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La thématique de l'environnement dans la jurisprudence de la cour internationale de justice.

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par Serge ITOUROU SONGUE
Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) - Master II 2011
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITE DE YAOUNDE II

    THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II

    INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU CAMEROUN

    B.P. : 1637 Yaoundé

    Tel : 22 31 03 05

    Fax : (237) 22 31 89 99

     

    INTERNATIONAL RELATIONS INSTITUTE OF CAMEROON

    P.O Box: 1637 Yaoundé

    Tel: 22 31 03 05

    E-Mail: iric@uycdc.unicet.cm

    LA THEMATIQUE DE L'ENVIRONNEMENT DANS LA JURISPRUDENCE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

    Mémoire de troisième cycle présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Master en Relations Internationales, option Contentieux International

    Par :

    M. ITOUROU SONGUE Serge

    Sous la direction de :

    Jean KENFACK

    Docteur en droit public

    Chargé de cours à l'IRIC

    Sous la supervision de :

    Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU

    Professeur agrégé des facultés de droit

    Directeur adjoint de l'IRIC, chargé des études

    Novembre 2010

    DEDICACE:

    A MA FAMILLE...

    REMERCIEMENTS :

    Nous remercions sincèrement tous ceux qui, par leurs aides multiformes, ont contribué à la réalisation du présent mémoire, et plus particulièrement :

    Au Professeur Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU, Directeur adjoint de l'IRIC chargé des études, pour avoir accepté de superviser ce travail, ainsi que pour ses conseils.

    Au Docteur Jean KENFACK, enseignant à l'IRIC, pour avoir accepté de diriger ce travail, pour sa disponibilité et ses conseils.

    A M. Fred EBONGUE MAKOLLE, Directeur du secrétariat des conseils de cabinet dans les services du Premier Ministre, pour sa disponibilité et ses conseils.

    A mes camarades et amis de l'IRIC et de la faculté des sciences juridiques et politiques de l'université de Yaoundé II-Soa.

    A ma famille et mes amis pour leurs encouragements et leur soutien.

    SIGLES ET ABREVIATIONS:

    ACP-UE  : Afrique Caraïbes Pacifique - Union Européenne

    AFDI  : Annuaire Français de Droit International

    AUF : Agence Universitaire de la Francophonie

    CDI  : Commission du Droit International

    CICR : Comité International de la Croix-Rouge

    CIJ  : Cour Internationale de Justice

    CPJI  : Cour Permanente de Justice Internationale

    IRIC  : Institut des Relations Internationales du Cameroun

    JDI  : Journal du Droit International

    LGDJ  : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence 

    OCDE  : Organisation Pour la Coopération et le Développement Economique

    OMS  : Organisation Mondiale de la Santé

    ONU  : Organisation des Nations Unies

    Op. Cit. : Opere Citare/ Cité plus haut

    P. : Page

    PP. : Pages

    RBDI : Revue Belge de Droit International

    RGDIP  : Revue Générale de Droit International Public

    RIAA : Report of International Arbitration Awards

    RICR : Revue Internationale de la Croix-Rouge

    RJE  : Revue Juridique de l'Environnement

    RQDI  : Revue Québécoise de Droit International

    UNESCO  : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture.

    LISTE DES ANNEXES:

    -Résumé de l'arrêt du 25 Septembre 1997, Affaire Gabcikovo-Nagymaros.

    -Déclaration de Rio du 14 Juin 1992 sur l'environnement et le développement.

    SOMMAIRE :

    INTRODUCTION 7

    PARTIE I : LA CONSECRATION DES NORMES ENVIRONNEMENTALES PAR LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE 7

    CHAPITRE I : LA DETERMINATION PAR LE JUGE DU CONTENU DES NORMES DE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT 16

    Section 1 : Les clarifications conceptuelles 16 _Toc24650383

    Section 2 : La consécration des principes de protection 7

    CHAPITRE 2 : LA FORMULATION D'OBLIGATIONS PRECISES ET DES CONDITIONS D'EXCLUSION DE L'ILLICEITE DU FAIT ETATIQUE 32

    Section 1 : La formulation d'obligations précises à la charge des Etats 32

    Section 2 : Les conditions d'exclusion de l'illicéité d'un fait étatique 50

    PARTIE II : LA DIFFICULTE POUR LE JUGE INTERNATIONAL A S'AFFRANCHIR DES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS CONTENTIEUSES 7

    CHAPITRE 1 : LE RECOURS QUASI SYSTEMATIQUE AUX TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS CONTENTIEUSES. 59

    Section 1 : L'adaptation des mécanismes judiciaires traditionnels au contentieux environnemental. 59

    Section 2 : La prise en compte restrictive des considérations écologiques dans l'examen des règles du droit des traités. 66

    CHAPITRE 2 : LA NECESSAIRE CONCILIATION ENTRE PRUDENCE ET HARDIESSE DU JUGE DANS LE TRAITEMENT DU CONTENTIEUX ENVIRONNEMENTAL 74

    Section 1 : La préservation de la solidité de la structure institutionnelle et normative existante 74

    Section 2 : La contribution du juge à l'évolution du droit international de l'environnement............................................................................................. 81

    CONCLUSION 89

    RESUME :

    Les normes environnementales sont généralement qualifiées de droit mou, de « soft law » insusceptible de faire l'objet d'un contentieux devant le juge. Cette impossibilité tient au fait que le juge applique à une situation concrète une norme juridique préexistante dont le sens ne fait l'objet d'aucune controverse. Mais l'étude de la jurisprudence de la C.I.J. démontre que le juge parvient à faire application de ces normes malgré le statut qui leur est reconnu. Cette prise en compte se fait à travers une consécration des normes environnementales et une adaptation de ces normes aux règles classiques du droit international public.

    ABSTRACT:

    Norms relating to environmental protection are generally qualified as «soft law»; as such, they do not lend themselves easily as contentious matters, susceptible to be brought before the judge. This is so because the judge applies laid-down and accepted legal rules to concrete situations. But a study of ICJ's case law shows that the judge succeeds to effectively apply these norms in spite of their classification as «soft law». Such a realization is made possible by the establishment and adaptation of these environmental norms into classical rules of public international law.

    INTRODUCTION

    CONTEXTE ET OBJET DE L'ETUDE

    La sonnette d'alarme tirée par les scientifiques et relayée au sein de l'opinion publique a eu pour effet l'érection de la protection de l'environnement au rang des préoccupations actuelles. Cet état de fait ne date pas de longtemps car « il y a peu d'années encore, les préoccupations écologiques apparaissaient comme un phénomène de mode, voire l'expression d'une conscience retardataire sur les progrès de l'humanité »1(*). Mais avec le temps, l'environnement est apparu comme un bien précieux dont la protection passe pour être une nécessité, sinon un impératif. Pourtant, l'idée selon laquelle la protection de l'environnement nécessitait la coopération de tous n'a pas toujours été universellement admise. En effet, les pays en développement ne voyaient pas au départ la nécessité de concilier le développement et l'environnement. « Pour beaucoup d'entre eux, la priorité absolue était le développement et les problèmes d'environnement posés par les pays industrialisés grâce aux mouvements d'écologistes, étaient considérés comme étant en quelque sorte des maladies des riches »2(*). Mais de nos jours, les problèmes environnementaux ont acquis une place importante même dans les pays en développement, la protection de l'environnement devenant l'un des objectifs phares des politiques publiques de ces Etats. C'est ce qui fait dire à A. Kiss qu' « il est possible de dire que ces problèmes ont été résolus, au moins en théorie, en ce sens que les pays du Tiers Monde ont largement adhéré au principe que la coopération mondiale est nécessaire pour sauvegarder la planète »3(*).Au Cameroun par exemple, la prise de conscience des préoccupations environnementales a été à l'origine de la création du Ministère de l'environnement et des forêts le 09 Avril 1992.

    L'unanimité faite autour de la nécessité de protéger l'environnement contraste avec la  difficulté qu'il y a à parvenir à une définition consacrée de la notion d'environnement. Le Professeur Maurice Kamto fait remarquer en effet que « le terme environnement ne fait pas encore l'objet d'une définition universellement admise en droit positif »4(*). C'est ainsi que plusieurs définitions s'appliquent à ce terme, variant en fonction du contexte ou des auteurs. D'abord, le Petit Larousse Illustré définit l'environnement comme l'ensemble des éléments physiques, chimiques ou biologiques, naturels et artificiels, qui entourent un être humain, un animal ou un végétal, ou une espèce5(*). Pour Michel Prieur, l'environnement est à la fois la qualité de la vie, le bien être, les ressources naturelles, les paysages, le patrimoine urbain et architectural, le milieu urbain etc.6(*) Reformulant la définition proposée par le « projet de pacte international sur l'environnement et le développement »7(*), Maurice Kamto conçoit l'environnement comme étant le milieu, l'ensemble de la nature et des ressources, y compris le patrimoine culturel et les ressources humaines indispensables pour les activités socio économiques et pour le meilleur cadre de vie8(*). Dans le cadre de l'activité normative de l'UNESCO enfin, la convention de Paris sur le patrimoine mondial culturel et naturel définit l'environnement comme l'expression d'un patrimoine, c'est-à-dire d'un ensemble de biens soit culturels soit naturels. Bien que présentant chacune quelques spécificités, toutes ces définitions ont ceci en commun que le terme environnement renvoie à plusieurs éléments dont l'appréhension rend nécessaire la mobilisation de plusieurs techniques et disciplines scientifiques9(*) parmi lesquelles le droit.

    Le rôle du droit dans la protection de l'environnement est indéniable tant il est vrai que le droit est le moteur des politiques environnementales. Considéré au départ comme une intrusion, l'intérêt porté par les juristes à la matière n'a cessé de croître au point d'aboutir à la création d'une discipline juridique y relative à savoir le droit international de l'environnement (DIE). Le droit international de l'environnement est l'ensemble des règles juridiques internationales dont l'objectif est la protection de l'environnement. Ce droit de création récente naît à la suite de la prise de conscience que la planète court un grand danger écologique du fait de l'activité humaine. Mais les multiples conventions internationales régissant le domaine de l'environnement posent encore le problème de leur effectivité. En effet, comme le fait remarquer Claude Impériali, « la question de l'effectivité des conventions internationales est l'une des préoccupations essentielles actuelles de la doctrine et des praticiens »10(*). C'est pour remédier à cette situation que les Etats ont mis sur pied des moyens de contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales et autres normes de droit international de l'environnement. On note ainsi une émergence et une consécration des procédures de mise en oeuvre du droit dans le domaine de la protection de l'environnement telles que le système des rapports étatiques, la procédure de non respect et les contre-mesures11(*). Mais ces procédures de contrôle de la mise en oeuvre des conventions ne remettent pas en cause les mécanismes classiques de réaction à la violation du droit. En effet, l'application du droit international de l'environnement relève d'abord, du fait de la nature de telles règles, du régime d'application des règles du droit international classique12(*). C'est ainsi qu'on peut envisager une mise en oeuvre juridictionnelle du droit international de l'environnement, plus précisément un contentieux environnemental.

    Le droit international de l'environnement comme tous les autres domaines du droit international n'échappe pas au phénomène de juridictionnalisation qui consiste à faire trancher des différends par un tiers extérieur habilité à cet effet. On dénombre de nos jours plusieurs instances juridictionnelles devant lesquelles les questions environnementales ont été et continuent d'être traitées au contentieux ou à titre consultatif. C'est ce que fait remarquer Philippe Sands quant il affirme: «the rise of environmental consciousness in international law has been accompanied by another phenomenon: the growing number of international fora within which environmentally related disputes can now be addressed»13(*). On peut ainsi citer à titre illustratif le Tribunal International pour le Droit de la Mer mis en place par la convention de Montego Bay de 1982 ainsi que le tribunal arbitral institué par l'annexe VII de ladite convention, le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements, l'organe de règlement des différends de l'organisation mondiale du commerce etc. Toutes ces instances ont été précédées par la Cour internationale de justice qui a été instituée en 1946 avec la plénitude de compétence rationae materiae pour trancher toutes les questions de droit international dont relève indubitablement le droit international de l'environnement.

    L'étude envisagée ici a pour objet de parcourir la jurisprudence de la C.I.J. pour essayer de rendre compte de la manière avec laquelle cette institution judiciaire aborde la thématique environnementale dans l'exercice de ses compétences contentieuse et consultative.

    PRECISIONS CONCEPTUELLES

    Le degré de précision nécessaire pour tout travail de recherche commande que les notions utilisées soient comprises dans le sens souhaité de façon à les rendre opératoires. Cela est d'autant plus nécessaire que les mots n'ont de sens que dans leur contexte d'utilisation. C'est donc pour leur donner un plein effet et une valeur certaine qu'on va procéder à la précision des concepts clés du sujet. Il s'agit notamment des termes : Thématique, environnement et jurisprudence.

    Le Petit Larousse Illustré de 2007 définit la thématique comme désignant ce qui est relatif à un thème, qui s'organise autour d'un thème14(*). Ainsi parler de thématique de l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J. revient à s'intéresser à la jurisprudence qui est centrée autour d'un thème, celui de l'environnement notamment. Mais cette étude va au-delà d'un simple recensement des décisions de la C.I.J. dans lesquelles l'environnement constitue une thématique majeure. Il est aussi question de dégager, à partir d'une lecture critique desdites décisions, les tendances jurisprudentielles de la Cour afin d'en déterminer les cohérences ou les incohérences, les stabilités ou les variances. Cette démarche est d'autant plus envisageable que le Dictionnaire sus-cité définit également la thématique comme étant une méthode de lecture critique qui vise, par l'étude des constances thématiques et le retour des motifs, à dégager la cohérence d'un univers imaginaire et l'intention profonde d'un écrivain15(*). L'étude envisagée ici a donc pour but de parcourir l'ensemble de la jurisprudence de la C.I.J. centrée autour du thème de l'environnement, de manière à déterminer les constances, les cohérences mais aussi l'intention profonde du juge de la C.I.J.

    S'agissant du terme environnement, il a fait l'objet de plusieurs définitions tant par la jurisprudence, la doctrine que par les conventions internationales y relatives16(*). Mais de toutes ces définitions, on retiendra pour les besoins de la cause, la définition de la C.I.J. dans l'avis consultatif du 8 Juillet 1996 sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires. Selon cette dernière, l'environnement est l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et de leur santé, y compris pour les générations à venir. Cette définition est retenue parce qu'elle est considérée comme la plus élaborée17(*).

    Enfin le terme jurisprudence peut avoir un sens double. D'une part, la jurisprudence peut être définie comme l'ensemble des solutions apportées par une juridiction dans l'adaptation du droit18(*). D'autre part, il peut être entendu comme la position qui se dégage, sur un point de droit donné, des décisions rendues par une juridiction19(*). Dans le cadre de ce travail, le terme jurisprudence sera entendu dans son sens premier, c'est-à-dire l'ensemble des décisions rendues par une juridiction. Les décisions seront envisagées ici dans un sens large, intégrant à la fois les décisions définitives (arrêts et avis) et les décisions avant dire droit (ordonnances en indication de mesures conservatoires).

    INTERET DU SUJET

    L'étude sur la thématique environnementale dans la jurisprudence de la C.I.J. revêt un intérêt certain à plus d'un titre.

    D'abord sur un plan théorique, cette étude permet d'analyser l'activité normative du juge international. En effet, alors que le statut normatif des règles de droit international de l'environnement est encore discuté, le juge de la C.I.J. a réussi à faire application de ces règles dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle. Il devient donc intéressant de voir comment à travers son office, le juge de la C.I.J. donne une consistance concrète à des normes jusque là imprécises, et contribue ainsi à la stabilisation des règles et principes du droit international de l'environnement. Bref, il s'agit de s'attarder sur le rôle du juge dans la détermination des règles du droit international de l'environnement.

    Ensuite, l'étude envisagée ici présente un intérêt pratique, car elle permet de savoir si le recours au juge international permet une meilleure garantie de l'effectivité des normes environnementales. Cette préoccupation se révèle être importante tant il est vrai que « les actions concrètes destinées à sauvegarder la planète et à gérer de manière attentive et équitable, les ressources à l'intérieur des pays, entre les pays et entre les générations, n'ont pas été à la mesure des espoirs suscités et des engagements souscrits20(*)».

    Sur un plan personnel enfin, cette étude est une étape supplémentaire dans les recherches entamées dans le domaine du droit de l'environnement. Après l'étude sur la protection de l'environnement dans le cadre de l'accord de libre échange ACP-UE d'une part et l'apport du secteur de l'assurance dans la gestion des risques environnementaux d'autre part21(*), l'étude sur la thématique environnementale dans la jurisprudence de la C.I.J. est une approche judiciaire des mécanismes de protection envisageables. Elle offre des éléments techniques nécessaires à l'élaboration d'une stratégie juridique efficace qui permettrait à tout spécialiste du contentieux international de mener à bien toutes les actions engagées devant les juridictions internationales pour des questions liées au droit international de l'environnement.

    REVUE DE LA LITTERATURE

    Si le droit international de l'environnement se singularise par « le nombre impressionnant des traités internationaux relatifs à cette nouvelle branche du droit international »22(*), force est de constater que la littérature juridique y est aussi abondante. En effet, beaucoup d'ouvrages, articles et plus en plus de thèses et mémoires s'intéressent à ce domaine du droit international. C'est la raison pour laquelle nous avons eu accès à un nombre appréciable de documents pendant la réalisation de ce travail. Mais la difficulté rencontrée est que les ouvrages, pour la plupart généraux, n'étaient pas d'un grand apport pour notre thème qui se veut davantage une étude de jurisprudence. Par contre, nous avons eu accès à des articles assez proches de notre thème, qui ont été d'un apport indéniable.

    Pour ce qui est d'abord des ouvrages, c'est avec un grand intérêt que nous avons consulté l'ouvrage de Maurice Kamto intitulé Droit de l'environnement en Afrique23(*). En dépit de son caractère général, l'ouvrage nous renseigne sur la difficulté à laquelle fait face le juge international lorsqu'il doit se prononcer sur un contentieux environnemental. De l'avis de l'auteur, le juge international a de la peine à s'émanciper des règles du droit international classique. Il souligne le « reflexe inconditionné des juristes qui consiste à aborder les problèmes nouveaux à l'aide d'ustensiles juridiques et de moyens théoriques disponibles plutôt que de forger de nouveaux concepts et de nouvelles approches »24(*). En parcourant la jurisprudence de la Cour, nous avons pu nous rendre compte de la justesse de cette analyse. Toujours parlant des ouvrages, il faut mentionner celui d'Alexandre Kiss intitulé Droit international de l'environnement25(*). Dans cet ouvrage encore plus général, l'auteur fait une présentation globale du droit international de l'environnement, notamment son objet et sa nature, sa naissance et son évolution, ses sources et les différents problèmes qu'il pose. Ces ouvrages généraux nous ont certes permis d'avoir une vue d'ensemble du droit international de l'environnement, mais c'est aux articles que nous nous sommes référé pour avoir des analyses plus proches de notre thème.

    Pour ce qui est maintenant des articles, on pourrait les classer en trois grands groupes :

    Le premier groupe concerne les articles centrés sur la nature des normes du droit international de l'environnement. Il s'agit entre autres de l'article de Prosper Weil intitulé « Vers une normativité relative en droit international ? »26(*). Dans cet article, l'auteur présente un droit international malade de ses normes. Il soutient que « la multiplication de normes soft, de ce droit « incitatif » ou « programmatoire », est un symptôme de la faiblesse du système normatif international »27(*). On voit très bien le lien qui s'établit entre ces propos et le droit international de l'environnement dont les normes sont souvent qualifiées de soft. Prosper Weil arrive à la conclusion que : « A force de se laisser tenter par les délices et poisons de la sophistication et du laxisme intellectuel, le système normatif international risque de dériver irrémédiablement vers le relatif et l'aléatoire »28(*). Dans le même sens, Maurice Kamto dans son article intitulé « Les nouveaux principes du droit international de l'environnement »29(*), souligne l'imprécision du concept de « principe » en droit international de l'environnement. En relevant le caractère parfois trop général des principes, il se demande si la forte inclination du droit international de l'environnement pour les principes ne traduit pas un malaise, une faiblesse du droit30(*).

    Le deuxième groupe concerne les articles qui analysent la contribution de la C.I.J. au développement du droit international de l'environnement. Dans cette rubrique on peut citer l'article de Jorge Vinuales intitulé « The contribution of the international court of justice to the development of the international environmental law: contemporary assessment »31(*). L'auteur montre que la C.I.J. a joué un rôle important dans le développement du droit international de l'environnement. A travers sa jurisprudence, elle a reconnu le caractère coutumier de certaines règles du droit international de l'environnement. Dans une analyse prospectrice, l'auteur pense que les affaires encore pendantes permettrons à la Cour de préciser des normes spécifiques du droit international de l'environnement, de les rendre obligatoires et d'établir une relation entre les traités et le droit international de l'environnement coutumier. Toujours dans cette rubrique, on peut citer l'article de Jochen Sohnle intitulé « Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J. : L'affaire Gabcikovo-Nagymaros »32(*). L'auteur analyse le volet environnemental de l'affaire Gabcikovo-Nagymaros qui oppose la Hongrie à la Slovaquie à propos d'un traité relatif à l'utilisation des eaux du Danube. A son avis, il s'agit là de la première fois que la Cour discute amplement un arrière fond écologique. Il souligne dans l'attitude de la Cour une réaction ambivalente au regard du droit international général d'une part, et une application sélective des principes du droit international de l'environnement d'autre part.

    Pour ce qui est du troisième groupe enfin, il s'agit des articles qui remettent en cause l'aptitude des mécanismes et institutions classiques à s'appliquer au droit international de l'environnement. Dans son article intitulé « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de la protection de l'environnement : Enjeux et défis »33(*), Laurence Boisson de Chazournes montre le rôle marginal des mécanismes classiques de réaction à une violation du droit. Elle signale par ailleurs l'émergence et la consécration de nouvelles procédures de mise en oeuvre du droit dans le domaine de la protection de l'environnement. Dans le même sens, on peut citer l'article de Stéphane Doumbé-Billé intitulé « Evolution des institutions et des moyens de mise en oeuvre du droit de l'environnement et du développement »34(*). Ici l'auteur plaide pour une rénovation institutionnelle et une adaptation des moyens de mise en oeuvre du droit de l'environnement et du développement. Cette analyse certes centrée sur le droit interne ne manque pas de pertinence en droit international, compte tenu des imbrications entre l'interne et l'international et du caractère transnational des problèmes environnementaux.

    ETAT DE LA QUESTION

    La contribution de la C.I.J. à la protection de l'environnement est un sujet qui a préoccupé tant la doctrine que la jurisprudence. Sur ce dernier point, on peut lire au paragraphe 53 de l'arrêt du 25 Septembre 1997 dans l'affaire Gabcikovo Nagymaros que « la cour rappellera qu'elle a récemment eu l'occasion de souligner dans les termes suivants toute l'importance que le respect de l'environnement revêt à son avis, non seulement pour les Etats mais aussi pour l'ensemble du genre humain »35(*). Cette importance de la protection de l'environnement s'illustre bien par la création en son sein le 19 Juillet 1993 d'une chambre spéciale pour les questions environnementales. Pour Raymond Ranjeva, la création d'une chambre pour l'environnement a constitué la réponse apportée par la cour à la double question relative à son rôle éventuel dans le règlement des différends concernant l'environnement et le développement durable d'une part et à un aménagement de sa méthode de travail d'autre part36(*).

    Mais les avis restent partagés au sein de la doctrine en ce qui concerne la contribution du juge de la C.I.J. à la protection de l'environnement. Dans son article intitulé « la mise en oeuvre du droit international dans le domaine de la protection de l'environnement : enjeux et défis », Laurence Boisson de Chazournes souligne que «  les clauses compromissoires de règlement des différends insérées dans les conventions de protection de l'environnement n'ont jamais été invoquées pour régler un différend. Cela, même si certaines d'entre elles prévoient que lorsque le différend n'avait pas été réglé par voie de négociation ou par un autre mode, il pourrait alors être soumis à une procédure juridictionnelle à la requête d'une seule des parties au différend ». Elle ajoute que malgré le recours aux juridictions internationales, si on se réfère à certaines affaires récentes portées devant la C.I.J., « il faut admettre que tant dans l'affaire relative à certaines terres à phosphate à Nauru que dans l'affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros la question de la protection de l'environnement n'a pas été, et n'est pas, l'objet principal du différend ». Dans le même sens, le professeur Stéphane Doumbé-Billé estime que « les illustrations jurisprudentielles ne brillent pas par leur impact réel sur l'évolution des règles, ni véritablement sur la matière dans laquelle celles-ci s'inscrivent. Dans tous les cas, les solutions majeures s'analysent essentiellement au passé qu'il s'agisse de sentences arbitrales ou des décisions judiciaires. Même en relativisant la portée de leur dimension environnementale, c'est essentiellement à travers les affaires de la Fonderie du Trail en 1941, du Détroit de Corfou en 1949 et du Lac de Lanoux en 1956 que le droit international de l'environnement a émergé dans le droit du contentieux international 37(*) ».

    A contrario, Jochen Sohnle fait remarquer que l'affaire Gabcikovo-Nagymaros marque l'irruption de l'environnement dans la jurisprudence de la CIJ car «d'une manière inédite en matière contentieuse, à l'invitation de la Hongrie, la cour a accepté de traiter cette affaire sur le terrain écologique »38(*). « Pour la première fois la Cour internationale de justice discute amplement un arrière fond écologique 39(*)». C'est dire toute l'importance que l'auteur accorde à la jurisprudence de la Cour en matière de protection de l'environnement. Dans un article publié à l'oecd globalforum on international investment, Philippe Sands note que: «A number of decisions in the past decade are noteworthy for having contributed to the development of international environmental law, by identifying and then applying various rules, and also by clarifying their meaning and effect and relationship with other rules of international law arising outside the environmental domain»40(*). Cette idée est défendue par Jorge E. Vinuales dans un article publié au Fordham International Law Journal, dans lequel il fait remarquer qu'avec l'affaire des usines de pâte à papier, « the icj is again presented with an opportunity to clarify some important issues of international environmental law »41(*).

    Dans un sens plus général, le professeur Alexandre Kiss pense que « l'importance réelle des arrêts ou des avis consultatifs de la cour de la Haye, d'arbitres ou d'autres juridictions internationales est bien plus grande. Ces décisions sont plutôt considérées comme la formulation, la consécration ou la révélation des règles coutumières, selon les cas 42(*)». Il est donc nécessaire d'apporter des réponses claires à ces idées contradictoires par une étude minutieuse de la jurisprudence de la CIJ relative au droit international de l'environnement.  

    DELIMITATION DU SUJET

    L'étude envisagée dans le cadre du présent mémoire va connaître une délimitation du point de vue du champ matériel pris en considération. En effet, on peut noter que la CIJ a rendu plusieurs arrêts et avis qui de près ou de loin, ont un lien avec la protection de l'environnement. Mais l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros est considéré comme un tournant décisif dans la jurisprudence de la CIJ car ce serait la première fois que la cour accepte de traiter une affaire sur le terrain écologique43(*). Cet arrêt constituera donc l'élément central de l'étude. Il sera tout de même tenu compte des arrêts et avis antérieurs et postérieurs à ce dernier afin d'avoir une approche tant historique que prospectrice.

    PROBLEMATIQUE

    Le droit international de l'environnement est une discipline relativement jeune avec des règles qui ne sont pas encore stabilisées. Il arrive souvent que, parlant des normes environnementales, celles-ci soient qualifiées de droit mou, de « soft law », de normes à caractère programmatoire ou de principe. Selon certains auteurs, ce sont des normes à nature juridique et à degré de précision variables, de règles à statut normatif discutable en raison de leur rôle dans la « dilution » de la normativité internationale44(*), de normes au contenu peu précis régulant la protection de l'environnement et rendant difficile l'établissement de la violation du droit45(*), de normes énonçant des objectifs d'intérêt général, dont la violation n'est pas nécessairement juridiquement sanctionnée46(*) etc. Selon Raymond Ranjeva, en l'absence de règles positives conventionnelles, la compétence de droit revient à l'Etat souverain et un différend afférant à l'exercice d'une telle compétence ne saurait, dès lors, avoir un caractère justiciable. On pourrait dès lors s'interroger sur la possibilité d'exercer un contrôle juridictionnel efficace de telles normes. En effet, pour régler un différend, le juge applique à des situations concrètes des catégories juridiques bien établies et consolidées. On se demande si la norme environnementale dont le respect doit être contrôlé et qui apparait comme une norme « soft » y compris dans sa forme conventionnelle favorise un contrôle juridictionnel, si le caractère généralement non self executing des normes conventionnelles permet un contrôle juridictionnel international.

    Avec la production jurisprudentielle de la C .I.J. dans le domaine de la protection de l'environnement, la réponse aux interrogations précédentes semble être affirmative. On constate effectivement à travers la jurisprudence de la Cour que le juge arrive à faire tant bien que mal application des normes de droit international de l'environnement dans le contentieux international. La réponse ainsi proposée soulève encore des interrogations. Si malgré le caractère « soft » reconnu aux normes environnementales le juge international parvient à en faire application dans sa jurisprudence, comment procède-t-il ? Comment le juge de la C.I.J. parvient-il appliquer aux situations concrètes des catégories juridiques dont le statut juridique est encore discuté ?

    HYPOTHESES

    Compte tenu du rôle reconnu au juge dans le développement du droit, on peut légitimement penser que le juge de la C.I.J. procède à la détermination de la nature des normes qu'il applique, de leur valeur ainsi que des obligations précises qui en découlent avant de les appliquer à des situations précises. Le juge aurait donc une activité normative intense imposée par la jeunesse du droit à appliquer d'une part, et la nécessité de plus en plus affirmée de protéger efficacement l'environnement.

    Mais le juge de la C.I.J. pourrait aussi faire simplement usage des catégories juridiques existantes et fortement consolidées pour régler les différends environnementaux. En effet, le droit international de l'environnement est une branche du droit international public qui se singularise par la spécificité de ses normes. Mais n'étant pas en marge du droit international public général, il peut bénéficier de l'apport des autres disciplines du droit international public pour assurer une positivité de ses normes et une sanction efficace des manquements à celles-ci. Dans ce cas le juge n'aura pas pour ambition de stabiliser les règles de manière à les rendre autonomes mais plutôt de les compléter et de les rendre applicables grâce aux normes des autres branches du droit international public.

    METHODE DE TRAVAIL

    L'étude envisagée ici est une analyse de la jurisprudence de la Cour afin de dégager les méthodes de travail qui permettent à cette dernière d'assurer l'application contentieuse des normes de droit international de l'environnement malgré la « normativité relative»47(*) qui est souvent reconnue à ces normes. La méthode de travail qui sera donc utilisée ici est la méthode analytique. Elle permettra de dégager, à partir des décisions rendues par la Cour dans le domaine du droit international de l'environnement, la nature et la portée de sa contribution au développement de ce droit.

    PLAN DU TRAVAIL

    Le présent travail fera l'objet d'une présentation en deux parties qui retracent l'activité du juge de la C.I.J. en matière de protection de l'environnement. En effet, on relèvera d'une part une consécration des normes environnementales par la C.I.J. (Partie I), et d'autre part la difficulté pour le juge international à s'affranchir des techniques et méthodes traditionnelles de traitement des questions contentieuses (Partie II).

    PARTIE I :

    LA CONSECRATION DES NORMES ENVIRONNEMENTALES PAR LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

    L'évolution du droit international est attribuable à celle de la société internationale, qui se modèle sans cesse. Ainsi, l'apparition de nouvelles préoccupations dans la société internationale impose un réaménagement du dispositif juridique afin de garantir une gestion harmonieuse des rapports internationaux. La naissance du droit international de l'environnement obéit à cette logique car elle apparait comme une réponse apportée par le droit international aux problèmes environnementaux dont l'urgence de la protection semble faire l'unanimité au sein de l'opinion publique.

    Cependant, en plus de leur incapacité à régir l'intégralité du phénomène qui a présidé à leur élaboration (ce qui est le propre de toutes les normes juridiques), les normes environnementales ont également la particularité d'être des normes à statut juridique encore discuté en doctrine.

    Mais la C.I.J. semble être allée au-delà de ce débat doctrinal en introduisant la notion d'environnement dans le contentieux international. Ce faisant, la C.I.J. met en évidence le rôle des décisions judiciaires qui sont « des moyens auxiliaires de détermination de la règle de droit »48(*). Elle y parvient à travers la détermination du contenu des normes de droit international de l'environnement d'une part (Chapitre 1) et la formulation d'obligations précises à la charge des Etats, ainsi que des conditions d'exclusion de l'illicéité du fait étatique d'autre part (Chapitre 2).

    CHAPITRE I :
    LA DETERMINATION PAR LE JUGE DU CONTENU DES NORMES DE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT

    Le rôle du juge dans la détermination des normes du droit international trouve son fondement dans l'article 38 alinéa 1 (d) du statut de la Cour International de Justice. Selon cet article, « la Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis applique : (...) sous réserve de la disposition de l'article 59, les décisions judiciaires. (...) ». Par ailleurs, ce rôle normateur du juge est aussi justifié par la difficulté face à laquelle se trouve ce dernier de rendre justice avec de normes juridiques inexistantes, incomplètes ou obscures. Pourtant, « juger, c'est faire application à une situation concrète d'une norme juridique préexistante. Une telle application suppose que le juge soit parfaitement fixé sur le sens de la norme à appliquer »49(*). Face à des normes de droit international de l'environnement imprécises, le juge de la Cour Internationale de Justice a tenu à jouer son rôle en matière de développement du droit international, ceci à travers un exercice de clarification conceptuelle d'une part (Section 1) et la consécration des principes de protection d'autre part (Section 2).

    Section 1 : Les clarifications conceptuelles

    L'introduction de la notion d'environnement dans le contentieux international a fortement contribué à l'affirmation du droit international de l'environnement. Elle apparaît comme une réponse tranchée de la jurisprudence face au balbutiement de la doctrine sur la question. Le contentieux international de l'environnement a ainsi permis à la Cour Internationale de Justice de parvenir à une détermination jurisprudentielle de l'autonomie conceptuelle de l'environnement (paragraphe 1) en même temps qu'il a débouché sur une reconnaissance de la valeur normative des règles de droit international de l'environnement (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : La détermination jurisprudentielle de l'autonomie conceptuelle de l'environnement.

    L'analyse des arrêts de la Cour Internationale de Justice dans le domaine de l'environnement montre bien que la détermination de l'autonomie conceptuelle de l'environnement s'est faite de façon évolutive avec des moments de consécration et de confirmation (A). Mais, dans un cas comme dans l'autre, elle a eu pour effet de consacrer « l'espace » comme l'élément constitutif de l'environnement (B).

    A. L'évolution dans la consécration du concept d'environnement

    C'est à travers son avis consultatif rendu le 08 juillet 1996 sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires que la Cour Internationale de Justice a circonscrit le concept d'environnement en lui attribuant une définition précise (1). Par la suite, la Cour s'est employée dans ses décisions ultérieures à affirmer « l'unité et la cohésion de sa propre jurisprudence » en confirmant sa conception de la notion d'environnement, notamment à travers l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros (2).

    1- L'avis du 08 juillet 1996 comme point de départ de la définition

    Il faut tout d'abord rappeler que la Cour Internationale de Justice a eu à rendre deux (2) avis consultatifs en date du 08 juillet 1996 sur la même question à savoir la licéité de la menace ou de l'utilisation des armes nucléaires à la demande de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) d'une part50(*) et l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU) d'autre part51(*). Pour ce qui est de la demande d'avis de l'Organisation Mondiale de la Santé, la question posée à la Cour s'énonçait ainsi qu'il suit : « compte tenu des effets des armes nucléaires sur la santé et l'environnement, leur utilisation par un Etat au cours d'une guerre ou d'un autre conflit armé constituerait-elle une violation de ses obligations au regard du droit international, y compris la constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé ? ». Pour ce qui est de l'Assemblée Générale des Nations Unies, la question était libellée comme suit : « Est-il permis en droit international de recourir à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires en toute circonstance ? ». C'est l'avis consultatif rendu pour cette seconde demande d'avis qui sera étudié ici, car dans le premier avis, la cour a refusé de répondre à l'Organisation Mondiale de Santé parce qu'elle est « parvenue à la conclusion que la demande d'avis consultatif présentée par l'Organisation Mondiale de la Santé ne porte pas sur une question qui se pose dans le cadre de l'activité de cette organisation conformément au paragraphe 2 de l'article 96 de la charte52(*) ».

    C'est au paragraphe 29 de son second avis que la Cour Internationale de Justice consacre la définition de la notion d'environnement. Selon elle en effet, « l'environnement n'est pas une abstraction, mais bien l'espace où vivent les êtres humains et dont dépend la qualité de leur vie et de leur santé, y compris pour les générations à venir ». Cette prise de position par la Cour Internationale de Justice marque la réponse de la jurisprudence face à la multiplicité de définitions retenues par la doctrine. Elle est aussi une affirmation de l'activité normative occasionnelle du juge international lorsque ce dernier fait face à une norme inexistante (vide normatif) ou obscure. Certes en principe, «  la Cour applique le droit, elle ne le crée pas ; en tout cas, elle ne le crée presque jamais53(*) ». Mais on peut dire que la relativisation ainsi apportée au rôle principal de la Cour Internationale de Justice intègre bien son rôle dans le développement du droit international en général et du droit international de l'environnement en particulier.

    Le traitement par la Cour des questions environnementales à travers son avis du 08 juillet 1996 amène à constater que l'arrêt Gabcikovo- Nagymaros ne marque pas « l'irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice54(*) ». Pour le juge Bedjaoui, cette irruption remonte même à l'affaire du détroit de Corfou. En effet, pour lui, « La Cour Internationale de Justice (...) a eu, relativement tôt, des préoccupations concernant les problèmes de l'environnement. (...) la cour a eu à aborder ces problèmes d'environnement avec l'affaire que vous connaissez tous : celle du détroit de Corfou55(*) ». C'est dans cette affaire que la C.I.J. consacre pour la première fois le principe de l'utilisation non dommageable du territoire, principe considéré aujourd'hui comme faisant partie des normes du droit international de l'environnement. Elle affirme en substance que « Les obligations qui incombaient aux autorités albanaises (...) sont fondées non pas sur la convention VIII de la Haye, de 1907 (...) mais sur certains principes généraux et bien reconnus, tels que (...) l'obligation, pour tout Etat, de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d'actes contraires aux droits d'autres Etats ». On peut donc en déduire que plutôt que d'être considéré comme l'irruption de l'environnement dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice, l'arrêt Gabcikovo -Nagymaros doit représenter la confirmation par la Cour de l'intérêt qu'elle a pour les préoccupations environnementales.

    2- L'arrêt du 25 septembre 1997 comme confirmation de la définition de l'environnement.

    Si les questions environnementales sont déjà traitées par la Cour avant l'arrêt du 25 septembre 1997, il faut dire que c'est dans cette espèce que la Cour Internationale de Justice accepte, en matière contentieuse, de traiter une affaire sur le terrain écologique «  en consacrant de longs développements au droit international de l'environnement »56(*).Cet arrêt a donné l'occasion à la Cour de confirmer la définition de la notion d'environnement telle que présentée dans l'avis consultatif du 08 juillet 1996. Ainsi, à deux reprises, la Cour invoque la définition de l'environnement consacrée dans son avis consultatif. Il s'agit d'abord du paragraphe 53 alinéa 3 de l'arrêt aux termes duquel « la Cour rappellera qu'elle a récemment eu l'occasion de souligner dans les termes suivants toute l'importance que le respect de l'environnement revêt à son avis non seulement pour les Etats mais aussi pour l'ensemble du genre humain : « l'environnement n'est pas une abstraction, mais bien l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et de leur santé, y compris pour les générations à venir 57(*)» ». Pour une seconde fois, la Cour réaffirme au paragraphe 112 alinéa 4 du même arrêt la définition de la notion d'environnement lorsqu'elle déclare qu' « agir de la sorte (évaluer les risques écologiques) est d'autant plus important que la Cour, dans son avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires a rappelé que l'environnement n'est pas une abstraction, mais bien l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et de leur santé, y compris pour les générations à venir   ».

    C'est dire que la Cour est restée cohérente dans sa jurisprudence et plus particulièrement dans la conception qu'elle se fait de la notion d'environnement. Cette cohérence se vérifie davantage si on considère aussi l'ordonnance du 13 juillet 2006 de la Cour Internationale de Justice portant sur la demande en indication des mesures conservatoires dans l'affaire des usines de pâtes à papier sur le fleuve d'Uruguay. En effet, la Cour « rappelle avoir eu, par le passé, l'occasion de souligner toute l'importance qu'elle attache au respect de l'environnement, notamment, dans l'avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires et dans son arrêt en l'affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie58(*)) ». Mais, au-delà de la consécration de la définition de l'environnement, la Cour Internationale de Justice procède, à travers sa jurisprudence à la détermination de l'élément constitutif de cette notion.

    B - L'espace comme élément constitutif de la notion d'environnement.

    La définition de la notion d'environnement retenue par la Cour Internationale de Justice consacre l'espace comme élément constitutif de cette notion. En effet, dès les premières lignes de la définition, on peut lire ce qui suit : «  l'environnement n'est pas une abstraction, mais bien l'espace où vivent les êtres humains (...) ». Cette conception de la notion d'environnement est assez originale si l'on s'en tient aux différentes définitions doctrinales qui l'ont précédé. En effet, on note une pluralité d'éléments constitutifs de l'environnement dans les définitions des auteurs. C'est ainsi que pour Michel Prieur par exemple, l'environnement est à la fois la qualité de la vie, le bien-être, les ressources naturelles, les paysages, le patrimoine urbain et architectural, le milieu urbain etc.59(*) Pour Maurice Kamto, la notion d'environnement est constituée par le milieu, l'ensemble de la nature et des ressources, le patrimoine culturel et les ressources humaines60(*). C'est cette diversité d'éléments constitutifs de l'environnement recensés par la doctrine qui a fait dire que la notion de l'environnement est protéiforme. Mais, sans remettre en cause cette nature, la Cour Internationale de Justice se démarque des conceptions doctrinales pour retenir dans sa définition un seul élément, l'espace, qui en réalité fédère tous les autres éléments constitutifs énumérés. C'est donc une définition moins analogique que logique et plus englobante qui a été retenue par la Cour pour illustrer l'environnement.

    L'option prise par la Cour Internationale de Justice pour déterminer l'élément constitutif de l'environnement peut se justifier par la clarté et la précision des concepts qui doivent être pris en compte dans une procédure contentieuse. En effet, le juge est sensé appliquer à des situations concrètes des catégories juridiques bien établies et consolidées. Or, le fait de retrouver des éléments constitutifs différents dans les définitions de l'environnement révèle un peu le manque de précision de la notion, ou encore l'absence d'une unanimité dans la détermination des éléments constitutifs de l'environnement. On note donc, un effort de systématisation de la Cour qui lui permet de mieux accomplir sa tâche. En effet, comme le fait remarquer Louis Delbez, « le juge, pour compléter le droit en vigueur pourra soit systématiser les solutions particulières, soit individualiser les solutions existantes du droit international »61(*).

    L'autre facteur pouvant justifier la position de la Cour est le principe de droit selon lequel toute énumération est limitative. Concrètement, si la Cour Internationale de Justice adoptait une définition de l'environnement faisant ressortir des éléments constitutifs bien déterminés, cela pourrait amener à conclure que tout autre élément ne faisant pas partie de l'énumération retenue par la Cour ne peut être considéré comme faisant partie des éléments constitutifs de l'environnement. Une telle approche limiterait la marge de manoeuvre de la Cour et pourrait laisser non résolus un nombre important de contentieux, tant on sait que ces derniers portent souvent sur des questions diverses et variées. Cette attitude de la Cour relèverait dont de la prudence et permettrait d'éviter une situation de vide juridique.

    Mais, il faut dire que la Cour Internationale de Justice ne s'est pas contentée de donner un sens à la norme environnementale mais, est allée plus loin en reconnaissant une valeur normative aux règles de droit international de l'environnement.

    Paragraphe 2 : La reconnaissance de la valeur normative des règles de droit international de l'environnement.

    La Cour reconnait implicitement une nature coutumière à certaines règles du droit international de l'environnement (A). De même, elle conçoit les considérations écologiques comme faisant partie intégrante des considérations élémentaires d'humanité (B).

    A - La reconnaissance implicite de la nature coutumière de certaines règles du droit international de l'environnement.

    Telle que définie par l'article 38 (b) du statut de la Cour Internationale de Justice, la coutume est la « preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit ». La constitution d'une pratique dite générale ayant le caractère d'une règle obligatoire résulte d'une rencontre entre la pratique matérielle étatique et la conscience du sentiment d'obligatoriété à cette pratique. Il convient donc de rechercher dans la jurisprudence de la Cour si les deux éléments constitutifs de la coutume ont fait l'objet d'une consécration même implicite.

    Pour ce qui est de la pratique matérielle étatique d'une part, la Cour commence par reconnaître que les préoccupations environnementales représentent un « intérêt essentiel » pour les Etats. Elle le fait en ces termes : « la Cour ne voit aucune difficulté à reconnaître que les préoccupations exprimées par la Hongrie en ce qui concerne son environnement naturel dans la région affectée par le projet Gabcikovo-Nagymaros avaient trait à un « intérêt essentiel » de cet Etat62(*) ». La Cour va plus loin dans son raisonnement lorsqu'elle indique que la Commission du Droit International a précisé, en se référant à la pratique des Etats, que : «  c'est surtout dans les deux dernières décennies que la sauvegarde de l'équilibre écologique en est venue à être considérée comme répondant à un intérêt essentiel de tous les Etats63(*) ». Par ce faire, la Cour Internationale de Justice consacre une pratique matérielle étatique nécessaire à l'établissement d'une norme coutumière.

    D'autre part, la Cour Internationale de Justice relève cette conscience du sentiment d'obligatoriété lié à la pratique étatique. En effet, dans son avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, la Cour Internationale de Justice affirme : « la Cour est consciente de ce que l'environnement est menacé jour après jour et de ce que l'emploi d'armes nucléaires pourrait constituer une catastrophe pour le milieu naturel64(*) ». Cette reconnaissance par la Cour du caractère catastrophique pour l'environnement de l'emploi d'armes nucléaires illustre bien la conscience du sentiment d'obligatoriété de certaines normes protectrices de l'environnement. Elle met également en lumière la relation qui existe entre le juge et la coutume. Selon Jean Philippe Bufferne, « le rapport du juge à la coutume est identique à celui qui existe entre le juge et les faits dans un contentieux sur la responsabilité, à ceci près qu'est en cause l'existence d'une norme dont l'existence n'est pas formalisée ou qualifiée par le droit lui-même de coutumière. La Cour Internationale de Justice a une fonction constitutive à l'égard des faits auxquels l'article 38 prévoit une conséquence juridique en l'occurrence une norme. C'est pour cette raison que sa part active dans l'établissement de la règle coutumière peut être perçue comme une activité législative65(*) ».

    Si dans sa jurisprudence la Cour ne s'est pas explicitement prononcée sur la nature coutumière de certaines autres normes de droit international de l'environnement, certains auteurs ont quant à eux pris position en faveur de cette conception. Ainsi, par exemple, le juge Weeramantry affirme: « There have been juristic efforts in recent times to formulate what have been described as « principles of ecological security» (...). These principles of environmental law thus do not depend for their validity on treaty provision. They are part of customary international law. They are part of sinequanon for human survival 66(*) ». Il en est de même pour le juge Ranjeva pour qui « la Cour internationale de justice a pu dégager, sans difficulté, à partir des principes fondamentaux du droit coutumier des règles pertinentes dans le droit de l'environnement67(*) ». Ces apports doctrinaux confortent bien la position de la Cour. Mais cette dernière gagnerait tout de même à être explicite et cela vaut aussi pour la reconnaissance des considérations écologiques comme faisant partie intégrante des considérations élémentaires d'humanité.

    B - Les considérations écologiques comme partie intégrante des considérations élémentaires d'humanité.

    Les considérations élémentaires d'humanité ont été définies par la Cour Internationale de Justice comme « des principes reconnus par les nations civilisées comme obligeant les Etats même en dehors de tout lien conventionnel(...) principes de morale les plus élémentaires68(*) ». Mais c'est en 1949, dans l'affaire du détroit de Corfou, que la Cour Internationale de Justice rappelle que les Etats ne peuvent se soustraire à certaines « considérations élémentaires d'humanité69(*) ». Pour ce qui est des considérations écologiques, la Cour en fait mention plusieurs fois dans son avis du 08 juillet 1996. D'abord, elle fait référence à la résolution 43/43 de l'Assemblée Générale du 25 novembre 1992, intitulée « protection de l'environnement en période de conflit armé » qui « consacre l'opinion générale selon laquelle les considérations écologiques constituent l'un des éléments à prendre en compte dans la mise en oeuvre des principes du droit applicable dans les conflits armés »70(*). Dans le paragraphe qui suit, la Cour constate que : « si le droit international existant relatif à la protection et à la sauvegarde de l'environnement n'interdit pas spécifiquement l'emploi d'armes nucléaires, il met en avant d'importantes considérations d'ordre écologique qui doivent être dûment prises en compte dans le cadre de la mise en oeuvre des principes et règles du droit applicable dans les conflits71(*) ».

    La reconnaissance par la Cour des considérations écologiques comme faisant partie intégrante des considérations élémentaires d'humanité s'illustre bien dans l'affaire du détroit de Corfou. Dans cette affaire en effet, elle a objectivé l'existence des considérations élémentaires d'humanité qui sont aux fondements des conventions de Genève, ces dernières n'en étant que l'expression concrète72(*). Le rapport entre les considérations écologiques et les considérations élémentaires d'humanité naît du fait que les conventions de Genève et les textes subséquents sont largement imprégnés de considérations écologiques. Aussi par exemple, l'article 53 Paragraphe 3 du protocole additionnel numéro I aux conventions de Genève de 1949 dispose qu' « il est interdit l'emploi d'armes ou méthodes de guerre qui causeraient des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel ». Par ailleurs, la convention du 18 mai 1977 sur l'interdiction d'utiliser les techniques de modification de l'environnement à des fins nucléaires ou toutes autres fins hostiles interdit l'emploi d'armes ayant les mêmes effets. Par déduction, on arrive à la conclusion selon laquelle les considérations élémentaires d'humanité étant le fondement des conventions de Genève, les considérations écologiques qui y sont contenues font donc partie intégrante de ces considérations élémentaires d'humanité.

    Par ailleurs, le principe d'humanité est la base du droit humanitaire73(*), c'est-à-dire des règles régissant les conflits armés. Ainsi, le fait pour la Cour d'indiquer que les considérations écologiques doivent être prises en compte dans la mise en oeuvre du droit humanitaire implique que ces considérations écologiques doivent être suffisamment prises en compte dans la détermination des considérations élémentaires d'humanité. Telle est la démarche qui a permis à la Cour d'apporter une clarification au concept d'environnement et d'en déterminer la valeur des normes. Mais, la Cour ne s'est pas limitée à cela si l'on considère sa contribution dans la consécration des principes de protection.

    Section 2 : La consécration des principes de protection

    « Les principes jouent un rôle fondamental dans l'ordre juridique international »74(*). Pour ce qui est précisément du droit international de l'environnement, les principes se présentent comme des « véhicules d'intégration des préoccupations de protection de l'environnement75(*) ». La Cour Internationale de Justice semble avoir adhéré à ce point de vue si l'on en croit sa jurisprudence en matière de droit international de l'environnement. En effet, elle ne manque pas de consacrer les principes de protection qu'il s'agisse des principes conceptuels (paragraphe 1) ou encore des principes matériels (paragraphe 2)76(*).

    Paragraphe 1 : Les principes conceptuels

    Les principes conceptuels sont des principes encore dépourvus d'un statut autonome en droit positif, même si ils sont consacrés par la Cour Internationale de Justice. On peut citer : le développement durable (A) et le principe des droits des générations futures (B).

    A - Le développement durable

    C'est au paragraphe 140, alinéa 4 de l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros que la Cour Internationale de Justice consacre le concept de développement durable. En substance, elle dit que «  le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et la protection de l'environnement ». Ce faisant, la Cour n'apporte pas une définition jurisprudentielle du concept. C'est donc au rapport Brundtland77(*) qu'il faut se référer pour avoir la définition du développement durable. Selon ce rapport, le développement durable est « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Ce concept a émergé suite à une longue période de négociation à l'échelle internationale si bien qu'aujourd'hui, il semble faire l'unanimité au sein de la communauté internationale. Rostane Mehdi et Sandrine Maljean-Dubois soulignent à propos que «  le concept fait l'objet d'une acceptation large et générale, exprimée dans de nombreux textes et attestée par la pratique des Etats. Il ya bien un consensus sur l'idée que le développement durable doit permettre de concilier les deux exigences a priori contradictoires de la protection de l'environnement et du développement78(*) ». Il est même arrivé qu'on parle de la formation d'une branche du droit international sous le vocable de « Droit international du développement durable »79(*). Mais le consensus autour de l'impératif de concilier la protection de l'environnement et le développement masque mal la divergence d'opinions constatée quant à la nature juridique du concept de développement durable. La question qui se pose est celle de savoir si le développement durable est un principe juridique ? Pour le professeur Maurice Kamto, « Un principe est soit une règle ou une norme générale de caractère non juridique d'où peuvent être déduites des normes (...) soit une règle juridique établie par un texte en termes assez généraux destinée à inspirer diverses applications et s'imposant avec autorité supérieure80(*) ». Il arrive à la conclusion que le développement durable ne rentre dans aucune de ces deux catégories et ne peut donc être considéré comme un principe au sens juridique du terme. La Cour semble faire droit à cet argument car elle ne consacre pas un principe mais plutôt un concept81(*).

    Cependant, dans son opinion individuelle, le juge Weeramantry prend une position contraire en attribuant une valeur normative au développement durable. Pour lui en effet, le développement durable est davantage qu'un simple concept, c'est un principe reconnu du droit international moderne.

    Toutefois, au-delà de la controverse sur la nature juridique du concept de développement durable, il n'est pas moins vrai que ce concept est à la base d'autres concepts qui lui sont liés notamment celui des droits des générations futures.

    B- Les droits des générations futures

    La Cour fait remarquer dans l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros que l'homme n'a cessé d'intervenir dans la nature pour des raisons économiques et autres et souligne que les interventions de l'homme représentent des risques pour « l'humanité qu'il s'agisse des générations actuelles ou futures 82(*)». Se trouve ainsi consacré le droit des générations futures, principe qui figurait déjà dans la déclaration de Stockholm selon laquelle « l'homme a le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures83(*) ».

    Au regard de la définition donnée au développement durable dans le rapport Brundtland, on se rend bien compte que le principe des droits des générations futures est lié au principe de développement durable. Il est renforcé par le principe d'équité dans sa dimension intergénérationnelle84(*) et la notion d'humanité.

    Pour ce qui est du principe d'équité intergénérationnelle, il implique les générations présentes doivent utiliser les ressources naturelles pour satisfaire leurs besoins mais, cette utilisation doit se faire de manière équitable de telle sorte que les générations qui viendraient plus tard ne souffrent pas de la surexploitation de ces ressources. Il en est de même des activités entreprises par les générations présentes et qui présentent un danger grave pour la préservation de l'environnement à long terme. La Cour Internationale de Justice a eu l'occasion de relever ce dernier point dans son avis consultatif du 08 juillet 1996 notamment lorsqu'elle reconnaît l'impact négatif que peuvent avoir les armes nucléaires sur l'environnement et la dimension intergénérationnelle des conséquences pouvant résulter de leur utilisation. Elle affirme en substance que : « l'emploi d'armes nucléaires ferait courir les dangers les plus graves aux générations futures. Le rayonnement ionisant est susceptible de porter atteinte à l'environnement, à la chaîne alimentaire et à l'écosystème marin dans l'avenir, et de provoquer des tares et des maladies chez les générations futures85(*) » L'équité intergénérationnelle joue donc dans une dimension temporelle et peut être « source de contraintes au présent pour un bénéfice qui bien souvent ne se fera sentir que sur le long terme86(*) ».

    De l'avis de la Cour, l'humanité n'est pas seulement représentée par les générations déjà existantes mais aussi par celles qui ne le sont pas encore. C'est ce qui ressort de l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros lorsque la Cour parle des risques que la poursuite des interventions de l'homme dans la nature présente pour l'humanité qu'il s'agisse des générations actuelles ou futures87(*).

    La notion de patrimoine commun de l'humanité créé des droits patrimoniaux sur l'environnement pour les générations encore inexistantes. Cela implique aussi pour les générations présentes des obligations propres à la notion même de patrimoine notamment la gestion, la conservation et la transmission. En effet, « d'une part, il implique un ensemble de règles de gestion, car on est en droit d'en consommer les intérêts comme on est en droit de consommer les fruits du capital nature. Mais, d'autre part, il importe que le capital lui-même soit préservé en vue de sa transmission de génération en génération88(*) ». Les deux principes conceptuels ainsi consacrés par la Cour sont à la base d'autres principes qualifiés de matériels.

    Paragraphe 2 : Les principes matériels

    Les principes matériels sont considérés comme étant des principes juridiques de la mise en oeuvre du concept de développement durable89(*). Il s'agit entre autres du principe de précaution (A) et du principe de prévention (B) qui font l'objet d'une prise en compte variable par la C.I.J.

    A - Le principe de précaution

    Avant de s'attarder sur l'application du principe de précaution par la C.I.J. (2), il importe au préalable d'en préciser le contenu au sens du droit positif (1).

    1 - Le contenu du principe de précaution

    Le principe de précaution est un principe du droit international de l'environnement selon lequel les Etats doivent prendre des mesures pour prévenir la dégradation de l'environnement, même en l'absence de certitude scientifique absolue quant aux effets néfastes des activités projetées90(*). Ce principe a été affirmé par la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement durable en ces termes : « pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement »91(*).

    Le principe de précaution vise les risques probables, non encore confirmés scientifiquement mais dont la possibilité de réalisation peut être déterminée à partir de connaissances empiriques et scientifiques. C'est en cela qu'il se distingue du principe de prévention qui lui vise les risques avérés. Il se singularise également par les conditions de sa mise en oeuvre. En effet, pour que le principe de précaution soit mis en oeuvre, il faut d'abord qu'il y ait une incertitude scientifique qui est la principale caractéristique de ce principe. Ensuite, il faut qu'il y ait un risque de dommages, ce qui suppose une évaluation du risque permettant, sur la base des connaissances scientifiques disponibles et d'une certaine extrapolation, d'envisager les effets prévisibles que pourraient avoir sur l'environnement les activités en projet92(*). Il faut enfin que le risque de dommages atteigne un seuil de gravité qui puisse justifier l'adoption de mesures appropriées dans une optique de proportionnalité. Ces trois conditions sont bien résumées dans la pensée du Professeur Martin-Bidou lorsqu'il affirme que « c'est en raison de l'incertitude scientifique que l'on doit se contenter d'un risque de dommages. Mais, on s'en contente parce que les dommages encourus sont graves ou irréversibles. Leur gravité justifie l'action immédiate »93(*).

    2 - La mise en oeuvre du principe de précaution par la Cour Internationale de Justice

    Deux affaires ont permis de porter l'examen du principe de précaution devant la Cour Internationale de Justice. Il s'agit d'une part, de l'affaire des essais nucléaires II (pour dire deux) où le demandeur prétendait que la France devait en application dudit principe, s'abstenir de tout essai souterrain tant qu'elle n'en avait pas démontré l'innocuité et d'autre part, de l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros dans laquelle la Hongrie invoquait le principe de précaution pour justifier l'impossibilité de respecter le traité du 16 Septembre 1977 la liant à la Tchécoslovaquie. Mais c'est cette deuxième affaire qui retiendra notre attention ici parce qu'elle a donné lieu à des discussions sur le principe de précaution, tandis que la première s'est soldée par un non lieu prononcé par la Cour du fait de la déclaration unilatérale de la France, d'arrêter prochainement les essais litigieux.

    Le principe de précaution a fait l'objet de discussions entre la Hongrie et la Slovaquie. Par une lettre du 24 juin 1989, adressée à son homologue tchécoslovaque, le vice premier ministre hongrois déclare ceci : « après avoir étudié les conséquences prévues de la construction réalisée selon le plan initial, le comité de l'académie est arrivé à la conclusion que nous ne disposons pas de connaissances satisfaisantes sur les conséquences des risques écologiques. A son avis, le risque qu'entraînerait la construction du système de barrage conformément au plan initial ne peut être considéré comme acceptable »94(*). Les deux parties s'accordaient sur la nécessité d'adopter une approche de précaution, notamment sur la mise sur pied d'un système technique et opérationnel garantissant la qualité de l'eau. L'opposition entre les deux parties naissait quant au sort qui allait être réservé aux travaux envisagés. Alors que la suspension puis l'arrêt des travaux constituaient pour la Hongrie un moyen de réduire les risques écologiques liés au projet, la Slovaquie considérait le commencement immédiat des travaux et leur poursuite comme une condition préalable à la conclusion d'un accord au sujet d'un système de garanties techniques, opérationnelles et écologiques relatif au projet95(*).

    La Cour ne s'attardera pas sur l'examen des conditions de la mise en oeuvre du principe de précaution. Elle n'examinera pas davantage l'adéquation entre les mesures prises en application du principe et le seuil de gravité du risque redouté. C'est la raison pour laquelle on pourrait penser que la Cour ne consacre pas le principe de précaution96(*). Mais, la Cour Internationale de Justice décide plutôt d'examiner la compatibilité d'une mesure prise en application du principe de précaution (la suspension puis l'abandon des travaux) avec le droit régissant pareille mesure (le droit des traités). Ce choix de la Cour est justifié par l'article 2 alinéa 1 (a) du compromis qui invite la Cour à dire si la Hongrie était en droit de suspendre puis d'abandonner les travaux qui lui incombaient aux termes du traité. Cela peut laisser croire que le principe de précaution n'était que sous entendu, et que seule faisait l'objet d'analyse la compatibilité entre la suspension et l'abandon du traité d'une part et les dispositions du droit des traités y relatives d'autre part. On pourrait donc dire que la Cour tout en reconnaissant implicitement le principe de précaution97(*) consacre une autre condition de sa mise en oeuvre qui est le caractère licite des mesures prises en application de ce principe.

    B - Le principe de prévention

    Le principe de prévention est lui aussi un principe du droit international de l'environnement qui implique la mise en oeuvre des règles et d'actions pour anticiper toute atteinte à l'environnement en cas de risques avérés. On comprend bien que le principe de prévention intervient après le principe de précaution car, contrairement à ce dernier qui est mis en oeuvre lorsque le risque n'est que probable, le principe de prévention sert à prévenir les effets néfastes pouvant résulter de la réalisation d'un risque avéré. C'est donc l'incertitude qui justifie l'application du principe de précaution tandis que le risque rend nécessaire la mise en oeuvre du principe de prévention. Cela se résume bien dans les réflexions du professeur Gilles Fievet pour qui « le risque est à la prévention ce que l'incertitude est à la précaution et si la prévention vise à gérer les risques, la précaution vise à gérer l'attente d'information et donc dans certains cas à éviter des catastrophes de type apocalyptique98(*) ».

    Contrairement au principe de précaution qui est pris en compte de manière implicite dans l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros, le principe de prévention est explicitement consacré par la Cour lorsqu'elle définit dans la partie normative de son arrêt les droits et obligations des parties. En substance, il y est dit que « la Cour ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l'environnement, la vigilance et la prévention s'imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l'environnement et des limites inhérentes au mécanisme même de réparation de ce type de dommages99(*) ». La Cour dégage du principe ainsi consacré une obligation à la charge des parties aux différends qui devraient, ensemble, examiner à nouveau les effets sur l'environnement de l'exploitation de la centrale de Gabcikovo100(*).

    La Cour Internationale de Justice détermine également les modalités de mise en oeuvre du principe de prévention notamment pour ce qui est des normes qui doivent être prises en compte. En effet, elle déclare que «  de nouvelles normes et exigences ont été mises au point (...). Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement lorsque les Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le passé101(*) ».

    En consacrant une définition de l'environnement et en reconnaissant l'existence de certains principes de droit international de l'environnement, la Cour Internationale de Justice se livre à une activité de déduction des normes environnementales digne d'intérêt. De plus, elle relativise quelque peu le caractère de « soft law » souvent attribué aux normes environnementales en mettant à la charge des Etats des obligations bien précises.

    CHAPITRE 2 :
    LA FORMULATION D'OBLIGATIONS PRECISES ET DES CONDITIONS D'EXCLUSION DE L'ILLICEITE DU FAIT ETATIQUE

    Au sens large, l'obligation est le « lien juridique par lequel un sujet de droit international est tenu envers un ou plusieurs autres, d'adopter un comportement déterminé ou de s'en abstenir102(*) ». Cette définition nous renseigne sur le caractère de l'obligation, car selon la citation, l'Etat qui souscrit une obligation est tenu de se comporter en conséquence. C'est dire que l'obligation a un caractère contraignant pour les parties concernées. Ce caractère contraignant soulève certaines difficultés en droit international de l'environnement où les normes ont une substance « tellement peu contraignante que l'obligation de l'un et le droit de l'autre deviennent presque insaisissables103(*) ». C'est certainement la raison pour laquelle la Cour a procédé à la précision de ces obligations (section 1).

    Par ailleurs, la Cour procède à un examen des questions de responsabilité. Elle affirme que c'est au regard du droit de la responsabilité des Etats qu'il y a lieu d'apprécier dans quelle mesure la suspension ou la dénonciation d'une convention qui serait incompatible avec le droit des traités engage la responsabilité de l'Etat qui y a procédé104(*). Mais les considérations environnementales sont prises en compte ici, non pas pour déterminer les conditions dans lesquelles la responsabilité internationale d'un Etat peut être engagée pour un fait illicite, mais plutôt pour examiner les conditions d'exclusion de l'illicéité d'un acte (section 2).

    Section 1 : La formulation d'obligations précises à la charge des Etats

    Une obligation peut avoir pour objectif d'amener un sujet de droit international à adopter un comportement déterminé ou à s'en abstenir. La Cour Internationale de Justice fait bien cette distinction dans sa jurisprudence lorsqu'elle met à la charge des Etats des obligations positives (paragraphe 1) et des obligations négatives (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Les obligations positives.

    L'obligation positive est considérée ici comme celle qui prescrit un comportement déterminé à un sujet de droit international. Il s'agit d'une obligation de faire pouvant trouver son fondement dans une convention internationale ou dans une norme coutumière. Jochen Sohnle parle de « principes procéduraux105(*) » devant être respectés par les Etats. Il s'agit notamment de l'obligation d'évaluer l'impact environnemental des projets (A) et de l'obligation de coopération entre les Etats (B).

    A - L'obligation d'évaluer l'impact environnemental des projets.

    L'obligation qu'ont les Etats d'évaluer l'impact sur l'environnement des projets et activités qu'ils mènent peut être considérée comme faisant partie des normes fondamentales du droit international de l'environnement (1). Toutefois, son affirmation dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice pose encore des difficultés, notamment celles qui ont trait à la détermination du responsable de l'étude d'impact environnemental et à la sanction pour manquement à l'obligation d'évaluer (2).

    1 - L'évaluation de l'impact environnemental comme norme fondamentale du droit international de l'environnement

    « La conscience que l'environnement est vulnérable et la reconnaissance de ce qu'il faut continuellement évaluer les risques écologiques se sont affirmées de plus en plus dans les années qui ont suivi la conclusion du traité »106(*). L'évaluation de l'impact environnemental dont l'importance est ainsi consacrée revêt deux formes : lorsqu'elle s'applique à un projet de création d'entreprise ou d'exercice d'une activité, elle est qualifiée d'étude d'impact environnemental et se rapproche du principe de prévention. Par contre, si elle intervient lorsque l'entreprise est opérationnelle ou lorsque l'activité est déjà exercée, elle prend le qualificatif d'audit environnemental et se présente comme une forme de mise en oeuvre du concept de développement durable.

    - Le principe de prévention a été clairement consacré par la Cour dans son arrêt du 25 septembre 1997. Elle affirme en effet que « dans le domaine de la protection de l'environnement, la vigilance et la prévention s'imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l'environnement »107(*). C'est donc la nature du risque environnemental qui impose l'adoption des mesures de prévention au premier rang desquelles figure l'étude d'impact environnemental.

    L'étude d'impact environnemental s'entend de toutes mesures appropriées et efficaces ayant pour but de prévenir l'effet qu'une activité pourrait avoir sur l'environnement. C'est ce qui ressort de l'article 3 de la convention d'Espoo (Finlande) du 25 Février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière. Aux termes de cet article, « la partie d'origine veille à ce que, conformément aux dispositions de la présente convention, il soit procédé à une évaluation de l'impact sur l'environnement avant que ne soit prise la décision d'autoriser ou d'entreprendre une activité (...), qui est susceptible d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important ». De même, le principe 17 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement énonce qu' « une étude d'impact sur l'environnement, en tant qu'instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement et dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente ». Lorsqu'elle n'est pas bien menée, l'étude d'impact environnemental ne permet pas de prévenir efficacement les risques d'atteinte à l'environnement que présentent certaines activités. Cet argument a été mis en avant par la Hongrie pour prouver l'incertitude face à laquelle elle se trouvait et qui justifiait la terminaison du traité. Elle soulevait en effet que les études menées avaient été insuffisantes et que l'état des connaissances à l'époque ne permettait pas d'évaluer pleinement les incidences écologiques du projet Gabcikovo-Nagymaros108(*).

    - Contrairement à l'étude d'impact environnemental qui intervient avant la création d'une entreprise ou l'exercice d'une activité, l'audit environnemental intervient lorsque l'entreprise est déjà opérationnelle ou lorsque l'activité est déjà exercée. La Cour a expressément reconnu la nécessité qu'il y a d'évaluer « continuellement » les risques écologiques des projets déjà actifs. Elle précise aussi la prise en compte de nouvelles normes et exigences pour la réalisation de l'audit environnemental. En effet, « ces normes nouvelles doivent être prises en considération lorsque les Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le passé. Le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l'environnement109(*) ». De l'avis de la Cour, l'étude d'impact environnemental et surtout l'audit environnemental permettent de parvenir au développement durable. Mais, la Cour Internationale de Justice ne fait pas une distinction claire entre l'étude d'impact environnemental et l'audit environnemental. Elle fait simplement allusion à une étude continue qui suppose à la fois une étude préalable à un projet et une étude pendant la réalisation du projet. Mais cette distinction ressort clairement de l'opinion dissidente du juge Weeramantry. Ce dernier affirme en effet que: « Environmental law in its current state of development would read into treaties which may reasonably be considered to have a significant impact upon the environment, a duty of environmental impact assessment and this means also, whether the treaty expressly so provides or no, a duty of monitoring the environmental impacts of any substantial project during the operation of the scheme ...110(*)». L'utilisation des termes «assessment » et «monitoring » montre bien la distinction entre l'étude d'impact environnemental et l'audit qui sont les deux variantes du plan de gestion environnemental. Mais, l'obligation d'évaluer l'impact environnemental ainsi affirmée pose des problèmes pour ce qui est de la détermination du responsable de l'étude et de la sanction pour manquement.

    2 - Le problème de la détermination du responsable de l'étude et de la sanction en cas de manquement.

    L'arrêt du 25 septembre 1997 suscite des interrogations quant à l'Etat qui a la charge de l'étude d'impact environnemental, mais aussi pour ce qui est de la sanction en cas de manquement à l'obligation d'évaluer l'impact environnemental d'un projet.

    - Aux termes de l'article 2 (1) de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, « les parties prennent, individuellement ou conjointement, toutes mesures appropriées et efficaces pour prévenir, réduire et combattre l'impact transfrontière préjudiciable important que des activités proposées pourraient avoir sur l'environnement ». Cette disposition ne précise pas cependant les hypothèses où les mesures d'évaluation peuvent être individuelles ou conjointes ; bref elle ne permet pas de savoir, dans une situation concrète, qui a la charge d'évaluer l'impact environnemental d'un projet. Mais le principe 17 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement apporte plus de précision sur la question lorsqu'il énonce qu' « une étude d'impact sur l'environnement, en tant qu'instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement et dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente ». C'est dire que l'étude d'impact environnemental incombe unilatéralement à un Etat dès lors que les activités envisagées dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente. A contrario, lorsque les activités envisagées dépendent de deux ou plusieurs autorités nationales, on pourrait s'attendre à une étude d'impact conjointe. C'est la position que semble avoir adopté la Cour lorsqu'elle rejette l'argument de la Hongrie selon lequel « les recherches concernant l'impact du projet sur l'environnement incombaient à la Tchécoslovaquie111(*) ». Selon la Tchécoslovaquie, « les recherches concernant l'impact du projet sur l'environnement n'incombaient pas exclusivement à la Tchécoslovaquie, mais à l'une ou à l'autre des parties, selon l'emplacement des ouvrages112(*) ». La Cour va dans le même sens que la Tchécoslovaquie en affirmant que « la responsabilité d'agir de la sorte était une responsabilité conjointe113(*) ». Elle va plus loin dans la partie normative de son arrêt lorsqu'elle prescrit aux parties d'examiner à nouveau ensemble les effets sur l'environnement de l'exploitation de la centrale de Gabcikovo114(*).

    L'étude d'impact environnemental est donc à la charge des parties à un projet conjoint et elle incombe unilatéralement à un Etat lorsqu'il s'agit d'un projet national. Mais, même dans le cas d'un projet national pouvant avoir un impact au-delà des limites territoriales de l'Etat, une étude conjointe peut être menée entre la « partie d'origine » et la « partie touchée » à condition que cette dernière accepte de participer à la procédure d'évaluation115(*).

    - La convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans contexte transfrontière et le principe 17 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement renseignent également sur le moment de l'étude d'impact environnemental116(*). C'est dire, à la lecture de ces dispositions, que l'absence de mesures appropriées et efficaces de prévention de l'impact sur l'environnement d'un projet envisagé est une violation de « ...l'obligation de procéder à une étude d'impact sur l'environnement complète et objective117(*) ». Mais bien que la Hongrie et la Tchécoslovaquie aient reconnu les risques écologiques que présentait le projet Gabcikovo-Nagymaros118(*), la Cour n'a pas cru devoir s'attarder sur le manquement à une obligation de droit international de l'environnement mais plutôt, sur la conformité au droit des traités des mesures de suspension et d'extinction du traité de 1977 prises par la Hongrie.

    Par ailleurs, la conclusion à laquelle aboutit la Cour résulte d'une interprétation restrictive des conditions de suspension des traités prévues par le droit des traités. En effet, la Cour estime que même si la construction et l'exploitation du barrage étaient de nature à créer des risques graves, la Hongrie avait à sa disposition des moyens, autres que la suspension et l'abandon des travaux, et par conséquent, du traité liant les parties119(*). La Cour entend par là la possibilité pour les parties de modifier le traité. Mais, compte tenu de l'insuffisance des études disponibles et de l'irréversibilité des dommages causés à l'environnement, il ne peut être attendu des parties qu'elles puissent efficacement adapter leur traité aux circonstances nouvelles. Il serait plutôt plus réaliste pour les parties de suspendre les travaux et d'engager des études complètes et appropriées, ce qui reviendrait à reconnaître une certaine particularité au risque écologique comme condition de suspension des traités. En insistant sur la possibilité qu'avaient les parties d'adapter leur traité conformément aux articles 15 et 19 relatifs respectivement à la protection de la qualité des eaux et à la protection de la nature, la Cour semble privilégier l'audit environnemental à l'étude d'impact. On pourrait en tirer la conclusion selon laquelle l'absence d'une étude d'impact complète et appropriée n'empêche pas aux Etats d'engager certaines activités, à condition que ces dernières puissent être plus tard adaptées aux exigences environnementales. Même si cette solution présente l'avantage de maintenir le lien conventionnel entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie, elle ne permet pas de sanctionner la violation de l'obligation d'évaluer l'impact sur l'environnement des projets envisagés, ce qui suscite des interrogations quant au caractère contraignant de cette obligation. Qu'en est-il de l'obligation de coopération ?

    B - L'obligation de coopération entre les Etats.

    La coopération internationale est l'un des objectifs des Nations Unies tel que cela ressort des dispositions de l'article 1er alinéa 3 de la charte. Dans le domaine du droit international de l'environnement, cette coopération s'impose comme une obligation pour les pays, un devoir pour la protection de l'environnement120(*). La Cour Internationale de Justice a réitéré à plusieurs reprises cette obligation en matière d'utilisation équitable des cours d'eau (1), en précisant quelques fois les modalités pratiques de la coopération notamment l'échange d'informations entre Etats (2).

    1 - L'utilisation équitable des cours d'eau internationaux.

    L'article 8 de la convention du 21 mai 1997 relative à l'utilisation des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation prévoit une obligation de coopération à la charge de tous les Etats riverains et intéressés. Cette coopération implique l'utilisation conjointe des ressources en eau partagées et la bonne foi dans la négociation.

    - L'utilisation des cours d'eau internationaux illustre bien l'obligation de coopération qui est imposée aux Etats par le droit. C'est ce qui ressort de l'arrêt de la Cour Internationale de Justice du 25 septembre 1997 dans l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros. Dans cette affaire en effet, la Cour commence par reconnaître le rôle vital du Danube dans le développement commercial et économique des Etats riverains, car « il a mis en évidence et accru l'interdépendance, rendant indispensable la coopération internationale121(*) ». C'est dire qu'en matière de cours d'eau internationaux, l'utilisation conjointe est indispensable.

    La coopération dont il s'agit ici peut intervenir à tout moment de l'utilisation conjointe d'un cours d'eau international. Ainsi par exemple, elle peut être préalable à toute action et consister en « une obligation de consultation et d'harmonisation des actions respectives des deux Etats, lorsque les intérêts généraux sont engagés en matière d'eau122(*) ». Elle peut également intervenir pendant la réalisation d'un projet et se traduire par une nécessité d'adapter de façon concertée le projet aux circonstances nouvelles. En clair, ce secteur d'activité soulève des problèmes complexes, d'où la nécessité d'une action concertée, « des mesures destinées à atténuer ces problèmes (les problèmes environnementaux)123(*) ne pouvant être prises que dans le cadre d'une coopération internationale124(*) ».

    Ce faisant, la Cour s'inscrit dans une logique tracée par certaines organisations internationales qui ont très tôt érigé l'utilisation conjointe de cette ressource au rang de principe. A titre d'illustration, dans le cadre de l'organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), la recommandation C (77) 28 propose que les Etats encouragent et facilitent des contacts réguliers entre les représentants désignés par eux en vue d'examiner les questions de pollution transfrontière qui pourraient se poser125(*). Cette règle s'applique aisément aux cours d'eau internationaux car ces derniers sont bien souvent le théâtre des pollutions transfrontières.

    - La bonne foi quant à elle est un élément important à prendre en considération lorsque les Etats négocient dans le cadre de leur obligation de coopération. L'arrêt du 25 septembre 1997 impose aux parties un devoir de négociation de bonne foi. En effet, dans le dispositif de l'arrêt, la Cour dit que « la Hongrie et la Slovaquie doivent négocier de bonne foi en tenant compte des situations existantes... »126(*). La Cour précise également le sens à donner à la notion de bonne foi dans les négociations. Pour se faire, elle se réfère à sa jurisprudence dans l'affaire du Plateau Continental de la Mer du Nord dans laquelle elle souligne que « les parties ont obligation de se comporter de telle manière que la négociation ait un sens, ce qui n'est pas le cas lorsque l'une d'elle insiste sur sa position sans envisager aucune modification127(*) ».

    Lorsqu'elles sont menées de bonne foi, les négociations concourent à trouver une solution au différend entre les parties. Par contre, lorsque la bonne foi est absente des négociations, la conséquence est qu'on va droit vers une impasse. Dans cette hypothèse, il n'est plus demandé aux parties de recourir à la négociation pour régler leur différend. La Cour constate que les négociations n'ont pas été menées de bonne foi et en tire les conséquences pour les parties. Ainsi par exemple, dans les affaires du Sud-ouest africain, la Cour Internationale de Justice fait remarquer que « le fait que dans le passé les négociations collectives aient abouti à une impasse et le fait que les écritures et les plaidoiries des parties dans la présente procédure aient clairement confirmé que cette impasse demeure obligent à conclure qu'il n'est pas raisonnablement permis de penser que de nouvelles négociations puissent aboutir à un règlement128(*) ».

    La Cour Internationale de Justice donne une portée générale au principe de bonne foi en considérant que celui-ci est l'un des principes de base qui président à la création et à l'exécution d'obligations juridiques, quelle qu'en soit la source129(*). C'est la raison pour laquelle il a pu être invoqué par la Cour sur le terrain du droit international de l'environnement. Il participe ainsi à l'exécution de l'obligation de coopération qui se réalise par ailleurs à travers les échanges d'informations entre les Etats.

    2- Les échanges d'informations entre les Etats.

    Les échanges d'informations sont considérés comme un « éventail de démarches procédurales concrètes et détaillées » permettant de mettre en oeuvre l'obligation de coopération. Il peut s'agir soit d'un échange de données ou encore d'une notification systématique des mesures adoptées par un Etat.

    - C'est depuis 1949 que la Cour Internationale de Justice a consacré l'obligation qu'ont les Etats riverains d'informer les autres Etats des dangers liés à la navigation dont ils ont la connaissance. En effet, dans l'affaire de Détroit de Corfou, la Cour dit que «  les obligations qui incombaient aux autorités albanaises consistaient à faire connaitre, dans l'intérêt de la navigation en général, l'existence d'un champ de mines dans les eaux territoriales albanaises et à avertir les navires de guerre britanniques (...) du danger imminent auquel les exposait ce champ de mines130(*) ». L'obligation ainsi consacrée sous entend que les parties doivent échanger les informations dont elles disposent et qui pourraient avoir un impact sur les droits des autres.

    D'abord énoncée dans le cadre de la sécurité de la navigation, l'obligation d'échanger les données s'est cristallisée en matière d'utilisation des cours d'eau à des fins autres que la navigation. La convention y afférente précise en son article 9 que les Etats du cours d'eau échangent régulièrement les données et les informations disponibles sur l'état du cours d'eau, en particulier celles d'ordre hydrologique, météorologique, hydrogéologique, écologique et concernant la qualité de l'eau. Par ailleurs, le principe 18 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement met à la charge des Etats l'obligation de notifier immédiatement aux autres Etats toute catastrophe naturelle ou toute autre situation d'urgence qui risque d'avoir des effets néfastes sur l'environnement de ces derniers.

    L'obligation d'échanger les données est subordonnée à la disponibilité de ces données. C'est dire que si les capacités scientifiques et techniques d'un Etat ne lui permettent pas d'accéder à certaines informations, sa responsabilité ne peut être engagée pour violation de l'obligation d'informer. On peut donc dire que l'obligation d'échanger les données est tributaire de la capacité d'accéder à ces données.

    - Contrairement à l'échange de données qui est conditionné par leur disponibilité, la notification des mesures adoptées par un Etat est systématique, compte dûment tenu du fait que l'Etat en question est parfaitement informé des mesures qu'il souhaite mettre en oeuvre. « Avant qu'un Etat du cours d'eau mette en oeuvre ou permette que soient mises en oeuvre des mesures projetées susceptibles d'avoir des effets négatifs significatifs pour les autres Etats du cours d'eau, il en donne notification à ces derniers en temps utile »131(*). La même disposition est contenue dans le principe 19 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement et l'article 3 de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière.

    Du côté de la jurisprudence, la sentence arbitrale du 16 novembre 1957 dans l'affaire du Lac Lanoux (France C., Espagne) réitère l'obligation d'information systématique et préalable pour ce qui est des activités projetées par un Etat. Elle relève en effet l'obligation contenue dans l'article 11 de l'acte additionnel au traité de Bayonne de 1866 en vertu de laquelle, « lorsque dans l'un des deux Etats on se proposera de faire des travaux ou de nouvelles concessions susceptibles de changer le régime ou le volume d'un cours d'eau dont la partie inférieure ou opposée est à l'usage des riverains de l'autre pays, il en sera donné préalablement avis à l'autorité administrative supérieure du département ou de la province de qui ces riverains dépendent ». Par ailleurs, dans son mémoire présenté à la Cour dans l'affaire de l'usine de pâtes à papier sur le fleuve Uruguay, l'Argentine prie la Cour de dire et juger que l'Uruguay a manqué à l'obligation d'informer avant la mise en oeuvre de toute activité132(*). C'est dire qui la Cour Internationale de Justice aura l'occasion de se prononcer explicitement sur la question.

    L'échange d'informations ainsi prescrit permet aux autres Etats de se faire une idée de l'impact que pourraient avoir les activités projetées sur leur environnement et de prendre les mesures nécessaires pour limiter cet impact. Il permet aussi à l'Etat, auteur des mesures en cause, d'agir dans la transparence et dans le respect du territoire des autres Etats, conformément à ses obligations négatives.

    Paragraphe 2 : Les obligations négatives

    Les obligations négatives sont celles qui interdisent aux Etats d'adopter certains comportements. Il en est ainsi par exemple de l'interdiction d'utiliser son territoire à des fins contraires aux droits des autres Etats (A), ou encore de l'interdiction d'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement (B).

    A - L'interdiction d'utiliser son territoire à des fins contraires aux droits des autres Etats.

    Comme le fait remarquer A. Kiss, il s'agit là d'une règle générale qui ne s'applique pas qu'aux dommages écologiques133(*). Cette règle présente deux variables qui permettent de l'expliquer (1). Mais, sa compréhension est souvent rendue difficile par les interprétations jurisprudentielles, tel que cela ressort de la distinction opérée entre la construction et la mise en service dommageables (2).

    1 - Les variables de l'interdiction.

    «... Les Etats (...) ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement dans d'autres Etats...134(*) ». La règle ainsi énoncée laisse apparaître deux obligations : d'une part, l'obligation pour l'Etat d'utiliser son territoire de façon non dommageable et d'autre part, l'interdiction de laisser utiliser son territoire à des fins dommageables.

    - Dans le contexte du droit international de l'environnement, l'utilisation non dommageable du territoire renvoi aux questions de pollution transfrontalière. L'interdiction faite aux Etats de polluer l'environnement des autres Etats a été consacrée pour la première fois dans l'affaire de la Fonderie du Trail135(*) (Etats-Unis C., Canada), considérée comme « un contentieux écologique international de référence136(*) ». Dans cette sentence arbitrale, le tribunal arrive à la conclusion selon laquelle « aucun Etat n'a le droit de faire usage, ou de permettre qu'il soit fait usage de son territoire, de manière à causer des dommages, par des émanations de fumées sur le territoire d'un Etat voisin à ce territoire ou aux biens se trouvant sur ce territoire137(*) ». C'est ainsi que le Canada fut jugé responsable des dommages causés par des fumées nocives provenant de son territoire. Cette consécration va avoir une confirmation dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice à travers l'arrêt du 9 avril 1949 en l'affaire du Détroit de Corfou. Certes, les questions environnementales ne sont pas directement abordées ici, mais cet arrêt établit un lien entre l'interdiction formulée dans l'affaire de la Fonderie du Trail et le droit international général. En effet, la Cour constate que « les obligations qui incombaient aux autorités albanaises (...) sont fondées non pas sur la convention VIII de la Haye, de 1907 (...) mais sur certains principes généraux et bien reconnus, tels que (...) l'obligation, pour tout Etat, de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d'actes contraires aux droits d'autres Etats138(*) ». Ce n'est que plus tard, dans son arrêt du 25 septembre 1997 que la Cour, pour la première fois en matière contentieuse, va considérer cette obligation comme faisant partie intégrante des normes de droit international de l'environnement139(*).

    Une question demeure cependant, notamment celle de savoir si l'utilisation qu'un Etat fait de son territoire peut être dommageable pour lui-même, sans pour autant engager sa responsabilité internationale. En d'autres termes, la conduite d'un Etat qui porte atteinte à l'environnement peut-elle être punie en elle-même ou seulement lorsque des dommages ont été subis par un autre Etat ? Jorge Vinuales semble opter pour la seconde hypothèse lorsqu'il estime que: « It seems, in fact, very difficult to infer from either one of these two cases the idea that the environment has an intrinsic value that must be protected irrespective of whether or not a state is injured». Il semble qu'on ne peut séparer les deux hypothèses compte tenu de l'universalité de l'environnement, notamment des interconnexions qui existent entre les milieux et les espèces. Toute pollution interne présente un risque pour les Etats tiers, ce qui pourrait suggérer que l'interdiction s'applique dans les deux hypothèses. Cela correspondrait bien à la notion de patrimoine commun de l'humanité applicable à l'environnement dans son ensemble.

    - Le principe de l'utilisation non dommageable du territoire implique aussi une interdiction faite à l'Etat de poser personnellement des actes qui auraient pour conséquence de causer des dommages à l'environnement. En réalité, l'interdiction va au-delà des utilisations dommageables qui pourraient en être faites par des personnes autres que l'Etat. Cela suppose non seulement une obligation d'abstention qui s'illustre bien à travers le principe de l'utilisation non dommageable du territoire, mais aussi une obligation de ne pas laisser faire qui se dégage de l'interdiction faite à l'Etat de laisser utiliser son territoire à des fins dommageables. Il s'agit là d'un cas de responsabilité du fait d'autrui dont il est nécessaire de déterminer les fondements mais aussi les conditions. Relativement au fondement de la responsabilité, la Cour dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros parle des activités exercées dans les limites de la juridiction des Etats140(*). On peut en déduire que c'est le fait que l'Etat exerce sa juridiction sur un territoire qui fonde sa responsabilité pour les activités réalisées sur ce territoire. Mais le fondement de la responsabilité de l'Etat pour les activités exercées sur son territoire peut aussi être trouvé dans la notion de souveraineté qui suppose le contrôle de l'Etat sur tout son territoire. C'est donc le défaut d'exercice d'un tel contrôle qui fonde la responsabilité de l'Etat.

    Pour ce qui est des conditions de la responsabilité, la sentence arbitrale dans l'affaire de la Fonderie du Trail précise qu'aucun Etat n'a le droit de faire usage, ou de permettre qu'il soit fait usage de son territoire141(*). Cela veut dire que l'Etat doit être informé des activités qui sont entreprises sur son territoire afin de ne pas les permettre si elles sont dommageables pour l'environnement. C'est ce que semble révéler la Cour lorsqu'elle déclare que «  l'obligation de l'Albanie de signaler à la navigation l'existence de mines dans ses eaux dépend de la connaissance qu'elle aurait eu avant le 22 octobre142(*) ». L'Etat peut donc se prévaloir de son ignorance pour se dégager de toute responsabilité. Mais, même s'il n'est pas informé des activités dommageables exercées sur son territoire, l'Etat ne peut se dégager de toute responsabilité que s'il a pris toutes les dispositions nécessaires pour faire cesser de telles activités. Une obligation de diligence s'impose donc à l'Etat143(*). Toutefois, on constate dans l'affaire Gabcikovo - Nagymaros une distinction faite entre la construction et la mise en service dommageables.

    2 - La distinction entre construction et mise en service dommageables.

    Cette distinction permet d'apporter une illustration pratique au principe de l'utilisation non dommageable du territoire. Elle a été retenue par la Cour dans le dispositif de son arrêt en l'affaire Gabcikovo - Nagymaros, même si elle continue à faire débat dans la doctrine.

    - C'est lorsqu'elle examinait la question qui lui avait été posée par les parties aux termes de l'article 2 paragraphe, alinéa b du compromis que la Cour est arrivée à opérer cette distinction. En effet, la question qui était posée aux juges était celle de savoir « si la République Fédérative Tchèque et Slovaque était en droit de recourir (...) à la « solution provisoire » et de mettre en service ce système... (Construction d'un barrage sur le Danube au kilomètre 1851,7 du fleuve en territoire Tchécoslovaque, et conséquences en résultant pour l'écoulement des eaux et la navigation)144(*) ». La Cour affirme d'une part que la Tchécoslovaquie était en droit de recourir à la « solution provisoire » telle que décrite aux termes du compromis145(*), et d'autre part, que la Tchécoslovaquie n'était pas en droit de mettre en service cette « solution provisoire146(*) ». La Cour justifie cette décision par le fait qu'en recourant à la variante C, la Tchécoslovaquie se bornait à entamer des travaux qui ne préjugeaient pas de la décision définitive qu'elle devait prendre. En revanche, la Tchécoslovaquie n'était pas en droit de mettre en service cette variante C parce qu'il s'agissait là d'une violation des dispositions expresses du traité de 1977147(*).

    La décision de la Cour dans cette affaire semble conforme au principe de l'utilisation non dommageable du territoire car en se limitant à la construction de la variante C, la Tchécoslovaquie exerce sa liberté d'action sur son territoire tout en évitant de porter atteinte aux droits de la Hongrie. Mais au regard des voix qui se sont exprimées lors de l'adoption par les juges du dispositif de l'arrêt148(*), on comprend bien que la distinction faite entre la construction et la mise en service dommageable n'a pas obtenu les faveurs d'une grande partie des membres de la Cour, comme en témoignent les opinions des juges jointes à l'arrêt.

    - La distinction opérée par la Cour semble avoir fait l'objet de débats houleux en son sein. De l'avis d'une partie importante de la Cour, à l'instar du président Schwebel, la construction de la variante C ne doit pas être distinguée de sa mise en service. En effet, dans sa déclaration, le président Schwebel dit: «I have voted against operative paragraph 1b essentially because I view the construction of «Variant C», the «provisional solution», as inseparable from its being put into operation 149(*)». Dans le même sens, le juge Bedjaoui dit ne pas partager l'approche de la majorité de la Cour lorsqu'elle se livre à la distinction entre la construction proprement dite de cette «solution de rechange», qui serait licite, et le détournement effectif du fleuve, phase finale de la variante, qui serait illicite. Pour lui en effet, « une telle construction ne pouvait être ni innocente, ni neutre ; elle était marquée du sceau propre à la finalité de la variante C qui est le détournement des eaux du fleuve150(*) » (para. 46). Trois commentaires peuvent être faits de ces différents avis.

    D'abord, il convient de réitérer la position de la Cour en ce qui concerne la portée des déclarations jointes aux décisions juridictionnelles internationales. En effet, la Cour a eu à affirmer la primauté de ses décisions sur les déclarations des juges151(*). C'est donc dire que les avis sus-évoqués ne représentent pas le droit positif tel que déterminé par la Cour.

    Ensuite, il faut soulever l'importance et la pertinence de ces avis pour une meilleure protection de l'environnement. En effet, ces avis introduisent l'élément international dans la détermination du caractère dommageable de l'utilisation du territoire. Une utilisation du territoire est dommageable non pas seulement quant elle porte atteinte aux droits d'un Etat, mais aussi lorsqu'elle est faite dans l'intention d'atteindre un pareil résultat. Cette position convient mieux à l'objectif de protection efficace de l'environnement, car elle permet de prévenir un dommage dont la réalisation pourrait produire des effets irréversibles.

    Enfin, on note que la décision de la Cour remet en cause l'affirmation du professeur Von Bar selon laquelle « tout Etat a le droit de faire lui-même ou de permettre sur son territoire toutes les constructions qui lui paraissent convenables, mais aucune construction n'est permise qui puisse porter dommage au territoire d'un autre Etat152(*) ». Pour J. Sohnle, à la lumière des acquis de la nouvelle jurisprudence, la citation du professeur Von Bar pourrait être paraphrasée comme suit : « Tout Etat a le droit de faire lui-même ou de permettre sur son territoire toutes les constructions qui lui paraissent convenables, mais, leur mise en oeuvre ne doit pas porter atteinte au droit d'usage équitable et raisonnable des eaux d'un cours d'eau international d'un autre Etat souverain153(*) ». Toujours est-il que le principe de l'utilisation non dommageable du territoire reste une obligation négative pour les Etats, au même titre que l'interdiction d'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement.

    B - L'interdiction d'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement.

    Cette interdiction met à la charge des Etats l'obligation de respecter et de protéger l'environnement naturel en temps de guerre. Même si la Cour énonce clairement les règles régissant l'interdiction (1), cette dernière se trouve relativisée dans les circonstances de légitime défense ou de survie de l'Etat (2).

    1 - L'énonciation des règles régissant l'interdiction.

    La Cour s'attèle à énoncer les règles qui régissent l'interdiction d'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement. Pour ce faire, elle fait référence soit aux règles du droit international de l'environnement proprement dites, soit encore aux règles du droit international humanitaire.

    - Les règles de droit international de l'environnement dont il s'agit ici n'ont pas été élaborées pour s'appliquer spécifiquement en temps de guerre. Il s'agit de « la norme générale de la protection de l'environnement »154(*) dont l'application en temps de guerre a fait l'objet de débats dans les mémoires présentés à la Cour dans l'affaire de licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires. En effet, certains Etats ont soutenu que les dispositions relatives à la protection et à la sauvegarde de l'environnement s'appliqueraient à tout moment, en temps de guerre comme en temps de paix155(*). D'autres par contre, ont soutenu que l'objet principal des traités et normes relatifs à l'environnement est de protéger l'environnement en temps de paix et qu'ils ne réfèrent ni à la guerre en général, ni à la guerre nucléaire en particulier156(*). La Cour semble opter pour la première hypothèse lorsqu'elle affirme que «  la question n'est pas de savoir si les traités relatifs à la protection de l'environnement sont ou non applicables en période de conflit armé, mais bien de savoir si les obligations nées de ces traités ont été conçues comme imposant une abstention totale pendant un conflit armé157(*) ».

    S'agissant des normes proprement dites, la Cour énonce le principe 24 de la déclaration de Rio, qui dispose : « La guerre exerce une action intrinsèquement destructive sur le développement durable. Les Etats doivent respecter le droit international relatif à la protection de l'environnement en temps de conflit armé et participer à son développement, selon que de besoin ». Est aussi prise en compte la convention du 18 mai 1977 sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins nucléaires ou toutes autres fins hostiles qui interdit l'emploi d'armes « ayant des effets étendus, durables ou graves » sur l'environnement. A ces deux exemples, on pourrait ajouter toutes les autres règles de droit international de l'environnement dont la mise en oeuvre dans un conflit armé permettrait de réduire les dommages à l'environnement.

    - Le droit international humanitaire quant à lui revoit à l'ensemble des règles internationales, d'origine conventionnelle ou coutumière, qui sont spécialement destinées à régler les problèmes humanitaires découlant directement des conflits armés, internationaux ou non, et restreignent, pour des raisons humanitaires, le droit des parties ou conflit d'utiliser les méthodes et moyens de guerre de leur choix ou protègent les personnes et les biens affectés, ou pouvant être affectés, par le conflit158(*). Ces règles élaborées spécialement pour s'appliquer aux conflits armés contiennent des dispositions qui ont pour but de protéger l'environnement. La Cour Internationale de Justice a pu relever dans ce sens deux textes permettant d'assurer une protection de l'environnement en période de conflit armé. Il s'agit notamment du protocole additionnel I aux conventions de Genève de 1949 et la résolution 47/37 de l'Assemblée générale du 25 novembre 1992159(*).

    Pour ce qui est du protocole additionnel on a d'une part, l'article 35 intitulé « règles fondamentales » (en ce qui concerne les méthodes et moyens de guerre) qui contient un paragraphe interdisant « d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut s'attendre qu'ils causeront des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel » et d'autre part, tout un article, l'article 55, intitulé « Protection de l'environnement naturel », (...) répétant à peu près la même interdiction en ajoutant pour la justifier, que de tels dommages compromettent la santé ou la survie de la population et que sont également prohibées les attaques à titre de représailles160(*).

    La résolution 47/37 quant à elle consacre l'opinion générale selon laquelle les considérations écologiques constituent l'un des éléments à prendre en compte dans la mise en oeuvre des principes du droit applicable dans les conflits armés. En plus de ces deux textes, on pourrait ajouter certains principes généraux (le choix limité des moyens et méthodes de combat, la distinction entre objectifs militaires et non nucléaires, l'interdiction de la perfidie, etc.) et d'autres conventions internationales (convention de 1972 sur l'interdiction des armes bactériologiques et sur leur destruction, la convention de 1993 sur l'interdiction des armes chimiques et leur destruction, etc.) concourant à la protection de l'environnement en période de conflits armés. Mais l'efficacité de tous ces textes est relative dans certaines circonstances.

    2 - La relativisation de l'interdiction en cas de légitime défense ou de survie d'un Etat.

    Si la Cour Internationale de Justice admet que d'importantes considérations d'ordre écologique doivent être prises en compte dans le cadre de la mise en oeuvre des principes et règles du droit applicable dans les conflits armés, elle relativise l'interdiction d'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement dans deux circonstances : il s'agit d'une part, du droit à la survie de l'Etat et d'autre part, de la prise en compte de la nécessité militaire.

    - C'est dans son avis consultatif du 08 juillet 1996 que la Cour consacre le droit à la survie de l'Etat. Elle place également ce droit au dessus des préoccupations environnementales, notamment au dessus de l'impact des armes nucléaires sur l'environnement naturel. Pour aboutir à cette conclusion, la Cour procède par plusieurs étapes :

    D'abord, la Cour commence par reconnaître la dangerosité des armes nucléaires pour l'environnement naturel. Elle dit être «  consciente de ce que l'environnement est menacé jour après jour et de ce que l'emploi d'armes nucléaires pourrait constituer une catastrophe pour le milieu naturel161(*) ».

    Ensuite, la Cour Internationale de Justice insiste sur la prise en compte des considérations écologiques dans les conflits armés. Pour elle, «  les Etats doivent aujourd'hui tenir compte des considérations écologiques lorsqu'ils décident de ce qui est nécessaire et proportionné dans la poursuite d'objectifs militaires légitimes162(*) ».

    Mais, la Cour conclut sur ce point en disant que les traités relatifs à la protection de l'environnement n'entendent pas priver un Etat de l'exercice de son droit de légitime défense en vertu du droit international. Plus encore, elle dit ne pas «  perdre de vue le droit fondamental qu'a tout Etat à la survie, et donc le droit qu'il a de recourir à la légitime défense conformément à l'article 51 de la charte, lorsque cette survie est en cause163(*) ». C'est dire en définitive que si la Cour reconnait que l'utilisation de l'arme nucléaire peut causer des dommages graves et irréversibles à l'environnement, son utilisation n'est pas illicite lorsque l'Etat fait face à une menace contre sa survie. L'atteinte à l'environnement par l'utilisation de l'arme nucléaire peut donc être acceptée à condition que le droit à la survie de l'Etat soit mis en cause. Pour B. Tchikaya, « si la cour considère la non prolifération comme un objectif fondamental, elle admet toutefois l'utilisation souveraine de l'arme nucléaire dans certaines conditions164(*) », ce qui relativise un peu l'interdiction d'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement.

    - Par ailleurs, pour W. Downey, « la nécessité militaire s'entend d'une urgence qui impose à un combattant militaire de prendre sans délai les mesures indispensables pour obtenir la reddition complète de l'ennemi le plus rapidement possible, en recourant à des moyens de violence contrôlés et tombant sous l'interdit des lois et coutumes de la guerre165(*) ». Lorsqu'elle est prise en compte, la nécessité militaire peut avoir pour conséquence de justifier certaines atteintes à l'environnement et partant de relativiser l'interdiction faite aux Etats d'utiliser des moyens et méthodes de guerre non dommageables pour l'environnement.

    La résolution 47/37 de l'Assemblée générale du 25 novembre 1992 donne une illustration de l'impact négatif que pourrait avoir la nécessité militaire sur l'environnement naturel. Elle précise en effet que « la destruction de l'environnement non justifiée par des nécessités militaires et ayant un caractère gratuit est manifestement contraire au droit international en vigueur166(*) ». Cela signifie que du moment où la destruction de l'environnement n'est pas gratuite et est justifiée par les nécessités militaires, alors elle ne pose aucun problème. Dans le même sens, Michael Matheson fait remarquer que: « elements of the natural environment cannot be made the object of attack, unless their destruction would give direct military advantage in the particular circumstances in question, which seems a rare situation »167(*).

    C'est dire en définitive que si les considérations écologiques doivent être prises en compte lorsque les Etats décident de ce qui est nécessaire dans la poursuite d'objectifs militaires légitimes, elles peuvent être méconnues chaque fois qu'elles entrent en contradiction avec ces nécessités militaires. La recherche de la reddition de l'ennemi justifie donc l'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement. Au-delà de toutes ces obligations déterminées et précisées par la Cour, on note également une ouverture sur des considérations environnementales pour l'examen des conditions d'exclusion de l'illicéité d'un fait étatique.

    Section 2 : Les conditions d'exclusion de l'illicéité d'un fait étatique

    Deux arguments distincts ont été évoqués par la Hongrie et la Slovaquie pour justifier les actes commis par ces derniers et sur lesquels pesait une présomption d'illicéité. Il s'agit respectivement d'une part de l'état de nécessité écologique (paragraphe 1) et des contre-mesures d'autre part (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : L'état de nécessité écologique comme condition d'exclusion de l'illicéité d'un acte

    Si la Cour refuse d'admettre l'état de nécessité écologique comme condition d'extinction des traités, elle ne trouve aucune difficulté à reconnaître la place de cette notion en tant que cause d'extinction de l'illicéité d'un fait étatique. C'est ainsi qu'elle en fait une appréciation à la lumière de l'article 33 du projet d'articles sur la responsabilité internationale des Etats (A). Mais l'application stricte du droit de la responsabilité des Etats pour l'appréciation de l'état de nécessité écologique n'est pas sans conséquence sur la prise en compte des considérations écologiques, ce qui rend l'approche de la Cour fort critiquable (B).

    A. L'appréciation de l'état de nécessité à la lumière du projet d'articles sur la responsabilité internationale des Etats

    C'est à la demande des parties que la Cour décide d'examiner l'état de nécessité écologique à la lumière de l'article 33 du projet d'articles de la C.D.I. sur la responsabilité internationale des Etats. C'est dire que même la Hongrie qui avait avancé l'argument de l'état de nécessité écologique ne reconnaissait aucune spécificité à cet état de nécessité. On ne pouvait donc pas espérer que la Cour s'écarte de cette logique voulue par les parties, au risque de statuer extra petita. C'est la raison pour laquelle l'article 33 du projet d'articles de la C.D.I. a servi de base d'examen de l'état de nécessité écologique. Il s'est agi pour la Cour de rappeler d'abord la définition de l'état de nécessité telle que contenue dans le commentaire de la C.D.I. En effet, la commission définit l'état de nécessité comme « la situation où se trouve un Etat n'ayant absolument pas d'autre moyen de sauvegarder un intérêt essentiel menacé par un péril grave et imminent que celui d'adopter un comportement non conforme à ce qui est requis de lui par une obligation internationale envers un autre Etat »168(*).

    Ensuite, la Cour va s'intéresser aux conditions d'existence d'un Etat de nécessité. Ces conditions sont au nombre de deux à savoir d'une part que le fait dont l'illicéité est présumée doit constituer le seul moyen de sauvegarder un intérêt essentiel dudit Etat contre un péril grave et imminent, et d'autre part que ce fait ne doit pas gravement porter atteinte à un intérêt essentiel de l'Etat à l'égard duquel l'obligation existait. Ces conditions ont été minutieusement analysées par la Cour pour savoir s'il existait en 1989 un état de nécessité écologique.

    Enfin, la Cour va examiner les circonstances dans lesquelles l'état de nécessité, bien qu'existant, ne peut être invoqué pour exclure l'illicéité d'un fait étatique. Il s'agit du cas où l'obligation internationale à laquelle le fait de l'Etat n'est pas conforme découle d'une norme impérative de droit international général ; de celui où l'obligation internationale à laquelle le fait de l'Etat n'est pas conforme est prévue par un traité qui, explicitement ou implicitement, exclut la possibilité d'invoquer l'état de nécessité en ce qui concerne cette obligation ; ou encore du cas où l'Etat en question a contribué à la survenance de l'état de nécessité169(*).

    Après un examen point par point des conditions sus-évoquées, la Cour arrive à la conclusion que l'état de nécessité invoqué par la Hongrie n'avait jamais existé. Même s'il avait été établi qu'il existait en 1989 un état de nécessité lié à l'exécution du traité de 1977, la Hongrie n'aurait pas été admise à s'en prévaloir pour justifier le manquement à ses obligations conventionnelles, car elle aurait contribué, par action ou par omission, à sa survenance170(*). Mais en faisant une application stricte de l'article 33 du projet d'articles de la C.D.I., la Cour ne reconnaît aucune spécificité au caractère écologique de l'état de nécessité invoqué, ce qui rend quelque peu critiquable sa démarche. Il en est ainsi notamment quand elle examine la notion de péril.

    B. L'application critiquable des critères de l'état de nécessité aux questions environnementales

    Il est d'abord une remarque qu'il convient de faire, c'est que la Cour n'a pas explicitement répondu à la plaidoirie de la Slovaquie qui mettait en doute le fait que la nécessité écologique ou le risque écologique puissent constituer, au regard du droit de la responsabilité des Etats, une circonstance excluant l'illicéité d'un acte. Pour la Slovaquie, l'état de nécessité écologique invoqué par la Hongrie n'avait rien à voir avec l'état de nécessité dont il est question à l'article 33 du projet d'articles de la C.D.I. La Cour n'a fait que rappeler que les parties à l'instance se sont accordées pour estimer que l'existence d'un état de nécessité doit être appréciée à la lumière de l'article sus-cité. Ce faisant, la C.I.J. s'abstient de consacrer la notion d'état de nécessité écologique et ne se prononce pas non plus sur sa place dans le droit de la responsabilité des Etats.

    Plus encore, l'interprétation restrictive de la notion de péril par la Cour remet en cause la particularité de l'état de nécessité invoqué. De l'avis de la Cour, le « péril » évoque l'idée de « risque », ce qui le distingue du dommage matériel. Cependant, la Cour estime qu'il ne saurait y avoir d'état de nécessité sans un péril dûment avéré, dont la réalisation serait « certaine et inévitable »171(*). Or si il faut que le péril soit avéré, certain et inévitable pour être pris en considération, alors le péril semble s'assimiler au dommage matériel. On pourrait donc en déduire que pour la Cour, le péril est à la fois le risque et le dommage matériel, mais davantage le second, ce qui paraît contradictoire. Le risque est une situation créée par l'existence d'un aléa et d'une vulnérabilité. C'est dire qu'il y a risque lorsqu'il est possible qu'un aléa se produise compte tenu de la vulnérabilité d'un site. Le fait pour la Cour de dire que le péril évoque l'idée de risque a pour conséquence que le péril renvoit également à une possibilité ou à une éventualité. L'interprétation stricte de la notion de péril par la Cour tend à l'approcher du dommage matériel que la partie qui invoque l'état de nécessité entend éviter. La question est encore plus préoccupante en droit international de l'environnement lorsqu'on sait que les dommages écologiques sont très souvent irréversibles. C'est ce qui fait dire à J. Sohnle que la qualification opérée par la Cour et s'inspirant du dommage est critiquable et que « ce constat décevant pour le droit de l'environnement dans son application concrète à l'espèce constitue également une atteinte portée au principe de précaution inhérent à cette branche juridique »172(*). Selon le principe de précaution en effet, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. Ainsi donc, les « incertitudes » dont fait état la Hongrie ne devraient pas être balayées du revers de la main et les mesures prises par la Hongrie pour éviter que le dommage redouté se réalise peuvent être considérées comme des mesures de précaution tendant à conjurer ledit dommage. S'il doit être certain et inévitable, alors le péril cesse d'être un risque pour devenir le dommage lui-même.

    A côté de l'état de nécessité écologique qui était une prétention de la partie hongroise, la Cour s'est aussi intéressée à la notion de contre-mesure évoquée par la Slovaquie pour justifier le recours à la solution provisoire. Là aussi, des considérations écologiques ont alimenté les débats devant la Cour.

    Paragraphe 2 : Les contre-mesures

    Tout comme la Hongrie l'a fait avec l'état de nécessité écologique, la Slovaquie a invoqué la notion de contre-mesure dans le but de se dégager de sa responsabilité pour fait internationalement illicite du fait de la construction de la solution provisoire (variante C) et sa mise en service. La contre-mesure invoquée par la Slovaquie avait ainsi pour but d'exclure l'illicéité de l'acte qui lui était reproché. Fidèle à sa logique, la Cour va d'abord s'atteler à vérifier si les conditions requises pour qu'une contre-mesure soit licite sont remplies dans le cas d'espèce. Elle va pour se faire s'appuyer sur sa jurisprudence établie, ainsi que sur le projet d'articles sur la responsabilité des Etats (A). Mais au-delà du droit de la responsabilité stricto-sensu, la jurisprudence Gabcikovo-Nagymaros a le mérite de considérer l'environnement comme un instrument de mesure de la proportionnalité (B).

    A. L'examen des conditions de licéité d'une contre-mesure

    Trois points ont successivement été présentés comme constituants les conditions requises pour qu'une contre-mesure soit jugée licite :

    D'abord, le premier point examiné a trait au but de la mesure adoptée en réponse aux actes illicites de la Hongrie. Pour être licite, une contre-mesure doit être prise pour riposter à un fait internationalement illicite d'un autre Etat et doit être dirigée contre ledit Etat. Cette affirmation appelle au moins deux observations. La première est qu'il n'y a contre-mesure que si la mesure d'un autre Etat contre laquelle on riposte est illicite. On ne peut donc pas parler de contre-mesure si l'illicéité de la mesure de la partie adverse n'est pas établie. C'est la raison pour laquelle la Cour décide d'examiner l'argument de contre-mesure seulement après avoir conclu que la Hongrie avait commis un acte internationalement illicite en suspendant puis en abandonnant les travaux dont elle avait la charge aux termes du traité de 1977. La seconde observation concerne la contre-mesure elle-même qui par nature est une mesure illicite mais dont l'illicéité est écartée compte tenu de l'objectif poursuivi par ladite mesure. Si la mesure prise pour riposter à un acte illicite d'un Etat est elle-même licite, alors il n'est pas nécessaire d'invoquer la contre-mesure. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'article 53 du projet d'articles de la C.D.I. précise bien que la contre mesure doit cesser « dès que l'Etat responsable s'est acquitté des obligations qui lui incombent à raison du fait internationalement illicite ». La contre-mesure a donc un caractère anormal et temporaire. De plus, pour justifier l'examen de la contre-mesure, la Cour rappelle la conclusion à laquelle elle est parvenue au paragraphe 78 de l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros, notamment que la Tchécoslovaquie a commis un acte internationalement illicite en mettant en service la variante C.

    Ensuite, le deuxième point examiné par la Cour a trait aux tentatives vaines de l'Etat lésé pour amener l'autre partie à faire cesser son comportement jugé illicite. En effet, l'Etat lésé doit avoir invité l'Etat auteur du fait illicite à mettre fin à son comportement illicite ou à en fournir réparation. L'article 52 du projet d'articles de la C.D.I. qui énonce cette exigence ajoute que l'Etat lésé doit avoir offert d'entrer en négociation avec l'Etat auteur de l'acte illicite, ce qui est de nature à encourager les solutions concertées.

    Enfin, le troisième point prend en considération la proportionnalité qui doit exister entre la contre-mesure adoptée par l'Etat lésé et les dommages subis par ce dernier compte tenu des droits en cause. Une insistance est faite sur cette condition qui, de l'avis de la Cour, est une condition importante. Elle est certainement importante parce que c'est elle qui fait le plus l'objet de violation par l'Etat lésé. Mais elle l'est davantage parce qu'elle prend en compte des considérations écologiques. En effet, la C.I.J. a pu démontrer à travers sa jurisprudence que l'environnement peut être pris en compte pour mesurer la proportionnalité d'une contre-mesure.

    B. L'environnement comme instrument de mesure de la proportionnalité

    Au paragraphe 30 de l'avis consultatif du 8 Juillet 1996 sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, la C.I.J. déclare que « le respect de l'environnement est l'un des éléments qui permettent de juger si une action est conforme aux principes de nécessité et de proportionnalité ». Ainsi donc, les considérations écologiques doivent être prises en compte lorsque les Etats exercent leur droit à la légitime défense ou aux représailles en temps de guerre, mais aussi lorsqu'ils adoptent des contre-mesures en temps de paix. Dans le même sens, l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros met l'accent sur « la règle spécifique du droit des cours d'eau »173(*) qui est l'usage équitable et raisonnable d'un cours d'eau international. En substance, la Cour déclare que « la Tchécoslovaquie, en prenant unilatéralement le contrôle d'une ressource partagée et en privant la Hongrie de son droit à une part équitable et raisonnable des ressources naturelles du Danube - avec les effets continus que le détournement de ses eaux déploie sur l'écologie de la région riveraine de Szigetkoz - n'a pas respecté la proportionnalité exigée par le droit international »174(*). Là encore on s'aperçoit bien que l'environnement joue un rôle important dans la détermination de la proportionnalité d'une mesure.

    Cependant, il faut tout de même noter que l'idée d'une contre-mesure en matière de droit international de l'environnement peut être mal perçue pour au moins deux raisons. La première a trait au fait que l'environnement est désormais considéré comme un bien commun de l'humanité, et toute atteinte à l'environnement est une atteinte contre l'humanité toute entière. Par ailleurs, si l'on s'en tient à l'opinion dissidente du juge Weeramantry dans l'avis consultatif du 8 Juillet 1996, « ...principles of environmental law thus do not depend to their validity on treaty provisions. They are part of custumary international law. They are part of the sine qua non for human survival »175(*). Au regard de toutes ces considérations, il ne paraît pas logique de permettre que des atteintes soient portées à l'environnement au titre de contre- mesure. On pourrait plutôt considérer que les contre-mesures pour être valides ne doivent pas porter atteinte à l'environnement, comme cela est déjà le cas pour les obligations de caractère humanitaire ou concernant la protection des droits de l'homme176(*).

    La deuxième raison concerne la distinction de régime qui est faite entre les contre-mesures et les représailles. Généralement, on considère les contre-mesures comme des représailles non armées177(*), donc forcément une forme de représailles. Or le protocole additionnel I aux conventions de Genève de 1949 en ses articles 35, paragraphe 3 et 55 interdit de mener des attaques contre l'environnement naturel à titre de représailles178(*). Il serait plus logique d'étendre cette interdiction faite dans le cadre des représailles armées aux représailles non armées que sont les contre-mesures. Le résultat serait l'interdiction des contre-mesures portant atteinte à l'environnement. Ceci reste encore un chantier qui pourrait être entamé par la Cour dans les prochaines affaires.

    Au demeurant, il est à noter qu'au regard de tout ce qui a été dit, l'apport de la Cour Internationale de Justice au développement du droit international de l'environnement est considérable. Cela correspond bien à la pensée d'Alexandre Kiss pour qui les activités juridiques du présent tendent surtout à développer les principes déjà posés et à en assurer la mise en oeuvre179(*). Mais cette activité de la Cour masque mal la difficulté qu'elle a à s'émanciper des techniques et méthodes traditionnelles de traitement des questions contentieuses.

    PARTIE II:

    LA DIFFICULTE POUR LE JUGE INTERNATIONAL A S'AFFRANCHIR DES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS CONTENTIEUSES

     

    En dépit des spécificités qui lui sont reconnues, le droit international de l'environnement reste une branche du droit international public et il recourt à la panoplie des sources classiques du droit des gens180(*). C'est dans ce cadre qu'il côtoie d'autres disciplines notamment le droit des traités ou encore le droit de la responsabilité. Mais contrairement à ces deux dernières disciplines, le droit international de l'environnement se caractérise par sa relative jeunesse. Par conséquent, c'est aussi la discipline dont les normes se caractérisent par un degré de précision variable, ce qui fait appel aux pouvoirs normatifs du juge et à son rôle dans la construction du droit. En effet, lorsqu'il est appelé à combler les lacunes d'une norme, le juge peut procéder par deux méthodes : il peut le faire « soit en s'élevant des dispositions particulières jusqu'au principe qui les fonde, soit en tirant des notions abstraites une solution répondant aux particularités du cas d'espèce. En d'autres termes, le juge, pour compléter le droit en vigueur, pourra soit systématiser les solutions particulières, soit individualiser les notions abstraites du droit international »181(*). Si pour la consécration des normes du droit international de l'environnement le juge fait recours à la première méthode, la mise en oeuvre de ces normes fait intervenir essentiellement la deuxième méthode. Dans la pratique en effet, on note une certaine difficulté pour le juge international à s'émanciper des techniques traditionnelles en matière contentieuse. On peut s'en rendre compte à travers le recours quasi-systématique aux règles du droit judiciaire et du droit des traités (chapitre 1). Cet état de fait n'est pas de nature à favoriser l'essor du droit international de l'environnement, ce qui rend nécessaire une conciliation entre prudence et hardiesse du juge (chapitre 2).

    CHAPITRE 1 :
    LE RECOURS QUASI SYSTEMATIQUE AUX TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS CONTENTIEUSES.

    L'irruption du droit international de l'environnement dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice est une illustration du mouvement sans cesse évolutif de juridictionnalisation du droit international. Cette juridictionnalisation ne se fait pas sans difficultés « en raison de la structure interétatique de la société internationale et du primat reconnu au consensualisme comme principale source formelle du droit positif182(*) ». Mais sa qualité d' « organe judiciaire principal des Nations Unies » et son rôle dans le règlement des différends internationaux ont amené la Cour à se doter de mécanismes judiciaires propres à contribuer à la réalisation de ses missions. C'est à ces mécanismes traditionnels que la Cour a recours pour le traitement du contentieux environnemental, même si elle opère souvent quelques acclimatations ou adaptations. En effet, on note à ce sujet une adaptation des mécanismes traditionnels de la Cour (section 1). Par ailleurs, pour ce qui est de l'adaptation aux règles du droit des traités, la jurisprudence de la Cour révèle une prise en compte restrictive des considérations écologiques dans l'examen des règles du droit des traités (section2).

    Section 1 : L'adaptation des mécanismes judiciaires traditionnels au contentieux environnemental.

    La Cour reconnaît une certaine spécificité au contentieux environnemental lorsqu'elle aménage ses mécanismes judiciaires afin de les rendre compatibles à ce type de contentieux. Ces aménagements passent par des ajustements institutionnels d'une part (paragraphe 1) et une évolution remarquable des méthodes de travail de la Cour d'autre part (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Des ajustements institutionnels.

    Les ajustements institutionnels opérés par la Cour pour connaître du contentieux environnemental font jaillir une certaine contradiction. En effet, malgré la mise sur pied d'une chambre spéciale chargée de statuer sur les questions environnementales (A), le traitement du contentieux environnemental continue à s'opérer en dehors de ce cadre institutionnel spécialement prévu (B).

    A - La mise sur pied d'une chambre spéciale pour les questions d'environnement.

    C'est par un communiqué de presse du 19 juillet 1993 que le greffe de la Cour Internationale de Justice a annoncé la constitution d'une chambre spéciale pour les questions d'environnement. Cette création illustre bien l'intérêt sans cesse croissant que présentent les problèmes environnementaux pour la Cour et son souci de jouer un plus grand rôle dans le règlement des différends y relatifs. De l'avis du juge Ranjeva, « la création d'une chambre pour l'environnement a constitué la réponse apportée par la Cour à la double question relative à son rôle éventuel dans le règlement des différends concernant l'environnement et le développement durable d'une part et à un aménagement possible de sa méthode de travail d'autre part183(*) ». Par ailleurs, il ajoute que la chambre spéciale pour l'environnement a été établie suite aux propositions faites à Rio de Janeiro en 1992 et à l'évolution des idées quant à la place et au rôle de la Cour Internationale de Justice dans le règlement des différends environnementaux184(*).

    Pour ce qui est du fondement de cette création, c'est l'article 26, paragraphe 1 du statut de la Cour qui donne compétence à la cette dernière pour constituer une ou plusieurs chambres chargées de connaître de catégories déterminées d'affaires. De plus, l'article 16 du règlement de la Cour précise que lorsque cette dernière décide de constituer une ou plusieurs des chambres prévues à l'article 26, paragraphe 1, du statut, elle détermine la catégorie d'affaires en vue de laquelle chaque chambre est constituée. C'est donc sur la base de ces textes qu'a été décidée la constitution d'une chambre spéciale pour les questions d'environnement.

    La chambre spéciale se distingue de la chambre ad hoc prévue à l'article 26, paragraphe 2 du statut de la Cour, d'abord du point de sa permanence. En effet, la chambre ad hoc est constituée pour connaître d'une affaire déterminée et celle-ci est dissoute une fois l'affaire réglée, ce qui n'est pas le cas de la chambre spéciale qui elle, est permanente. Les deux chambres se distinguent également du point de vue du titulaire de l'initiative de constitution. Tandis que la chambre ad hoc est constituée par la Cour de sa propre initiative, la chambre spéciale est constituée à la demande des parties.

    La constitution d'une chambre spéciale pour les questions d'environnement est donc un aménagement institutionnel qui illustre bien l'importance et la spécificité du contentieux environnemental. Mais, on pourrait s'interroger sur la nécessité d'un tel ajustement, le traitement du contentieux environnemental s'opérant jusqu'ici en dehors de la chambre spéciale. 

    B - Le traitement du contentieux environnemental en dehors du cadre spécialement prévu.

    Le bilan de la chambre spéciale pour les questions d'environnement, après treize (13) années d'existence, n'est pas satisfaisant. On serait même tenté de conclure que la constitution de cette chambre n'était pas opportune compte tenu du fait que jusqu'à ce jour, aucune affaire n'a été portée devant elle. Plusieurs raisons peuvent justifier cet état de fait.

    D'abord, il faut dire que la constitution de la chambre spéciale de l'environnement a mis fin à des hésitations de la Cour portant sur le choix entre la constitution de chambre spéciale de l'article 26, paragraphe 1 et le recours à une chambre ad hoc de l'article 26, paragraphe 2, du statut185(*). Ce choix peut paraître surprenant si l'on considère qu' « à la popularité du système des chambres ad hoc s'oppose la défaveur du recours aux chambres spéciales186(*) ». La Cour aurait donc dû s'attendre à ce que la nouvelle chambre qu'elle mettait en place fasse l'objet de très peu de recours, voire d'aucun recours. De ce point de vue, on pourrait attribuer la responsabilité de la léthargie actuelle de la chambre spéciale pour les questions d'environnement à la Cour elle-même, qui n'aurait pas su apprécier l'opportunité de sa constitution.

    D'un autre point de vue, le traitement du contentieux environnemental en dehors de la chambre spéciale pour les questions d'environnement pourrait se justifier par la concurrence faite à la Cour par d'autres organes juridictionnels spécialement créés pour connaitre des questions d'environnement, notamment le Tribunal International du Droit de la Mer. En effet, même si elle peut jouer un rôle important dans le développement du droit international de l'environnement187(*), la Cour n'a pas le privilège exclusif de l'exercice de la fonction juridictionnelle internationale en la matière. De plus, le droit d'accès à la juridiction de la Cour reste l'apanage de l'Etat souverain, malgré l'intervention de plusieurs acteurs non étatiques dans la protection de l'environnement. Mais, cet argument ne suffirait pas à expliquer l'inactivité de la chambre spéciale, si l'on considère que la Cour a tout de même eu à connaître des questions environnementales qui auraient pu être traitées au sein de cette chambre.

    En réalité, la léthargie actuelle que connaît la chambre spéciale pour les questions d'environnement s'explique par le fait que les différends qui ont jusque là été portés devant la cour ne concernent pas directement le droit de l'environnement. En effet, comme le fait remarquer L. Boisson de Chazournes, «  rares furent les affaires, portant de près ou de loin sur la protection de l'environnement, réglées au moyen d'une procédure juridictionnelle188(*) ». Pour elle, tant dans l'affaire relative à certaines terres à phosphate à Nauru que dans l'affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros, la question de la protection de l'environnement n'a pas été, et n'est pas, l'objet principal du différend189(*). Même dans l'affaire des usines de pâtes à papier sur le fleuve Uruguay encore pendante devant la Cour, c'est la violation du statut du fleuve Uruguay qui est en cause ; ce qui va faire une part belle au droit des traités.

    C'est donc dire que le fonctionnement de la chambre spéciale pour les questions d'environnement est tributaire de l'autonomisation souhaitée du contentieux environnemental. Mais, même s'il ne fait pas l'objet d'un examen à titre principal, le contentieux environnemental fait partie intégrante du contentieux devant la Cour Internationale de Justice et c'est la prise en compte de ses spécificités qui justifie l'évolution des méthodes de travail de la Cour.

    Paragraphe 2 : Une évolution remarquable des méthodes de travail de la cour.

    Pour J. Sohnle, l'évolution constatée des méthodes de travail de la cour illustre bien la souplesse des règles judiciaires et leur adaptation facile à un contexte écologique190(*). Cette évolution concerne tant les techniques d'établissement des preuves (A) que les méthodes d'interprétation utilisées (B).

    A - Les nouvelles techniques d'établissement des preuves.

    La Cour exerce ses fonctions relatives à l'établissement des preuves en se fondant sur l'article 66 de son règlement en vertu duquel « la Cour peut à tout moment décider, d'office ou à la demande d'une partie, d'exercer ses fonctions relatives à l'établissement des preuves sur les lieux auxquels l'affaire se rapporte, dans des conditions qu'elle détermine après s'être renseignée auprès des parties ». A la lecture de l'article 67 du règlement de la Cour, on se rend bien compte que deux techniques d'établissement des preuves ont été spécialement prévues à savoir l'enquête et l'expertise, ce qui peut laisser croire que la Cour ne peut que procéder par ces deux techniques. Mais la jurisprudence de la Cour dans l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros révèle le caractère indicatif de l'article 67 de son règlement.

    Dans l'affaire sus évoquée, la Cour a fait recours aux expertises contenues dans les « nombreux » rapports scientifiques présentés par les parties, même si elle conclut qu'il ne lui est pas nécessaire, pour répondre aux questions qui lui ont été posées dans le compromis, de déterminer lequel de ces points de vue est scientifiquement le plus solide191(*). Mais, l'innovation majeure se trouve dans la décision prise à l'unanimité par la Cour, par ordonnance du 05 février 1997, « d'exercer ses fonctions relatives à l'établissement des preuves en se rendant sur les lieux auxquels l'affaire se rapporte »192(*). Il s'agit d'une innovation dans la jurisprudence de la Cour mais non dans le contentieux international, car cette technique avait déjà été utilisée par la Cour Permanente de Justice Internationale dans l'affaire des prises d'eau à la Meuse et par les arbitres dans l'affaire de la Fonderie du Trail193(*). En procédant de la sorte, la Cour Internationale de Justice consacre ce mode d'établissement des preuves tout en réaffirmant son application spécifique au contentieux environnemental. Pour J. Sohnle, « le déplacement en l'espèce des juges de la Cour Internationale de Justice a désormais affirmé cette pratique en droit international de l'environnement194(*) ».

    Si la descente sur les lieux des juges de la Cour Internationale de Justice traduit bien le caractère spécifique du contentieux environnemental, elle soulève aussi le problème de la capacité technique des juges à régler les différends relatifs au droit international de l'environnement. En effet, une telle descente sur le terrain met les juges face à des questions non proprement juridiques, « en particulier dans un domaine hautement interdisciplinaire comme le droit de l'environnement »195(*). La question se pose d'autant plus que la Cour a décidé de mettre sur pied une chambre spéciale pour les questions d'environnement. On peut donc imaginer une hypothèse dans laquelle les juges désignés par la Cour comme membres de la chambre des questions d'environnement seraient des spécialistes de la matière, pouvant surmonter les difficultés liées à l'interdisciplinarité de la matière. La Cour en plénière ou en chambre pourrait aussi faire siéger des experts en son sein, afin de rendre les descentes sur le terrain plus efficaces, comme cela est prévu par l'article 289 de la convention de Montégo bay196(*). Ce point de vue est défendu par Sohnle qui estime qu' « étant donné que la Cour peut être appelée à statuer en cas de litige concernant un nombre croissant de conventions environnementales et face à la concurrence que représente l'arbitrage avec ses règles procédurales à la carte, la Cour aurait intérêt à recourir à de telles procédures prévues par son règlement, voire de le modifier en ce sens, surtout pour sa chambre spécialisée en matière d'environnement, constituée en juillet 1993 »197(*) .

    B - Les méthodes particulières en matière d'interprétation.

    L'interprétation est une notion importante en droit international public. C'est ce que fait remarquer Serge Sur lorsqu'il affirme que « l'interprétation du droit, spécialement en droit international public, parait une notion capitale dont l'influence dans l'ordre juridique va bien au-delà des questions préalables ou des procédés techniques, et dont l'importance mérite qu'on en tente une synthèse »198(*). C'est une opération qui consiste à dégager le sens exact et le contenu de la règle de droit applicable dans une situation donnée199(*).

    Il y a une grande controverse doctrinale sur l'existence ou non des méthodes d'interprétation. En effet, une partie de la doctrine estime comme Hans Kelsen qu' « il n'ya purement et simplement aucune méthode que l'on puisse dire de droit positif qui permettrait de distinguer, entre plusieurs significations linguistiques d'une norme, une seule, qui serait la vraie signification200(*) ». Une autre partie de la doctrine par contre reconnait l'existence des méthodes d'interprétation pour entre autres raisons que les méthodes sont inhérentes à tout système juridique201(*). Mais la Cour sort de cette controverse en consacrant l'existence d'une règle générale d'interprétation, à laquelle viennent s'ajouter d'autres règles pouvant être considérées comme secondaires.

    D'abord pour ce qui est de la règle en matière d'interprétation, la Cour pose la règle fondamentale de l'interprétation : « La Cour doit appliquer ses règles normales d'interprétation dont la première est, d'après sa jurisprudence bien établie, qu'il faut interpréter les mots dans leur sens naturel et ordinaire dans le contexte où ils figurent202(*) ». Pour le juge Bedjaoui, il s'agit là de la règle générale d'interprétation d'un traité telle que prévue par l'article 31 de la convention de Vienne de 1969203(*). Pour ce qui est des autres règles dites méthodologiques, on peut distinguer entre autres la règle de la solution la plus évidente, celle de la solution la plus logique et celle de la solution la plus efficace204(*).

    Mais une innovation majeure est faite par la Cour pour ce qui est des règles méthodologiques d'interprétation dans l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros. Il s'agit de la prise en compte du principe de l'interprétation évolutive d'un traité. Cette méthode déjà utilisée par la Cour dans l'avis consultatif du 21 juin 1971205(*) en matière de tutelle est appliquée pour la première fois au droit international de l'environnement. C'est ce qui fait dire à J. Sohnle que « la haute juridiction internationale a innové en l'appliquant (le principe) aux dispositions environnementales d'un traité206(*) ». Pour y parvenir, la Cour se base sur les articles 15,19 et 20 du traité de 1977 relatif à la construction et au fonctionnement du système de barrage de Gabcikovo-Nagymaros. Ces articles imposent aux parties de veiller à ce que la qualité des eaux du Danube ne soit pas compromise et à ce que la protection de la nature soit assurée. Pour la Cour, il s'agit là de dispositions évolutives à travers lesquelles les parties ont reconnu la nécessité d'adapter éventuellement le projet aux nouvelles normes de droit international de l'environnement207(*). C'est ce type d'articles que Jean Philippe Bufferne qualifie de clauses effectuant un renvoi « mobile » dans le temps et dont le contenu est appelé à se modifier208(*).

    En accueillant le principe de l'interprétation évolutive des traités, la Cour est arrivée à la conclusion qu'il n'ya pas eu d'apparition de nouvelles normes pouvant justifier la terminaison du traité. Mais au-delà de permettre le maintien du traité, l'interprétation évolutive conporte deux principes clés du droit de l'environnement à savoir l'évaluation continue de l'environnement et le développement durable. Ces deux principes mettent à la charge des Etats l'obligation d'assurer une protection continue et appropriée de l'environnement, ce qui implique la prise en compte des normes nouvelles qui n'existaient pas au moment de la conclusion du traité. «  Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement lorsque les Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le passé209(*) ». Compte tenu de l'importance de l'environnement pour la Cour, on pourrait même envisager l'application du principe de l'interprétation même dans une affaire où les parties n'auront pas prévu des clauses « mobiles » , ceci en référence aux principes d'évaluation continue de l'environnement et du développement durable désormais considérés comme des principes généraux du droit international de l'environnement.

    En opérant des ajustements institutionnels et en améliorant ses méthodes de travail, la Cour révise ses mécanismes traditionnels afin de les adapter aux contentieux environnementaux. Le même effort se poursuit, certes avec moins de réussite, pour ce qui est des règles du droit des traités.

    Section 2 : La prise en compte restrictive des considérations écologiques dans l'examen des règles du droit des traités.

    Même si l'affaire Gabcikovo-Nagymaros est considérée par la doctrine comme marquant l'irruption du droit international de l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J., il ne faut pas perdre de vue que les questions principales qui étaient posées dans cette affaire avaient trait au droit des traités. Comme le fait remarquer le juge Bedjaoui, c'est la première grande affaire que la Cour traite, dans laquelle, il existe un arrière-fond écologique tellement sensible qu'il envahit le devant de la scène au point de risquer de détourner le regard du droit des traités210(*). C'est donc dire que le droit des traités reste l'objet principal du différend et la Cour n'a éprouvé aucune difficulté à énoncer les règles classiques régissant l'application des traités (paragraphe 1). Cependant, la Cour n'a pas cru devoir accéder à la demande de la Hongrie lorsque cette dernière s'est appuyée sur des considérations écologiques pour justifier l'extinction de ses obligations conventionnelles. Par ce faire, elle exclut les motifs environnementaux comme condition d'extinction des traités (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : L'énonciation par la Cour des règles classiques régissant l'application des traités.

    L'application des traités pose beaucoup de problèmes en droit international public. Mais deux d'entre eux ont fait l'objet de longs développements dans la jurisprudence Gabcikovo-Nagymaros, notamment la question relative aux principes d'application des traités d'une part (A), et les conditions d'extinction des obligations conventionnelles d'autre part (B).

    A - Les principes d'application des traités.

    Le principe de bonne foi dans l'application des conventions internationales occupe une place significative dans les développements de la Cour. Ce principe encore connu sous le vocable de principe Pacta Sunt Servanda est tiré de l'article 26 de la convention de Vienne du 23 mai 1969 au terme duquel : « Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». De l'avis de la C.D.I., il s'agit là d'un principe fondamental du droit des traités, constitué par deux aspects complémentaires à savoir l'exécution de bonne foi et le respect de la règle Pacta Sunt Servanda211(*).

    Exécuter de bonne foi signifie «  s'abstenir de tout acte visant à réduire à néant l'objet et le but du traité212(*) ». C'est aussi négocier de manière à faire produire au traité liant les parties tous ses effets. Cette seconde alternative s'illustre bien dans le dispositif de l'arrêt de la Cour dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros en ces termes : « La Hongrie et la Slovaquie doivent négocier de bonne foi en tenant compte de la situation existante et doivent prendre toutes mesures nécessaires à l'effet d'assurer la réalisation des objectifs du traité du 16 septembre 1977, selon des modalités dont elles conviendront »213(*). Cela signifie a contrario que la négociation cesse d'être de bonne foi « lorsque l'une d'elles (les parties) insiste sur sa propre position sans envisager aucune modification214(*) ».

    La Cour Internationale de Justice insiste sur la place importante et la force exceptionnelle du principe Pacta Sunt Servanda dans plusieurs de ses arrêts. Ainsi, par exemple, dans l'affaire de la compétence en matière de pêcheries (Islande, C. Royaume-Uni et RFA), elle affirme que dans le cas où l'une des parties a déjà bénéficié des dispositions exécutées, il serait particulièrement inadmissible d'autoriser cette partie à mettre fin à des obligations qu'elle a acceptées en vertu du traité et qui constituent la contrepartie des obligations que l'autre a déjà exécutées215(*). Par ailleurs, dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros, la Cour estime que les « comportements illicites réciproques n'ont pas mis fin au traité ni justifié qu'il y fût mis fin. La Cour établirait un précédent aux effets perturbateurs pour les relations conventionnelles et l'intégrité de la règle Pacta Sunt Servanda si elle devait conclure qu'il peut être unilatéralement mis fin, au motif de manquements réciproques, à un traité en vigueur entre les parties »216(*). Si par ces deux énoncés la Cour met en relief les attitudes qui limitent ou annulent la bonne foi des parties, elle évoque aussi un comportement qui pourrait être considéré comme la manifestation de cette bonne foi. En effet, dans son arrêt du 25 septembre 1997, la Cour fait de l'acceptation de l'assistance et de l'expertise d'une tierce partie la preuve d'une bonne foi. Elle déclare en subsistance que « l'acceptation d'une telle aide pour les parties attesterait de la bonne foi marquant les négociations bilatérales qu'elles mèneront pour donner effet à l'arrêt de la Cour217(*) ».

    D'autres principes régissent l'application des traités, même s'il ne leur est pas reconnu la même valeur que le principe Pacta Sunt Servanda. Il s'agit notamment du principe de non-rétroactivité des traités contenu à l'article 28 de la convention de Vienne du 23 mai 1969 aux termes duquel « ... les dispositions d'un traité ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date d'entrée en vigueur de ce traité au regard de cette partie, ou une situation qui avait cessé d'exister à cette date ». Par ailleurs, le principe de l'exécution territoriale des traités prévu à l'article 29 de la même convention qui dispose qu' « à moins qu'une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, un traité lie chacune des parties à l'égard de l'ensemble de son territoire ». Tous ces principes sont bien intégrés dans la jurisprudence de la Cour, de même que le sont les conditions d'extinction des obligations conventionnelles.

    B - Les conditions d'extinction des obligations conventionnelles.

    Cinq motifs ont été présentés par la Hongrie pour démontrer que la notification de terminaison du traité était licite et effective. Il s'agissait notamment de l'existence d'un état de nécessité, l'impossibilité d'exécuter le traité, la survenance d'un changement fondamental de circonstances, la violation substantielle du traité par la Tchécoslovaquie et enfin l'apparition de nouvelles normes de droit international de l'environnement.

    Au soutien de ses prétentions, la Hongrie a invoqué les articles 60 à 62 de la convention de 1969 sur le droit des traités. De manière quasi automatique, la Cour s'est livrée à un examen minutieux des conditions requises par les articles suscités pour rendre effective l'extinction du traité de 1977 souhaitée par la Hongrie.

    Pour ce qui est de l'article 60 portant sur l'extinction d'un traité ou la suspension de son application comme conséquence de sa violation, la Cour après une analyse méthodique des faits, arrive à la conclusion que la violation du traité ne pouvait être invoquée par la Hongrie car au moment de la notification de la terminaison du traité, cette violation n'était pas effective. Mais, la Cour aurait pu aboutir à ce même résultat en faisant un examen sans précédent de l'argument de la Hongrie concernant la violation par la Tchécoslovaquie des articles 15, 19 et 20 du traité relatif à la protection des eaux, de la nature et des intérêts en matière de pêcheries. En effet, la Cour constate « une conscience croissante des risques que la poursuite (des) interventions (de l'homme)... représenterait pour l'humanité218(*) ». Ce faisant, la Cour opère une sorte de cristallisation du processus coutumier, en mettant en lumière l'opinio juris219(*). Par ailleurs, la Cour Internationale de Justice reconnait une nature particulière aux articles 60 à 62, notamment celle des règles déclaratoires du droit coutumier. On est donc en présence de deux exigences coutumières, celle relative à la protection de l'environnement et celle relative à l'extinction d'un traité ou la suspension de son application comme conséquence de sa violation. Le raisonnement sans précédent qu'auraient pu mener les juges aurait été de considérer la violation d'une disposition relative à la protection de l'environnement comme exception au principe de l'extinction du traité ou de la suspension de son application comme conséquence de sa violation. Ceci est d'autant plus possible que d'une part, les considérations écologiques sont aujourd'hui considérées comme faisant partie des considérations élémentaires d'humanité. D'autre part, un tel raisonnement serait un peu en phase avec l'exception prévue au paragraphe 5 de l'article 60 de la convention de Vienne de 1969 aux termes duquel « les paragraphes 1 à 3 ne s'appliquent pas aux dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans des traités de caractère humanitaire ... ». Par ce faire, la Cour aurait favorisé une affirmation du droit de l'environnement, tout en confirmant le pouvoir normateur du juge international. Mais cela aurait aussi amené la Cour Internationale de Justice à s'émanciper un peu des dispositions connues et solidement établies du droit des traités, ce qu'elle n'a pas cru devoir faire.

    Le fait pour les juges de la Cour Internationale de Justice de s'en tenir au droit des traités pour examiner les règles régissant l'application des traités n'est pas sans conséquence sur la prise en compte des considérations écologiques en la matière. On note en effet, une certaine inopérationalité des arguments environnementaux comme condition d'extinction des traités.

    Paragraphe 2 : L'inopérationalité des arguments environnementaux comme condition d'extinction des traités.

    Deux arguments ayant une portée environnementale ont été présentés par la Hongrie pour justifier la terminaison du traité de 1977. Il s'agit d'une part, du changement fondamental de circonstances écologiques (A) et d'autre part de l'état de nécessité écologique (B). Mais la spécificité environnementale de ces arguments n'a été d'aucun effet pour la Cour.

    A - Le changement fondamental de circonstances écologiques.

    Le changement fondamental de circonstances invoqué par la Hongrie n'est pas expressément centré sur le caractère écologique de ces circonstances. C'est la prise en compte du seul argument environnemental présenté au soutien de leur prétention qui justifie que l'on s'intéresse au caractère écologique du changement fondamental de circonstances allégué. En effet, la Hongrie prétend que divers « éléments de fond » présents lors de la conclusion du traité de 1977 avaient fondamentalement changé, dont entre autres la transformation d'un traité qui tenait compte de la protection de l'environnement en traité porteur de catastrophes écologiques. C'est donc la protection de l'environnement qui, de l'avis de la Hongrie, avait changé, partant d'une prise en compte initiale à une méconnaissance ultérieure.

    Pour se pencher sur la question, la Cour, faisant droit à la demande de la Hongrie, a passé au peigne fin l'article 62 de la convention de Vienne sur le droit des traités portant sur le changement fondamental de circonstances. Elle est arrivée à la conclusion que les nouvelles connaissances acquises en matière d'environnement et le progrès du droit de l'environnement ne présentent pas un caractère complètement imprévu, les articles 15, 19 et 20 étant conçus dans une perspective évolutive220(*). Pour se faire, elle a opéré une interprétation évolutive des articles suscités.

    Mais la question qu'on pourrait se poser ici est celle de savoir si, en l'absence de ces articles, ou de façon plus large en l'absence de dispositions portant sur la protection de l'environnement, la Cour serait parvenue à une solution différente. Autrement dit, le changement fondamental de circonstances écologiques non prévu par un traité peut-il justifier l'extinction de ce dernier ? A l'évidence, la réponse de la Cour à cette question serait affirmative compte tenu du fait que c'est l'argument de l'imprévisible qui l'amène à ne pas reconnaître le changement fondamental de circonstances alléguées. Mais on pourrait penser à une reponse contraire, si on vient à considérer les normes environnementales comme des « normes évolutives221(*) ». En effet, le droit international de l'environnement est un domaine où la recherche scientifique et technique est grandement mise à contribution pour assurer une protection de plus en plus efficace de l'environnement. C'est donc un domaine où l'évolution des normes est prévisible222(*), compte tenu des dangers environnementaux qui menacent la planète, ainsi que des recherches menées pour y faire face. Certes la reconnaissance de ce caractère évolutif aux normes environnementales peut avoir pour conséquence de permettre qu'un traité qui, par suite de l'évolution du droit impératif, se trouve en contradiction avec une règle nouvelle, devient nul, alors même qu'il était valide à l'époque de sa formation. Mais, l'idée ici est de considérer la protection de l'environnement comme un impératif pour les Etats, que cet impératif soit ou non consigné dans certains articles des traités conclus. Et la protection ainsi consacrée doit se faire sur la base des connaissances nouvelles disponibles. La Cour est même arrivée à cette conclusion lorsqu'elle dit qu' « aux fins de l'évaluation des risques écologiques, ce sont les normes actuelles qui doivent être prises en considération223(*) ».

    C'est dire en définitive que si la Cour agissait dans le sens souhaité ici, les considérations écologiques ne pourront plus être invoquées pour soutenir un changement fondamental des circonstances, ce qui est un gage de la stabilité des traités et de la protection effective de l'environnement. Face à de nouvelles exigences environnementales, les parties à un traité devront plutôt négocier afin d'arriver à une modification du traité tenant compte des nouvelles exigences. Par ailleurs, cela permettra à la Cour Internationale de Justice d'éviter de recourir à l'interprétation évolutive des dispositions d'un traité, car cette dernière, de l'avis du juge Bedjaoui, ne fait pas partie de la règle générale d'interprétation d'un traité. Quid de l'état de nécessité écologique ?

    B - L'état de nécessité écologique comme condition d'extinction des traités.

    Il s'agit ici de l'état de nécessité écologique invoqué par la Hongrie comme cause d'extinction du traité de 1977. Deux interrogations peuvent être soulevées sur ce point à savoir d'une part celle de l'existence d'une telle notion et d'autre part celle de son opérationnalité dans le cas d'espèce.

    Pour ce qui est de son existence, les thèses Hongroise et Slovaque sont contraires. Pour la première, les diverses études scientifiques menées par les parties démontrent bien qu'un état de nécessité écologique existait bien lorsque la Hongrie a décidé en 1989 de suspendre puis d'abandonner les travaux qui étaient à sa charge. La seconde par contre, soutient que ce risque ne constituait pas un motif de suspension d'une obligation conventionnelle. C'est donc dire que même si leurs thèses sont contraires, la Hongrie et la Slovaquie intègrent bien dans leurs argumentations la notion d'état de nécessité écologique. Mais ces derniers ne sont pas suivis par la Cour qui, en appréciant l'état de nécessité à la lumière des critères énoncés par la commission du droit international à l'article 33 du projet d'articles sur la responsabilité internationale des Etats, s'est uniquement intéressée à l'état de nécessité en faisant fi de son caractère écologique. La conclusion que l'on peut en tirer est que le caractère écologique de l'état de nécessité est sans importance, seul importe l'état de nécessité allégué qui est pris en considération ici. Le caractère écologique reste donc un argument comme tout autre qui vient illustrer l'état de nécessité.

    S'agissant de l'opérationnalité de cette notion dans le cas d'espèce, la Slovaquie a plaidé que l'état de nécessité invoqué par la Hongrie ne constituait pas un motif de suspension d'une obligation conventionnelle reconnu par le droit des traités. La Cour abonde dans ce sens en faisant observer que l'existence d'un état de nécessité ne met pas fin à un traité mais peut être invoquée pour exonérer de sa responsabilité un Etat qui n'a pas exécuté un traité. Mais ce qui peut surprendre dans le raisonnement de la Cour, c'est qu'elle dit ne pas pouvoir « suivre la Hongrie lorsque celle-ci soutient qu'en suspendant puis en abandonnant en 1989 les travaux dont elle avait la charge à Nagymaros et à Dunakiliti elle n'a pas pour autant suspendu l'application du traité de 1977 lui même, puis rejeté ce traité224(*) ». En effet, lorsqu'elle décide d'abandonner certaines dispositions du traité, la Hongrie a adopté un comportement non conforme à ce qui est requis d'elle par une obligation internationale envers la Slovaquie225(*). Dans ce cas, même si l'état de nécessité écologique invoqué par Hongrie ne remplit pas les conditions exigées par l'article 33 du projet d'articles de la C.D.I. sur la responsabilité internationale des Etats, c'est plutôt la question de responsabilité qui doit être posée et non celle relative au droit des traités. C'est ce qui fait dire à la Hongrie que la suspension ou l'abandon de certains travaux n'emporte pas suspension de l'application du traité mais résulte d'un état de nécessité écologique.

    Dans l'ensemble, même si on note un souci d'adaptation des méthodes traditionnelles au contentieux environnemental, il reste que la Cour est prudente et réservée lorsqu'elle examine des notions nouvelles telles que le changement fondamental de circonstances écologiques ou encore l'état de nécessité écologique. L'examen de ces notions s'est fait au mépris de la spécificité écologique qui était mise en exergue par la Hongrie. Si cette attitude se justifie par le souci de préserver la solidité de la structure normative et institutionnelle existante, le rôle joué par la Cour dans le développement du droit international de l'environnement implique une nécessaire conciliation entre prudence et hardiesse du juge.

    CHAPITRE 2 :
    LA NECESSAIRE CONCILIATION ENTRE PRUDENCE ET HARDIESSE DU JUGE DANS LE TRAITEMENT DU CONTENTIEUX ENVIRONNEMENTAL

    La prudence a toujours caractérisé l'activité du juge international, compte tenu de la complexité du cadre dans lequel il opère. En effet, « la Cour s'insère dans un cadre marqué du sceau de la complexité tenant à la diversité et à la pluralité des acteurs - dont elle est - qui interviennent sur la scène juridique internationale »226(*). Elle n'a pas la compétence exclusive dans le traitement du contentieux international et sa compétence dépend de la volonté de l'Etat, car la justice n'est pas obligatoire dans l'ordre international. Le juge international fait donc souvent preuve de beaucoup de prudence afin d'assurer l'adhésion des Etats à la juridiction de la Cour.

    Mais dans le domaine du contentieux international de l'environnement, la prudence des juges peut trouver son fondement dans le souci de préserver la stabilité de la structure normative et institutionnelle existante (section 1). Ce souci nait du fait que le droit international de l'environnement remet profondément en cause les règles traditionnelles, notamment en matière de responsabilité internationale227(*). Mais il ne faut pas perdre de vue tout l'intérêt que présente actuellement le droit international de l'environnement qui, de l'avis de Maurice Kamto, « remet l'humanité au coeur du droit international (...) avec en prime une prise en compte hardie des préoccupations et des inquiétudes des temps actuels »228(*). L'importance de ce nouveau droit contraste encore avec sa relative jeunesse et son développement peu poussé, ce qui rend nécessaire l'implication du juge dans le développement du droit international de l'environnement (section 2)

    Section 1 : La préservation de la solidité de la structure institutionnelle et normative existante

    La crédibilité d'une institution judiciaire dépend largement de la prévisibilité de ses décisions. Les parties auront davantage recours à la juridiction de la Cour si elles sont certaines de la prévisibilité de la procédure et de la jurisprudence. Sur ce point, la C.I.J. bénéficie d'une certaine crédibilité en raison de sa riche expérience en matière d'interprétation et d'application des traités internationaux. L'ouverture sur les considérations écologiques pourrait remettre en cause l'édifice institutionnel et normatif existant, dont l'efficacité a été éprouvée au fil du temps (paragraphe 1). De plus, l'absence d'autonomie et la précision relative des normes de droit international de l'environnement sont de nature à limiter leur prise en compte dans le contentieux international (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : L'efficacité éprouvée des techniques contentieuses traditionnelles

    Comme le fait remarquer le professeur Kamto, « le droit traditionnel dispose de puissants outils théoriques susceptibles d'être adaptés à la protection et à la gestion de l'environnement »229(*). Ainsi sur le plan institutionnel, il ne fait aucun doute que l'organisation institutionnelle classique de la Cour permet de régler les différends environnementaux (A). De même, les normes classiques de droit international permettent d'apurer le contentieux environnemental, du moins en son état actuel (B).

    A. L'aptitude de l'organisation institutionnelle de la Cour à régler les différends environnementaux

    L'institution par la Cour d'une chambre spéciale pour les questions d'environnement traduit une sorte d'audace institutionnelle, certainement justifiée par l'intérêt que la haute Cour porte aux questions d'environnement. Certes, l'option pour une chambre spéciale met fin aux hésitations de la Cour portant sur le choix entre la constitution d'une chambre de l'article 26 paragraphe 1 et le recours à une chambre ad hoc de l'article 26 paragraphe 2 de statut. Mais compte tenu du bilan fort mitigé des activités de la chambre spéciale - soit aucune affaire traitée après treize années d'existence -, on pourrait conclure à un désaveu de la chambre par les Etats. Tout le contentieux portant sur les questions environnementales reste traité en dehors de la chambre spéciale et selon la procédure classique, notamment le recours à la formation plénière. Le souci pour la Cour de s'adapter au contentieux environnemental en s'écartant quelque peu du cadre institutionnel existant semble ne pas avoir suffisamment tenu compte de l'aptitude de l'organisation institutionnelle traditionnelle à régler les différends environnementaux. Plus encore, « la mise en place d'une juridiction spéciale et nouvelle - la chambre spéciale - résulte d'un choix essentiellement politique dans lequel la préoccupation des juristes professionnels a joué un rôle de catalyseur d'opinion et de pression »230(*).

    Mais l'acharnement des juristes pour la création de la chambre spéciale s'est heurté à l'importance du consensualisme dans le contentieux international, notamment pour ce qui est de la composition de la juridiction. En effet, « à la différence d'une chambre ad hoc, une chambre spéciale représente une formation permanente dont la direction relève de la plénière de la Cour : à celle-ci revient l'appréciation discrétionnaire de sa constitution (...) Par ailleurs, la composition est entièrement entre les mains de la seule Cour (...) »231(*). Le recours à la chambre spéciale est donc assez contraignant pour les Etats, ce qui peut justifier leur préférence pour les autres formations de jugement existantes. En effet, « le facteur psychologique est peu favorable à la réalisation de telles initiatives, notamment si elles sont perçues comme une tentative de détournement de la règle de la primauté du consentement juridictionnel »232(*). L'organisation institutionnelle traditionnelle de la Cour prend en considération ce nécessaire consentement à la juridiction, notamment à travers la liberté reconnue aux parties de constituer des chambres ad hoc et de recourir à la désignation des juges ad hoc en l'absence d'un juge de leur nationalité. Bref, la création de la chambre spéciale ne paraît pas nécessaire, compte tenu de l'aptitude de la structure institutionnelle de la Cour à régler les différends environnementaux. En témoignent tous les différends réglés par la Cour dans lesquels les questions environnementales étaient examinées. On comprend dès lors toutes les hésitations qui ont précédées la création de cette chambre, car la Cour doit faire preuve de prudence en tenant compte de l'environnement dans lequel elle opère. La Cour devrait privilégier le renforcement des mécanismes institutionnels existants qui ont déjà fait leurs preuves et qui semblent susciter l'adhésion des Etats, plutôt que de se lancer dans une sorte d'aventure institutionnelle233(*). Cette option permettra de mieux préserver la stabilité de la structure institutionnelle existante.

    B. La capacité des normes traditionnelles à apurer le contentieux environnemental

    Si la Cour a fait preuve d'une certaine souplesse dans son organisation institutionnelle, elle a plus de difficulté à s'émanciper des normes classiques de droit international. En effet comme le montre J. Sohnle, « la Cour est réservée quant à la prise en considération d'aspects environnementaux dans l'application du droit international général. C'est certainement vrai pour les règles substantielles régissant le droit des traités et le droit de la responsabilité internationale »234(*). C'est la raison pour laquelle les notions telles que le changement fondamental de circonstances écologiques, ou encore l'état de nécessité écologique n'ont pas fait l'objet d'une prise en compte autonome par la Cour. Elle s'est référée au droit international général pour apprécier ces deux notions, faisant ainsi preuve de prudence par rapport aux nouvelles normes environnementales. Ce choix opéré par la Cour est certainement motivé par la stabilité et la densité normative avérée du droit international général qui favorisent sa capacité à régler les différends environnementaux. La Cour ne cesse de rappeler à chaque reprise l'importance et la valeur des normes du droit international général. Dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros par exemple, elle affirme que « la notion d'état de nécessité est ... profondément enracinée dans la théorie générale du droit »235(*). Dans le même sens, elle rappelle sa jurisprudence dans l'affaire de la compétence en matière de pêcheries, relativement à l'article 62 de la convention de Vienne sur le droit des traités. Elle affirme en effet que « l'article 62 de la convention de Vienne sur le droit des traités ... peut, à bien des égards, être considérés comme une codification du droit coutumier existant en ce qui concerne la cessation des relations conventionnelles en raison d'un changement de circonstances »236(*). Pour elle, même si la convention de Vienne sur le droit des traités ne s'applique pas directement à un traité particulier, « seules les règles de la convention qui sont déclaratoires du droit coutumier sont applicables (...) tel est le cas, à bien des égards, des articles 60 à 62 de la convention de Vienne relatifs à l'extinction et à la suspension des traités »237(*). Cette affirmation de l'importance et de la stabilité des règles de droit international général amènent la Cour à « aborder les problèmes nouveaux à l'aide d'ustensiles juridiques et de moyens théoriques disponibles plutôt que de forger de nouveaux concepts et de nouvelles approches »238(*). Ainsi, en faisant abstraction de la dimension écologique qui était associée à ces deux notions, la Cour s'est contentée de l'état de nécessité et du changement fondamental de circonstances tels que prévus respectivement par le droit de la responsabilité internationale et le droit des traités.

    La Cour est confortée dans sa logique par l'adhésion des parties qui ont entendues se placer sur le terrain du droit de la responsabilité internationale et du droit des traités. En effet, la Cour fait remarquer que « dans l'instance, les parties se sont accordées pour estimer que l'existence d'un état de nécessité doit être appréciée à la lumière des critères énoncés par la Commission du droit international à l'article 33 du projet d'articles sur la responsabilité internationale des Etats qu'elle a adopté en première lecture »239(*). De même, concernant l'application des articles 60 à 62 de la convention de Vienne sur le droit des traités, la Cour souligne que « les parties en ont ainsi largement convenu »240(*).

    On peut en déduire que compte tenu de la solidité du dispositif normatif existant et de sa capacité à apurer le contentieux environnemental, la Cour, aidée en cela par les parties, préfère appliquer le droit international général. Ce faisant, elle reste assez prudente lorsqu'elle doit examiner de nouvelles normes. Mais la prudence de la Cour n'est pas seulement justifiée par l'efficacité éprouvée des techniques contentieuses traditionnelles. Elle est aussi attribuable à l'absence d'autonomie et à la précision relative des normes du droit international de l'environnement.

    Paragraphe 2 : L'absence d'autonomie et la précision relative des normes du droit international de l'environnement.

    Même si on lui reconnait quelques spécificités, le droit international de l'environnement reste une branche du droit international général. Cet état de fait justifie l'application à ce nouveau droit des « ustensiles juridiques » propres au droit international général (A). De plus, la précision relative des normes du droit international de l'environnement ne facilite pas leur introduction dans le contentieux international, d'où la prudence des juges (B).

    A. L'absence d'autonomie du droit international de l'environnement

    Le droit international de l'environnement fait partie intégrante du droit international général. C'est la branche du droit international public qui a pour objet la protection de l'environnement. En tant que branche du droit international public, le droit international de l'environnement ne saurait échapper aux grands principes et aux constructions théoriques élaborées dans le cadre de ce droit existant. Le recours au droit international général pourrait même être bénéfique pour ce nouveau droit qui pour l'heure « présente des particularités qui n'existent pas ailleurs (...) et qui n'en facilitent pas la mise en oeuvre »241(*). Ainsi, pour A. Kiss, « la mise en oeuvre des obligations découlant de traités relatifs à la protection de l'environnement peut donc s'inspirer d'expériences acquises dans d'autres branches du droit international »242(*).

    Par ailleurs, si l'on essaye de parcourir la jurisprudence de la Cour portant sur les questions environnementales, on se rend compte que « rares sont les affaires portant de près ou de loin sur la protection de l'environnement, réglées au moyen d'une procédure juridictionnelle (...) tant dans l'affaire relative à certaines terres à phosphate à Nauru que dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros, la question de la protection de l'environnement n'a pas été, et n'est pas, l'objet principal du différend »243(*). Dans ces circonstances, il est un peu exagéré d'attendre des juges qu'ils se lancent dans une activité de création ou d'affirmation des normes du droit international de l'environnement, alors qu'ils n'y sont pas conviés par les parties, du moins pas directement. La prudence s'impose donc à la Cour si elle veut régler efficacement les différends qui lui sont soumis. Ainsi, à l'absence d'autonomie du droit international de l'environnement s'ajoute l'absence d'autonomie du contentieux international de l'environnement.

    Au regard de ce lien consubstantiel qui existe entre le droit international de l'environnement et le droit international général, on pourrait répondre à l'interrogation du professeur Kamto qui était de savoir : « Faut-il alors - et surtout -, peut-on sortir du droit international classique ? Comment en sortir ou comment y rester ? »244(*). Il semble en effet que le droit international de l'environnement ne peut et ne doit sortir du droit international classique. Reste maintenant à trouver une réponse à la question de savoir comment y rester. C'est à ce niveaux qu'il faudra concilier hardiesse et prudence dans le traitement du contentieux environnemental, afin de trouver le juste équilibre et de préserver la stabilité dont a besoin le droit international pour rester utile à la société internationale. Mais la prudence semble souvent primer sur la hardiesse dans le raisonnement de la Cour en raison aussi de la normativité relative des règles du droit international de l'environnement.

    B. La « normativité relative » des règles du droit international de l'environnement

    Il a été relevé plus haut245(*)que les normes du droit international de l'environnement se caractérisent par un faible degré de précision, une normativité relative, un statut normatif discutable en raison de leur rôle dans la dilution de la normativité internationale246(*). Ceci étant, ces normes ne facilitent pas le contrôle contentieux devant le juge, dans la mesure où « juger c'est faire application à une situation concrète d'une norme juridique préexistante. Une telle application suppose que le juge soit parfaitement fixé sur le sens de la norme à appliquer »247(*). On peut dès lors comprendre toute la prudence des juges lorsque ces derniers sont appelés à statuer sur des questions environnementales. Le recours au droit international classique pour apurer les différends environnementaux permettrait aux juges de préserver la stabilité de la structure normative existante qui serait menacée par l'application d'un droit dont la faiblesse est « si décriée pour son caractère insuffisamment prescriptif et rarement sanctionnateur »248(*). C'est ce qui justifie l'attitude réservée de la Cour quant à la prise en considération d'aspects environnementaux dans l'application du droit international général.

    Mais il faut tout de même dire que si le droit international de l'environnement est encore un droit mou, c'est en grande partie en raison de sa relative jeunesse. Compte tenu de l'importance reconnue à ce nouveau droit249(*), il serait souhaitable que son développement et son affirmation soient renforcés. Or comme le fait remarquer le professeur Kamto, « il est à redouter que cette inclination pour les principes, pour la plupart non juridiques, cache un refus d'engagement juridique des Etats, car alors le droit international de l'environnement tomberait dans la même ornière que le droit international du développement à savoir, celle du non droit ou d'un droit sans valeur où les normes à prétention juridique ne sont rien de plus qu'un ensemble d'énoncés normatifs exprimant les préoccupations communes d'une époque »250(*). C'est pour pallier cette déficience des Etats que le juge doit, malgré toutes les raisons qui militent pour une prudence, faire preuve d'un peu plus de hardiesse pour permettre le développement du droit international de l'environnement. Cela est d'autant plus souhaitable tant il est vrai que « le règlement juridictionnel aide puissamment au développement du droit international »251(*).

    Section 2 : La contribution du juge à l'évolution du droit international de l'environnement.

    Le juge joue un rôle fondamental dans le développement du droit international en général. Les décisions judiciaires sont souvent considérées comme « des moyens auxiliaires de détermination de la règle de droit »252(*). Ainsi, la C.I.J. peut jouer un rôle important dans le développement du droit international, comme l'affirmait déjà Sir Roberts Jennings, alors président de la Cour253(*). Par son activité normative, elle va permettre un renforcement de la normativité du droit international de l'environnement (paragraphe 1) et une détermination des modes de réparation plus adaptés au dommage écologique (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Le renforcement de la normativité du droit international de l'environnement

    Lorsqu'une norme est imprécise, vague et indéterminée, son invocabilité dans le contentieux est remise en cause. L'intervention du juge dans la précision des normes environnementales permet de garantir leur invocabilité dans le contentieux (A), en même temps qu'elle permet d'améliorer la valeur normative des règles du droit international de l'environnement ainsi précisées (B).

    A. La garantie de l'invocabilité des normes du droit international de environnement

    L'invocabilité est la caractéristique d'un acte juridique, autorisant un sujet de droit international à en revendiquer le bénéfice à l'égard des tiers254(*). Lorsqu'une norme précise clairement les droits et les obligations des parties, ces dernières peuvent valablement l'invoquer devant le juge international pour exiger que leurs droits soient respectés. Mais « le droit international de l'environnement est réputé être un droit mou dont les normes (y compris conventionnelles), sont souvent vagues et indéterminées. Les obligations de Etats, obligations de comportement souvent plus que de résultat, y sont parfois grossièrement tracées par l'instrument juridique international (traité-cadre) »255(*). C'est ce qui rend difficile l'application des normes environnementales dans le contentieux international, car les parties ne peuvent pas se prévaloir d'un droit précis qui aurait été violé. Si il appartient en priorité aux Etats de permettre l'invocabilité des normes environnementales en faisant preuve de plus de précision dans l'élaboration des traités, le juge peut remédier à la défaillance des Etats en faisant recours à son pouvoir d'interprétation. En effet, « quand le texte est obscur, la norme douteuse, son (le juge) premier devoir est de les interpréter pour en découvrir l'exacte portée(...) Pratiquement, on réserve l'expression d'interprétation à l'éclaircissement de la norme à appliquer »256(*).

    Le juge peut donc jouer un rôle important dans l'éclaircissement des normes du droit international de l'environnement, favorisant ainsi leur invocabilité. Par le passé, la Cour a eu à interpréter certaines règles du droit international de l'environnement et en a dégagé des obligations précises à la charge des Etats. Ainsi par exemple, l'obligation d'évaluer l'impact environnemental des projets, l'interdiction d'utiliser son territoire à des fins contraires au droit des autres Etats, ou encore l'interdiction d'emploi de moyens et de méthodes de guerre dommageables pour l'environnement sont aujourd'hui considérées comme faisant partie intégrante des normes du droit international de l'environnement257(*). C'est ce qui fait dire au juge Ranjeva que « la Cour internationale de justice a pu dégager sans difficulté, à partir des principes fondamentaux du droit coutumier des règles pertinentes dans le droit de l'environnement »258(*). Certes, « la création prétorienne ne peut se substituer aux modes ordinaires de création juridique dans l'ordre international »259(*), mais elle permet tout de même de renforcer la normativité du droit international de l'environnement. Cette intervention du juge est d'autant plus nécessaire que, de l'avis du professeur Kamto, « il n'y aura pas de nouvelles avancées significatives dans la protection de l'environnement sans l'élaboration de concepts juridiques nouveaux ou l'enrichissement des concepts anciens, voire sans un changement des logiques et modes de pensée propres au droit international classique »260(*). Compte tenu de la faible implication des Etats dans l'élaboration des normes environnementales claires et précises, la survie du droit international de l'environnement semble dépendre du degré d'implication des juges au renforcement de la normativité de ce droit. Ainsi, les normes dites « soft » pourront, après une interprétation jurisprudentielle, être invoquées dans le contentieux et produire pleinement leur effet. C'est dans ce sens que Lebon Bergeret déclare : « Je craindrais moins les mauvaises lois si j'étais sur qu'il n'y eut que de bons juges »261(*).

    B. Le renforcement de la valeur normative des règles du droit international de l'environnement

    Parler du renforcement de la valeur normative des règles du droit international de l'environnement revient à évoquer la question du passage de ces règles de l'état de simples normes à celui de normes coutumières. Le juge joue également un rôle important dans la constatation et la formulation de la coutume. En effet, ce dernier « cristallise le processus coutumier »262(*), notamment lorsqu'il doit statuer sur la nature coutumière ou non de certaines normes dont l'existence n'est pas formalisée ou qualifiée par le droit lui-même de coutumières. Ce rapport du juge à la coutume s'illustre bien dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros lorsque la Cour relève qu' « aucune des parties n'a prétendu que des normes impératives du droit de l'environnement soient nées ... et la Cour n'aura par la suite pas à s'interroger sur la portée de l'article 64 »263(*). Cela veut dire que si les parties avaient prétendu qu'une norme impérative du droit international de l'environnement était née, la Cour se serait interrogée sur l'existence de cette norme impérative, dans les conditions qu'elle a elle-même précisé dans l'affaire du plateau continental en mer du nord. En effet, pour qu'une norme impérative se forme, « non seulement les actes considérés doivent représenter une pratique constante, mais en outre, ils doivent témoigner par leur nature et la manière dont ils sont accomplis, de la conviction que cette pratique est rendue obligatoire par l'existence d'une règle de droit »264(*). Pour J. Sohnle, on est tenté d'en conclure que la Cour serait disposée à examiner le problème à l'avenir265(*).

    Le rôle du juge dans la constatation et la formulation de la coutume peut contribuer efficacement au renforcement de la valeur normative des règles du droit international de l'environnement. En reconnaissant une nature coutumière à certaines règles, le juge les fait passer du statut de normes « soft » à celui de normes impératives dont le respect s'impose aux parties. L'enjeu est donc grand et le juge devrait faire preuve d'hardiesse pour y parvenir. Il dispose à cet effet d'une « marge d'appréciation dans l'établissement de la pertinence de la pratique »266(*), de même qu'il peut contribuer à l'émergence de l'opinio juris. En effet, en exprimant sa « conscience de ce que l'environnement est menacé jour après jour et de ce que l'emploi d'armes nucléaires pourrait constituer une catastrophe pour l'environnement naturel »267(*), la Cour se fait le réceptacle des valeurs sociales que le droit traduit268(*). La Cour prend donc une part active dans l'établissement de la règle coutumière, ce qui pourrait profiter au droit international de l'environnement encore en pleine construction. En plus de renforcer la normativité des ses règles, l'implication du juge dans le développement du droit international de l'environnement permet aussi de déterminer les modes de réparation adaptés au dommage écologique, car, comme le reconnait la Cour elle-même, on note des « limites inhérentes au mécanisme de réparation de ce type de dommage »269(*).

    Paragraphe 2 : La détermination des modes de réparation adaptés au dommage écologique

    La réparation est le corollaire de la responsabilité et « l'obligation de réparer tout manquement au droit est impliquée par toute règle juridique »270(*). C'est ce qui ressort de l'arrêt de la Cour Permanente de Justice Internationale dans l'affaire de l'Usine de Chorzow du 13 Septembre 1928 en ces termes : « La Cour constate que c'est un principe de droit international, voire une conception générale du droit, que toute violation d'un engagement comporte l'obligation de réparer »271(*). Dans le même arrêt, la Cour donne le but général recherché par la réparation. En effet, « la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas été commis »272(*). Si la recherche de ce but peut s'opérer dans tous les différends, c'est au niveau des modalités de la réparation que le problème de la spécificité du contentieux environnemental se pose, les modalités classiques de réparation n'étant que très peu adaptées au dommage écologique (A). C'est ce qui justifie que l'on s'intéresse à d'autres modalités de réparation mieux adaptées audit dommage (B).

    A. La relative inefficacité des modes classiques de réparation du préjudice en matière écologique

    Avant de s'attarder sur les modes classiques de réparation du dommage, il faut relever que la réparation du dommage écologique n'est pas facilitée par la nature même du droit international de l'environnement dont les normes sont généralement considérées comme des normes de « soft law », droit mou...etc. C'est nécessairement par un effort de construction du juge que la réparation du dommage écologique est rendue possible. On considère ainsi les décisions judiciaires comme des moyens auxiliaires de détermination de la règle de droit273(*).

    S'agissant maintenant des modes classiques de réparation du dommage, l'article 34 du projet d'articles de la C.D.I. indique que « la réparation intégrale du préjudice causé par le fait internationalement illicite prend la forme de restitution, d'indemnisation et de satisfaction ». Mais ces trois modes de réparation présentent des limites lorsqu'ils s'appliquent au dommage écologique.

    D'abord pour ce qui est de la satisfaction, elle ne peut permettre la réparation d'un dommage écologique dans la mesure où ce dernier est un dommage matériel274(*). Or la satisfaction est un mode de réparation mieux adapté pour réparer un préjudice purement moral, notamment l'atteinte aux seuls intérêts moraux ou politiques de l'Etat ou de l'institution internationale275(*).

    Ensuite, concernant la restitutio in intégrum, elle est considérée comme la sanction normale de l'inexécution d'obligations contractuelles. Elle vise la remise des choses en l'état antérieur au fait internationalement illicite, et ce faisant elle efface les conséquences de ce fait. La restitutio in intégrum est à privilégier par rapport aux autres formes de réparation chaque fois que cela est possible, car celle-ci constitue la modalité de principe de la réparation276(*). Mais elle s'applique difficilement au dommage écologique, notamment aux cas de pollution. En matière de déversement des hydrocarbures en mer par exemple, il n'est pas possible de dépolluer complètement la mer277(*). C'est généralement avec le temps que la pollution des eaux diminue considérablement jusqu'à atteindre le niveau le plus bas. Par ailleurs pour ce qui est des émanations de fumées toxiques, il n'est pas possible de réabsorber toutes les fumées émises par une usine et qui causent des dommages sur le territoire d'un autre Etat. Ces fumées se dissipent par l'action du vent, ce qui les rend incontrôlables, comme ce fut le cas dans l'affaire de la Fonderie du Trail (Etats-Unis c. Canada). Il parait donc impossible d'effacer complètement le dommage écologique, ce qui est une limite à la restitutio in intégrum.

    Enfin, pour ce qui est de l'indemnisation, il faut dire qu'il s'agit d'un mode de réparation par équivalence consacré par la C.P.J.I. dans l'affaire de l'Usine de Chorzow. La Cour déclare en effet que « c'est un principe de droit international que la réparation d'un dommage peut consister en une indemnité »278(*). Par ailleurs dans le dispositif de l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros, la Cour dit que la Slovaquie doit indemniser la Hongrie pour les dommages subis par cette dernière du fait de la mise en service de la variante c, notamment les dommages écologiques enregistrés. Mais lorsque l'on se situe dans la perspective d'une protection efficace de l'environnement, on se rend bien compte que l'indemnisation est un mode imparfait de réparation du dommage écologique. Si elle permet de compléter ou de remplacer la restitutio in intégrum, elle est sans conséquence sur la pollution et ne contribue nullement à la réduire ou à l'éradiquer. Son efficacité est liée à celle de la restitutio in intégrum, et c'est certainement la raison pour laquelle la C.I.J. relève les limites inhérentes aux mécanismes de réparation du dommage écologique279(*). Ce sont ces limites qui justifient le recours aux modes plus appropriés de réparation du dommage écologique.

    B. Vers une consécration jurisprudentielle des modes appropriés de réparation du dommage écologique.

    La recherche des modes appropriés de réparation du dommage écologique se révèle encore plus nécessaire dans le domaine de la protection de l'environnement. Dans ce domaine en effet, la vigilance et la prévention s'imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l'environnement280(*). Il s'agit donc de trouver des mécanismes qui, tout en intégrant une dimension préventive dans la réparation du dommage (réparation en amont), permettent également une réaction rapide face à un dommage écologique. Deux mécanismes vont faire l'objet d'étude dans le cadre de ce travail, à savoir la compensation d'une part et l'assurance d'autre part.

    S'agissant de la compensation, elle doit, pour être bien comprise, être distinguée de l'indemnisation. En effet, l'indemnisation est une forme de réparation par équivalent d'un dommage dont la réalisation est constatée après coup. Par contre, la compensation est une forme imparfaite de réparation par équivalent concomitante à la persistance du dommage, destinée à concilier le maintien d'une activité d'intérêt général polluante et la sauvegarde d'intérêts particuliers281(*). Dans le cadre des rapports interétatiques, cela équivaudrait à une conciliation entre le maintien d'une activité d'intérêt national polluante d'un Etat et l'intérêt écologique d'un autre Etat. Cette forme de réparation est adaptée pour les dommages dont il est impossible de faire cesser purement et simplement l'activité préjudiciable, sans entrainer des conséquences économiques et sociales insupportables pour la collectivité. Elle consiste donc, selon Pierre-Marie Dupuy, à laisser subsister la cause du dommage et tenter d'en réduire les conséquences fâcheuses, en indemnisant les victimes sans pouvoir toutefois leur garantir une cessation définitive du préjudice282(*). Il en est ainsi des dommages d'origine technologique et industrielle. Dans ces conditions, le dommage n'est pas réparé comme dans la procédure classique de réparation des dommages, mais seulement compensé. Cette solution aurait pu être envisagée par la C.I.J. dans l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros. En effet, la Cour constate que la démolition des ouvrages de Cunovo entrainera des conséquences économiques insupportables pour la Slovaquie. Faute de pouvoir recourir à la restitutio in intégrum, elle envisage une solution selon laquelle, si la Hongrie participe à l'exploitation du complexe de Cunovo et reçoit sa part de bénéfices, elle devra payer une part proportionnelle des coûts de construction et de fonctionnement283(*). Mais une autre solution aurait été de permettre à la Slovaquie de mettre en service la variante c malgré ses conséquences écologiquement dommageables, contre paiement à la Hongrie d'une juste compensation. Cette solution est d'autant plus intéressante que les deux parties n'arrivent toujours pas à se mettre d'accord sur la gestion conjointe de ce qui reste du projet284(*).

    Pour ce qui est enfin de l'assurance, elle peut être envisagée sous deux formes. Il peut s'agir, pour deux Etats qui veulent mettre en oeuvre un projet, de mettre à la charge d'un tiers (l'assureur) la réparation des conséquences dommageables des activités envisagées, contre paiement d'une prime raisonnable. C'est le mécanisme de l'assurance au sens propre du terme. Il peut aussi s'agir pour les Etats de mettre sur pied un fond de garantie auquel il serait fait appel toutes les fois où il sera question de réparer les dommages écologiques causés par une activité étatique ou interétatique. Ces deux formes de réparation qui ont fait leurs preuves en matière de réparation des dommages causés par les hydrocarbures semblent appropriées pour s'appliquer au dommage écologique. En effet, elles permettent une réaction prompte et rapide face à une pollution par la mobilisation immédiate des moyens financiers nécessaires à l'indemnisation des populations et au lancement des activités de dépollution. Cela permet d'éviter les longues procédures imposées par les mécanismes classiques de réparation du dommage qui préconisent la détermination des responsabilités avant toute réparation du préjudice. Ces deux modes de réparation des dommages trouvent donc leur fondement dans la nécessité de réduire au maximum les dommages causés par la pollution. Ils devraient donc être intégrés dans les conventions signées entre les Etats en vue de la réalisation d'un projet. Mais pour une plus grande efficacité de ces modes de réparation, il serait souhaitable qu'ils fassent l'objet d'une consécration jurisprudentielle, étant entendu que le rôle joué par la C.I.J. dans la consécration des normes est très important et déterminant.

    CONCLUSION

    Au terme cette étude, on peut relever sans risque de se tromper que la contribution de la Cour au développement des règles du droit international de l'environnement est significative. Il ne fait aucun doute que le juge de la C.I.J. a usé de son pouvoir normateur en systématisant les solutions particulières d'une part et en individualisant les notions abstraites du droit international d'autre part. Ainsi par exemple, la Cour a pu donner un contenu à la notion d'environnement tant dans ses éléments constitutifs que dans sa valeur juridique, tout en précisant les principes de protection qui s'y appliquent ainsi que les obligations qui en découlent. Elle a par ailleurs individualisé des notions abstraites du droit international telles que l'utilisation non dommageable du territoire, l'obligation de coopération entre les Etats...etc. Par ce faire, le juge de la C.I.J. confirme sa place essentielle de la jurisprudence en tant que moyen auxiliaire de détermination de la règle de droit285(*).

    L'idée d'une contribution significative de la Cour au développement du droit international de l'environnement semble largement admise. En effet, le Professeur Doumbé-Billé fait remarquer que c'est par l'action du juge international qu'ont été consacrés les principes qui ont contribué à faire du droit de l'environnement un droit positif, à forte teneur normative et ayant vocation à être juridiquement sanctionné286(*). Dans le même sens, le juge Ranjeva affirme que la Cour Internationale de Justice a pu dégager sans difficulté, à partir des principes fondamentaux du droit coutumier, des règles pertinentes dans le droit de l'environnement287(*).

    Mais il faut reconnaître que dans la plupart des affaires présentant une dimension écologique importante, le contentieux environnemental n'a jamais été l'objet principal du différend. Même dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros pourtant considérée dans la doctrine comme marquant l'irruption de l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J., « la question de la protection de l'environnement n'a pas été, et n'est pas, l'objet principal du différend »288(*). Dans cette affaire en effet, les questions qui étaient traitées à titre principal étaient relatives au droit des traités d'une part et au droit de la responsabilité d'autre part. Cet état de fait a permis de rendre compte de la difficulté à laquelle fait face le juge international lorsque ce dernier doit à la fois contribuer au développement d'un droit nouveau tout en faisant application des règles du droit international solidement établies. Face à ce droit classique, il n'a pas été possible pour le juge de tirer des conclusions audacieuses en faveur du droit international de l'environnement. C'est ainsi que des notions telles que l'état de nécessité écologique ou encore le changement fondamental de circonstances écologiques n'ont pas eu une consécration autonome, ceci après une application stricte des règles du droit classique. En effet pour ce qui est notamment de ces deux notions, les juges ont eu recours respectivement à l'article 33 du projet d'articles de la C.D.I. sur la responsabilité internationale des Etats et à l'article 62 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, abstraction faite de la dimension écologique ajoutée à ces notions. La spécificité écologique des arguments examinés par la Cour n'aura donc pas suffi à permettre un examen autonome et une consécration plus poussée des règles de droit international de l'environnement. Ce résultat auquel la Cour aboutit pourrait être attribué à la difficulté qu'éprouve tout juge international, et particulièrement celui de la de la C.I.J., à s'émanciper des règles du droit classique. Effectivement comme le dit bien le Professeur Kamto, « en son état actuel, le droit de l'environnement apparait ainsi un droit prudent parce que peu imaginatif et insuffisant parce que trop classique. Certes, le droit traditionnel dispose aussi de puissants outils théoriques susceptibles d'être adaptés à la protection et à la gestion de l'environnement. Mais le droit de l'environnement souffre à cet égard du reflexe conditionné des juristes qui consiste à aborder les problèmes nouveaux à l'aide d'ustensiles juridiques et de moyens théoriques disponibles plutôt que de forger de nouveaux concepts et de nouvelles approches »289(*).

    C'est dire en définitive que malgré le caractère « soft » reconnu aux normes environnementales, le juge international parvient à en faire application dans sa jurisprudence. Pour y arriver, il procède à la détermination de la nature et de la valeur de ces normes ainsi que des obligations précises qui en découlent, avant de les appliquer à des situations juridiques concrètes. Cependant, lorsqu'il procède à cette entreprise de détermination des règles du droit international de l'environnement, le juge de la C.I.J. fait face aux règles du droit international classique desquelles il s'émancipe difficilement. Par conséquent, on note une consécration des normes environnementales par la Cour, consécration toutefois édulcorée par la place très importante qu'occupent les autres règles du droit international classique. Pour remédier à cette situation, il serait souhaitable que le juge de la C.I.J. fasse preuve de plus d'imagination et d'innovation d'une part et de moins de prudence d'autre part. Il s'agit de trouver un équilibre parfait entre la nécessité de donner des bases solides et une normativité avérée au droit international de l'environnement et le souci de préserver la solidité de la structure normative existante. Cela paraît d'autant plus justifié que la Cour n'a cessé de rappeler toute l'importance du droit international de l'environnement à son égard. Mais au-delà de la Cour, le développement du droit international de l'environnement passe aussi par un perfectionnement de l'oeuvre législative des Etats à travers les traités conclus entre ces derniers dans le domaine de la protection de l'environnement. Ainsi par exemple, la place de la protection de l'environnement peut se voir renforcée dans les traités, de manière à faire des règles en la matière une des composantes des considérations élémentaires d'humanité. C'est à ce prix également que le droit international de l'environnement pourra connaître un essor considérable et s'affirmer comme branche du droit international public au même titre que toutes les autres branches de ce droit.

    S'il s'est frayé un chemin important dans le contentieux international, le contentieux environnemental a encore beaucoup à apporter au droit international de l'environnement, dans le sens de son affirmation véritable. Cela passe par une floraison du contentieux environnemental devant la C.I.J., ce qui pour le moment n'est pas le cas. En effet, malgré l'affirmation de l'importance que la Cour accorde à la protection de l'environnement et la mise sur pied d'une chambre spéciale pour les questions d'environnement, le droit international de l'environnement n'occupe pas encore le devant de la scène contentieuse internationale. Cet état de fait est tributaire de l'absence d'affaires dans lesquelles le droit international de l'environnement est traité à titre principal, indépendamment des autres branches du droit international classique. L'avenir du droit international de l'environnement semble donc être lié à celui du contentieux international de l'environnement.

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    -C.I.J., Arrêt, 9 Avril 1949, Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), Rec. 1949, P.4.

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    ANNEXES 

    AFFAIRE RELATIVE AU PROJET GABCÍKOVO-NAGYMAROS

    (HONGRIE/SLOVAQUIE)

    Arrêt du 25 septembre 1997

    Dans son arrêt sur l'affaire relative au Projet Gabcíkovo-Nagymaros(Hongrie/Slovaquie), la Cour a décidé que la Hongrie n'était pas en droit de suspendre puis d'abandonner, en 1989, la partie des travaux qui lui incombait dans le cadre du projet de barrage, tels qu'ils étaient déterminés dans le Traité signé en 1977 par la Hongrie et la Tchécoslovaquie et dans les instruments y afférents; la Cour a décidé en outre que la Tchécoslovaquie était en droit d'entreprendre, en novembre 1991, les travaux préparatoires en vue de la mise en oeuvre d'une solution alternative et provisoire (la « variante C »), mais non de la mettre unilatéralement en service en octobre 1992; que la notification, le 19 mai 1992, par la Hongrie de la terminaison du Traité de 1977 et des instruments y afférents n'a pas eu pour effet juridique d'y mettre fin (et que par conséquent ils sont toujours en vigueur et régissent les relations entre les Parties); et que la Slovaquie, en tant que successeur de la Tchécoslovaquie, est devenue partie au Traité de 1977.

    Quant au futur comportement des Parties, la Cour a conclu : que la Hongrie et la Slovaquie doivent conduire des négociations de bonne foi en tenant compte de la situation existante, et qu'elles doivent prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la réalisation des objectifs du Traité de 1977; que, sauf si les Parties en conviennent autrement, un régime opérationnel conjoint pour le barrage en territoire slovaque doit être établi conformément au Traité de 1977; que chaque Partie doit indemniser l'autre Partie pour les dommages causés par son comportement; et que le règlement des comptes concernant la construction et le fonctionnement des ouvrages doit être effectué conformément aux dispositions pertinentes du Traité de 1977 et des instruments y afférents. De plus, la Cour a décidé que des normes du droit de l'environnement, récemment apparues, étaient pertinentes à l'exécution du Traité et que les Parties pouvaient, d'un commun accord, en tenir compte en appliquant plusieurs de ses articles. Elle a conclu que les Parties, pour concilier le développement économique et la protection de l'environnement, « devraient examiner à nouveau les effets sur l'environnement de l'exploitation de la centrale de Gabcíkovo. En particulier, elles doivent trouver une solution satisfaisante en ce qui concerne le volume d'eau à déverser dans l'ancien lit du Danube et dans les bras situés de part et d'autre du fleuve ».

    La Cour était composée comme suit : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry, Vice-Président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge ad hoc; M. Valencia-Ospina, Greffier.

    *

    * *

    Le dispositif de l'arrêt se lit comme suit :

    « 155. Par ces motifs,

    LA COUR,

    1) Vu le paragraphe 1 de l'article 2 du compromis,

    A. Dit, par quatorze voix contre une, que la Hongrie n'était pas en droit de suspendre puis d'abandonner, en 1989, les travaux relatifs au projet de Nagymaros ainsi qu'à la partie du projet de Gabcíkovo dont elle était responsable aux termes du Traité du 16 septembre 1977 et des instruments y afférents;

    POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry, Vice-Président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge ad hoc;

    CONTRE : M. Herczegh, juge;

    B. Dit, par neuf voix contre six, que la Tchécoslovaquie était en droit de recourir, en novembre 1991, à la « solution provisoire » telle que décrite aux termes du compromis;

    POUR : M. Weeramantry, Vice-Président; MM. Oda, Guillaume, Shi, Koroma,Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, juges; M. Skubiszewski, juge ad hoc;

    CONTRE : M. Schwebel, Président; MM. Bedjaoui, Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Rezek, juges;

    C. Dit, par dix voix contre cinq, que la Tchécoslovaquie n'était pas en droit de mettre en service, à partir d'octobre 1992, cette « solution provisoire »;

    POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry, Vice-Président; MM. Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer, Kooijmans, Rezek, juges;

    CONTRE : MM. Oda, Koroma,Vereshchetin, Parra-Aranguren, juges; M. Skubiszewski, juge ad hoc;

    D. Dit, par onze voix contre quatre, que la notification, le 19 mai 1992, de la terminaison du Traité du 16 septembre 1977 et des instruments y afférents par la Hongrie n'a pas eu pour effet juridique d'y mettre fin;

    POUR : M. Weeramantry, Vice-Président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, juges;

    M. Skubiszewski, juge ad hoc;

    CONTRE : M. Schwebel, Président; MM. Herczegh, Fleischhauer, Rezek, juges;

    2) Vu le paragraphe 2 de l'article 2 et l'article 5 du compromis,

    A. Dit, par douze voix contre trois, que la Slovaquie, en tant que successeur de la Tchécoslovaquie, est devenue partie au Traité du 16 septembre 1977 à compter du 1er janvier 1993;

    POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry, Vice-président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, juges; M. Skubiszewski, juge ad hoc;

    CONTRE : MM. Herczegh, Fleischhauer, Rezek, juges;

    B. Dit, par treize voix contre deux, que la Hongrie et la Slovaquie doivent négocier de bonne foi en tenant compte de la situation existante et doivent prendre toutes mesures nécessaires à l'effet d'assurer la réalisation des objectifs du Traité du 16 septembre 1977, selon des modalités dont elles conviendront;

    POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry, Vice-président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge ad hoc;

    CONTRE : MM. Herczegh, Fleischhauer, juges;

    C. Dit, par treize voix contre deux, que, sauf si les Parties en conviennent autrement, un régime opérationnel conjoint doit être établi conformément au Traité du 16 septembre 1977;

    POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry, Vice-président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge ad hoc;

    CONTRE : MM. Herczegh, Fleischhauer, juges;

    D. Dit, par douze voix contre trois, que, sauf si les Parties en conviennent autrement, la Hongrie devra indemniser la Slovaquie pour les dommages subis par la

    Tchécoslovaquie et par la Slovaquie du fait de la suspension et de l'abandon par la Hongrie de travaux qui lui incombaient; et la Slovaquie devra indemniser la

    Hongrie pour les dommages subis par cette dernière du fait de la mise en service de la « solution provisoire » par la Tchécoslovaquie et de son maintien en service par la Slovaquie;

    POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry, Vice-président; MM. Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge ad hoc;

    CONTRE : MM. Oda, Koroma, Vereshchetin, juges;

    E. Dit, par treize voix contre deux, que le règlement des comptes concernant la construction et le fonctionnement des ouvrages doit être effectué conformément aux dispositions pertinentes du Traité du 16 septembre 1977 et des instruments y afférents, compte dûment tenu des mesures qui auront été prises par les Parties en application des points 2 B et C du présent dispositif.

    POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry, Vice-président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge ad hoc;

    CONTRE : MM. Herczegh, Fleischhauer, juges.

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    M. Schwebel, Président, et M. Rezek ont joint des déclarations à l'arrêt de la Cour; M. Weeramantry, Vice- Président, et MM. Bedjaoui et Koroma ont joint à l'arrêt les exposés de leur opinion individuelle; MM. Oda, Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Vereshchetin, Parra-Aranguren et M. Skubiszewski, juge ad hoc, ont joint à l'arrêt les exposés de leur opinion dissidente.

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    Rappel de la procédure et exposé des demandes

    (par. 1 à 14)

    La Cour commence par rappeler que l'instance a été introduite, le 2 juillet 1993, par la notification conjointe, par la Hongrie et la Slovaquie, d'un compromis, signé à Bruxelles le 7 avril 1993. Après avoir cité le texte du compromis, la Cour expose les étapes successives de la procédure, mentionnant, en autres choses, la visite sur les lieux qu'elle a effectuée, à l'invitation des Parties, du 1er au 4 avril 1997. Elle énonce ensuite les conclusions des Parties.

    Historique du différend

    (par. 15 à 25)

    La Cour rappelle que la présente affaire trouve son origine dans la signature, le 16 septembre 1977, par la République populaire hongroise et la République socialiste tchécoslovaque d'un traité « relatif à la construction et au fonctionnement du système d'écluses de Gabcíkovo-Nagymaros » (dénommé ci-après le « Traité de 1977 »). Le nom des deux États contractants a varié au cours des ans; ils sont dénommés ci-après la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Le Traité de 1977 est entré en vigueur le 30 juin 1978. Il prévoit la construction et l'exploitation du système d'écluses par les Parties « en tant qu'investissement conjoint ». Selon le préambule du Traité, le système avait pour but « de mettre en valeur, de façon générale, les ressources naturelles de la section Bratislava-Budapest du Danube aux fins du développement des secteurs des ressources hydrauliques, de l'énergie, des transports et de l'agriculture et des autres secteurs de l'économie nationale des Parties contractantes ». L'investissement conjoint tendait ainsi essentiellement à la production d'hydroélectricité, à l'amélioration de la navigation sur le tronçon en cause du Danube et à la protection des régions riveraines contre les inondations. En même temps, les Parties contractantes, selon les termes du Traité, s'engageaient tant à veiller à ce que la mise en oeuvre du projet ne compromette pas la qualité des eaux du Danube qu'à s'acquitter de leurs obligations concernant la protection de la nature et découlant de la construction et du fonctionnement du système d'écluses. Le secteur du Danube auquel se rapporte la présente affaire est un tronçon d'environ 200 kilomètres, entre

    Bratislava, en Slovaquie, et Budapest, en Hongrie. En aval de Bratislava, la déclivité du fleuve diminue sensiblement, créant une plaine alluviale de gravier et de sédiments sableux. La frontière entre les deux États est constituée dans la majeure partie de cette région par le chenal principal du fleuve. Cunovo et, plus en aval, Gabcíkovo sont situés dans ce secteur du fleuve, en territoire slovaque; Cunovo est situé sur la rive droite du fleuve et Gabcíkovo sur la rive gauche.

    Plus bas, après jonction des divers bras, le fleuve entre en territoire hongrois. Nagymaros se trouve dans une vallée étroite à un endroit où le Danube fait un coude juste avant de se diriger vers le sud, entourant la grande île fluviale de Szentendre avant d'atteindre Budapest (voir le croquis no 1). Les principaux ouvrages à construire en exécution du projet sont décrits dans le Traité de 1977. Deux séries d'écluses étaient prévues, l'une à Gabcíkovo (en territoire tchécoslovaque), l'autre à Nagymaros (en territoire hongrois), en vue de constituer « un système d'ouvrages opérationnel, unique et indivisible » (voir le croquis no 2). Le Traité prévoyait en outre que les spécifications techniques concernant le système seraient fixées dans le « plan contractuel conjoint », qui devait être établi conformément à l'accord signé à cette fin par les deux gouvernements le 6 mai 1976; il prévoyait également que la construction, le financement et la gestion des travaux seraient menés à bien conjointement et que les Parties y participeraient à parts égales. Sur un grand nombre de points, le plan contractuel conjoint précisait à la fois les objectifs du système et les caractéristiques des ouvrages. Il comprenait également des « consignes provisoires d'exploitation et d'entretien » dont l'article 23 précisait que « Les consignes d'exploitation définitives [seraient] agréées dans un délai d'un an à compter de la mise en service du système. »

    La Cour observe que le projet devait donc se présenter comme un projet conjoint intégré dans lequel les deux Parties contractantes seraient sur un pied d'égalité en ce qui concerne le financement, la construction et l'exploitation des ouvrages. Son caractère unique et indivisible devait être concrétisé grâce au plan contractuel conjoint qui complétait le Traité. C'est sous le contrôle de la Hongrie, en particulier, que se seraient trouvés les vannes de Dunakiliti et les ouvrages de Nagymaros, tandis que les ouvrages de Gabcíkovo auraient été placés sous le contrôle de la Tchécoslovaquie.

    *

    * *

    Le calendrier de réalisation des travaux avait pour sa part été fixé dans un accord d'assistance mutuelle signé par les deux Parties le 16 septembre 1977, en même temps que le Traité lui-même. L'accord apportait quelques retouches à la répartition des travaux entre les Parties telle qu'opérée par le Traité. Les travaux relatifs au projet commencèrent en 1978. À l'initiative de la Hongrie, les deux Parties convinrent d'abord, par deux protocoles signés le 10 octobre

    1983, de ralentir les travaux et de différer la mise en service des centrales, puis, par un protocole signé le 6 février 1989, d'accélérer le projet. À la suite de vives critiques que le projet avait suscitées en Hongrie, le Gouvernement hongrois décida le 13 mai 1989 de suspendre les travaux à Nagymaros en attendant l'achèvement de diverses études que les autorités compétentes devaient mener à bien avant le 31 juillet 1989. Le 21 juillet 1989, le Gouvernement hongrois prolongea jusqu'au 31 octobre 1989 la suspension des travaux à Nagymaros et suspendit en outre les travaux à Dunakiliti jusqu'à la même date. Enfin, le 27 octobre 1989, la Hongrie décida d'abandonner les travaux à Nagymaros et de maintenir le statu quo à Dunakiliti. Au cours de cette période, des négociations furent tenues entre les Parties. La Tchécoslovaquie mit aussi à l'étude des solutions de rechange. L'une d'entre elles, solution de rechange dénommée par la suite « variante C », impliquait le détournement unilatéral du Danube par la Tchécoslovaquie sur son territoire à quelque 10 kilomètres en amont de Dunakiliti (voir le croquis no 3). Dans son dernier état, la variante C comportait la construction à Cunovo d'un barrage déversoir et d'une digue reliant ce barrage à la rive sud du canal de dérivation. Des ouvrages accessoires étaient prévus.

    Le 23 juillet 1991, le Gouvernement slovaque décida de « commencer en septembre 1991 les constructions en vue de permettre la mise en exploitation du projet de Gabcíkovo grâce à la solution provisoire ». Les travaux relatifs à la variante C commencèrent en novembre 1991. Les discussions se poursuivirent en vain entre les deux Parties et, le 19 mai 1992, le Gouvernement hongrois transmit au Gouvernement tchécoslovaque une note verbale mettant fin, à compter du 25 mai 1992, au Traité de 1977. Le 15 octobre 1992, la Tchécoslovaquie entama les travaux devant permettre la fermeture du Danube et elle procéda, à partir du 23 octobre, au barrage du fleuve.

    La Cour enfin prend note du fait que le 1er janvier 1993, la Slovaquie devint un État indépendant; que dans le compromis conclu par la suite entre la Hongrie et la Slovaquie les Parties étaient convenues d'établir et d'appliquer un régime temporaire de gestion des eaux pour le Danube; et qu'elles ont conclu finalement, le 19 avril 1995, un accord à cet effet, qui doit prendre fin quatorze jours après le prononcé de l'arrêt de la Cour. La Cour observe également que le préambule du compromis s'applique non seulement au Traité de 1977, mais aussi aux « instruments y afférents »; et que les Parties, tout en concentrant leur argumentation sur le Traité de 1977, paraissent avoir étendu leur démonstration aux «instruments y afférents ».

    Suspension et abandon par la Hongrie en 1989 des travaux relatifs au projet

    (par. 27 à 59)

    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, alinéa a, du compromis, il est demandé en premier lieu à la Cour de dire « si la République de Hongrie était en droit de suspendre puis d'abandonner, en 1989, les travaux relatifs au projet de Nagymaros ainsi qu'à la partie du projet de Gabcíkovo dont la République de Hongrie est responsable aux termes du Traité ».

    La Cour observe qu'elle n'a pas à s'attarder sur la question de l'applicabilité ou de l'inapplicabilité en l'espèce de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités qu'ont invoquée les Parties. Il lui suffit de rappeler qu'à plusieurs reprises déjà, elle a eu l'occasion de dire que certaines des règles énoncées dans ladite convention pouvaient être considérées comme une codification du droit coutumier existant. La Cour est d'avis qu'à bien des égards tel est le cas des règles de la Convention de Vienne afférentes à l'extinction et à la suspension de l'application des traités, énoncées à ses articles 60 à 62. La Cour ne perd pas non plus de vue que la Convention de Vienne est en tout état de cause applicable au Protocole du 6 février 1989 par lequel la Hongrie et la Tchécoslovaquie étaient convenues d'accélérer les travaux relatifs au projet Gabcíkovo-Nagymaros. La Cour n'a pas davantage à s'étendre sur la question des relations qu'entretiennent le droit des traités et le droit de la responsabilité des États, à laquelle les Parties ont consacré de longs développements. Ces deux branches du droit international ont en effet, à l'évidence, des champs d'application distincts. C'est au regard du droit des traités qu'il convient de déterminer si une convention est ou non en vigueur, et si elle a ou non été régulièrement suspendue ou dénoncée. C'est en revanche au regard du droit de la responsabilité des États qu'il y a lieu d'apprécier dans quelle mesure la suspension ou la dénonciation d'une convention qui serait incompatible avec le droit des traités engage la responsabilité de l'État qui y a procédé. La Cour ne peut suivre la Hongrie lorsque celle-ci soutient qu'en suspendant puis en abandonnant en 1989 les travaux dont elle avait encore la charge à Nagymaros et à Dunakiliti, elle n'a pas suspendu l'application du Traité de 1977 lui-même, puis rejeté ce traité. Le comportement de la Hongrie à l'époque ne peut être interprété que comme traduisant sa volonté de ne pas exécuter au moins certaines dispositions du Traité et du protocole du 6 février 1989, telles que précisées dans le plan contractuel conjoint. L'effet du comportement de la Hongrie a été de rendre impossible la réalisation du système d'ouvrages que le Traité qualifiait expressément d'« unique et indivisible ». La Cour examine ensuite la question de savoir s'il existait, en 1989, un état de nécessité qui eût permis à la Hongrie, sans engager sa responsabilité internationale, de suspendre et d'abandonner des travaux qu'elle était tenue de réaliser conformément au Traité de 1977 et aux instruments y afférents. La Cour observe tout d'abord que l'état de nécessité constitue une cause, reconnue par le droit international coutumier, d'exclusion de l'illicéité d'un fait non conforme à une obligation internationale. Elle considère en outre que cette cause d'exclusion de l'illicéité ne saurait être admise qu'à titre exceptionnel. Dans la présente affaire, les conditions de base suivantes, énoncées à l'article 33 du projet d'articles sur la responsabilité internationale des États de la Commission du droit international sont pertinentes : un « intérêt essentiel » de l'État auteur du fait contraire à l'une de ses obligations internationales doit avoir été en cause; cet intérêt doit avoir été menacé par un « péril grave et imminent »; le fait incriminé doit avoir été le « seul moyen » de sauvegarder ledit intérêt; ce fait ne doit pas avoir « gravement porté atteinte à un intérêt essentiel » de l'État à l'égard duquel l'obligation existait; et l'État auteur dudit fait ne doit pas avoir « contribué à la survenance de l'état de nécessité ». Ces conditions reflètent le droit international coutumier.

    La Cour ne voit aucune difficulté à reconnaître que les préoccupations exprimées par la Hongrie en ce qui concerne son environnement naturel dans la région affectée par le projet Gabcíkovo-Nagymaros avaient trait à un « intérêt essentiel » de cet État. La Cour estime cependant que, s'agissant aussi bien de Nagymaros que de Gabcíkovo, les périls invoqués par la Hongrie, sans préjudice de leur gravité éventuelle, n'étaient en 1989 ni suffisamment établis, ni « imminents »; et que, pour y faire face, la Hongrie disposait à l'époque d'autres moyens que la suspension et l'abandon de travaux dont elle avait la charge. Qui plus est, des négociations étaient en cours, qui auraient pu aboutir à une révision du projet et au report de certaines de ses échéances, sans qu'il fût besoin de l'abandonner. La Cour de plus observe que la Hongrie, lorsqu'elle a décidé de conclure le Traité de 1977, était - à ce que l'on peut supposer - consciente de la situation telle qu'elle était alors connue; et que la nécessité d'assurer la protection de l'environnement n'avait pas échappé aux Parties. Elle ne peut manquer de noter les positions adoptées par la Hongrie après l'entrée en vigueur du Traité de 1977. En 1983, la Hongrie a sollicité le ralentissement des travaux prescrits par le Traité. En 1989, elle a sollicité l'accélération desdits travaux. La Cour infère qu'en l'espèce, même s'il avait été établi qu'il existait en 1989 un état de nécessité lié à l'exécution du Traité de 1977, la Hongrie n'aurait pas été admise à s'en prévaloir pour justifier le manquement à ses obligations conventionnelles, car elle aurait contribué, par action ou omission, à sa survenance.

    Au vu des conclusions auxquelles elle est parvenue ci-dessus, la Cour conclut que la Hongrie n'était pas en droit de suspendre puis d'abandonner, en 1989, les travaux relatifs au projet de Nagymaros ainsi qu'à la partie du projet de Gabcíkovo dont elle était responsable aux termes du Traité de 1977 et des instruments y afférents.

    Recours par la Tchécoslovaquie, en novembre 1991,

    à la « variante C » et mise en service, à partir

    d'octobre 1992, de cette variante

    (par. 60 à 88)

    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, alinéa b, du compromis, il est demandé en second lieu à la Cour de dire « b) si la République fédérative tchèque et slovaque était en droit de recourir, en novembre 1991, à la «solution provisoire» et de mettre en service, à partir d'octobre 1992, ce système ».

    La Tchécoslovaquie avait soutenu que le recours à la variante C et la mise en service de celle-ci ne constituaient pas des faits internationalement illicites; la Slovaquie a repris cette thèse. Au cours de la procédure devant la Cour, la Slovaquie a affirmé que la décision de la Hongrie de suspendre puis d'abandonner la construction des ouvrages à Dunakiliti avait mis la Tchécoslovaquie dans l'impossibilité d'effectuer les travaux tels qu'ils avaient initialement été envisagés par le Traité de 1977 et que cette dernière était en conséquence en droit de recourir à une solution qui était aussi proche que possible du projet initial. La Slovaquie a invoqué ce qu'elle a décrit comme un « principe d'application par approximation » pour justifier la construction et la mise en service de la variante C. Elle a expliqué que c'était là la seule possibilité qui lui restait « non seulement d'atteindre les buts visés par le Traité de

    1977, mais encore de respecter l'obligation continue de mettre en oeuvre ledit traité de bonne foi ». La Cour observe qu'elle n'a pas à déterminer s'il existe un principe de droit international ou un principe général de droit d'« application par approximation » car, même si un tel principe existait, il ne pourrait par définition y être recouru que dans les limites du traité en cause. Or, de l'avis de la Cour, la variante C ne satisfait pas à cette condition primordiale au regard du Traité de 1977. Comme la Cour l'a déjà observé, la caractéristique fondamentale du Traité de 1977 est, selon son article premier, de prévoir la construction du système d'écluses de Gabcíkovo-Nagymaros en tant qu'investissement conjoint constituant un système d'ouvrages opérationnel, unique et indivisible. Cet élément est également reflété aux articles 8 et 10 du Traité, qui prévoient la propriété conjointe des ouvrages les plus importants du projet Gabcíkovo-Nagymaros et l'exploitation de cette propriété conjointe comme une entité unique et coordonnée. Par définition, tout cela ne pouvait être réalisé par voie d'action unilatérale. En dépit d'une certaine ressemblance physique extérieure avec le projet initial, la variante C en diffère donc nettement quant à ses caractéristiques juridiques. La Cour conclut en conséquence que la Tchécoslovaquie, en mettant en service la variante C, n'a pas appliqué le Traité de 1977 mais, au contraire, a violé certaines de ses dispositions expresses et, de ce fait, a commis un acte internationalement illicite.

    La Cour note qu'entre novembre 1991 et octobre 1992, la Tchécoslovaquie s'est bornée à exécuter sur son propre territoire des travaux qui étaient certes nécessaires pour la mise en oeuvre de la variante C, mais qui auraient pu être abandonnés si un accord était intervenu entre les Parties et ne préjugeaient dès lors pas de la décision définitive à prendre. Tant que le Danube n'avait pas été barré unilatéralement, la variante C n'avait en fait pas été appliquée. Une telle situation n'est pas rare en droit international, comme d'ailleurs en droit interne. Un fait illicite ou une infraction est fréquemment précédé d'actes préparatoires qui ne sauraient être confondus avec le fait ou l'infraction eux-mêmes. Il convient de distinguer entre la réalisation même d'un fait illicite (que celui-ci soit instantané ou continu) et le comportement antérieur à ce fait qui présente un caractère préparatoire et « qui ne saurait être traité comme un fait illicite ». La Slovaquie a aussi soutenu que son action était motivée par une obligation d'atténuer des dommages lorsqu'elle a réalisé la variante C. Elle a déclaré que « c'est un principe de droit international qu'une partie lésée du fait de la non-exécution d'un engagement pris par une autre partie doit s'employer à atténuer les dommages qu'elle a subis ». Mais la Cour observe que si ce principe pourrait ainsi fournir une base pour le calcul de dommages et intérêts, en revanche, il ne saurait justifier ce qui constitue par ailleurs un fait illicite. La Cour estime de plus que le détournement du Danube effectué par la Tchécoslovaquie n'était pas une contre-mesure licite, faute d'être proportionnée.

    Au vu des conclusions auxquelles elle est parvenue ci-dessus, la Cour conclut que la Tchécoslovaquie était en droit de recourir, en novembre 1991, à la variante C, dans la mesure où elle se bornait alors à entamer des travaux qui ne préjugeaient pas de la décision définitive qu'elle devait prendre. En revanche, la Tchécoslovaquie n'était pas en droit de mettre en service cette variante à partir d'octobre1992.

    Notification par la Hongrie, le 19 mai 1992,

    de la terminaison du Traité de 1977

    et des instruments y afférents

    (par. 89 à 115)

    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, alinéa c, du compromis, il est demandé à la Cour en troisième lieu de dire « quels sont les effets juridiques de la notification, le 19 mai 1992, de la terminaison du Traité par la République de Hongrie ».

    Au cours de la procédure, la Hongrie a présenté cinq motifs en vue de démontrer que la notification de terminaison était licite, et par suite effective : l'existence d'un état de nécessité, l'impossibilité d'exécuter le Traité, la survenance d'un changement fondamental de circonstances, la violation substantielle du Traité par la Tchécoslovaquie et, enfin, l'apparition de nouvelles normes de droit international de l'environnement. La Slovaquie a contesté chacun de ces motifs.

    État de nécessité

    La Cour observe que même si l'existence d'un état de nécessité est établie, il ne peut être mis fin à un traité sur cette base. L'état de nécessité ne peut être invoqué que pour exonérer de sa responsabilité un État qui n'a pas exécuté un traité.

    Impossibilité d'exécution

    La Cour estime qu'elle n'a pas à déterminer si le mot « objet » figurant à l'article 61 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités (qui mentionne « la disparition ou destruction définitives d'un objet indispensable à l'exécution [du] traité ») peut aussi être interprété comme visant un régime juridique car en tout état de cause, même si tel était le cas, elle aurait à conclure qu'en l'espèce ce régime n'avait pas définitivement disparu. Le Traité de 1977 - et en particulier ses articles 15, 19 et 20- offrait en effet aux parties les moyens nécessaires pour procéder à tout moment, par voie de négociation, aux réajustements requis entre impératifs économiques et impératifs écologiques.

    Changement fondamental de circonstances

    De l'avis de la Cour, les conditions politiques de l'époque n'étaient pas liées à l'objet et au but du Traité au point de constituer une base essentielle du consentement des parties et, en se modifiant, de transformer radicalement la portée des obligations qui restaient à exécuter. Il en va de même du système économique en vigueur au moment de la conclusion du Traité de 1977. La Cour ne considère pas davantage que les nouvelles connaissances acquises en matière d'environnement et les progrès du droit de l'environnement aient présenté un caractère complètement imprévu. Bien plus, le libellé des articles 15, 19 et 20 est conçu dans une perspective d'évolution. De l'avis de la Cour, les changements de circonstances que la Hongrie invoque ne sont pas, pris séparément ou conjointement, d'une nature telle qu'ils aient pour effet de transformer radicalement la portée des obligations qui restent à exécuter pour réaliser le projet.

    Violation substantielle du Traité

    L'argument principal de la Hongrie lorsqu'elle invoque une violation substantielle du Traité est la construction et la mise en service de la variante C. La Cour relève qu'elle a déjà conclu que la Tchécoslovaquie n'a violé le Traité que lorsqu'elle a détourné les eaux du Danube dans le canal de dérivation en octobre 1992. En construisant les ouvrages qui devaient conduire à la mise en service de la variante C, la Tchécoslovaquie n'a pas agi de façon illicite. En conséquence, la Cour est d'avis que la notification par la Hongrie, le 19 mai 1992, de la terminaison du Traité était prématurée. Il n'y avait pas encore eu de violation du Traité par la Tchécoslovaquie; la Hongrie n'était donc pas en droit d'invoquer semblable violation du Traité comme motif pour y mettre fin au moment où elle l'a fait.

    Apparition de nouvelles normes de droit international de l'environnement

    La Cour note qu'aucune des Parties n'a prétendu que des normes impératives du droit de l'environnement soient nées depuis la conclusion du Traité de 1977; et la Cour n'aura par suite pas à s'interroger sur la portée de l'article 64 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui traite de la nullité et de la terminaison d'un traité à cause de l'apparition d'une nouvelle norme impérative de droit international général (jus cogens). En revanche, la Cour tient à relever que de nouvelles normes du droit de l'environnement, récemment apparues, sont pertinentes pour l'exécution du Traité et que les parties pouvaient, d'un commun accord, en tenir compte en appliquant les articles 15, 19 et 20 du Traité. Ces articles ne contiennent pas d'obligations spécifiques de faire, mais ils imposent aux parties, en s'acquittant de leurs obligations de veiller à ce que la qualité des eaux du Danube ne soit pas compromise et à ce que la protection de la nature soit assurée, de tenir compte des nouvelles normes en matière d'environnement lorsque ces parties conviennent des moyens à préciser dans le plan contractuel conjoint. En insérant dans le Traité ces dispositions évolutives, les parties ont reconnu la nécessité d'adapter éventuellement le projet. En conséquence, le Traité n'est pas un instrument figé et est susceptible de s'adapter à de nouvelles normes du droit international. Au moyen des articles 15 et 19, de nouvelles normes en matière d'environnement peuvent être incorporées dans le plan contractuel conjoint. La conscience que l'environnement est vulnérable et la reconnaissance de ce qu'il faut continuellement évaluer les risques écologiques se sont affirmées de plus en plus dans les années qui ont suivi la conclusion du Traité. Ces nouvelles préoccupations ont rendu les articles 15, 19 et 20 du Traité d'autant plus pertinents. La Cour reconnaît que les Parties s'accordent sur la nécessité de se soucier sérieusement de l'environnement et de prendre les mesures de précaution qui s'imposent, mais elles sont fondamentalement en désaccord sur les conséquences qui en découlent pour le projet conjoint. Dans ces conditions, le recours à une tierce partie pourrait se révéler utile et permettre de trouver une solution, à condition que chacune des Parties fasse preuve de souplesse dans ses positions. Enfin, bien qu'elle ait constaté que tant la Hongrie que la Tchécoslovaquie avaient manqué à leurs obligations découlant du Traité de 1977, la Cour estime que ces comportements illicites réciproques n'ont pas mis fin au Traité ni justifié qu'il y fût mis fin.

    Au vu des conclusions auxquelles elle est parvenue ci-dessus, la Cour conclut que la notification de terminaison faite par la Hongrie le 19 mai 1992 n'a pas eu pour effet juridique de mettre fin au Traité de 1977 et aux instruments y afférents.

    Dissolution de la Tchécoslovaquie

    (par. 117 à 124)

    La Cour examine ensuite la question de savoir si la Slovaquie est devenue partie au Traité de 1977 en tant qu'État successeur de la Tchécoslovaquie. À titre d'argument subsidiaire, la Hongrie a en effet soutenu que, même s'il avait survécu à la notification de terminaison, le Traité aurait en tout état de cause cessé d'être en vigueur en tant que Traité le 31 décembre 1992, à la suite de la « disparition de l'une des parties ». À cette date, la Tchécoslovaquie a cessé d'exister comme entité juridique et, le 1er janvier 1993, la République tchèque et la République slovaque ont vu le jour.

    La Cour ne juge pas nécessaire, aux fins de l'espèce, de discuter du point de savoir si l'article 34 de la Convention de Vienne de 1978 sur la succession d'États en matière de traités (qui prévoit une règle de succession automatique à tous les traités) reflète ou non l'état du droit international coutumier. Pour son analyse actuelle, la nature et le caractère particuliers du Traité de 1977 présentent davantage de pertinence. Un examen de ce traité confirme que ce dernier, outre qu'il prévoit incontestablement un investissement conjoint, porte principalement sur un projet de construction et d'exploitation conjointe d'un vaste complexe intégré et indivisible d'ouvrages et d'installations sur des parties bien définies des territoires respectifs de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie, le long du Danube. Le Traité a aussi établi le régime de navigation applicable à un tronçon important d'un cours d'eau international, notamment en faisant désormais passer le chenal principal de navigation internationale par le canal de dérivation. Ce faisant, il a inévitablement créé une situation qui a une incidence sur les intérêts des autres utilisateurs du Danube. De plus, les intérêts d'États tiers ont été expressément reconnus à son article 18, aux termes duquel les parties se sont engagées à veiller à ce que « la navigation puisse se poursuivre de façon ininterrompue et dans des conditions de sécurité dans le chenal international », conformément aux obligations qui sont les leurs en vertu de la Convention relative au régime de la navigation sur le Danube du 18 août 1948.

    La Cour fait ensuite référence à l'article 12 de la Convention de Vienne de 1978 sur la succession d'États en matière de traités qui reflète le principe selon lequel tant la doctrine traditionnelle que les auteurs modernes considèrent qu'une succession d'États était sans effet sur « les traités territoriaux ». La Cour considère que l'article 12 traduit une règle de droit international coutumier; elle prend note de ce qu'aucune des Parties ne le conteste. La Cour conclut que le Traité de 1977, de par son contenu, doit être considéré comme établissant un régime territorial au sens de l'article 12 de la Convention de Vienne de 1978. Il a créé des droits et obligations « attachés » aux secteurs du Danube auxquels il se rapporte; ainsi, une succession d'États ne saurait avoir d'incidence sur le Traité lui-même. La Cour en conclut que le Traité de 1977 lie la Slovaquie depuis le 1er janvier 1993.

    Conséquences juridiques de l'arrêt

    (par. 125 à 154)

    La Cour fait observer que la partie de l'arrêt où elle répond aux questions posées au paragraphe 1 de l'article 2 du compromis revêt un caractère déclaratoire. Elle y traite du comportement passé des Parties et détermine la licéité ou l'illicéité de ce comportement de 1989 à 1992, ainsi que ses effets sur l'existence du Traité. Il revient maintenant à la Cour, sur la base de ses conclusions précédentes, d'établir quel devrait être le comportement des Parties à l'avenir. La présente partie de l'arrêt est plus normative que déclaratoire, parce qu'elle définit les droits et obligations des Parties. C'est à la lumière de cette définition que les Parties devront rechercher un accord sur les modalités d'exécution de l'arrêt, ainsi qu'elles en sont convenues à l'article 5 du compromis. À cet égard, il est d'une importance primordiale que la Cour ait constaté que le Traité de 1977 est toujours en vigueur et régit par conséquent les relations entre les Parties. Ces relations sont certes aussi soumises aux règles des autres conventions pertinentes auxquelles les deux États sont parties, aux règles du droit international général et, en l'espèce, aux règles de la responsabilité des États; mais elles sont gouvernées avant tout par les règles applicables du Traité de 1977 en tant que lex specialis. La Cour observe qu'elle ne saurait toutefois ignorer qu'aucune des parties n'a pleinement exécuté le Traité depuis des années, ni d'ailleurs que les Parties, par leurs actes et leurs omissions, ont contribué à créer la situation de fait qui prévaut aujourd'hui. En se prononçant sur les exigences auxquelles le comportement à venir des Parties devra satisfaire en droit, la Cour ne peut négliger de tenir compte de cette situation de fait et des possibilités et impossibilités pratiques qui en résultent. C'est pourquoi il est essentiel de replacer la situation de fait, telle qu'elle s'est développée depuis 1989, dans le contexte de la relation conventionnelle qui s'est maintenue et qui est appelée à évoluer, afin de réaliser son objet et son but dans toute la mesure du possible. Car ce n'est qu'à cette condition qu'il pourra être porté remède à la situation irrégulière due aux manquements des deux Parties à leurs obligations conventionnelles. La Cour souligne que le Traité de 1977 ne prévoyait pas seulement un plan d'investissement conjoint pour la production d'énergie, mais servait également d'autres objectifs : l'amélioration de la navigation sur le Danube, la maîtrise des crues, la régulation de l'évacuation des glaces et la protection de l'environnement naturel. Pour les atteindre, les Parties ont accepté d'assumer des obligations de comportement, des obligations de faire et des obligations de résultat. La Cour est d'avis que les Parties sont juridiquement tenues, au cours des négociations qu'elles mèneront en application de l'article 5 du compromis, d'envisager dans le contexte du Traité de 1977 de quelle façon elles peuvent servir au mieux les objectifs multiples du Traité, en gardant à l'esprit qu'ils devraient tous être atteints. Il est clair que les incidences du projet sur l'environnement et ses implications pour celui-ci seront nécessairement une question clef. Aux fins de l'évaluation des risques écologiques, ce sont les normes actuelles qui doivent être prises en considération. Non seulement le libellé des articles 15 et 19 le permet, mais il le prescrit même dans la mesure où ces articles mettent à la charge des Parties une obligation continue, et donc nécessairement évolutive, de maintenir la qualité de l'eau du Danube et de protéger la nature. La Cour ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l'environnement, la vigilance et la prévention s'imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l'environnement et des limites inhérentes au mécanisme même de réparation de ce type de dommages. De nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d'instruments au cours des deux dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées, non seulement lorsque des États envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le passé. Aux fins de la présente espèce, cela signifie que les Parties devraient, ensemble, examiner à nouveau les effets sur l'environnement de l'exploitation de la centrale de Gabcíkovo. En particulier, elles doivent trouver une solution satisfaisante en ce qui concerne le volume d'eau à déverser dans l'ancien lit du Danube et dans les bras situés de part et d'autre du fleuve.

    Ce que la règle pacta sunt servanda, telle que reflétée à l'article 26 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, exige en l'espèce des Parties, c'est de trouver d'un commun accord une solution dans le cadre de coopération que prévoit le Traité. L'article 26 associe deux éléments, qui sont d'égale importance. Il dispose que « Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. » De l'avis de la Cour, ce dernier élément implique qu'au cas particulier c'est le but du Traité, et l'intention dans laquelle les Parties ont conclu celui-ci, qui doivent prévaloir sur son application littérale. Le principe de bonne foi oblige les Parties à l'appliquer de façon raisonnable et de telle sorte que son but puisse être atteint. Le Traité de 1977 ne prévoit pas seulement un programme d'investissement conjoint, il établit aussi un régime. Selon le Traité, les principaux ouvrages du système d'écluses sont la propriété conjointe des Parties; ils seront gérés en tant qu'unité unique coordonnée; et les bénéfices du projet seront partagés à parts égales. Puisque la Cour a conclu que le Traité est toujours en vigueur et qu'aux termes de celui-ci le régime conjoint en est un élément fondamental, elle est d'avis qu'à moins que les Parties n'en disposent autrement un tel régime devrait être rétabli. La Cour estime que les ouvrages de Cunovo devraient devenir une unité exploitée conjointement au sens du paragraphe 1 de l'article 10, compte tenu de leur rôle central dans le fonctionnement de ce qui reste du projet et dans le régime de gestion des eaux. Le barrage de Cunovo a assumé le rôle qui avait été prévu à l'origine pour les ouvrages de Dunakiliti, et il devrait donc bénéficier d'un statut analogue.

    La Cour conclut également que la variante C, qu'elle a estimé fonctionner d'une manière incompatible avec le Traité, devrait être mise en conformité avec ce dernier. La Cour observe que le rétablissement du régime conjoint reflétera aussi de façon optimale le concept d'une utilisation conjointe des ressources en eau partagées pour atteindre les différents objectifs mentionnés dans le Traité. Ayant jusqu'ici indiqué quels devraient être, d'après elle, les effets de sa décision suivant laquelle le Traité de 1977 est toujours en vigueur, la Cour en vient aux conséquences juridiques des actes internationalement illicites commis par les Parties, car elle a été priée par les deux Parties de déterminer les conséquences de son arrêt en ce qui est du paiement de dommages et intérêts.

    La Cour n'a pas été priée à ce stade de déterminer le montant des dommages et intérêts dus, mais d'indiquer sur quelle base ils doivent être versés. Les deux Parties ont prétendu avoir subi des pertes financières considérables et elles demandent toutes deux à en être indemnisées. Dans l'arrêt, la Cour a conclu que les deux Parties avaient commis des actes internationalement illicites et elle a constaté que ceux-ci sont à l'origine des dommages subis par les Parties; en conséquence, la Hongrie et la Slovaquie sont toutes deux tenues de verser des indemnités et sont toutes deux en droit d'en recevoir. La Cour observe cependant que compte tenu de ce que les deux Parties ont commis des actes illicites croisés, la question de l'indemnisation pourrait être résolue de façon satisfaisante, dans le cadre d'un règlement d'ensemble, si chacune des Parties renonçait à toutes ses demandes et contre-demandes d'ordre financier ou les annulait. La Cour tient en même temps à souligner que le règlement des comptes concernant la construction des ouvrages est une question distincte de celle de l'indemnisation et doit être effectué conformément au Traité de 1977 et aux instruments y afférents. Si la Hongrie participe à l'exploitation du complexe de Cunovo et reçoit sa part de bénéfices, elle devra payer une part proportionnelle des coûts de construction et de fonctionnement.

     
     
     
     
     
     

    Conférence de Rio 1992

    Rapport de la Conférence des Nations Unies

    sur l'environnement et le développement

    Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992

    Annexe I - Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement

    La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, réunie à Rio de Janeiro du 3 au 14 juin 1992, réaffirmant la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement adoptée à Stockholm le 16 juin 1972, et cherchant à en assurer le prolongement, 

    Dans le but d'établir un partenariat mondial sur une base nouvelle et équitable en créant des niveaux de coopération nouveaux entre les Etats, les secteurs clefs de la société et les peuples, 

    OEuvrant en vue d'accords internationaux qui respectent les intérêts de tous et protègent l'intégrité du système mondial de l'environnement et du développement, 

    Reconnaissant que la Terre, foyer de l'humanité, constitue un tout marqué par l'interdépendance, 

    Proclame ce qui suit :

    Principe 1

    Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature.

    Principe 2

    Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et de développement, et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale.

    Principe 3

    Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l'environnement des générations présentes et futures.

    Principe 4

    Pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément. 

    Principe 5

    Tous les Etats et tous les peuples doivent coopérer à la tâche essentielle de l'élimination de la pauvreté, qui constitue une condition indispensable du développement durable, afin de réduire les différences de niveaux de vie et de mieux répondre aux besoins de la majorité des peuples du monde.

    Principe 6

    La situation et les besoins particuliers des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés et des pays les plus vulnérables sur le plan de l'environnement, doivent se voir accorder une priorité spéciale. Les actions internationales entreprises en matière d'environnement et de développement devraient également prendre en considération les intérêts et les besoins de tous les pays.

    Principe 7

    Les Etats doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l'intégrité de l'écosystème terrestre. Etant donné la diversité des rôles joues dans la dégradation de l'environnement mondial, les Etats ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l'effort international en faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l'environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent. 

    Principe 8

    Afin de parvenir à un développement durable et à une meilleure qualité de vie pour tous les peuples, les Etats devraient réduire et éliminer les modes de production et de consommation non viables et promouvoir des politiques démographiques appropriées.

    Principe 9

    Les Etats devraient coopérer ou intensifier le renforcement des capacités endogènes en matière de développement durable en améliorant la compréhension scientifique par des échanges de connaissances scientifiques et techniques et en facilitant la mise au point, l'adaptation, la diffusion et le transfert de techniques, y compris de techniques nouvelles et novatrices. 

    Principe 10

    La meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l'environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré. 

    Principe 11

    Les Etats doivent promulguer des mesures législatives efficaces en matière d'environnement. Les normes écologiques et les objectifs et priorités pour la gestion de l'environnement devraient être adaptés à la situation en matière d'environnement et de développement à laquelle ils s'appliquent. Les normes appliquées par certains pays peuvent ne pas convenir à d'autres pays, en particulier à des pays en développement, et leur imposer un coût économique et social injustifié. 

    Principe 12

    Les Etats devraient coopérer pour promouvoir un système économique international ouvert et favorable, propre à engendrer une croissance économique et un développement durable dans tous les pays, qui permettrait de mieux lutter contre les problèmes de dégradation de l'environnement. Les mesures de politique commerciale motivées par des considérations relatives à l'environnement ne devraient pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, ni une restriction déguisée aux échanges internationaux. Toute action unilatérale visant à résoudre les grands problèmes écologiques au-delà de la juridiction du pays importateur devrait être évitée. Les mesures de lutte contre les problèmes écologiques transfrontières ou mondiaux devraient, autant que possible, être fondées sur un consensus international. 

    Principe 13

    Les Etats doivent élaborer une législation nationale concernant la responsabilité de la pollution et d'autres dommages à l'environnement et l'indemnisation de leurs victimes. Ils doivent aussi coopérer diligemment et plus résolument pour développer davantage le droit international concernant la responsabilité et l'indemnisation en cas d'effets néfastes de dommages causés à l'environnement dans des zones situées au-delà des limites de leur juridiction par des activités menées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle. 

    Principe 14

    Les Etats devraient concerter efficacement leurs efforts pour décourager ou prévenir les déplacements et les transferts dans d'autres Etats de toutes activités et substances qui provoquent une grave détérioration de l'environnement ou dont on a constaté qu'elles étaient nocives pour la santé de l'homme. 

    Principe 15

    Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement.

    Principe 16

    Les autorités nationales devraient s'efforcer de promouvoir l'internalisation des coûts de protection de l'environnement et l'utilisation d'instruments économiques, en vertu du principe selon lequel c'est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution, dans le souci de l'intérêt public et sans fausser le jeu du commerce international et de l'investissement. 

    Principe 17

    Une étude d'impact sur l'environnement, en tant qu'instrument national, doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement et dépendent de la décision d'une autorité nationale compétente.

    Principe 18

    Les Etats doivent notifier immédiatement aux autres Etats toute catastrophe naturelle ou toute autre situation d'urgence qui risque d'avoir des effets néfastes soudains sur l'environnement de ces derniers. La communauté internationale doit faire tout son possible pour aider les Etats sinistrés.

    Principe 19

    Les Etats doivent prévenir suffisamment à l'avance les Etats susceptibles d'être affectés et leur communiquer toutes informations pertinentes sur les activités qui peuvent avoir des effets transfrontières sérieusement nocifs sur l'environnement et mener des consultations avec ces Etats rapidement et de bonne foi.

    Principe 20

    Les femmes ont un rôle vital dans la gestion de l'environnement et le développement. Leur pleine participation est donc essentielle à la réalisation d'un développement durable.

    Principe 21

    Il faut mobiliser la créativité, les idéaux et le courage des jeunes du monde entier afin de forger un partenariat mondial, de manière à assurer un développement durable et à garantir à chacun un avenir meilleur.

    Principe 22

    Les populations et communautés autochtones et les autres collectivités locales ont un rôle vital à jouer dans la gestion de l'environnement et le développement du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les Etats devraient reconnaître leur identité, leur culture et leurs intérêts, leur accorder tout l'appui nécessaire et leur permettre de participer efficacement à la réalisation d'un développement durable.

    Principe 23

    L'environnement et les ressources naturelles des peuples soumis à oppression, domination et occupation doivent être protégés.

    Principe 24

    La guerre exerce une action intrinsèquement destructrice sur le développement durable. Les Etats doivent donc respecter le droit international relatif à la protection de l'environnement en temps de conflit armé et participer à son développement, selon que de besoin.

    Principe 25

    La paix, le développement et la protection de l'environnement sont interdépendants et indissociables.

    Principe 26

    Les Etats doivent résoudre pacifiquement tous leurs différends en matière d'environnement, en employant des moyens appropriés conformément à la Charte des Nations Unies.

    Principe 27

    Les Etats et les peuples doivent coopérer de bonne foi et dans un esprit de solidarité à l'application des principes consacrés dans la présente Déclaration et au développement du droit international dans le domaine du développement durable.

     
     
     
     

    TABLE DES MATIERES:

    DEDICACE : Erreur ! Signet non défini.

    REMERCIEMENTS : ii

    SIGLES ET ABREVIATIONS : iii

    LISTE DES ANNEXES : iv

    SOMMAIRE : v

    ABSTRACT: vii

    INTRODUCTION 1

    PARTIE I : LA CONSECRATION DES NORMES ENVIRONNEMENTALES PAR LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE 14

    CHAPITRE I : LA DETERMINATION PAR LE JUGE DU CONTENU DES NORMES DE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT 16

    Section 1 : Les clarifications conceptuelles 16

    Paragraphe 1 : La détermination jurisprudentielle de l'autonomie conceptuelle de l'environnement. 17

    A- L'évolution dans la consécration du concept d'environnement 17

    1- L'avis du 08 juillet 1996 comme point de départ de la définition 17

    2- L'arrêt du 25 septembre 1997 comme confirmation de la définition de l'environnement. 19

    B - L'espace comme élément constitutif de la notion d'environnement. 20

    Paragraphe 2 : La reconnaissance de la valeur normative des règles de droit international de l'environnement. 21

    A - La reconnaissance implicite de la nature coutumière de certaines règles du droit international de l'environnement. 21

    B - Les considérations écologiques comme partie intégrante des considérations élémentaires d'humanité. 23

    Section 2 : La consécration des principes de protection 24

    Paragraphe 1 : Les principes conceptuels 25

    A - Le développement durable 25

    B- Les droits des générations futures 26

    Paragraphe 2 : Les principes matériels 28

    A - Le principe de précaution 28

    1 - Le contenu du principe de précaution 28

    2 - La mise en oeuvre du principe de précaution par la Cour Internationale de Justice 29

    B - Le principe de prévention 30

    CHAPITRE 2 : LA FORMULATION D'OBLIGATIONS PRECISES ET DES CONDITIONS D'EXCLUSION DE L'ILLICEITE DU FAIT ETATIQUE 32

    Section 1 : La formulation d'obligations précises à la charge des Etats 32

    Paragraphe 1 : Les obligations positives. 33

    A - L'obligation d'évaluer l'impact environnemental des projets. 33

    1 - L'évaluation de l'impact environnemental comme norme fondamentale du droit international de l'environnement...................................................................35

    2 - Le problème de la détermination du responsable de l'étude et de la sanction en cas de manquement. 35

    B - L'obligation de coopération entre les Etats. 37

    1 - L'utilisation équitable des cours d'eau internationaux. 38

    2- Les échanges d'informations entre les Etats. 40

    Paragraphe 2 : Les obligations négatives 41

    A - L'interdiction d'utiliser son territoire à des fins contraires aux droits des autres Etats. 42

    1 - Les variables de l'interdiction. 42

    2 - La distinction entre construction et mise en service dommageables. 44

    B - L'interdiction d'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement. 46

    1 - L'énonciation des règles régissant l'interdiction. 46

    2 - La relativisation de l'interdiction en cas de légitime défense ou de survie d'un Etat. 48

    Section 1 : Les conditions d'exclusion de l'illicéité d'un fait étatique 50

    Paragraphe 1 : L'état de nécessité écologique comme condition d'exclusion de l'illicéité d'un acte 50

    A- L'appréciation de l'état de nécessité à la lumière du projet d'articles sur la responsabilité internationale des Etats 51

    B- L'application critiquable des critères de l'état de nécessité aux questions environnementales 52

    Paragraphe 2 : Les contre-mesures 53

    A- L'examen des conditions de licéité d'une contre-mesure 54

    B- L'environnement comme instrument de mesure de la proportionnalité 55

    PARTIE II : LA DIFFICULTE POUR LE JUGE INTERNATIONAL A S'AFFRANCHIR DES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS CONTENTIEUSES 57

    CHAPITRE 1 : LE RECOURS QUASI-SYSTEMATIQUE AUX TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS CONTENTIEUSES. 59

    Section 1 : L'adaptation des mécanismes judiciaires traditionnels au contentieux environnemental. 59

    Paragraphe 1 : Des ajustements institutionnels. 59

    A - La mise sur pied d'une chambre spéciale pour les questions d'environnement. 60

    B - Le traitement du contentieux environnemental en dehors du cadre spécialement prévu 61

    Paragraphe 2 : Une évolution remarquable des méthodes de travail de la cour. 62

    A - Les nouvelles techniques d'établissement des preuves. 62

    B - Les méthodes particulières en matière d'interprétation. 64

    Section 2 : La prise en compte restrictive des considérations écologiques dans l'examen des règles du droit des traités. 66

    Paragraphe 1 : L'énonciation par la cour des règles classiques régissant l'application des traités. 67

    A - Les principes d'application des traités. 67

    B - Les conditions d'extinction des obligations conventionnelles. 68

    Paragraphe 2 : L'inopérationalité des arguments environnementaux comme condition d'extinction des traités. 70

    A - Le changement fondamental de circonstances écologiques. 70

    B - L'état de nécessité écologique comme condition d'extinction des traités. 71

    CHAPITRE 2 : LA NECESSAIRE CONCILIATION ENTRE PRUDENCE ET HARDIESSE DU JUGE DANS LE TRAITEMENT DU CONTENTIEUX ENVIRONNEMENTAL 74

    Section 1 : La préservation de la solidité de la structure institutionnelle et normative existante 74

    Paragraphe 1 : L'efficacité éprouvée des techniques contentieuses traditionnelles 75

    A- L'aptitude de l'organisation institutionnelle de la Cour à régler les différends environnementaux 75

    B- La capacité des normes traditionnelles à apurer le contentieux environnemental 77

    Paragraphe 2 : L'absence d'autonomie et la précision relative des normes de droit international de l'environnement. 78

    A- L'absence d'autonomie du droit international de l'environnement 78

    B- La « normativité relative » des règles de droit international de l'environnement 80

    Section 2 : La contribution à l'évolution du droit international de l'environnement. 81

    Paragraphe 1 : Le renforcement de la normativité du droit international de l'environnement 81

    A- La garantie de l'invocabilité des normes du droit international de environnement 81

    B- Le renforcement de la valeur normative des règles du droit international de l'environnement 83

    Paragraphe 2 : La détermination du mode de réparation adapté au dommage écologique 84

    A- La relative inefficacité des modes classiques de réparation du préjudice en matière écologique 85

    B- Vers une consécration jurisprudentielle des modes appropriés de réparation du dommage écologique. 86

    CONCLUSION 89

    BIBLIOGRAPHIE : Erreur ! Signet non défini.

    ANNEXES : 99

    TABLES DES MATIERES : 121

    * 1Kamto (M), Droit de l'environnement en Afrique, Paris, EDICEF/AUPELF, 1996 P.15 

    * 2Kiss (A), Droit international de l'environnement, Pedone, 1989, P.36

    * 3 Ibid P.37

    * 4Kamto (M), Droit de l'environnement en Afrique, Op. Cit. P.16

    * 5 Petit Larousse Illustré, 2007, P.419

    * 6Prieur (M), Droit de l'environnement, Paris, Dalloz, 2ème éd. 1991 P.6

    * 7 Ce texte conçoit l'environnement comme l'ensemble de la nature et des ressources naturelles, y compris le patrimoine culturel et l'infrastructure humaine indispensable pour les activités socio-économiques

    * 8 Kamto (M), Droit de l'environnement en Afrique, Op ; Cit., P.16.

    * 9 C'est ce que Kiss appelle la nécessité de l'interdisciplinarité qui est l'une des caractéristiques du droit de l'environnement

    * 10Impériali (C), « le contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales », in L'effectivité du droit international de l'environnement, contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales, Paris, Economica, 1998, P. 7.

    * 11 Lire dans ce sens Boisson de Chazournes (L), « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de la protection de l'environnement : enjeux et défis », INIST, CNRS, 2006, P.56 et s

    * 12Doumbé-Billé (S), « La mise en oeuvre du droit international de l'environnement par le juge national », Conférence des présidents des cours suprêmes des Etats francophones d'Afrique sur la contribution du droit au développement durable, Paris 3 et 4 Février 2005, P.1. (Inédit).

    * 13Sands (P), «litigating environmental disputes : courts, tribunals and the progressive development of international environmental law», OECD global forum on international investment, 27-28 March 2008 P.5

    * 14 Le Petit Larousse Illustré, Paris, Larousse, 2007, P. 1052.

    * 15 Ibid.

    * 16 Voir page 2 supra.

    * 17 Lire dans ce sens Tcheuwa (J-C), « L'environnement en droit positif camerounais », in Juridis Périodique, n° 63, édition spéciale de Juillet-Août-Septembre 2005, P. 87.

    * 18 Salmon (J) (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant/AUF, 2001, P. 629.

    * 19 Ibid.

    * 20 Boutros-Boutros Ghali, message à l'occasion du sommet mondial pour le développement durable tenu à Johannesburg en 2002, cité par Tcheuwa (J C), « L'environnement en droit positif camerounais », in Juridis périodique, éd. Spéciale Juillet-Août-Septembre 2005, P87.

    * 21 Ces travaux ont été réalisés dans le cadre des rapports de stages académiques de master I et II respectivement.

    * 22 Kiss (A), L'effectivité du droit international de l'environnement, contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales, Paris, Economica, 1998, P. 3.

    * 23 Op. Cit. (Note 1).

    * 24 Ibid., P. 19.

    * 25 Op. Cit., (Note 2).

    * 26 Weil (P), « Vers une normativité relative en droit international », RGDIP, N° 1,1982.

    * 27 Ibid., P. 44.

    * 28 Ibid., P. 44.

    * 29 Kamto (M), « Les nouveaux principes du droit international de l'environnement », R.J.E., 1-1995.

    * 30 Ibid., P. 20.

    * 31 Vinuales (J), «The contribution of international court of justice to the development of international environmental law: a contemporary assessment», Fordham international law journal, vol.32:232

    * 32 Sohnle (J), « Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J. :L'affaire Gabcikovo-Nagymaros », RGDIP, 1998-I.

    * 33 Boisson de Chazournes (L), « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de la protection de l'environnement : Enjeux et défis », INIST, CNRS, 2006.

    * 34 Doumbé-Billé (S), « Evolution des institutions et des moyens de mise en oeuvre du droit international de l'environnement et du développement », RJE 1-1993.

    * 35 C.I.J., 27 Septembre 1997, Projet Gabcikovo-Nagymaros (Slovaquie c. Hongrie), www.icj-cij.org, (consultation du 12 Mai 2009).

    * 36Ranjeva (R), « L'environnement, la cour internationale de justice et sa chambre spéciale pour les questions d'environnement », A.F.D.I., CNRS, Paris, XL-1994, P. 434.

    * 37Doumbé-Billé (S), « La mise en oeuvre du droit international de l'environnement par le juge national », Conférence des présidents des cours suprêmes des Etats francophones d'Afrique sur la contribution du droit au développement durable, Paris, 3 et 4 Février, 2005, P.2.

    * 38Sohnle (J), « Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J. : affaire Gabcikovo-Nagymaros », RGDIP, 1998-I, P.87.

    * 39 Idem p.119

    * 40Sands (P), «Litigating environmental disputes :courts, tribunals and progressive development of international environmental law», oecd globalforum for investment, 27-28 March 2008 P.5

    * 41Vinuales (J), «The contribution of international court of justice to the development of international environmental law: a contemporary assessment», Fordham international law journal, vol.32:232 P.234

    * 42Kiss (A), Droit international de l'environnement, Op.cit. P.60.

    * 43Sohnle (J), Op. Cit. P.86

    * 44Doumbé-Billé (S), « La mise en oeuvre du droit international de l'environnement par le juge national, conférence des présidents des cours suprêmes des Etats francophones d'Afrique sur la contribution du droit au développement durable », Op. Cit. P3

    * 45Boisson de Chazournes (L), « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de la protection de l'environnement : enjeux et défis », Op. Cit., P. 56.

    * 46Doumbé-Billé (S), « Evolution des institutions et des moyens de mise en oeuvre du droit international de l'environnement et du développement », RJE 1-1993, P.39

    * 47 Weil (P), « Vers une normativité relative en droit international », RGDIP, N° 1, 1982, PP.5 et s.

    * 48Delbez (L), Les principes généraux du contentieux international, Paris, LGDJ, 1962.

    * 49 Ibid. P.2O7

    * 50 Résolution WHA 46.40 de l'Assemblée Mondiale de la Santé

    * 51 Résolution 49N175 K de l'Assemblée Générale de l'ONU

    * 52 Cour International de Justice, Rec. 1996 P.66, Paragraphe 31

    * 53 Bedjaoui (M), « Le développement durable, quel profit pour le tiers-monde ? », in Les Nations Unies et la protection de l'environnement : la promotion du développement durable, Sandrine Maljean- Dubois et Rostane Mehdi, (dir) Paris, Pédone, 1999 P.39.

    * 54 Jochen Sohnle, « irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice », RGDIP, 1998-1, P.85

    * 55 Bedjaoui (M), « Le développement durable, quel profit pour le tiers-mode » op.cit. P.37

    * 56 Sohnle (J), « Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la Cour International de Justice : l'affaire Gabcikovo-Nagymaros », op.cit., P.88.

    * 57 Projet Gabcikovo-Nagymaros, Cour International de Justice, 25 Septembre 1997, P.38.

    * 58 Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine/Uruguay), résumé de l'ordonnance du 13 juillet 2006, www-icj-cij.org (consultation du 20avril 2009), P.07

    * 59 Confère note 6 supra.

    * 60 Confère note 9 supra.

    * 61 Delbez (L), Principes généraux du contentieux international, Op. Cit., P. 92.

    * 62 Projet Gabcikovo-Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997, P.38 Para 53.

    * 63 Voir Annuaire de la Commission du Droit International, 1980, Vol. 2, deuxième partie, P.38, para.14.

    * 64 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, P. 29.

    * 65Bufferne (J.P.), «  la fonction de la Cour International de Justice dans l'ordre international : quelques réflexions », 2002, R.Q.D.I., P. 142-175.

    * 66 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires (opinion dissidente du juge Weeramantry).

    * 67 Ranjeva (R), « Les potentialités des modes juridictionnels internationaux de règlements des différends », in L'effectivité du droit international de l'environnement, contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales, Paris, Economica, 1998, P. 271.

    * 68 Réserve à la convention sur le génocide, avis constitutif 1951, P.23

    * 69 Détroit de Corfou, Cour International de Justice, arrêt 1949, P. 22

    * 70 Licéité de la menace de l'emploi de l'arme nucléaire P.241

    * 71Ibid.

    * 72Détroit de Corfou, P.40.

    * 73 Doswald-Beck (L) et Sylvain Vité (S), « Le droit humanitaire et le droit des droits de l'homme », Revue internationale de la croix-rouge, Mars-Avril 1993 N°800 P.100.

    * 74 Lire dans ce sens Virally (M), «  Le rôle des «  principes » dans le développement du droit international ». in Droit international en devenir. Essais écrits au fil des ans, P.U.F., 1997, P. 195 - 212.

    * 75 Boisson de Chazournes (L), « la mise en oeuvre du développement durable », in Les Nations Unies et la protection de l'environnement : la promotion d'un développement durable, Op.cit P. 65

    * 76 La distinction ainsi opérée est de Sohnle (J), Op. Cit., P.108.

    * 77 Gro Harlem Brundtland était ministre norvégienne de l'environnement présidant la commission mondiale sur l'environnement et le développement, ce rapport intitulé : Notre avenir à tous est soumis à l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1987.

    * 78 Maljean-Dubois (S) et Mehdi (R), « Environnement et développement, les Nations Unies à la recherche d'un nouveau paradigme », in Les Nations Unies et la protection de l'environnement : la promotion d'un développement durable, Op. Cit., P.21.

    * 79 Ibid. P.22.

    * 80 Kamto (M), « Les nouveaux principes du droit international de l'environnement », R.J.E., 1-1995, P.14.

    * 81 Gabcikovo- Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997, paragraphe 140 Al. 4.

    * 82 Paragraphe 140 Al. 4.

    * 83 Principe 1

    * 84 Elle s'oppose à la dimension intra générationnelle. Voir en ce sens Brown-Weiss (E), Justice pour les générations futures. Sang de la terre, UNU Press, UNESCO, Paris, 1993, P.5 et 55.

    * 85 Paragraphe 35.

    * 86 Maljean-Dubois et Mehdi (R), Op. Cit., P.27. 

    * 87 Projet Gabcikovo-Nagymaros, paragraphe 140 Al. 4

    * 88 Fievet (G), « Réflexions sur le concept de développement durable : prévention économique, principes stratégiques et protection des droits fondamentaux », in RBDI, Bruxelles, Bruylant, 2001/1, P.155.

    * 89 Ibid. P. 164.

    * 90 Martin-Bidou (P), « Le principe de précaution en droit international de l'environnement », RGDIP, 1999-3, P.633.

    * 91 Principe 15 de la déclaration de Rio.

    * 92 Martin-Bidou (P), Op.cit. P.647.

    * 93 Ibid. P.645.

    * 94 Projet Gabcikovo-Nagymaros, Paragraphe 35 Al. 3 et 4. Cette citation fait ressortir les trois conditions de la mise en oeuvre du principe de précaution examinées plus haut.

    * 95 Paragraphe 113.

    * 96 Lire dans ce sens Sohnle (J), « Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la Cour International de Justice : l'affaire Gabcikovo-Nagymaros », Op. Cit., P.110.

    * 97 La Cour reconnait que les parties s'accordent sur la nécessité de se soucier sérieusement de l'environnement et de prendre les mesures de précaution qui s'imposent. Paragraphe 113.

    * 98 Fievet (G), « Réflexions sur le concept de développement durable : prétention économique, principe stratégique et protection des droits fondamentaux », Op.cit. P.166.

    * 99 Projet Gabcikovo-Nagymaros, paragraphe 140 Al. 3.

    * 100 Par. 140 Al. 5.

    * 101 Par. 140 Al. 4.

    * 102Salmon (J) dir., Dictionnaire de Droit International Public, Bruxelles Bruylant /ACIF, 2001 P.765.

    * 103 Weil (P), « Vers une normativité relative en droit international ? » Op.cit. P. 7

    * 104 Par. 47, al.1.

    * 105 Sohnle, « Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J. : l'affaire Gabcikovo-Nagymaros », Op.cit P. 115.

    * 106 Projet Gabcikovo-Nagymaros, para 112 Al. 5

    * 107 Projet Gabcikovo-Nagymaros Par. 140 Al.3

    * 108 Par. 57 Al. 3

    * 109 Par. 140 Al.4.

    * 110 Projet Gabcikovo-Nagymaros (opinion individuelle du juge Weeramantry).

    * 111 Projet Gabcikovo-Nagymaros, Par. 41.

    * 112 Par. 45 Al. 1.

    * 113 Par. 112 Al. 3

    * 114 Par. 140 Al. 5

    * 115 Lire dans ce sens le texte de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, Article 3 (4).

    * 116 Pour le premier texte, l'article 3 précise que l'Etat d'origine veille à ce qu'il soit procédé à une évaluation de l'impact sur l'environnement avant que ne soit prise la décision d'autoriser ou d'entreprendre une activité. Quant au principe 17, il pose qu'une étude d'impact doit être entreprise dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs importants sur l'environnement.

    * 117 Usines de pâtes à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine C. Uruguay), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 23 Janvier 2007, P2.

    * 118 Par. 38 Al. 2 et 3.

    * 119 Par. 55 Al. 3.

    * 120 Principes 5, 7 et 27 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement.

    * 121 Projet Gabcikovo-Nagymaros, Par. 17 Al.1.

    * 122 Sentence arbitrale du 16 novembre 1957, Lac Lanoux.

    * 123 La parenthèse est de nous.

    * 124 Projet Gabcikovo-Nagymaros, Par. 17 Al. 2.

    * 125 Fievet (G), «  Réflexions sur le concept de développement durable : prétention économique, principes stratégiques et protection des droits fondamentaux », Op. Cit., P. 150.

    * 126 Par. 155, 2 (B).

    * 127 Par. 141. Lire dans ce sens Nouzha (C), « L'affaire de l'usine Mox (Irlande., Royaume-Uni) devant le Tribunal International du droit de la Mer : Quelles mesures conservatoires pour la protection de l'environnement » in Interactions entre le droit international et européen, 2002, P. 9.

    * 128 Cour Internationale de Justice, arrêt du 21 décembre 1962, affaires du Sud-ouest africain (Ethique C. Afrique du Sud ; Libéria C. Afrique du Sud), Série A n°2, P.13.

    * 129 Essais nucléaires (Australie C. France), arrêt Cour Internationale de Justice Recueil 1974, P.268, Par. 46.

    * 130 Détroit de Corfou, arrêt, Cour Internationale de Justice 9 avril 1949, P. 22.

    * 131 Article 12 de la convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation.

    * 132 Mémoire de l'Argentine, conclusion 1 (b)

    * 133 Kiss (A), « L'Etat du droit de l'environnement en 1981 : problèmes et solutions », J.D.I., N°3, Juillet - Août - Septembre, 1981, P 505.

    * 134 Principe 21 de la déclaration de la conférence de Stockholm des Nations Unies sur l'environnement humain.

    * 135 Sentence arbitrale, 16 avril 1938 et 11 mars 1941.

    * 136 Tchikaya (B), Mémento de la jurisprudence du droit international public, paris, hachette, 2001 - 2002 P. 48.

    * 137 Affaire de la Fonderie du Trail (Etats-Unis C. Canada.), 3 Report of international Arbitration Awards (« R.I.A.A. ») 1905 (1941) P. 1965. Dans le même sens, Sentence arbitrale du 16 novembre 1957, affaire du Lac Lanoux (France C., Espagne).

    * 138 Affaire du Détroit de Corfou, Op.cit P. 22.

    * 139 Affaire Gabcikovo - Nagymaros, Op.cit Par. 53.

    * 140 Projet Gabcikovo- Nagymaros, Op. Cit., Par. 53.

    * 141 Fonderie du Trail, supra note 114.

    * 142 Détroit de Corfou, Op.cit P. 22.

    * 143 Voir dans ce sens l'arrêt du 24 Mai 1980, affaire du personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Iran c. Etats-Unis).

    * 144 Projet Gabcikovo - Nagymaros. Op.cit Par. 2.

    * 145 Par. 155.

    * 146 Ibid.

    * 147 Par. 78, Al. 3

    * 148 Neuf voix contre six pour la première réponse et 10 voix contre 5 pour la seconde.

    * 149 Déclaration du président Schwebel.

    * 150 Opinion individuelle du juge Bedjaoui.

    * 151 Sentence arbitrale du 31 juillet 1989(Guinée Bissau C., Sénégal) Cour International de Justice, arrêt 12 novembre 1991, Rec. 1991, P. 52.

    * 152 Bar (V), « L'exploitation industrielle des cours d'eau internationaux », RGDIP, N°17, 1910, P. 281.

    * 153 Sohnle (J), « Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice : l'affaire Gabcikovo - Nagymaros », Op. Cit., P. 119.

    * 154 Bizimana (E), Conflits armés et protection de l'environnement : le cas de la faune et de la flore dans les grands lacs (Burundi, Rwanda et République Démocratique du Congo), Thèse de doctorat de 3eme cycle en Relations Internationales, option Diplomatie, IRIC -Yaoundé, septembre 2003, P. 132.

    * 155 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Par. 27.

    * 156 Par. 28.

    * 157 Par. 30.

    * 158 C.I.C.R., « Droit international humanitaire : réponses à vos questions » brochure N° 0703, Décembre 2004, P.4.

    * 159 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires. Par. 31 et 32.

    * 160 Bretten (P), «  Le problème de « méthodes et moyens de guerre ou de combat » dans les protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949 », RGDIP, 1978, Tome LXXXII, P. 32.

    * 161 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Par. 29.

    * 162 Par. 30, Al. 2.

    * 163 Par. 96.

    * 164 Tchikaya (B), Op.cit P. 141.

    * 165 Cité par Bizimana (E), Op.cit. P. 179.

    * 166 Licéité de la menace de l'emploi de l'arme nucléaire ; Par. 32.

    * 167 Cité par Vinuales (E), Op. Cit., P. 249.

    * 168 Par.50, al.3.

    * 169 Annuaire de la commission de droit international, 1980, Vol. II, deuxième partie, P.33.

    * 170 Par.57, al.4.

    * 171 Par.54, al.3.

    * 172 Sohnle (J), Op. Cit., P.105.

    * 173 Sohnle (J), Op. Cit., P. 113.

    * 174 Projet Gabcikovo-Nagymaros, par.85, al.4.

    * 175 Cité par Vinuales (J), Op. Cit., P.247.

    * 176 Daillier (P) et Pellet (A), Op. Cit., P.808.

    * 177Ibid., P.959.

    * 178 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Par.31.

    * 179 Kiss (A), Op. cit., P. 500.

    * 180 Delbez (L), Op. cit., P. 92.

    * 181 Daillier (P) et Pellet (A), Droit international public, Paris, LGDJ, 2002, 7e édition, P. 1282.

    * 182 Ranjeva (R), «  Les potentialités des modes juridictionnels internationaux de règlement des différends », in L'effectivité du droit international de l'environnement. Contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales, Op.cit. P. 271.

    * 183 Ranjeva (R), « L'environnement, la Cour Internationale de Justice et sa chambre spéciale pour les questions d'environnement », Op.cit. P. 434.

    * 184 Ranjeva (R), «  Les potentialités des modes juridictionnels internationaux de règlement des différends », Op.cit. P. 274.

    * 185 Ranjeva (R), « L'environnement, la Cour Internationale de Justice et sa chambre spéciale pour les questions d'environnement », Op.cit. P. 433.

    * 186 Ibid. P. 434.

    * 187 Ibid.

    * 188 Boisson de Chazournes (L), «  La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de la protection de l'environnement : Enjeux et défis », Op. Cit., P.46.

    * 189 Ibid.

    * 190 Sohnle (J), Op.cit. P. 92.

    * 191 Par. 54, Al. 5.

    * 192 Par. 10.

    * 193 C.P.J.I., arrêt du 28 juin 1937, Rec. Al. B 70, P. 9 ; Sentence du 16 avril 1938, R.S.A. Tome III, P. 1912.

    * 194 Sohnle (J), Op.cit., P. 93.

    * 195 Ibid. P.94.

    * 196 « Pour tout différend portant sur des questions scientifiques ou techniques, une Cour ou un Tribunal exerçant sa compétence en vertu de la présente section peut à la demande d'une partie ou d'office, et en consultation avec les parties, choisir, de préférence sur la liste appropriée établie conformément à l'article 2 de l'annexe VIII, au moins deux experts scientifiques ou techniques qui siègent à la cour ou au tribunal sous droit de vote »

    * 197 Sohnle (J), Op. cit., P. 94.

    * 198 Sur (S), L'interprétation en droit international public, Paris, LGDJ, 1974, P. 11.

    * 199 Daillier (P) et Pellet (A), Droit international public, Paris, L.G.D.J., 2002, P. 253, 7e édition.

    * 200 Cité par Sur (S), Op.cit., P. 252.

    * 201 Ibid. P. 253.

    * 202 Cour International de Justice, REC. 1961, P. 32.

    * 203 Projet Gabcikovo-Nagymaros, opinion individuelle du juge Bedjaoui.

    * 204 Daillier (P) et Pellet (A), Op.cit., P. 263 ; dans le même sens, Berlia (G), « Contribution à l'interprétation des traités », Recueil des cours de l'Académie de droit international de la Haye, 1965, vol. 1, Tome 114, PP. 287-331.

    * 205 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie, Cour International de Justice, avis consultatif, 21 juin 1971, Rec. 1971, P.16.

    * 206 Sohnle (J), Op.cit., P. 98.

    * 207 Par. 112, Al. 2

    * 208 J. P. Bufferne, « La fonction de la Cour Internationale de Justice dans l'ordre juridique international : Quelques réflexions », Revue Québécoise de droit international, 2002, P. 168.

    * 209 Par. 140, Al. 4.

    * 210 Opinion dissidente du juge Bedjaoui.

    * 211 Daillier (P) et Pellet (A), Op.cit., P. 218.

    * 212 Ibid. P.219.

    * 213 Par. 155, 2) B).

    * 214 Cour Internationale de Justice, arrêt du 20 février 1969, affaire du plateau continental de la mer du Nord (RFA /Danemark, RFA/ Pays -Bas), Cour Internationale de Justice. Recueil 1969, Par. 85 a).

    * 215 Cour Internationale de Justice, arrêt du 25 juillet 1974, compétences en matière de pêcherie (Islande c. Royaume-Uni).

    * 216 Par. 114.

    * 217 Par. 143.

    * 218 Par. 140, Al. 4.

    * 219 Lire dans ce sens Bufferne (J.P.), « La fonction de la cour internationale de justice dans l'ordre juridique international : quelques réflexions », Op.cit. P. 167.

    * 220 Par. 104 Al. 4.

    * 221 Combacau (J), Vallee (C), Sur (S) et Thierry (H), Droit International Public, Paris, Montchrestien, 1975, P. 105.

    * 222 Contrairement à d'autres normes dont le changement est jugé imprévisible. Voir Ibid.

    * 223 Para. 140. Al. 2.

    * 224 Par. 48. Al. 1

    * 225 Ce qui est prévu par l'article 33 du projet d'articles sur la responsabilité internationale des Etats.

    * 226 Bufferne (J-P), Op. Cit., P.143.

    * 227 Dupuy (P-M), Op. Cit., P.8.

    * 228 Kamto (M), « Les nouveaux principes du droit international de l'environnement », Op. Cit., P.11.

    * 229 Kamto (M), Droit de l'environnement en Afrique, Op. Cit., P.19.

    * 230 Ranjeva (R), « Les potentialités des modes juridictionnels internationaux de règlement des différends », Op. Cit., P.274.

    * 231 Ranjeva (R), « L'environnement, la Cour internationale de justice et sa chambre pour les questions d'environnement », Op. Cit., P.434.

    * 232Ranjeva (R), « Les potentialités des modes juridictionnels internationaux de règlement des différends », Op. Cit., P.274.

    * 233 La chambre spéciale pose aussi un problème dans le fonctionnement de la Cour, notamment la possibilité d'un conflit de compétence entre la chambre et la plénière. Pour plus de détails sur la question, lire Ranjeva (R), « L'environnement, la Cour internationale de justice et sa chambre pour les questions d'environnement », Op. Cit., P.441.

    * 234 Sohnle (J), Op. Cit., P100.

    * 235 Par. 52.

    * 236 Par. 104.

    * 237 Par. 99.

    * 238 Kamto (M), Droit de l'environnement en Afrique, Op. Cit., P. 19.

    * 239 Par. 50.

    * 240 Par. 99.

    * 241 Kiss (A), L'effectivité du droit international de l'environnement, contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales, Paris, économica, 1998, P.3.

    * 242 Ibid., P.4.

    * 243 Boisson de Chazournes (L), « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de l'environnement : Enjeux et défis », Op. Cit., P. 46.

    * 244 Kamto (M), « Les nouveaux principes du droit international de l'environnement », Op. Cit., P. 21.

    * 245 Voir PP. 6 et 7 supra.

    * 246 Doumbé-Billé (S), « la mise en oeuvre du droit international de l'environnement par le juge national », Op. Cit., P. 3.

    * 247 Delbez (L), Op. Cit., P. 207.

    * 248 Kamto (M) « Les nouveaux principes du droit international de l'environnement », Op. Cit., P.20.

    * 249 Pour Maurice Kamto, le droit international de l'environnement fertilise le droit international classique, remet l'humanité au coeur du droit international et s'annonce aujourd'hui comme un droit de la paix et du développement. Ibid., P.11.

    * 250 Ibid.

    * 251 Delbez (L), Op. Cit., P. 19.

    * 252 Ibid., P. 28.

    * 253 « The role of the ICJ in the development of international environmental protection law », discours prononcé à l'occasion du sommet de la terre de Rio de janeiro, 3-4 Juin 1992.

    * 254 Salmon (J) dir., Dictionnaire de droit international public, Op. Cit., P. 617.

    * 255 Impériali (C), Op. Cit., P. 8.

    * 256 Delbez (L), Op. Cit., P. 207 et ss.

    * 257 Affaire Gabcikovo-Nagymaros, par. 53.

    * 258 Ranjeva (R), « Les potentialités des modes juridictionnels internationaux de règlement des différends », Op. Cit., P.272.

    * 259 Ibid., P.273.

    * 260 Kamto (M), « Les nouveaux principes du droit international de l'environnement », Op. Cit., P. 21.

    * 261 Cité par Delbez (L), Op. Cit., P. 28.

    * 262 Bufferne (J-P), Op. Cit. P.167.

    * 263 Par. 112.

    * 264 Plateau continental de la mer du nord (RFA c. Danemark; RFA c. Pays-Bas), 1969, CIJ, Rec. 4.

    * 265 Sohnle (J), Op. Cit., P. 102.

    * 266 Bufferne (J-P), Op. Cit., P. 166.

    * 267 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, par. 29.

    * 268 Bufferne (J-P), Op. Cit., P. 167.

    * 269 Projet Gabcikovo-Nagymaros, Par. 140 al. 3.

    * 270 Daillier (P) et Pellet (A), Op. Cit., P. 797.

    * 271 C.P.J.I., 13 Septembre 1928, Usine de Chorzow, Série A, n°17, P. 29.

    * 272 Ibid., P. 47.

    * 273 Delbez (L), Op. Cit., P.28.

    * 274 Cas de la pollution par exemple.

    * 275 Tchikaya (B), Op. Cit., P.798. Voir aussi dans ce sens l'arrêt de la C.I.J. du 9 Avril 1949, affaire du détroit de Corfou, Rec. 1949, P.4.

    * 276 Daillier (P) et Pellet (A), Op. Cit., P.798.

    * 277 La pollution des eaux du golf du Mexique après l'effondrement de la plate forme pétrolière de la compagnie British Pétrolium est assez significative à cet égard.

    * 278 C.P.J.I., 13 Septembre 1928, Usine de Chorzow ( Allemagne c. Pologne), Série A, n°17, P.27.

    * 279 C.I.J., arrêt du 27 Septembre 1997, projet Gabcikovo-Nagymaros, Par. 140, Al.3.

    * 280 Ibid.

    * 281 Dupuy (P-M), Op. Cit., P.278.

    * 282 Ibid.

    * 283 Par. 154.

    * 284 La même solution aurait pu être envisagée dans l'affaire des Usines de Pâte à Papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), dans la mesure où la Cour trouvait inapproprié le démantèlement de l'usine Orion construite par en l'Uruguay en violation de ses obligations de nature procédurale. Confère C.I.J., 20 Avril 2010, affaire des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), Par. 121 et ss, www.icj-cij.org, consultation du 28 Avril 2010.

    * 285 Delbez (L), Op. Cit., P.28.

    * 286 Doumbé-Billé (S), « La mise en oeuvre du droit international de l'environnement par le juge national », Op. Cit., P.3.

    * 287 Ranjeva (R), « les potentialités des modes juridictionnels internationaux de règlement des différends », Op. Cit., P.272.

    * 288Boisson de Chazournes (L), « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de la protection de l'environnement : Enjeux et défis », Op. Cit., P.49.

    * 289 Kamto (M), Droit de l'environnement en Afrique, Op. Cit., P.19.






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