérédia

Dans cet ordre d'esprit,Hérédia 57(*)rejoint étroitement Mallarmé,pour qui,si la vie mérite d'être vécue pleinement,en dépit des infortunes et des revers de toutes sortes,elle n'en est pas moins un acte inutile,une éclaircie lugubre dans un monde encore plus lugubre.

D'un autre côté,le problème de l'existence de Dieu58(*),ou,en général celui de la métaphysique,est un problème qui a dû occuper Mallarmé pendant très longtemps pour ne pas dire toute sa vie et nul d'ailleurs n'a déployé autant que Mallarmé plus d'intelligence pour appréhender dans sa totalité ce grave problème.. :

J'ai vu quelqufois ce que l'homme a cru voir..

Rimbaud,comme Mallarmé,s'estime plus chanceux d'avoir vu l'invisible et touché de sa main le sacré et l'intouchable..Alors que verlaine,incapable de croire à son sort,s'écria,l'air désappointé :

Or,je restais tremblant,incrédule un peu,

Comme un homme qui voit des visions de Dieu.

L'effet qu'exerce d'ordinaire la religion,est largement tempéré par l'idée de Dieu,car entre la religion et Dieu,le chemin est long et abrupt,et nul poéte ou philosophe n'a eu le pouvoir de déterminer les limites de chacun de ces deux grands phénomènes,d'autant plus qu'on a tendance à croire que la religion n'est rien d'autre que le chemin qui mène à Dieu et que la religion est une doctrine impérative et impérieuse,quelque chose de purement sacré et mystérieux et celui qui n'y croit pas,ne croit pas en Dieu non plus,puisque c'est par la religion qu'on arrive à Dieu-mystiquement bien entendu-Mais la religion,en tant que doctrine mystérieuse-est hérissée de complications et de difficultés insurmontables-qu'il aurait été vital de ne pas penser ni à l'un ni à l'autre..ce qui fait que l'hérésie dans ce cas est plus préférable ; ;

« Cherchez les effets et les causes »

Nous disent les rêveurs moroses,

Des mots !Des mots !Cueillons les roses !

Banville59(*) n'était pas un libertin cynique,un roué opiniâtre,un triste débauché qui aspire follement à la vie matérielle,c'est plutôt un type que la vie a durement malmené,au point d'avoir perdu toute croyance,même à sa propre existence..

De même les poétes symbolistes,qui s'étaient penchés inlassablement sur le problème de la métaphysique,ne se sont pas empêchés-et Mallarmé les rejoint dans cette tendance-de considérer ce problème comme un puzzle impossible à résoudre par le biais de la poésie..car,en définitive,tout est lié à une fin et la quête désespérée pour savoir sui Dieu existait ou n'existait pas ,mène ineluctablement au bord de l'abîme..

Mais,O mon coeur,entend le chant des matelots !

Ainsi la Recherche de Dieu par le moyen de spéculations métaphysiques débouche sur une véritable impasse,oû l'ennui,le mortel ennui se taille une place de choix :

Un ennui,désolé par les cruels espoirs,

Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs.

L'ennui de Mallarmé s'accentue démésurément,lorsque,las de chercher inutilement dans le domaine de l'inconnaissable,s'arrête un moment pour jeter un ultime cri de regret :

Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui

Magnifique mais qui sans espoir se délivre

Pour n'avoir pas chanté la région oû vivre

Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.

Si la métaphysique méne à l'ennui et au désespoir,ces deux derniers conduisent à leur tour à la haîne et au dégoût60(*). :

Fuir !La-bas fuir !Je sens que des oiseaux sont ivres

D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !

Cette haine implacable,dirigée contre tout ce qui est sur terre,ponctue par des points noirs l'oeuvre inépuisable de Mallarmé,et même Rimbaud,dans sa tendre ingénuité,lui fait écho à certains moments. :

Mais,vrai,j'ai trop pleuré,les ombres sont navrantes,

Toute lune est atroce et tout soleil est amer,

L'acre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes,

Oh !Que ma quille éclate !que j'aille à la mer !

Cette aversion infinie pour tout ce qui est ici-bas,n'est à priori que l'aboutissement d'une recherche métaphysique stérile et inféconde...Et même Henri de Régnier,comme tous les symbolistes d'ailleurs,a manifesté plus d'une fois cette répugnance coriace pour toutes les choses terrestres,que le lecteur moderne a beaucoup de peine à comprendre..mais cependant logique et naturelle pour le lecteur de l'époque symboliste,oû l'on s'abreuvait infatigablement des choses de l'inconnu , de la métaphysique à la métempsycose. :

Lorsque,pris du dégoût des hommes coudoyés,

Et de l'écoeurement des choses ambiantes,
On appelle l'essor des rêves éployés61(*)..

Ce dégoût invincible que l'on éprouve pour tout,nous conduit,comme H.de Regnier,à nous refugier dans le rêve et c'est par le rêve et rien que par le rêve que nous pouvons nous évader de ce monde d'ennui et de tristesse..

Mallarmé se donna toute sa vie à une conception métaphysique de l'ennui,l'insidieux ennui qui grignote lentement la vie,qui suce le sang de la vie,cet ennui enfin que Baudelaire,dans la majorité de ses poémes,a pu peindre avec des traits immortels.

* 57 -Mallarmé avait très peu fréquenté ce poéte,qui est le gendre de Leconte de Lisle,et pour lequel il n'a jamais manqué de l'estimer pour ses «  Trophées » qui sont d'une facture artistique remarquable.

* 58 -Mallarmé n'était ni déiste,ni polythéiste ,encore moins panthéiste:Il serait bon de lire à cet effet « hérésies artistiques »qui dénotent implicitement une sorte d'indépendance vis-^-vis de la religion.

* 59 -Banville,d'abord hostile à Mallarmé,deviendra plus tard son ami.Il meurt en 1894 ap^rs avoir laissé un héritage littéraire inestimable.

* 60 -Cf. L'étude intéressante de Charles Chadwick:Mallarmé:sa pensée dans sa poésie. Corti 1962.

* 61 Cf l'essai d'une analyse pertinente de léon Cellier :Mallarmé et la Morte qui parle;PUF 1959.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon