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Mémoire, identité et dynamique des générations au sein et autour de la communauté harkie. Une analyse des logiques sociales et politiques de la stigmatisation.

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par Emmanuel BRILLET
Université Paris IX Dauphine - Doctorat de sciences politiques 2007
  

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- 2. L'état des résistances : une politique non avenue ?

En l'espèce, le « cheminement de l'esprit de pardon » (Paul Ricoeur) se heurte à trois formes d'impedimenta :

- militants, au nom d'une approche qui, par principe, se refuse à détacher l'examen de la trajectoire des anciens harkis de la condamnation "en bloc" du « système colonial », et s'interdit, par conséquent, d'examiner les "bonnes raisons" des premiers sous peine de paraître vouloir prêter le flanc à la réhabilitation du second (section a.) ;

- savants, en raison de l'indétermination relative entre démarche savante et trajectoire militante pour ceux des historiens professionnels qui se sont éveillés à la politique pendant la guerre d'Algérie, et qui, sur ce sujet plus que sur d'autres peut-être, sont potentiellement en butte à des effets de miroir qui leur commandent de privilégier certains aspects de cette guerre plutôt que d'autres, ou de les aborder dans une optique en quelque manière préemptée par ces enjeux de mémoire (section b.) ;

- étatiques, puisque d'une part, en Algérie, la figure du harki continue de n'avoir d'autre usage qu'instrumental - à des fins attentatoires et dilatoires - dans un champ politique "corseté" par « une histoire convenue, unanimiste »1743(*), et rien, ni la succession des générations ni la succession des guerres, ne semble devoir frayer le passage à une reconnaissance autre que totémique et polémique de ces « corps de personnages » et de ces « histoires de vie »1744(*) longtemps mis à distance, bien au contraire ; et puisque d'autre part, en France, le réexamen des tenants ayant prévalu au moment de mettre en branle la politique de dégagement et de décider du sort des anciens supplétifs musulmans de l'armée française, aussi bien que le ressouvenir des aboutissants de cette politique, se heurtent à la difficulté, pour ceux qui ont succédé au général de Gaulle à la tête de l'Etat (à droite et à gauche de l'échiquier politique), de "désacraliser" une figure dont la réputation est désormais consensuelle (section c.).

a) Inerties militantes

Ce qui fait obstacle, d'abord, au cheminement de « l'esprit de pardon »1745(*), c'est la frontière symbolique du "politiquement correct". Cette frontière invisible, mais "agissante", explique - en partie au moins - l'inappétence des leaders d'opinion et des analystes pour cette question. Est en cause, plus précisément, l'étiquette « Algérie française » (entendre « O.A.S. et soutiens ») accolée aux anciens harkis, marginalisant la prise en compte des questionnements afférents à leur destinée à quelques cercles restreints, eux-mêmes ostracisés : on pense par exemple à Radio Courtoisie, qui revendique ouvertement ses accointances avec la droite dite « nationale ». Là réside une différence essentielle avec le récent réinvestissement médiatique du débat relatif aux faits de torture pendant la guerre d'Algérie. De fait, ce débat, déjà très vif en son temps, est relayé par une large frange de la gauche intellectuelle qui, aujourd'hui plus qu'hier, est "en place" dans les sphères de production et de diffusion du savoir1746(*). Autrement dit, le débat moral est aussi affaire de « fenêtre d'opportunité », et toutes les mémoires traumatisées n'ont pas des chances égales d'être portées et relayées dans leur demande de reconnaissance par des leaders d'opinion influents.

Il est cependant nécessaire de distinguer entre, d'une part, une parole strictement militante, liée à des collèges d'acteurs autrefois engagés en guerre d'Algérie ou qui se réclament de cet engagement et, d'autre part, l'écho certes plus "arrondi", moins tranché, qu'en donnent à voir certains grands organes de presse (qui proposent comme une lecture "banalisée" des schèmes d'interprétation plus "serrés" élaborés par les premiers), mais qui - par ce fait - contribuent tout autant - sinon plus - à leur "ancrage" dans l'opinion.

S'agissant des premiers, Marcel Péju, ancien secrétaire de Jean-Paul Sartre et signataire du Manifeste des 121, invité à l'automne 2003 par l'hebdomadaire Marianne à réagir à la parution du livre de Georges-Marc Benamou, Un mensonge français, n'avait pas hésité - dans un article intitulé « Contre les harkis et contre le massacre des harkis » - à assortir (et donc à relativiser ?) sa condamnation des massacres de l'après-indépendance par le rappel de la supposée qualité de « traîtres » des anciens harkis :

« La question des harkis ? Soyons clairs. Pour moi, les harkis sont des collabos, c'est-à-dire des gens qui se sont faits les supplétifs de l'armée française et de la répression en Algérie. Ils ont participé à tous les crimes et en ont remis à l'occasion. Cependant, le sort qui leur a été réservé est tout à fait abominable. Je condamne absolument les massacres des harkis commis grâce à la passivité des autorités algériennes indépendantes, tout en condamnant la trahison commise par les harkis »1747(*).

Trois ans auparavant déjà, dans un billet intitulé « Harkis et «collabos»» publié dans l'hebdomadaire Jeune-Afrique L'intelligent du 27 juin 2000, Marcel Péju se lamentait que « la visite en France d'Abdelaziz Bouteflika [ait] conduit certains commentateurs à revenir, de façon généralement agressive, sur le sempiternel problème des harkis ». Après avoir rappelé que les harkis « ne différaient guère, par exemple, des membres de la Milice dite française de Joseph Darnand, qui, sous l'Occupation, se firent les sicaires de la Gestapo », Marcel Péju s'était étonné de ce que la réaction du président Bouteflika (assimilant précisément les harkis à des collabos ; voir l'introduction et plus bas dans cette partie) eût suscité l'émotion de certains :

« Que les autorités françaises aient des responsabilités, donc des obligations, à l'égard des «collabos» qu'elles employèrent - les harkis - et qu'elles s'en soucient fort peu, est une chose ; qu'il soit indigne de faire porter aux fils les fautes des pères est encore moins contestable. Mais ce sont là des problèmes français. Quant aux Algériens désormais indépendants - malgré les efforts des harkis - il leur appartient, et à eux seuls, de traiter la question comme ils l'entendent. Après tout, nul ne s'aventura à prier le général de Gaulle, au lendemain de la Libération, d'amnistier (entre autres) Darnand et ses miliciens. Il les laissa fusiller sans états d'âme »1748(*).

 

Quelques mois plus tard, dans un billet d'humeur intitulé « Hommage aux «collabos» ? », et publié dans l'hebdomadaire Jeune-Afrique L'intelligent du 27 février 2001, Marcel Péju, heurté par l'annonce de l'instauration d'une Journée d'hommage national aux harkis, avait comparé cette initiative à celle d' « un chancelier allemand [qui], perdant la tête, institue[rait] une «journée d'hommage national» aux soldats de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF) »1749(*). Peu après encore, interrogé par Gilles Manceron à propos de la fin de non-recevoir opposée l'année précédente par le président Bouteflika, au cours de sa visite d'Etat en France, à la question de la libre circulation des anciens harkis entre la France et l'Algérie, Marcel Péju s'en était tenu, quarante ans après l'accession à l'indépendance de l'Algérie, à une stricte discipline idéologique en avançant que la « réponse à cette question relevait de la souveraineté algérienne, et d'elle seule ». Et, ce, lors même que le principe de libre circulation aurait compté au nombre des acquis négociés et validés (mais jamais respectés) par la partie algérienne au moment de la signature des accords d'Evian, en mars 19621750(*).

A l'instar de Marcel Péju, le dessinateur et polémiste Siné, qui fut lui aussi à l'avant-garde de la « bataille de l'écrit » (voir la Partie 2), continue de dépeindre les anciens harkis (et les pieds-noirs) sous des traits qui ne doivent rien à une volonté d'apaisement. Dans la Partie 2, nous avons cité in extenso les commentaires qu'avaient inspiré à l'intéressé les grèves de la faim successives sur l'esplanade des Invalides en 1997-1998, commentaires qui, par leur caractère « hautement injurieux », lui vaudront d'être condamné pénalement à la suite d'une action en justice intentée par une association de harkis1751(*). En dépit de cette condamnation, Siné n'a pourtant pas hésité - dans l'hebdomadaire Charlie-Hebdo en date du 11 janvier 2006 - à faire à nouveau usage de la même ligne argumentaire : « La mission dirigée par Jean-Louis Debré sur le «rôle positif» ou non de la colonisation va interroger des Pieds-noirs et des Harkis pour connaître leurs sentiments à ce sujet. C'est un peu comme si, pour écrire l'histoire de l'occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale, on allait demander leur avis à d'anciens collabos ».

Par-delà ce registre directement inspiré et véhiculé par des acteurs se réclamant de la mouvance anticolonialiste, il convient de sérier quelle est la part des grands organes de presse nationaux dans la co-construction et la diffusion d'une parole sinon strictement "militante", du moins "autorisée" à l'égard des anciens harkis. Et notamment s'agissant de l'opinion qui s'exprime au fil des éditoriaux, laquelle traduit davantage ou autre chose que la simple aptitude professionnelle du journaliste à traiter l'information. La ligne éditoriale, qui emprunte et relaye une vision du monde "incubée" et "travaillée" en d'autres lieux, ou sur une scène intellectuelle plus large, est de ces facteurs d'influence qui sont à même d'offrir à certains engagements militants la reconnaissance de l'opinion. Ou de la leur refuser.

L'annonce de l'instauration d'une Journée d'hommage national aux harkis, en février 2001, fut à cet égard un événement "catalyseur", propice à nourrir et révéler la ligne éditoriale des grands organes de presse quant aux demandes de reconnaissance des anciens harkis et de leurs enfants (et à leur mise sur agenda politique). Ainsi en fut-il des éditions du Monde du 7 février 2001 et de L'Humanité du 8 février (par la plume de Charles Silvestre), qui y consacrèrent leurs éditoriaux, et dont la vision des choses emprunte à bien des égards au conformisme intellectuel de la gauche anticolonialiste (voir la Partie 2).

Ainsi, l'éditorial du Monde, qui condamne les manoeuvres électoralistes dont sont régulièrement l'objet les harkis, et dont participerait au premier chef l'instauration de cette Journée d'hommage national (« La défense des harkis sert ici une mauvaise cause, électoraliste, comme une sorte de geste à l'intention de ceux que le débat sur la torture a mis mal à l'aise »), véhicule lui-même une vision réifiante des intéressés, en assujettissant toute velléité de célébration de leur destinée à une grille de lecture anticolonialiste qui la ramène tout entière aux seuls « errements de la République » en Algérie, et qui reste empreinte de mauvaise conscience à l'égard d'une Algérie indépendante vis-à-vis de laquelle la rédaction du Monde préférerait visiblement que les autorités françaises fassent "profil bas" :

« Décréter une «Journée d'hommage national» aux harkis n'est-ce pas prendre la défense d'une guerre coloniale qui fait partie des errements de la République ? N'est-ce pas inutilement injurier l'avenir de nos relations avec l'Algérie indépendante ? »1752(*).

Ce qui est suggéré, semble-t-il, ici, c'est que les harkis en tant que tels n'existent que par nous, ou plutôt que par nos fautes, nos « errements », comme si rien excepté la brutalité de l'armée française ou le cynisme des autorités coloniales (et les effets aliénants du système colonial lui-même) n'avait pu justifier que des Algériens prennent les armes contre le FLN. A condition de faire fi du contexte de guerre civile qui se surajoutait alors à celui d'une guerre de décolonisation, ou de passer rapidement sur les voies et moyens qui furent ceux du FLN au cours de cette guerre (voir la Partie 1), les harkis peuvent ainsi apparaître comme une création "ex-nihilo" voire une "engeance monstrueuse", purement instrumentale. Ils sont par excellence des objets de culpabilité qu'il convient de taire plutôt que de célébrer : « La République de demain devrait plutôt se construire sur la condamnation nette et entière des guerres coloniales », conclut l'éditorial1753(*).

L'éditorial de L'Humanité, publié le lendemain et qui se réfère explicitement - pour le louer - à l'éditorial du Monde, use des mêmes arguments-repoussoirs (« [L'objectif de cette initiative], y est-il écrit, est de satisfaire une partie de l'opinion, la plus nostalgique, la plus guerrière et la plus droitière. On aimerait croire que ce choix ne relève pas, de surcroît, d'un calcul électoral »), et véhicule une vision tout aussi réifiante des intéressés (« des hommes, des femmes et leurs enfants dont on s'est salement servi avant de les reléguer »1754(*)). Et ce journal, au prix d'une vision clairement adversative de la destinée des harkis, de borner explicitement les frontières de l'indignation aux limites délinéées par une grille de lecture idéologique distinguant deux « camps », l'un s'inscrivant dans le sens de l'Histoire, l'autre non :

« Si l'on comprend bien, la douleur héritée de cette guerre et méritant par priorité la "repentance" nationale devrait être d'abord et essentiellement celle du "camp" qui, du côté de la France, combattit l'inéluctable indépendance algérienne. Au point que le journal Le Monde pose à juste titre cette question : «Décréter une journée d'hommage national aux harkis, n'est-ce pas prendre la défense d'une guerre coloniale qui fait partie des errements de la République» ».

Cette ligne éditoriale n'a du reste jamais variée puisque Emmanuelle Gilles signale qu'au cours des émeutes de 1991 dans le sud de la France, ce même journal, présentant les fils et filles de harkis impliqués dans ces mobilisations comme « des enfants d'hommes que la France entraîna dans la sanglante défense de ses intérêts d'Etat impérialiste », assurait les intéressés du « soutien des communistes dès lors qu'ils s'engagent dans la lutte pour leur émancipation »1755(*) ; ce qui signifiait, précise Emmanuelle Gilles, que ce soutien leur était assuré « à la condition non négligeable de ne plus revendiquer leur identité harkie »1756(*). Du reste, l'auteur souligne que « les journalistes de L'Humanité [avaient] interprété ces révoltes comme similaires aux troubles des banlieues »1757(*), s'interdisant toute référence à la trajectoire et aux revendications spécifiques des intéressés pour confondre leur situation et leurs aspirations avec celles des Beurs, lors même que les enfants de harkis interrogés par Emmanuelle Gilles n'auraient eu de cesse, à l'inverse, de dénoncer cet amalgame.

Cependant, l'instauration d'une Journée d'hommage national aux harkis a été, pour certains leaders d'opinion autrefois engagés "contre" la guerre d'Algérie, et qui - de leur propre aveu - étaient jusqu'alors passés "à côté" du drame des harkis, l'occasion - 40 ans après - de faire "amende honorable", en mettant en cause des instructions gouvernementales dont ils disent ne pas avoir eu connaissance sur le moment, ou en allant - tel Jean Daniel - jusqu'à « demander pardon » aux harkis.

Ainsi, Jacques Julliard s'émeut-il rétrospectivement, dans la chronique qu'il consacre à la première Journée d'hommage national aux harkis, en septembre 2001, des tenants et des aboutissants pour les intéressés de la politique de dégagement alors visée et entreprise, au point non seulement de blâmer l'attitude du général de Gaulle en la circonstance, mais encore de brosser un portrait étonnamment compréhensif de certains « soldats perdus » :

« On ne peut entendre ou lire sans indignation les récits sur l'abandon des harkis par l'armée française au moment de l'indépendance ; les subterfuges utilisés pour les désarmer, en prétextant une inspection d'armes. Car la France désarmait ses partisans avant de les livrer à leurs bourreaux. (...) On ne l'a pas assez dit : c'est pour avoir été contraints au déshonneur que nombre d'officiers se sont engagés dans l'OAS. La plupart d'entre nous ne connaissaient pas encore les termes des instructions de Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes, interdisant d'embarquer les harkis en France. Et les accords d'Evian ont été, à ma connaissance, négociés sans que la France s'avise de la sauvegarde de ceux qu'elle avait compromis à ses côtés. On a un peu de peine à le dire, mais hélas ! il faut le dire : la livraison des harkis à leurs bourreaux est une tache sur l'honneur du général de Gaulle »1758(*).

Jacques Duquesne, pour sa part, reconnaît « n'avoir rien vu » et se reproche, plus franchement encore que Jacques Julliard, de n'avoir pas fait preuve de plus de discernement ou d'esprit d'initiative en la circonstance :

« Nous-mêmes les journalistes nous sommes passés complètement à côté du drame des harkis. Il y a bien eu quelques articles, notamment ceux de Lacouture et de Vidal-Naquet [NDA : voir l'analyse de cet article dans la Partie 2], mais la vérité est que les Français ne voulaient plus entendre parler de l'Algérie. Pour eux la page était tournée. Moi qui suis parti d'Algérie après l'indépendance et qui y suis retourné pendant deux semaines en octobre 1962, j'avoue n'avoir rien vu. Jamais je n'aurais soupçonné un massacre d'une telle ampleur. Ne pas avoir poussé l'enquête plus avant constitue l'un des plus grands regrets de ma vie de journaliste »1759(*).

De son côté, Jean Daniel, visiblement soucieux de s'acquitter d'une « dette morale », est revenu à plusieurs reprises ces dernières années sur cet épisode tragique de la guerre d'Algérie. D'abord dans Le Figaro des 17 et 18 juin 2000, dans un article intitulé « France-Algérie : Pardon aux harkis » :

« La guerre d'Algérie a été aussi une guerre civile où de très nombreux algériens sont morts du fait d'initiatives algériennes et la repentance, dans ce cas, est valable pour tout le monde. Nous avons tous à demander pardon aux harkis. Ce que je fais ici ».

Puis, dans Le Nouvel Observateur du 22 juin 2000, à la suite de la publication de son entretien avec le Président algérien, Abdelaziz Bouteflika :

« Je voudrais dire à mon interlocuteur présidentiel que les harkis ne sont pas selon moi des collabos. Ils ont souvent rallié la France parce qu'ils étaient persécutés par des éléments incontrôlés de l'ALN. Les responsables du malheur des harkis sont à la fois la France et l'Algérie. Les deux pays devraient s'unir dans un geste commun pour demander pardon et pour réparer. Mais c'est l'heure du départ. Ses accompagnateurs pressent le président. Une fois de plus, la question des harkis ne sera pas posée. Mais on peut espérer aujourd'hui qu'elle va, enfin, l'être ».

Enfin, dans un éditorial du 6 novembre 2003 (Le Nouvel Observateur, n°2035), Jean Daniel réaffirme que « le massacre par l'armée algérienne de nombreux supplétifs qui pendant la guerre civile ont choisi la France est une tâche indélébile dans l'histoire de la guerre de libération. Les Algériens n'ont pas appliqué les accords d'Evian en mars 1962 ». Et il ajoute : « Mais l'abandon de ces mêmes supplétifs, ou harkis, par la République française constitue l'une des pages les plus honteuses de la geste gaullienne. Nous sommes un certain nombre à avoir pensé cela et à l'avoir écrit depuis une vingtaine d'années. Bien tard ? Ce n'est pas, en effet, à notre honneur. Mais nous l'avons fait, notamment (...) en écrivant, Jean Lacouture et moi, une préface aux confessions dramatiques de Fille de harki [de Fatima Besnaci-Lancou1760(*)] ».

Dans cette préface, précisément, Jean Daniel et Jean Lacouture écrivent notamment : « De toutes les tragédies collectives qui ont affligé notre temps depuis la shoah, celle qu'ont vécue les harkis d'Algérie est peut-être pour nous la plus douloureuse - parce que rien n'en paraît marquer la fin, rien ne semble ouvrir la voie à la rédemption ou au pardon, ou plus justement à un réexamen équitable de ce qui fut, en l'occurrence, faute, crime, hasard, malchance, poids du destin aveugle »1761(*).

* 1743 Benjamin Stora, « Les enjeux et les difficultés d'écriture de l'histoire immédiate au Maghreb ». Ce texte est une mise en forme de l'entretien accordé par Benjamin Stora à Farida Moha, publié par le journal marocain Libération, le 22 février 2000, sous le titre : « Raconter des histoires, est-ce vraiment de l'histoire ? ». Il est consultable à cette adresse : www.ihtp.cnrs.fr/dossier_htp/htp_BS.html.

* 1744 Benjamin Stora, « Les enjeux et les difficultés d'écriture de l'histoire immédiate au Maghreb ». Ce texte est une mise en forme de l'entretien accordé par Benjamin Stora à Farida Moha, publié par le journal marocain Libération, le 22 février 2000, sous le titre : « Raconter des histoires, est-ce vraiment de l'histoire ? ». Il est consultable à cette adresse : www.ihtp.cnrs.fr/dossier_htp/htp_BS.html.

* 1745 Paul Ricoeur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Editions du Seuil, 2000, p. 589.

* 1746 D'après un sondage téléphonique effectué auprès de 130 journalistes « représentatifs par catégorie de supports et de rubriques », et publié par l'hebdomadaire Marianne du 23 avril 2001, 63% des journalistes interrogés déclaraient avoir l'intention de voter pour un candidat de gauche au 1er tour de l'élection présidentielle de 2002, contre seulement 6% pour un candidat de droite, le reste refusant de se prononcer.

* 1747 Marcel Péju, « Contre les harkis et contre le massacre des harkis », Marianne, n°341, semaine du 3 novembre au 9 novembre 2003.

* 1748 Marcel Péju, « Harkis et «collabos»», Jeune-Afrique L'intelligent du 27 juin 2000, n°2059, p.39.

* 1749 Marcel Péju, « Hommage aux «collabos» ? », Jeune-Afrique L'intelligent du 27 février 2001, n°2.094, p.54.

* 1750 « Du 17 octobre 1961 à la question des harkis », entretien avec Marcel Péju, ancien secrétaire général des Temps modernes ; propos recueillis par Gilles Manceron et publiés in Hommes et libertés, n°116, septembre-novembre 2001 ; cf. http://www.ldh-france.org/docu_hommeliber3.cfm?idHomme=887&idPere=868.

* 1751 Voir ci-après la section II.B.3 de la Partie 4 : « Le strapontin judiciaire ».

* 1752 C'est nous qui soulignons.

* 1753 Cet éditorial, qui exprime le sentiment général de la rédaction, ne saurait cependant présager de l'opinion de chacun des journalistes qui y travaillent. Il convient ainsi de noter qu'Eric Fottorino, dans une chronique publiée deux ans plus tard et intitulée « L'honneur des harkis », approuvait, pour ce qui le concerne, l'instauration d'une telle journée, tout en considérant que cela n'était qu'un minimum « pour comprendre combien la France s'[était] mal comportée, qui a fait que des enfants ont pu regarder leurs pères comme des traîtres » (Eric Fottorino, « L'honneur des harkis », Le Monde du 3 novembre 2003).

* 1754 Charles Silvestre, « Opération harkis », L'Humanité du 8 février 2001. C'est nous qui soulignons.

* 1755 L'Humanité du 1er juillet 1991 ; extraits cités in Emmanuelle Gilles, Les évènements de l'été 1991 : un début de règlement de la question harkie ou la poursuite de l'interminable exception ?, Rennes 1, IEP, 2003, p.39.

* 1756 Ibidem. C'est nous qui soulignons.

* 1757 Ibid, p.34-35.

* 1758 La chronique de Jacques Julliard : « Harkis : le temps de la honte », Le Nouvel Obervateur du 6 septembre 2001. C'est nous qui soulignons.

* 1759 L'Express du 30 août 2001.

* 1760 Fatima Besnaci-Lancou, Fille de harki : le bouleversant témoignage d'une enfant de la guerre d'Algérie, Paris, Les éditions de l'Atelier / Les éditions Ouvrières, 2003 (Avec une préface de Jean Daniel et Jean Lacouture).

* 1761 Préface de Jean Daniel et Jean Lacouture in Fatima Besnaci-Lancou, Fille de harki : le bouleversant témoignage d'une enfant de la guerre d'Algérie, Paris, Les éditions de l'Atelier / Les éditions Ouvrières, 2003, p.9. Déjà, dans Télérama du 13 septembre 1991, Jean Lacouture écrivait : « Ce tabou-là n'est pas près d'être levé. Cent mille personnes sont mortes par notre faute. Un massacre honteux pour la France comme pour l'Algérie. Le déshonneur est trop lourd à porter ».

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