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Le projet Kantien de paix perpétuelle à  l'ère de la mondialisation

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par Stanislas KIMPEYE MUNDIBI
Institut de philosophie Saint Pierre Canisius Kinshasa  - Bachelier en philosophie 2003
  

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I.3. Sortie de l'état de nature : accès aux lumières

En considérant l'état de nature comme un état de déraison et de guerre, la préoccupation de la sortie de l'état de nature se pose avec une acuité accrue. Car la quête de la paix constitue l'élément moteur qui incite les individus à vouloir bâtir un état de paix. Chose qui est possible par le dépassement de l'état de nature, état anarchique. Il y a donc une double

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nécessité qui se tient. D'une part, il s'agit de la nécessité de sortir de l'état de nature et d'autre part émerge la nécessité de construire un état de paix pour tous.

L'auteur du Projet de paix perpétuelle formule cette double nécessité en ces termes :

Qu'il faut donc que l'état de paix soit établi; car, pour être à l'abri de tout acte d'hostilité, il ne suffit pas qu'il ne s'en commette point ; il faut qu'un voisin garantisse à l'autre sa sûreté personnelle ; ce qui ne saurait avoir lieu que dans un état de législation ; sans quoi l'un est en droit de traiter l'autre en ennemi, après lui avoir inutilement demandé cette garantie7.

Cette évocation kantienne élucide ostensiblement la notion de l'état de législation, la notion de l'Etat de droit - objet du deuxième chapitre de notre travail -. Il est certes capital de souligner l'exigence de la sortie rapide de l'état d'anarchie pour entrer dans cet état de paix, de droit dûment établi.

Aussi est-il de bon droit de rappeler que les Etats peuvent aussi vivre dans l'état de nature et se comporter de la même façon que les individus vivant à l'état de nature. C'est ce que Kant note dans le Projet de paix perpétuelle en disant

Qu'il en est des peuples, en tant qu'Etats, comme des individus, s'ils vivent dans l'état de nature et sans lois, leur voisinage seul est un acte de lésion. L'un peut, pour garantir sa sûreté, exiger de l'autre qu'il établisse avec lui une constitution qui garantisse à tous leurs droits. Ce serait là une fédération de peuples, sans que ces peuples formassent néanmoins un seul et même Etat, l'idée de l'Etat supposant le rapport d'un souverain au peuple, d'un supérieur à son inférieur8.

Il est certainement de bon droit de souligner que le processus de sortie de l'état de nature reste identique tant pour les individus que pour les Etats. Habermas a pris le soin de l'expliciter en décrivant la situation en ces termes : « de même il a été mis fin à l'état de nature entre les individus autonomes, de même il s'agit de mettre fin à l'état de nature entre Etats belliqueux »9.

7 E. Kant, op.cit., p.340.

8 Ibidem, p.345.

9 J. Habermas, La paix perpétuelle. Le bicentenaire d'une idée kantienne. Traduction de l'Allemand par Rainer Rochlitz, Paris, Les Editions du Cerf, 1996, p. 17.

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Mettre fin à l'état de nature à l'échelle individuelle et/ou étatique renvient à s'efforcer d'entrer dans un processus de paix où les libertés des individus sont garanties par la loi. Ceci constitue la conviction habermassienne qu'il explicite lui-même de la manière suivante : « en constituant un Etat déterminé par le moyen d'un contrat social, la sortie de l'état de nature permet en effet aux citoyens de ce pays de mener leur vie dans des conditions de liberté garanties par la loi »10.

A bien considérer cette conviction de Habermas, il ressort que l'idée du contrat social est ce qui est à la base de la sortie de l'état de nature et du rétablissement de l'état de paix. Car, pour Habermas, c'est « le droit sanctionné par l'Etat qui met fin définitivement à l'état de nature »11.

La sortie de l'état de nature se conçoit en effet comme le passage de l'état de nature à l'état civil où seul le droit garantit les libertés des individus. D'après Kant,

Le passage de l'état de nature à l'état civil, cette possession putative, quoique illégale, peut néanmoins être maintenue comme honnête, en vertu d'une permission du droit naturel. Mais il ne faut pas que son illégalité soit reconnue, car du moment où, dans l'état de nature, une possession putative, et dans l'état civil, une acquisition pareille, sont reconnues comme injustes, elles ne sauraient plus avoir lieu, parce qu'elles deviennent alors une lésion des droits 12.

Aussi pouvons-nous considérer la sortie de l'état de nature comme coïncidant à l'accès aux lumières. Et Kant conçoit les lumières comme la sortie de l'homme hors de l'état de minorité, où il se maintient par sa propre faute. La minorité est, pour lui, l'incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre. D'où la devise des lumières : Sapere Aude ! Aie le courage de te servir de ton entendement !

10 Ibidem

11 Ibidem, p.16.

12 Kant, op.cit., p.339, notes.

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Cette devise des lumières est à situer dans la prise en considération par l'homme de son état de nature et dans la recherche des voies et moyens pour en sortir. L'usage de l'entendement devient dans la perspective de Kant le moyen privilégié ainsi que le passage obligé dans le processus de la sortie de l'état de nature, mieux, dans le passage de l'état de déraison à l'état de raison.

En outre convient-il de souligner que, pour Kant,

Il est difficile pour l'individu de s'arracher tout seul à la minorité, devenue pour lui presque un état naturel. Il s'y est même attaché, et il est pour le moment réellement incapable de se servir de son propre entendement parce qu'on ne l'a jamais laissé s'y essayer.13

Or, pour répandre les lumières, Kant professe « qu'il n'est rien requis d'autre que la liberté ; et à vrai dire la plus inoffensive de toutes les manifestations qui peuvent porter ce nom, à savoir celle de faire un usage public de sa raison dans tous les domaines. »14

L'usage public de notre raison doit toujours être libre, et lui seul peut répandre les lumières parmi les hommes ; mais son usage privé peut souvent être étroitement limité, sans pour autant empêcher sensiblement le progrès des lumières. Cette affirmation rejoint la description que Charles Larmore donne de l'homme, à savoir : « L'homme est visiblement fait pour penser. C'est toute sa dignité, et tout son mérite est de penser comme il faut. »15

Retenant en contrepartie que l'idée maîtresse de la sortie de l'état de nature se résume de façon précise dans le souci de la constitution civile, ce que nous avons nommé, à la suite de Kant, état de législation, mieux , Etat de droit, mieux encore Etats de droit.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams