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Les rébellions sous le régime d'Idriss Déby (1990-2008)

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par Eugène Le-yotha NGARTEBAYE
Université Jean Moulin Lyon 3 -  Master 2 sciences politiques, option: sécurité et défense 2008
  

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PARTIE I : DE LA FORMATION AUX STRUCTURES DES REBELLIONS

SOUS LE REGIME D'IDRISS DEBY

Depuis 1965 le Tchad a connu une succession de crises caractérisées par une constante militarisation de sa vie politique. Cette situation s'expliquait par le choix de la tyrannie comme mode de gestion des affaires publiques. Cependant, après plus deux décennies de vie politique fortement militarisée, le Tchad amorce, comme la plupart des pays d'Afrique francophone, un processus de démocratisation en 1990.

Ce processus coïncide avec la prise du pouvoir en décembre 1990 par une force coalisée des rebelles nommée le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), à la tête de laquelle se trouvait le colonel Idriss Deby. La prise du pouvoir de ce mouvement rebelle reçut la totale adhésion de la population qui espérait s'exprimer librement sur la gestion des affaires publiques.

Mais très vite, la promesse d'une ouverture démocratique va faire place à une parodie de vie démocratique. La vie politique tchadienne sera caractérisée par la falsification des résultats électoraux, par l'opacité dans la gestion des affaires publiques et par l'orientation clanique et partisane du pouvoir. En définitive, la promesse de l'instauration de la démocratie peine à trouver un véritable ancrage au Tchad.

Pour pallier cette situation d'obstruction institutionnelle et politique, certains groupes n'hésitent pas à prendre les armes pour faire triompher leur cause. Cette reprise des armes, qui du reste n'est pas chose nouvelle au Tchad, connaîtra une constance inquiétante, depuis la prise du pouvoir d'Idriss Deby jusqu'à nos jours. Pour tenter d'aborder cette problématique, nous divisons en deux phases ce développement des mouvements rebelles. Ainsi consacrons-nous une première partie aux rebellions qui ont existé entre 1990-2000 et une seconde partie à celles qui ont existé entre 2001 et 2008.

Chapitre 1 : Les rebellions de la période 1990 à 2000.

La naissance de rebellions sous Idriss Deby est la résultante d'une frustration ressentie et la traduction du dysfonctionnement d'un système.

En se rebellant, les insurgés estiment que leurs points de vue ne sont pas suffisamment pris en compte pour remédier au dysfonctionnement qui traverse le système. Ils veulent par la rébellion protester contre l'ordre existant pour en proposer un autre qui, selon eux, répondra aux véritables aspirations de la population dont ils s'érigent en représentants.

Il est vrai que, la plupart du temps, la conjonction d'une propagande politique savamment orchestrée et du soutien de la communauté internationale permet aux rebelles de s'emparer du pouvoir. Mais force est de reconnaître que cette stratégie semble peu porteuse dans le contexte actuel. En conséquence, sous le régime d'Idriss Deby, contrairement aux précédents régimes, les rébellions se forment et se déforment sans parvenir à atteindre leur but. Elles participent de manière indirecte à orienter les politiques des gouvernants.

Il convient donc de s'y attarder dans l'optique de faire ressortir les facteurs qui favorisent leur émergence (section 1) avant de procéder à la présentation des différentes formations et coalitions rebelles (section 2).

Section 1 Les facteurs de l'émergence des rébellions dans la période 1990-2000

Après la prise du pouvoir le 1er décembre 1990 et la promesse d'une ouverture démocratique, rien ne pouvait faire penser aux populations que le nouveau régime en place aurait à faire face à de nouvelles rebellions. L'installation du régime peine encore à prendre forme quand les premiers bruits de bottes se font entendre. L'interrogation qui revient de manière systématique était de comprendre les raisons d'une telle action contre ce nouveau régime représenté par Idriss Deby.

Pour trouver les justifications d'une telle action, un détour dans l'histoire politique du Tchad s'impose. Ainsi les causes des premières actions contre Deby sont à rechercher dans la survivance des rebellions antérieures (§1). Cependant, la « résurrection » des rebellions antérieures ne peut à elle seule fournir une réponse satisfaisante aux premières contestations du pouvoir d'Idriss Deby. Un regard sur la gestion du pouvoir politique par certains «  associés de Bamina » (§2) peut aussi contribuer à mieux appréhender les frustrations qui conduiront d'autres « associés » à la reprise des armes.

§1 - La survivance des rebellions antérieures.

La prise du pouvoir de Deby n'est pas le fruit de la réunion de toutes les forces rebelles qui étaient à l'oeuvre sous le règne de Hisseine Habré. Elle est seulement le résultat d'une union de quelques groupes ayant fusionné au congrès de Bamina pour fonder le MPS. C'est pourquoi, bien des formations rebelles n'ayant pas été parti prenante de l'accord de Bamina vont opérer une reconversion (A) pour attaquer le pouvoir du MPS.

Par ailleurs, Hisseine Habré et ses partisans n'ayant pas accepté leur mise à l'écart, ils tenteront tant bien que mal de s'organiser pour la reconquête du pouvoir. Ces nostalgiques du pouvoir de Hisseine Habré prendront une part active dans le conflit à travers leur soutien aux nouvelles rebellions (B).

· A- La survivances des rebellions antérieures.

La victoire des alliés du congrès de Bamina le 1er décembre 1990 a été une grande surprise pour beaucoup de formations rebelles qui n'avaient pas jugé opportun de s'associer à cette union. De cette surprise naissent les rivalités conduisant à la contestation systématique du nouveau régime de N'djamena.

En effet, surpris par la tournure rapide des évènements ayant conduit Idriss Deby au pouvoir, certains mouvements rebelles formulent des griefs proches de ceux que l'on entendait déjà du temps de Ngarta Tombalbaye, Goukouni Oueddei ou encore Hisseine Habré. Ils s'articulent autour du traditionnel clivage Nord - Sud, avec en toile de fond la lancinante question chrétien-musulmane, la crise de l'Etat. En complément du discours traditionnel, les rebellions, pour être en phase avec les réalités du moment, vont adapter leur discours.

Premièrement, c'est le caractère « étranger » du régime qui est brandi. En effet, Idriss Deby doit son arrivée au pouvoir en grande partie au soutien qu'il a reçut des autorités soudanaises. Ce sont elles qui ont fourni toute la logistique et le financement nécessaire à la coalition de Bamina.

Deuxièmement, les rebelles contestent la légitimité du statut d'opposant d'Idriss Deby. Sur ce registre, il faut rappeler qu'Idriss Deby fut pendant une longue période un proche collaborateur de Hisseine Habré. Aussi ses détracteurs pensent qu'Idriss Deby est dans une certaine mesure comptable de la gestion du pouvoir précédent et par voie de conséquence, responsable des dérives et des exactions commises sous le régime d'Hisseine Habré. A ce titre, il n'y a donc pas de changement de régime entre celui d'Hisseine Habré et de Idriss Deby, mais plutôt une continuité.

Troisièmement, les discours sur l'aspect clanique du pouvoir se font de plus en plus entendre. En effet, pour sa prise du pouvoir, Idriss Deby s'est fortement appuyé sur le clan Beri18(*). Très vite, on observe que la gestion du pouvoir de l'Etat se trouve concentré entre les mains des Béri. L'Etat est désormais considéré « comme un gisement de richesses sans maître »19(*) que le clan se partage. Ainsi tous les postes clés des services centraux de l'administration tels que la direction de douane, la direction des impôts, la direction des transports sont occupés par les membres du clan Béri. Il en est de même pour certaines sociétés nationales dans lesquelles l'Etat détient un capital important comme la Coton Tchad, la société tchadienne d'eau et d'électricité, la société nationale d'entretien des routes (SNER)20(*).

S'il est vrai que le fonctionnement clanique du pouvoir n'est pas l'apanage d'Idriss Deby21(*), il apparaît de façon flagrante que sous ce dernier, cette pratique passe pour être érigée en mode de gestion des affaires publiques. En outre, c'est l'ouverture démocratique qui accompagne la trame de la contestation. Les mouvements rebelles estiment que les conditions et les modalités d'organisation du pouvoir n'ont pas pour objectif de contribuer à l`émanation du peuple, mais plutôt à offrir les instruments de la pérennisation du régime d'Idriss Deby. Car les conditions d'un vrai dialogue n'ont jamais été aménagés par Idriss Deby22(*) et ce malgré les multiples occasions qui s'offrirent à lui. A ces vagues de contestations émanant des rébellions qui ont reconverti leurs discours, s'ajoutent celles des nostalgiques de l'ère Hisseine Habré.

* 18 Le clan béri se subdivise en sous clan kobé, bideyat, borogate et kapka. Le terme zaghawa est une appellation d'origine arabe pour désigner les Béri. Et l'appellation zaghawa s'est imposé dans le domaine scientifique comme le souligne René Lémarchand. Lire R, Lémarchand « où va le Tchad », Afrique contemporaine n°215/2005/3 . Nous utilisons le clan Béri par rapport à la nomenclature de la division linguistique faite par Marie-josé Tubiana, Carnets de route au Dar-for (Soudan)1965-1970, Paris, Sépia, 2006.

Cette nomenclature rend compte de manière édifiante les structures de la société et les systèmes de dons chez les groupes Béri tant au Tchad qu'au Soudan. Elle permet de comprendre l'implication des soudanais dans les conflits tchadiens et vice versa.

Lire aussi Jérôme Tubiana, La guerre par procuration entre le Tchad et le Soudan et la « darfourisation » du Tchad : mythe et réalités, Document de travail, institut de hautes études internationales et du développement, Genève, 2008 87p

* 19 Thierry Michalon « les vrais blocages de l'Afrique » ,article inédit septembre 2001,cité dans le Rapport n°144 de International Crisis Group, Tchad : un nouveau cadre de résolution de conflit,24 septembre 2008,p.3

* 20 Pendant longtemps la Coton Tchad fut dirigé par les frères Erdimi Timane neveu de Deby, aujourd'hui en rebellions, la SNER par Daoussa Déby, le grand frère de Déby .

* 21 Il convient d'observer qu'au Tchad le pouvoir se décline presque toujours sous l'appellation de l'ethnie dont est issu le Président de la République. On est parti du pouvoir des Sara au temps de Ngarta à celui des Goranes avec Habré pour aboutir à celui communément appelé pouvoir des Zaghawa au temps de Deby.

* 22 Sur la question du dialogue lire International Crisis group, Tchad : un nouveau cadre de résolution du conflit, Rapport n°144, semptembre, 2008

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo