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Les cours d'appui au CM2: critique sociologique d'une pratique pédagogique. à‰tude de cas à  Yeumbeul- Nord au Sénégal

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par Abdou FAYE
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Certificat d'aptitude aux fonctions d'inspecteur de l'enseignement élémentaire 2011
  

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IV. JUSTIFICATIONS

Face à la faiblesse des rendements internes qui se traduit par des taux10(*) : de redoublement (7,9% en 2008), d'abandon (10,9 % en 2008), d'achèvement (58,4% en 2008) et au CFEE (70,7 en 2008), en plus des taux élevés d'échecs scolaires, compromettent l'atteinte du taux d'achèvement de 100% prévu en 2015. Le bien fondé de la recherche se situe à ce niveau, et il revient aux pouvoirs publics et à la communauté de faire de l'école une unité d'impulsion, de promotion individuelle et sociale pour tous les enfants. Cette promotion collective ne peut se réaliser que s'il y a de la qualité dans les apprentissages, c'est-à-dire « faire apprendre plus, faire apprendre mieux ». Aujourd'hui, ce concept de qualité est au coeur du système. Elle influe sur ce que les élèves apprennent et sur la manière dont ils l'apprennent. Cette qualité telle qu'elle se dessine ne peut ni être un simple fait du hasard, ni le produit de spéculations de quelques spécialistes, même si ces derniers ont amplement participé à son élaboration. Toutefois, elle exige attention, persévérance et effort. C'est ce que Pol Dupont de l'Université de Mons11(*) (Hainaut) a certainement dû comprendre en déclarant de façon nette, en 2007 à l'UCAD II , lors d'une conférence : « En effet qu'on le veuille ou non, la qualité reconnue n'est jamais un accident, mais le résultat d'un effort intellectuel soutenu ».Dans la même veine, Mbaye Ndoumbé GUEYE ancien DPRE du Sénégal, lors d'une réunion- débat sur les facteurs essentiels de la qualité de l'éducation organisée par la confemen du 3 au 6 Novembre 2006 à Bujumbura (Burundi), soutenait que :

L'éducation de qualité est une éducation qui minimise l'échec scolaire à défaut de l'annuler, et permet à l'individu de s'insérer de manière harmonieuse dans son milieu, tout en restant ouvert aux autres et de s'adapter aux transformations de son environnement.

Dans la même mouvance, la qualité a fait l'objet d'assises nationales du 31 Mars au 02 Avril 2003. Cette volonté du gouvernement de renforcer son système éducatif se manifeste aussi par un accroissement global des dépenses consacrées à l'éducation12(*) (40% du budget de fonctionnement de l'État hors service de la dette et hors dépenses communes et 5% du budget d'investissement de l'État qui, ensemble, constituent le fonds de l'éducation du pays). En plus, il existe une politique éducative traduite par une lettre de politique sectorielle d'Avril 2009 (elle est presque revue tous les deux ans), par le PDEF, par la loi 2004-37 du 15 Décembre 2004. Cette loi, ajoutée après l'article 3 de la loi d'orientation 91-22 « garantissant, aux citoyens la réalité du droit à l'éducation par la mise en place d'un système de formation », rend la scolarité obligatoire pour tous les enfants des deux sexes âgés de 6 à 16 ans. Cette vision de l'État, même si elle permet de scolariser la totalité des enfants, de leur offrir une scolarité gratuite dans les établissements publics et d'acquérir un savoir élémentaire de qualité, force est de constater que les données statistiques13(*) ont laissé apparaître des insuffisances dans son application. En plus d'une sous scolarisation notable avec un taux de fréquentation de l'école primaire de 58%, il importe de souligner que 57% des adultes restent analphabètes dont une majorité de femmes. Ce défaut de scolarisation est expliqué en partie par des motifs économiques et la persistance des mariages précoces. En effet, les jeunes filles sont souvent obligées de travailler pour subvenir à leurs propres besoins et aux besoins de leurs familles avec tous les risques qui pourraient s'en suivre.

En résumé, malgré la somme des moyens et des efforts déployés dans le sens d'une scolarisation massive et d'une qualité dans les enseignements/apprentissages notre système continue de buter. Ahlin Byll-Cataria, spécialiste en éducation et en développement constate dans le Bulletin de l'ADEA de Janvier-Mars 2010 : 

Des évaluations nationales africaines ont montré que 59% des enfants qui terminent l'école primaire ne maitrisent pas les connaissances de base en lecture, écriture et en calcul. En plus, les taux d'abandon et de redoublement sont très élevés au cycle primaire. Seulement 25% des élèves inscrits au primaire passent au secondaire et 10% arrivent à l'université en Afrique Subsaharienne.

En tout cas, tout laisse croire que le Sénégal a de sérieux problèmes de politique éducative. La situation actuelle n'est pas rassurante. Si l'on se fie aux statistiques14(*) et à quelques indicateurs de qualité qui témoignent du retard que le système éducatif sénégalais accuse avec les taux de redoublement relativement élevés au cm ²(23 ,8% en 2009), le taux d'abandon est de 11 ,7% à la même année et au même niveau. Concernant l'intégralité du cycle élémentaire, le taux d'achèvement au niveau de l'enseignement primaire est toujours à la traine (58% en 2009), alors que les prévisions sont de 85% en 2010. Par ailleurs, une étude15(*) du Programme d'Analyse des Systèmes Éducatifs de la Confemen de 1996 à 2001, met en évidence la faiblesse des niveaux d'acquis au Sénégal surtout en mathématiques. Plus de 40% des élèves de CM1 avaient du mal à classer par ordre décroissant les nombres « 35,7-25,9- 35,8- 35,6 ». Le temps d'apprentissage reste très insuffisant, le système peine à atteindre la norme horaire nationale annuelle d'apprentissage (900h/an). En 2007, il était de 738 h, une situation imputable aux crises scolaires récurrentes, au démarrage tardif des cours dans les zones inondables, aux multiples fêtes et congés scolaires. Dans la même lancée, on constate de façon empirique dans les devoirs de classe ou aux corrections du CFEE, que la majorité des élèves est au dessous de la moyenne en orthographe. Dans un autre registre, on remarque des disparités d'apprentissage qui commencent dés les premières années de scolarité et persistent à travers tous les niveaux d'enseignement. En effet, les enfants dont les acquis scolaires sont insuffisants, sont plus vulnérables au redoublement, à l'abandon ou à l'échec scolaire. Car, dans une classe, la diversité des élèves peut se manifester sous des formes multiples : certains élèves assimilent vite et bien les notions, c'est peut-être grâce à leurs capacités d'assimilation et d'appropriation très développées .Cependant, il n'en est pas de même pour plusieurs qui présentent des faiblesses à ce niveau. Partant de ce constat, la recherche de palliatifs reste un impératif pour l'amélioration de la qualité du système en général et celle des apprentissages en particulier. Autrement dit, les aptitudes différentes ainsi observées chez les élèves imposent la mise en oeuvre d'une autre forme de pédagogie. Si dans les limites d'un temps indiqué, il est pédagogiquement possible de faire acquérir une ou plusieurs notions, il n'en est pas de même devant les élèves moins performants ou non performants du tout. En plus, l'absence par endroits d'enseignements individualisés pour des raisons d'effectifs pléthoriques, la rareté d'encadrement et d'assistance des élèves à la maison, la pratique de la journée continue etc. sont autant de facteurs qui justifient l'organisation des cours d'appui ou cours de renforcement soit dans l'optique d'une consolidation ou d'une remédiation.

Naturellement, un tel projet d'action pédagogique ne peut réussir que grâce à l'appui et à la bonne volonté des acteurs (autorités, parents, enseignants, partenaires). La politique d'ajustement structurel des années 80, la délégation de pouvoirs aux collectivités locales d'intervenir dans l'espace scolaire (loi 96-07) ont drastiquement limité les fonctions de l'administration centrale vis-à-vis de l'école. La loi d'orientation 91-22 en son article 3 traduit ce constat en ces termes : «... les collectivités locales et publiques contribuent à l'effort de l'État en matière d'éducation... » ). A cet effet, la reconnaissance de l'importance de la mobilisation des acteurs sociaux dans les projets d'établissement modifient sensiblement le paysage scolaire. L'État contrôle de moins en moins. En lieu et place, il régule, il impulse, il oriente... A présent, les parents, regroupés en Association de Parents d'élèves, semblent se substituer à l'État en apportant une contribution appréciable à l'édification du système éducatif, en complétant l'action des pouvoirs publics dans l'amélioration de l'offre éducative. En dehors des charges scolaires, les parents participent aux constructions et aux équipements de classes, car ils savent à quel point la réussite scolaire est importante pour l'avenir de leurs enfants, mais le hic est qu'ils ne sont pas suffisamment impliqués dans la gestion de l'institution, donc rarement informés des performances de leurs enfants. En général, ils sont réduits aux rôles de collecteurs d'argent ou à d'autres activités de nature à renflouer les fonds de la coopérative scolaire. Et pourtant les parents sont bien placés pour réunir les conditions favorables au rendement scolaire maximal de leurs enfants car, ils sont a priori conscients du fait que la réussite de leur progéniture leur pourrait être socialement utile. De ce point de vue, les parents doivent être amenés à jouer un rôle de soutien déterminant dans le succès du jeune élève. C'est dans ce registre qu'il faut classer les réflexions de DORE, qui, du reste, poussent les parents, mêmes ceux qui disposent du minimum nécessaire, à payer des cours supplémentaires à leurs enfants pour compenser le temps perdu, pour lutter contre la baisse de niveau, pour renforcer les acquisitions ou pour remédier aux apprentissages défectueux. C'est certainement dans cet esprit qu'est né dans l'école sénégalaise le phénomène des cours d'appui payants. Cela coïncide avec l'avènement de la journée continue et à la suppression du paiement des indemnités liées aux heures supplémentaires dans les cours moyens deuxième année (cm²) vers les années 80. Ces décisions institutionnelles de taille font suite aux injonctions de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International (FMI) imposant au Sénégal une politique d'austérité budgétaire dans beaucoup de secteurs stratégiques dont l'éducation. Par conséquent, les dépenses publiques liées à cette dernière se voyaient drastiquement réduites. L'État semblait renoncer à ses principes régaliens, entretenant tous azimuts un désengagement total. C'est pourquoi peut être les enseignants du primaire en général et ceux des cm² en particulier, nonobstant l'interdiction du cumul16(*) de fonction, organisent des cours payants en dehors des heures officielles à l'intention de leurs propres élèves. Mais ce qui importe, ce n'est pas de mettre l'accent sur l'interdiction du cumul de fonction bravée par les maîtres, mais plutôt de chercher les motivations qui les poussent à organiser les cours supplémentaires qui ont fini par étendre leurs tentacules dans la quasi-totalité des cm² du cycle primaire. Le district scolaire de Yeumbeul- nord est à cet effet une parfaite illustration. Sous ce rapport les cours d'appui constituent un puissant levier dans le dispositif de fonctionnement du système scolaire de la zone. Cependant, même si ces cours d'appui sont aujourd'hui incontournables dans nos écoles, parce qu'ils y font leurs petits effets, ils attirent peu l'attention des chercheurs et des planificateurs de l'éducation pour tenter de découvrir leur impact dans les enseignements/apprentissages. Nous nous demandons d'ailleurs s'ils ne pourraient pas jouer un rôle prépondérant dans les familles aux moyens modestes, qui, souvent sont fatalistes, voire minimalistes dans leurs aspirations quant aux possibilités de réussite scolaire de leurs enfants. En d'autres termes, les cours de renforcement peuvent être une voie de salut pour les élèves dont les parents sont démunis socialement et intellectuellement. En clair, dans les zones comme Yeumbeul-Nord où la situation sociale des familles est peu enviable (incapacité de certains parents de payer des cours à domicile pour leurs enfants, leur manque d'instruction...), les cours de renforcement peuvent être considérés comme un moyen d'aider les parents dans l'encadrement de leurs enfants. C'est une façon de les éloigner des représentations qu'ils ont de l'école où seuls, pensent-ils, les fils des classes privilégiées peuvent réussir.

Dans tous les cas, et le rythme auquel les choses évoluent, on déplore malgré les cours de renforcement, les trop nombreux échecs, la baisse de niveau et les abandons scolaires. Sous ce rapport, il urge d'explorer d'autres pistes en vue de prévenir ces échecs, abandons et redoublements pour offrir à nos élèves un environnement scolaire adapté, constructif et fécond. En clair, la tenue des cours d'appui doit reposer sur les besoins des élèves, leurs difficultés, car un petit coup de pouce ponctuel suffit pour leur remettre en selle.

* 10 Sources : document du plan national de développement, 2009

* 11 Ville du sud-ouest de la Belgique, chef- lieu de la province du Hainaut, près de Bruxelles

* 12 DAGE/ ME/2005 

* 13 Source : UNICEF « situation des enfants dans le monde », 2009

* 14 Données apparues au journal Le Soleil du Mardi 7 JUILLET 2009 portant sur une analyse du système éducatif sénégalais à l'épreuve de la qualité.

* 15 Rapport mondial de suivi sur l'EPT (2005)

* 16 Loi n°61 33 du 15 Juin 1961 portant statut général des fonctionnaires et réglementant le cumul, en son article 9

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