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Les rébellions sous le régime d'Idriss Déby (1990-2008)

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par Eugène Le-yotha NGARTEBAYE
Université Jean Moulin Lyon 3 -  Master 2 sciences politiques, option: sécurité et défense 2008
  

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§2- La gestion du pouvoir politique par « les associés de Bamina ».

Si l'on a pu observer un simulacre d'union entre les associés de Bamina face aux frondes des rebellions qui contestent sa légitimité, cette union ne sera que de courte durée. Les accords de Bamina volèrent en éclat après quelques temps de gestion commune du pouvoir (A). Cette exclusion résulte du tacite bannissement du pouvoir des personnes n'appartenant pas à l'accord de Bamina (B).

· A- Les associés de Bamina à l'épreuve de la gestion politique.

La victoire du MPS fut le résultat de la coalition des formations rebelles en luttes contre Hisseine Habré. En effet, c'est à Bamina au Soudan que les formations rebelles suivantes, l'Action du 1er avril d'Idriss Deby et d'Abbas Koty, le Mouvement du salut national du Tchad (MOSONAT) de Maldoum Bada Abbas et les Forces armées tchadiennes-mouvement révolutionnaires populaire (FAT/MRP) de Hissein Dassert ont fusionné pour créer le mouvement patriotique du salut (MPS).

Ces différentes formations rebelles étaient construites sur des piliers ethniques. Ainsi, l'action du 1er avril était essentiellement composée des Béri (repartis en sous clans kobé, bideyat, boragate, et kapka) du Tchad comme du Soudan. C'est cette configuration ethnique qui permit à plusieurs Beri soudanais de prendre activement part au combat aux côtés de leurs frères tchadiens. Le MOSONAT avait pour bastion de recrutement les Hadjaraï du Guerra et les FAT/MRP les ouddaiens et apparentés. Ces différents groupes ethniques constituaient le socle des premières années du régime d'Idriss Deby. Le partage des postes de responsabilités obéissait à cette configuration des différents piliers.

On retrouvait ainsi Idriss Deby président de la république et président du MPS, Maldoum Bada Abbas ministre de l'intérieur et vice président du MPS, Hisseine Dassert ministre de la défense et Abbas koty chef d'Etat major des armées. Le pouvoir MPS s'impose ainsi selon cette logique aux tchadiens qui avaient cru entrevoir des lueurs d'espoir avec l'arrivée au pouvoir du MPS. Toutefois, au début du règne d'Idriss Deby, Gata Nder observait que « le despote Habré parti, le soulagement qui a traversé d'un bout à l'autre le Tchad ne s'est paradoxalement pas transformé en une liesse délirante. Les incertitudes de demain font planer quelques inquiétudes sur les esprits habitués aux lendemains qui déchantent. Les tchadiens de toute évidence ont mûri. Les promesses non tenues, les incitent à observer un prudent `wait and see' »23(*). Cette observation sonne, avec la tournure que vont prendre les évènements, comme une prédiction.

En effet, le MPS tint un congrès extraordinaire du 25 au 28 juillet 1991. Au cours de ce congrès, des voix s'élèvent pour contester le cumul des fonctions du numéro deux du régime, Maldoum Bada Abbas. Il était question pour ce dernier de choisir entre le poste de ministre de l'intérieur et le poste de vice président du MPS. A la fin du congrès le poste de vice président du MPS fut purement et simplement supprimé. Cette suppression a été mal reçue par le clan Hadjaraï et par Maldoum lui même. Elle fut interprétée comme une mise à l'écart du pouvoir des Hadjaraï, alors que ces derniers venaient de contribuer de manière significative à son instauration. Elle donna lieu à des frustrations qui conduisirent à l'arrestation de Bada Abbas Maldoum au motif de tentative de coup d'Etat. S'agissait-il d'un vrai coup d'Etat ou d'une stratégie d'Idriss Deby pour se défaire d'un allié devenu trop gênant ? Une chose est sûre, en octobre 1991, Bada Abbas Maldoum et plusieurs de ses partisans meurent dans des conditions non encore élucidées aujourd'hui. Aucune enquête officielle n'a été diligentée pour faire la lumière sur ces disparitions. Plusieurs partisans de Maldoum, à la tête desquels se trouvait le Colonel Kafine Chadallah, reprirent le chemin du maquis.

Ensuite vint le cas Abbas Koty. Ce dernier est considéré dans l'action du 1er avril comme représentant de tous les zaghawa (surtout le clan Kobé), tant du côté soudanais que du côté tchadien. Issu du clan Bideyat, Idriss Deby s'est fortement appuyé sur les éléments appartenant aux autres clans du groupe zaghawa pour sa prise du pouvoir. Abbas Koty constituait donc une pièce maîtresse dans cette stratégie. Par son poste de chef d'état major général des armées, Abbas Koty issu du clan Kobé était au centre de l'appareil d'Etat. Il avait le contrôle de l'ensemble des forces armées. Ce poste constituait pour les autres clans zaghawa une garantie et un contre pouvoir pour contrebalancer le pouvoir d'Idriss Deby au cas où ce dernier venait à rompre le pacte qui les unissait. Cependant, le sort de Koty sera réglé lorsque la question de la réorganisation de l'armée s'invite dans le débat politique.

En effet, aux questions de l'insécurité24(*), où le tristement célèbre « secteur n°5 » composé essentiellement des Kobé du soudan, est pointé du doigt par la population, la question de la réorganisation de l'armée devient de plus en plus pressante pour Idriss Deby.

A l'arrivée d'Idriss Deby au pouvoir, l'armée tchadienne était caractérisée par le nombre pléthorique de ces membres. Cette augmentation du nombre des soldats s'expliquait par le recrutement massif dans le milieu Béri au Soudan pendant la conquête du pouvoir par le MPS. En été 1991, la presse tchadienne annonça que la France avait accordé un crédit d'un montant de cinq milliards de francs Cfa à la démobilisation et la réinsertion des soldats désireux de quitter les Forces Armées Tchadiennes25(*). Le but de l'opération était donc de contribuer à la réduction des effectifs militaires en passant de 50 000 à 25 000 hommes.

Beaucoup d'éléments appartenant au clan Béri du côté soudanais seront visés par cette mesure car la restructuration s'opère au profit des soldats de carrières et ceux issus de milieu scolarisé26(*). Profitant de cette réorganisation, Idriss Deby choisit de muter Abbas Koty de l'Etat major général pour lui confier le Ministère de la Défense en juillet 1991. Cette mutation fut perçue comme la fin du contrôle d'Abbas Koty sur les effectifs militaires et la mise à l'écart implicite du leader et de son clan Kobe.

Du ministère de la défense, Koty passa au ministère des Travaux Publics et des Transports. Ce nouveau changement confirmait l'hypothèse de la mise à l'écart d'Abbas Koty. Se trouvant hors du dispositif militaire, il ne pouvait plus rien faire pour influer sur les décisions concernant l'armée. La réorganisation de l'armée entamée, beaucoup de Béri soudanais furent remerciés et priés de retourner chez eux. Il naît ainsi un climat de suspicion entre les clans Kobé et Bidéyat. Ce climat délétère fait de rumeurs persistantes sur une possible préparation de coup d'Etat contre le régime ou d'une très prochaine arrestation d'Abbas Koty, poussa ce dernier en juin 1992 à rejoindre la rébellion qui s'était déjà constituée27(*).

Enfin, le congrès qui avait scellé ou précipité la descente aux enfers de Maldoum n'a pas oublié de fixer le destin d'Hissein Dassert,28(*) le chef de la fraction rebelle FAT- MRP, le troisième pilier du régime d'Idriss Deby. En effet, depuis juillet 1991, ce dernier avait perdu le poste de Ministre de la défense, obtenu pour sa contribution à la victoire du MPS. Il était « quasiment entré en rébellion contre son mouvement, après son limogeage du ministère de la défense »29(*). Restant dans la légalité, le colonel Dassert finit par démissionner du MPS vers la fin de l'année 199230(*). Aussi, comme les partisans de Maldoum et d'Abbas Koty, Dassert renoua avec ses anciennes habitudes et reprit la route du maquis.

En définitive, on note qu'à peine installé au pouvoir l'alliance de Bamina vole en éclat et fait place à une guerre sourde au sein du MPS. S'agissait-il d'un calcul tactique orchestré par Idriss Deby pour se débarrasser de ses associés de Bamina ? Il est difficile à partir des informations dont nous disposons de répondre à cette question. Toutefois, un constat du retour à la case départ s'impose. L'alliance se disloque et les anciens alliés reprennent les armes. Si au sein du MPS les dissonances se font de plus en plus entendre, elles atteignent également certaines personnes se considérant comme les exclus du pouvoir.

* 23 Gata Nder « les incertitudes de l'après Habré », N'djamena-Hebdo n°10 décembre 1990

* 24 Lire N'djamena -Hebdo n°16 du 14 mars 1991

* 25 Marchés Tropicaux et Méditerranéens, n°2390,1991. Pour un aperçu Lire Robert Buijtenhuijs, La conférence nationale souveraine du Tchad. Une histoire immédiate, Paris, Karthala,1993

* 26 Triaud,J.L, « Au Tchad : la démocratie introuvable » Le Monde Diplomatique, février, 1992

* 27 Senen Andriamirado « Tchad : un éternel champs de bataille », Jeune Afrique, n°1643 du 2 au 8 juillet 1992

* 28 Alladoum,R, « Un congrès redouté », N'djamena Hebdo n°26 du 25 juillet 1991

* 29 N'djamena Hebdo, n° 69,du 7 janvier 1993

* 30 Pour les raisons de sa démission lire N'djamena Hebdo n° 65, du 3 décembre 1992

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard