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Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures ménagères à  N'Djaména au Tchad

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par Emmanuel Ngueyanouba
Université catholique d'Afrique Centrale - Maà®trise en sciences sociales- socio- anthropologie 2005
  

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3.2. Les comités d'assainissement

Nous notons d'entrée de jeu qu'après la G.O.M réalisée par les ménages ci-haut décrite, c'est la pré-collecte qui est l'activité de G.O.M la moins mal assurée au Tchad. Le contrôle des décharges de transit ou provisoires , la collecte des ordures des décharges de transite vers les décharges finales, la mise en oeuvre d'une filière des ordures visant leur réintroduction dans le circuit économique notamment par le tri, le recyclage, bref la revalorisation, restent très peu développés. De plus au regard des actions déployées dans les différentes activités de G.O.M, les ordures sont gérées davantage comme une chose nuisible, négative que comme une matière susceptible d'être revalorisée. On pourrait postuler que la faiblesse d'investissement et de professionnalisation de la filière ordures résulte entre autre chose de cette perception des ordures. Mais ce qui reste en vue somme toute est la pré-collecte que réalisent tant bien que mal les C.A de façon plus effective. Mais qu'est-ce qu'un C.A et comment celui-ci réalise la pré-collecte des ordures dans les ménages ?

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3.2.1. Contexte de création des comites d'assainissement

Les C.A sont des associations de quartiers. Il s'agit de structures d'assainissement issues d'initiatives locales dont on situe la création vers la fin des années 1980. Ils sont créés essentiellement pour pallier ce que beaucoup d'auteurs considèrent comme la démission des autorités de l'assainissement de la ville. On peut en effet parler d' « Etat démissionnaire » dont la désertion en matière de politiques publiques sert de fenêtres d'opportunité à l'émergence d'un certain nombre d'acteurs de la société civile sur la scène publique. Ceci explique, entre autres, l'émergence des écoles communautaires. C'est également ce qui explique l'action des jeunes de différents quartiers de N'Djaména en matière de sécurité et de salubrité. Il s'agit en fait des jeunes qui s'entendent pour curer sporadiquement les caniveaux, balayer les rues de leurs quartiers ou encore - et pour ce qui concerne la sécurité - de traquer les malfrats et les voleurs qui opèrent dans les quartiers la nuit en y faisant la ronde.

Mais en matière d'ordures ménagères comme dans d'autres aspects des politiques publiques, il s'agit essentiellement d'une concession de pouvoir puisque l'action de ces acteurs reste fortement soumise à une réglementation de l'Etat. Mais l'apparition du premier C.A en 1987, celui du quartier Ambassatna dans le deuxième arrondissement de N'Djaména, est propulsée par l' Organisation Non Gouvernementale (ONG) humanitaire INTERMOM OXFAM. Le soutien financier, matériel et technique accordé par cette ONG a permis au C.A d'Ambassatna de fournir un service gratuit aux populations de ce quartier. Ce qu'on appelle Ambassatna-nadif ou encore Ambassatna propre (le mot nadif en arabe tchadien signifiant propre ) va servir d'exemple à plusieurs autres quartiers qui vont se lancer dans cette initiative. Et au départ ces initiatives étaient fortement encouragées par les ONGs et les organismes présents à N'Djaména afin qu'elles prennent à leur compte l'assainissement de la ville (A Dobingar, 2002). Dix ans plus tard, et selon les enquêtes de la mairie de N'Djaména, le nombre de ces C.A d'après le répertoire des C.A de la ville de N'Djaména (Mairie de N'Djaména, 1998) s'élève théoriquement à plus de quarante cinq. L'étude plus récente du BCEOM (2000) que celle qui permit la publication de ce répertoire, nous permet d'apprécier l'évolution de la reconnaissance officielle de quarante C.A étudiée dans cette étude.

Figure 1: Reconnaissance officielle des comités d'assainissement entre 1987 et 1998

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Reconnaissance officielle des comités d'assainissement entre 1987 et 1998

1

2

3

2

10

6

4

3

6

1987 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

12

10

8

6

4

2

0

Nous n'avons pas pu obtenir des chiffres concernant la période qui va de 1999 à nos jours. Ce qui, en revanche est important à relever est qu'aujourd'hui, tous les quartiers de N'Djaména disposent d'au moins un C.A. C'est donc un phénomène qui est constatable à l'échelle de la ville entière et qui a permis, par voie de conséquence à nombre d'analystes d'affirmer qu'il rend compte d'une prise en charge populaire des problèmes d'assainissement à N'Djaména. Mais cette affirmation mérite d'être relativisée puisque les statistiques relatives à l'abonnement des ménages aux services des C.A par quartiers présentés ci-dessous sont loin d'être homogènes et situées toutes au moins au-delà de la moyenne des concessions des zones d'action des C.A. Il s'agit des données du 2e et 3e arrondissement issus de l'étude du BCEOM et qui sont les moins incomplètes comparativement à celles des autres arrondissements. Il est en effet regrettable qu'aucune étude n'ait présenté de façon exhaustive les données sur les taux d'abonnement des concessions dans tous les quartiers. C'est ce que reflète le résultat de l'étude du BCEOM ci-haut citée, commandée par la mairie. Les données des C.A du 2e et 3e arrondissement sont présentées à titre illustratif.

Il faut noter que les taux d'abonnement situés au- delà de la moyenne des concessions par quartier (Mardjan Djaffack : premier tableau ; Ambassatna, Ardep Djoumal : deuxième tableau) doivent être rattachés aux variables telle que l'ancienneté des C.A.

Tableau 2: Répartition des comités d'assainissement par quartier dans le 2e
arrondissement.

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Nom de quartier

Nombre de concessions

Nombre de concessions abonnées

Frais d'abonnement mensuel

Pourcentage

(%)

Bololo

302

112

500 F CFA

37.08

Mardjan Djaffack

1453

865

500 F CFA

59.53

Djambal bahr

-

200

1000 F CFA

-

Goudji Amral-Goz

1375

350

1000 F CFA

25.45

Klémat

1106

286

500 F CFA

25.85

Total

4236

1813

-

42.79

Source : BCEOM 2000

Tableau 3:Répartition des comités d'assainissement par quartier dans le 3e arrondissement.

Nom de

Nombre de

Nombre de

Frais

Pourcentage

quartier

concession

concessions abonnées

d'abonnement

(%)

Gardolet

751

600

-

7.98

Ambassatna

805

600

500 F CFA

74.53

Kabalaye

374

150

500 F CFA

40.10

Ardep Djoumal

11111

8000

200 F CFA

72.00

Sabangali

641

264

250 F CFA

41.18

Total

13682

9074

-

66.32

Source : BCEOM 2000

On remarque à travers ce tableau que les frais d'abonnement varient selon les C.A et donc selon les quartiers puisque les territoires d'intervention des C.A coïncident avec les limites des quartiers dans lesquels ils sont compétents. Dans le quartier couvert par le C.A dénommé Service d'Assainissement du Quartier Résidentiel, Administratif et Commercial (SAQRAC) par exemple, les frais d'abonnement des nationaux s'élèvent à 1500 F CFA par mois tandis que celui des expatriés est de 3000 F CFA par mois pour un service de ramassage des ordures dont la fréquence est de trois fois par semaine. Mais la moyenne des frais d'abonnement est de 500 par mois.

Les C.A nous intéressent dans ce travail pour leur action en matière de gestion des ordures ménagères qui est principalement la pré-collecte des ordures dans les ménages abonnés à leur service avec une fréquence moyenne de 2 à 3 fois par semaine. Selon A. Dobingar (2002 : 3) « 69% des comités y travaillent de façon permanente ou

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sporadiquement ». Il faut quand même préciser que les C.A investissent également des

domaines qui touchent directement ou indirectement à la salubrité urbaine. On distingue :

- l'entretien des ouvrages de drainage pour l'évacuation des eaux usées ;

- la désinfection des puits d'eau;

- la distribution d'eau potable ;

- la gestion des latrines publiques dans les marchés ;

- la sensibilisation ;

- les opérations de reboisement de quartier ;

- les manifestations culturelles.

Pour ce qui concerne directement la G.O.M, il faut préciser que ce sont les éboueurs de ces C.A qui réalisent la pré-collecte à l'aide des pousse-pousses pour les acheminer vers les décharges autorisées ou les bacs à ordures construits par la mairie à cet effet. Certains C.A initient d'une part des techniques de tri visant la récupération de certaines matières notamment des bouteilles en plastique et en verre et, d'autre part une forme de recyclage qui consiste à transformer les emballages en plastique communément appelées lédas en ardoise.

De ce qui précède, on constate que le territoire d'intervention concret des C.A en matière de ramassage des ordures est essentiellement constitué par les zones où les ordures des ménages situés dans les concessions abonnées sont stockées. Les C.A ne participent donc pas à l'assainissement des espaces autres que ceux privés des ménages situés dans les concessions abonnées. Ainsi l'action des C.A et celle des ménages se conjuguent pour assurer l'assainissement d'un espace précis, à savoir l'environnement immédiat que Harday et Satterthaite appellent l'indoor environnement ou l'environnement à l'intérieur des concessions (Mohamadou Sall ,1996).

Il apparaît, dans cette présentation de la G.O.M et des espaces privés par les ménages et les C.A qu'il existe effectivement un effort d'assainissement et de maintien de la salubrité des espaces privés en milieu urbain comme le souligne déjà Evelyne Waas (Enda, 1990).

Il faut noter que les C.A. ont perdu leur ardeur et leur activisme en matière de pré-collecte des ordures ménagères. Il est vrai que les C.A. émergent comme un nouveau pôle de pouvoir qui a tenté de conquérir l'espace économique de la G.O.M. Ce nouveau pole de pouvoir économique puisque nous choisissons de les qualifier ainsi, a été présenté au Tchad

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comme une structure mise en oeuvre par les populations locales en vue d'apporter une solution au crucial problème de l'insalubrité urbaine. Cette proposition est tout à fait discutable au regard des facteurs qui ont présidé de façon effective à l'émergence des comités d'assainissement. En effet, si l'initiative C.A a échoué, les causes efficientes méritent d'être recherchées dans le projet lui-même. C'est dire que l'échec des C.A était plus ou moins prévisible dès le départ. Voici deux éléments d'explications :

Le premier se trouve être l'exogénéité du projet. Selon les études du BCEOM, c'est OXFAM qui fut le premier organisme de développement à provoquer la création du premier comité d'assainissement de N'Djaména, en l'occurrence le C.A d'Ambassatna-nadif. Les C.A sont donc une forme d'association exogène à la population de N'Djaména. L'idée tout comme les moyens matériels viennent de l'extérieur. En effet OXFAM a fourni au C.A d'Ambassatna-nadif du matériel pour son lancement. On peut lire dans un rapport d'étude du BCEOM (2001 : 13), ce qui suit :

« La première expérience fut menée en 1986 dans un quartier ancien appelé Ambassatna. C'est à travers elle qu'est apparu pour la première fois le terme « comité d'assainissement ». Le projet « Ambassatna-nadif » fut mené par OXFAM. C'est à cette ONG que fut confié le pilotage de l'opération aux côtés des habitants du quartier et de la municipalité. Ce projet avait pour objectif d'améliorer le niveau de salubrité du quartier en y associant la population. »

Tout ceci porte à croire que les C.A sont loin d'avoir été une invention des populations de N'Djaména alors même que la situation critique de l'insalubrité et la désertion du service public pouvait inspirer une telle invention.

Deuxièmement, à son origine, le service des C.A était offert gratuitement aux populations qui se plaignaient déjà du défaut de la mairie à réaliser la collecte des ordures ménagères. Il a donc été considéré comme un service qui est offert en réparation de celui que la mairie était censée leur fournir. Aussi sont-elles constituées consommatrices passives de ce service ou tout au moins elles l'ont considéré comme étant fourni en contrepartie du paiement de la taxe sur l'habitat prélevée par la mairie. C'est ici que nous identifions le deuxième élément d'explication de l'échec des C.A. Il s'agit de l'erreur qui consiste à présenter, dès le point de départ le service des C.A comme étant fourni gratuitement aux individus et initié par une ONG de développement communément appelé organisme au Tchad. Or dire organisme

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signifie pour les populations fourniture gratuite de service ou tout au moins, à moindre frais. Aussi la monétarisation de ce service qui intervient plus tard a été reçue comme abusive. Actuellement, les C.A qui fonctionnent normalement sont ceux qui sont soutenus par la municipalité à l'exemple de SACRAQ, et de ceux qui sont situés dans les quartiers résidentiels où seuls les expatriés en sont les meilleurs clients.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci