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L'expression du réel dans l'honneur perdu d'Amadou Ousmane.

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par Abdoulaye DOUMARI DOUBOU
Université Abdou Moumouni de Niamey Niger - Maà®trise es-lettres 2010
  

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MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS

SECONDAIRE ET SUPERIEUR ET DE

LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

UNIVERSITE ABDOU MOUMOUNI DE NIAMEY

Faculté des Lettres et Sciences Humaines (F.L.S.H)

Département de Lettres Modernes

Mémoire de maîtrise

Thème:

L'expression du réel dans l'Honneur perdu d'Amadou Ousmane

Présenté Par: Sous la direction de:

DOUMARI DOUBOU Abdoulaye Pr. ISSA DAOUDA Abdoul Aziz

Maître de conférences. H.D.R

Année Académique : 2009-2010

Introduction

L'écriture romanesque a connu un essor depuis le XIXè siècle avec les auteurs réalistes naturalistes qui se sont distingués dans l'observation de la société. Le roman est ainsi une forme littéraire qui semble le plus refléter la réalité sociale. Sa spécificité réside essentiellement dans le fait qu'il a pour domaine de prédilection les couches défavorisées, longtemps marginalisées par l'art, parce qu'il était l'apanage des élites, que sont la monarchie et la bourgeoisie. C'est pourquoi les années 1850 représentent l'apogée du roman, comme l'a fait remarquer Roland Barthes dans le Degré zéro de l'écriture1(*).

En le paraphrasant, on dira que le roman a vu son plus grand essor avec Balzac, tout comme l'Histoire avec Michelet. Il faut ainsi affirmer que cette prédominance de la création romanesque s'explique surtout par la dimension sociale de la thématique tout comme l'esthétique exprimant le vécu quotidien ou les préoccupations du milieu. Balzac s'est fait illustrer dans l'histoire du réalisme français à travers son oeuvre emblématique la Comédie humaine2(*), une compilation d'ouvrages où l'ambition de l'auteur consistait à « faire concurrence à l'état civil »3(*).

S'agissant de la littérature africaine, notamment le roman, il se caractérise du point de vue thématique par une adéquation et une harmonie avec les préoccupations du continent en ce sens qu'il en reflète l'évolution sociopolitique à travers les générations. L'Afrique précoloniale a constitué une source d'inspiration depuis la Négritude. Ce mouvement littéraire symbolise une nostalgie pour le passé culturel ancestral, à travers des oeuvres comme Crépuscule des temps anciens4(*) du Burkinabé Nazi Boni.

On peut également faire cas du roman anticolonial, qui fustige les abus à la fois politique et économique qu'incarne le pouvoir blanc face aux populations noires, victimes de l'oppression raciale. Les romans comme ceux d'Alexandre Biyidi traduisent avec netteté la dénonciation du système colonial. C'est le cas de Ville Cruelle5(*). Une autre situation ayant fait l'objet de représentation artistique est surtout les indépendances des Etats africains, qui étaient attendues avec enthousiasme et euphorie, mais n'ont finalement été qu'un leurre, d'où le roman du désenchantement qui dessine en toile de fond les dirigeants africains face à leurs concitoyens.

Entre autres oeuvres, on peut citer le Cercle des Tropiques6(*) ou Gros plan7(*) respectivement écrits par Alioum Fantouré et Idé Oumarou. Ces deux romans rappellent l'esthétique balzacienne au regard de la linéarité narrative et la description pittoresque des lieux.

Quant aux romanciers nigériens, ils font également référence au modèle balzacien, puisqu'ils relatent les faits avec clarté et précision. L'oeuvre d'Amadou Ousmane est un exemple saisissant, parce qu'elle est foisonnante et se focalise principalement sur l'évolution sociale et politique du Niger au cours de trois décennies, de 1960 aux années 90. Auteur de trois romans à savoir Quinze ans, ça suffit !8(*) Le Nouveau juge9(*) et l'Honneur perdu10(*), auxquels s'ajoutent deux autres récits tels que Chronique judiciaire11(*) et tout récemment le Témoin gênant12(*), son dernier roman, l'Honneur perdu constitue l'objet de cette étude.

Saisi par ce réalisme après la lecture de cette oeuvre, il m'a paru intéressant d'étudier le rapport entre fiction et réalité dans cet ouvrage nigérien. On pourrait par exemple voir comme problématique pour un tel travail l'expression du réel dans l'Honneur perdu d'Amadou Ousmane. D'où la nécessité de démontrer l'influence des faits réels, vrais, dans cette oeuvre d'imagination à travers l'esthétique romanesque de l'auteur. Il s'agit de voir le travail artistique d'esthétisation de la réalité de tous les jours fait par le romancier pour obtenir l'oeuvre d'art qu'il nous présente.

En effet, l'acception du terme `'réel'' est définie dans le Dictionnaire du littéraire13(*) comme ce qui existe ou qui a existé dans le cadre des études littéraires, d'où il est posé comme l'univers d'expérience incluant les objets, la manière d'être, les valeurs..., auxquels le texte renvoie.

Le choix de ce thème est du à l'admiration que suscite en moi l'oeuvre romanesque d'Amadou Ousmane, à laquelle s'ajoute la volonté de contribuer un tant soit peu à l'interprétation des productions littéraires du pays. Issue d'un patrimoine culturel séculaire, cette littérature se trouve néanmoins peu explicitée, d'où cette modeste contribution.

Pour rendre le travail beaucoup plus efficient, j'ai fait recours à deux méthodes d'analyse. D'abord, l'ouvrage de Lucien Goldman, Pour une sociologie du roman14(*), semble édifiant en ce que l'oeuvre littéraire «  est plus que le simple produit d'une psychologie individuelle, elle doit être considérée comme la cristallisation cohérente d'une représentation du monde propre à un groupe social »15(*).

En effet, le véritable sujet de la création culturelle n'est pas l'individu. La genèse de l'oeuvre doit être cherchée dans les rapports qui lient l'individu à la collectivité. Par analogie, l'Honneur perdu est ancré dans le milieu qui l'a vu naître, puisqu'il est comme une introspection de la conscience du créateur et une exploration de l'univers qui y est décrit.

Ensuite, la sémiotique ou l'étude des signes s'impose, car l'analyse d'un roman déborde la sphère du sens apparent. Elle fait en plus appel au décryptage du cadre spatio-temporel qui, par exemple dans l'Honneur perdu, est fortement marqué par l'imagination du créateur.

L'analyse qui va suivre s'articulera autour de cinq chapitres au fil desquels il sera déterminé premièrement, la structure réaliste de l'Honneur perdu, comprenant le montage et la composition réaliste, dont les deux éléments de la structure permettent d'étudier le lien qui unit les vingt chapitres du roman. On constate au passage que le titre a également un intérêt particulier du fait de son adéquation au contenu. Dans la partie titrée réalisme et causalité, on s'intéressera surtout à l'analyse de la cohérence interne des parties dans l'oeuvre d'Amadou Ousmane.

Deuxièmement, il convient d'étudier la description sous la dimension d'Espaces fictifs et l'illusion réaliste. On va ainsi montrer la coïncidence du cadre spatial avec des lieux réels ou même l'imitation de Balzac à travers ses descriptions. Ce chapitre a également trois sous-titres énoncés en ces termes : espaces réels et description réaliste. Ici, il convient de mettre en évidence les lieux réels auxquels le romancier fait allusion. Tout de même la peinture qui y est faite réfère à la description réaliste, vu la vraisemblance qu'elle suscite.

Toutefois, les référents imaginaires nécessitent également une analyse, car ils abondent dans l'ouvrage en question et contribuent à sa compréhension. Par ailleurs, la description balzacienne permet de montrer l'influence du réalisme dans l'Honneur perdu.

Puis, la troisième partie est consacrée à la narration, d'où l'expression : Raconter le réel. On vise à rapprocher les faits romanesques à la réalité, le récit à l'histoire réelle. Ainsi, il convient de s'intéresser à l'emprise des faits réels dans l'Honneur perdu autant que l'objectivité narrative. L'énonciation permet en plus d'étudier la temporalité, le temps de la narration et le temps de la fiction.

Quant à la caractérisation des personnages, elle semble être calquée sur l'être humain, d'où l'intitulé Personne réelle et personnage romanesque. En effet, l'être fictif est non seulement le produit d'une société, mais également son langage exprime une identité.

La fin de l'analyse permettra quant à elle de voir l'idéologie et le style d'Amadou Ousmane, sous l'angle d'un observateur de la société. L'auteur de l'Honneur perdu a consacré son art et son savoir-faire à l'écriture journalistique. Par conséquent, ses romans en portent assez souvent les marques ; d'où la clarté et un certain automatisme dans le style, qui est à tout à fait proche de l'information événementielle. S'il apparaît en observateur de la société, c'est parce qu'il s'attache à critiquer les moeurs, les us et coutumes, vue avec un regard vigilent.

La thématique de l'Honneur perdu se rapporte essentiellement aux phénomènes sociaux qui ont caractérisé le Niger aux lendemains de l'installation de la démocratie. Il importe de dire qu'Amadou Ousmane a pris en considération l'histoire contemporaine, notamment l'avènement du multipartisme pendant les années 90, un type de régime qui est jusqu'à preuve de contraire, matière à débat.

C'est ainsi que le narrateur affirme : « Dans un pays où les gens vivaient dans la hantise des lendemains incertains ; où les travailleurs, toutes catégories confondues, étaient quotidiennement confrontés aux multiples aléas de la vie, à la montée vertigineuse des prix, à une incroyable crise du logement, à l'inorganisation des transports collectifs, à l'arrogance de petits patrons, à la grogne permanente des propriétaires de maisons, et des commerçants qui s'obstinaient à refuser tout crédit, `'la Déclaration du président'', dans ce qu'elle comportait de promesses de changement, fut en effet perçue par la quasi- totalité comme un le remède attendu à tous les maux de la société. »16(*)

Le récit tel que rapporté par le narrateur se résume ainsi : Le Général Okala, président du Bamoul, a assisté à un sommet des chefs d'Etat qui s'est tenu à la Baule17(*). Pendant ce temps, l'atmosphère sociale est très explosive car les leaders syndicaux ont engagé un mouvement pour l'avènement de la démocratie. C'est ainsi que les forces de l'ordre qui entendent restaurer le calme, n'y parviennent pas. On assiste par conséquent à un affrontement. Après avoir dispersé les manifestants, la police s'est livrée à leur persécution. On a ainsi enregistré quatre détenus et un mort, Doudou, qui est le secrétaire général de l'Union Nationale des Etudiants. Sa disparition a davantage tendu la l'atmosphère, durci le mouvement et suscité la tenue d'une conférence nationale.

Par ailleurs, le colonel Workou, préfet de Gariko, ancien ministre d'Etat, s'oppose farouchement à la démocratisation du pays, parce qu'il pense que le pouvoir est un honneur à garder rigoureusement.

Plusieurs officiers de l'armée supposent que la démocratisation du régime engendrera une certaine désobéissance civile et une tendance au désordre. On assiste donc à une crise politique entre partisans de l'ouverture du régime et ceux d'un statu quo. Si bien qu'il n y a plus de cohésion au sein de la classe dirigeante. Deux lieutenants colonels, Wako et Zebada fomentent un coup d'Etat que le colonel Workou réussit à déjouer. Contrairement aux nostalgiques de l'Etat d'exception, lui croit fermement à la nécessité de l'avènement d'un système politique nouveau, plus ouvert : le multipartisme.

En définitive, la situation politique et sociale explosive, avec en toile de fond une atmosphère porteuse du désir collectif de changement, a permis à la démocratie de voir le jour.

Chapitre I : L'Honneur perdu : Une structure réaliste

 
 

Cette partie est d'abord consacrée à l'analyse des éléments de l'économie romanesque qui renvoient à la structure. Ensuite, on y présentera le découpage concernant les parties et les chapitres de l'Honneur perdu. Puis, l'étude de la structure de ce roman prendra en compte le montage et la composition, deux procédés qui permettent de voir l'organisation des parties, le lien qui les unit, d'où le rapport de cause à effet.

Le roman d'Amadou Ousmane est une oeuvre structurée, divisée en chapitres, à la fois différents et complémentaires, au sens où ils forment un ensemble logique. En effet, on note une certaine cohésion au niveau de la succession des chapitres, au point où, le narrateur fait non seulement des projections dans le futur, mais procède également à des retours en arrière pour rappeler les idées de l'auteur.

De prime abord, on observe un prologue, à travers lequel le romancier récapitule les événements majeurs qui constituent la trame de l'oeuvre, sa structure même. D'ores et déjà, il débute par le voyage du Général Okala sur la Baule en vue d'assister à un sommet des chefs d'Etat. Mais il rejoint vite son pays à cause de la situation sociale délétère, qui s'est créée après lui, avec l'affrontement entre étudiants et forces de l'ordre, ayant abouti à la mort de Doudou, secrétaire général des étudiants. On note également la réaction de la société civile qui s'oppose au régime de Magama. Donc, en dehors de l'option de la démocratie adoptée par la réunion de La Baule, fait-il face aux pressions internes, avec les dignitaires même qui ne s'entendent pas au sujet de la démocratie.

I.1 Montage et compositions réalistes

Il apparaît que les chapitres de l'Honneur perdu étayent de façon logique les idées énoncées dans le prologue. Ils sont donc liés, puisque se rapportant tous à l'intrigue. Le premier chapitre intitulé L'Option, s'étend de la page 17 à la 24, le deuxième qui a pour titre l'officier tout terrain, ainsi que  la déclaration  (p.36-46) et  l'affrontement  (pp.47-50). Ces quatre chapitres évoquent le même thème. Ainsi, la situation de crise sociopolitique qui précède l'avènement de la démocratie y est développée de part et d'autre. Le colonel Workou remet en cause la décision du Général Okala. L'un désapprouve la démocratisation du Bamoul, parce qu'il est au pouvoir qu'il pense qu'il faut préserver et que, seuls les militaires sont aptes à gouverner ; alors que l'autre veut se conformer à l'aspiration de son peuple et de ses concitoyens. Malgré le refus du colonel Workou d'adhérer au multipartisme, le président Okala envoie des émissaires dans les régions, notamment à Gariko, pour prôner l'Etat de droit.

Pendant que les émissaires étaient à pied d'oeuvre, les organisations syndicales et la société civile en général, réagissent contre le pouvoir en place. Tandis que la mission envoyée par le gouvernement travaille à sensibiliser le peuple afin de comprendre la démocratie, les leaders syndicaux expriment leur désarroi du fait de la lenteur du processus. On constate alors des bouleversements sociaux à Magama, la capitale du Bamoul, ainsi que des luttes syndicales, de plus en plus violentes, au point où les étudiants parviennent à séquestrer le ministre de l'éducation nationale. C'est ainsi que la police les persécute, d'où la détention de cinq étudiants.

En juxtaposant les quatre premiers chapitres, Amadou Ousmane met en évidence un thème prépondérant du fait de sa récurrence dans son oeuvre romanesque : celui de la politique. L'Honneur perdu traite de l'avènement de la démocratie au Bamoul. Le découpage permet-il de dire que la structure du roman est de type réaliste ?

Mais, on remarque une emphase à propos de la controverse qui divise les dignitaires du régime au sujet du multipartisme. Le narrateur affirme en ces termes que : « la décision du général Okala d'engager son pays dans la voie du multipartisme et de la démocratie ne fit (...) pas l'unanimité ni au sein du gouvernement, ni dans les hautes sphères de l'armée où elle apparaît comme une vaste entreprise de liquidation de tout ce que l'armée avait fait de positif depuis tant d'années. »18(*)En fait, Amadou Ousmane s'inspire des faits réels, tels que le déclin du régime militaro civil des années 90 au Niger et les foyers de tension ayant abouti à l'avènement de la démocratie.

Par contre, le chapitre intitulé  le fils caché est un  renseignement exclusif sur Doudou. Il est le fils du colonel Workou et apparaît comme un militant engagé, en ce sens qu'il dénonce le pouvoir. On observe donc une certaine nuance entre ce chapitre et les précédents puisqu'il s'agit ici d'un thème accessoire relatif à la situation sociale d'un personnage. Malgré une telle nuance, il y a un lien de réciprocité qui les rapproche dans la mesure où le voyage de Doudou suscite une angoisse chez le politique. Tandis que le Colonel Workou fait obstacle au Général Okala quant à son projet d'instauration du multipartisme, son fils Doudou brise son espoir pour s'être opposé au régime militaire. Ainsi, on peut noter les pourparlers engagés par le gouvernement du Bamoul avec les étudiants afin de résoudre la crise sociopolitique représentant de ce fait, le noeud même de l'Honneur perdu. Le ministre d'Etat M Diboula lui, ne parvient à un consensus avec les syndicalistes qui réclament une amélioration de leurs conditions de vie, d'où la tension persistante.

La Cinzala  (pp.62-73) est un chapitre qui retrace les difficultés auxquelles font face les étudiants à la cité universitaire de Bamoul, ainsi que « la présence quasi permanente de la police dont la tâche n'est pas certainement d'assurer la sécurité des étudiant»19(*) affirme le narrateur.

Le huitième chapitre a pour titre  la convocation  et se rapporte à l'intrigue principale. Il est question des mouvements sociaux précédant le multipartisme qui apparaît comme un gage de liberté et d'équité, du moins pour Amadou Ousmane. Il faut dire que le personnage qui s'exprime revendique une autonomie en disant : « Nous sommes désormais en démocratie. Et la liberté de la presse est un des fondements de la démocratie. »19(*) Il accuse le régime de la museler et de la bâillonner. En conséquence, les médias s'exposent à la censure dès qu'ils s'opposent au pouvoir. Le journaliste Bello a été démis de ses fonctions pour avoir interviewé un des manifestants qui revendiquent l'Etat de droit.

Le chapitre 9 a pour titre Un taxi pour l'université  (pp.91-98). Il montre la vétusté du parc automobile de l'institution et les conditions de vie drastiques.

S'agissant du découpage, les chapitres suivants l'invitation, une si longue audiencel'aveu, puis, la  Parole d'un sage  et Un flic adorable, évoquent tous le voyage de Doudou Workou sur Gariko. Il est en effet invité par ses parents, notamment le colonel Workou, qui désire faire sa connaissance. Donc le motif de ce voyage est d'ordre familial. Ils veulent le persuader à renoncer au militantisme syndical. Après une discussion à huis clos, entre le colonel Workou, Akaya qui avouent leur culpabilité quant à leur passé commun, à savoir les conditions de naissance du jeune Doudou. Le père fait son mea culpa et reconsidère le jeune homme comme son fils légitime. Celui-ci passe du statut de paria à celui de prince quand le Colonel Workou le considère comme son fils : « dans un geste qu'il voulait paternel et chargé d'une tendresse longtemps contenue, le colonel lui tendit alors la main à cet enfant qu'il voyait pour la première fois d'aussi près. »20(*)

En fait, le narrateur nous montre que le simple fait de lui tendre la main n'est pas fortuit. Cela exprime toute sa considération à l'endroit du fils qu'il souhaite rencontrer depuis tant d'années.

Comme pour rassurer son interlocuteur, le préfet de Gariko continue en ces termes : « Tu es bien mon fils ! »21(*) Le point d'exclamation traduit ici toute la charge affective, l'émotion intense et la sympathie du père à l'égard de son fils. Il apparaît que le romancier introduit dans son oeuvre les péripéties, les histoires secondaires pour susciter l'envie de découvrir la suite du récit auprès du lecteur. A la stupeur de ses parents, Doudou réagit en leur disant : « Ecoutez (...) je ne voudrais pas vous décevoir (...) c'est là une chose impossible que vous me demandez. »22(*) Ainsi, il se montre ferme à propos de l'action syndicale, parce qu'il pense avoir déjà fait son choix.

L'intitulé, un flic adorable est un chapitre dans lequel le narrateur exprime le désarroi du personnage au cours de son voyage sur Magama. Doudou se rend compte alors du péril qui le guette, car un agent des services secrets lui a révélé qu'il est sur ses traces depuis dix jours pendant lesquels, il finit par comprendre que le voyage du jeune homme est véritablement d'ordre familial.

On peut dire ici que la situation se détériore, puisque le personnage est non seulement en désaccord avec sa famille, mais en plus, l'Etat de Bamoul le considère comme un anarchiste. Tandis que sa conscience s'ébranle et s'agite, l'atmosphère sociale se durcit dans la capitale. Doudou est également troublé par la persécution des leaders syndicaux à laquelle se livre la police.

Il apparaît une interdépendance entre le 15è chapitre rapportant le retour de Doudou à Magama et le suivant,  La chasse à l'homme, où il est question de la poursuite des militants de la société civile. On observe une confrontation entre les policiers et les étudiants. Il faut dire que Doudou rend l'âme dans ces circonstances, sous les coups des assaillants, le commissaire Zabari et deux hommes armés.

La mort de ce personnage est symbolique, en ce qu'elle a occasionné l'accélération du processus démocratique au Bamoul. C'est sans doute pourquoi Amadou Ousmane a superposé les deux chapitres en évoquant le même thème. Dans  le messager et les funérailles, il s'agit de l'envoi de deux émissaires chargés d'informer la famille d'Andilo et le Colonel Workou du décès de leur fils, Doudou.

L'auteur de l'Honneur perdu rapporte les faits romanesques avec une certaine impression du réel, d'où les actions des personnages visent à donner sens au récit. On remarque un autre fait qui confère à sa structure les spécificités d'un roman réaliste. Il s'agit la dépendance des deux derniers chapitres qui achèvent le roman. Ils représentent le dénouement, d'où le narrateur dévoile ainsi les idées maîtresses de l'auteur. «  J'ai décidé, annonça-t-il en appuyant sur les mots, à la lumière de tous les événements que nous venons de vivre ces derniers mois, et particulièrement ces deux derniers jours, de donner un coup d'accélérateur au processus démocratique. »23(*)

On constate que le bras de fer qui oppose les syndicalistes aux forces de l'ordre a non seulement engendré des pertes en vies humaines, mais il est en revanche à l'avant-garde de l'instauration de la démocratie. L'avant-dernier chapitre ou  la colère du président  traduit la compassion et la pitié du président Okala envers ses concitoyens victimes de l'affrontement. Par conséquent, la prise en compte du meurtre par le Général Okala exprime son réel attachement au droit des citoyens du Bamoul et son engagement en faveur d'un Etat de droit. On pressent dans cette partie qu'Amadou Ousmane nous prépare à l'action finale, d'où la mise en scène du personnage principal qui exprime tout son chagrin suite à la disparition de Doudou. Grâce à sa perspicacité et son expérience, le Général Okala se déculpabilise en découvrant les auteurs de l'homicide.

Il apparaît une logique dans la progression des idées, à travers les faits évoqués dans le roman. On voit ainsi la présence du personnage principal du début jusqu'à la fin de l'Honneur perdu. En amont, la crise sociopolitique qui sévit au Bamoul le contraint à y retourner. Il convoque ainsi un conseil des ministres pour débattre de la situation. En aval, les dernières pages de l'oeuvre révèlent l'idéologie de l'auteur qui est le multipartisme.

Enfin, le vingtième et, pratiquement, le dernier chapitre est comme son titre l'indique des Révélations car le Général Okala parvient à déceler les difficultés qui freinent l'instauration du système démocratique. S'il ignore les manoeuvres de ses collaborateurs, en l'occurrence les lieutenants colonels Wako et Zebada, le Colonel Workou déjoue quand même le coup d'Etat fomenté. Donc il croit aussi à la démocratie, malgré son opposition au début de l'oeuvre.

Le narrateur exprime en ces termes les convictions du préfet de Gariko : « Depuis deux ou trois ans, l'Afrique s'est résolument engagée dans un processus de libéralisation de la vie politique par l'organisation d'élections libres et démocratiques (...) Cette évolution doit se poursuivre et déboucher sur une démocratisation totale de la vie politique sur l'ensemble de notre continent. »24(*)

Vue sa volonté de créer l'illusion du réel, Amadou Ousmane place ses personnages dans la même conception des faits, au point où les personnages de conceptions politiques opposées aspirent presque tous au fond à un régime fondé sur le droit et le libre choix du citoyen. En fait, la volonté de l'auteur de l'Honneur perdu est de créer l'illusion du réel en rapport avec l'avènement de la démocratie qui est apparue au Niger dans un contexte tumultueux.

On peut déclarer, à l'instar du narrateur qu' « Il faut désormais oeuvrer résolument pour un changement dans la paix en tenant compte des nouvelles aspirations de nos peuples, par le multipartisme, le renforcement de l'Etat de droit et le respect des droits de l'homme. »25(*) On est de plain-pied dans le dénouement, une forme d'épilogue qui apparaît tel le reflet définitif des idées de l'auteur. Autrement dit, on y retrouve toute sa vision du monde, une société débarrassée de toute contrainte et coercition. Il importe de dire que ce chapitre est consacré à l'action finale, parce que le romancier entend intensifier l'apparence du réel.

Ainsi le découpage des parties est logique à cause de la progression des actions. Il ressort que le narrateur affirme le caractère irréversible et imminent du multipartisme : «  Je vous annonce que (...) l'armée va se retirer de toutes les institutions politiques où elle est encore représentée pour se consacrer désormais et exclusivement à sa mission originelle, celle d'une armée républicaine, c'est-à-dire garante de la stabilité des institutions. »25(*) On se rend donc compte que l'armée qui est la seule force à faire obstacle au régime démocratique a décidé, enfin de le faciliter ; d'où sa prise de distance vis-à-vis de la gestion du pouvoir.

En outre, l'Honneur perdu est à l'instar de Quinze ans ça suffit ! le premier roman d'Amadou Ousmane, une oeuvre dont la construction structurale est traditionnelle, comme en témoigne la succession linéaire des chapitres.

Elle permet de voir un ensemble de parties qui se récapitulent comme suit : de l'ouverture du roman jusqu'au chapitre 9, on peut l'appeler première partie, car il est question d'une entrée en matière dans l'histoire racontée, à savoir la crise sociopolitique au Bamoul ; ensuite le voyage de Doudou constitue la seconde partie et marque un apaisement de la situation explosive - c'est pendant ce temps qu'on a tenté de le convaincre à renoncer au syndicalisme - ; puis, l'autre partie permet de voir une résurgence de la violence, telle que la persécution des syndicalistes ; et enfin c'est la tenue de la conférence nationale.

L'étude de la structure de ce roman permet aussi de déceler la technique qu'utilise Amadou Ousmane dans la disposition des chapitres ainsi que l'organisation interne des thèmes basée sur la causalité.

En définitive, le montage et la composition font de l'Honneur perdu un roman à structure traditionnelle, c'est-à-dire que l'organisation formelle des chapitres est conforme à la récurrence du thème principal en leur sein. Toutes les péripéties, tel que le voyage de Doudou, la crise sociale... sont liées à l'avènement de la démocratie au Bamoul.

En conséquence, l'école réaliste naturaliste vers laquelle semble pencher Amadaou Ousmane entend « nous montrer la vérité, rien la vérité et toute la vérité.»26(*) Disons que la structure réaliste fait en effet de l'Honneur perdu un roman à travers lequel l'auteur recherche la vérité, ou du moins tend à la créer, d'où l'illusion référentielle qu'il suscite.

I.2 L'adéquation du titre au contenu

D'ordinaire, le titre d'un roman n'est ni fortuit ni gratuit. Au contraire, il reflète le choix de l'auteur qui lui confère un sens latent ou manifeste. Ainsi, celui d'une oeuvre peut être analysé tout naturellement ou revêtir une ambiguïté, c'est-à-dire résister à l'analyse, ou à tout rapprochement avec ce dont il va parler. Dans ce cas, sa compréhension nécessite la saisie totale du sens de l'ouvrage. Pour Henri Benac, le titre est : « Le nom, la désignation d'un livre ou d'un chapitre (...) d'une oeuvre artistique, etc. »27(*) On constate qu'il est d'une importance capitale au point où Benac l'assimile même à la dénomination et à l'identité même du livre, d'où le titre semble offrir une information sur le contenu global d'un roman, puisqu'il permet de découvrir l'intention de l'auteur.

En considérant l'Honneur perdu l'on étudiera le titre en rapport avec sa concordance au contenu. Il apparaît une nette ressemblance entre la désignation de cette oeuvre et le thème principal. Quelles connotations Amadou Ousmane en confère-t-il ? Le roman en question aborde la thématique de la démocratisation au Bamoul à l'issue de laquelle on note plusieurs mutations sociopolitiques ayant caractérisé le régime du Général Okala. C'est ainsi qu'il apparaît des foyers de tension çà et là, du fait que les syndicalistes réclament l'avènement du multipartisme alors que ceux qui détiennent les rênes du pouvoir s'y opposent. Une telle dissension donne à la titrologie de ce roman tout son sens par le fait que les dignitaires du régime tel que le colonel Workou pensent que le pouvoir est un honneur, voire un prestige qu'il faut sauvegarder scrupuleusement.

Dès lors, le titre l'Honneur perdu se focalise sur le statut de ce personnage qui répugne le système démocratique sous peine de perdre son poste. Pour le narrateur : « Lorsqu'au hasard d'un remaniement ministériel impromptu, le colonel Workou alors ministre d'Etat avait été relégué au rang de simple préfet, il avait d'abord très mal pris la chose. »28(*) Le pouvoir, ainsi que le fait de gravir certains de ses échelons est un privilège, un avantage sur lesquels se fonde l'honneur recherché par le Colonel Workou. Par contre la crise sociopolitique qui ébranle le Bamoul présage sa perte, une sorte de déclin.

On peut affirmer qu'il y a une adéquation entre la dénomination du roman d'Amadou Ousmane et son fond puisqu'il renvoie à l'histoire principale. En conséquence, il l'inscrit dans la perspective réaliste se fondant sur la coïncidence de ses éléments de la structure.

En outre, on remarque une généralisation du sens de l'oeuvre, au point où sa signification transcende la sphère d'un personnage, pour s'étendre à tous les dignitaires du régime. A l'exclusion du Général Okala, le chef de l'Etat, tous ses collaborateurs estiment qu'il faut, vaille que vaille préserver le pouvoir. C'est pourquoi l'énonciateur déclare en ces termes : « Persuadés que le président finirait, comme d'habitude, par leur donner raison, les officiers s'étaient alors quittés avec le sentiment que `'l'heure du multipartisme n'avait pas encore sonné'' pour leur pays. »29(*)

On remarque ici qu'Amadou Ousmane livre une information au sujet de certains politiciens de la IIè République du Niger qui, à ses yeux, ne veulent pas perdre les avantages que leur procure le pouvoir. Ils s'intéressent peu à la légalité. Vue l'harmonie qui lie la dénomination d'un roman au récit des faits, d'aucuns affirment que «  le titre peut jouer un rôle déterminant dans la signification de l'oeuvre. »30(*) En effet, le rôle que joue l'Honneur perdu, en tant que titre de roman est prépondérant car il offre un éclairage dans la compréhension globale du texte. Il est comme son résumé.

Amadou Ousmane emprunte dans son roman la technique réaliste, notamment au niveau de la structure, parce qu'elle est soumise à un ordre logique.

Tout de même, le titre de son oeuvre revêt une apparente ambiguïté plus ou moins perceptible à l'issue d'une approche rigoureuse. On peut dégager un second sens du titre lorsqu'on considère un autre personnage central du roman, en l'occurrence Doudou. Son statut social confère également à l'Honneur perdu tout son sens.

Ce jeune homme de vingt cinq ans recherche dès le bas âge l'identité de son père parce qu'il apparaît comme un enfant illégitime. Doudou recherche l'honneur ainsi que la dignité, parce qu'il est complexé, réduit parmi ses camarades, malgré sa responsabilité de représentant des étudiants dans la société.

C'est pourquoi, le choix de ce titre par Amadou Ousmane n'est pas anodin, mais une manière pour le rapprocher, sinon de l'assimiler au contenu du texte. Ainsi, le concept de l'honneur revêt chez lui une dimension à la fois socioculturelle et politique. Ainsi le narrateur nous met au courant, d'un dialogue de personnages qui oppose d'un côté, le Colonel Workou à son chef de cabinet, Fadel où l'on peut lire : «  Fadel jura dès cet instant-là de tout faire pour aider le colonel Workou à récupérer son enfant perdu. »31(*)

Il est question d'un enfant perdu qui, dans la perspective du roman met en lumière le bien fondé de l'Honneur perdu qui apparaît comme un titre non pas surprenant, ou déconcertant, mais clair, puisqu'il est intimement lié à l'évolution sociale et politique, thème phare du roman.

On peut rapprocher l'Honneur perdu d'un autre roman nigérien dont le titre s'identifie à l'histoire narrée. Le Représentant32(*) d'Idé Oumarou se focalise sur le personnage principal, Karim qui représente une circonscription. Celui-ci se sert de son pouvoir pour exploiter les pauvres citoyens. Siddo en est une illustration, car il l'a berné et exploité.

Les deux romanciers se contentent uniquement d'évoquer les termes `'honneur'' et `'Représentant'' sans volonté d'une quelconque explication. Ils incitent pareillement le lecteur à en dégager lui-même la signification. Ainsi, le narrateur affirme que «battant pour sa part tous les records de longévité à la tête de la circonscription, le successeur (le Représentant) de Fodé peut valablement se targuer d'être un jeune cadre bien noté (...). Il connaît aussi, par coeur, toutes les charges et tous les honneurs qui alourdissent, parfois, et parfois auréolent les fonctions de Représentant. » 33(*)En effet, l'auteur du Représentant se borne à critiquer les travers des institutions par le biais de son personnage dont le nom apparaît comme un titre honorifique, attribué à une haute personnalité.

De même que le titre du roman, l'Honneur perdu fait directement appel au contenu de l'histoire, les intitulés des chapitres en expriment aussi une adéquation. Cela est évident quand on considère quelques-uns, dans la mesure où ils évoquent soit l'intrigue principale, la perte du pouvoir par les militaires, soit les péripéties afférant à la condition sociale des personnages, tels que Akaya et même Doudou, son fils. En fait, '' l'officier tout terrain'' est le titre du second chapitre dans lequel on montre le colonel Workou comme un fervent opposant à la démocratisation de son pays. Il vise ainsi son propre son intérêt, son honneur, au détriment de l'intérêt général, contrairement au Général Okala. On constate que ce titre renvoie à la thématique développée, à laquelle il se conforme harmonieusement. Tout le long du chapitre, on ne parle que de lui : «  Le colonel Workou (...) aime les honneurs (...) l'argent (...) »34(*).

Dans le chapitre intitulé ''l'invitation'', Amadou Ousmane abonde également dans le sens de la conformité du titre au contenu, puisqu'il s'agit d'une réelle invitation à l'issue de laquelle le colonel Workou propose à son fils une bourse d'études au détriment du syndicalisme.

Au demeurant, il ressort que le titre d'un roman soit un élément clé dans l'analyse de sa structure, d'où l'intérêt porté à l Honneur perdu, qui se singularise par sa conformité, sa cohésion avec le contenu. En effet, le processus de démocratisation au Bamoul semble être un fait indéniable au point où des dignitaires du régime, à l'instar du colonel Workou s'en plaignent, parce qu'ils pensent perdre le pouvoir, l'honneur. Amadou Ousmane vise à rendre son récit romanesque vraisemblable. En conservant ainsi le titre il entend, à la manière de Sembène Ousmane « rester au plus près du réel »35(*). Chez l'auteur de L'Honneur perdu, la proximité au réel se dégage essentiellement dans l'harmonie du titre au contenu global de l'oeuvre, à savoir l'avènement du multipartisme à l'issue des bouleversements sociaux et politiques.

L'on peut également rapprocher le titre du roman qu'on analyse aux Forces vives36(*) d'Idimama Kotoudi, écrivain nigérien qui affirme que : « ...les forces vives battent maintenant campagne jusque dans les plus petits villages, mon ministère (de l'intérieur) enregistre chaque jour la naissance d'au moins un parti politique, deux syndicats et trois associations, celui de la justice reçoit chaque jour au moins trois plaintes contre le gouvernement, pour violation de droits de l'homme, abus administratif, etc. »37(*)

En effet, le roman de Kotoudi se focalise sur les actions des forces vives, leur combat en faveur de l'Etat de droit. Donc, il y a une adéquation entre le titre et le thème principal développé dans l'oeuvre. C'est pourquoi, on peut l'assimiler à l'Honneur perdu. De la même manière que le régime de la première République du Niger a inspiré les romanciers, l'avènement du multipartisme constitue aussi la trame de plusieurs récits. Ils relatent ainsi cet état de fait comme un rapport de forces entre les tenants du pouvoir et les militants syndicaux.

Le Témoin gênant est le titre d'un autre récit du romancier dans lequel il aborde la question judiciaire suite au meurtre de Miki, un jeune mécanographe à la Banque Internationale pour l'Afrique Occidentale (BIAO) qui constitue de ce fait, un observateur importun pour El Hadj Mai Ajiya, un caissier de ladite banque. Celui-ci est auteur d'une malversation financière et craint d'être dénoncé par son collègue. Voilà pourquoi il le fait tuer. Tel est le sens de ce titre.

En fait l'adéquation du titre d'un roman à son contenu renvoie à la littéralité, son degré d'exactitude avec l'histoire narrée. Et on peut noter en ce sens le réalisme d'Amadou Ousmane dont l'objet est de créer une harmonie entre le fond et la forme.

En conséquence, la dénomination de l'Honneur perdu est pareille au résumé de l'oeuvre. C'est pourquoi, on observe un rapport de cause à effet qui lie intimement les personnages selon leurs actions.

I.3 Réalisme et causalité

Le roman réaliste se distingue par sa structure qui s'appuie principalement sur la causalité. Elle est le rapport unissant les différentes parties ou les chapitres. En effet, ce lien n'est autre qu'un choix narratif et descriptif émanant de l'auteur. Fondamentalement, le romancier s'inspire de la société qu'il s'engage à peindre dans ses réalités abstraites, tels que les lieux et le temps, voire même concrètes, notamment les êtres, les personnes qui sont représentées ainsi par les personnages. C'est ainsi que l'étude de la causalité dans l'Honneur perdu permet de dire que les actions aussi bien le statut des personnages ne sont pas banals. Au contraire, ils permettent de voir une certaine logique, au point où l'action posée au premier chapitre aura comme conséquence l'action ultérieure. Ainsi, on peut dire avec le narrateur qu': « Il (le Général Okala) commença d'abord par démissionner de ses fonctions de président honoraire du Parti Unique, se déchargea de son titre de Ministre de la Défense, et ordonna à l'armée de se retirer désormais en dehors du jeu politique. Il créa ensuite par décret une commission nationale de concertation sur la démocratisation. »38(*)

En effet, le passage précédent est non seulement en harmonie avec `'l'Option'', le premier chapitre du roman dans lequel on rapporte l'engagement du Général Okala en faveur de l'Etat de droit. Donc sa démission ne fait que concrétiser ce choix, mais encore les dernières pages laissent voir l'effectivité de sa prise de position.

L'étude de la structure d'un roman réaliste nécessite d'analyser de près la causalité. On fait allusion ici au rapport entre les diverses parties tant dans la narration des faits qu'au niveau de la chrono linéarité. En fait, on constate que la causalité est un principe sur lequel se fonde le fait que tout événement romanesque s'inscrit dans un espace précis et ce, à un moment donné, car chaque phénomène a une cause.

Chez Flaubert, on retrouve également cette technique réaliste dans l'agencement des actions. Dans son roman Madame Bovary par exemple, le suicide du personnage principal est la conséquence des actes posés. En effet, Mme Bovary est une jeune femme très passionnée et amoureuse de son amant au détriment de son mari. Néanmoins, elle finit par se rendre compte de l'impossibilité d'assouvir certains fantasmes, d'où les remords. Le monde imaginaire et fantasmagorique qu'elle s'est créé avec ses lectures apparaît de plus en plus comme un horizon de chimères, qu'elle finira par abandonner, avec le suicide, qui est la consécration de la rupture entre la réalité et ses rêves. Une mort symbolique du héros, qui consacre l'oscillation sans cesse entre réalisme et romantisme dans l'écriture de Flaubert. Un peu à la façon de la mort symbolique du Père Goriot de Balzac ou, plus près de nous, de celle Samba Diallo de Cheick Hamidou Kane dans L'Aventure Ambiguë qui, après maintes pérégrinations entre les deux cultures, africaine et française, n'est plus capable de redevenir un diallobé, de s'adapter à sa société d'origine, se fait assassiner par le fou pour avoir refusé de prier.

Le roman réaliste se spécifie aussi au niveau de la structure par la disposition linéaire des chapitres. Dans le fond ils expriment une certaine causalité, une relation à même de créer la cohérence interne, d'où les phrases, les paragraphes, ainsi que les parties renvoient à la thématique.

A la différence de la structure externe d'une oeuvre, relative au découpage et à la succession des chapitres, la causalité est afférente à la structure interne puisqu'elle lie logiquement les actions des personnages. C'est ainsi qu' « avec l'établissement du roman de la réalité et la définition conséquente du personnage par la situation spatio temporelle, le principe de causalité devient une motivation narrative majeure apte à dessiner les liaisons antirhétoriques et assumer la parenté crédible des objets de référence. »39(*) Partant de cette définition, nous pouvons dire que le principe de causalité est, à priori un élément spécifique au roman réaliste. Autrement dit, le roman qui prône la vraisemblance des faits. En plus, on peut affirmer que le rapport de cause à effet permet aussi d'intensifier l'effet de réel.

Il convient également de dire que l'Honneur perdu, à l'instar du roman balzacien se focalise sur la causalité tant au plan spatio temporel, qu'au niveau du traitement des personnages à travers leurs attributs. Dans l'oeuvre d'Amadou Ousmane, on remarque que les lieux évoqués se recoupent réciproquement, et les actions se déroulent à Magama tout comme à Gariko, qui apparaît telle une extension du premier cadre spatial, puisqu'il s'agit du même pays, le Bamoul.

Quand on considère les personnages, ils forment un univers. Ses aspirations semblent divergentes, ce qui explique la contradiction au plan organisationnel, politique et syndical. En conséquence, on observe une certaine causalité ou le rapport de cause à effet renforcé au regard de l'uniformité de l'histoire. C'est pourquoi, dans l'Honneur perdu, les adjuvants et les opposants semblent liés par un même fait. L'aspiration à un régime multipartite fait l'objet de leur dissension.

En somme, les chapitres de l'Honneur perdu se présentent sous la forme d'un rapport logique. La narration des faits permet de voir l'éclatement du thème principal le long du roman. Ainsi le processus de démocratisation du Bamoul donne lieu à la tenue d'une éventuelle conférence nationale.

Chapitre II : Espaces fictifs et illusion réaliste

 
 

La représentation des lieux est déterminante dans l'étude d'une esthétique romanesque. L'espace est en effet, le cadre où se déplacent les personnages ainsi que leur univers d'action. Il convient de considérer, premièrement les lieux réels, c'est-à-dire existants et, dans un second moment, les lieux imaginaires. Qu'il s'agisse des uns ou des autres, l'auteur essaie de les rendre beaucoup plus subtils. Le roman réaliste se particularise par une description abondante des lieux et espaces avec une certaine minutie en vue de donner l'illusion du réel. Il y a lieu d'évoquer dans cette partie les repères spatiaux qui renvoient à des espaces réels c'est-à-dire connus ou localisables.

II.1 Espace réel et description réaliste

En lisant l'Honneur perdu on se rend compte que l'auteur fait référence à des lieux réels, des villes existant dans la réalité. Il est un imitateur de Balzac qui dans son roman le Père Goriot décrit Paris : «  Un des privilèges de Paris, c'est qu'on peut y naître, y vivre, y mourir sans que personne fasse attention à vous.»40(*) En effet, l'image de Paris telle qu'on la représente est l'effet d'un constat. Elle apparaît après les obsèques du père Goriot pendant lesquelles deux personnages seulement y ont pris part, à savoir Eugène de Rastignac, un étudiant et son camarade Christophe. La peinture que fait l'auteur de Paris est empreinte d'ironie, du sens de l'exagération et même de l'hyperbole, à la manière de la description de la pension Vauquer, dont nous en parlerons plus tard.

Il procède ainsi pour décrire les lieux réels. Dans le fond il s'agit d'une ville réelle mais travestie par l'imagination du romancier. Pour lui, elle est un lieu asocial où les valeurs humaines se sont effondrées. A la mort du personnage, il n'y a ni faste ni cortège funèbre, ni repas, pour paraphraser le narrateur. Et même ses filles, la Vicomtesse Anastie de Restaud et la Baronne de Nucingen encore moins ses gendres n'y ont assisté.

On remarque que la description d'un espace concret a pour finalité la satire ou la critique des tares qui y prévalent. Chez Amadou Ousmane, on note une description sommaire d'espaces réels sans qu'il ne fasse des détails. On évoque principalement leurs noms. Tout d'abord, on peut rappeler La Baule, ville française dans laquelle s'est tenu un sommet qui a vu la participation du Général Okala. Ensuite, le Canada est évoqué suite à la promesse d'une bourse d'études par le colonel Workou à son fils Doudou.

Par ailleurs, certains romanciers privilégient la description réaliste, parce qu'ils représentent un espace tout en accroissant l'apparence du vrai. Ainsi, lors de la rencontre du colonel Workou avec l'étudiant, «  ils roulèrent encore quelques minutes dans le dédale des petites rues encombrées et sinueuses de ce quartier des Tanneurs, populeux et mal éclairé. Puis ils s'arrêtèrent dans une sorte d'impasse, juste devant une modeste concession où se trouvait enfin une bâtisse crasseuse, au toit de tôle et aux murs lézardés »41(*).

Ce passage descriptif est réaliste car il met en évidence un espace modeste, un taudis, un bidonville en l'occurrence. Il se spécifie par ses voies assimilables aux labyrinthes, les maisons sont également vieillissantes. Il faut dire que la fonction de la description transparaît dès lors que l'auteur donne l'impression de voir un univers quelconque. La densité est ainsi très forte et les conditions de vie sont épouvantables. En conséquence, l'évocation de l'espace réel et la description réaliste d'un lieu fictif s'assimilent dans ce roman, car l'un et l'autre sont vraisemblables.

On ne peut de ce fait croire leur existence réelle. Il convient d'affirmer avec le narrateur « Figurez vous qu'ils (les étudiants) ont l'intention de déclencher, dès la semaine prochaine, une série de manifestations à travers tout le pays, pour revendiquer une conférence nationale ! A l'instar de ce qui s'est passé chez nos voisins du sud. »42(*) Le lieu qui ressort ici est principalement le «sud » et il peut référer géographiquement au Bénin, pays limitrophe du Niger qui a presque connu une expérience similaire, avec une crise sociopolitique, qui a débouché sur une conférence nationale, avant celle du Niger.

Ainsi, l'évolution du Bamoul, référent textuel du Niger vers le multipartisme est un phénomène général, puisqu'il concerne plusieurs pays. Cela tend à intensifier l'apparence du réel. Dans le même sens, on peut évoquer la coopération Sud/Sud, un espace réel, car les pays du sud représentent un référent qui désigne le Tiers-monde, l'Afrique, les Etats latino américains et une partie de l'Asie.

En outre, la description dans L'Honneur perdu déborde le cadre du réel. Elle n'est donc pas simplement un décor, mais aussi un ornement esthétique propice à l'évasion. Le romancier lui confère une fonction dans le déroulement de l'histoire, elle devient une pause ralentissant le cours du récit. « La mission  chargée de sillonner la sixième région, constituée d'une longue caravane de véhicules, arriva dans un nuage de poussière, un matin aux portes de Gariko. Elle fut reçue avec flûtes et tam- tams, enfants des écoles et même quelques cavaliers rangés en haie d'honneur à l'entrée de la ville selon un rite devenu immuable... »43(*). En effet, l'intrigue principale ou l'évolution du Bamoul vers le multipartisme n'est pas peinte selon un tableau descriptif fixe, mais ambulatoire, car on observe un déplacement d'un espace à un autre, de Magama, la capitale à Gariko, il y apparaît plusieurs décors. Il semble que les personnages d'Amadou Ousmane étaient en mouvement au regard de la séquence descriptive. C'est ainsi qu'ils expriment leur engouement pour le l'avènement du multipartisme.

L'évocation d'un lieu réel sous une peinture réaliste apparaît dans le deuxième roman d'Amadou Ousmane, le Nouveau juge, où il décrit le puits en ces termes : 

« ...au village, le puits est le principal point de ralliement de toutes les femmes. C'est là que se colportent les ragots les plus invraisemblables, les nouvelles les plus insensées. C'est là que se transmettent de bouche à oreille les petits faits et méfaits de la vie de tous les jours des petits villages. Plus que tout lieu, le puits est dans le village un carrefour privilégié de la communication. Il est aux femmes ce que l'arbre à palabre est aux hommes. »44(*)

Le même type de description est faite au sujet de la nomination du personnage principal, Ali Yobo comme président du tribunal de première instance de Dadin Kowa. Par ailleurs, sa propre mère a appris la nouvelle au puits, d'où la vraisemblance de la peinture du romancier. Le lieu décrit n'est pas précis car il s'agit d'une généralité, mais on peut admettre son caractère réel. La description est pour l'auteur du Nouveau juge comme une expression d'un espace réel ou réaliste, référant donc à un milieu physique ou y renvoyant.

En somme, l'évocation de l'espace réel est travaillée par l'imagination de l'auteur, ce qui donne lieu à une description réaliste, le but ainsi visé est la vraisemblance.

II.2 Référents imaginaires

D'ordinaire, le roman réaliste se particularise par la clarté de l'histoire narrée, ses personnages beaucoup plus proches des personnes réelles se déplaçant dans un espace. Les référents spatiaux sont décisifs dans l'étude d'une oeuvre, d'où l'intérêt de la description et plus précisément les référents imaginaires.

L'Honneur perdu est ponctué de séquences descriptives. Ainsi, on note des tableaux d'où se dessinent une panoplie de lieux, voire même d'espaces issus de l'imagination d'Amadou Ousmane. Dès lors, on peut dire qu'il a donné libre cours à sa faculté créatrice en décrivant les espaces dans le roman. Le nom même du lieu également exprime le romanesque. Tout d'abord, on a le Bamoul, pays imaginaire qu'il décrit en référence au Niger, bien qu'il n'y ait pas de rapprochement explicite dans l'oeuvre.

L'espace imaginaire est peint avec réalisme, d'où l'illusion du réel que suscite l'Honneur perdu dans la description des lieux malgré leur caractère fictif. Il apparaît que le propre du romancier n'est pas d'offrir une image réelle d'un lieu, d'un univers, mais il vise à le recréer, d'où la notion de référent imaginaire. C'est pourquoi, la dimension imaginative d'une description n'entache en rien son aspect réaliste, la vraisemblance du lieu ou l'apparence qu'il a vis-à-vis de la réalité.

En ce sens, on observe la description d'une ville  en ces termes : «  Gariko, capitale régionale, et deuxième ville du pays, métropole surpeuplée et centre nerveux de l'économie, n'était pas le lieu idéal pour les vacances. »45(*) Il faut dire que le terme `'Gariko'' dérive d'abord du substantif `'Gari'' qui désigne une ville en haoussa, langue maternelle du romancier, ensuite le suffixe `'Ko'' peut être une interrogation, une question signifiant  « n'est-ce pas ? » Littéralement, Gariko veut dire `' la ville, n'est ce pas ?'' La question mérite d'être posée, puisque la dénomination semble ambiguë non seulement chez Amadou Ousmane qui suggère un sens, mais également le lecteur qui ne cesse de se demander où se situe Gariko.

En effet, il s'agit d'une ville ou du reste, un référent imaginaire tel que voulu par l'auteur, non pas pour dérouter, mais susciter la réflexion. Donc, il invite le lecteur à se représenter lui-même cet espace romanesque. Pour lui, la ville de Gariko importe aussi bien que Magama dans la mesure où elle incarne le refus de l'avènement du multipartisme à travers le colonel Workou. C'est ainsi que les missionnaires y ont séjourné. En conséquence, on entend rendre plausible l'implantation de la démocratie, d'où le rôle de ce référent spatial dans le déroulement de l'action.

Par ailleurs, la description d'un espace imaginaire est rendue sensible aux yeux du lecteur à travers l'impression visuelle qui donne à voir l'objet ou le cadre représenté, telle est la conception de Jean François Marmontel, un encyclopédiste qui dit que « si la description ne met pas son objet sous les yeux, elle n'est ni oratoire, ni poétique, les bons historiens eux-mêmes comme Tite Live et Tacite, ont fait des tableaux vivants. »46(*) En effet, la description doit susciter l'illusion de voir en rendant le cadre spatial merveilleux tout en accroissant le goût de lire. Dans le Guide des idées littéraires d'Henri Benac, on remarque cette même fonction de la description qui consiste à faire voir et comprendre en stimulant l'impression de couleur et beauté.

Dans le roman d Amadou Ousmane également, on observe de référents imaginaires comme Gariko avec des quartiers tel que `'le quartier des tanneurs'', `'une gare'', `'une villa d'hôtes',' où il a été prévu d'acheminer Doudou avant de rencontrer le colonel Workou. Cependant, il choisit `'la partie basse'', un autre quartier de Gariko dans lequel vit sa mère, Akaya. Ce choix du jeune étudiant est une preuve d'humilité et de modestie. On remarque ainsi le procédé du contraste hérité des romanciers réalistes consistant à faire une peinture sociale, satirique. Il fait non seulement ressortir la misère du'' quartier des tanneurs'' mais également tout le confort de `'l'hôtel' et la `'villa d'hôtes''. Ainsi l'auteur peint son espace à la manière de Ferdinand Oyono dans le Vieux nègre et la médaille47(*) à travers l'image miséreuse du quartier indigène en face de l'opulence de la résidence des Blancs.

L auteur de l'Honneur perdu confère à la description une fonction symbolique. Donc au delà du tableau décoratif qu'il dresse, une information y est suggérée : 

«  Il se mit à pleuvoir sur Gariko. Mais c'était une pluie fine et bienfaisante qu'accompagnait un vent léger. Les rues étaient désertes. Seuls quelques taxis infatigables flânaient à la recherche d'hypothétiques clients. Les essuie-glaces de la puissante Mercedes balayaient, dans un bruit sec et régulier, les feuilles mortes et les gouttes d'eau qui venaient s'écraser sur le pare-brise couvert de buée. »48(*)

La fonction symbolique de la description peut être liée à la pluie bienfaisante qui traduit la rencontre de Doudou avec son père. D'abord, le but de cette rencontre est de l'amener à renoncer au syndicalisme. Ensuite elle traduit la reconquête de l'honneur pour le jeune militant car elle donne lieu à l'aveu ou la reconnaissance de la paternité. En conséquence, la description du lieu où se déplacent ces personnages est métaphorique. Le décor est idéalisé. Ainsi, on a ''la puissante Mercedes'' qui s'oppose aux `'taxis infatigables''.

Il faut dire que le descriptif dans ce roman a une fonction narrative, puisqu' il est en rapport avec l'intrigue. L avènement du multipartisme et de la démocratie apparaît comme un fait plausible, parce que les deux personnages antithétiques semblent réconciliés, le militaire Workou et le leader des étudiants.

Par ailleurs le terme Magama qui désigne la capitale du Bamoul fait penser à Niamey, capitale du Niger. Il revêt également une connotation linguistique. En haoussa, il signifie un carrefour, une sorte d'embranchement où se croisent plusieurs voies, plusieurs personnages, plusieurs communautés. Ce référent quoiqu'il soit imaginaire est réel en apparence vu sa position car il est situé au coeur du pays.

D'un autre point de vue, le réalisme d'Amadou Ousmane procède dans la représentation de faits vécus, mais peints dans un décor exclusivement imaginaire, donc renvoyant à sa faculté créatrice. Entre autres espaces imaginaires, on peut citer Tambo, un point situé sur la voie Gariko- Magama. Il y a également les plaines de Kadiago sans qu'il n'y ait une référence précise. L'imprécision du lieu, loin d'accroître la dimension fictive augmente cependant l'impression de voir, grâce à la peinture réaliste.

Pour Pierre Fontanier « la description consiste à exposer un objet aux yeux, et à le faire connaître par le détail de toutes les circonstances les plus intéressantes. »49(*) Il importe de dire que l'enjeu de la description n'est pas de représenter uniquement un espace réel ou imaginaire, mais de le peindre de manière à créer la vraisemblance. Pour intensifier l'illusion référentielle quant au lieu décrit, le romancier multiplie les espaces fictifs. C'est le cas de l'université de Magama qui symbolise le paroxysme du militantisme syndical. Elle a aussi un campus surnommé la Cinzala à cause des conditions de vie difficiles qui transparaissent à travers la description du narrateur.

En effet, il dit qu' « on se serre à deux sur un lit d'une place (...). Ainsi va la vie à la Cinzala, surnom affectueux que les étudiants avaient donné à leur jeune et pittoresque université, par sympathie pour les nègres planteurs de canne à sucre du Brésil, aux `'temps heureux de l esclavage''. »50(*)

Au regard de cette peinture, on se rend compte que le lieu est modeste et que les personnages qui y vivent représentent une couche sociale défavorisée. Au demeurant, la description, telle que la conçoit Amadou Ousmane, se base sur un référent imaginaire mais exprime le réel. Dès lors, l'espace apparaît plus visible, d'où le but décoratif et ornemental de la description.

II.3 De la description balzacienne

L'un des représentants de l'esthétique réaliste est le romancier français Honoré de Balzac, connu à travers les descriptions foisonnantes dans ses oeuvres, Il s'attache à rendre visible les objets et les personnages qui évoluent dans l'espace. A posteriori, l'observation de la société incombe au romancier, puisqu'il tente d'en faire une peinture fidèle, c'est ce qu'on entend par description balzacienne. En effet, il s'agit d'un travestissement du réel, une représentation déguisée en vue de susciter l'apparence de la vérité.

Dans les Chouans51(*), Balzac offre un tableau descriptif illustratif au regard du premier chapitre intitulé  l'embuscade. Elle est une longue peinture au travers de laquelle l'auteur expose les chouans, les insurgés royalistes majoritairement représentés par les paysans contre les Républicains. Le romancier offre une vue au moment de leur déplacement.

« Du sommet de Pellerine apparaît aux yeux du voyageur la grande vallée de Couesnon, dont l'un des points culminants est occupé l'horizon par la ville de Fougères. Son château domine, en haut du rocher où il est bâti, trois ou quatre routes importantes, position qui rendaient jadis une des clés de la Bretagne... De toutes parts, des montagnes de schistes s'élèvent en amphithéâtres, elles déguisent leurs flancs rougeâtres dans des forêts de chênes, et recèlent dans leurs versants des vallons pleins de fraîcheur. »52(*)

En effet, les chouans ont quitté Fougères, qui représente le point de départ, en traversant une région montagnarde, avec une forêt dense, bref un lieu propice à l'embuscade. Il semble que la description balzacienne vise à «  représenter ce qui se situe dans l'espace. Elle est souvent introduite par des verbes de perception et se reconnaît à la présence d'éléments visuels (couleurs, formes, volume), des repères spatiaux, des verbes d'état, des qualificatifs de caractérisation. »53(*) Dans ce passage balzacien, on note en effet la présence d'éléments visuels entre autres : `'grande vallée'', `' l'horizon'' qui forment le descriptif tout en accroissant la dimension, du ''voir'' ou même du `'sentir''. Ainsi, la mise en exergue des indicateurs d'espace tels que `'Du sommet `', `'en haut'', `'de toutes parts'', etc. crée l'illusion réaliste, celle de voir le lieu décrit.

Nonobstant l'exposition du cadre spatial dans lequel apparaissent d'innombrables personnages, selon un tableau descriptif étendu, la description telle que la conçoit Balzac n'est pas seulement synonyme de détails. En fait, elle est basée sur l'observation du réel que l'auteur s'efforce de recréer, d'où la vraisemblance du lieu décrit.

Quand on considère l'Honneur perdu, il est au plan descriptif une imitation de l'auteur des Chouans, car les lieux peints semblent être une photographie du monde réel. On remarque dans le passage suivant son attachement au modèle descriptif balzacien :

 «  Située en plein coeur de la ville, dans un immense parc entouré de grands arbres centenaires, la préfecture de Gariko est un vaste domaine de plusieurs centaines d'hectares.

L'immeuble lui-même compte des dizaines de bureaux dans lesquels travaillent quelques centaines d'employés de tous grades et de toutes catégories : commis aux écritures, techniciens, ouvriers, chauffeurs, manoeuvres, secrétaires-dactylos, etc.

L'endroit s'apparente à une véritable ruche où s'affairent toutes sortes de visiteurs. » 54(*)Quand bien même, il s'agit d'un espace fictif, Amadou Ousmane peint Gariko en suscitant l'impression de vérité. Le cadre ainsi décrit est vaste avec `'plusieurs centaines d'hectares''. Dans la perspective de la description de l'extérieur du lieu, on se rend compte qu'il est parsemé `'d'arbres géants'', il apparaît également un immeuble où travaillent plusieurs personnes. L'objet du romancier est non seulement d'imiter un milieu réel auquel il rapproche l'espace décrit, c'est-à-dire la préfecture de Gariko, mais également l'image qu'il offre est telle une recréation d'un vrai décor.

Pour Gérard Genette : «  On sait que la rhétorique traditionnelle range la description, au même titre que les autres figures de style, parmi les ornements du discours : la description étendue et détaillée apparaît ici comme une pause et une recréation dans le récit, le rôle purement esthétique, comme celui de la sculpture dans un édifice classique. »55(*)

A ce niveau, sémioticien Genette exprime le rôle décoratif de la description, en ce qui concerne l'impression visuelle consistant à faire voir et la fonction ornementale qui vise à créer les images telle que l'hyperbole `'un immense parc'', la comparaison :''s'apparente à une véritable ruche'', pour donner l'impression de beauté.

Si la description est comparée à une figure de rhétorique, c'est parce que le romancier peint l'espace en créant un suspense, une pause qui donne une impression de beauté. Abondant dans le même sens, on peut affirmer que  «  la description correspond à une pause dans le récit : elle interrompt le cours de la narration, et dans un récit au passé l'imparfait remplace le passé simple. »56(*) En effet, l'emploi de l'imparfait et le présent de l'indicatif ont la valeur d'exprimer la simultanéité, un fait d'ordre général dans le but de renforcer la vraisemblance. C'est ce qui ressort dans le passage : 

«  Midi allait sonner à la grande horloge de la poste centrale de Gariko. Accoudé à la fenêtre vitrée, largement ouverte de son bureau situé au dernier étage d'un immeuble planté comme, un joyau dans un écrin, en plein coeur de la grande ville, le colonel Workou, préfet de la sixième région (...) contemplait sa rutilante Mercédès noire(...). »57(*)

Là, on insiste même sur les objets. Ainsi, il apparaît une `'horloge'', une `' fenêtre'' et une `'Mercédès'' en vue de les mettre en valeur. Ce qui explique le confort du milieu vu de l'intérieur.

La description balzacienne se particularise par le fait qu'elle est parlante, dans la mesure où elle est destinée à faire voir, à montrer, car il la veut fidèle à l'espace réel. D'aucuns n'ont pas hésité à reconnaître que «  La description balzacienne est explicable, sémiotisable. »58(*) Autrement dit l'espace décrit, ainsi que les objets apparaissent comme des signes qu'on peut décrypter. C'est le cas de la pension Vauquer, un lieu modeste et délabré, en raison de la misère des personnages qui y vivent, comme le père Goriot. La misère de la pension annonce celle des pensionnaires, tout comme celle de ces derniers est évocatrice de l'état de la pension, lui-même résumé par le portrait succinct de Mme Vauquer dressé par l'auteur.

Comme le dit si bien Genette quand il affirme que « la seconde grande fonction de la description (...) parce qu'elle s'est imposée, avec Balzac, dans la tradition du genre romanesque, est d'ordre à la fois explicatif et symbolique : les portraits physiques, les descriptions d'habillements et d'ameublements tendent, chez Balzac, et ses successeurs réalistes à révéler et en même temps la psychologie des personnages dont ils sont à la fois signe, cause et effet. »59(*)

En effet, le portrait des personnages, aussi bien que la peinture du mobilier, interviennent dans la description balzacienne. Elle a deux fonctions chez G. Genette, d'une part, les objets donnent une certaine explication de l'espace représenté en suscitant une interprétation métaphorique. On peut l'illustrer à travers le portrait d'un personnage : « Le colonel Workou était assis à son bureau au fond de la salle, comme vissé à son fauteuil, dans une attitude qui force le visiteur au respect. Vêtu d'un boubou blanc immaculé et coiffé d'un bonnet assorti aux couleurs du pays. »60(*)

Le portrait que donne Amadou Ousmane du personnage exprime d'abord son statut social, la grandeur. Ensuite sa façon de s'asseoir est symbolique. Elle force le visiteur au respect.

La description balzacienne telle qu'elle apparaît dans l'Honneur perdu donne l'impression de voir l'espace peint et le portrait des personnages leur confère une réalité. En conséquence, le romancier devient le peintre du monde réel en apparaissant comme Balzac pour avoir dressé un tableau presque fidèle de la société de son temps. Pour lui «  décrire les lieux, l'habitat, le mobilier, c'est déjà parler des hommes puisque leur cadre de vie est la représentation matérielle qu'ils donnent à leur pensée. »61(*) Il y a de ce point de vue une ressemblance entre la représentation de l'espace et la caractérisation d'un personnage, car ils concordent au regard du sens. L'image que l'auteur de l'Honneur perdu offre à travers le portrait d'Akaya, la mère de Doudou illustre la conformité du lieu à celui qui y vit, lorsque Fadel, l'ami du colonel Workou arrive. Il la voit « dans l'enclos, en train de donner à boire à ses moutons, lorsqu'elle aperçut (...) Fadel, dans sa concession. »62(*)

Au-delà du caractère imaginaire de cette séquence descriptive, elle est réaliste, car le lieu est vraisemblable. La modestie de l'espace coïncide avec le statut du personnage. En effet, Akaya tout comme son mari Andilo, un agent de sécurité est indigente. Au contraire, le colonel Workou a le niveau de vie qui semble confortable, ce qui prouve l'illusion du prestige dans l'espace où il vit.

En définitive, le réalisme chez Amadou Ousmane ne se focalise pas dans la peinture d'un lieu existant. Il y a l'harmonie entre l'homme, sinon le personnage, et son milieu. Idé Oumarou, l'auteur de Gros plan se base sur un lieu connu pour procéder à sa description : « Niamey. (...) le soleil, fatigué, plonge en rougeoyant dans les profondeurs obscures de l'horizon (...). L'air sec. »63(*)

En conséquence, la description a plusieurs fonctions selon Gérard Genette qu'on retrouve chez Balzac et même l'auteur de l'Honneur perdu. Ainsi elle crée non seulement la beauté mais également explique l'espace représenté.    

Chapitre III : Raconter le réel

 

La narration est le fait de relater un récit, une histoire. Le roman réaliste se spécifie au plan narratif par la linéarité, les faits sont ainsi rapportés chronologiquement. Quoiqu'il soit une oeuvre d'imagination, on remarque une forte influence des faits réels car le vécu quotidien constitue la source d'inspiration D'abord, il convient d'analyser L'honneur perdu sous l'emprise des faits réels, plus précisément on présentera succinctement l'économie de ce roman et de l'histoire qui réfère à la réalité sociale. Ensuite, on s'intéressera au « roman miroir »  ou même l'objectivité narrative, c'est-à-dire que l'évocation des faits fictifs rappelle dans une certaine mesure la technique narrative de Stendhal dans son oeuvre le Rouge et le noir. Et puis, il y apparaît une vraisemblance au regard du temps, la période à laquelle fait allusion le narrateur et le référent temporel. On établira de ce fait un rapport d'analogie entre la notion du temps pris dans son acception historique et le temps narratif.

III.1 Le roman sous l'emprise des faits réels

Pour étudier l'emprise du réel dans un roman, il importe de rapporter succinctement les faits. Ainsi on peut faire l'économie du récit de même que le rappel de certains faits marquants. Ils constituent la trame du roman d'Amadou Ousmane. C'est pourquoi il y a lieu de les mettre en rapport avec l'histoire romancée en vue de démontrer leur coexistence.

A travers cet article de Diado Amadou, romancier et journaliste nigérien, on se rend compte que : 

« L'ancien président de la République, le Général de corps d'Armée, Ali Saibou est sans conteste le père de la jeune démocratie nigérienne. Dès son accession à la magistrature suprême le 14 Novembre 1987, il manifesta en effet la prédisposition d'un homme acquis à la démocratie et à l'Etat de droit. Il commença d'abord par vider les prisons de tous les détenus politiques et n'en a pas enfermé d'autres lui-même tout au long de son mandat.

En 1990, lorsque les syndicats, les scolaires et une partie de la société civile insistaient pour l'instauration du multipartisme immédiat et la convocation d'une conférence nationale et que suivirent les événements douloureux du 9 février, le général Ali Saibou estima, en son for intérieur qu'il devait opter pour l'instauration du multipartisme intégral dont est issue la démocratie. »64(*)

S'agissant de l'Honneur perdu, il traduit nettement l'influence des réalités sociopolitiques du Niger, pendant les années 90 auxquels Diado Amadou fait justement allusion.

En effet, Amadou Ousmane y retrace les bouleversements sociaux ayant marqué le Bamoul. On peut citer les revendications de la société civile en faveur de l'instauration d'un régime nouveau, la démocratie. Cette situation est rapportée en disant : 

« Ce processus d'un retour à un Etat de droit a été précipité par la mort du Général Seyni Kountché et l'arrivée au pouvoir du très démocratique président Ali Saibou, avec sa politique de décrispation qui a eu le mérite d'avoir détendu la population et d'avoir suscité en elle l'envie toujours grandissante d'un minimum de liberté et de démocratie. » 65(*)

En effet, la démocratie au Niger a vu le jour dans un contexte particulier. D'abord, on note les quinze années de gouvernance monopartite (de 1960 à 1974), ensuite le régime militaire du Général Seyni Kountché s'en est suivi du 15 avril 1974 à l'année 1987. Puis celui d'Ali Saibou et enfin l'avènement du multipartisme.

L'auteur s'est inspiré de ces métamorphoses sociales pour écrire son roman, c'est pourquoi on y retrouve des faits réels, relatifs à la crise sociopolitique. On remarque un travestissement car ils reflètent le processus de démocratisation au Bamoul. Ainsi le recours à un pays imaginaire tout en adaptant le récit à l'histoire politique du Niger montre le réalisme du romancier, de même que l'emprise des faits réels dans l'Honneur perdu.

Par ailleurs, la caractérisation des personnages dans l'Honneur perdu semble calquée sur la personne réelle. Le but n'est pas de dissimuler l'influence de certaines personnalités politiques et historiques, mais de la simuler. Ainsi, il dédie son oeuvre au « Général Ali Saibou, pour le rôle éminemment positif qu'il a joué dans l'avènement de la démocratie au Niger. »66(*)

En effet, Amadou Ousmane s'intéresse aux hommes dans leurs actions, puisqu'il part des faits vrais pour faire oeuvre d'art. Cela montre son attachement à l'esthétique réaliste. Il raconte donc le réel. On peut affirmer que l'auteur de l'Honneur perdu apparaît tel un observateur de la scène politique du Niger, dans la mesure où il en fait un tableau en exposant des faits romanesques presque assimilables aux faits réels. En se référant à Engels, on constate qu' « il avait plus appris sur la société du XIXè siècle dans Balzac que dans tous les livres des historiens, économistes et statisticiens professionnels.»67(*) En effet, l'oeuvre romanesque de Balzac est profondément ancrée dans la société du XIXè en raison de la peinture des us et coutumes qui y est faite.

Les faits dans l'Honneur perdu coïncident avec d'autres beaucoup plus réels. C'est ce qu'on remarque dans l'ouvrage de Soli Abdourahmane, un ancien procureur de la République du Niger lorsqu'il dit : « Soudain, c'est le drame. L'un des manifestants s'écroule, atteint d'une balle à la jambe. Il est aussitôt relevé, soutenu et emporté par des camarades vers l'arrière de ce qu'on peut considérer comme un véritable front de bataille. »68(*) Il rapporte concrètement les évènements du 09 février 1990 vécues par les étudiants pour revendiquer l'avènement du multipartisme. En conséquence, Soli Abdourahmane met l'accent sur ce qu'il appelle le drame, la mort d'un manifestant. Quant à Amadou Ousmane, il s'inspire des mêmes faits mais en les rendant vraisemblables, puisqu'il incrimine la police s'agissant du même meurtre. L'un se base sur les faits tel qu'ils apparaissent, dans leur réalité tandis que l'autre crée la vraisemblance.

Dans une autre perspective, on dira que l'Honneur perdu est fortement influencé par le réel. On y retrouve les faits saillants qui ont marqué l'histoire récente de l'Afrique, notamment celle du Niger. Pour le narrateur, la démocratie apparaît comme un régime politique émanant de la volonté des pays occidentaux. Et pareillement, on constate que cela s'avère évident dans un autre article de Diado Amadou.

« ...le vent de la démocratie s'est emparé aussitôt des pays de l'Est par la Roumanie, et a déferlé aussitôt sur l'Afrique suite au discours de La Baule prononcé par le président français, François Mitterrand, à l'occasion du sommet des chefs d'Etat de France et d'Afrique de Juin 1990.

Dans ce discours paternaliste, il appelait instamment ses pairs africains à aller vers la démocratisation de leurs régimes, en adoptant, le multipartisme, seul gage de l'Etat de droit et d'élections libres, transparentes et équitables. Et pour les y obliger, il leur signifia sans ambages, que l'aide de la France ne serait octroyée désormais qu'aux seuls pays qui opteront pour ce système politique. »69(*)

Par ailleurs, l'envoi des missionnaires dans des régions, notamment Gariko prouve l'évolution du Bamoul vers le multipartisme. L'auteur de l'Honneur perdu s'est inspiré d'un fait vrai malgré l'aspect imaginatif du récit. En effet, l'emprise du réel se dégage au regard de l'exactitude des preuves fournies par l'auteur de la Conférence Nationale du Niger. Le gouvernement de la IIè République a chargé son premier ministre Aliou Mahamidou pour sensibiliser la population de l'avènement du multipartisme. Sa mission a débuté lé 02 janvier 1991 et visait selon Soli Abdourahmane à informer le peuple sur la nécessité d'assurer une transition pacifique du monopartisme vers le multipartisme.

On constate que l'emprise des faits réels est évidente dans l'Honneur perdu, d'où on y relate l'histoire sociopolitique du Niger mais teintée par l'imagination créatrice de l'auteur.

III.2 Le roman miroir ou l'objectivité narrative

Il s'agit de prime abord d'insister sur une des spécificités de la narration, notamment la focalisation ou le point de vue du narrateur. En effet, elle se résume en trois formes. Tout d'abord, on distingue la focalisation interne selon laquelle le narrateur a une perception limitée ou subjective de l'histoire, car il fait percevoir la scène à travers l'oeil ou les pensées d'un personnage. Ensuite, l'énonciateur peut être le témoin des événements lorsqu'il observe de l'extérieur les actions des personnages. C'est ce qu'on appelle focalisation externe. Ce type de point de vue est déterminant au sens où il paraît dominant dans le roman qui fait l'objet de l'analyse. Il permet également de déterminer la dimension impartiale voire même objective du récit. Enfin, il y a lieu d'analyser l'omniscience du narrateur, c'est-à-dire sa vision d'ensemble de l'espace aussi bien que du temps romanesques.

Le roman est « un miroir que l'on projette le long d'un chemin »70(*) affirme Stendhal depuis 1830, puisqu'il a le rôle d'image dans la société. L'acception stendhalienne du roman semble dire que l'oeuvre d'imagination exprime a priori le choix de l'écrivain, censé tenir le miroir reflétant les personnages. Le Rouge et le noir71(*) est un roman conçu à partir d'un fait divers dénommé l'affaire Berthet : «  Antoine Berthet était un séminariste, devenu précepteur, qui venait d'être guillotiné pour avoir tiré deux coups de pistolet sur la femme d'un notable, Mme Michoud, qui avait été sa maîtresse. »72(*) En effet, l'auteur du Rouge et du noir s'est inspiré d'un fait divers pour exprimer le réel au plan narratif et même du récit. En paraphrasant Roland Barthes, on constate que le roman se caractérise par la prédominance de la troisième personne du singulier :''il''.

Dans l'Honneur perdu, le narrateur est omniscient, puisque son degré de connaissance est supérieur à celui des personnages, il maîtrise également le cadre spatio temporel dans lequel ils se déplacent. Il affirme qu' « Ils ( les paysans ) savaient tout cela, et bien plus encore, car ils avaient vu récemment à la télévision, un éminent économiste expliquer que le multipartisme, autrement dit `'la nouvelle société'' qu'on venait leur proposer sur un plateau d'argent, était en réalité une exigence des bailleurs de fonds des pays `'amis'' ou institutions internationales qui avaient toujours dicté leur volonté aux dirigeants du Tiers monde, et qui maintenant, entendaient que l'aide extérieure soit désormais liée à la démocratie pluraliste. » 73(*)En effet, l'énonciateur est un démiurge connaissant la volonté, les pensées des personnages. Chez l'auteur de L'Honneur perdu, la narration est une façon de raconter le réel, des faits vrais tel que le néocolonialisme, le fait que l'Occident impose la démocratie aux Etats africains sous peine de refuser l'aide extérieure.

La narration permet de voir un discours romanesque transposé, c'est-à-dire que le style est indirect puisque  «  les paroles ou les actions du personnage sont rapportées par un narrateur qui les présente selon son interprétation (+ ou - distant) ».74(*) Le narrateur dans le roman d'Amadou Ousmane est omniscient, parce qu'il ne donne pas au personnage la latitude de s'exprimer, il prend lui en charge lui-même le fait de raconter. Les faits sont en fait narrés avec réalisme. Autrement dit, ils ne sont pas idéalisés.

En revanche, l'Honneur perdu semble refléter à la fois l'être fictif dans ses actions et son intériorité. De ce fait la conscience du personnage, ses pensées et états d'âme font l'objet de représentation au point de susciter la vraisemblance, d'où l'objectivité narrative. De même, le Rouge et le noir est vu comme un `'roman psychologique'', car on observe l'évolution de la psychologie des personnages tels que Julien Sorel et Mme de Rênal. «  Dans le Rouge te le noir, Julien Sorel fait l'objet d'une étude approfondie. Ambition, amour, passé, tout est analysé. Le lecteur suit avec un intérêt croissant les méandres de sa pensée, qui conditionnent ses actions. Mathilde de la Mole et Madame de Rênal ne sont pas en reste. Leur amour pour Julien, égal l'un à l'autre, sont mis en perspective. Tout le monde est mis à nu sous la plume de Stendhal. »75(*)

Ce roman est non seulement une chronique de la société française du XIXè siècle qui tente de restaurer la monarchie au détriment de la bourgeoisie, mais également, il exprime une certaine crise de la conscience due à l'ennui. Le héros stendhalien tente ainsi de se libérer. Julien Sorel tout comme Doudou Workou sont animés de passion, d'énergie et d'ambition.

Gérard Genette a répertorié «  cinq fonctions qui exposent le degré d'intervention d'un narrateur au sein de son récit, selon son impersonnalité ou l'implication voulue.»76(*) On a la fonction narrative qui représente la fonction de base, dans la mesure où tout récit, qu'il soit à narrateur absent ou non dans le texte, assume le rôle d'impersonnalité.

Dans l'Honneur perdu, l'auteur a ainsi confié l'histoire à un narrateur hétérodiégétique, puisqu'il est absent du récit, mais rapporte les paroles et actions des personnages. On y retrouve également la fonction testimoniale par laquelle le narrateur atteste la vérité de son histoire, le degré de précision de sa narration. «  ...partout à travers le monde les régimes autocratiques sont en train de s'effacer pour laisser s'éclore les libertés. »77(*) Pour l'énonciateur, le processus de démocratisation du Bamoul est un fait presque évident qui concerne tous les pays, d'où il veut attester la véracité de l'histoire qu'il raconte.

Quant à la fonction idéologique de la narration, elle consiste selon Genette à interrompre l'histoire en vue d'apporter un propos didactique. C'est ainsi que le narrateur entend que le progrès d'un pays est indéniable si les citoyens ne sont pas intègres et patriotes à l'image du Général Okala.

Au regard de l'analyse, le discours narratif dans l'oeuvre d'Amadou Ousmane tend vers l'objectivité. Ce qui s'explique par le choix du narrateur qui tente de raconter les faits tout en restant impartial. L'emploi du `'il `' et l'omniscience dont il fait montre sont donc illustratifs.

III.3 Temps historique et temps narratif

La notion de temporalité est liée au concept du roman, puisqu'on y raconte des faits supposés se passer dans un cadre spatio temporel avec un narrateur prenant en charge l'histoire. Par définition :

« ...la temporalité narrative se présente sous deux faces indissolublement liées. D'un côté, le temps narratif est déterminé par la nature linéaire du signifiant linguistique...les romanciers sont tributaires de la nature consécutive du langage: ainsi, c'est très progressivement que le lecteur voit apparaître devant l'oeil de son esprit les lieux et les personnages du roman dont il tourne les pages une à une. Telle est la première face du temps narratif: c'est le temps du récit (tR), déterminé par la succession des mots sur la page. Ce temps racontant se repère par le décompte d'unités de texte: nombre de lignes, de pages, de chapitres, etc.

L'autre face de la temporalité narrative, c'est le temps raconté. Les pages, les chapitres du roman défilent: un monde fictif se constitue progressivement, avec ses décors, ses personnages et sa chronologie. Pas plus que nous, les personnages de roman n'échappent au temps: ils profitent des jours qui passent, vieillissent et se souviennent. C'est là le temps de l'histoire (tH), un temps calendaire fictif, qui se mesure en heures, jours, mois et années. ».78(*)

En effet, le temps narratif est à l'image du temps historique insaisissable, toutefois on peut tenter de les déterminer dans l'oeuvre qui fait l'objet de cette analyse. Dans cette perspective, on peut interpréter l'expression du temps qui s'y dégage, notamment l'évolution des événements dans l'histoire. En étudiant le temps narratif, on vise à déterminer le moment pendant lequel le narrateur intervient pour faire part de son récit. L'étude du temps dans l'Honneur perdu n'est pas un fait exclusif au contraire elle renvoie à l'histoire, donc il incombe de mettre en valeur l'époque évoquée.

De prime abord, on peut noter la situation initiale que rapporte ainsi le narrateur :

 « Midi allait sonner à (...) Gariko. Dans quelques instants, il (le colonel Workou) ira lui-même chercher Karim, le petit fils de six ans (...). En jetant un regard rétrospectif sur son passé, il réalisa soudain combien sa vie a été riche (...) depuis tant d'années (...) devenu colonel en l'espace de vingt cinq ans, puis Ministre (...) aujourd'hui, préfet rêve d'une vie meilleure. ».79(*)

En effet, l'ouverture de l'Honneur perdu est le lieu où l'énonciateur présente le colonel Workou tel un personnage dans un temps relativement long. Au plan narratif, le retour en arrière permet de mettre en évidence les vingt cinq années d'existence, pendant lesquelles cet être fictif acquiert plusieurs statuts : celui de ministre et de préfet. Amadou Ousmane donne l'impression que son personnage évolue, à l'instar d'une personne réelle dans un temps, une période donnée. Pour lui, le temps à la fois historique et romanesque semble insaisissable, puisqu'on ne peut en attribuer une valeur concrète. C'est pourquoi il emprunte des expressions temporelles plus ou moins vagues telles que `'Midi'', quelques instants'', `'tant d'années'' auxquelles s'ajoutent des références historiques. Entre autres expressions temporelles, on peut énumérer d'abord l'âge du petit fils du colonel qui est six ans, ensuite la récurrence de cette notion temporelle,'' vingt cinq ans''. Ce nombre revêt une double connotation dans le roman, tant narrative qu'historique, au sens où le récit s'étale sur une telle durée. Mais également, les faits romanesques sont un condensé des vingt cinq années qui représentent l'âge d'un des personnages principaux, Doudou.

En effet, temps narratif et temps historique se fusionnent, s'influencent mutuellement. Si l'auteur procède ainsi, c'est parce qu'il entend exprimer le réel dans l'Honneur perdu. On peut admettre avec Tzvetan Todorov que : « le temps du récit, où s'exprime le rapport entre le temps de l'histoire et celui du discours, les aspects du récit, ou la manière dont l'histoire est perçue par le narrateur, et les modes du récit, qui dépendent du type de discours utilisé par le narrateur pour faire connaître l'histoire. »80(*) Il ressort que le récit a pour temps dominants : le passé simple, le passé composé et parfois même le présent de l'indicatif selon lesquels le narrateur exprime la coexistence de l'histoire narrée avec la réalité.

Dans la terminologie de Todorov, le temps du récit ou discours est plausible en ce qu'il renvoie à l'histoire, au temps dans son acception réelle. Par conséquent, la narration est une tentative d'explication des faits vécus et historiques apparaissant dans une chronologie.

Par ailleurs, l'auteur de l'Honneur perdu dresse l'histoire d'une époque à laquelle il a appartenu, le récit d'une ère qu'il a vécu. Son roman rappelle probablement la décennie 90, une époque où l'Afrique traverse des mutations sociale et politique, en prélude à la démocratisation du continent. La narration exprime en fait le choix narratif du romancier hérité de l'école réaliste qui se distingue dans la représentation des faits réels donc vécus. Dans Quinze ans, ça suffit ! , il explore le passé politique du Niger, plus précisément le temps du parti unique ayant suivi les indépendances des Etats subsahariens

Malgré la proximité du temps narratif et du temps historique dans l'Honneur perdu, on peut dégager une différence notoire selon le narratologue Todorov qui pense que : « le temps du discours est (...) un temps linéaire alors que le temps de l'histoire est pluridimensionnel. » Le temps narratif ou du discours est du linéaire, parce que les actions des personnages sont agencées suivant le déroulement des événements dans l'oeuvre.

D'un autre point de vue, le roman d'Amadou Ousmane récapitule dans le prologue même la situation initiale et le dénouement, ainsi le narrateur y raconte sommairement les faits saillants de l'histoire. En amont, le retour du général Okala de La Baule a pour cause le paroxysme de la crise sociopolitique au Bamoul et en aval, l'assassinat de Doudou en est rapporté, représentant de ce fait la trame du récit. Ce meurtre a provoqué la tenue d'une conférence nationale et in fine l'instauration de la démocratie qui correspond au dénouement dans le roman d'Amadou Ousmane. La narration est donc un enchaînement d'actions liées à l'intrigue principale tout aussi que les actions secondaires. Deux histoires sont ainsi relatées par le narrateur, nonobstant le processus de démocratisation du Bamoul. On narre cependant la vie de deux personnages tels que le colonel Workou et Doudou. Ces histoires secondaires ou péripéties occupent une place de choix. On affirme que «  Doudou redoutait le scandale que pourrait provoquer sur le campus la visite de ce père tardif. »81(*) Le narrateur fait allusion à une référence temporelle à valeur historique, les vint cinq années qu'on évoque avec récurrence correspondent à l'âge de Doudou. Le deux temps coïncident donc dans la logique du romancier.

Par ailleurs, il importe de mettre l'accent sur l'expression du temps de la fiction voire même de l'histoire, puisqu'il s'agit d'une durée quantifiable, mesurable. On peut admettre que « le temps de la fiction s'évalue en jour, mois, année. C'est le temps global sur lequel se déroule l'histoire. »82(*) En se référant à l'Honneur perdu le narrateur rapporte des propos à l'intention du général Okala : « Depuis plus de trente ans, j'ai tout accepté venant de toi. » 83(*)Quand on replace ces propos dans leur contexte on s'aperçoit que le reproche du personnage principal à l'endroit du colonel prouve que celui-ci a freiné le processus démocratique depuis trente ans, probablement depuis les années 60.

Chez Amadou Ousmane comme beaucoup d'autres romanciers nigériens, le temps historique, notamment l'année 1960 constitue un repère, même s'il ne l'exprime clairement. L'histoire narrée se déroule peu ou prou pendant la troisième décennie suivant les indépendances en Afrique noire et spécifiquement les faits tels qu'ils se présentent dans l'oeuvre réfèrent à l'évolution socio politique du Niger. Le temps du discours acquiert ici un sens pluriel, multidimensionnel comme l'histoire.

Dans le passage suivant, on peut déclarer avec le narrateur : « ... l'affreuse machine, dont le moteur semblait tourner à l'huile d'arachide, démarra telle une vieille locomotive, en direction de la Cinzala... » 84(*)Bien qu'il soit question des inconvénients de la crise socio politique au Bamoul, en l'occurrence la vétusté du parc automobile de l'université, on rappelle la Cinzala, un lieu afférant à la traite négrière au XVIIè s. Pour le romancier la représentation du temps réel vise la vraisemblance au niveau du temps de la narration :

« Le temps de la narration est la place et le temps accordés aux événements dans le roman.» 85(*)En effet les faits romanesques sont rapportés dans l'ordre de leur exécution, de façon linéaire. L'Honneur perdu est une oeuvre dans laquelle l'auteur privilégie la concision au niveau de la narration. C'est ce qui explique la succession logique des faits. Tout de même la narration y est ultérieure, l'énonciateur raconte les actions des personnages dans un passé plus ou moins proche. Selon G. Genette, la particularité de ce type de narration est qu'il met en exergue l'expression temps narratif et temps historique. Ainsi le fait de narrer renvoie à la période de démocratisation au Bamoul, à un temps réel, puisque les faits évoqués expriment le vécu :

 « Il (le Général Okala) avait inauguré, quelques mois (...) plus tôt, un nouveau mandat de cinq ans, en faisant devant son peuple le sermon solennel de `'préserver, à tout prix, les libertés individuelles de chaque citoyen''. Il avait promis à tous et à toutes, une nouvelle ère de justice et de liberté. Il avait vidé les prisons de la plupart de leurs détenus,'' afin que les bras valides puissent servir l'Agriculture''... »86(*)

En effet, on a l'impression que le narrateur relate une histoire vraie, vue l'évocation insistante de certaines expressions de temps. Mais en plus il tente de convaincre le lecteur de la véracité des faits sinon de leur vraisemblance. Les repères temporels permettent de replacer les faits dans un passé approximativement récent sinon un dans une perspective future. Ainsi, on a des notions telles que : « quelques mois plus tôt », « cinq ans » ou « une nouvelle ère », ces expressions de temps vise à assimiler la narration et l'histoire. La spécificité se dégage au regard de la séquence narrative ci-dessus en qu'elle allie narration ultérieure et intercalée, au point où on raconte des faits passés tout en anticipant dans le futur. Au regard de cette analepse, Amadou Ousmane entend raconter le réel, l'exprimer à travers la vraisemblance.

Par ailleurs, on peut déclarer à l'instar de Jean Ricardou que « ...toute oeuvre romanesque n'est pas indépendante de la narration qui l'instaure, alors sa temporalité doit être observée aux niveaux distincts qui déterminent respectivement le temps de la narration et le temps de la fiction. » 87(*) La narration est de son point de vue indissociable du roman, en conséquence le temps de la narration et le temps de la fiction concourent à celle-ci. La durée pendant laquelle se déroule les événements dans l'Honneur perdu et le'' temps global `'de l'histoire sont une façon de raconter le réel, de susciter l'illusion référentielle. Il importe d'étudier l'instance narrative, c'est à dire l'articulation entre la voix narrative ou le narrateur et le temps de la narration, c'est à dire le moment où on raconte la fiction par rapport à l'histoire. Ainsi l'interprétation de l'instance narrative dans ce roman permet de comprendre la relation entre celui qui parle et l'histoire, en l'occurrence l'avènement de la démocratie au Niger. Dans ce cadre, Gérard Genette affirme qu' « On distinguera (...) deux types de récits : l'un à narrateur absent de l'histoire qu'il raconte et l'autre à narrateur présent de l'histoire qu'il raconte. (...) Je nomme le premier type pour des raisons évidentes, hétérodiégétique, et le second homodiégétique »88(*). Principalement on distingue trois types de récits suivant la position du narrateur dans un roman. D'abord, la focalisation interne, ensuite la focalisation externe et puis celle dite zéro. Ainsi le sémioticien français Denis Bertrand affirme que :

« Dans le discours narratif, le point de vue indique les modes de présence du narrateur. Conjurant la polysémie de la notion et utilisant le terme de focalisation dans ce contexte, Gérard Genette propose de distinguer la « focalisation zéro » (c'est le cas du narrateur omniscient, qui contrôle l'ensemble de la scène narrative en sait plus que ses personnages, et entre dans leur intériorité), la « focalisation interne » (lorsque le narrateur s'efface derrière ses personnages, leur délègue en charge du récit et n'en sait pas plus qu'eux), la « focalisation externe » lorsque le narrateur s'installe à l'extérieur du récit et ne donne à connaître que ce que cette position du dehors autorise) »89(*).

Quant au premier type de focalisation, il renvoie à un énonciateur ayant une perception limitée ou subjective de l'histoire, car il fait percevoir la scène à travers l'oeil ou les pensées d'un personnage. Dans le second il peut être le témoin des événements lorsqu'il observe de l'extérieur les actions des personnages. Ce type de point de vue est déterminant au sens où il paraît dominant dans le roman qui fait l'objet de l'analyse. Il permet également de déterminer la dimension impartiale voire même objective du récit. Enfin, il y a lieu d'analyser l'omniscience du narrateur, c'est-à-dire sa vision d'ensemble de l'espace aussi bien que du temps romanesques.

Dans l'oeuvre d'Amadou Ousmane, il semble que le narrateur est hétérodiégétique, puisqu'il s'efface de l'histoire qu'il raconte, cela implique la tendance objective de l'auteur. Il convient également de dire que la focalisation zéro y abonde, ce qui revient à dire que le narrateur sait plus que ses personnages, parce qu'il connaît leurs pensées, faits et gestes. On le remarque dans ce passage : «  Déçu le colonel Workou déposa alors le téléphone quelques instants plus tard, après avoir murmuré les salutations usuelles et se laissa choir sur son lit, sans se préoccuper du `'chapelet `' de visiteurs qui l'attendaient impatiemment au salon. » 90(*)Ici le narrateur suggère que le processus démocratique est un fait voire un phénomène qui influence la psychologie des personnages, notamment le colonel Workou. Ils expriment certains faits, corrobore et confirme cette caractéristique de l'omniscience propre au narrateur `'démiurge'' qui sait tout des personnages. Entre autres participes passés ou expressions traduisant cette l'omniscience, on peut énumérer ''déçu'', `'murmuré'', `'salutations usuelles'' et concernant les autres personnages, ils se montrent impatients''.

Si le temps de la narration concerne la relation qu'instaure l'énonciateur entre le récit et l'histoire, on peut dès lors déterminer sa position dans le temps. Excepté, le sommaire qu'on observe dans le prologue à travers lequel est récapitulé tout le récit, il y a un ordre. D'une part, Il s'agit précisément des bouleversements sociaux au Bamoul ayant dégénéré en un affrontement qui se s'est soldé par un meurtre. Et d'autre part, « l'ordre est le rapport entre la succession des événements dans l'histoire et leur disposition dans le récit. 91(*)» C'est ainsi que le narrateur présente les faits dans L'Honneur perdu avec ordre, tels qu'ils se sont passés. Dans les premières pages du roman, on évoque une déclaration annonçant le multipartisme : « La décision (...) d'engager son pays dans la voie du multipartisme et de la démocratie (...) apparut bien comme une entreprise de liquidation de tout ce que l'armée avait fait depuis tant d'années. » 92(*)Par le passé le narrateur affirme que les militaires ont gouverné le Bamoul, d'où leur refus de céder le pouvoir pour l'avènement de la démocratie. Au niveau narratif, ce refus est un fait romanesque engendrant la scission au sein de la classe politique et la crise sociale.

En outre l'étude du temps narratif et du temps historique permet de mettre en évidence la vitesse narrative. Il convient d'établir un rapport entre les deux conceptions temporelles. Dans la terminologie de Genette le sommaire se définit lorsque : « l'histoire événementielle est résumée dans le récit, ce qui procure un effet d'accélération. » 93(*)Un tel procédé narratologique consiste à inscrire le récit dans la même perspective que l'histoire événementielle, contingente, mais également le sommaire offre le récapitulatif. L'usage qu'en fait Amadou Ousmane donne l'impression que les faits se passent dans un temps limité. « Pour le colonel Workou et beaucoup de ses compagnons, en effet, le multipartisme ne peut engendrer agitations et instabilité dans le pays. »94(*)

On observe le condensé de l'histoire à travers l'intrigue principale, le processus de démocratisation au Niger. Au niveau du récit, la vitesse narrative dans le roman dépasse largement les faits historiques dans leur évolution. Ainsi l'histoire qui constitue la trame de l'Honneur perdu s'étale sur plusieurs années alors qu'elle est racontée en quelques phrases. Certaines séquences de ce roman font penser à la scène qui se caractérise par une équivalence entre le temps du récit et le temps de l'histoire. On la remarque au niveau du dialogue des personnages :

«  (...) Vous êtes bien Doudou, étudiant à l'université de Magama ?

- Oui

- (...) Je suis l'inspecteur de police à la Direction des Renseignements Généraux (...). Il y a maintenant plus de dix jours que je suis sur vos traces (...) ».95(*)

En effet il y apparaît une coïncidence entre le temps de la narration et le temps de l'histoire, d'où la scène ressemble à un suspens. En conséquence, l'étude du temps narratif aussi bien que celle du temps historique a permis de comprendre que le narrateur raconte le réel. Le récit exprime le vécu quotidien, les faits réels prédominent. Les repères temporels renvoient généralement à des indicateurs de temps tels que `'aujourd'hui'', `'cinquante deux ans'', `'deux semaines'', etc. Ils sont teintés par l'imagination du romancier malgré le recours à l'Histoire. On remarque également la présence du narrateur hétérodiégétique car il observe les faits comme le témoin de l'histoire.

Chapitre IV : Personne réelle et personnage romanesque

 

Le roman réaliste semble refléter la société à travers la représentation qu'il en fait, d'où il met en évidence des personnages, des êtres fictifs calqués sur la personne réelle. Le roman est en fait une forme littéraire dans laquelle interviennent directement des personnages crées par l'auteur qui les fait mouvoir selon la logique actancielle de son texte. L'être fictif est vu dans l'Honneur perdu comme le reflet d'une société, il y est ancré profondément. Quant au dialogue des personnages, il est l'expression d'une identité, puisque chaque personnage parle en harmonie avec ses réalités socioculturelles. Par conséquent, on observe une évolution de sa psychologie, d'où l'intérêt d'en faire une étude.

IV.1 Le personnage : reflet d'une société

Le personnage est selon la formule d'Henri Benac « Une personne fictive dans une oeuvre littéraire, cinématographique ou théâtrale. »96(*) La notion du personnage est, en effet liée de façon intime à celle de la personne réelle, parce que l'être fictif est un certain travestissement de l'humain, vivant et existant dans la réalité quotidienne. Le romancier crée les personnages en fonction d'un dessein esthétique, un idéal ou même sa vision du monde, donc il peut lui conférer une réalité qui apparaît tant au niveau des traits physiques que moraux. Dans le Père Goriot, Balzac affirme que :

 « Madame Vauquer née de Conflans, est une vieille femme qui, depuis quarante ans tient à Paris une pension bourgeoise établie rue Neuve Sainte- Marceau. Cette pension, connue sous le nom de pension Vauquer admet également des hommes et des femmes, des jeunes gens et des vieillards, sans que jamais la médisance ait attaqué les moeurs de ce respectable établissement. »97(*)

Balzac campe ses personnages dans un espace vraisemblable. Par conséquent, on observe ainsi une symbiose entre le cadre social décrit et ceux qui sont peints, leur psychologie révèle les moeurs et par delà, elle reflète un milieu que les tares de la société mondaine comme le snobisme et l'hypocrisie n'ont pas affecté.

Amadou Ousmane est pareil à un observateur de la société et des individus qui la composent. Il procède par analogie dans le traitement de ses personnages. En effet, l'Honneur perdu est une oeuvre peuplée des êtres fictifs et imaginaires sans pour autant perdre de vue l'apparence du réel qu'ils suscitent. Ainsi, les personnages qui en transparaissent ont des référents dans la société, car elle est la première source d'inspiration du romancier, de même leur dénomination révèle une origine sociale. On peut dire que le personnage dans le roman d'Amadou Ousmane a pour référent l'être humain se situant, d'ordinaire dans la société. Le Général Okala est, en fait, le personnage principal, puisqu'il est au centre de l'histoire, d'une part, il renvoie à une catégorie sociale, l'armée, et d'autre part, le titre du général exprime un niveau dans la hiérarchie militaire. Dans le roman, il est représenté avec réalisme, en ce sens que ses traits physiques ainsi que son portrait moral rappellent une personne réelle. C'est ainsi que le Général Okala est en quelque sorte le portrait du Général Ali Saibou. L'on peut également affirmer que le choix du général, en tant que chef d'Etat, est une manière d'insinuer l'illusion référentielle. Même s'il est une personnalité, président de la IIè République du Niger, sa vision du monde s'assimile à celle du personnage. Le fait de camper un personnage dans un cadre social notamment conforme à son statut, prouve, non seulement que l'auteur veut lui donner une certaine identité, mais aussi un rôle actanciel défini. Par ailleurs, il semble que les relations privilégiées entre Amadou Ousmane et le référent réel du Général Okala, le Général Ali Saibou, l'ont conduit à en faire une bienveillante peinture. Il ressort que l'auteur de l'Honneur perdu n'entend pas critiquer l'armée. Au contraire, il la loue afin de montrer le rôle qu'elle a joué dans l'avènement de la démocratie. Tel est le sens de la représentation qu'il fait du Général Okala. Ce personnage romanesque rappelle très profondément le Général Ali Saibou, qui a présidé aux destinées de la II è République du Niger de 1987 à 1993. Le portrait moral permet de voir que son rôle dans l'avènement de la démocratie a été déterminant, puisqu'il a suscité un éveil de conscience, tout en incarnant la décrispation. Cette détente a permis à ses concitoyens de se manifester pour exprimer leur liberté. Son esprit consciencieux et intègre fait de lui un brave. Il se préoccupe aussi du bien-être de ses semblables. Pour le narrateur : « L'heureux père de douze enfants qu'il est, avait du mal à comprendre comment on avait pu arriver là, dans un pays où l'enfant représente tout de même  la plus grande richesse de l'homme ... »98(*) En effet, il exprime sa compassion lors d'un décès, cela traduit un humanisme, le respect de la personne humaine. Dire que l'enfant est la'' la grande richesse humaine'', fait allusion à la place que lui confère la société africaine, par conséquent Amadou Ousmane porte les marques de son milieu. L'Afrique traditionnelle est célèbre dans la préservation des valeurs sociales telles que l'hospitalité, la solidarité et l'entraide, autant de valeurs qu'incarnent les personnages qu'il met en scène.

Il ressort que la frontière entre la personne réelle et le personnage romanesque est très étroite, pour le fait que l'être fictif est l'expression des coutumes et valeurs qui dominent dans la société où il est caractérisé. Notre romancier entend associer l'imaginaire au réel, le personnage à la personne.

Néanmoins, on trouve rarement l'onomastique, dans l'oeuvre d'Amadou Ousmane. C'est un mot d'étymologie grecque, il dérive en effet, du terme onoma qui veut dire nom. Ainsi l'onomastique « est la science qui étudie les noms propres. »99(*) Un tel procédé permet au romancier d'emprunter un mot de la langue maternelle pour qualifier un personnage en vue de faire couleur locale. Il consiste donc à le camper dans un milieu social précis.

André Salifou en use dans son roman, Tels pères, tels fils100(*), parce qu'il nomme les personnages en leur donnant une connotation socioculturelle. En effet, l'exemple du personnage '`Kasko'' est une illustration, car le nom est issu de la langue haoussa et désigne le tesson ou le débris de poterie. On a en plus un autre personnage nommé `'Alatoumi'', signifiant en zarma un orphelin. Dans l'un comme dans l'autre cas, la dénomination de ces personnages réfère à leur milieu d'origine, le Niger. Les langues haoussa et zarma sont dominantes à Bakin-Dawa, d'où l'auteur met en scène une société marquée par les coutumes ancestrales. C'est ainsi que le nom des personnages l'atteste.

Par ailleurs, on remarque que le nom des personnages dans l'Honneur perdu n'a pas un sens en rapport avec le milieu d'origine. On a par exemple le colonel Workou. Dans la mesure où l'appellation du personnage est indépendante de son contexte social, l'on peut dire que la personne fictive est, pour l'auteur de l'Honneur perdu accessoire, l'important est le rôle qu'elle joue dans l'oeuvre. En fait, les attributs du colonel Workou nous permettent cependant d'affirmer qu'il est l'incarnation d'un certain type sociopolitique réel, car il symbolise la passion et l'appétit du pouvoir. Il se caractérise par son comportement démesuré. Les basses moeurs font de lui un anti-héros refusant le processus démocratique. Et tout un paragraphe est consacré au portrait de sa personnalité. Le narrateur affirme : « Quel destin extraordinaire, en effet, que celui de ce jeune maître d'école engagé comme volontaire dans l'armée coloniale, devenu colonel en l'espace de vingt cinq ans de carrière, puis ministre à la faveur d'un coup d'Etat, et qui aujourd'hui, préfet, rêve encore d'une vie meilleure. »101(*)

On observe ainsi que le colonel Workou est le reflet d'une classe politique hantée par le désir ou l'ambition de gravir les échelons de la société, puisqu'il recherche le bonheur, à travers l'ascension sociale. Il surenchérit à propos du colonel Workou en disant : « (...). Ce haut personnage que les mauvaises langues nombreuses dans le pays, ont souvent vanté publiquement d'être l'instigateur et le vrai cerveau du putsch militaire qui avait renversé le régime civil quelques années plus tôt ».102(*) L'auteur dénonce et condamne le coup d'Etat comme une manoeuvre vile et abjecte, vue ses conséquences néfastes, telle que la compromission de l'ordre social. Faut-il voir là le caractère insaisissable d'un auteur ou l'évolution de sa mentalité, lorsqu'il qu'il présente le coup d'Etat du Général Wata comme salvateur dans Quinze ans, ça suffit ! « Dans les rues, les manifestants par milliers, défilaient aux cris de :'` vive l'armée !'' Abas le parti ! Quinze ans, ça suffit ! »103(*). A la différence du colonel Workou, le général Wata semble annoncer une époque nouvelle, un renouveau. Bref, il suscite un engouement, une euphorie dans le rang du peuple. Il est un personnage marginal et ses propres alliés le suspectent : 

« Ses adversaires, nombreux dans l'Armée avaient bien sûr, une autre version des faits. Par exemple, il aurait tiré de sang froid sur les civils sans défense la nuit du coup d'Etat, et aurait même pillé par la suite les coffres du palais. Ce qui, à les croire serait à l'origine de sa fabuleuse fortune. »104(*)

Le romancier entend défendre les opprimés, car ils sont victimes pendant les conflits ou les tensions sociales, même s'ils sont innocents. Nonobstant la dénonciation des travers de l'armée du fait de sa brutalité, on peut dégager un autre trait qui fait du colonel Workou un type social. Il représente en effet, les arrivistes. La caractérisation des personnages dans ce roman a pour but de les rapprocher de la réalité en les fixant dans un cadre social déterminé. L'auteur critique ici une classe sociale, il fustige le personnage du tyran, du dictateur qui est un usurpateur du pouvoir et l'exerce arbitrairement. Concernant les romanciers, d'aucuns affirment  que 

« Les personnages qu'ils inventent ne sont nullement créés, si la création consiste à faire quelque chose de rien, nos prétendues créatures sont formées d'éléments pris au réel, nous combinons avec plus ou moins d'adresse, ce que nous fournissent l'observation des autres hommes et la connaissance que nous avons de nous-mêmes. Les héros de romans naissent du mariage que le romancier contracte avec la réalité. » 105(*)

On s'aperçoit que le critique Goldenstein nie le caractère fictif du personnage, parce qu'il provient de l'observation du réel, il est le miroir qui reflète la personne humaine.

Le personnage est, au regard du romancier, le miroitement de la personne réelle évoluant dans une société. Doudou Workou incarne l'image du héros, le vaillant qui sacrifie sa vie pour que subsistent les autres. Rappelons que Doudou est le secrétaire général de l'union nationale des étudiants à l'image du personnage de Sembène Ousmane, dans Les Bouts de bois de Dieu106(*) qui porte le même nom et a le même statut. A travers ce personnage, Amadou Ousmane nous fixe dans une époque précise, les années 90, qui marquent le paroxysme des luttes syndicales au Niger. On note ainsi les victimes du 09 février de la même année, à savoir les trois étudiants qui ont rendu l'âme au cours d'une manifestation pour l'enracinement d'un régime multipartite. Il importe de dire que le romancier tente de nous convaincre lorsqu'il fait parler un personnage exaltant le sens de l'honneur de Doudou : 

«  Je sais même ce qui s'est passé entre le colonel Workou et vous et je sais que vous avez refusé tout ce qu'il vous a proposé, y compris la promesse d'une bourse d'études au Canada (...) Vraiment je vous félicite pour avoir su rester digne, en refusant de laisser acheter ainsi votre conscience de militant. »107(*)

Le portrait moral de Doudou atteste une sagesse : le respect des valeurs qui spécifient un bon leader, convaincu de sa mission, il se reconnaît à travers le groupe social qu'il dirige, et vice versa. Les propos qui suivent démontrent clairement la sympathie du peuple à son égard :

« Lorsqu'on entendit donc sur les ondes de la B.B .C et à une heure de grande écoute, Doudou, le leader incontesté du mouvement des étudiants annoncer lui-même sa libération et celle de ses quatre camarades, on entendit aussi des cris de victoire. Ils furent ainsi des milliers d'auditeurs à exprimer leur joie de diverses façons, leur joie de savoir enfin libres ces jeunes gens qui avaient osé défier si ouvertement le pouvoir. »108(*)

Au regard de ce qui précède, on se rend compte que Doudou est l'incarnation de l'idéal de l'auteur et de certaines valeurs auxquelles il croit, entre autres le sacrifice de soi et la défense des couches sociales opprimées.

Le personnage n'est pas, distinct de la personne réelle, dans l'oeuvre romanesque d'Amadou Ousmane, à cause de leurs traits physiques et moraux qui sont communs. C'est le constat qu'en fait Abdoul Aziz Issa Daouda lorsqu'il déclare :

«  S'il existe un trait qui caractérise le personnage du roman réaliste, c'est bien sa dimension ''réelle'', sa vraisemblance. C'est assurément là la moindre preuve d'objectivité d'une création romanesque qui entend être `'la traduction littérale des `'faits'' par l'observation des faits »109(*).

En effet, le personnage est l'expression d'une certaine réalité. On le caractérise avec vivacité, en le faisant apparaître dès lors plus près de la personne réelle, en ce qu'il peut posséder quelques-uns de ses traits.

Il faut noter d'autres personnages non moins importants, autrement dits les personnages collectifs tels que le peuple de Bamoul, le monde estudiantin, l'élite politique, etc. A travers les masses représentées, le romancier veut déterminer la mentalité ou la psychologie d'une couche sociale, d'un peuple. Si le peuple de Bentoba a exprimé son désarroi face au Parti unique, dans Quinze ans, ça suffit ! Les gens de Magama ont fait autant pour l'avènement de la démocratie. Ainsi, à chaque peuple ses aspirations. Une telle attitude ou réaction d'un peuple à une période de son évolution montre l'éveil de l'esprit, le changement de mentalité. Donc le personnage collectif a également une réalité psychologique comme le personnage tout court. D'où le reflet des personnes humaines qui changent de vision en fonction des circonstances, des occurrences... On peut également noter la réaction du peuple de Bamoul : «  La déclaration du président dans ce qu'elle comportait de promesses de changement, fut en effet perçue par la quasi-totalité du peuple comme le remède attendu à tous les maux de la société. »110(*)

A travers ce passage, l'auteur semble nous dire que chaque personnage reflète le milieu dans lequel il est représenté. Ainsi, un regard rétrospectif permet de dire que l'Africain a d'abord, par le passé réclamé son identité, ensuite l'autonomie. Kasko, le personnage de Mahamadou Halilou Sabo dans Caprices du destin111(*) en est révélateur, car il incarne, à la fois l'anticolonialisme et dans une certaine mesure le désenchantement et la désillusion du peuple colonisé face au nouveau dirigeant. Par contre, le roman d'Amadou Ousmane met en scène un personnage contemporain, plus proche de nous, de la société actuelle, parce qu'il n'aspire qu'à la démocratie. En effet, Doudou réfère aux militants syndicaux des années 90 pour avoir revendiqué le multipartisme. Donc la personne réelle et le personnage se confondent parfois.

L'Honneur perdu est un roman dans lequel les personnages sont peints de façon réaliste, c'est-à-dire que leur caractérisation suscite une apparence du réel. De ce fait, on peut les comparer aux personnages balzaciens qui « sont les images de leur temps, d'un régime ou parfois d'un mode.  »112(*) Aussi notre romancier caractérise ses êtres fictifs en les adaptant à une époque et on l'observe à travers le portrait d'Akaya. Elle est vue comme une femme conservatrice car issue d'une époque révolue. Sa profondeur morale fait référence à la féodalité puisqu'elle se soumet à son mari comme un vassal au suzerain.

Au regard de ce qui précède, on constate qu'il y a une interdépendance entre la personne réelle et le personnage romanesque. Les deux semblent refléter une même réalité, la société.

IV.2 Le dialogue des personnages, tel père, tel fils

En tant qu'être imaginaire, le personnage est calqué sur la personne humaine, de part sa représentation. Ils possèdent des traits physiques et moraux qui concourent à les rendre semblables. L'un et l'autre sont non seulement, le produit d'un univers imaginaire ou réel, mais encore leur langage n'en fait pas abstraction. Il révèle une identité. Ce principe réaliste est avant hérité du romancier français Raymond Queneau dans son ouvrage Zazie dans le métro113(*). La particularité de ce roman est qu'il met en scène le personnage principal «  Zazie,  une enfant de douze ans  aux manières délurées, arrive de sa province, impatiente de connaître le métro parisien. » Le langage qu'utilise le romancier exprime le réalisme, la couleur locale, puisque le dialecte parlé réfère à une province, un terroir. Parfois on y retrouve l'argot. C'est ainsi que Zazie prononce « homosessuel » à la place du terme « homosexuel ». Chez Raymond Queneau, le discours romanesque est également emprunt des mots de la langue orale en vue de mettre en exergue le dialogue des personnages.

Quant à Amadou Ousmane, il fait parler ses personnages au point où leurs propos font songer à des personnes réelles. On peut les identifier lorsqu'ils ils communiquent. En effet, le dialogue qui oppose le président du Bamoul, le général Okala au colonel Workou montre que les propos de chacun d'eux reflètent vraisemblablement une identité, une marque de la personnalité du locuteur.

-«  Dites donc, colonel Workou, vous avez bien un fils à l'université, m'a-t-on dit ?

- Oui mon Général...

- Est-ce lui qui est prénommé Doudou ?

- (...) mais qu'y a-t-il, donc, Monsieur le président, si je puis me permettre ?

- Il y a que ce garçon ne semble pas avoir reçu une éducation convenable, pour un enfant d'officier... »114(*)

A la lecture d'un tel dialogue, il y apparaît un réalisme puisque le langage du président se distingue des propos du colonel Workou, d'une part, le style est soutenu, les mots bien choisis et d'autre part, il y a l'expression de la civilité. Le général Okala symbolise l'autorité, l'ordre, parce qu'il est le chef de l'Etat, tandis que son interlocuteur exprime la discipline de l'armée, sa classe sociale. Dans l'Honneur perdu, le dialogue des personnages révèle l'identité de ceux-là, au point de s'y assimiler. On peut même établir un rapport de ressemblance en ce qui concerne les modalités du dialogue réel entre deux personnes de condition sociale différentes. Tel est le sérieux qu'on observe à ce niveau. L'identité du général Okala apparaît au regard de son idéal de sécurité qui vise même le bonheur collectif. Le but de l'auteur en rapprochant ses personnages de leur cadre social, est la vraisemblance historique ou la couleur locale qui consiste à les contextualiser dans un espace précis.

On remarque une prédominance de la caractérisation directe, dans la mesure où les informations sur le personnage sont données par lui-même. Doudou, par exemple, parle au nom de son groupe social. Il représente les étudiants à travers cet extrait: 

«  Sans doute, ne sommes nous pas le peuple, rétorqua Doudou, mais l'armée et le gouvernement au nom desquels vous parlez, ont-ils plus que nous le droit de se prendre pour le peuple ? Le régime militaire est désormais anachronique ! Partout à travers le monde, les régimes autocratiques sont en train de s'effacer pour laisser s'éclore les libertés. »115(*)

Il ressort que Doudou défend un idéal telle que la liberté individuelle pour que règne la démocratie. En conséquence, son langage est révélateur de son identité. Au regard du militantisme syndical, ce jeune étudiant vise à reformer et changer la société. Il oeuvre pour des lendemains meilleurs, car ses concitoyens semblent ne rien comprendre à la gestion du pouvoir. Le dialogue qui le met aux prises avec le ministre d'Etat montre clairement l'appartenance sociale de chacun d'eux. En amont, M. Diboula fait l'apologie de l'Etat comme garant de l'intérêt général, des libertés individuelles. Il montre également l'intégrité et le sens de responsabilité du chef suprême, le général Okala. Les étudiants estiment quant à eux qu'il leur tient un discours démagogique, flatteur. Il ne défend que les intérêts de sa classe. Le dialogue des personnages est à leur image, c'est à dire vraisemblable. Il est le produit d'une société dont il porte la marque et les caractéristiques. Amadou Ousmane procède de la sorte pour rendre visible les personnages qu'il représente. De même on peut dire que le langage est comme l'expression d'une identité au sens où il traduit la profondeur morale du personnage. Ils sont, à l'instar des personnages balzaciens, passionnés puisqu'ils sont caractérisés par un amour excessif et outrancier. C'est le cas du Père Goriot lorsqu'il qualifie ses filles Madame Restaud et la Baronne de Nucingen d'anges. Certains personnages parlent comme pour dévoiler leur identité. Le statut ou l'origine sociale transparaît à travers le langage. Ainsi pour le colonel Workou : « la démocratie, c'est la connerie ! »116(*) Du moins le narrateur fait croire que c'est ce qu'on dit dans les casernes. Donc le personnage ne fait révéler l'identité de son groupe sociale. Parler d'une catégorie sociale en insistant sur la spécificité de sa langue découle du procédé de couleur locale. Ainsi les propos permettent de dégager le rang social qu'incarne le personnage.

Dans son oeuvre Pour lire le roman, Goldenstein rapporte que : 

«  Pour amener ses personnages à la fiction du récit le romancier dispose d'un certain nombre des procédés de caractérisation. Caractériser un personnage de roman, c'est lui donner, bien que dans la fiction, les attributs que la personne réelle qu'il est censé représenter posséderait dans la vie réelle. Le langage du personnage constitue évidemment un moyen privilégié de caractérisation. Style `'soutenu'', tendance au verbiage, amour de la recherche ; par le `'niveau de langue'' qui est le sien et par le `'registre `' qu'il emploie se révèlent à nous d'autres caractéristiques. Tout importe alors, non seulement ce qu'il dit et la façon qu'il a de s'exprimer, mais aussi ce qu'il ne dit et que nous n'apprendrons d'autres moyens ou que nous devinerons par projection psychologique. »117(*)

La réflexion du critique s'applique, en effet, au roman réaliste, en l'occurrence l'Honneur perdu car, il s'agit de conférer au personnage l'apparence d'exister en vue de faire vrai.

La représentation des personnages en harmonie avec leur dialogue transparaît encore dans le second roman d'Amadou Ousmane. C'est que rapporte Abdoul Aziz Issa Daouda dans la Double tentation du roman nigérien, il cite :

- «La radio a annoncé ce midi que ton fils est nommé juge...

- Zuze ?

- Non juge.

- Cela veut dire quoi... »118(*)

En effet, on a l'impression que l'interlocutrice parle approximativement la langue française en traduisant les mots d'une langue autochtone, puisque le parler n'est pas académique. Quant à la mère du nouveau juge, Ali Yobo, elle ne comprend pas cependant le code. Et du point de vue linguistique la lettre `'j'' n'existe pas en zarma, sa langue parlée, d'où la prononciation « Zuze ».

En définitive, Amadou Ousmane caractérise ses personnages en les adaptant aux critères du personnage réaliste. Le dialogue de chaque être imaginaire est spécifique, il peut être un dialecte, un jargon ou même refléter une personnalité.

IV.3 L'être fictif et évolution psychologique

De façon générale, le traitement d'un personnage romanesque dépend de l'esthétique qu'emprunte l'auteur. Le réalisme balzacien se démarque au niveau des personnages par leur psychologie évolutive, donc ils ont une réalité morale. S'agissant d'Amadou Ousmane, ses êtres fictifs se distinguent par le changement de vue au fil de l'oeuvre. Il apparaît que les personnages dans l'Honneur perdu ne sont pas statiques. Ayant une psychologie évolutive, ils changent. C'est ainsi que le romancier les rapproche de la réalité. Le colonel Workou s'oppose de prime abord au processus de démocratisation au Bamoul tandis qu'il l'approuve vers la fin du roman. Donc son changement de vision, bien qu'il soit circonstanciel, atteste une évolution de sa psychologie. Par conséquent, il entend se présenter aux élections.

Néanmoins, Doudou est peint de sorte qu'il présente une unité. Elle se caractérise par la stagnation de sa conception des choses. Il a donc une réalité morale intacte, d'où son dévouement et sa détermination persistants. Conscient du but qu'il s'est fixé, il s'engage résolument. L'identité de Doudou est semblable à celle d'un militant convaincu et optimiste de ce fait. Il croit au changement.

En somme, le portrait moral des personnages représentés est emprunt de réalisme. D'une part, on constate que le colonel Workou fait preuve de clairvoyance et de sagesse en optant pour le multipartisme, d'autre part, Doudou s'entête car, il est convaincu de la noblesse de sa cause, la démocratie. Pour lui, seule l'action est à même de matérialiser le militantisme syndical. Aussi la masse qu'il représente porte les marques de son identité : 

« Repose toi en paix Doudou, nous vengerons ta mémoire...En ton nom, nous prenons ici solennellement l'engagement de poursuivre la lutte, sans aucun répit, jusqu'à la victoire finale, c'est-à-dire la tenue dans ce pays de la Conférence Nationale Souveraine pour laquelle tu t'es tant battu et qui jettera définitivement les bases d'une société véritablement démocratique.»119(*) L'oraison funèbre que prononce Bachir, l'ami du défunt, montre tout l'engagement et le dévouement des étudiants à combattre le régime dictatorial en vue d'un idéal de justice mais encore de démocratie. En effet, le langage de notre personnage exprime l'identité de son groupe social, lequel a pour credo la conviction dans la défense des droits humains. On peut admettre que l'auteur de l'Honneur perdu tente de faire concurrence à l'état civil à la manière de Balzac dans le sens où l'être de ses personnages est conforme à leur comportement apparent. Ils ne trahissent pas leur personnalité. Dès lors, on peut attester que cette adéquation est une technique de caractérisation qui les rapproche de l'être humain. Le dialogue des personnages est en fait vraisemblable. Autrement dit, il tend vers le vrai. Leurs paroles nous donnent l'impression de les connaître dans leur réalité psychologique.

Une telle caractérisation abonde chez Amadou Ousmane, notamment dans Quinze ans, ça suffit ! où on retrouve une variété de personnages issus de différentes couches sociales et parlant chacun en rapport avec son milieu. C'est le cas au cours de la réunion clandestine tenue dans une mosquée contre le Parti unique. Ainsi, le choix de ce lieu montre l'ampleur de la privation des libertés individuelles. Pendant cette réunion, ouvriers, syndicalistes, étudiants, religieux, etc. ont dénoncé l'impasse politique et la mauvaise gestion du pouvoir. On remarque une spécificité au niveau de chaque personnage, qui agit en fonction de ses réalités morales. Cela traduit parfaitement le statut et l'origine sociale de chacun d'eux.

Le dialogue qui oppose le journaliste Bello au ministre de l'information le met en évidence. En effet, Bello apparaît indépendant, débarrassé de toute allégeance vis-à-vis du pouvoir politique, alors que son interlocuteur le conteste, parce qu'il parle au nom de l'Etat.

«  Certes, mais il y a plusieurs manières de servir l'Etat. On peut le servir sans s'inféoder au régime. »

«  Ah, parce que pour vous, c'est s'inféoder au régime que de servir l'Etat ?

« Ce n'est pas ce que j'ai dit, Monsieur le Ministre ! Nous sommes désormais en démocratie. Et la liberté de la presse est un des fondements de démocratie.

-Foutaises...Foutaises...  » 120(*)

On assiste à un dialogue des sourds, puisque chacun défend acharnement son point de vue. Pour l'un, le journaliste doit exercer, sans contrainte son métier tandis que l'autre désapprouve en pensant que la liberté de la presse est restrictive. En conséquence, on ne doit pas interroger tout détracteur de l'Etat. En effet, les personnages dans le dialogue se reconnaissent en ce qu'ils disent, leurs propos permettent au lecteur de les distinguer en leur donnant une unité.

Chapitre V : Amadou Ousmane : un observateur de la société

A l'instar des romanciers africains du désenchantement, les romanciers nigériens accordent un intérêt particulier à la situation sociopolitique ayant caractérisé le continent au sortir de la colonisation. La société, à travers les manifestations socioculturelles constitue une source d'inspiration pour les romanciers. Entre autres manifestations en cours dans la société, on peut évoquer les mutations politiques auxquelles s'ajoutent les coutumes ancestrales. Dès lors, elles font l'objet d'observation chez Amadou Ousmane qui, dans l'Honneur perdu a pour ainsi dire le dessein de peindre la société. C'est ainsi qu'il importe d'étudier le rapport qui fait des romans d'Amadou Ousmane une chronique sociopolitique de l'univers décrit. Ce romancier est un observateur de la société, d'où ses moeurs font l'objet de satire. Dans une autre perspective, on étudiera sa vision du monde, une idéologie qui exprime clairement son attachement à l'écriture journalistique.

V.1 De la chronique sociopolitique au récit romanesque

Rappelons le processus de décolonisation à l'issue duquel la majorité des Etats africains ont acquis l'indépendance depuis les années 1960, il constitue en effet, une phase décisive dans l'évolution du roman africain. Ce roman, est en fait, identiquement une observation du corps social et est, par conséquent, le reflet de la société. Ainsi, l'instauration du multipartisme, à travers le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) a inspiré d'éminents écrivains nigériens tels que Mahamadou Halilou Sabo, dans Caprices du destin, Idé Oumarou avec Gros plan, etc. Pendant le monopartisme, sous la 1ère République de Diori Hamani, l'observation de la scène politique a engendré une littérature foisonnante, remarquablement représentée par Quinze ans, ça suffit, par exemple. Ce roman évoque les tares de la première République du Niger, en insistant sur les inégalités sociales qui se traduisent par une petite élite, la classe politique, face au nombre pléthorique des dominés.

En effet, la domination s'accroît au fur et à mesure que l'impôt devient exorbitant, les pluies de plus en plus rares et, conséquemment, on assiste à une paupérisation des couches sociales, d'où la famine. Ainsi, on note la distribution des vivres généreusement envoyés par la communauté internationale. Or, certains dignitaires véreux profitent de leur pouvoir pour les détourner. La mémoire collective du Niger a encore souvenance de l'année 1973 durant laquelle la sécheresse et la famine vont générer des conséquences dramatiques. La situation de cette sécheresse est rapportée ainsi dans le roman :

 «  Vous imaginez ce fléau, quelque chose comme la peste au Moyen-âge. Des morts-vivants à la dérive, errant parmi les amoncellements de cadavres, un pays foudroyé (...) C'est le drame : parce que la famine africaine vient d'entrer dans sa vitesse de croisière, on n'en parle plus ; Or six millions d'hommes, de femmes et d'enfants sont en train de mourir à petit feu dans les camps du Sahel... Toute la question, maintenant, est de savoir si la pluie viendra. De toute façon, ce sera encore la famine : s'il ne pleut pas il n'y aura pas de récolte. »121(*)

On voit clairement qu'Amadou Ousmane se fait chroniqueur social en ce qu'il rapporte des faits sociaux qui se sont passés à un moment de l'histoire. Son oeuvre romanesque apparaît en fait comme une chronique sociopolitique. Il s'intéresse aussi à la réalité quotidienne et, l'observation des faits réels, historiques et culturels atteste de l'intérêt qu'il porte aux questions sociales et politiques. Ainsi, la position privilégiée d'attaché de presse du chef de l'Etat auprès du Général Kountché, puis avec le Général Ali Saïbou qu'a occupée Amadou Ousmane lui permet de dresser une vue exhaustive.

Dans l'Honneur perdu, il touche encore du doigt les problèmes brûlants du Niger, notamment la crise sociopolitique qui a secoué la IIè République, ayant occasionné l'ouverture de la Conférence Nationale Souveraine le 29 juillet 1991. En effet, C'est une oeuvre qui traite des faits tangibles observés durant les années 90. L'on peut citer entre autres les débats d'idées  relatifs à la liberté d'expression et la démocratisation des pays africains à cette époque. Dans cette optique, le narrateur du roman pose la problématique de la question sociale au Niger :

 «  Dans un pays où les gens vivaient dans la hantise des lendemains incertains, où les travailleurs, toutes catégories, étaient quotidiennement confrontés aux multiples aléas de la vie, à la montée vertigineuse des prix, à une incroyable crise de logement, à l'inorganisation des transports collectifs, à l'arrogance des patrons, à la grogne permanente des propriétaires de maison et des commerçants qui s'obstinaient à refuser tout crédit,'' la Déclaration du président'' dans ce qu'elle comportait de promesses, de changement, fut en effet perçue par la quasi-totalité du peuple comme un remède attendu à tous les maux de la société. »122(*)

A travers le récit, on constate que le climat social est explosif, puisque la crise qui secoue la classe politique a des répercutions, telles que les tensions sociales rapportées comme dans le récit d'une chronique. Si le général Okala, président du Bamoul est sensible aux aspirations du peuple, son allié, le colonel Workou s'y oppose. Certes, les faits sont romanesques, c'est-à-dire émanant de l'imagination de l'auteur mais ils traduisent une réalité, vécue ou censée l'être, car les protagonistes de l'histoire, les personnages notamment, sont choisis de sorte qu'ils renvoient à une époque dans la réalité spatio- temporelle.

Amadou Ousmane procède ainsi pour faire oeuvre de chroniqueur. On peut dire que le romancier chroniqueur n'est pas un historien, parce que ni la date ni la scientificité des faits ne priment chez lui. Au contraire, la chronique le conduit à traiter des faits passés en respectant leur chronologie. Ainsi l'on peut affirmer que l'auteur de l'Honneur perdu ne se contente pas seulement de juxtaposer les événements de l'histoire, mais les observe également avec une certaine minutie. Elle apparaît du moment où le romancier conte les actions des personnages avec clarté et exactitude. Pendant que le général Okala se trouve à La Baule, la situation sociale dans son pays devient de plus en plus tendue. Il y revient promptement. Des investigations ont permis de situer les responsabilités, puis on tend vers la tenue de la conférence nationale. Le romancier, en tant qu'observateur de la société, est soucieux de se faire clair pour en être compris. Donc la saisie du sens de son message suppose nécessairement une grande minutie dans l'exposition des faits.

Dans l'Honneur perdu, le général Okala, personnage principal, dont le rôle dans l'avènement de la démocratie a été déterminant a favorisé le multipartisme. Par analogie, le président de la IIè République du Niger, le Général Ali Saibou a lui aussi suscité dans l'esprit de ses concitoyens un engouement, le désir de liberté et de son expression, d'où il a servi de piédestal au multipartisme. Cependant, il est à noter que la démocratie a vu le jour en Afrique tout comme au Niger dans une atmosphère délétère. Le narrateur l'atteste ainsi : 

«  Ils (les politiques) savaient que les bouleversements en cours un peu partout dans le monde n'ont pas pu épargner leur propre pays. Ils avaient entendu parler du vent des libertés qui souffle depuis les lointains pays d'Europe, commençait à déferler sur l'ensemble du continent (...) de grèves, de tracts, de perquisitions, d'arrestations massives d'étudiants, de marche de protestation ou de soutien dans tel ou tel pays, et même de la réussite ou l'échec d'un coup d'Etat ici ou là. »123(*)

Dans la narration des événements sociaux et politiques, Amadou Ousmane fait référence à la fois à l'espace immédiat, le Niger et ailleurs, l'Afrique. On constate qu'il y a une certaine harmonie dans l'évolution des pays africains, dans la mesure où les années 60 ont représenté l'ère des indépendances, puis une décennie après, on a assisté aux coups de force voire même des coups d'Etat, ensuite la démocratisation est intervenue dans un contexte tumultueux. L'auteur de l'Honneur perdu fixe les faits dans un décor à travers lequel on peut situer, à la fois le lieu et le temps qui sont deux éléments majeurs quand on se réfère à la chronique. D'ores et déjà, la lecture de ce roman devient un décryptage des faits saillants agitant l'espace décrit (le Bamoul) à une période (pendant les années 90). Cette période correspond approximativement à l'instauration du multipartisme au Niger.

Dire que le romancier est un chroniqueur, n'est pas une assertion arbitraire. Elle est le résultat d'un constat avéré. Car, dans l'Honneur perdu, il narre l'histoire contemporaine de l'Afrique, en général, et celle du Niger, en particulier. Il s'agit d'une période décisive qui symbolise la maturité du peuple africain s'opposant à tout abus de droit et toute spoliation de liberté. C'est ce qui fait dire que les années 1990 sont une sorte de deuxième désenchantement, puisque le peuple s'est désillusionné à nouveau. Il est encore déçu par le règne des dictateurs après la déception des indépendances.

S'agissant d'Amadou Ousmane, il s'inscrit dans la perspective de la chronique tant du point de vue des thèmes abordés qu'au niveau même de la parution de ses oeuvres, ses deux premiers romans à savoir 15 ans, ça suffit !, le Nouveau juge sont une chronique de la Ière République du Niger, à travers la satire du pouvoir judiciaire, supposé être indépendant.

Néanmoins, la justice n'est guère impartiale car elle est rendue en faveur de certains dignitaires du régime. De la description de la sécheresse meurtrière, au détournent des vivres destinées aux populations sinistrées, en évoquant notamment la perversion des moeurs judiciaires, Amadou Ousmane fait oeuvre de chroniqueur dans le traitement des thèmes. Ces derniers traduisent nettement les faits ayant caractérisé la première République du Niger, du moins les pratiques qui dominent. Il est attentif aux faits saillants ou même accessoires en ce qu'il les rapporte dans un ordre chronologique.

L'oeuvre romanesque d'Amadou Ousmane est une chronique, car ses trois oeuvres rappellent trois décennies (1960-1990). Pendant cette période, plusieurs mutations ont caractérisé le pays. L'évolution sociopolitique, à travers quelques événements majeurs est minutieusement représentée. Entre autres faits, citons le coup d'Etat du Général Wata dans Quinze ans, ça suffit ! qui clôt le roman. Alors que dans l'Honneur perdu, on relate les mouvements qui ont abouti aux débats houleux au cours de la conférence nationale et ayant, peu après, engendré la démocratisation des institutions étatiques.

Fondamentalement, les romanciers nigériens du désenchantement ont fait cause commune la dénonciation des errements du Parti Unique, ils ont pour ainsi dire fait son procès. Depuis lors, la période charnière s`est caractérisée par un silence chronique, de l'année 1974 qui marque le premier coup d'Etat militaire au Niger jusqu'à l'instauration de la IIè République. C'est ainsi qu'Amadou Ousmane rompt ce silence, d'où la remarque d'Abdoul Aziz Issa Daouda critique nigérien: 

«  L'Honneur perdu, conformément aux habitudes d'Amadou Ousmane, s'inscrit dans une des voies privilégiées du roman contemporain nigérien qui est la satire politique. Au demeurant Amadou Ousmane se révèle comme un scrutateur régulier de la vie politique et du dysfonctionnement des institutions du Niger, et à ce titre son dernier roman correspond à une suite logique de son Quinze ans, ça suffit qui fait la satire de la première République nigérienne, comme pour répondre à ceux qui seraient tentés de demander :'' Et aujourd'hui  après les quinze ans?'' »124(*)

En effet, l'auteur de L'Honneur perdu se distingue du panégyrique, du défenseur d'une thèse ou de la position politico idéologique partisane. Par contre, il est un observateur de la réalité sociale ou politique en vue de la représenter. Il mêle faits socio politiques et imagination personnelle. Il fait aussi une chronique sociale et politique dans son récit. Ses romans sont parus successivement de 1977 à 1993. Ils rappellent chronologiquement les périodes prépondérantes de l'histoire socio politique du Niger telles que l'année 1973-74, le temps de la sécheresse et 1993 qui représente l'ère du multipartisme.

En d'autres termes, la société est la première source d'inspiration du romancier, d'où l'observation des mécanismes qui la régissent lui confère le talent d'un chroniqueur. Chronique sociale et chronique politique sont intimement liées dans l'Honneur perdu, puisqu'on ne saurait discerner la description des métamorphoses sociales des manifestations, tantôt latentes, tantôt manifestes qui sous tendent la crise politique. Le roman s'ouvre d'emblée dans un décor dramatique car, l'atmosphère sociale est tendue. Dans cette perspective, on peut retenir l'évocation de l'assassinat d'un étudiant par la police. Un crime rajouté à la réalité par Amadou Ousmane, désirant mettre à nu les affrontements du 09 février 1990 et les faire percevoir par le lecteur conformément à la signification voulue.

Le travail de chroniqueur ne correspond pas uniquement à un agencement des faits réels mais, il consiste aussi à les mêler à l'imagination créatrice de l'auteur. Le romancier ne privilégie pas l'exactitude et la véracité des faits. Il tend plutôt à les replacer dans une atmosphère plus ou moins vraisemblable. Le but visé est, évidemment de rendre visible les faits remarquables. Qu'elle soit le reflet d'un fait social ou même politique, la chronique suppose avant tout un travail rigoureux, telle que l'observation directe voire participante qui incombe au romancier.

La chronique, si elle fait partie intégrante des romans d'Amadou Ousmane, constitue à elle seule la matière d'un de ses ouvrages aux échos retentissants intitulé Chronique judiciaire. Il s'agit, en effet, d'une chronique qui s'inspire des procès auxquels l'auteur a pris part. La finalité est d'ordre juridique, car on nous dresse une fresque sociale dans laquelle apparaissent plusieurs coupables face à une même machine judiciaire.

Amadou Ousmane est imbu de la vocation de chroniqueur. La dimension sociale de son écriture le prouve de façon notoire. Il entend représenter dans son texte ce qui se passe dans la réalité. Conscient de cette mission, il puise dans la réalité sociopolitique pour ancrer ses récits dans le terroir. La vocation de chroniqueur apparaît potentiellement dans son dernier roman, c'est pourquoi l'éditeur admet qu' Amadou Ousmane a fait dans l'Honneur perdu la « chronique d'une démocratisation amorcée »125(*).

Son oeuvre est le fruit d'une observation qui reflète l'évolution de la société nigérienne dans un contexte multipartite. C'est ce qu'on observe ici :  « Et chacun s'octroyait le droit de dire ce qu'il voulait, quand il voulait comme s'il avait une revanche à prendre sur tant d'années de silence imposé par l'Etat d'exception »126(*). On voit que le romancier dresse de façon exhaustive les faits marquants de l'histoire politique du Niger. Il fait une chronique de l'avènement de l'ère démocratique comme il l'a fait dans Quinze ans ça suffit ! concernant le parti unique.

La chronique est, en conséquence une façon de voir le monde chez Amadou Ousmane parce qu'il a le souci de présenter la réalité en évoquant certains faits de l'histoire nationale. Ses romans, Quinze ans ça suffit, Le Nouveau juge et L'Honneur perdu sont une chronique romanesque. Il y apparaît l'évolution des mentalités et des idées ainsi que l'histoire sociopolitique du Niger. A ce niveau, on peut citer Balzac dans son roman les Chouans où il rapporte la réaction des insurgés contre les Républicains.

En somme, Amadou Ousmane manifeste dans son dernier roman la volonté de faire oeuvre de chroniqueur. Il a ainsi le regard braqué sur le réel, l'actualité d'où la société constitue sa source d'inspiration. Sa chronique est le résultat d'une expérience, du vécu quotidien. En conséquence, il ne veut se livrer ni à une imagination débridée, ni à des aventures merveilleuse et irréaliste, mais comme un auteur qui prend uniquement en compte les événements majeurs afin de les décrire avec réalisme.

V.2 Le scrutateur des moeurs

Scruter veut dire examiner attentivement, observer et même évaluer. Quant au substantif scrutateur, il renvoie à l'examinateur, l'observateur. La création romanesque d'Amadou Ousmane le conduit à observer avec minutie les moeurs, les us et coutumes. Son observation concerne spécialement le cadre social, politique et culturel du fait de sa proximité et sa prépondérance. Le roman est, en effet un laboratoire de la société, un lieu où l'on expérimente les faits sociaux. C'est cette conception du roman que l'on retrouve chez Emile Zola dans le Roman expérimental127(*) pour aboutir à la formulation de théories générales de la société. On peut dire que « Zola assigne aux romanciers deux étapes dans leur démarche : `'l'observation'' des faits d'abord, et ensuite l'indispensable ''expérimentation, où ces faits sont soumis à l'épreuve de ce qu'il appelle'' les modifications des circonstances et des milieux.»128(*)

Pour revenir à l'auteur de l'Honneur perdu, il est attentif aux mutations sociopolitiques qui ont secoué l'Afrique à travers le cas particulier du Bamoul, pays imaginaire qu'il évoque dans son roman. D'un point de vue politique, il parait qu'Amadou Ousmane fait l'éloge du Général Okala qui incarne selon lui le dévouement, l'esprit de sacrifice et le nationalisme. Dans son entendement, ces vertus traduisent l'idéal d un chef en ce qu'elles suscitent en lui la prise en compte des aspirations du peuple.

Si le Général Okala à l'instar du peuple opte pour l'instauration d'un régime nouveau, la démocratie en l'occurrence, beaucoup de dignitaires, cependant s'y oppose car ils pensent que «  L'heure du multipartisme n'avait pas encore sonné pour leur pays. »129(*)  En effet, les uns plus intransigeants que les autres décident de se maintenir au pouvoir pour ne pas perdre l'honneur. Ainsi, le romancier critique les moeurs politiques néfastes, parce qu'elles excluent la majorité des citoyens. A l'opposé de la dictature, la démocratie est le pouvoir du peuple, car il choisit lui-même ses représentants légaux à travers le suffrage universel.

Bien que le multipartisme soit l'expression de la volonté générale, il apparaît comme un régime nouveau, un changement plus ou moins brusque que certains contestent catégoriquement. Un tel état de fait permet à l'auteur de critiquer certains dirigeants qui refusent de se conformer à la légalité, au choix du peuple mais défendent des positions partisanes ou même l'intérêt individuel au détriment du bien être collectif.

Notre romancier cherche à ironiser une telle classe politique. C'est pourquoi il critique la bassesse de ses moeurs en utilisant la voix des personnages. Ainsi on affirme que :

« Nous sommes en pleine dérive. Les principes cardinaux qui constituaient notre idéal, et en vertu desquels nous nous sommes emparés du pouvoir pour le bien du pays, sont aujourd'hui scandaleusement bafoués (...) Nous sommes en train de piétiner l'honneur et la dignité de notre armée (...) Dites à nos officiers de quitter le pouvoir avant que l'Histoire ne les déshonore ! »130(*)

Amadou Ousmane apparaît comme un observateur scrupuleux des moeurs. Sa méthode consiste à les saper, d'où il invite le lecteur à une réflexion personnelle en vue d'une prise de conscience individuelle et même collective.

Par ailleurs, on peut dire que l'auteur de l'Honneur perdu oppose deux mondes, d'un côté, l'Afrique traditionnelle que représente certains personnages, notamment Andilo, un agent de sécurité et sa famille ; de l'autre côté, il peint la société moderne.

Quant au cadre traditionnel, il se caractérise par la modestie de ceux qui y vivent, aussi ils sont profondément attachés à l'honneur. On peut l'illustrer à travers la réaction d'Andilo à l'endroit de Fadel, lorsque celui-ci lui annonce le décès de Doudou. Le Colonel Workou, par le biais de son chef de cabinet propose à Akaya et son mari un véhicule pour les acheminer à Magama où vont se dérouler les obsèques, mais la mère du défunt refuse. C'est ainsi que s'exprime le mari d'Akaya : «  Ce n'est pas nécessaire de vous donner tant de mal, nous irons par nos propres moyens ! Coupa alors le brigadier Andilo, avant même que sa femme ne songe à dire quoique ce soit. »131(*)

L'attitude d'Andilo dénote une satisfaction morale, une sorte de contentement de soi. Pour le romancier, le bonheur ne veut pas forcément dire l'opulence. Il est une disposition d'esprit qui conduit l'homme à se réjouir de ses biens propres, aussi minimes soient-ils. Le narrateur surenchérit en disant : «Il (Fadel) se retira ensuite sans bruit, après avoir laissé sur la table une enveloppe contenant quelques billets de banque. Ce qui ne fit qu'ajouter à la douleur de ce couple pétri de dignité et d'orgueil. »132(*)

Il ressort que ces deux personnages incarnent la dignité, le respect de certaines valeurs morales malgré leur indigence, telle est la manière par laquelle Amadou Ousmane loue les moeurs qu'il juge appréciables. Toutefois, le Colonel Workou aussi bien que Fadel révèlent selon lui la dépravation des moeurs, car les deux se caractérisent par un comportement répréhensible. C'est ainsi qu'il déclare :

 «  Que de fois n'avait-on pas vu, en effet, ce vénérable père de famille (Fadel), courant littéralement derrière de petites filles dont certaines n'ont même pas l'âge de ses enfants ! Les mauvaises langues n'hésitaient pas alors à dire que dans ses affaires- là, il ne travaillait pas seulement pour lui-même. Allusion sans nuance à certains `'appétits'' de son patron, le colonel Workou, qui lui- même est loin d'être un saint (...). »133(*)

Partant de ce constat, l'on peut affirmer qu'Amadou Ousmane s'inscrit dans la droite ligne des nouveaux romanciers africains, parce qu'il ne cherche point à idéaliser l'Afrique ancestrale ou même contemporaine, encore moins les moeurs qui y prévalent. Il s'oppose à toute tentative tendant à incriminer l'homme sans en être coupable, il scrute les coutumes et pratiques sans aucune complaisance. Cependant, il les critique même de façon acerbe. Dans son oeuvre, il fait le procès des valeurs et l'un des cas illustrateurs est le statut de son personnage Doudou, un enfant illégitime marginalisé dans la société, alors qu'il ne subit que la conséquence de l'acte posé par ses parents.

Une Sénégalaise du nom de Fatou Diome a abordé le même phénomène dans roman le Ventre de l'Atlantique134(*), puisque l'héroïne Salie est elle aussi une enfant illégitime et se trouve non seulement rejetée par sa mère, son milieu natal, Niordior semble défavorable. Son refuge, la France est également un lieu où prévalent le racisme et la xénophobie.

Si les romanciers contemporains font la satire des moeurs, c'est parce qu'elles constituent un frein à la fois pour l'individu et la société. Des telles pratiques ne favorisent pas donc l'épanouissement socio culturel. En conséquence, Amadou Ousmane s'oppose à toute discrimination. Il n'admet pas non plus d'écart entre individu et société. Il prône l'intégration et l'insertion de l'homme dans son milieu, d'où sa vision du monde est humaniste, car l'homme est au centre de sa réflexion.

Le roman, affirme Stendhal est « un miroir que l'on promène le long d'un chemin. »135(*) En fait, il reflète la réalité sociale. Ainsi tout ce qui est concret, en fait l'objet de représentation. Par delà, le roman stendhalien est une introspection, un examen de la conscience du personnage. Aussi, le fait de scruter les moeurs suppose une observation consciencieuse, leur exposition en vue d'amener l'autre à méditer, ce qui nous amène à dire que la finalité de la dénonciation chez l'auteur de l'Honneur perdu est la conscientisation. Il apparaît là une conception chère à la littérature africaine, à savoir la dimension utilitaire de l'art. Le romancier africain, parce qu'il appartient à une société où l'analphabétisme semble généralisé, n'a de cesse d'oeuvrer en défendant le peuple pour le conscientiser et le responsabiliser. Il ne s'intéresse pas exclusivement aux couches défavorisées, l'élite politique ou même l'intelligentsia représente aussi une cible privilégiée, car pour lui elle fait fi des problèmes réels qui assaillent le peuple. Il se veut donc pragmatique tout en préconisant l'efficience et l'efficacité. Les théories révolutionnaires peuvent avoir un impact tantôt manifeste, tantôt latent au sein d'une société, mais ce romancier pense autrement :

« Il comprit alors combien étaient alors illusoires et chimériques ses discours prétendument révolutionnaires, au regard des problèmes réels qui assaillaient encore son peuple, et qui se trouvaient être : la faim, le paludisme, l'analphabétisme, le tribalisme, etc. 

L'Afrique, réalisa-t-il soudain, avait donc davantage besoin de Nivaquine que de slogans ?

L'ayant compris bien qu'un peu tard, le Recteur Bombery avait donc fini par jeter ses illusions dans les poubelles de l'Histoire, pour épouser des thèses plus réalistes. »136(*)

Le romancier semble dire que les moeurs à proprement parler, sont en harmonie avec les aspirations et les attentes d'une société. Dès lors, l'Honneur perdu transparaît telle une étude des moeurs à même de susciter un éveil d'esprit au niveau des individus. En scrutant les moeurs, il ne dresse pas uniquement un tableau sombre mais également sa position laisse voir une nouvelle société, métamorphosée avec des valeurs culturelles de plus en plus positives.

Quoique quelques-uns soient réfractaires au changement, on peut noter que les analphabètes illustrent plus l'attachement aux moeurs séculaires à travers le comportement d'Akaya à l'égard de Doudou.

 «  Elle osa à peine poser son regard sur le visage de son fils adoré. La pudeur que certaines mères observent encore à l'égard du premier enfant l'empêchait de se précipiter sur lui, de le serrer fort contre elle, comme les mères modernes n'auraient pas hésité à le faire en pareilles circonstances. Elle n'avait pas vu ce fils depuis plus d'un an, mais il était toujours présent au fin fond de son coeur. »137(*)

En effet, dans la société nigérienne d'antan, l'aîné de la famille acquiert un statut à multiples connotations. D'abord il atteste de la fécondité de la femme ; ensuite ses parents observent généralement une certaine pudeur vis à vis de lui, notamment sa mère. Cette pratique se retrouve surtout chez les femmes au point où dans certaines cultures elles ne prononcent même pas peine le nom de l'aîné et Akaya semble intérioriser une telle tradition. Il faut dire que le respect de ces moeurs est capital, puisqu'il favorise la pérennisation du patrimoine culturel.

Toutefois, l'examen des us peut à la fois conduire à les blâmer ou les louer. Cela semble évident dans l'Honneur perdu à travers l'exemple de Doudou en qui un personnage témoigne son esprit de discernement et de sagesse : « (...) et je sais que vous avez refusé tout ce qu'il (le colonel Workou) vous a proposé, y compris la promesse d'une bourse d'études au Canada. Je tiens à vous dire très franchement que votre désintéressement m'a plu. Il est tout de dignité (...) je vous félicite pour avoir su rester digne, en refusant de laisser acheter votre conscience de militant. » 138(*)

Il s'agit là des révélations d'un agent de police de la part du secrétaire général des étudiants qui l'a suivi au cours de son voyage sur Gariko. A l'issue de dix jours, le policier parvient à comprendre que le jeune étudiant est un militant intègre et consciencieux. Il s'avère qu'Amadou Ousmane est un scrutateur réaliste des moeurs au point où, il prend soin de représenter les vertus et les vices qu'elles véhiculent. On peut énumérer des déviances comme le commérage, la calomnie, la diffamation, etc. qu'Amadou Ousmane considère comme des pratiques compromettant ainsi l'ordre social. En les exposant au grand jour, le romancier nous interpelle à les prohiber.

Dans la Comédie humaine, le projet de Balzac est d' « explorer les différentes classes et les individus qui les composent, pour faire `'concurrence à l'état civil'' (...) les Etudes des moeurs sont de très loin les plus nombreuses. » 139(*)En fait, on retrouve la même conception chez le scrutateur qui suggère qu'au-delà de l'islamisation de la société nigérienne, les croyances traditionnelles tel que l'animisme et le syncrétisme religieux y persistent. C'est ainsi que dans l'Honneur perdu, le narrateur rapporte la prédiction d'une voyante aveugle : «  Votre fils, lui avait-elle dit connaîtra bientôt une nouvelle vie. Et Tante Ayou, très versée dans cette science ancestrale, avait longtemps attendue, convaincue que `' la terre ne ment pas'' la concrétisation de la bonne aventure prédite par la vieille voyante. »140(*)

En, effet, la rencontre de Doudou avec le colonel Workou est connue au préalable. Elle se trouve révélée par la prédicatrice. Quant à la nouvelle vie, elle est relative à la reconnaissance de sa paternité.

En somme, le roman d'Amadou Ousmane est comme un traité de moeurs vu la peinture qu'il en fait. On découvre ainsi son rôle de scrutateur dans une perspective ambivalente lui permettant soit de les saper, soit de les magnifier.

V.3 L'influence du journalisme, un style concis

En général, l'oeuvre romanesque d'Amadou Ousmane est écrite dans un style clair. Ainsi, la clarté et la concision dans la façon d'écrire peuvent être dues à sa vision du monde consistant à représenter le vrai, le réel. Il apparaît comme l'un des rares romanciers nigériens qui se sont intéressés à la carrière du journalisme. Et on remarque essentiellement son influence dans la plupart de ses romans.

On peut déclarer avec Abdoul Aziz Issa Daouda que : « (...) Le journalisme va également avoir beaucoup d'influence dans l'oeuvre romanesque d'Amadou Ousmane, notamment dans Quinze ans, ça suffit  et le Nouveau juge. Nous avons déjà évoqué l'adjonction de coupures de presse censées être écrites par des journalistes étrangers et qui auraient une fonction descriptive et polémique dans le roman. »141(*)

Cette assertion s'avère aussi évidente lorsqu'on l'assimile à son tout dernier roman. En effet, dans l'Honneur perdu, le style journalistique prédomine car l'auteur se pose comme un observateur de la société dans ses différents aspects, entre autres, l'aspect politico social, et historico-culturel. L'observation se dirige sur le réel, c'est-à-dire l'actualité et ce, à la différence de ceux qui attachent un intérêt particulier à la situation de l'Afrique pré ou post coloniale, le romancier journaliste, lui, examine de près les faits qu'il a vécus. Il est donc le témoin des mutations décrites.

On peut énumérer au nombre des métamorphoses ainsi rapportées dans l'Honneur perdu les réactions de la société civile, les grèves estudiantines auxquelles s'ajoute la crise sociopolitique, énoncées dans un langage accessible à un large lectorat :

« Ils (les leaders politiques) savaient que les bouleversements qui ont cours un peu partout dans ce monde n'ont pas pu épargner leur propre pays. Ils avaient entendu parler du vent de libertés qui, soufflant depuis les lointains pays d'Europe, commençait à gagner les côtes africaines et s'apprêtait à déferler sur l'ensemble du continent.»142(*)

Chez Amadou Ousmane, le langage littéraire ne fonctionne pas sur la base de sous entendus ou de présupposés. Il n'est pas non plus imagé. Il exprime plutôt son désir de rendre sa pensée suffisamment claire pour être compris par un large public qui, pour la plupart sait à peine lire, sinon est analphabète. La lecture de son roman permet de comprendre qu'en matière de journalisme, il n'est pas un amateur, mais un professionnel dont la vocation transparaît à travers les pages de ces oeuvres. Quinze ans, ça suffit  est semblable à l'Honneur perdu car les articles de presse y abondent également. Mais ils sont écrits par des étudiants comme le fait croire le narrateur : 

«  Un tour dans les bibliothèques des différentes facultés, si tant et qu'elles méritent ce nom, permettrait de constater qu'il s'agit plutôt d'un savoir en désuétude, où les ouvrages indispensables à la formation des étudiants font le plus souvent défaut. Ces derniers en sont réduits à faire les couloirs de certains organismes spécialisés détenant les informations dont ils ont besoin. Les étudiants en géographie ou en sociologie en savent quelque chose. »143(*)

La spécificité de cet article est qu'il révèle une situation réelle en apparence. Il paraît réaliste en ce qu'il évoque les problèmes qui font obstacle aux étudiants dans la recherche du savoir, notamment l'insuffisance des documents. Le romancier mêle dans le passage évoqué deux faits notoires au regard du journalisme. D'abord le reportage, qui est pris en charge par un étudiant en rapport à sa situation. Ensuite, la satire qu'il en fait apparaît comme un autre procédé de la presse écrite en vue susciter la sensibilité du lecteur. On remarque également une distanciation permettant à l'auteur de se désengager de la paternité des propos qu'il attribue au personnage, comme dans une interview : « Quant à la vie à la cité universitaire, c'est un véritable calvaire ! ajoute l'article de l'étudiant. »144(*)

Le journaliste, parce qu'il s'intéresse à l'actualité, est tenu de rapporter des informations fiables et crédibles. Ainsi, la source doit aussi être authentique. C'est ce que semble dire l'auteur de l'Honneur perdu. A défaut de l'objectivité, les médias recourent à certains procédés stylistiques leur permettant de prendre distance vis-à-vis de l'énoncé, tel est le cas du mode conditionnel. « ...le conditionnel indique que le journaliste ne prend pas l'information à son compte s'il écrit : Le président serait malade. Par opposition à le président est malade. »145(*) En effet, le mode conditionnel est un temps qui exprime l'hypothèse, l'éventualité, en l'utilisant, on peut donc livrer des informations sans risque d'être inculpé par une autorité ou être accusé de diffamation. Dans le roman d'Amadou Ousmane, les hypothèses foisonnent aussi et cela, à travers le portrait moral du colonel Workou. Pareillement, il n'entend pas exprimer une évidence mais fait une supposition. Il affirme que

« Nul doute qu'avec lui, le pays se serait mieux porté. En tout cas, jamais, il n'aurait accepté que l'autorité de l'Etat soit ouvertement bafouée. Il aurait restauré la discipline dans les casernes et les lycées, il aurait imposé le respect des horaires dans toutes les administrations, il aurait réduit les syndicats au silence ; il auraient convaincu les Musulmans et les Chrétiens à observer plus de tolérance (...) il aurait agrandi les prisons pour recevoir ces `' bandits d'Etat `' qui continuent à dilapider les fonds publics au gré de leurs fantaisies, pour s'offrir des villas cossues, des voitures et maints petits plaisirs, au nez et à la barbe du petit peuple. »146(*)

A travers ce passage, le romancier exprime son idéal, celui d'une société équitable et harmonieuse où l'on vit paisiblement dans le respect réciproque et la compréhension mutuelle. En insistant sur l'emploi du conditionnel, il nous montre qu'il n'interprète pas les propos du personnage mais les rapporte. Il expose sa vision du monde par le biais de l'être fictif et, par delà, entend donner une leçon car pour lui, le style journalistique peut viser une fin didactique.

La concision du style peut être due par ailleurs, à l'agencement des phrases simples, une façon de dire sans détour le mot juste, ainsi, on a dans le même sens : «  Je crois en la justice. »147(*)

Toutefois, le langage journalistique diffère de la communication littéraire, de l'écriture romanesque puisque l'un s'adresse, principalement à un lectorat sensationnel tandis que l'autre repose sur les images et la polysémie. Donc la fonction poétique est dominante. Elle s'adresse à une élite. Tout de même, Amadou Ousmane n'emprunte pas la rhétorique journalistique pour plaire, mais l'emploie en vue d'une meilleure compréhension. Peut-on dire que l'influence de la presse n'est qu'une réminiscence, un souvenir plus ou moins réfléchi ? L'auteur de la Double tentation du roman nigérien, offre un éclairage à cette problématique : « (...) La plus grande marque du journalisme chez Amadou Ousmane est en rapport avec la fonction de chroniqueur judiciaire qu'avait occupée le romancier au sein de la presse écrite nigérienne. »148(*)

A l'instar du journaliste, ce romancier prend distance vis-à-vis de son discours. Autrement dit, il ne s'y implique pas et emploie rarement le pronom `'je'', les termes valorisants ou laudatifs, d'où il se pose comme un rapporteur. On peut noter que « Les médias d'Etat, restés longtemps inaccessibles aux syndicats commencent à s'ouvrir à toutes les sensibilités. Les syndicalistes purent ainsi parler à la télévision, et des reportages sur les activités du monde scolaire commencèrent à trouver place dans les colonnes de l'unique quotidien national. »149(*)

Au-delà de la concision, l'auteur de l'Honneur perdu observe l'univers de la presse avec discernement. Par conséquent, cet esprit d'analyse et de synthèse le conduit à distinguer une presse indépendante d'une presse partisane. En effet, il critique le journal national car il semble parler uniquement de l'Etat, de son gouvernement. Pour lui, il se détourne de sa mission originale consistant à informer les citoyens.

Cependant, l'émergence des médias privés parait prometteuse dans l'optique d'Amadou Ousmane bien qu'elle engendre séquestrations et brimades des journalistes par le pouvoir. C'est ainsi qu'il présente l'image de Bello, de façon controversée. Il est détenu sous prétexte qu'il met l'autorité de l'Etat en cause, le narrateur ne tarde pas à lui rendre hommage ici : «  Bello, journaliste de renom (...) Sa rigueur morale et son professionnalisme étant connus de tous. »150(*) Par contre, le ministre de l'information reprouve son attitude en la qualifiant d' « Un acte irresponsable, un acte de sabotage visant à ternir l'image de marque du régime. »151(*)

L'Honneur perdu apparaît comme un magazine, dans lequel on retrouve plusieurs articles dénonçant les travers d'un régime qui amenuise la liberté d'expression et à cause d'une seule personne à qui l'Etat a conféré un pouvoir. Pour l'énonciateur : «  Le Ministre de l'information (...) n'hésitait pas parfois à se transporter jusque dans les studios de la Radio et Télévision, pour censurer ou orienter le contenu de certaines informations. »152(*)

Selon l'auteur la finalité des médias est de répondre aux attentes des citoyens, donner des informations efficaces. On constate qu'il y a un attachement, un penchant entre l'homme et son métier, entre Amadou Ousmane et sa profession. D'où il rend hommage aux médias internationaux, notamment les radios qui émettent en langues nationales, car pour lui, elles participent à la formation et à la conscientisation des masses populaires. Il se veut, en fait impartial et critique les tares quand il le faut. Ainsi il prône le respect des valeurs humaines dans la perspective de son métier, la presse.

Par ailleurs, il ne tarde pas à s'interroger au sujet de certains médias qui jettent le discrédit sur les pays africains, notamment les hommes politiques au cas où ils ne se soumettent surtout pas aux velléités de la métropole. Ainsi, il affirme qu' : « Il (le colonel Workou) ne comprenait pas comment un pays indépendant et souverain encore accepte de se laisser ainsi insulter à longueur d'antenne, par une Radio étrangère relevant d'un gouvernement soit disant `' ami''. »153(*) En effet, Amadou Ousmane transcende la sphère de la défense du peuple, il prend de ce fait position pour se faire le porte parole de sa nation, de l'Afrique et du Tiers monde en général. Il s'inscrit donc dans une perspective cosmopolite.

D'un autre point de vue, la clarté du style se traduit chez le romancier dans sa tendance au reportage. Son oeuvre ressemble à un article dans lequel le journaliste rapporte les faits auxquels il a pris part. Pour le narrateur, «  Certains grands commis, ou même de simples hommes d'affaires qui avaient, oublié jusqu'au goût de l'eau du puits, coururent ainsi précipitamment au village où ils se dépêchèrent de renouer avec leurs proches dans la perspective des futures échéances électorales. »154(*)

L'avènement de la démocratie a suscité, en conséquence, un engouement et un enthousiasme chez l'élite politique malgré sa méconnaissance des réalités dans lesquelles vivent les populations. Le style journalistique se caractérise par la clarté et cela amène le lecteur à découvrir la vérité de lui-même. En revanche, Amadou Ousmane déplore le fait que le choix démocratique soit basé parfois sur des affinités ethnolinguistiques ou des considérations d'ordre social. Pour lui, le processus de démocratisation demeure critique dans un pays où la majorité de la population ne sait ni lire ni écrire. C'est ainsi qu'il envisage une instruction à l'échelle nationale afin de favoriser d'abord la prise de conscience du peuple, ensuite sa prise en charge, conditions sine qua non pour l'épanouissement humain.

A l'instar d'Idé Oumarou dans Gros plan qui brosse le tableau des moeurs sociales et pratiques politiques sous la Ière République du Niger, l'auteur de l'Honneur perdu, lui, s'inspire de l'actualité et, les faits qu'il évoque sont récents. On le remarque à ce niveau lorsqu'il dit :

 «  Lentement, la vie reprit son cours normal. On oublia pour un temps les grèves perlées qui, durant des mois, avaient soumis le pays à rude épreuve. On oublia les sautes d'humeur des conducteurs de taxi et d'autobus, les longues coupures d'électricité ; les obstructions de voies publiques par des transporteurs en colère, les journaux télévisés vite `'expédiés'' par des journalistes qui saisissaient le moindre prétexte pour `'débrayer''155(*)

En observant la société, Amadou Ousmane peint des faits réels, et la représentation de la réalité a pour conséquence le recours à une méthode d'écriture qui traduit le mieux cette réalité, d'où on note une quasi absence du merveilleux et du surnaturel dans son oeuvre, son but est de rapporter des faits avérés.

En définitive, la clarté du style apparaît comme une vision du monde chez notre romancier, puisqu'il vise à informer un large public des métamorphoses de sa société lesquelles, peuvent paraître inaperçues sans une représentation plus ou moins sensible de la réalité.

 

Conclusion

Au regard de l'analyse de L'Honneur perdu, on remarque une nette influence du réel. Ainsi son expression y est dominante, comme dans l'essentiel de l'oeuvre romanesque d'Amadou Ousmane, d'où son caractère réaliste. Dans un premier temps, l'étude de la structure a permis de comprendre que cette oeuvre est à l'image du roman balzacien composée en chapitres. Ils sont liés logiquement, parce qu'il y apparaît une certaine progression au niveau de l'intrigue. On observe une cohérence du point de vue interne et externe, dans la mesure où le nombre de pages est quasiment la même au sein de chaque chapitre. Les intitulés s'identifient également au contenu. Quant au titre, il est littéral, c'est-à-dire qu'il renvoie au contenu de l'oeuvre.

La description est réaliste en ce que l'auteur s'inspire parfois des lieux réels tout en les rendant vraisemblables. Celle des lieux imaginaires suscite une impression du réel. Et Réciproquement, le cadre spatial est peint au point d'être assimilé à un lieu réel, donc il suscite une impression de vue. Tous ces éléments contribuent à rapprocher la peinture des lieux dans le roman d'Amadou Ousmane à la description balzacienne. L'espace et le temps réfèrent au Niger pendant la période de démocratisation, d'où le Bamoul, pays imaginaire ainsi que la référence temporelle expriment un lieu précis à une période repérable.

S'agissant du personnage romanesque, il ressemble à la personne réelle au sens où les deux semblent avoir la même appartenance sociopolitique. L'être fictif se spécifie à la fois par son origine sociale et son langage est comme un idiolecte, voire même un sociolecte. On peut dès lors comprendre que la caractérisation des personnages chez le romancier vise à leur donner une unité. C'est pourquoi l'évolution psychologique apparaît de plus en plus vive.

En ce qui concerne la narration, elle est fortement marquée par un effort constant de l'auteur se rapprocher des faits vrais. C'est pourquoi L'Honneur perdu est un roman dans lequel il s'est beaucoup intéressé à l'histoire contemporaine du Niger. L'impersonnalité du récit s'explique par la recherche de l'objectivité. La temporalité permet de ressortir la coïncidence du temps de la narration avec le temps de l'histoire.

En somme, l'écriture romanesque d'Amadou Ousmane est largement dominée par le style journalistique. C'est un observateur vigilent de la société. Ses romans s'assimilent à une longue chronique et s'efforcent de coller de plus près à la réalité sociopolitique vécue par la communauté, à laquelle l'auteur reste attaché. Dans le fond, il y ressort une large prise en compte de l'actualité. Les faits sociaux et politiques récents constituent la trame. Cela fait de l'auteur un observateur de la société, et un scrutateur des moeurs.

Deux méthodes critiques ont servi à l'étude de cette oeuvre. Tout d'abord, il faut noter la sociologie du roman en raison de l'interaction entre l'auteur et son milieu d'origine qui sont les principales sources de l'oeuvre. Une telle méthode a permis de déterminer l'influence des faits sociaux de même que la faculté créatrice dans l'oeuvre. Ensuite, la sémiotique, qui a consisté au décryptage des repères spatiotemporels qui traduisent surtout l'emprise de l'imagination du romancier.

En conséquence, on peut affirmer sans risque de se tromper que l'Honneur perdu est un roman réaliste, puisque Amadou Ousmane s'est inspiré du vécu quotidien. Cette écriture fait donc référence au réalisme balzacien.

Mais, le roman nigérien est il essentiellement d'inspiration nationale ou doit il tendre vers une perspective cosmopolite, universelle ?

Bibliographie

I. Corpus

OUSMANE Amadou, Quinze ans, ça suffit ! Présence africaine, 1985.

OUSMANE Amadou, Le Nouveau juge, NEA, 1981.

OUSMANE Amadou, Chronique judiciaire, Niamey, INN, 1987.

OUSMANE Amadou, L'Honneur perdu, Niamey, NIN, 1993.

OUSMANE Amadou, Le Témoin gênant, Médis, 1994

II- Ouvrages généraux

ABDOURAHMANE Soli, Conférence Nationale du Niger, Presses de l'Imprimerie des Arts graphiques du Niger.

BONI Nazi, Crépuscule des temps anciens, Paris, Présence africaine, 1962.

DIOME Fatou, Le Ventre de l'Atlantique, Paris, Anne carrière, 2003.

HALILOU SABO Mahamadou, Caprices du destin, Niamey, INN, 1981.

HONORE de Balzac, Le père Goriot, Hachette, 1997.

HONORE de Balzac, Les Chouans, Presses pocket, 1990.

KOTOUDI Idimama, les Forces vives, Niamey, INN, 2005.

OUMAROU Idé, Gros plan Abidjan, NEA, 1977.

OUMAROU Idé, Le Représentant, Abidjan, NEA, 1984.

OUSMANE Sembène, L'Harmattan, Présence africaine, 1980.

OUSMANE Sembène, Les Bouts de bois de Dieu, Présence africaine, 1960.

OYONO Ferdinand, Le Vieux nègre et la médaille, 10/18, 1956.

SALIFOU André, Tels pères, tels fils, Niamey, INN, 1993.

QUENEAU Raimond, Zazie dans le métro, Paris, Gallimard, 1959.

V- Thèse

ISSA DAOUDA Abdoul Aziz, La Double tentation du roman nigérien, L'Harmattan, Paris, 2006.

III Ouvrages spécialisés.

ARON Paul, DENIS Saint- Jacques, VIALA Alain, Le Dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.

BARTHES Roland, Le Degré zéro de l'écriture, Paris, Seuil, 1953.

BARTHES Roland, KAYSER,  Wolfang, WAYNE C. Booth et Hamon Philippe, Poétique du récit, Paris, Seuil, 1977.

ETERSTEIN Claude et al, Littérature française de A à Z, Paris, Hatier, 1998.

DANIELLE Leeman, « La communication » in Dictionnaire universel, Hachette/Edicef, 2002, p.1462.

DENIS Bertrand, « Positions énonciatives » in Précis de sémiotique littéraire, Paris, Nathan, 2000, pp.71-94.

GENETTE Gérard, « Frontières du récit » in Poétique du récit, Paris, Seuil, 1977, P.158-169.

TZVETAN Todorov, « Les catégories du récit littéraires » in Poétique du récit, Paris, Seuil, 1977, pp131-157.

GOLDENSTEIN J.P., Pour lire le roman, Deboeck-Duculot, 1989.

GOLDMAN Lucien, Pour une sociologie du roman, Paris, Gallimard, 1980.

HENRI Benac, Guide des idées littéraires, Hachette, 2003.

JEAN Michel Adam, « Les structures de l'oeuvre » in Les Grands Atlas Universalis, Encyclopédie universalis, 1990, P34.

JEAN Ricardou, « Temps de la narration, Temps de la fiction » in Problèmes du nouveau roman, Seuil, 1967.

MARTINE Lani Bayle, Ecrire une recherche, mémoire ou thèse, Lyon, Chronique sociale, 2002.

III- Sources électroniques

F:/ La Comédie humaine-Wikipédia.mht.

F:/ Le Rouge et le noir-Wikipédia .mht.

File://:/ Genette-Narratologie-signo-Théories sémiotiques appliquées-hmt.

http://fr Wikipédia.org.

http://fr. Wikipédia.org/ Wiki Ro/o C3o/o (Litt o/o C3 9 rature).

Http: members. Home.n/ngr idshepers/ pdf

Http://fr.Wi.org/ Zazie dans le métro 0/0 c3o/o A9tro.

Onomastique Wikipédia.

IV Articles de presse :

DIADO Amadou, « Le Général Ali Saïbou, un grand démocrate pétri de patriotisme » in Magazine La Voix Libérée, Niamey, Imprimerie IMBA, Août 2010, p.24.

DIADO Amadou, « La Baule, François Mitterrand et l'Afrique » ibid, pp.26-27.

Table des matières

Introduction 2

Chapitre I : L'Honneur perdu : Une structure réaliste 7

I.1 Montage et compositions réalistes 8

I.2 L'adéquation du titre au contenu 14

I.3 Réalisme et causalité 18

Chapitre II : Espaces fictifs et illusion réaliste 21

II.1 Espace réel et description réaliste 22

II.2 Référents imaginaires 24

II.3 De la description balzacienne 27

Chapitre III : Raconter le réel 32

III.1 Le roman sous l'emprise des faits réels 33

III.2 Le roman miroir ou l'objectivité narrative 36

III.3 Temps historique et temps narratif 38

Chapitre IV : Personne réelle et personnage romanesque 46

IV.1 Le personnage : reflet d'une société 47

IV.2 Le dialogue des personnages, tel père, tel fils 53

IV.3 L'être fictif et évolution psychologique 56

Chapitre V : Amadou Ousmane : un observateur de la société 58

V.1 De la chronique sociopolitique au récit romanesque 59

V.2 Le scrutateur des moeurs 65

V.3 L'influence du journalisme, un style concis 70

Conclusion 76

Bibliographie 79

* 1 BARTHES Roland, le Degré zéro de l'écriture, Paris, Seuil, 1953.

* 2 Honoré de BALZAC, la Comédie humaine, Paris, Dubochet Fume et Hetzel, 1901.

* 3 F:/ la Comédie humaine. Wikipédia.mht.

* 4 BONI Nazi, Crépuscule des temps anciens, Paris, Présence africaine, 1962.

* 5 BOTO Eza, Ville cruelle, Paris, Présence africaine, 1954.

* 6 FANTOURE Alioum, le Cercle des tropiques, Présence africaine, 1972.

* 7 OUMAROU Idé, Gros plan, Abidjan, NEA, 1977.

* 8 OUSMANE Amadou, Quinze ans, ça suffit !, Présence africaine, 1985.

* 9 OUSMANE Amadou, le Nouveau juge, NEA, 1981.

* 10 OUSMANE Amadou, l'Honneur perdu, Niamey, NIN, 1993.

* 11 OUSMANE Amadou, Chronique judiciaire, Niamey, INN, 1987.

* 12 OUSMANE Amadou, le Témoin gênant, Médis, 1994.

* 13 ARON Paul, DENIS Saint Jacques, VIALA Alain, le Dictionnaire du littéraire, PUF, 2002.

* 14 GOLDMAN Lucien, Pour une sociologie du roman, Paris, Gallimard, 1980.

* 15 Idem, p338.

* 16 L'Honneur perdu op. Cit., p36-37.

* 17 La Baule, ville française où s'est tenu en 1989 un sommet des chefs d'Etat africains dans le cadre de la démocratisation du continent.

* 18 L'Honneur perdu, op. cit.p.36.

* 17 L'Honneur perdu, op. Cit., p.79.

* 19 Idem, p.86.

* 20 L'Honneur perdu, p.126.

* 21 Idem, p.127.

* 22 Idem, p.152.

* 23 L'Honneur perdu, p.208.

* 24 L'Honneur perdu, p.209.

* 25 Ibidem, P.209.

* 26 Guy de MAUPASSANT cité par HENRI Benac in `'Guide des idées littéraires, Hachette, 2003.

* 27 Guide des idées littéraires, p.505.

* 28 L'Honneur perdu, p.33

* 29 Idem, p.20.

* 30 Encyclopédie universelle, Vol 20, Paris, 1980, p.2090.

* 31 L'Honneur perdu, op. Cit., p.61.

* 32 OUMAROU Idé, le Représentant, Abidjan, NEA, 1984.

* 33 Idem, p.199.

* 34 L'Honneur perdu, p.34.

* 35 OUSMANE Sembène, l'Harmattan, Présence africaine, 1980, p.9.

* 36 KOTOUDI Idimama, les Forces vives, Niamey, N.I.N, 2005.

* 37 Idem, p.52.

* 38 L'Honneur perdu, op. Cit., p.47.

* 39 Dictionnaire des littératures françaises et étrangères, Larousse, 1994.286.

* 40 Honoré de BALZAC, le Père Goriot, Hatier, 2004.

* 41 L'Honneur perdu, op. Cit, p.134.

* 42 Idem, p.57.

* 43 L'Honneur perdu, op. Cit., p.36.

* 44 Le Nouveau juge, op, cit, p.25

* 45 L'Honneur perdu, op, cit, p.113.

* 46 JEAN Michel Adam, « les Structures de l'oeuvre » in les Grands atlas universalis, Encyclopédie universelle, 1990 p.34.

* 47 OYONO Ferdinand, le Vieux nègre et la médaille, 10/18, 1956.

* 48 L'Honneur perdu, op. Cit. p.132.

* 49 JEAN Michel Adam, « les Structures de l'oeuvre » in les Grands atlas universalis, Encyclopédie universelle, op., cit., p.34.

* 50 L'Honneur perdu, op. Cit. p.78-79.

* 51 Honoré de BALZAC, les Chouans, presses pocket, 1990.

* 52 Idem p. 31

* 53 La littérature française de A à Z, Paris, Hatier, 1998, p.129

* 54 L'Honneur perdu, op. cit, p. 124

* 55 GENETTE Gérard, « Frontières du récit » in Poétique du récit, Seuil, 1977, p. 163

* 56 La littérature Française de A à Z, op. Cit, p. 296

* 57 L'Honneur perdu, op. cit, p. 77

* 58 http : members. Home//ngr idscheepers/pdf

* 59 GENETTE Gérard « Frontières du récit » in Poétique du récit, p. 163.

* 60 L'honneur perdu, op. cit, p. 125

* 61 Http: members. home n //ngr idshepers/pdf

* 62 L'Honneur perdu, 0p cit, p. 175

* 63 Gros plan, op. cit, p. 5

* 64 DIADO Amadou, « Le général Ali Saibou, un grand démocrate pétri de patriotisme » in la Voix Libérée, Niamey, Imprimerie IMBA, Août 2010, p.24.

* 65 Evolution Politique du Niger de 1987 à nos jours, Niamey, FONDS Niger, 1995, p 10

* 66 L'Honneur perdu, op. Cit. p 7.

* 67 http : //fr.wikipedia.org

* 68 SOLI Abdourahmane, Conférence Nationale du Niger, Niamey, Presses de l'imprimerie des Arts graphiques du Niger, p. 26.

* 69 DIADO Amadou, « La Baule, François Mitterrand et l'Afrique » in la Voix libérée, op. Cit, p.26.

* 70 F : /Le rouge et le noir-wikipedia-mht

* 71 Stendhal, Le Rouge et le Noir, Presses pocket, 1990.

* 72 F : /Le rouge et le noir-wikipedia-mht

* 73 L'Honneur perdu, op. Cit, p. 44

* 74 File:// fr. Genette Narratologie Signo Théories sémiotiques appliquées.htm.

* 75 F:/ le Rouge et le noir- Wikipédia-org.

* 76 File:///Genette-Narratologie-Signo-Théories sémiotiques appliquées.-htm.

* 77 L'Honneur perdu, op.cit, p69.

* 78 F:/ La temporalité narrative.mht.

* 79 L'Honneur perdu, op, cit, p.17.

* 80 TZVETAN Todorov, «  Les catégories du récit littéraire » in Poétique du récit, p.145.

* 81 L'Honneur perdu, op, cit, p.113.

* 82 Http:// WWW.Google.com.La temporalité dans le roman.

* 83 L'Honneur perdu, op. Cit, p..214.

* 84 L'Honneur perdu, op, cit., p.95.

* 85 http:// Google-.com.la temporalité dans le roman

* 86 L'Honneur perdu, op., cit., p.10-11.

* 87 RICARDOU Jean «  Temps de la narration, Temps de la fiction » in Problèmes du nouveau roman, Paris, Seuil, p.161.

* 88 File:// Genette-Narratologie-Signo-Théories sémiotiques appliquées.hmt.

* 89 DENIS Bertrand, « Positions énonciatives » in Précis de sémiotique littéraire, Paris, Nathan, 2000, P.71. 

* 90 L'Honneur perdu, op. Cit, p.27.

* 91 Genette-Narratologie-hmt.

* 92 L'Honneur perdu, op, cit. p.36.

* 93 Genette-Narratologie-hmt.

* 94 L'Honneur perdu, op, cit. p.19.

* 95 L'Honneur perdu, p.155-156.

* 96 Guide des idées littéraires, op cit, p.

* 97 Honoré de BALZAC, le Père Goriot, Hachette, 1997, p.11.

* 98 L'Honneur perdu, op, cit, p.12.

* 99 Onomastique-Wipédia

* 100 SALIFOU André, Tels pères tels fils, Niamey, INN, 1993.

* 101 L' Honneur perdu op, cit, p.17.

* 102 Idem, p.114.

* 103 Quinze ans, ça suffit !, p.134.

* 104 L'Honneur perdu, p.114

* 105 J. P. GOLDEINSTEIN, Pour Lire le roman, DEBOECK-DUCULOT, p. 43. 

* 106 OUSMANE Sembène, les Bouts de bois de Dieu, Présence africaine, 1960.

* 107 L'Honneur perdu, op cit, p.157.

* 108 Idem, p.74.

* 109 ISSA DAOUDA Abdoul Aziz, la Double tentation du roman nigérien, Paris, L'Harmattan, 2006, p.210.

* 110 L'Honneur perdu, p.37

* 111 HALILOU SABO Mahamadou, Caprices du destin, Niamey, INN, 1981.

* 112 http : members. Home.n/ngr idshepers/pdf.

* 113 Raymond QUENEAU, Zazie dans le métro, Paris, Gallimard, 1959.

* 114 L'Honneur perdu, P.52-53.

* 115 L'Honneur perdu, p.69.

* 116 Idem, p.41.

* 117 J P GOLDENSTEIN, Pour lire le roman, op. Cit. p.51.

* 118 La Double tentation du roman nigérien, op, cit, p.177.

* 119 L'Honneur perdu, p.183-184.

* 120 Idem, p.86.

* 121 Quinze ans ça suffit, op. Cit., p.28-30.

* 122 L'Honneur perdu, op. Cit., p.36-37.

* 123 L'Honneur perdu, op. Cit, p.44.

* 124 La Double tentation du roman nigérien, op. Cit., p.23.

* 125 Note de l'éditeur sur la couverture du roman.

* 126 L'Honneur perdu, p.38.

* 127 EMILE Zola, le Roman expérimental, 1880.

* 128 Collection Henri Mitterrand, littérature française du XIXè s, p.463.

* 129 L'Honneur perdu, op. Cit. p.20.

* 130 Idem, p.111.

* 131 L'Honneur perdu, op. Cit. p.77.

* 132 Ibidem, p.177.

* 133 Idem, p.121.

* 134 DIOME Fatou, le Ventre de l'Atlantique, Paris, Anne Carrière, 2003.

* 135 F:/ le Rouge et le noir -Wikipédia-org.

* 136 L'Honneur perdu, op.cit., p.107.

* 137 L'honneur perdu op. Cit, p.117

* 138 Idem, 157.

* 139 http://fr. . Wikipédia.org/Wiki R0/0 C30/0( litt0/0 c3 rature).

* 140 L'Honneur perdu, op, cit, p.144.

* 141 La Double tentation du roman nigérien, op. Cit. p.167.

* 142 L'Honneur perdu, p.44.

* 143 Idem, p.78.

* 144 L'Honneur perdu, op., cit, p. 23.

* 145 DANIELLE Leeman, « La communication » in Dictionnaire universel, Hachette/Edicef, 2002, p.1462.

* 146 L'Honneur perdu, op. Cit. p.24.

* 147 Idem,p.206.

* 148 La Double tentation du roman nigérien, op., cit, p.267-268

.

* 149 L'Honneur perdu, op., cit., p.39.

* 150 Idem, p.82.

* 151 L'Honneur perdu, op, cit., p.82.

* 152 Idem, p.37.

* 153 L'Honneur perdu, op. Cit, p.33.

* 154 Idem, p.37.

* 155 L'Honneur perdu, op, cit, p.38.






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