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Les enfants dans les attentats suicides: étude comparative de trois cas: Sri Lanka, Palestine, zone Afghanistan/Pakistan

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par Mélanie JOANNES
Institut catholique de Paris - Master 2 sciences politique, mention géopolitique et sécurité internationale 2011
  

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    Institut Catholique de Paris

    Master 2 géopolitique et sécurité internationale

    Année universitaire 2009-2010

    Mélanie Joannès

    Sous la direction de M.Jean-Jacques Patry

    Sommaire

    1. Description du phénomène 4

    1.1. Les types de conflit 10

    1.1.1. Sri Lanka 10

    1.1.2. Palestine 14

    1.1.3. Pakistan et Afghanistan 20

    1.2. Les groupes 25

    1.2.1. Historique des groupes et leur organisation 25

    1.2.2. Idéologie, revendications, objectifs 31

    1.2.3. L'utilisation de l'attentat suicide par ces groupes et la participation des enfants à ceux-ci 35

    1.3. Comment ces groupes utilisent les enfants dans les attentats suicides 41

    1.3.1. Le recrutement et les profils 41

    1.3.2. L'entrainement et l'attentat suicide 49

    2. Pourquoi? 56

    2.1. Les raisons tactiques 56

    2.1.1. Un souci de discrétion ? 57

    2.1.2. Le choix des cibles 58

    2.2. La place de l'enfant dans la société et le respect de ses droits 63

    2.2.1. La vulnérabilité propre aux enfants dans chacune de ces sociétés 63

    2.2.2. La participation des enfants dans le conflit 67

    2.3. Les motivations des enfants 74

    2.3.1. Le culte du martyr et la perception de ce phénomène par la société et les parents 74

    2.3.2. La propagande à destination des enfants 79

    2.3.3. La question de la rémunération 83

    « Ceux qui ont un tempérament nerveux se servent de couteaux, ceux qui utilisent des fusils ont reçu un bon entrainement et ceux qui utilisent la bombe n'ont besoin que d'un seul instant de courage. »1(*)

    Introduction

    Cette étude concerne les enfants en tant qu'acteurs dans les attentats suicides. Nous nous intéresserons à trois cas spécifiques qui sont le Sri Lanka, la zone Pakistan/Afghanistan et la Palestine. Le choix de mon sujet de mémoire n'a pas été facile et n'a été fixé qu'au mois de septembre, date à laquelle je devais le rendre. L'idée m'est venu en élaborant une étude dans le cadre de mon poste de chargée d'études au Secours Islamique France. Je suis tombée sur cette problématique, qui selon moi nécessitait une étude plus approfondie que ce qui existait déjà. L'approche pluridisciplinaire collait tout à fait avec mon parcours, autant scolaire que professionnel. C'est pourquoi, j'ai décidé de porter mon choix sur ce phénomène trop mal connu, qui ,de ce fait, ne fait l'objet d'aucune recherche de solutions.

    Avant d'exposer la problématique du sujet et la manière dont il va être traité, nous allons le définir et poser le cadre dans lequel nous allons travailler.

    En ce qui concerne les personnes visées, nous traiterons uniquement des enfants selon la définition de la Convention Internationale des Droits de l'enfant. Celle-ci est donnée, dès le premier article, en ces termes: « Au sens de la présente convention, un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. »2(*) L'étude visera donc des personnes, filles ou garçons, considérées comme mineures par les institutions internationales. L'âge de la majorité, et donc la définition de l'enfance, peut varier d'un pays à l'autre. Ce détail n'aura pas à être pris en compte puisque dans les pays que nous allons traiter, l'âge de la majorité civile est de 18 ans, sauf pour les filles au Pakistan qui est fixée à 16 ans, mais nous verrons plus tard que ce public n'est pas concerné.

    Les enfants dans les conflits armés, notamment les enfants soldats, est un phénomène bien connu du grand public et très répandu dans les conflits actuels. Selon les dernières études de l'Unicef, plus de 250 000 enfants-soldats seraient enrôlés dans différentes zones de conflits à travers le monde.3(*) Revenons sur la définition d'un enfant soldat. Lors de la conférence de Paris, organisée en 2007 par l'UNICEF, avec le Comité français de l'UNICEF et le ministère des Affaires étrangères qui a réuni cinquante neuf délégations de pays, il a été proposé cette définition commune : « Un enfant associé à une force armée ou à un groupe armé est toute personne âgée de moins de 18 ans qui est ou a été recrutée ou employée par une force ou une armée, quelle que soit la fonction qu'elle y exerce. Il peut s'agir, notamment mais pas exclusivement d'enfants, filles ou garçons, utilisés comme combattants, cuisiniers, porteurs, messagers, espions ou à des fins sexuelles. Le terme ne désigne pas seulement un enfant qui participe ou a participé directement à des hostilités. » Ils ont fait l'objet de nombreuses études et de programmes humanitaires généralement nommés DDC pour Désarmement, Démobilisation et Réinsertion. Nous citerons comme exemple les actions menées par l'UNICEF et l'excellente ONG Première Urgence. Depuis quelques années, un nouveau phénomène apparait dans certains conflits qui est celui des enfants dans les attentats suicides. Contrairement aux enfants soldats, il est peu connu du grand public et ne fait l'objet que de quelques programmes humanitaires menés par des associations locales quasiment exclusivement au Pakistan. Cependant, les enfants dans les attentats suicides n'est pas un phénomène marginal puisque Robert Pape estime que les adolescents âgés de 15 à 18 ans représentent environ le cinquième des kamikazes. Toujours selon le Professeur de science politique à l'Université de Chicago, la participation d'enfants moins âgés est rare, mais non inexistante. Le phénomène des suicids bombers juvenil semble être un phénomène relativement nouveau. Nous savons que la première mission suicide menée par un enfant a eu lieu en 1985 lorsque Khyadali Sana, 16 ans, a conduit un camion chargé d'explosifs dans un convoi des forces israéliennes, tuant deux soldats.4(*) Depuis, ce phénomène s'observe encore.

    Le sujet pose ensuite le problème de la définition de l'attentat suicide que nous allons résoudre dès à présent. Nous nous sommes appuyés sur celle proposée par l'UNAMA dans son rapport sur les attaques suicides en Afghanistan.5(*) Il distingue l'attentat suicide des autres attaques qui peuvent également conduire à la mort de l'attaquant: « In a suicide mission, the attacker deliberately and with premeditation uses his or her body to carry and deliver explosives with the explicit intent to attack, kill and main others, with the supreme aim of dying in that attack »6(*). Une mission suicide induit la volonté de l'attaquant de mourir lors de l'action qu'il perpétue. Dans ce cas, même si l'opération ne fait pas de morts, l'attaquant atteint son objectif principal qui est celui de devenir martyr, notion qui lui est très souvent associée. Le terme de martyre, bien qu'injustement utilisé, sera présent tout au long de l'étude par soucis de simplification. Il ne faudra pas le comprendre dans son sens religieux mais plutôt dans l'idée de sacrifice. Le rapport soulève également le problème de la sémantique même de cette action violente. Dans les différents articles traitant du sujet, on l'a retrouve sous différents termes tels qu'attentat suicide, mission suicide, suicide bombing, ou encore suicide terrorism. Dans notre étude, nous utiliserons les termes d'attentats suicides ou celui de mission suicide. Le terme de suicide bombing est inapproprié dans certaines situations car il renvoie à des attentats perpétrés à la bombe, or ce n'est pas toujours le cas, puisqu'on a pu observer des attentats perpétrés à l'aide de voitures piégées ou par détournement d'avions. Quant au terme de suicide terrorism, il pose le problème de la définition même du terrorisme. Il n'en existe aucune de cohérente et universelle. Aussi, dans un même pays, des organes impliqués dans la lutte contre le terrorisme peuvent avoir adoptés des définitions différentes. Par exemple, pour l'US Department of Sate le terrorisme est: «premeditated, politically motivated violence perpetrated against non-combatant targets by sub national groups or clandestine agents. »7(*)Un attentat terroriste ne touche donc que les non-combattants et les civils. Tandis que pour le Federal Bureau of Investigation (FBI) américain, le terrorisme désigne: « ...l'usage illégal de la force et de la violence contre des personnes ou la propriété afin d'intimider ou contraindre un gouvernement, la population ou toute partie d'elle, dans la poursuite d'objectifs politiques ou sociaux. »8(*) Nous avons fait le choix de nous appuyer sur cette définition qui inclue les attaques contre les forces armées. Les termes qui seront utilisés dans cette étude seront donc ceux d'attentats suicides, pour désigner l'action, et kamikazes ou martyrs pour l'auteur. Le terme de kamikazes sera utilisé dans un but pratique. Cependant, il ne correspond en rien à ce phénomène car il désigne les soldats auteurs d'attentats suicides durant la deuxième guerre mondiale. Ce terme est ainsi employé par abus de langage par les médias, et nous en ferons autant.

    L'attentat suicide est une action tactique qui connait une importance croissante parmi les groupes terroristes en raison du choc qu'il provoque, du ratio coût de l'opération/nombre de morts et de blessés et qu'il est très difficile à prévenir.9(*) Il comporte également l'avantage de pouvoir toucher une large audience grâce à sa médiatisation, ce qui donnera lieu à un fort sentiment d'impuissance au sein de la population cible. Cependant, l'attentat suicide reste un phénomène rare10(*) et seulement une vingtaine d'organisations se livreraient à cette forme de violence. Toutes ces organisations n'utilisent pas des enfants.

    Nous avons pu relever que ce phénomène touchait essentiellement trois zones de conflits que sont le Sri Lanka, la Palestine et la zone Afghanistan/Pakistan. Cependant, ce phénomène ne touche pas exclusivement ces zones géographiques. Nous avons pu relever quelques cas en Somalie, en Iran durant la guerre contre l'Irak, ainsi qu'en Irak depuis 2003. Ce phénomène est d'ailleurs très probablement répandu dans le conflit irakien. Mais, les sources dont nous disposons ne nous permettent que des suppositions.

    Problématique

    Cette étude vise en priorité à faire connaitre ce phénomène, à en comprendre les grandes tendances et à envisager sa possible évolution.

    Les enfants dans les attentats suicides est un sujet très vaste et pluridisciplinaire. Il peut être envisagé de nombreuses manières différentes. Nous avons fait le choix de nous concentrer sur trois dimensions du problème qui nous permettront certainement d'évaluer le possible développement de ce phénomène.

    La première question que nous souhaitons soulever est celle du contexte général dans lequel nous pouvons observer ce phénomène. Par contexte général, nous faisons référence au type de conflit, les acteurs en présence et plus particulièrement ceux qui utilisent les enfants dans les attentats suicides.

    Le sujet sera ensuite abordé par le biais des motivations de ces groupes. Nous voulons comprendre pourquoi ils ont besoin d'avoir recours aux enfants alors qu'il semble que les candidats pour ce type de mission ne manquent pas. Pour répondre à cette question, il faudra comprendre la manière dont les enfants sont utilisés et les avantages tactiques qu'ils en tirent.

    Enfin, nous nous intéresserons aux facteurs qui ont rendu possible ce phénomène. Qu'est-ce qui motive cette action ? Qu'est-ce qui dans la société rend possible ce phénomène ?

    Ces éléments vont nous permettre de comprendre si ce phénomène est occasionnel ou s'il est amené à se développer. Si cela était le cas, de quelle manière ?

    Méthodologie et contraintes imposées par le sujet

    Ce sujet, comme nous l'avons souligné dans l'introduction, demande des compétences pluridisciplinaires.

    L'étude sera composée de deux parties distinctes, déclinées chacune d'elles en trois sous-parties.

    La première partie se voudra avant tout descriptive. Le phénomène des enfants dans les attentats suicides sera replacé dans son contexte géopolitique et stratégique. C'est pourquoi, une sous partie a été consacrée à la description des conflits.

    La deuxième partie a une visée analytique. Il s'agit de comprendre ce phénomène selon les axes proposés dans l'exposition de la problématique. L'approche se voudra avant tout sociologique, et stratégique.

    Afin de répondre à la problématique posée plus haut, nous avons pris le parti de comparer les trois cas étudiés. Cela nous permettra de dégager des tendances qui permettront peut-être d'établir un modèle.

    La contrainte la plus importante pour ce sujet est celle imposée par les sources, primaires ou secondaires, qui sont peu nombreuses. Il s'agit souvent d'articles de presse ou de passages dans des études plus générales sur les enfants soldats. Afin de mener une étude plus complète, il aurait été nécessaire d'avoir accès aux listes des attentats suicides, et de leurs auteurs, perpétrés dans chacun des pays étudiés.

    Le caractère novateur pose donc des limites en termes de sources utilisables. La nature même des groupes étudiés restreint également le nombre de sources primaires mis à notre disposition, dans la mesure où ils dissimulent la majorité de leurs informations. Des études terrains nous auraient également permis d'étoffer et d'approfondir la partie concernant les facteurs ayant rendu possible ce phénomène.

    Description du phénomène

    Comme nous l'avons annoncé dans l'exposition de la méthodologie, cette première partie sera consacrée à la description du phénomène. Celle-ci est organisée en trois temps. Il s'agit, tout d'abord, de décrire les conflits dans lesquels nous pouvons l'observer. Puis, nous allons nous pencher sur les groupes en eux-mêmes, pour enfin comprendre comment les enfants sont utilisés.

    Cette démarche a pour but de replacer ce phénomène dans un cadre géopolitique et stratégique global. Ainsi, nous pourrons tenter de comprendre s'il existe un contexte macro particulier dans lequel ce phénomène est rendu possible.

    1.1. Les types de conflit

    Le Pakistan, la Palestine et le Sri Lanka sont trois pays au contexte géopolitique différent. Cependant, ils ont un point commun : l'instabilité politique. Nous allons essayer de comprendre de quelle nature est cette instabilité : est-ce une guerre civile, une insurrection, un contexte de guérilla... ? Cette description géopolitique de chacune de ces situations va nous permettre d'apporter un éclaircissement sur les contextes dans lesquels peut apparaitre ce phénomène.

    1.1.1. Sri Lanka

    Le Sri Lanka est une île située dans l'océan indien, à la pointe du sous continent indien. D'une superficie de 66 000 km², il est peuplé de 19,7 millions d'habitants. L'île est partagée par différentes ethnies qui se composent comme tel:

    - 74% de Cingalais

    - 18% de Tamouls

    - 7% de Moors11(*)

    - 1% autre12(*)

    Les ethnies cingalaises et tamoules sont toutes deux originaires de l'Inde. Ce qui les différencie, c'est leurs origines respectives: les cingalais sont d'origines indo-européennes, c'est-à-dire du nord de l'Inde, tandis que les tamouls sont d'origines dravidiennes, soit du sud de l'Inde. Ces deux ethnies se sont installées sur l'île au cours du premier millénaire avant Jésus-Christ

    En ce qui concerne la religion, l'île n'est pas non plus homogène puisque quatre religions cohabitent:

    - 70% de bouddhiste, principalement des Cingalais

    - 15% hindouiste, principalement les tamouls

    - 8% Chrétienne

    - 7% musulmane

    1.1.1.1. Les prémices d'un conflit

    Les Cingalais et les Tamouls, originaires d'Inde13(*), se sont établis au Sri Lanka vers le premier millénaire avant Jésus-Christ. La dissension entre les Cingalais et les Tamouls est historique, chacune des communautés se considérant comme « fils de la terre ».

    A partir du 16ème siècle, le Sri Lanka va connaître trois vagues de colonisation. La première est portugaise et commence à partir de 1505. Puis, l'île sera reprise par la Hollande en 1568. Les Pays-Bas vont administrer l'île jusqu'en 1796, date à laquelle elle sera colonisée par la Grande Bretagne. Cette dernière va apporter deux modifications majeures qui sont en partie à l'origine du conflit actuel.

    La première modification notable concerne le peuplement de l'île. Dans le dessein d'effectuer des travaux14(*) auxquels se refusent les sri lankais, la Grande Bretagne fait venir des coolies tamouls issus des basses classes de l'État indien. Ces « Tamouls des plantations », nom qui leur a été donné, en opposition aux Tamouls dit « de Jaffna », vont vite représenter les deux tiers des tamouls de l'île. Cette action entreprise pas les britanniques pour des raisons économiques va donc considérablement augmenter le nombre de tamouls au Sri Lanka.

    La deuxième modification, qui est sans doute celle qui sera la plus lourde de conséquences, concerne l'administration de l'île. Les britanniques vont mettre en place un statut officiel par groupe ethnique. Cette division ethnique de l'île va être renforcée par un favoritisme envers les tamouls qui vont obtenir des fonctions administratives ou commerciales au sein des entreprises britanniques. Les Cingalais ont alors eu le sentiment, probablement justifié, que le système fonctionnait de manière disproportionnée en faveur de l'ethnie tamoule.15(*)

    Après l'indépendance, survenue le 4 février 1948, une série de mesures a été prise en vue de faire du Ceylan (qui deviendra Sri Lanka en 1972) le premier État Cingalais. Salomon Bandaranaïke, du Sri Lanka Freedom Party (SLFP, parti de gauche), est élu Premier ministre du Sri Lanka en 1956. Il instaure cette même année, au mois de juillet, le Sinhala comme seule langue officielle par le biais du Official Langage Act et accorde la prééminence au bouddhisme, religion de la majorité, comme nous l'avons vu plus haut. Pour réponse, les tamouls vont lancer une première campagne non violente, ce qui aura pour conséquence de déclencher plusieurs émeutes anti-tamoules dont celle de Janatha Vimukti Peramna (JVP)16(*). Cette première insurrection sera d'une grande importance pour l'avenir de la situation sur l'île car elle marque l'entrée de ces luttes dans une logique de violence.17(*)

    Face à ces discriminations et ces violences, le militantisme tamoul va aller en grandissant et dans les années 1970, ils vont commencer à s'organiser en groupes dans le but de protéger les intérêts de leur communauté. Le premier d'entre eux est un mouvement d'étudiants crée en 1972 sous le nom de Tamil New Tigers (TNT), qui deviendra le LTTE en 1976. C'est cette organisation qui fera l'objet de notre étude. Aussi, nous approfondirons nos recherches la concernant un peu plus loin. En parallèle, d'autres mouvements vont se créer parmi lesquels le People's Liberation Organization of Tamil Eelam (PLOTE), le Tamil Eelam Liberation Organization (TELO) ou le Eelam People's Revolutionary Liberation Front (EPRLF). Après une radicalisation de chacun de ces groupes et une lutte entre eux, le LTTE s'imposera en 1985 comme la seule organisation insurrectionnelle tamoule. A cette date, les autres mouvements, partisans d'une solution politique, disparaitront presque totalement.

    1.1.1.2. Le passage d'une situation insurrectionnelle à la guerre civile en 1983

    Il apparaît donc que la situation politique du pays s'aggrave notablement depuis l'indépendance. Dans ce contexte, le gouvernement va mettre en place des mesures d'exceptions successives dans le cadre de l'état d'urgence qui connaîtront leur apogée en 1982 avec la permanence du Prevention of Terrorism Act (arrestation sur présomption et possibilité de détention au secret pour une période de trois mois). Le conflit va éclater le 23 juillet 1983 à la suite d'un attentat perpétré par le LTTE dans la péninsule de Jaffna, au nord de l'île du Sri Lanka. Le bilan de cette action est la mort de treize soldats de l'armée sri-lankaise dans l'explosion de leur voiture sur une mine. Suite au rapatriement des corps à Colombo, capitale économique du pays et démographiquement la plus importante ville de l'île, le 24 juillet, de violentes émeutes anti-tamoules éclatent. Elles vont rapidement s'étendre à l'ensemble du pays faisant 350 morts selon les autorités, et 2000 selon les sources tamoules.18(*) Ce qui entrainera le déplacement de 7000 réfugiés tamouls à Jaffna dans le nord de l'île.

    Cette première guerre d'Eelam va aboutir à la signature de l'accord indo-sri-lankais en 1987, en vertu duquel, l'Inde accepte de veiller à ce que les tamouls cessent les hostilités. Malgré ce premier cessez le feu, les combats entre l'Indian Peace Keeping Force (IPKF) et les Tigres vont reprendre. Face à son impuissance, l'IPKF se retire du Sri Lanka en 1990. Cette deuxième guerre va durer jusqu'en 1994 sans qu'aucun des deux côtés ne fasse de progrès signifiants. Des pourparlers de paix auront lieu en août 1994 à la suite de la victoire de Chandrika Bandaranaike Kumaratunga's People's Alliance aux élections parlementaires. L'échec de ces pourparlers va conduire à la troisième guerre de l'Eelam qui sera la plus destructrice depuis le début de cette guerre civile en 1983. De 1995 à 2001, le Sri Lanka sera le théâtre de confrontations militaires intenses et des attaques d'envergure de la part du LTTE contre des cibles civiles en dehors du nord et de l'est de l'île. A la fin des années 1990, les Tigres ont le contrôle sur de vastes zones et atteignent la parité militaire avec le gouvernement. Ils se sont substitués au gouvernement dans la province du nord-est. Cette situation va durer puisque jusqu'en 2007, la région de Vanni sera entièrement sous le contrôle du LTTE et la ville de Jaffna, capitale de la région nord-est, sera également sous leur contrôle malgré la présence des forces gouvernementales. La région nord-est de l'île est largement sous influence du LTTE qui contrôle la majeure partie du territoire. Pour preuve, lors des élections présidentielles de 2005, le taux d'abstention dans certaines villes telles que Jaffna atteignait les 99% et à Kilinochchi dans le Vanni, il n'y aura qu'un vote. A la fin de l'année 2001, les Tigres et le gouvernement sri lankais déclarent unilatéralement le cesser le feu. Avec l'aide du gouvernement norvégien, un accord sera signé en février 2002, mais très vite, des violations de celui-ci seront enregistrées19(*) notamment de la part du gouvernement qui en commettra 54 en 2002 (des harcèlements contre des civils, des restrictions de mouvements, des détentions de cadres du LTTE...). 502 cas sont à imputer au LTTE (enlèvements, conscriptions forcées, enrôlements d'enfants soldats, extorsions ou encore assassinats). Le tsunami survenu au mois de décembre 2004 réduit encore les chances d'obtenir la paix au Sri Lanka. Le LTTE accuse le gouvernement de léser le nord et l'est dans la distribution de l'aide. La situation se détériorera à nouveau avec les élections présidentielles de novembre 2005 pour aboutir à la reprise des violences en 2006 qui ne cesseront pas au cours des pourparlers de février à octobre 2006. Le LTTE va connaitre de durs revers au cours de l'année 2007 à la suite de la grande offensive lancée contre eux en janvier 2006. Le 11 juillet 2007, le LTTE va perdre Thoppigala au nord de Jaffna où s'était réfugiée une partie des combattants du LTTE. S'en suivront d'autres pertes importantes et le 25 janvier 2009, l'armée sri lankaise prend le contrôle de Mullaitivu. Il s'agissait de la dernière ville aux mains des Tigres qui se retrouvent désormais confinés dans la jungle sur un territoire de 20 km de long et 15 km de large. Le 16 mai 2009, ils perdent leur accès à la mer, vital pour leur approvisionnement et déposent les armes le lendemain. Le 18 mai, Vellupillai Prabhakaran est tué par l'armée gouvernementale. Les sites proches du LTTE ne reconnaitront sa mort que le 24 du même mois.

    Ce conflit trouve son origine dans la répression par l'État d'une aspiration du peuple tamoul à disposer de lui-même,20(*) ce qui a conduit à une guerre civile ethnique selon la définition proposée par C. Kaufmann dans son article Possible and Impossible Solutions to Ethnic Civil Wars : « Dans la guerre ethnique (...) les loyautés individuelles sont à la fois rigides et transparentes, tandis que la base de la mobilisation de chaque camp est limitée aux membres de son propre groupe et du territoire contrôlé (...). Le résultat est que les conflits ethniques sont avant tout des luttes militaires dans lesquelles la victoire dépend du contrôle effectif d'un territoire, non pas de la séduction des membres d'un autre groupe. »21(*) Dans ses débuts, le LTTE a disposé d'un large soutien populaire qui s'est affaibli au cours du conflit en raison de la lassitude de la communauté tamoule face à une situation qui ne semblait pas pouvoir trouver d'issues.

    1.1.2. Palestine

    Le terme de Palestine désigne depuis l'antiquité la région du Moyen-Orient entre la mer Méditerranée et le désert à l'est du Jourdain. Actuellement, la Palestine désigne, au sens géographique large, un territoire incluant l'Etat d'Israël, les Territoires palestiniens et une partie du Royaume de Jordanie, du Liban et de la Syrie. Au sens géopolitique, le terme pose plus de problèmes. Dans cette étude, le terme de Palestine désignera la Cisjordanie et la bande de Gaza,22(*) bien qu'aucun Etat n'existe en tant que tel.

    Nous allons tenter de faire un résumé très sommaire, en effet, le cadre de cette étude ne nous permet pas une présentation détaillée du conflit israélo-palestinien.

    1.1.2.1. Les origines du conflit

    Afin de comprendre les clés du conflit israélo-palestinien tel qu'il existe aujourd'hui, il est nécessaire de revenir brièvement sur ses origines. A partir des années 1880, une communauté juive de type nouveau se développa en Palestine. Elle n'était pas constituée de juifs orientaux, historiquement présents sur cette partie du territoire, mais de juifs du Centre et de l'Est de l'Europe venus restaurer la nation juive, selon la doctrine sioniste.23(*) Celle-ci consiste en la nécessité pour la survie du peuple juif, en réaction à la montée de l'antisémitisme en Europe, de disposer de sa propre terre sous la forme d'un foyer juif, puis d'un État24(*), situé dans la région historique de la terre d'Israël, c'est-à-dire en Palestine. A partir de là, les terres commencèrent à être achetées par des fonds nationaux. Une partie de celles-ci avait été déclarée propriété inaliénable du peuple juif sur laquelle aucun non juif ne pouvait être employé. C'est également durant cette période que des premiers signes de contestations arabes face à ce projet, virent le jour. Les racines du conflit sont, pour une grande partie, à chercher dans la naissance du sionisme politique qui apparait à la fin du 19ème siècle et dont le théoricien le plus connu est Théodore Herzl (1860-1904).25(*)

    Le grand tournant va avoir lieu le 29 novembre 1947 avec le vote de la résolution 181 des Nations Unies qui prévoit la création de deux États: un juif et un arabe, ainsi qu'une zone "sous régime international particulier".26(*) Cette résolution 181, qui n'est qu'une recommandation et non un acte juridiquement valable,27(*) va être décriée par les deux camps, aussi elle ne rentrera jamais en application, cependant, cela met fin au mandat britannique sur la Palestine. Les premiers affrontements entre Israéliens et Palestiniens commencent alors au mois de décembre 1947. Peu de temps après, le 14 mai 1948, Ben Gourion proclame l'État d'Israël. Cette annonce va provoquer l'entrée immédiate des États arabes28(*) en guerre qui vont investir la Palestine. Un équipement et une organisation de l'armée israélienne supérieure à ceux des arabes va conduire cette première à une avancée rapide, puis à sa victoire en 1949, qui va repousser les frontières de l'État d'Israël et lui faire gagner un peu plus d'un tiers de son territoire. Israël occupe la partie ouest de Jérusalem désormais capitale du nouvel État membre du conseil de l'ONU à partir du 11 mai 1949.

    Cette première guerre a entrainé une première grande vague de réfugiés palestiniens à la suite de massacres et d'expulsions de masses qui commenceront dès le mois d'avril. Ces évènements, appelé al-Nakba29(*) par les palestiniens, vont conduire au passage de plus de 500 villages sous contrôle israélien, et à la fuite de 750 000 réfugiés palestiniens ou 726 000 selon l'agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine.30(*) Le problème des réfugiés fut traité d'une telle manière par l'ONU que ces milliers de personnes, entassées dans des camps, ne purent pas s'installer sur une terre de Palestine.31(*)

    1.1.2.2. Les débuts de l'opposition palestinienne

    Durant les quinze années qui ont suivi, Israël n'a été confronté à aucune opposition palestinienne. Puis, en 1959, des étudiants palestiniens, parmi lesquels Yasser Arafat, crée une organisation dont le but est de reconquérir la Palestine par la lutte armée. Cinq ans plus tard, le 29 mai 1964, se réunit le premier Congrès national palestinien à Jérusalem. Sous la présidence d'Ahmed Choukeiri, le Congrès vote la création de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP). La charte de l'OLP32(*), adoptée le 2 juin, récuse le partage de la Palestine de 1947 et ne reconnaît pas l'État d'Israël. Lors de ce congrès, Choukeiri donne le ton de cette lutte pour la reconquête de la Palestine: «Nous sommes las d'attendre et de désespérer. Il nous a fallu seize ans pour refaire notre unité, et nous n'attendrons pas seize années pour passer à l'action. Or l'action, cette fois, ne sera ni politique ni diplomatique, mais rien que militaire. Il est demandé aux Palestiniens de lutter et de mourir, mais leur lutte et leurs sacrifices seront conditionnés par les moyens que les gouvernements arabes mettront à leur disposition (...) le malheur a voulu que notre lutte ne ressemblât en rien à celle des autres peuples opprimés. Les Cubains, les Angolais, les Algériens ont lutté chez eux dans leur pays. Nous autres avons été privés de ce tremplin qu'est la terre de nos ancêtres. Nous voilà réduits à lutter pour trouver d'abord notre personnalité. Qu'avons-nous à perdre? Pourquoi faut-il qu'un réfugié meurt de faim sous la tente au lieu d'être tué au front les armes à la main?»33(*)

    A la suite de plusieurs semaines de menaces belliqueuses et d'actes d'hostilité de la part des pays arabes, Israël passe à l'offensive. Il s'agit de la guerre des six jours qui dura du 5 au 10 juin 1967; Guerre dont l'Etat d'Israël sortira grand vainqueur puisqu'il va faire main basse sur la Cisjordanie et la partie orientale de Jérusalem, jusqu'alors sous contrôle jordanien, puis de la bande de Gaza sous tutelle égyptienne, le plateau du Golan syrien et le Sinaï égyptien. La Cisjordanie va être colonisée dès l'été, ce qui entrainera une nouvelle vague de réfugiés palestiniens. Pour certains d'entre eux, il s'agit d'un nouveau départ celui de 1948.

    Six ans plus tard, le 6 octobre 1973, une nouvelle guerre éclate, appelée la Guerre du Kippour. Le jour de la plus grande fête religieuse juive, le jour du Grand Pardon ou Yom Kippour, les forces égyptiennes passent le canal de Suez et les Syriens pénètrent dans le Golan. Le 24 octobre, l'Etat d'Israël sort victorieux de cette guerre. Cependant, le pays aura subi de lourdes pertes et la direction travailliste sort durablement ébranlée de cette guerre. L'OLP, quant à elle, s'implante solidement dans le sud Liban34(*), d'où ses commandos multiplient les raids contre Israël. L'Organisation sera reconnue seule représentante du peuple palestinien lors du sommet arabe d'Alger (26-28 novembre 1973) et Yasser Arafat obtient de l'ONU, en 1974, le droit des palestiniens à l'indépendance et à l'autodétermination et pour l'OLP, le statut d'observateur.

    Le 19 novembre 1977 est une date historique dans le conflit des pays arabes contre l'Etat hébreu. Le président égyptien, Anouar el-Sadate, se rend à Jérusalem pour y rencontrer le Premier ministre israélien, Menahem Begin. Le président égyptien exhorte alors le Premier ministre à échanger les territoires contre la paix. Cette rencontre va aboutir aux accords de Camp David signés le 17 septembre 1978 en présence du président des Etats Unis, Jimmy Carter. Le premier accord autorise la récupération du Sinaï par l'Egypte effective en 1982, ainsi que l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays et la reconnaissance d'un droit légitime des Palestiniens. Le second prévoit, quant à lui, un régime d'autonomie substantielle en Cisjordanie et à Gaza. Cependant, il ne sera jamais appliqué. Ces accords seront fortement dénoncés dans le monde arabe et rejetés par les palestiniens qui poursuivent leur guérilla contre Israël à partir du sud Liban. Afin de lutter contre celle-ci, Menahem Begin et son ministre de la Défense Ariel Sharon lancent Tsahal35(*) à l'attaque du Liban le 6 juin 1982. L'armée assiège Beyrouth puis entre dans Beyrouth-Ouest, obligeant l'OLP à se réfugier à Tunis en août. A peine élu, le président libanais Béchir Gemayel est assassiné dans un pays miné par les guerres intestines. Les milices libanaises chrétiennes entrent en force dans les camps de réfugiés de Sabra et Châtia les 16 et 17 septembre et y massacrent des centaines de civils. Témoin des évènements, Tsahal ne fait rien, provoquant ainsi la colère de 300 000 citoyens israéliens qui manifestent leur indignation à Tel-Aviv. Selon les services de la protection civile, 1500 palestiniens et libanais auraient été tués. En 1983, des accords de paix seront signés entre Israël et le Liban, toujours en proie à une guerre civile. Cependant, Israël ne se retirera du Liban qu'en 1985 et conservera le contrôle de la bande frontalière sud, puisque des groupes armés présents au sud, dont le Hezbollah, attaquent le nord d'Israël.

    Le seizième Conseil national palestinien adopte le plan de Fès qui appelle à la création d'un Etat palestinien indépendant. Il reconnaît l'OLP réunifiée comme seule représentante légitime du peuple palestinien et le droit à la paix de « tous les Etats de la région ».

    Parallèlement, l'occupation militaire israélienne à l'issue de la guerre de 1967 va poser le problème de l'autonomie palestinienne et de la création d'un Etat palestinien. Cette occupation, qui exclue Jérusalem annexée et désormais capitale de l'Etat hébreu, donnera place à un gouvernement militaire des zones occupées qui sera prolongé d'une administration civile créée en 1981 prenant en charge les principaux services publics. Durant la même période, des colonies israéliennes vont commencer à s'implanter en Cisjordanie. Ce qui ne devait que constituer des espaces de peuplement israélien, vont vite devenir des enclaves de l'Etat d'Israël où s'applique le droit israélien et qui font fondre les « Territoires » qui pourraient devenir des territoires autonomes palestiniens.

    Le 9 décembre 1987, les palestiniens déclenchent la première Intifada, appelée aussi la « guerre des pierres » en réponse à l'occupation israélienne en Cisjordanie et à Gaza. Ce soulèvement, selon la traduction littérale du terme en arabe, naît dans la bande de Gaza pour s'étendre à la Cisjordanie. L'Intifada donne une nouvelle impulsion au nationalisme palestinien en portant le conflit « sur son sol » et conduira à une prise de conscience nationale plus concrète au sein de la population palestinienne.36(*)

    1.1.2.3. Le processus de paix de 1993

    La première Intifada va s'avérer très dommageable pour l'image d'Israël sur le plan international, à tel point qu'ils seront contraints d'envisager un processus de reconnaissance de l'OLP.37(*) Ce soulèvement prendra alors fin le 13 septembre 1993 avec la reconnaissance de l'OLP du « droit à l'Etat d'Israël d`exister en paix et en sécurité » et à celle du gouvernement israélien de « l'OLP comme le représentant du peuple palestinien »38(*), ainsi qu'avec la signature des accords d'Oslo à Washington par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin en présence de Bill Clinton, alors président des Etats Unis. Cet accord esquisse une procédure et un calendrier pour l'établissement d'une autonomie palestinienne devant aboutir, au bout de cinq ans, à un « règlement permanent » non précisé auquel sont reportés les problèmes les plus importants comme la définition des frontières et le statut de Jérusalem. Cependant, sept ans plus tard, nous ne pouvons que constater l'échec de cette promesse de paix entérinée au mois de juillet 2000 au camp David quand les deux parties se sont confrontées pour la première fois aux problèmes de fond que sont le maintien des colons en Cisjordanie, le maintien de la souveraineté d'Israël sur l'esplanade des Mosquées, le retrait total des israéliens des territoires occupés ou encore le droit au retour des réfugiés. Deux mois plus tard, Ariel Sharon effectue une visite sur l'esplanade des mosquées. Cet évènement sera ressenti par les palestiniens comme une véritable provocation et conduira à la seconde Intifada, connue sous le nom d'Intifada Al-Aqsa. Il s'agit, à la base, d'un soulèvement populaire, tout comme la première Intifada, qui va très vite se transformer en un conflit armé, « mêlant les opérations de guérillas en Cisjordanie et dans la bande de Gaza aux attentats aveugles en Israël »39(*)

    Cette année 2000 va marquer un véritable tournant pour le peuple palestinien qui voit tout espoir d'un processus de paix à court terme s'effondrer. L'OLP va alors perdre une grande partie de son soutien auprès de la population.

    Du côté palestinien, le conflit qui les oppose à Israël est une lutte contre l'occupation étrangère illégitime sur leur sol. C'est également une lutte pour la survie du peuple, ainsi que son identité qui ne peut plus s'exprimer sur un territoire reconnu légitimement par les instances internationales.

    1.1.3. Pakistan et Afghanistan

    L'Afghanistan et le Pakistan sont deux pays touchés par le phénomène des enfants dans les attentats suicides. Nous avons fait le choix de regrouper l'étude des deux pays en une seule partie, car, en ce qui concerne les attentats suicides, la frontière entre les deux pays est assez floue. De plus, nous avons pu remarquer que les caractéristiques du phénomène étudié ne varient que très peu d'un pays à l'autre. Ce qui est certainement dû au fait, qu'il s'agit du même groupe armé des deux côtés de la frontière.

    En ce qui concerne la description du phénomène géopolitique, l'étude des deux cas se fera de manière séparée

    1.1.3.1. Afghanistan

    En avril 1978, le Hezb-i-demokrâtik-i-khalq-i Afghanistan, Parti démocratique du peuple d'Afghanistan, mène un coup d'Etat avec le soutien des services soviétiques contre la République présidée par Daoud Khan. Le nouveau régime pro-communiste de la République Démocratique du Peuple Afghan n'arrivant pas à s'imposer, l'URSS envahit l'Afghanistan pour tenter de mettre fin à la guerre civile et maintenir le régime communiste au pouvoir. De 1979 à 1989, le pays va être en proie à une nouvelle guerre opposant les communistes afghans et les soviétiques aux moudjahidines40(*). La résistance afghane va s'organiser autour d'une demi-douzaine de mouvements sunnites dominés par le Hezb-. I-Islami ou Parti de l'Islam (HIA). A partir de 1982, plusieurs milliers d'Arabes sunnites d'origine essentiellement saoudienne et égyptienne mais également algérienne, marocaine, yéménite ou jordanienne vont venir grossir les rangs des « volontaires afghans » pour lutter contre l'envahisseur soviétique. Ceux-ci auront comme point de chute le Pakistan où ils seront soumis à une double formation religieuse et militaire au sein d'une dizaine de camps d'entrainement tenu par le HIA.41(*) Après le retrait de l'URSS en 1989, à la suite de la signature de l'accord de retrait signé par Gorbatchev en 1988, le parti communiste reste au pouvoir sous la présidence de Nadjibullah jusqu'en 1992. En avril de cette même année, les résistants afghans, toutes ethnies confondues, mettent un terme, sous le commandement de Massoud, au régime communiste. Il s'agit de l'Etat islamique des Moudjahidin qui tiendra jusqu'en 1996. Dans ce nouveau régime, les pachtouns ne sont absolument pas majoritaires, ce qui va conduire à la frustration des tribus pachtouns qui ne l'accepteront pas. Un mouvement constitué essentiellement d'étudiants des madrassas déobondi du Pakistan va voir le jour sous l'impulsion des chefs pachtouns afghans. A partir de 1994, cette milice constituait « une force armée suffisamment forte pour que les services secrets de l'armée pakistanaise, l'ISI, s'appuient sur elles (les forces talibanes) afin de combattre le gouvernement de Kaboul qu'ils ne jugeaient pas suffisamment inféodé à la politique du Pakistan. »42(*)Les talibans sont précisément les acteurs que nous allons étudier. Aussi, nous n'irons pas plus loin ici dans leur description, car le reste de la partie sera consacrée à cet effet. En 1996, ils vont prendre Kaboul et jusqu'en 2001, ils vont conquérir une grande partie du territoire afghans. Détenteur du pouvoir au Sud du pays, ils vont remettre en question le principe de l'Etat pour celui d'Umma ou d'Emirat.43(*)L'Emirat d'Afghanistan des Talibans ne sera reconnu que par trois Etats qui sont l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Pakistan. Tandis que l'Etat Islamique des Moujahidin au Nord, dirigé par le Président Rabbani, est reconnu officiellement par l'ONU. Si le phénomène taliban n'a pas été vu, dans un premier temps, comme un phénomène intégriste dangereux, le retour à des valeurs islamiques fondamentalistes et l'apparition, avec leur complicité, d'arabo-musulmans de la mouvance al-Qaeda, va très vite poser problème aux afghans, pachtouns compris. L'autre point qui posait un problème, notamment au commandant Massoud, était leur instrumentalisation par les services secrets de l'armée pakistanaise.

    Les évènements du 11 septembre vont marquer un nouveau tournant dans l'histoire d'Afghanistan. La résolution 136844(*) va conduire les Etats Unis dans une guerre « interminable » en Afghanistan. L'opération militaire lancée pour renverser le régime des Taliban est appelée Enduring Freedom. Et elle débutera le 7 octobre après que le gouvernement de Kaboul ait refusé la demande formulée par les Etats Unis de livrer Ben Laden et de fouiller les camps d'entrainements d'al-Qaeda. Le gouvernement de Kaboul va s'effondrer le 17 novembre. Un processus de state building est lancé à la suite de la signature des accords inter afghans de Bonn-Petersberg le 5 décembre 2001. Il s'agit d'un processus d'assistance à la reconstruction de l'Afghanistan animé par l'ONU et qui implique une participation active des responsables afghans et de la population.45(*) Cette conférence, qui regroupe les principaux chefs des tribus afghanes ayant combattus les talibans, va voir naitre une Autorité intérimaire présidée par Hamid Karzaï et sera installée à Kaboul le 22 décembre 2001. En juin 2002, le Grand Conseil des chefs de tribus, la Loya Jirga, se réunit à Kaboul, confirme les dispositions prises à Bonn et confie à Karzaï la présidence d'un Etat islamique transitoire pour une durée de deux ans. Puis le 4 janvier 2004, une nouvelle constitution est votée qui met en place une République islamique fonctionnant sur un mode présidentiel. Le 19 décembre 2005, Hamid Karzaï est élu président.

    En parallèle, une situation insurrectionnelle s'est installée dans certaines provinces d'Afghanistan, notamment au sud et au sud-est.

    La défaite des talibans à l'automne 2001 a provoqué une vague d'optimisme de la part des américains concernant la suite des évènements. Cependant, il est apparu qu'il était très difficile de stabiliser la situation. Très rapidement, une guérilla s'est constituée sur la frontière afghano-pakistanaise. Avec la défaite, une partie des combattants s'est fondue dans la population tandis qu'une partie des responsables est allée se réfugier au Pakistan. Ils vont alors pouvoir se réorganiser à partir de cet espace. Puis, ils sont retournés en Afghanistan au cours de l'été 2002 où ils contrôlent en grande partie les campagnes pachtounes au sud de Kaboul. L'insurrection, devenue guerre civile, ne semble pas pouvoir être endiguée dans les prochaines années. A ce sujet, au cours de l'année 2009, le général Petraeus confia à Woodward46(*) : « Ce conflit, nous n'en verrons pas la fin, ni même peut-être nos enfants. »47(*)Dans un rapport rédigé en 2009, le chef du commandement central des guerres en Irak et en Afghanistan a déclaré, dans la partie intitulée « Les facteurs de réconciliation faisant défaut en Afghanistan » que certains points rendaient une stabilisation impossible. Parmi lesquels, on peut citer :

    - « Les talibans et les autres groupes insurgés pensent qu'ils sont en train de gagner la guerre, pas de la perdre.

    - Les leaders et les membres insurgés sont largement autochtones. Ce ne sont pas des éléments insurgés comme en Iraq.

    - Les talibans ont la capacité-supérieure à celle du gouvernement dans certaines zones- de fournir un système de gouvernement efficace, d'assurer la sécurité publique et de trancher les conflits domestiques »48(*)

    1.1.3.2. Pakistan

    La frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan est constituée par la « ligne Durand ». Cette frontière, établie le 12 mars 1893 par un accord entre l'émir Abdur Rahman Khan et sir Mortimer Durand pour l'empire britannique, constitue un contentieux constant entre les deux pays. Elle coupe les zones tribales du Pashtounistan et du Baloutchistan en deux et sert de prétexte aux revendications territoriales. C'est une des raisons pour laquelle chacune des deux capitales a toujours soutenu et accueilli les opposants au gouvernement de l'autre.

    Le Pakistan a été entrainé malgré lui, par les Etats-Unis, dans leur guerre contre l'Afghanistan.49(*) Depuis la victoire militaire américaine en Afghanistan, les Etats-Unis n'ont de cesse d'impliquer le gouvernement pakistanais de mener une guerre contre le terrorisme. Dès 2002, le président Musharraf dénonce les extrémistes venus de l'ouest. En décembre 2003, après avoir échappé à deux attentats, il déclare : « La plupart des attentats qui ont lieu au Pakistan ont été conçu par ces gens », et conclu par : « Nous ne permettrons pas de tels actes au Pakistan »50(*). La politique de Musharraf envers les talibans dans les zones tribales reste cependant très hésitante entre l'année 2003 et l'année 2007. En effet, celui-ci a parfois recourt à l'armée pour expulser les talibans et d'autres fois, il tente le compromis avec eux. La véritable rupture se produit le 11 juillet 2007 avec la fusillade de Lal Masjid (la mosquée Rouge) à Islamabad. Quelques jours plus tard, les talibans déclarent la guerre à l'Etat pakistanais. A la fin de l'année 2007, une insurrection fait rage non seulement dans l'ensemble des FATA mais également dans la quasi-totalité de la province de la région du Nord-Ouest. Ces zones sont alors hors du contrôle du gouvernement. Cette montée de la violence dans les zones tribales est très probablement due aux attaques lancées par les Etats-Unis, sans l'autorisation du gouvernement pakistanais, dans la ceinture tribale du Pakistan provoquant la mort de nombreux civils. Selon P.S. Jha, « l'intervention militaire ouverte des Etats-Unis au Pakistan a pu dès lors constituer le point culminant d'une série d'erreurs aboutissant à la dislocation de l'Etat pakistanais et transformant la plus grande partie de son territoire en un nouveau foyer de terrorisme international. »51(*)

    Depuis, les attentats suicides dans ces zones n'ont de cesse d'augmenter.

    1.1.3.3. Analyse comparative

    En guise de conclusion pour cette première sous partie, nous allons procéder à une analyse comparative de ces différentes situations afin de voir en quoi ces conflits se ressemblent et diffèrent. Nous n'allons cependant pas faire une comparaison exhaustive des conflits présentés plus haut, car ce n'aurait qu'un intérêt limité pour cette étude. Nous allons simplement mettre en avant les éléments qui selon nous, ont pu conduire à l'utilisation des enfants dans les attentats suicides.

    Mis à part le Pakistan, nous avons à faire à des conflits extrêmement longs dans la durée. Le Sri Lanka a connu une guerre de presque trente ans, si on considère que celle-ci est terminée. L'Afghanistan, quant à lui, est le théâtre de conflits depuis 1978, soit trente trois ans aujourd'hui, et nul ne sait quand la situation s'arrangera. Sur ce point, les observateurs internationaux ne sont pas très optimistes, tout comme le peuple afghan. Tandis que le conflit israélo-palestinien dure depuis plus de soixante ans avec une intensité variable dans le temps. Une question se pose : les peuples concernés n'ont-ils pas perdu espoir de voir la paix s'instaurer de leur vivant ?

    Un autre point de convergence entre les situations étudiées est la désignation par l'opposition d'un ennemi précis et présent physiquement dans les zones. Que ce soit les cingalais, les israéliens, les forces armées américaines, pakistanaises ou afghanes (vu par une frange du peuple variable comme des traitres), ils sont diabolisés et sont perçus comme une menace pour la survie de la communauté et/ou de sa culture. En ce qui concerne le Pakistan, l'ennemi représente surtout une menace pour les valeurs du peuple musulman et moins une menace pour l'intégrité physique de la communauté. Tandis, que les nationalistes tamouls, comme nous l'avons vu, parlent d'un génocide des cingalais à leur encontre. En ce qui concerne les pachtounes, la menace est avérée dans certaines régions d'Afghanistan, notamment le nord où l'on peut constater un nettoyage ethnique. Les conflits menés contre les armées régulières sont alors vus comme des guerres de libération contre une occupation considérée, à tord ou à raison, comme oppressive.

    1.2. Les groupes

    Nous allons désormais passer à la description des groupes qui utilisent les enfants dans les attentats suicides dans chacun des conflits décrits précédemment. Ces groupes, qui n'ont pas été cités avant, sont le LTTE pour le Sri Lanka, le Hamas et le Jihad Islamic pour la Palestine et les Talibans pakistanais pour l'Afghanistan et le Pakistan. Dans un premier temps, nous nous appliquerons à décrire l'historique et la structure de chacun d'eux. Puis, nous verrons les idéologies sur lesquelles ils se reposent et leurs différentes revendications. Et enfin, nous nous pencherons sur l'utilisation générale qu'ils font de l'attentat suicide et l'introduction des enfants dans ceux-ci. Comme dans l'exposition des contextes géopolitique, cette partie n'est pas exhaustive, car il s'agit là de comprendre qui sont les groupes qui utilisent des enfants dans les attentats suicides. Nous n'en dégagerons donc que les caractéristiques principales afin de voir quelles sont les convergences et les divergences entre les différents groupes.

    1.2.1. Historique des groupes et leur organisation

    1.2.1.1. Le LTTE

    Le Liberation Tigers of Tamoul Eelam52(*) est un groupe appelé à l'origine les « Nouveaux Tigres tamouls » (TNT) qui fut créé le 22 mai 1972. Il faisait partie d'une organisation plus large connue sous le nom de Front uni de libération tamoul (TULF). En 1976, à la suite de l'arrestation du leader Chetti Thanabalasingham Prabhakaran, Velupillaï Prabhakaran, un membre du TNT, prend la tête de l'organisation qui devient, le 5 mai 1976, le LTTE.

    Dès les années 1980, les leaders du LTTE mettent en place une structure complexe avec une aile politique et une aile militaire. Au niveau politique, ils se sont organisés sur un modèle gouvernemental avec des postes ministériels, un parlement et ont une « juridiction » dans les territoires qu'ils contrôlent. D'un point de vue militaire, ils se sont organisés sur le modèle d'une armée conventionnelle. Leur armée est ainsi organisée en unités de combat réparties entre des unités directement subordonnées au Comité Central de Direction (CCD) et des unités des forces « régulières ».53(*) Cette organisation très structurée a fait du LTTE un exemple en terme de moyens d'action dans une guérilla. Ils usent, bien évidemment, des procédés asymétriques classiques ou irréguliers, pour reprendre les termes du spécialiste des guérillas Gérard Chalian.54(*)

    Ils se sont très vite imposés comme l'organisation principale de représentation de la communauté tamoule. Cependant, en 2004, l'organisation a du faire face au Groupe Karuna créé le 6 mars par le colonel Vinayagamoorthy Muralitharan, commandant des LTTE dans la région de Batticaloa qui a fait sécession avec des milliers de ses combattants. Des combats auront lieu entre les deux groupes, ce qui portera un coup sévère au LTTE.

    Le LTTE possède un puissant réseau international constitué de la diaspora qui représente environ 1,5 à 1,8 millions de tamouls dans le monde. Pour Oliver Guillard, directeur de recherche Asie à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), cette diaspora est contrôlée par le LTTE.55(*) Et de rajouter: «Tout est régi d'une main de fer. Chacune des familles à l'étranger doit verser un impôt révolutionnaire au soutien de la cause tamoule. C'est une participation financière sur une base mensuelle ou trimestrielle qui est indexée sur le revenu de la famille et le nombre de personnes dans le foyer.»56(*) Ce qui fait donc du LTTE une puissante organisation transnationale qui a réussi à rallier la quasi intégralité de la communauté tamoule, par des moyens plus ou moins oppressifs, à sa cause.

    Comme beaucoup de milice, le LTTE s'est criminalisé en mettant en place des pratiques prédatrices (trafic de drogues avec le Pakistan, racket...) 57(*)Le racket n'est pas moins un instrument de contrôle social qu'un instrument d'extraction économique.

    Le LTTE est placé sur la liste officielle des organisations terroristes d'une trentaine de pays ou organisations internationales dont les Etats-Unis, l'Union Européenne depuis 2006, l'Inde depuis 1992 et le Royaume Unis depuis 2000. Au Sri Lanka, ils seront officiellement interdits en 1998, mais retrouveront une existence légale en 2002 afin qu'ils puissent mener des négociations avec le gouvernement. Cependant, ils se retireront de la table des négociations en 2003.

    1.2.1.2. La Palestine

    Le cas de la Palestine est plus complexe que celui du LTTE. Les Tigres ont, comme nous l'avons vu plus haut, très vite éliminé les principaux mouvements concurrents au leur pour s'imposer comme représentant exclusif de la communauté tamoule. En Palestine, plusieurs groupes coexistent dans les territoires occupés. Ils sont en concurrence et ne s'entendent pas forcément entre eux. Nous ne verrons que les groupes dont nous sommes sûres qu'ils utilisent, ou ont utilisé, des enfants pour mener des attentats suicides. Ces groupes sont le Hamas et le Jihad Islamic connu aussi sous le nom de Djihad Palestinien Islamique (DIP) ou Mouvement du Jihad Islamique Palestinien (MIJP). Il faut noter que les Brigades al-Aqsa, faisant partie du Fatah, ont également été impliquées dans des attentats suicides menés par des enfants, cependant il semble que ce fut de manière bien plus marginale. C'est pourquoi, nous avons choisi de ne pas l'étudier ici.

    - Le Hamas

    Le Hamas, ou Harakat al-Mouqawama al-Ilamiya58(*), est un groupe islamique palestinien créé le 14 décembre 1987, soit cinq jours après le début de l'Intifada, par le Cheikh Ahmed Yassine, chef historique et spirituel du groupe alors situé à Gaza, ainsi que par 'Abd al-Fattah Dukhan, Mohammed Shama', Ibrahim al-Yazuri, Issa al-Najjar, Salah Shehadah et 'Abd al-Azziz Rantisi. A la mort de ce dernier, le 22 mars 200459(*), il sera remplacé par l'un des cofondateurs, Abd al-Aziz Rantisi. Tué à son tour le 17 avril 2004, Khaled al-Mash'al lui succédera en tant que chef politique du mouvement. Le Hamas est issue du mouvement créé en 1967, al-Moujamma al-Islami60(*) et enregistré légalement en Israël en 1978 par le Cheikh Ahmed Yassine.

    Le Hamas va se développer assez rapidement et va bénéficier à la fois des échecs de Yasser Arafat sur le plan international et de la délocalisation de l'OLP au Liban, en Tunisie et en Irak qui va laisser un vide dans les territoires occupés. L'OLP recommence à gagner en légitimité avec les accords d'Oslo en 1993 et retrouve ainsi ses financements extérieurs qui lui permettent de développer son action sociale et de reprendre du terrain sur le Hamas. Cependant, l'attitude israélienne vis-à-vis des dirigeants palestiniens sera un facteur important dans la décrédibilisation du processus de paix, ce qui redonnera une place au Hamas. A tel point que le 26 janvier 2006, le groupe sort vainqueur des élections parlementaires avec l'obtention de 74 des 132 sièges du Parlement palestinien faisant de lui la première force politique palestinienne devant le Fatah qui n'a obtenu que 45 sièges. Ce qui va induire de vives tensions entre le Fatah et le Hamas et à la prise de pouvoir par la force dans la bande de Gaza par ce dernier en juin 2007.

    En termes de structure, le Hamas travaille en petites cellules afin d'optimiser la sécurité car il devient difficile d'en tirer des informations ou de les pénétrer.

    Il bénéficie d'un soutien auprès de nombreux pays musulmans dont l'Arabie Saoudite et l'Iran qui, à lui seul, lui fournirait un tiers de ses revenus annuels, soit 10 millions de dollars.61(*)

    Le Hamas est sur la liste officielle des organisations terroristes d'Israël, du Canada, des Etats-Unis, de l'Union Européenne et du Japon. Pour la Grande Bretagne et l'Australie, seule la branche armée du Hamas est classée comme terroriste.

    - Le Djihad Islamique Palestinien

    Le Djihad islamique Palestinien (DIP) a été créé par des étudiants de l'Université Islamique de Gaza en 1982. Son fondateur et chef spirituel, le Cheikh Asaad Bayoud al-Tamimi est emprisonné à vie en Israël. Depuis son lieu de détention, il entretien des liens étroits avec le Hamas. Les premiers leaders du groupe, qui l'ont d'ailleurs rendu opérationnel, sont Fathi Abd al-Aziz al-Shiqaqi et Cheikh Abd el-Aziz Awdah. Depuis la mort de Fathi Shiqaqi, assassiné à Malte le 26 octobre 1995, le DIP est dirigé par le Dr Ramadan Abdallah Shalah qui occupe la fonction de secrétaire-général du mouvement basé à Damas.

    Le DIP, essentiellement présent dans la bande de Gaza et dans la région de Jénine, est organisé en deux branches ; l'une politique et l'autre militaire. Cette dernière a été réorganisée en 1992 sous l'impulsion de Mahmoud al-Khawaja.62(*) Cette structure, nommée as-Sarayat al-Qods (la Compagnie de Jérusalem), va ainsi constituer le bras armé du DIP et deviendra très vite un des groupes palestiniens les plus virulents. Elle est subdivisée en cellules opérationnelles clandestines strictement cloisonnées. Contrairement au Hamas, le Jihad Islamic ne comporte aucun programme social et éducatif.

    Cette organisation est largement soutenue par l'Iran dont les Pasdarans63(*) instruisent les recrues dans les camps d'entrainement du Hezbollah dans la plaine de la Beka'a et, depuis 1996, en Iran.64(*)

    Le DIP est inscrit sur la liste des organisations terroristes d'Israël, des Etats-Unis et de l'Union Européenne.

    1.2.1.3. Pakistan et Afghanistan

    Il existe différents groupes considérés comme terroriste au Pakistan. Dans les sources sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour mener cette étude, la responsabilité de l'utilisation des enfants dans les attentats suicides, lorsque le nom du groupe est donné, incombe aux Talibans pakistanais.

    Ce mouvement a été créé par le mollah Mohammed Omar en septembre 1994. Il est issu des écoles coraniques sunnites du sud de l'Afghanistan.65(*) Dès sa création, le mouvement va connaitre un énorme succès et va conquérir la quasi-totalité de l'Afghanistan à l'exception du nord-ouest du pays qui reste entre les mains d'Ahmed Shah Massoud.

    Jusqu'en 2001, les talibans seront en proie à d'importantes divisions internes qui portaient notamment sur les luttes et rivalités personnelles entre tribus et chefs de factions ou encore sur la priorité donnée par les Ouzbeks au Jihad contre le gouvernement pakistanais par rapport au Jihad contre les forces occidentales. L'unité va être impulsée par l'invasion américaine d'octobre 2001. Il s'agit désormais de combattre un ennemi commun. C'est également à cette période qu'ils ont opérés un repli au Pakistan donnant ainsi une dimension transfrontalière au mouvement.

    Les talibans vont commencer à se structurer et s'organiser après l'appel au Jihad lancé par le Mollah Omar en mars 2003 contre les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux et afghans. La zone frontalière de l'Afghanistan va être découpée en cinq zones opérationnelles qui semblent s'articuler en trois zones de commandement. Les zones tribales fédérales du Pakistan, quant à elles, servent de bases logistiques

    Le 15 décembre 2007, les Talibans annoncent la création d'une organisation commune, le Tehrik Taliban-i-Pakistan, qui signifie littéralement Mouvement Taliban du Pakistan, basé au Sud Waziristân et dirigé par Baitullah Mehsud. Il regroupe les talibans des zones tribales et des territoires du Nord-ouest du Pakistan.

    L'identité des membres de ces groupes suscite de vives polémiques, et surtout ceux dirigeant des attaques. Les analystes s'accordent désormais pour dire que la majorité est afghane. D'autres, cependant, affirment que ce sont des étrangers ou des afghans ayant vécu la majorité de leur vie au Pakistan.

    Les talibans disposent de réseaux internationaux par le biais, notamment, de madrassas fondamentalistes. Ils peuvent également compter sur l'opinion publique pakistanaise qui est largement anti-américaine.66(*) Pour d'autres raisons, les talibans en Afghanistan comptent un soutien important au sein de la population pachtoune. Depuis qu'Hamid Karzaï est au pouvoir, les pachtounes sont marginalisés politiquement au profit des ethnies du Nord. Contrairement aux Ouzbeks ou aux Hazaras, ils ne sont représentés par aucun parti régional, ils ne peuvent alors se reconnaitre que dans les talibans

    Outre les soutiens internationaux, l'organisation trouve une partie non négligeable de ses financements dans la vente de drogue et le trafic de contrebande à la frontière.

    Il faut noter que les talibans n'ont pas été portés sur la liste officielle des organisations terroristes des Etats-Unis. Cet élément surprenant est dû à la politique américaine qui s'oppose au principe de négocier avec des terroristes. Afin de permettre au gouvernement Karzaï de trouver une solution négociée au conflit, les Etats-Unis ont choisi de ne pas les y inscrire.

    1.2.1.4. Analyse comparative

    Ces organisations dont nous venons de faire l'historique ont un point commun : elles ne sont pas reconnues par les instances internationales. Ce sont également des groupes non gouvernementaux. Trois d'entre eux sont inscrites sur la liste officielle des organisations terroristes des Etats-Unis. Les talibans n'en font pas encore partis pour des raisons stratégiques.

    Dans la liste des points communs, nous pouvons ajouter que ces groupes sont tous très bien organisés, surtout dans le cas du LTTE, ce qui les rend apte à mener des actions importantes et régulières. Cette organisation est soutenue et appuyée par des financements extérieurs qui leur permet de développer une structure logistique importante.

    Une grande différence oppose le LTTE aux autres groupes étudiés ; il s'agit de la position du leader au sein du groupe. Velupillaï Prabhakaran n'est pas seulement le chef du mouvement, mais il l'incarne. Il a bâti autour de lui un véritable culte de la personnalité. Ce qui n'est pas le cas des autres leaders, qui, nous l'avons vu, sont remplaçables.

    Contrairement aux autres groupes qui se sont organisés très vite, les talibans ont eu du mal à trouver leur équilibre. Cependant, nous pouvons remarquer qu'ils ont pu former leur unité lorsqu'ils étaient face à une menace imminente et extérieure, la menace américaine. Nous remarquons ainsi que l'ensemble des organisations ont un ennemi bien déterminé qui diffère d'eux par leur origine ethnique, leur religion ou les deux à la fois.

    1.2.2. Idéologie, revendications, objectifs

    Chacun de ces groupes a construit sa propre identité et doit son existence à la volonté de répondre à un problème précis. Aussi, nous allons essayer de déterminer les raisons de leur création et l'idéologie sur laquelle ils se sont basés.

    Selon le Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales une idéologie est : « un ensemble plus ou moins cohérent des idées, des croyances et des doctrines philosophiques, religieuses, politiques, économiques, sociales, propre à une époque, une société, une classe et qui oriente l'action. »67(*) Dans le cas présent, il s'agit de celles d'un mouvement en particulier. Nous en verrons les grandes lignes pour chacun des groupes présentés plus haut sans entrer dans le détail. Nous allons également essayer de comprendre leurs revendications. Puis nous comparerons les différents résultats.

    1.2.2.1. Le LTTE

    Le LTTE est un groupe séparatiste tamoul qui, dès ses débuts, a mené un double combat : la lutte contre le gouvernement sri lankais et celle contre les organisations rivales. Une fois les organisations rivales éliminées, les Tigres se sont concentrés sur la lutte contre le gouvernement. Le LTTE a repris l'idée des leaders politiques tamouls des années 1970 qui estimaient que le cadre institutionnel démocratique ne pouvait offrir de garantie aux minorités de l'île. Dans le but de préserver leur culture et leur droit, les Tigres ont revendiqué la création d'un État séparé, constitué des provinces nord et nord-est de l'île (Jaffna, Kilinochchi, Mannar, Vavunya, Mullaitivu, Trincomalee et Batticaloa) et des régions du sud-est de l'île à majorité musulmane. L'autre revendication est la défense de l'identité tamoule que les membres pensent, à tord ou à raison, en danger. Le LTTE s'est ainsi constitué, dans un premier temps, comme un mouvement de lutte contre l'oppression cingalaise. Mais, avant les premiers attentats de 1987, leurs revendications s'étaient déjà transformées en lutte pour une patrie imaginaire. Ces revendications ont évolué au cours de conflit et dans le but d'apporter une solution au conflit, Prabhakaran propose, le 21 novembre 2001, de changer son objectif d'un Etat indépendant au profit d'une région tamoule autonome.

    Le sujet ici est l'attentat suicide. L'opinion publique assimile aisément les attentats-suicides à l'extrémisme religieux. Au sein du LTTE, la religion ne joue aucun rôle. Deux facteurs sont à l'origine de ce fait. Le premier est que le LTTE s'est autoproclamé laïc dès ses débuts. Le second est que l'ensemble des membres n'appartiennent pas à la même religion. Comme nous l'avons vu plus haut, la majorité est hindoue et une partie, moins importante est catholique ou musulmane.

    D'une doctrine influencée, dans ses débuts, par les écrits de Giap, Mao et Régis Debray qui en faisait un groupe d'obédience marxiste, ils sont passés à un militantisme ethnique et communautariste très fort dont le point central est la figure du chef suprême incarnée par Prabhakaran. Il s'agit donc d'un groupe fondé sur une idéologie ethno-nationaliste.

    1.2.2.2. La Palestine

    - Le Hamas

    Le 18 août 198868(*), le groupe va publier la Charte du Hamas dans laquelle son programme est clairement exposé.

    Leur idéologie s'inspire largement de celle des Frères musulmans déjà implantés dans les Territoires occupés et ils le revendiquent en tant que tel dans le deuxième article : « Le Mouvement Islamique de Résistance est une des branches de la Fraternité Musulmane en Palestine. ». Il n'est donc pas étonnant de voir que le Hamas se proclame avant tout comme étant un mouvement musulman, de la branche sunnite. Ainsi, dans l'article premier de la Charte affirme que « le programme du Mouvement de Résistance Islamique est l'Islam.»

    Le Hamas se base également sur une idéologie nationaliste puisque la revendication première est le retour de la Palestine aux palestiniens. Il s'agit donc d'une lutte territoriale, mais pas uniquement des Territoires occupés que sont Gaza et La Cisjordanie. Cet Etat devra être un Etat islamique régit par la Charia.

    Sa stratégie pour atteindre ses objectifs est le jihad armé : « Il n'y a pas de solution à la question palestinienne si ce n'est à travers le Jihad. Les initiatives, les propositions et les conférences internationales sont toutes une perte de temps et de vaines tentatives. » (Article 13). Le Hamas insiste sur le fait que chaque musulman a le devoir de participer au jihad : « Résister et réprimer l'ennemi devient le devoir individuel de chaque Musulman, homme ou femme. Une femme peut sortir de chez elle pour aller combattre l'ennemi sans la permission de son mari. De la même manière fait L'esclave » (article 12). Ce qui ouvre une brèche à la participation des enfants au jihad. De plus, celui-ci fut légitimé lors d'une émission religieuse diffusée par la chaîne de télévision qatari al-Jazeera lors de la seconde Intifada. Ils sont même allés plus loin en déclarant les attentats suicides licites puisqu'ils se déroulaient sur une terre musulmane occupée par les infidèles.69(*)

    Le Hamas va durcir ses positions vis-à-vis d'Israël à la suite du « Massacre d'al-Aqsa », le 8 octobre 1990. Le mouvement va alors déclarer que chaque soldat israélien représente une cible potentielle.70(*)

    - Palestinian Islamic Jihad71(*)

    Les deux principaux objectifs du DIP ont été consignés à l'écrit par Cheikh Assad Bayoud al-Tamini dans son ouvrage de 1982, L'élimination d'Israël : un impératif du Coran.

    Le DIP lutte pour une « Palestine - du fleuve Jourdain à la mer - un pays arabe, islamique dont la loi interdit de céder un pouce de son territoire. »72(*) Il s'agit donc de la volonté de créer un Etat islamique palestinien, dont la capitale serait Jérusalem et de détruire l'Etat d'Israël. Ayant conscience de l'impossibilité de la réalisation de cet objectif à court terme, le DIP s'est fixé des objectifs plus limités qui sont, selon les termes de Shalah : « Avec l'actuelle Intifada, toutes les factions palestiniennes y compris le Jihad Islamique s'accordent à dire que l'objectif de la résistance palestinienne aujourd'hui est de refouler inconditionnellement l'occupation israélienne de Cisjordanie et de Gaza »73(*)

    Le deuxième point est l'opposition aux pays arabes modérés, « considérés comme occidentalisés, corrompus et contaminés par le laïcisme occidental. »74(*) Ils souhaitent renverser les régimes arabes laïcs dans le but d'établir un empire islamique panarabe. La lutte menée contre l'Etat d'Israël est vue comme la première étape sur le chemin de l'islamisation.

    Le DIP est divisé en deux grands courants : un courant pro-iranien composé d'extrémistes chiites et un courant pro-irakien, composé d'extrémistes sunnites. Fascinés par la révolution iranienne, les leaders, et particulièrement Bayoud, ont fondé l'organisation sur une idéologie « nationale-religieuse »75(*)

    Dans le cas de ces deux groupes, leur idéologie puise à la fois dans le champ religieux et politique, ce qui n'est pas surprenant dans la mesure où, dans la religion musulmane, il n'y pas de stricte séparation du politique et du religieux.

    L'augmentation de l'influence de ces deux groupes prônant le jihad comme stratégie pour atteindre leurs objectifs a permis de faire entrer le terrorisme, et son moyen d'action le plus spectaculaire, l'attentat suicide, dans le conflit israélo-palestinien. Ce qui, pour de nombreux analystes, a fait reculer les chances d'un processus de paix.

    1.2.2.3. Le Pakistan et l'Afghanistan

    Le Tehrik Taliban-i-Pakistan, appelé Taleban Islamic Movement of Afghanistan en anglais, est un mouvement d'obédience sunnite. A l'origine, les talibans souhaitaient rassembler les différentes ethnies, tendances politiques et familles politiques qui avaient participé à la résistance afghane. Les leaders ont alors choisi l'application de la charia comme dénominateur commun qui est ainsi devenu un des piliers du système Taliban.

    Les talibans appartiennent à l'école hanafite76(*) et au courant déobandi. La mouvance déobandi est une mouvance islamique rigoriste née dans la banlieue de Delhi à la fin du 19ème siècle. L'idéologie du mouvement va se former sur l'idée d'un retour à la société musulmane de l'époque du Prophète Mohammed et le rejet de toute forme de pluralisme, culturel, politique et religieux. Les talibans ont un attachement à la lecture littéral des Textes sacrés. Ils donnent la priorité au jihad pour atteindre leurs objectifs. Contrairement aux salafistes jihadistes, leur jihad vise avant tout leur propre société, à laquelle ils souhaitent réimposer un ordre moral très rigoriste.

    Leur objectif prioritaire est donc de s'imposer au pouvoir afin de mettre en application la charia dans le respect le plus strict des Textes. Puis, avec l'arrivée des américains, leur combat contre un Etat laxiste s'est doublé de la lutte contre l'ennemi infidèle dans la région, ainsi que contre ses alliés dont font partie les gouvernements afghans et pakistanais.

    1.2.2.4. Analyse comparative

    Le LTTE est un groupe laïc qui a dû écarter la religion en raison de la composition de ses rangs, tandis que les deux autres organisations s'appuient sur une idéologie religieuse, notamment le jihad, ce qui leur permet d'avoir une base de recrutement solide et large. C'est également un moyen simple de fanatiser les membres et ce dès leur plus jeune âge.

    De par leur idéologie respective, chacun des groupes peut bénéficier d'un large soutien populaire. Dans le cas des groupes islamiques, le jihad est une obligation individuelle pour chaque musulman. Et comme le rappel le Hamas, celui-ci ne souffre d'aucune exception. L'enjeu est primordial car il s'agit de rendre les terres conquises par les musulmans aux musulmans. L'idéologie du LTTE doit également trouver écho auprès de la population tamoule puisqu'elle concerne l'ensemble de la communauté et prône la survie et même la valorisation de son identité. Cependant, dans les faits, une partie de celle-ci s'est désolidarisée face à la violence du groupe. Ce manque à gagner sera pallié par des méthodes coercitives.

    Dans chacune des idéologies décrites plus haut, une brèche est faite pour laisser la place aux enfants dans le conflit.

    Bien que la base idéologique soit différente, les revendications sont assez similaires, car chacun d'entre eux revendiquent un Etat propre. Les objectifs sont donc politiques avant tout. Il s'agit de libérer la communauté de l'ennemi oppresseur qui constitue une menace pour sa survie.

    Dans tous les cas de figure, il est intéressant de noter que ces revendications permettent une base de recrutement large dans la mesure où il s'agit de l'intérêt de la communauté dans son intégralité et non de quelques individus isolés.

    1.2.3. L'utilisation de l'attentat suicide par ces groupes et la participation des enfants à ceux-ci

    L'attentat suicide, tel qu'il est défini dans l'introduction est utilisé, dans un premier temps au début des années 1980 par les Tigres tamouls du Sri Lanka et le Hezbollah. Puis, à la vue des résultats que fournissaient cette tactique, les Palestiniens l'ont repris à leur compte et ont largement contribué à leur diffusion.77(*) Nous allons tenter de comprendre ici la place que cette tactique prend dans les moyens d'action terroristes de chacun de ces groupes et voir son évolution. Sweitzer nous offre un premier élément de réponse. Selon lui78(*), il y a trois niveaux d'organisations qui utilisent les attentats suicides. Il y a tout d'abord le premier niveau qui est le plus simple. Les groupes faisant partie de cette catégorie qui n'utilisent pas l'attentat suicide comme base régulière et ne l'approuvent pas en tant que tactique. Parmi ces groupes, nous pouvons retrouver l'Egyptian Islamic Group, l'Egyptian Islamic Jihad, le Kuweiti Dawa ou encore l'Algerian Armed Islamic Group. Au deuxième niveau, nous retrouvons les groupes qui ont adopté l'attentat suicide comme tactique temporaire. Les leaders de ces groupes ont obtenu une légitimation idéologique, ou théologique, pour pouvoir recruter et entrainer des volontaires et les envoyer commettre un attentat suicide. Dans cette catégorie, nous pouvons citer des groupes tels que le Hezbollah ou le Kurdistan's Worker's Party. Les groupes du troisième niveau ont adopté l'attentat suicide en tant que stratégie légitime et permanente. Le LTTE se situe dans ce plus haut niveau, accompagné du Hamas et du Palestinian Islamic Jihad. Schweiter ne le précise pas, mais nous pouvons ajouter dans cette catégorie les Talibans. Nous en expliquerons la raison un peu plus bas.

    Nous allons également tenter d'établir la proportion des enfants par rapport à l'ensemble des kamikazes à l'intérieur de chaque groupe. En ce qui concerne ce point, nous pourrons simplement relever des tendances car pour définir le pourcentage d'enfants, nous aurions besoin de la liste complète des attentats suicides réussis ou échoués depuis la fondation du mouvement, ainsi que l'âge de chacun des auteurs. Ces listes doivent probablement exister mais ne sont pas en libre accès et sont très probablement incomplètes puisque les groupes en question ne déclinent pas systématiquement l'identité du kamikaze (et ne reconnaissent pas systématiquement l'attentat) et qu'en raison de la violence de l'action, le corps n'est plus toujours identifiable. Nous avons tout de même réussi à reconstituer une liste partielle des attentats suicides perpétrés par les différents groupes palestiniens ainsi que leurs auteurs. Cependant, elle est très incomplète et les données sur l'identité des kamikazes ne sont pas toujours sûres.

    1.2.3.1. Le Sri Lanka

    L'attentat suicide, si l'on se réfère à la classification de Sweitzer, est une tactique très ancrée dans les moyens d'action utilisés par le LTTE. Selon la quasi-totalité des spécialistes de la question, les Tigres tamouls auraient commis plus d'attentats suicides que n'importe quel autre groupe dans le monde. Ricolfi estime que le LTTE serait responsable de 40% des attentats suicides commis entre 1981 et 2003.79(*) Le chiffre exact n'est pas connu, cependant une estimation est donnée : le nombre d'attentat varierait entre 168 et 239.80(*) Ce moyen de violence permettait au groupe à la fois de lutter contre le gouvernement et de se démarquer des organisations rivales.81(*)

    Le premier attentat suicide commis par le LTTE a eu lieu en 1987 et depuis, ce moyen de violence fait partie intégrante de la stratégie globale militaire du LTTE puisqu'une unité lui est spécialement consacrée. Il s'agit des Black Tigers. Ils ont été rendus célèbre par des attentats réussis contre des personnalités politiques clés dont un président de la République sri-lankaise en exercice, Ranasinghe Premadesa, tué en compagnie d'une vingtaine d'autres personnes à Colombo le 1er mai 1994 ou encore un ancien premier ministre indien, Rajiv Gandhi, tué le 21 mai 1991 à Madras dans un attentat faisant une douzaine de victimes. Les attaques peuvent également être le fruit d'une autre branche de l'organisation, notamment les Black Sea Tigers (les forces de marine du LTTE) qui furent responsables, entre autres, de l'attaque d'un navire portant le drapeau du Sri Lanka Monitoring Mission en mai 2006.

    Les attentats suicides sont considérés par le LTTE comme des « opérations spéciales » et non des actes terroristes, car ils ne visent pas à terroriser la population civile mais à détruire le pouvoir cingalais au Sri Lanka.82(*)

    Les cibles visées peuvent être très variables allant de la cible militaire à la politique en passant par les infrastructures culturelles.83(*)

    En ce qui concerne le début de l'utilisation des enfants dans les attentats suicides par le LTTE, nous n'avons trouvé ni de date précise ni une période. De nombreux éléments nous laissent penser que ce phénomène est apparu peu de temps après 1987. Cependant, cette hypothèse n'est pas vérifiable.

    1.2.3.2. La Palestine

    En terme de volume, le Hamas arrive sur le podium des trois groupes ayant commis le plus d'attentats suicides après le LTTE et le Hezbollah entre 1980 et 2000. Le Jihad Islamic est au cinquième rang.

    L'attentat est vu par les groupes palestiniens comme un moyen efficace de représailles, après une attaque israélienne, qui permet de semer la terreur à l'intérieur d'Israël.84(*) Ainsi, il ne s'inscrit pas pleinement dans une stratégie globale mais représente surtout un moyen de vengeance.

    Les premiers attentats suicides commis par des groupes palestiniens remontent à 1994. A partir de cette date et jusqu'en 1996, on peut parler de première vague d'attentats suicides. C'est à cette période que ce moyen de violence sera utilisé de manière régulière. Trente sept85(*) attentats ont été enregistrés au cours de la période s'étalant de 1993 à 1998, dont vingt quatre revendiqués par le Hamas et treize par le Jihad Islamic. A partir de l'Intifada al-Aqsa, particulièrement dans sa deuxième année, les attentats suicides commis par des palestiniens, vont connaitre une croissance importante, puisqu'en 2002, on enregistrait déjà soixante attentats perpétrés par le Hamas, le Jihad islamique, les Brigades des martyrs d'al-Aqsa ou le FFLP.86(*)

    L'augmentation de l'emploi de l'attentat suicide a été de pair avec l'élargissement de la base de recrutement, aussi on enregistre un nombre croissant de femmes ou de pères de famille.

    Les activités terroristes sont très présentes dans les territoires palestiniens et la rivalité entre les différents mouvements ne permet pas à l'Autorité palestinienne de les réduire.87(*)Les deux groupes les plus actifs dans la conduite d'attentats suicides sont le Hamas et le Jihad Islamic, c'est pourquoi nous allons faire un bref point sur l'utilisation de ce moyen d'action par ces organisations.

    - Le Hamas

    La branche militaire du Hamas qui est en charge des attentats terroristes est l'Al-Madjahadoun al-Filistinioun. En 1991, elle va fusionner avec le Madjmouath Djihad u-Da'awa88(*) pour devenir les Brigades du Martyr Izz ad-Din al-Qassam. Elle sera implantée dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Cette branche, créée par Zaccaria Walid Akel89(*), est extrêmement difficile à localiser et à pénétrer du fait de sa composition en petites cellules. Les attentats qu'ils perpétuent se font à l'arme de poing ou au poignard jusqu'en 1993. Le 16 avril de cette année, ils exécutent leur première attaque à la bombe.

    - Le Jihad Islamic

    Depuis 1994, le DIP a intégré l'attentat-suicide dans ses moyens d'action. Le 26 octobre 2000, ils revendiquent le premier attentat suicide depuis le début de l'Intifada al-Aqsa. Il semblerait que le Dr Ramadan Shalah ait ordonné une trêve dans les attentats à la suite du 11 septembre afin qu'il n'y ait pas d'amalgame avec al-Qaeda. Leurs activités vont reprendre en janvier 2002. De 2000 à aujourd'hui, le DIP a revendiqué 25 attentats à la bombe.

    Comme pour le cas du LTTE, il est difficile d'établir la proportion d'enfants parmi les kamikazes. Selon P.W.Singer90(*), au moins trente attentats auraient été conduits par des mineurs depuis 2000. Cependant, nous avons pu relever quelques exemples dans les médias qui nous donnent des indications sur l'âge des auteurs. Ainsi, le 16 mars 2004, les forces israéliennes ont arrêté un enfant de 11 ans qui tentait d'introduire des explosifs au checkpoint d'Hawara en Cisjordanie.91(*) Selon les sources israéliennes, l'enfant n'avait pas connaissance de ce qu'il portait. Le groupe terroriste à l'origine de cette action souhaitait soit que l'enfant passe les explosifs de l'autre côté de la frontière pour attenter une action dans l'Etat d'Israël, soit les faire exploser à distance comme cela s'est déjà vu en Afghanistan. Toujours en 2004, les soldats israéliens ont arrêté un enfant de 14 ans qui portait une ceinture de 8 kg d'explosifs à un checkpoint près de la ville cisjordanienne de Nablas.92(*) Il a été effrayé par la réaction rapide des soldats. Ils l'ont attrapé et l'ont persuadé de les aider à retirer sa ceinture d'explosifs. L'âge des enfants utilisés est variable mais il semble que la majorité des mineurs n'ont pas moins de 15 ans. Aussi l'écrasante majorité des enfants ayant effectué un attentat suicide, réussi ou manqué, sont des garçons.

    1.2.3.3. Le Pakistan et Afghanistan

    Le premier attentat suicide au Pakistan eut lieu le 17 mars 2002 contre un temple protestant situé dans l'enclave diplomatique d'Islamabad. Cinq personnes ont été tuées par deux kamikazes portant des ceintures d'explosifs. Ils appartenaient au groupe terroriste Lashkar-e Jhangvi (sunnite). En Afghanistan, il semble que le premier attentat suicide est celui mené par les faux journalistes contre le commandant Massoud le 9 septembre 2001.

    C'est au cours de l'année 2007 que les attentats suicides se multiplient et prennent une importance notable au Pakistan. Entre 2002 et 2008, les autorités pakistanaises ont pu enregistrer environ 140 attentats et la majorité d'entre eux sont survenus lors des années 2007 et 2008, avec respectivement 56 et 63 contre 7 en 2006.93(*) Les attaques ont alors progressé de 746%.

    Le phénomène des enfants dans les attentats suicides a été découvert pour la première fois en 2007 au Pakistan avec le démantèlement d'un camp d'entrainement par les autorités pakistanaises. Il est probable qu'il en existait avant cependant aucune source ne vient corroborer cette hypothèse.

    La population de la zone frontalière du FATA soutient en grande partie les attentats suicides contre l'armée pakistanaise qui se bat dans la « guerre américaine ».94(*)

    1.2.3.4. Analyse comparative

    Le point commun que nous avons relevé se situe dans la nature même des conflits. Dans tous les cas étudiés, nous pouvons observer que ce sont systématiquement des acteurs gouvernementaux qui s'opposent à des acteurs non gouvernementaux. Les différents acteurs non gouvernementaux que l'on peut regrouper sous le vocable de terroristes s'inscrivent dans une logique de guérilla. En ce sens, nous pouvons parler de guerre asymétrique selon la définition de Steven Metz : « en matière militaire ou de sécurité, l'asymétrie consiste à réfléchir, à s'organiser et à agir différemment de l'adversaire afin de maximiser ses propres avantages, d'exploiter les faiblesses de l'autre de prendre l'initiative ou de gagner une plus large liberté d'action. »95(*)

    Le Hamas, le Jihad Islamic, ainsi que le LTTE ont recourt, ou ont eu recourt de manière importante à cette tactique. Ce qui n'est pas le cas des Talibans qui semblent l'utiliser de manière plus marginale, au moins jusqu'en 2007.

    En ce qui concerne l'apparition du phénomène, il surgit à des moments différents dans chacun des cas. Dans celui de la Palestine, il corrobore avec le tournant que représente l'Intifada al-Aqsa. Pour ce qui est du Pakistan, la notable augmentation de ce moyen d'action violente se situe au cours de l'année 2007. Cette date n'est pas sans rappeler l'appel au Jihad du Mollah Omar. L'autre « coïncidence » que nous pourrions relever est que l'utilisation des enfants dans les attentats suicides corrobore avec cette date. Nous pouvons également faire cette constatation dans le cas de la Palestine. Il y a eu certes une première vague d'attentats suicides entre 1994 et 1996. Cependant, le nombre d'attentats suicides perpétrés par des palestiniens est sans commune mesure avec ceux enregistrés au cours de cette première vague. Hors, nous savons que l'utilisation des enfants dans les attentats suicides est un phénomène, qui, s'il est apparu avant, connait une croissance notable à partir de 2000. Les enfants semblent donc être utilisés dans les attentats suicides, pour les cas de la Palestine, de l'Afghanistan et du Pakistan, dans les périodes d'intensification du conflit. 

    On peut peut-être faire un parallèle entre les raisons de l'utilisation du moyen tactique attentat suicide et l'utilisation des enfants. Par exemple, pour le LTTE il s'agit d'une tactique à part entière qui s'inscrit dans une stratégie globale pour atteindre les objectifs définis. Ce qui est moins évident pour le cas de la Palestine où cette tactique est un moyen de se venger des exactions commises par Israël sur le peuple palestinien. Cette action revêt un caractère plus émotionnel. Les enfants semblent avoir été employés de manière discontinue dans les attentats suicides au Sri Lanka, ce qui ne semble pas être le cas dans les autres conflits. Nous pouvons émettre l'hypothèse que leur utilisation s'inscrit pleinement dans la stratégie globale du groupe pour atteindre ses objectifs.

    1.3. Comment ces groupes utilisent les enfants dans les attentats suicides

    1.3.1. Le recrutement et les profils

    Nous avons pu constater au cours de nos recherches que les méthodes de recrutement varient à la fois d'un groupe terroriste à l'autre et souvent dans le groupe lui-même également. Cependant, nous avons relevé des grandes tendances qui seront exposées ci-dessous. Nous allons également tenter d'établir le profil type des enfants qui sont recrutés par ces groupes.

    1.3.1.1. Le Sri Lanka

    Comme cela a été souligné à plusieurs reprises au cours de cette étude, en vue du manque de données exactes sur l'ensemble des attentats suicides et plus particulièrement ceux perpétrés par les enfants, il est difficile d'établir un profil type des enfants « kamikazes ». Cependant, une tendance semble être dominante. Selon une étude de l'UNICEF, 41% des enfants présents dans les rangs du LTTE sont des filles. Le gouvernement sri lankais a ajouté que depuis quelques années, presque tous les kamikazes ont été des jeunes filles ou des jeunes femmes.96(*) De plus, des études affirment qu'une partie importante, voir la majorité des auteurs d'attentats suicides, seraient des filles mineures et des femmes.

    En ce qui concerne le recrutement à proprement dit, nous disposons de peu de sources sur les enfants destinés à perpétrer un attentat suicide. Cependant, nous avons des données plus générales sur le recrutement des enfants dans les rangs du LTTE. Mais il n'est pas possible de distinguer les enfants qui serviront en tant que kamikazes et ceux qui serviront comme soldats.

    Nous avons vu plus haut que les tigres demandent à la communauté de s'impliquer dans le conflit, de manière financière, notamment par le biais de taxes. Les leaders du LTTE exhortent également les familles à « donner » un de leurs enfants pour la cause.97(*) Cette forme de recrutement, résumée dans la formule «une famille, un enfant», s'est intensifiée à partir de 2001 dans le district de Batticaola. Nous ne pouvons pas exactement qualifier ce type de recrutement de volontaire, puisque la démarche n'est pas faite par l'enfant lui-même mais par la famille sur demande du groupe. Il est un don obligatoire fait par la famille au LTTE. Le don obligatoire tel qu'il est employé ici, signifie que l'enfant a été donné par la famille sans menace physique, dans le cas contraire, il s'agirait simplement d'un enlèvement. Cependant, il est certain qu'une forte pression doit peser sur ces parents, notamment l'idée de représailles.

    Au cours de nos lectures, nous avons vu apparaitre un autre type de recrutement qui, à la fin des années 1990, a pris une grande ampleur. Il est d'ailleurs très probable qu'il soit le premier moyen de recrutement ; il s'agit de l'enlèvement. Une étude menée par l'Université Tacher for Humann Right (UTHR) en mars 200398(*) a mis en avant de nombreux cas d'enlèvements, souvent sur des enfants de moins de 15 ans, dans des zones essentiellement contrôlées par le LTTE. Les enfants peuvent être enlevés à l'école, dans leur maison ou dans la rue. Cette méthode semble être appliquée dans le cas où les familles ne peuvent pas ou ne veulent pas donner un de leur enfant ou dans le cas des enfants rendus orphelins par la guerre ou par le tsunami de décembre 2004. C'est pourquoi nombre de familles ont fui vers des lieux plus sûrs.

    Nous avons distingué un troisième type de recrutement qui est celui du volontariat. Dans cette étude, nous entendrons le terme de volontariat par un engagement libre de la part de l'enfant et sous son impulsion. Le mot libre doit être entendu dans ses limites les plus strictes, car le contexte propre à chacun de ces conflits pèse lourdement sur la prise de décision de l'enfant. Cet aspect sera vu dans la deuxième grande partie de l'étude. Ici encore, les sources disponibles sont très limitées, cependant nous disposons de quelques éléments qui nous permettent de penser qu'un certain nombre d'enfants, dans des proportions qui nous sont inconnues, décident volontairement de s'engager dans les rangs dans le dessein de devenir martyrs.

    1.3.1.2. La Palestine

    En ce qui concerne le recrutement à proprement dit, il semblerait que le volontariat soit la seule méthode de recrutement en Palestine. Nous avons, certes, exposé plus haut le cas d'un enfant qui aurait porté des explosifs à son insu, cependant, l'origine de la source, israélienne, nous pousse à un certain scepticisme d'autant plus que cette information fut démentie par le groupe mis en cause dans cette affaire. Nous allons nous pencher sur l'exemple d'un adolescent de 15 ans à l'époque des faits, Hussein Aldo, qui a été arrêté par les forces armées israéliennes alors qu'il tentait de commettre un attentat suicide au checkoinpt d'Hawara en Cisjordanie. Les soldats israéliens ont repéré une bombe sous ses vêtements et l'ont désamorcé à distance à l'aide d'un robot. Emprisonné en Israël, il a été interviewé peu de temps après les faits, en 2004, par le correspondant de la BBC à Jérusalem, James Reynolds.99(*) Au cours de cet entretien avec le journaliste, Hussein nous indique la manière dont il a été recruté:

    « James Reynolds: Qui t'a envoyé? (vers le groupe terroriste)

    Hussein Aldo: Mon ami Nasser. Il a 16 ans. C'était mon camarade de classe.

    J.R: Comment t'a t-il parlé de ça?

    H.A: J'étais assis avec un ami, il est venu vers moi et m'a demandé si je pouvais lui trouver un martyre bomber.

    Et je lui ai dit que je voulais le faire. Mon ami m'a dit: « Vraiment? » et je lui ai répondu: « oui, je veux le faire »

    Alors il a accepté et m'a amené voir d'autres personnes.

    Le nom de la personne était Wael. Il faisait parti des brigades martyres d'al-Aqsa100(*). Il avait 21 ans. Puis il m'a envoyé voir une autre personne »

    Nous constatons donc que l'adolescent s'est rendu volontaire pour accomplir cette action. Un autre élément est très intéressant dans ce passage: l'âge du recruteur. En effet, Hussein fait référence à l'un de ses camarades, Nasser, 16 ans, qui serait venu le solliciter pour trouver un kamikaze.

    En vue des éléments dont nous disposons, il semblerait que les groupes palestiniens recrutent des mineurs pour la perpétuation d'un attentat suicide sur la base du volontariat. Les volontaires au suicide seraient même nombreux, au point qu'un groupe tel que le Hamas se voit dans l'obligation d'en refuser la plupart. Un des leaders de ce groupe parle de ce sujet en ces termes : « Un de nos plus gros problèmes est la horde de jeunes hommes qui toc à notre porte pour commettre un attentat suicide. Il est difficile d'en choisir seulement quelques uns. »101(*)

    Le profil des enfants est encore une fois difficile à établir. Les exemples fournis laissent penser que la majorité d'entre eux seraient de sexe masculin. Cependant, nous avons quelques exemples de jeunes filles mineures qui auraient commis des attentats. Ce qui nous permet de dire que les groupes terroristes de Palestine n'excluent pas par principe l'éventualité d'engager des jeunes filles pour gonfler les rangs des martyrs. Une source nous apprend aussi que ces groupes préfèrent recruter des enfants ayant un physique qui peut laisser croire aux forces israéliennes qu'il s'agit d'un juif. Nous reviendrons sur cet élément important dans la tentative d'explication du recrutement des enfants par ces groupes.

    1.3.1.3. Pakistan et Afghanistan

    En juillet 2007, les autorités pakistanaises ont découvert un camp d'entrainement pour les recrues d'attentats suicides dans le domaine Charnage dans la vallée de Swart.102(*) Parmi les deux cent recrues, il y avait vingt enfants dont certains n'avaient pas encore neuf ans. Des entretiens qu'ils ont eu avec les autorités, il est ressorti que ces enfants sont arrivés au camp de trois manières différentes. L'article, cependant, n'indique pas dans quelles proportions. Certaines familles ont été forcées, arme au poing, de remettre leur enfant pour le jihad, alors que d'autres ont été kidnappés dans des circonstances mystérieuses. Selon la définition du dictionnaire Le Robert103(*), ces deux cas correspondent à un enlèvement. Le premier cas ne peut pas être assimilé à un don obligatoire puisque la famille est menacée d'une arme, même s'il s'en rapproche fortement. Pour le reste, des amis des garçons les ont persuadé d'intégrer les talibans. Il semblerait que la pratique qui consiste à obliger la famille à donner un de ses fils soit la plus répandue depuis l'avancée des talibans dans la vallée de Swat qui date de 2007. Un article mis en ligne le 2 juillet 2009 sur le site du Washington Post104(*) nous apprend qu'un des leaders des talibans pakistanais, Baittulah Mahsud, a acheté des enfants, parfois pas plus âgé que sept ans. Ces enfants sont destinés à être utilisés dans des attentats suicides au Pakistan ou en Afghanistan. Un officiel pakistanais révèle le prix d'un enfant: de 7000 à 14 000$, ce qui représente une somme énorme pour un pays dont le revenu moyen par an s'élève en 2009 à 2006$. Nous ne savons pas à qui les enfants sont achetés. Il peut s'agir soit de personnes seules, soit de réseaux criminels impliqués dans le trafic d'êtres humains.

    Les talibans pakistanais ont donc trois moyens de recrutement à leur disposition : l'enlèvement, l'achat d'enfants à des personnes ou des réseaux tierces et le volontariat ;

    Dans les articles cités ci-dessus, il apparaît que les recrues sont souvent très jeunes, soit moins de 15 ans. Nous avons également trouvé des sources qui affirment que certains de ces futurs « kamikazes » n'ont que six ans. En 2007, l'ISAF International Security Assistance Force) a révélé que des soldats américains avaient désamorcé des explosifs sur un enfant de six ans envoyé pour attaquer les forces afghanes dans l'est du pays: "They placed explosives on a six-year-old boy and told him to walk up to the Afghan police or army and push the button," said Captain Michael Cormier, the company commander who intercepted the child, in a statement. "Fortunately, the boy did not understand and asked patrolling officers why he had this vest on."105(*)

    Il est également à noter que nous n'avons trouvé mention d'aucune jeune fille, ni majeure, ni mineure. Il y a tout à croire, que les personnes de sexe féminin ne sont pas impliquées dans les attentats suicides et qu'elles en sont écartées par le groupe lui-même.

    En vue du contexte particulier du Pakistan, une question que l'on n'a pas eu à se poser précédemment est à soulever: quelle est la nationalité et/ou le pays d'origine des enfants?

    En effet, les zones où sont entrainées les recrues, essentiellement le nord et le sud Waziristan, constituent le réservoir logistique des talibans qui combattent en Afghanistan. Aussi, si une partie des enfants formés dans ces camps exécuteront leur attentat sur le sol pakistanais, une autre partie semble être envoyée en Afghanistan. A moins que les enfants kamikazes d'Afghanistan aient été directement recrutés sur place. De plus, la frontière est poreuse et de nombreux talibans afghans sont présents dans la zone comme nous l'avons vu plus haut dans l'étude. Nous savons déjà que les personnes recrutées pour devenir suicide bombers sont, à 90% des pachtouns, qu'ils soient enfants ou adultes. Cependant, cet élément ne nous permet pas de répondre à la question puisque les pachtouns sont présents des deux côtés de la frontière. Les articles mentionnés dans cette partie faisaient état d'enfants recrutés, de manière volontaire ou par enlèvement, dans le Waziristan. Encore une fois, en vue de la présence de nombreux afghans dans cette région, nous ne pouvons pas savoir si ces enfants sont d'origines afghanes ou pakistanaises. L'étude menée par l'UNAMA en 2008 nous apprend que des familles afghanes envoient leurs enfants masculins dans les madrassas de la région du Waziristan. L'enquête qu'ils ont mené a permis de révéler que certains d'entre eux, dans une proportion non précisée, étaient enrôlés pour devenir martyr par le biais d'un attentat suicide.106(*) Une question à laquelle nous ne pouvons pas répondre se pose ; les enfants afghans entrainés au Pakistan commettent-ils leur attentat sur le sol pakistanais ou sur le sol afghan ? Cette question est essentielle en vue de la légifération du phénomène. Généralement, les parents de ces enfants n'apprennent la mort de leur fils que lorsque les talibans viennent leur verser le « martyrdom payment », élément sur lequel nous reviendrons dans la deuxième partie. Ce qui contredit donc les dires d'Hamid Karzaï qui affirme que l'intégralité des « kamikazes » ne sont pas des afghans mais bien des pakistanais ou des personnes venant d'autres pays.

    1.3.1.4. Analyse comparative

    Tableau des types de recrutement

    Ce tableau vise à mettre en avant des tendances dans chacun des cas étudiés. Nous avons relevé trois types de recrutement qui sont le volontariat, l'enlèvement et le don obligatoire. Les parties colorées du tableau mettent en évidence les techniques employées par pays.

     

    Volontariat

    Enlèvement

    Don obligatoire

    Achat

    Sri Lanka

     
     
     
     

    Palestine

     
     
     
     

    Pak/Afgh

     
     
     
     

    Nous pouvons remarquer que le LTTE, tout comme les talibans, a recours à trois types de méthodes de recrutements différents, alors que nous n'en enregistrons qu'un seul pour la Palestine. Cela veut-il dire que le phénomène est plus généralisé dans les cas du Sri Lanka et du Pakistan ? En ce qui concerne le Sri Lanka, cette hypothèse pourrait être possible en vue du nombre d'attentats suicides qu'ils ont mené depuis 1987. Une autre hypothèse pourrait également être avancée : la population palestinienne serait peut-être plus enclin et volontaire pour effectuer des attentats suicides que les tamouls et même les pakistanais. Si une société est relativement favorable aux attentats suicides, n'est-il pas naturel que les membres qui l'a composent s'engagent volontairement dans cette voie ? Cette hypothèse pourra être éprouvée dans la seconde partie de l'étude qui se penchera, entre autres, sur les raisons qui poussent les enfants à s'engager.

    La méthode de l'enlèvement ne pose pas de problème de compréhension particulier. Cependant, celle du volontariat soulève la question des motivations des enfants. Cette questions sera, on l'espère, éludée dans la deuxième partie.

    Tableau des grands types (profil) de tendance de recrutement

     

    Filles

    Garçons

    - De 15ans

    De 15 à 18 ans

    Sri Lanka

     
     

    ?

    ?

    Palestine

     
     
     
     

    Pakistan

     
     
     
     

    Tout comme pour les méthodes de recrutement, les profils varient d'un cas à l'autre. Malgré le manque de sources, nous avons pu relever quelques grandes tendances dans chacun des cas.

    En ce qui concerne le sexe des enfants, il semblerait que le LTTE utilise beaucoup de jeunes filles dans les attentats suicides, tandis que ce fait est marginal, mais en nette progression, en Palestine et semble être inexistant au Pakistan. Ces trois sociétés sont patriarcales, et comme dans la société palestinienne et pakistanaise, qui sont toutes des sociétés dites traditionnelles, la position de la femme est secondaire. La question qui se pose est : qu'est ce qui rend possible l'utilisation des femmes par ce groupe et que l'on ne retrouve ni dans la société pakistanaise ni palestinienne (dans le cas de la société palestinienne, il s'agit de modérer ce propos car il existe un nombre d'exemples croissant de femmes kamikazes en Palestine). Dans son étude, E. Pavey106(*) tente d'apporter une explication qui est partagée par d'autres analystes. Cette hypothèse repose sur la volonté des femmes tamoules d'acquérir une certaine indépendance et la capacité de choisir. Le LTTE a su instrumentaliser cette situation pour élargir sa base de recrutement. Il existe probablement d'autres facteurs qui poussent les femmes à s'impliquer de manière aussi définitive dans le conflit, notamment les nombreuses violences dont elles sont victimes. Cependant, je pense que l'on peut trouver un élément de réponse dans la nature même des différentes idéologies mises en place. Dans le cas des talibans, leur idéologie repose sur une interprétation très rigoriste de l'Islam qui sépare nettement les fonctions de l'homme et de la femme. C'est probablement une des raisons de l'absence de filles dans les attentats suicides au Pakistan et en Afghanistan, et à leur proportion minoritaire en Palestine. Cette question pourra également être en partie élucidée par l'étude des vulnérabilités propres aux enfants dans chaque pays. Nous tenterons de voir la position des jeunes filles dans chacun des pays et ainsi nous pourrons peut-être apporter quelques éléments de compréhension pour expliquer cette différence.

    En ce qui concerne l'âge des recrues, là non plus le résultat n'est pas homogène. Alors que les groupes palestiniens, et essentiellement le Hamas, utilisent des enfants dont l'âge se situe entre 15 et 18 ans, la moyenne semble plus jeune au Pakistan et en Afghanistan où nous avons pu relever plusieurs cas d'enfants de six ans. Pour le cas du Sri Lanka, les données sont bien trop approximatives pour en dégager une tendance claire. Les raisons de ces différences dans l'âge des recrues sont peut être à chercher dans le mode de recrutement en lui-même. Nous avons pu constater dans le cas de la Palestine, que les enfants sont volontaires et se présentent eux-mêmes aux groupes. Pour faire cette démarche, l'enfant doit avoir un certain âge, car cela nécessite une certaine prise de conscience politique et une volonté d'engagement dans ce sens. Tandis qu'au Pakistan et en Afghanistan il semble qu'un nombre important d'entre eux ait été enlevé ou acheté par les talibans.

    Le cas du Pakistan diffère sur un autre point par rapport aux deux autres cas : le phénomène n'est pas national mais transnational puisque le même groupe utilise des enfants afghans et d'autres pakistanais. Il est aussi à noter que contrairement aux terroristes adultes, les enfants sont recrutés non loin de leurs cibles. Le phénomène peut être transnational, comme c'est le cas pour l'Afghanistan et le Pakistan mais reste frontalier.

    1.3.2. L'entrainement et l'attentat suicide

    Contrairement aux méthodes de recrutement, l'entrainement, bien qu'il diffère d'un groupe à l'autre, est assez constant dans sa pratique au sein d'un même groupe. C'est pourquoi nous avons choisi d'étudier ce point par zone géographique

    1.3.2.1. Le Sri Lanka

    Les recrues sont entrainées dans des camps de tailles assez importantes (plus de dix enfants) qui sont généralement installés dans les écoles. L'entrainement dure en moyenne six mois, voir plus.107(*) Les adultes et les enfants peuvent se retrouver dans un même camp mais ils sont séparés et ne sont pas formés ensemble.

    La formation des futurs martyrs comporte à la fois une dimension psychique et physique.

    Au cours de la formation, les recrues sont soumises à un exercice de capture dont le but est de leur montrer ce que cela ferait s'ils étaient capturés ou blessés.108(*) Ainsi, les cadres du LTTE tentent de limiter le risque de démobilisation avant l'attentat. Bien que les exercices physiques semblent ardus, il apparait que ceux dispensés aux recrues destinées à devenir combattants sont plus difficiles. Ils sont effectivement envoyés quatre mois dans la jungle afin d'être soumis à un entrainement physique intense.

    La formation, contrairement à celle destinée aux futurs enfants soldats, comporte également un volet plus « intellectuel » par le biais de la lecture de poèmes qui sacralisent la mort du combattant. Dans chaque camp d'entrainement, il y a des murs, ou des parcelles de murs sur lesquels sont affichées des photos encadrées et décorées de guirlandes des anciennes recrues ayant effectués leur mission. Ces photos sont exposées à titre de modèle à suivre et contribuent à l'endoctrinement de l'enfant

    Durant l'heure qui précède l'attentat, la jeune recrue, tout comme les suicides bombers adultes, ont le loisir de prendre leur dernier diner avec le chef suprême des Tigres Tamouls.

    1.3.2.2. La Palestine

    En ce qui concerne la Palestine, les informations dont nous disposons concernent plus particulièrement le Hamas.

    L'enfant, une fois recruté, va subir une préparation mentale plus ou moins longue. Cette préparation se déroule en petites cellules composées de deux ou trois suicides bomber. Le fonctionnement en cellule est typique de l'organisation du Hamas.109(*) Cependant, dans le cas de la formation des recrues en vue de l'accomplissement d'un attentat suicide, ce cloisonnement répond à deux objectifs. Le premier est de rendre la tâche plus difficile pour les forces de sécurité car la taille réduite de ces cellules les rend difficilement identifiables. Le deuxième objectif est d'augmenter l'intimité et ainsi de renforcer la prise des leaders sur les recrues.110(*) Le Hamas donne des noms, souvent tirés du Qu'ran, aux cellules dans le but de renforcer la motivation des adolescents.

    La formation dispensée dans ces cellules est avant tout centrée sur l'étude des textes tirés du Qu'ran qui renforcent la notion de sacrifice. Ces textes doivent être mémorisés et visualisés. L'autre partie du travail consiste en la reconstitution d'évènements historiques victorieux.

    Tout ceci permet de mettre l'accent sur l'utilité de l'acte et de l'ancrer dans l'histoire de la communauté pour laquelle on se sacrifie.

    Le moment entre le recrutement et l'attentat suicide peut être plus court. Reprenons l'exemple d'Hussein Aldo susmentionné. Dans son interview, il fait référence à une série de questions qui lui aurait été posée dans le but de savoir s'il était apte à mener un attentat suicide.

    La dernière heure avant l'exécution de l'attentat suicide est consacrée, en partie, à la prière. Et également à la réalisation de testaments vidéo et audio. La réalisation de ces supports répond à deux logiques. La première est à visée propagandiste. En effet, ils pourront l'exploiter par le biais des médias afin d'ancrer un peu plus le culte du martyre au sein de la société (point sur lequel nous reviendrons dans la deuxième partie) et également de les montrer aux recrues lors de leur formation en guise d'exempla. Le deuxième objectif est de limiter les risques de démobilisation du candidat avant le passage à l'acte.

    1.3.2.3. Le Pakistan et l'Afghanistan

    Au Pakistan, il existe des camps où sont entrainés les enfants qui vont commettre un attentat suicide. Cependant, tous les enfants en ayant commis ne sont pas passés par là. C'est le cas d'un enfant de six ans issu d'un milieu pauvre dans la province de Ghazni, dans l'est de l'Afghanistan, dont les talibans lui auraient demandé de porter une veste d'explosifs et de la faire exploser près des forces de sécurité afghane. Afin de convaincre l'enfant, les membres du groupe terroriste lui auraient affirmé, selon les propos de l'enfant, que des fleurs jailliraient au moment où il appuierait sur le détonateur.111(*) Le jeune garçon n'était donc pas conscient de ce qu'il s'apprêtait à faire. Dans ce cas de figure, il n'a pas suivi d'entrainement avant le passage à l'acte. Nous avons pu trouver quelques autres cas similaires à celui-ci, cependant, les sources n'étant pas assez fiables, nous avons préféré ne pas les introduire dans cette étude. Il s'agissait également de jeunes garçons âgés de moins de dix ans et toujours en Afghanistan.

    Dans d'autre cas, l'enfant subit un entrainement avant d'effectuer sa mission. Il est alors conscient de sa future action. Nous avons pu récolter un certain nombre d'informations concernant l'entrainement de ces futurs martyrs que nous allons pouvoir relater ici.

    A l'arrivée au camp, les instructeurs, après leur avoir fait exécuter quelques tests, les séparent en trois catégories distinctes. Les plus intelligents deviendront informateurs, tandis que les plus forts physiquement deviendront combattants. Les futurs candidats au suicide sont ceux qui sont les plus manipulables. Les enfants faisant partie de cette catégorie vont être séparés des autres. Ils ont une place spéciale de part leur capacité à infliger des dommages importants à l'ennemi.

    Les camps d'entrainements se trouvent généralement dans des écoles abandonnées ou bien des maisons prêtées par des sympathisants. Les zones dans lesquelles sont situés ces camps sont des endroits où le gouvernement n'a plus beaucoup ou plus du tout de contrôle. Ce qui permet au groupe de réduire les mesures de sécurité. On retrouve des adultes et des enfants à l'intérieur d'un même camp, l'âge des futurs kamikazes variant de 7 à 40 ans. Cependant ils sont séparés et suivent deux formations distinctes.112(*) Il y a un camp pour les juniors, allant de 7 à 15 ans et un autre pour les séniors à partir de 16 ans. On notera ici que l'âge de la majorité n'est pas défini de la même manière que dans le droit international. Dans un même camp, tous ne sont pas destinés à accomplir une mission suicide. La moyenne de personnes qui suivent la formation est de 30-35, cependant ce chiffre peut varier d'un cas à l'autre.

    Pour ce qui est de la formation à proprement dit, nous avons à notre disposition plusieurs sources qui nous permettent de comprendre son déroulement. La formation comporte à la fois un volet théorique et un volet pratique.

    En ce qui concerne, le côté pratique de l'entrainement, une vidéo subtilisée au groupe al-Qaeda en 2007 par les forces armées pakistanaises montre des jeunes garçons, tous mineurs recevant une formation sur la fabrication des bombes et la manière de mener une attaque explosive.113(*)

    La formation théorique comporte de la lecture. On tente d'inculquer, par ce biais, la notion de revanche à l'encontre de ce que l'on fait subir aux musulmans. Un jeune homme, nommé Ishaq, âgé de 18 ans au moment de l'interview114(*), donne son témoignage après être passé dans un camp d'entrainement pour devenir suicide bombers. Ce camp était situé dans le sud du Waziristan. Il en est sorti par sa propre volonté. Dans son témoignage, Ishaq explique que les instructeurs attiraient particulièrement l'attention sur l'impuissance des musulmans dont les filles et les soeurs sont déshonorées par des non-musulmans en Irak et en Afghanistan. Le témoignage d'un autre adolescent qui passa également par un camp d'entrainement au Sud Waziristan pour commettre un attentat suicide puis qui se rétracta, met en avant l'accent mis par les hommes en charge de leur formation sur les femmes musulmanes qui se trouvent dans « les prisons des infidèles », selon leurs propres termes.

    La licité religieuse de l'attentat suicide contre des non musulmans est systématiquement mise en avant, ainsi que contre leurs alliés non musulmans.

    Afin de rendre convaincante l'existence du paradis après la mort en martyre, les formateurs racontent que les recrues qui sont passées à l'acte leur apparaissent en rêve pour leur dire qu'ils étaient désormais au paradis. Le contenu du discours sur le paradis est, comme dans le cas de la Palestine, basé sur une interprétation du Qu'ran assez répandue, et pas propre à l'exégèse salafiste, qui consiste à dire que l'enfant, ou l'adulte, entrera au paradis dès la détonation et y sera reçu par soixante douze vierges. Là aussi, soixante dix proches du martyr se verront accueillis auprès de lui et du Prophète après leur mort.

    Comme dans le cas de la Palestine, les recrues visionnent les vidéos de préparation de leurs prédécesseurs. Les formateurs prennent soin de ne pas montrer les images de l'instant d'après l'attentat afin que la vision du carnage ne démoralise pas ces enfants.

    Avant l'attaque, les enfants récitent des versets du Qu'ran afin de se motiver. Dans la zone Afghanistan-Pakistan, les enfants sont drogués avant de passer à l'action, afin de leur faire perdre le contact avec la réalité.115(*)

    1.3.2.4. Analyse comparative

    Nous retrouvons une caractéristique commune à tous ces groupes qui est la préparation psychologique de l'enfant avant l'attentat. Il faut tout de même émettre une nuance significative. Les talibans ont bien mis au point des camps d'entrainement pour former les recrues, mais dans quelques cas, il semble qu'aucune formation n'ait été dispensée à l'enfant avant que celui-ci opère sa mission. Ces enfants sont très jeunes et seraient trompés par les talibans. Pour les autres, qui sont conscients de leur geste, il s'agit d'éviter qu'ils ne se rétractent à la dernière minute. La crainte que l'enfant se rétracte est omniprésente dans chaque cas. Et cet élément n'est pas seulement lié à l'âge des recrues puisque nous savons que les groupes palestiniens et les talibans (peut être aussi le LTTE) procèdent de la même manière pour les adultes. Cependant, nous pouvons remarquer que les groupes palestiniens ne dispensent pas de formation physique particulière.

    Nous remarquons également que tous les groupes utilisant des enfants dans les attentats suicides ont mis en place un entrainement type que nous avons pu retracer dans ses grandes lignes. Nous pouvons donc en déduire que ce phénomène fait l'objet d'une organisation spécifique et pensée par les leaders, ce qui lui ôte de facto son caractère marginal. Le Pakistan et le Sri Lanka particulièrement, par le biais de ses camps d'entrainement, a mis en place de véritables « usines » à fabriquer des kamikazes juvéniles.

    L'entrainement des enfants est systématiquement séparé de celui des adultes. Les groupes reconnaissent, par ce biais, une spécificité propre à l'enfant qui les rend pleinement coupables des violations des droits de l'enfant.

    En ce qui concerne le contenu de la formation, tous les formateurs ont recourt à l'exemple des ainés qui permet de les ancrer dans une lignée de héros et qui peut conduire à normaliser leur action. La notion de sacrifice est mise en avant par le biais des poèmes dans le cas du LTTE et du Qu'ran pour les autres cas.

    Le point de divergence principale se situe dans le contenu même des différentes formations. Au Pakistan et en Palestine, l'accent est mis sur la vie après la mort. Chaque martyr va rejoindre le Paradis. Dans cette logique, les instants qui précèdent l'attentat sont consacrés à la prière. Tandis qu'au Sri Lanka, cette dimension est absente et les recrues, avant d'effectuer leur action, reçoivent « l'honneur » de partager leur dernier repas avec le leader du LTTE. Le plaisir n'est donc pas dans l'espoir d'une vie au Paradis après la mort, mais il est terrestre.

    Conclusion

    D'un côté, nous avons une guerre civile à caractère ethno-nationaliste au Sri Lanka. D'un autre, nous avons une guérilla dont l'objectif est l'élimination complète d'Israël et la mise en place d'un Etat Islamique de Palestine. Et enfin, il y a une guerre civile en Afghanistan contre un gouvernement soutenu par une coalition internationale perçue comme une force d'occupation par les talibans. Ces conflits ont une caractéristique commune : ils opposent des acteurs gouvernementaux à des acteurs non-gouvernementaux considérés par de nombreux pays occidentaux comme terroristes. Il s'agit de guerres asymétriques conduites par des organisations relativement bien structurées et soutenues par des financements extérieurs non négligeables. Leurs revendications sont avant tout politiques et territoriales. Les idéologies qu'ils soutiennent, leurs revendications, le contrôle sur des parties du territoire leur assurent un soutien, variable selon les cas, de la population. Il faut nuancer ce propos dans le cas du LTTE qui a vu sa popularité auprès de la population décliner dans les années 2000. Le LTTE se distingue aussi par les opérations d'envergure menées contre les forces indiennes et sri lankaise et qui s'inscrivent dans la lignée des guerres conventionnelles, qu'ils alternent avec des actions de guérillas.

    Chacun de ces groupes, dans le cadre des guérillas menées contre les forces armées adverses se servent de l'attentat suicide comme moyen d'action violent. Dans le cas du LTTE, et dans une moindre mesure des talibans, cette tactique s'inscrit dans une stratégie globale dont le but est d'atteindre les objectifs fixés. En Palestine, l'attentat suicide est avant tout un acte visant à se venger de exactions commises par l'Etat hébreux, notamment les attaques ciblées et les frappes aériennes. L'idée de vengeance au nom des musulmans est un élément que l'on retrouve également au Pakistan et en Afghanistan mais dans une mesure bien moindre. Nous pouvons donc affirmer que les attentats suicides revêtent un caractère « émotionnel », tandis qu'au Sri Lanka, en Afghanistan et au Pakistan, il s'agit avant tout d'actes s'inscrivant dans une stratégie militaire globale.

    Tous utilisent ou ont utilisé des enfants dans les attentats suicides. Nous avons relevé un élément notable quant à la période du conflit durant laquelle les enfants sont utilisés. Rappelons qu'au Sri Lanka, il semblerait que le recours aux enfants soit continu, ce qui n'est pas le cas dans les autres conflits où leur utilisation corrobore avec une intensification des combats. L'utilisation des enfants au Sri Lanka ferait donc partie intégrante de la stratégie globale du LTTE tandis que dans les autres cas, les enfants pourraient constituer une réserve permettant l'augmentation croissante de ces actions. Cependant, malgré la baisse de l'intensité du conflit en Palestine ces dernières années, il ne semble pas que l'utilisation des enfants dans les attentats suicides ait décliné.

    En ce qui concerne le recrutement, les différents groupes étudiés ont des méthodes très différentes. Les jeunes palestiniens, semblent-ils, vont spontanément se présenter aux groupes armées dans le but qui leur soit confié une mission suicide. Dans les autres cas, la méthode coercitive semble être une composante importante de leur méthodologie de recrutement. Par contre, nous avons observé de grandes similitudes dans les entrainements suivis par les recrues avant le passage à l'action.

    Pourquoi?

    Après avoir décrit ce phénomène, nous allons tenter de le comprendre, et ce à trois niveaux: tactiques, sociétales et au niveau des enfants eux-mêmes. Nous allons, dans un premier temps, chercher les éléments qui poussent les groupes à utiliser les enfants pour commettre des attentats suicides. Puis, dans un deuxième temps, nous allons voir les éléments sociétaux qui rendent ce phénomène possible. Et enfin, dans un troisième temps, nous tenterons de comprendre les motivations qui poussent, dans le cas des engagements volontaires, ces enfants et adolescents dans cette voie. Ainsi, nous pourrons comparer les résultats entre les différents cas.

    1.1.

    1.1. Les raisons tactiques

    Cette partie sera consacrée aux motivations des groupes à se tourner vers des mineurs pour l'accomplissement de l'acte terroriste le plus définitif qui soit puisqu'il conduit inexorablement à la mort de son auteur. Nous pouvons bien sûr mettre en avant la malléabilité inhérente à l'enfant, son faible coût d'entretien lors de la préparation, etc. Cependant, nous laisserons ces considérations de côté pour nous atteler aux motivations tactiques.

    Nous avons vu dans l'introduction que R. Pape estime que les adolescents âgés de 15 à 18 ans représentent environ 20% des kamikazes. Il révèle également que ce phénomène touche des enfants de moins de 15 ans mais de manière bien plus marginale.116(*) Il avance également une explication à l'utilisation des mineurs et particulièrement ceux de moins de 15 ans dans ce type d'action: "les groupes terroristes expérimentent constamment de nouvelles tactiques destinées à déjouer les mesures de sécurité"117(*) et d'ajouter: "Le recrutement des femmes, qui représentent, elles aussi, le cinquième environ des auteurs d'attentats suicides, et d'adolescents suit la stratégie fondamentale qui est d'éviter de se faire rapidement repérer par les forces de l'ordre"118(*) . Singer, quant à lui, estime que les enfants représentent pour les groupes terroristes des recrues simples et peu onéreuses et offrent de nouvelles options pour combattre l'ennemi119(*), ce dernier point se recoupant avec l'hypothèse de R. Pape.

    Nous allons nous pencher plus précisément sur chacun des groupes afin de valider ou d'invalider cette hypothèse et comprendre s'il existe d'autres motivations.

    1.1.1. Un souci de discrétion ?

    Une des hypothèses avancées est que ces groupes utiliseraient des enfants dans les attentats suicides dans le but de tromper les forces de sécurité de l'ennemi.

    Le Lieutenant Colonel Lillian A. James O'Neil, des forces armées américaines (United States Air Force), a pu constater que l'utilisation des mineurs dans les attentats suicides a connu une forte augmentation en Palestine (les chiffres exacts ne sont pas précisés) depuis 2004. Il met ces éléments en parallèle avec l'augmentation des échecs des tentatives d'attentats menées par des adultes palestiniens et contrecarrées par les forces armées israéliennes. Au début des années 2000, les checkpoints ont été resserrés et renforcés, ce qui a limité la marche de manoeuvre des groupes terroristes palestiniens contre Israël.120(*) Des jeunes garçons et des jeunes filles auraient donc été utilisés afin d'échapper aux contrôles effectués par les forces israéliennes. Cette hypothèse se voit confirmée par le profil de recrues privilégiées par le Hamas. Comme nous l'avons vu dans la première partie, ce groupe terroriste a tendance à recruter des jeunes garçons ayant un physique pouvant les faire passer pour juif.121(*) Ce type de profil permet au futur martyr de ne pas éveiller les soupçons auprès des forces armées israéliennes. Le LTTE suit également cette logique en recrutant apparemment beaucoup de petites filles. Celles-ci seraient moins en proie à subir le contrôle des forces du gouvernement. Le recrutement d'enfant serait donc un moyen efficace pour tromper les contrôles de sécurité et ainsi pouvoir atteindre au plus près les cibles. Ce point soulève une question qui est celle de l'efficacité de cette tactique dans la durée. En effet, face à cette nouvelle menace, on peut supposer que les forces de sécurité adverses vont mettre en place des mesures visant à contrer ce phénomène et les enfants deviendront la cible de contrôles systématiques au même titre que les hommes adultes.

    1.1.2. Le choix des cibles

    Nous allons essayer d'éclaircir les raisons tactiques de l'utilisation des enfants dans les attentats suicides par le biais du lieu et de la cible contre laquelle ils sont perpétrés. Par ce biais, nous allons tenter de savoir si les enfants ne seraient pas utilisés pour des missions particulières dans le but d'exploiter au maximum des avantages spécifiques liés à leur âge.

    Dans un premier temps, nous allons essayer de dégager des grandes tendances par pays étudiés. Et, dans un deuxième temps, nous allons tenter une analyse de ses résultats.

    1.1.2.1. Le cas de la Palestine, du Pakistan et de l'Afghanistan

    Dans cette partie, le Sri Lanka ne sera pas abordé en raison du manque d'informations à son sujet.

    Afin de faciliter la lecture de ce sujet, nous avons élaboré deux tableaux, un pour la Palestine et un pour le Pakistan, avec les informations dont nous disposons.

    Légende

    Age : Cette colonne désigne l'âge de l'enfant au moment de l'attentat.

    Date : Celle-ci désigne la date où a été commis l'attentat ou la tentative d'attentat

    Lieu d'origine : Il s'agit de la ville ou de la région dont l'enfant est originaire.

    Lieu de l'attentat : Cette colonne correspond à la ville ou à la région où a eu lieu l'attentat ou la tentative d'attentat suicide. Dans cette colonne, le signe v. signifie vers et indique la proximité avec une ville.

    Cible : La colonne cible désigne la nature de la cible visée. La lettre C signifie que l'attentat a été commis ou devait être commis à un checkpoint.

    Succès : Elle se réfère à la réussite ou à l'échec de l'attentat, mais dans chacun des cas, le mineur s'est rendu sur le lieu désigné avec l'équipement fourni pour mener à bien sa mission. La lettre 0 signifie que la mission assignée fut un succès, tandis que la lettre N renvoie à son échec.

    Moyen : La colonne moyen renvoie à la manière dont l'attentat a été ou devait être exécuté. La terminaison C. Explosifs signifie ceinture d'explosifs.

    Des points d'interrogations ont été placés aux endroits où nous n'avons pas l'information.

    Tableau concernant la Palestine

    Age

    Date

    Lieu d'origine

    Lieu attentat

    Cible

    Succès

    Moyen

    17

    29/03/02

    Nord Bethlehem

    Jérusalem

    ?

    O

    C. Explosifs

    16

    22/05/02

    Al Doh

    Rishon Le Zion

    Parc

    O

    ?

    17

    25/01/02

    ?

    Tel-Aviv

    ?

    O

    ?

    17

    05/06/02

    ?

    V.Meguiddo

     
     
     

    16

    03/03

    Nablus

    V.Qalqilya

    Tsahal

    O

    C.Explosifs

    17

    01/04

    ?

    ?

    ?

    O

    C.Explosifs

    12

    29/02/04

    Tubas

    Afula

    C.

    N

    ?

    13

    29/02/04

    Tubas

    Afula

    C.

    N

    ?

    15

    29/02/04

    Tubas

    Afula

    C.

    N

    ?

    12

    01/03/04

    ?

    ?

    ?

    N

    Bombe sur lui

    11

    16/03/04

    ?

    Hawara

    C

    N

    ?

    14-16

    24/03/04

    ?

    V. Nablus

    C

    N

    C. Explosifs

    15

    12/07/04

    ?

    ?

    ?

    N

    C. Explosifs

    17

    14/07/04

    Nablus

    Kfar Masha

    ?

    N

    ?

    15

    23/09/04

    Yamor

    Afula

    ?

    N

    C. Explosifs

    15

    28/10/04

    ?

    Nablus

    ?

    N

    ?

    16

    01/11/04

    ?

    Tel Aviv

    Marché

    O

    Explosifs sur lui

    15

    04/11/04

    ?

    Nablus

    ?

    N

    ?

    15-16

    03/02/05

    ?

    Huwara

    C

    N

    Pipe Bomb

    15

    12/04/05

    ?

    Huwara

    C

    N

    ?

    15

    27/04/05

    ?

    V. Jenin

    C

    N

    Explosifs sur lui

    15

    27/04/05

    ?

    V. Jenin

    C

    N

    Explosifs sur lui

    14-15

    22/05/05

    ?

    Huwara

    C

    N

    ?

    15

    25/05/05

    ?

    Huwara

    C

    N

    Pipe Bombs

    14

    11/10/05

    ?

    ?

    ?

    N

    ?

    15

    27/08/07

    ?

    Nord Gaza

    ?

    O

    ?

    Tableau concernant le Pakistan et l'Afghanistan

    Age

    Date

    Lieu d'origine

    Lieu attentat

    Cible

    Succès

    Moyen

    12

    06/2007

    ?

    Province Ghazni

    ISAf

    N

    C.Explosifs

    6

    06/2007

    ?

    Province Ghaznil

    Forces armées

    N

    C.Explosifs

    14

    07/2007

    Pakistan

    Province Khost

    Gouverneur

    N

    C.Explosifs

    13

    ?

    ?

    Shangla

    Militaire

    O

    Explosifs

    13

    ?

    ?

    Helman

    Militaire

    O

    Explosifs

    6

    ?

    ?

    Afghanistan

    C.

    N

    ?

    16

    ?

    Ghazni

    Ghazni

    ?

    N

    C. Explosifs

    15

    ?

    Gardez

    Gardez

    ?

    N

    Explosifs

    La liste ci-dessous reprend plus en détails les cas exposés dans le tableau du Pakistan :

    · Un enfant de six ans (exemple déjà cité plus haut) a commis un attentat suicide en Afghanistan. L'article concerné stipule que l'enfant visait les forces de la coalition en Afghanistan. Il fut arrêté à un checkpoint. Là encore, la cible visée était militaire.

    · Un enfant de treize ans susmentionné qui, selon l'article122(*), s'est fait exploser au passage d'un convoi militaire au marché bondé de Shangla près de Swat.

    · Le 8 juillet 2009, CNS News rapportait dans un article123(*) qu'au mois de décembre 2008, trois soldats de la British Royal Marines ont été tués lors d'un attentat dans la province d'Helman au Pakistan. La bombe se trouvait empaquetée dans une brouette poussée par un enfant de treize ans dans leur direction.

    · Un enfant de six ans du village de la province de Ghazni s'est approché des forces militaires afghanes une ceinture d'explosifs attachée sur son torse.

    · Un garçon de 16 ans a reçu l'ordre de porter une veste bourrée d'explosifs et de la faire exploser à Ghazni «The remote control battery was with me, but I could not do it and threw the battery away,» he recalled. «I realized that the target was not foreigners only but also Afghans ... If I didn't do it, they said I would go to hell

    · Un garçon afghan de 15 ans de la ville de Gardez a été arrêté après l'échec de l'explosion de sa bombe. «The mullah in Gardez told me I will occupy a place in Jannat [Paradise] if I kill a foreigner. I wanted a place in Jannat.»

    A la lecture de ces tableaux, nous remarquons que la grande majorité des attentats sont des échecs. Cependant, il ne faut pas en tirer de conclusions hâtives. Cet élément ne signifie pas que les enfants enregistrent un taux d'échec important dans ce type de mission. Il peut tout simplement s'agir du fait que les informations, quant à l'auteur de l'attentat, sont plus facilement accessibles lorsque celui-ci est encore en vie.

    En ce qui concerne le choix des cibles, nous constatons pour la Palestine, que sur les 26 cas exposés, 11 visaient des checkpoints, 2 des endroits publics destinés aux civils et 13 sont indéterminés. Les checkpoints représentent donc un peu plus de 42% de l'ensemble des cibles et 50% des cibles déterminées. Dans le cas des checkpoints, les personnes visées sont avant tout les militaires effectuant les contrôles. Aussi, la majorité des cibles visées sont militaires et plus précisément, dans le cas de la Palestine, les forces armées israéliennes.

    Pour ce qui est du Pakistan et de l'Afghanistan, sur les 8 cas exposés, 6 visaient des cibles militaires, soit 75% et 2 sont indéterminées. En ce qui concerne l'enfant de Garnez, il est précisé que le mollah dont il avait reçu l'ordre lui a demandé de viser un étranger. Nous pouvons émettre l'hypothèse qu'il s'agit d'un soldat des forces de la coalition, cependant cet élément n'est pas vérifiable. Pour le Pakistan et l'Afghanistan, les cibles privilégiées semblent aussi être militaire.

    Une nuance reste cependant à apporter. Dans le cas du Hamas, P.W. Singer affirme qu'il laisse le choix des cibles à l'enfant. Il semblerait qu'ils leur disent simplement d'aller là où il y a du monde et de se faire exploser. Les enfants se dirigeraient alors aux checkpoints car ces endroits leur sembleraient plus appropriés, ou bien par imitation.

    L'autre point remarquable est que l'ensemble des moyens déterminés utilisés pour commettre l'attentat sont des explosifs. Ils peuvent être portés en ceinture comme c'est majoritairement le cas en Palestine, ou dissimulés dans un objet porté par l'enfant comme un sac ou une brouette.

    Et enfin, nous pouvons remarquer pour le Pakistan et l'Afghanistan, que, dans les cas exposés, l'enfant ou l'adolescent commet sa mission dans la ville où il vit. Cependant, les cas ne sont pas assez nombreux pour en déterminer une tendance.

    1.1.2.2. Analyse comparative

    Efraim Benmelech et Claude Berrebi, dans leur étude Human Capital and the productivity of suicide Bombers, ont mis en avant le fait qu'il existe un lien entre le profil du « kamikaze » et la « productivité » de l'attentat. Avant le 11 septembre 2001, la majorité des analystes travaillant sur les attentats suicides s'accordaient pour dire que le profil type du « kamikaze » était un homme de moins de trente ans, issue d'un milieu pauvre et très peu éduqué.

    De nombreuses études tendent à montrer désormais que les profils des « kamikazes » sont variés. Selon E. Benmelech et C. Berrebi, les cibles les plus importantes seront confiées aux personnes les plus éduquées et feront plus de morts.124(*) Dans cette même étude, ils précisent que les cibles militaires dans les zones de conflits et les checkpoints ne sont pas des cibles importantes et difficiles. Les informations dont nous disposons corroborent avec cette affirmation. Nous pouvons donc en déduire que les enfants et adolescents sont utilisés pour des cibles considérées comme simples et à proximité de chez eux. En vue de ces informations, nous pouvons émettre l'hypothèse que ce phénomène restera cantonner à des conflits locaux et ne s'inscrira donc pas dans le mouvement du terrorisme international.

    En conclusion de cette partie, nous pouvons dire que les enfants sont utilisés pour des cibles essentiellement militaires et dans des attentats dits « simples ». L'avantage tactique de leur utilisation réside essentiellement dans la maximisation de la sécurité de la mission. En vue de leur jeune âge, il est donc peu probable de voir des enfants commettre des attentats transnationaux de type 11 septembre 2001 qui demandent une préparation particulière. Il y a tout à parier que ce phénomène restera cantonné aux zones de conflits concernées. Nous pouvons dire qu'il s'agit d'un phénomène de proximité bien que probablement transfrontalier dans le cas du Pakistan et de la Palestine.

    1.2. La place de l'enfant dans la société et le respect de ses droits

    L'utilisation des enfants dans les attentats suicides ne peut résulter de la seule volonté des groupes armés. Nous sommes partie de l'hypothèse que ce phénomène a nécessité un contexte sociétal particulier pour pouvoir se développer. Nous avons choisi de l'aborder ici sous deux angles : celui de la vulnérabilité des enfants et de la place de ceux-ci dans le conflit. Ce contexte joue à la fois sur la motivation de ces enfants à vouloir commettre un attentat suicide et sur l'acceptation de ce phénomène par la société. Nous partons ici de la présupposition que les attentats suicides commis par les enfants sont acceptés par la société. Ce sujet sera développé et argumenté plus loin dans l'étude.

    1.2.1. La vulnérabilité propre aux enfants dans chacune de ces sociétés

    Comme nous l'avons vu dans notre introduction, la communauté internationale a mis en place un dispositif législatif visant à protéger l'enfant afin qu'il puisse bénéficier d'un développement optimal. La Convention des Droits de l'enfant est d'ailleurs celle qui a été signée par le plus de pays dans le monde.125(*) Cependant, dans une période de conflit, la violation des droits de l'enfant est un phénomène assez classique puisque l'État se retrouve généralement dans l'incapacité de les promouvoir et dans certains cas, n'a pas la volonté de le faire.

    Nous allons nous pencher ici sur la vulnérabilité des enfants dans les zones de conflit étudiées. Nous sommes partie de l'hypothèse qu'une forte vulnérabilité de l'enfant pouvait être un facteur décisif dans la décision du groupe de choisir un enfant particulier dans le cas de l'action forcée et dans la décision de l'enfant quand celle-ci n'est pas prise sous la contrainte.

    Nous n'allons pas tenter d'évaluer le niveau de vulnérabilité de ces enfants mais plutôt voir dans quelle mesure cela pourra impacter sur la décision de l'enfant.

    ainsi de valider ou d'invalider l'hypothèse selon laquelle le facteur de vulnérabilité est décisif dans l'apparition de ce phénomène.

    Avant toute chose, il convient de définir ce qu'est la vulnérabilité au sens où nous l'employons. La vulnérabilité des enfants est un concept qui a été étudié par de nombreuses ONG et par l'UNICEF. Ayant beaucoup travaillé sur ce sujet dans le cadre de mon stage au Secours Islamique France, je me propose d'élaborer une définition à partir du travail que j'ai pu effectuer au cours de ces six mois. Le dictionnaire le Robert donne une base de réflexion en proposant cette définition : « Qui peut-être facilement atteint, se défend mal ». En partant de là, nous pouvons établir que la vulnérabilité d'un enfant est mesurée en fonction des risques auxquels il est exposé et les moyens dont il dispose pour y faire face. Il est communément admis que tous les enfants sont vulnérables, cependant, certains contextes les exposent plus particulièrement à divers risques. Lors de son intervention au cours du colloque Enfance et Sida tenu le 15 juin 2006, Sandrine Dekens a classifié les risques auxquels sont exposés les enfants en trois catégories126(*) :

    - Risques socioéconomiques : logique de survie, faim, déscolarisation, conflits armés, drogues, prostitution, délinquance, recrutement dans des bandes armées...

    - Risques sanitaires : VIH et autres IST, grossesses précoces et non désirées, maladies infectieuses, rougeole, carences alimentaires et vitaminiques...

    - Risques psychologiques : carences affectives, exposition aux deuils multiples, à la maladie du parent, absence d'adulte de référence, violences sexuelles, accusations de sorcellerie, discrimination et stigmatisation...

    La Banque Mondiale a également proposé une définition intéressante sur ce concept, Qui sont les enfants vulnérables ?127(*) : «  Un enfant est vulnérable s'il a une forte probabilité qui, comparé aux autres enfants dans le même pays ou région, un choc (par exemple famine) aura un effet négatif sur lui (par exemple malnutrition). Par rapport aux adultes, tous les enfants sont vulnérables de nature, mais certains sont plus vulnérables que d'autres : La vulnérabilité pour les enfants est un état relatif, pas absolu. La vulnérabilité des enfants peut-être vue comme une spirale descendante où un choc aboutit à un nouveau niveau de vulnérabilité, qui entraine une série de nouveaux risques. Il y a donc de multiples stages ou degrés de vulnérabilité. »

    Les facteurs de vulnérabilités :

    - Zone de conflit qui entraine de nombreuses privations surtout du côté des groupes armées non gouvernementaux, ainsi qu'un traumatisme psychologique dont l'importance est variable selon les enfants mais non négligeable dans tous les cas.

    - Désespoir du fait de la longévité des conflits concernés.

    - Faible taux de scolarisation déjà observable avant l'apparition du conflit.

    - Peu d'espoir en un avenir meilleur, notamment d'un point de vue matériel.

    1.2.1.1. Le Sri Lanka

    L'enfance au Sri Lanka est confrontée à de nombreuses problématiques.

    - Deux phénomènes que l'on retrouve dans d'autres pays d'Asie du Sud sont observés à Sri Lanka: la servitude pour dettes et le trafic à des fins sexuels.128(*)

    - Les exactions commises par l'ennemi, ou les forces gouvernementales

    Le droit des enfants est également bafoué par les forces de l'autorité gouvernementale. De nombreux enfants ont été tués ou mutilés dans les combats. Les forces de police et d'autres autorités gouvernementales ont arbitrairement arrêté, torturé et maltraité de nombreux enfants.129(*) Les enfants tamouls sont la cible des forces de sécurité en ce qui concerne les contrôles ou les opérations et sont détenus pour des interrogatoires où ils doivent souvent faire face à la torture et parfois même aux exécutions.130(*)

    Ces violations systématiques des droits de l'enfant créent un contexte dans lequel les enfants sont en position de forte vulnérabilité notamment vis-à-vis du recrutement forcé ou volontaire de part les forces non-gouvernemental tout autant que par les forces gouvernementales. L'Etat à la responsabilité de protéger les enfants dans le cadre des gardes à vue. Cependant, beaucoup de lois de renforcement empêchent cette protection. Pourtant, selon la législation sri lankaise, les mineurs engagés dans le conflit armé ne sont pas considérés comme des criminels mais comme des victimes.131(*)

    Vulnérabilité économique

    - Situation des enfants rendus orphelin par la guerre et le tsunami.

    - Situation des déplacés.

    Il semble que dans le nord et l'est du Sri Lanka, les enfants soient devenus une source de revenu importante pour les parents dans un contexte ou le conflit a apporté une pression financière supplémentaire.

    1.2.1.2. La Palestine

    - La génération de la l'Intifada, une génération particulièrement vulnérable

    La génération d'enfants ayant connu l'Intifada al-Aqsa est une génération qui n'a connu que la guerre. La mort est devenue omniprésente dans leur quotidien. Selon une étude de M.Eyad Sarraj132(*), un quart des enfants de Gaza aspirent à mourir en martyrs, et certains d'entre eux ne souhaitent plus aller à l'école par peur que dans ce laps de temps, leurs parents soient tués ou arrêtés et leur maison détruite. Il faut souligner à cet effet, les propos tenus par Sarraj : « Dans la première Intifada, le danger était limité aux endroits où s'affrontaient les soldats et les lanceurs de pierres. Aujourd'hui, la mort vient du ciel. N'importe qui peut-être touché n'importe quand. Cela crée un état de panique chronique. »133(*)

    - Nombreux enfants palestiniens vivent côte-à-côte avec des enfants israéliens, ce qui est le cas notamment en Israël ou à Jérusalem. Les enfants palestiniens subissent un traitement différent, notamment la non scolarisation, ce qui les renforce dans le sentiment d'injustice.

    1.2.1.3. Le Pakistan et l'Afghanistan

    Les enfants sont très vulnérables en Afghanistan. Ils ont joué très vite un rôle dans le conflit en servant de soutien de propagande. On montrait des images d'enfants mutilés ou morts pour attiser la pitié des occidentaux.

    - Problème de scolarisation

    La scolarisation est un problème important malgré de nets progrès enregistrés depuis la chute du régime taliban. Dans la vallée de Swat, au Pakistan, les enfants rencontrent les mêmes difficultés de scolarisation. Les écoles contrôlées par le gouvernement sont peu nombreuses et leur accès est payant. Aussi, de nombreux garçons sont envoyés dans des madrassas dont le contenu scolaire les pousse à la fanatisation.

    Les facteurs de vulnérabilité ne se réduisent pas à la scolarisation dans cette zone. L'accès à l'alimentation est difficile, les perspectives d'avenir quasiment inexistante. Et un retour à la paix presque inenvisageable.

    1.2.1.4. Analyse comparative

    La violation systématique des droits fondamentaux de l'enfant crée des situations dans lesquelles les enfants constituent un groupe vulnérable pour le recrutement forcé ou volontaire par des groupes armés non gouvernementaux.134(*)

    A la violation de leur droit, s'ajoute d'autres vulnérabilités dont les enfants ne peuvent faire face et qui peuvent les conduire à un sentiment de désespoir, surtout lorsque la situation politique ne semble pas pouvoir s'arranger.

    De nombreuses études concernant les enfants soldats tendent à mettre en avant que la vulnérabilité socio-économique des enfants dans les pays en conflits pousse ceux-ci à s'enrôler volontairement dans le but d'accéder aux besoins primaires dont la nourriture, l'hygiène, la santé et la sécurité. Cependant, l'enfant dans les attentats suicides n'est pas un enfant soldat comme les autres dans le sens où il ne survivra pas à sa mission. Dans ce contexte, le fait de rejoindre un groupe dans le but de survivre n'est pas cohérent. Dans le cas de la Palestine et de la zone Pakistan/Afghanistan, l'idée de vengeance apparait souvent comme motivation pour accomplir un attentat suicide.

    1.2.2. La participation des enfants dans le conflit

    Mis à part le cas du Sri Lanka, nous savons, à peu près, quand le phénomène des enfants dans les attentats suicides est apparu dans le conflit. Cependant, même si nous n'avons pas d'informations pour le Sri Lanka, nous sommes sûr que ce phénomène n'a pu voir le jour avant 1987 puisque cette date correspond à l'exécution du premier attentat suicide par le LTTE. Nous allons essayer de savoir si des enfants étaient déjà impliqués activement dans le conflit avant l'apparition du phénomène ou si ceux-ci en étaient totalement exclus auparavant ; et bien évidemment, sous quelle forme ils y participaient. Ainsi, nous verrons que chacun des pays étudiés connaissait le phénomène des enfants soldats avant de voir apparaitre celui des enfants dans les attentats suicides. Il faut noter que nous faisons la distinction entre ces deux catégories.

    1.2.2.1. Le Sri Lanka

    Là encore le manque d'informations concernant les enfants dans le conflit au Sri Lanka est notable. Aucune étude à part entière n'a été menée sur le sujet. C'est pourquoi, nous avons eu recours à des articles et des passages dans des études plus générales sur les enfants dans les conflits armés. Le problème des études générales sur ce sujet est qu'elles traitent essentiellement du phénomène dans les conflits africains.

    Nous savons cependant que les enfants sont très présents dans le conflit du côté du LTTE. Le Sri Lanka fait partie des treize pays utilisant massivement des enfants soldats 135(*) aux côtés de l'Afghanistan, du Burundi, de la République Centrafricaine, de la République Démocratique du Congo, de la Birmanie, du Népal, de la Somalie, du Soudan, du Tchad, de la Colombie, des Philippines et de l'Ouganda. Le recrutement des enfants pour devenir soldats au sein de la milice en est une caractéristique importante. L'UNICEF estime que dans certains endroits, près de 50% des enfants ont quitté l'école pour rejoindre les rangs des tigres.136(*) Le gouvernement sri lankais, quant à lui, estime que 60% des combattants ont moins de 18 ans. Le LTTE a commencé à recruter des enfants-soldats à partir de 1984.

    La moyenne d'âge au recrutement se situerait autour de 15 ans, mais certains n'auraient pas plus de 9 ans. Selon cette même source, ces enfants auraient été utilisés lors des assauts frontaux lors des grandes batailles les opposants aux forces du gouvernement et aux forces indiennes (IPKF).137(*) L'enrôlement des enfants dans le conflit n'est pas que le fait du LTTE. Les forces gouvernementales ont également eu recours à des enfants dans les rangs de leur armée. Mais, il est vrai, pas à la même échelle que les tigres tamouls. L'enrôlement d'enfants âgés de moins de 18 ans est un phénomène continu dans l'histoire du conflit opposant le LTTE aux forces gouvernementales sri lankaises. En 2003, les leaders du groupe séparatiste ont fait la promesse au représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour les enfants et les conflits armés ainsi qu'à l'UNICEF de ne plus utiliser d'enfants. Cependant, elle ne fut pas tenue138(*) et au milieu de l'année 2004, les enlèvements et les campagnes intensives de réenrôlement se sont multipliés.

    Nous avons abordé dans la première partie le mode de recrutement de ces enfants que nous supposons être le même pour les futurs auteurs d'attentats suicides. Nous ne reviendrons donc pas sur ce sujet.

    Avant l'apparition du phénomène qui nous intéresse, nous pouvons constater que les enfants participaient déjà activement au conflit en tant qu'enfants soldats. L'enfant participait donc déjà activement à ce conflit avant qu'il soit impliqué dans les missions suicides.

    1.2.2.2. La Palestine

    Le rôle des enfants palestiniens dans le conflit qui les oppose à Israël est multiforme.

    Comme nous l'avons exposé au cours de la première partie de cette étude, la présence israélienne est très forte dans les territoires palestiniens. Ces soldats constituent une réalité tangible pour les enfants arabes vivant sur ces territoires.

    Au cours de l'été 1988, des entretiens ont été menés par Sylvie Mansour139(*) sur un échantillonnage d'enfants de huit-douze ans en Cisjordanie140(*). Cette psychologue en tire cette conclusion: « Ce qui frappe d'emblée quand on discute avec ces enfants ..., c'est leur conscience politique et leur implication dans le soulèvement : ils ne sont pas encore adolescents, ni même préadolescents, et ils se situent déjà dans le conflit. Ils en comprennent les racines et la dynamique, ils s'y identifient. Même les questions les plus ouvertes les ramènent à la réalité politique : pour la plupart leurs trois voeux à la fée ne concernent ni des désirs personnels de possession de biens de consommation, ni des espoirs de changements dans leur vie relationnelle avec leurs pairs ou les membres de la famille (comme l'indiquent en général les enfants à qui j'avais l'habitude de poser cette question dans les services de pédopsychiatrie parisiens), mais concernent l'avenir de la Palestine et du peuple palestinien en général »141(*) On constate donc une politisation précoce des enfants palestiniens. Un autre exemple nous en est fourni dans cette même étude de Sylvie Mansour. Il s'agit d'une observation qu'elle a pu faire au cours de l'été 1988 dans un collège de la ville de Ramala.142(*) Cette scène s'est déroulée peu avant la fermeture de l'école, lors du passage des contrôles de fin d'année. Au cours de la récréation, une délégation d'élèves des classes les plus élevées est allée à l'encontre du directeur de l'établissement pour lui faire part de leur volonté d'organiser un sitting silencieux dans la cour de l'école en signe de protestation contre la fermeture des écoles. Ils ont également exprimé le désir de voir leurs professeurs se joindre à eux, ce que ces derniers ont refusé car ils étaient contre ce projet. Finalement, le sitting a bien eu lieu et en présence des adultes. A la fin de l'action, les enfants sont remontés dans les salles de classes en chantant à pleine voix des chants révolutionnaires. Cet épisode est marquant et montre les changements que la société subi. Le système pédagogique palestinien est fondé sur une obéissance aveugle aux professeurs, alors que dans ce cas, les enfants ont agi seuls et sans le consentement des adultes présents.

    Ce n'est donc pas avec un grand étonnement que nous constatons une participation active des enfants et des adolescents dans le conflit israélo-palestinien à partir de la première Intifada. En 1990, le professeur William W. O'Brien notait qu'une partie des troupes de l'Intifada était composée d'enfants dont certains avaient moins de 11 ans. Leurs actions consistaient essentiellement en des jets de pierres et de cocktails Molotov. Il est important de souligner que ces enfants n'agissaient pas de manière forcée mais leur engagement était « volontaire ».

    Nous avons pu observer le phénomène, avec les mêmes méthodes (jets de pierres et projection de cocktails Molotov), au cours de la seconde Intifada. Cependant, il faut souligner des différences notables dont le fait que la majorité des personnes impliquées dans ces actions étaient des adolescentes.143(*)

    Cependant, l'implication des enfants palestiniens dans le conflit n'est pas systématiquement volontaire. En effet, l'armée israélienne s'est servie d'enfants qui avaient été arrêtés pour jet de pierres ou participation à des manifestations dans ses propres forces. Après avoir été torturés et menacés, ces enfants détenus ont été contraints de devenir informateurs.144(*) Selon une étude de l'association de Défense des enfants international/Section Palestine145(*), menée en 2003 auprès d'anciens détenus palestiniens mineurs, environ 60% d'entre eux auraient subis des tortures ou autres formes de coercition dans le but de coopérer avec les services de renseignements israéliens appelés Shabak.

    En ce qui concerne les groupes armés palestiniens, tous ont proclamé publiquement être opposés à l'utilisation d'enfants dans les combats. Cependant, outre leur utilisation pour les attentats suicides, des enfants ont été impliqués dans les actions de ces mêmes groupes au cours de l'Intifada al-Aqsa. Selon les témoignages des enfants membres de groupes armés, ils se seraient engagés volontairement. Leur rôle serait allé de la participation aux combats à celui de messagers ou de coursiers.146(*)

    Nous pouvons constater qu'il existe en Palestine, au moins depuis le milieu des années 1980, une politisation des enfants. Cette politisation les a conduits à prendre volontairement part au conflit qui les oppose à l'Etat d'Israël. Nous constatons donc qu'il existait un terrain favorable au glissement de l'enfance palestinienne vers des actions violentes telles que des attentats suicides.

    1.2.2.3. Le Pakistan

    Nous avons vu dans la partie concernant le Sri Lanka que l'Afghanistan fait partie des treize pays utilisant massivement les enfants dans les conflits armés. Ceci s'explique par le fait que l'enrôlement d'enfants de moins de 18 ans dans les différentes factions armées est un phénomène traditionnel en Afghanistan.147(*) Ainsi, jusqu'à 2003, des enfants, parfois âgés de seulement 14 ans, ont été utilisés comme espions, messagers, porteurs, gardiens, cuisiniers et combattants.

    Cependant, en l'état actuel du conflit, l'utilisation d'enfants par l'armée régulière afghane semble être assez marginale. A la suite de l'adhésion du gouvernement afghan au Protocole facultatif, le 24 septembre 2003, concernant les enfants dans les conflits armés, l'âge minimum du recrutement dans l'armée nationale afghane (ANA) a été relevé par un décret publié en mai 2003 : « L'âge minimum du recrutement des citoyens afghans pour accomplir leur service militaire actif est limité entre 22 et 28 ans. »148(*) Il est intéressant de noter que dans certains de ces cas, l'enfant aurait lui-même falsifié ses papiers afin de pouvoir être engagé.

    Ce qui ne parait pas être le cas des talibans.149(*) Leurs discours, ainsi que leurs comportements sont très ambigus. En 2006, le Mollah Omar a signé un Code de conduite à destination des combattants talibans. Ce document, intitulé Layeha, comporte trente commandements. Le dix-neuvième concerne les enfants dans le conflit. Il stipule que « les moudjahiddin ne sont pas autorisés à prendre des garçons imberbes chez eux ou à les utiliser sur le champ de bataille »150(*) Bien que l'âge ne soit pas précisé, cette règle limite le recrutement aux personnes de sexe masculin considérées comme adulte selon la norme du pays. Cependant, il est certain que les talibans ont utilisé des enfants, selon leur propre définition et non celle de la Convention des droits de l'enfant, dans le conflit et ce avant et après 2007. Pour preuve, le président de la Commission des droits de l'homme du Pakistan a exprimé, en septembre 2001, son inquiétude face au risque d'une augmentation du recrutement par les talibans de jeunes garçons dans les madrassas du Pakistan. Le terme d'augmentation suppose que l'enrôlement de mineurs avait déjà court avant l'année 2001. Les dispositions prises par le gouvernement en 2003 n'a pas changé la position des talibans puisqu'en avril 2007, par exemple, le groupe a publié une vidéo sur laquelle on peut voir un enfant de 12 ans décapiter un pakistanais accusé d'espionnage. Face à cet élément, les autorités talibanes auraient répondues : « Nous voulons dire aux non musulmans que nos jeunes gens sont aussi des Moudjahidin et qu'ils lutteront avec nous contre vous...Ces jeunes gens seront les futurs commandants de notre guerre sainte et ils continueront le jihad pour obtenir la liberté. L'Islam permet aux garçons et aux femmes de mener le jihad contre des troupes occupantes non musulmanes, leurs espions et leurs marionnettes. »151(*)

    Là encore, l'utilisation d'enfants soldats dans les différents conflits ayant eu cours dans cette région a précédé l'utilisation des enfants dans les attentats suicides.

    1.2.2.4. Analyse comparative

    Le phénomène des enfants soldats touche de nombreux pays en guerre, que ce soit en Afrique, en Asie ou au Moyen-Orient. Dans les trois cas que nous venons de voir, ce phénomène est attesté. Chacun des gouvernements concernés le condamne. Cependant, ce phénomène est essentiellement le fait des factions non gouvernementales. Il faut tout de même noter que les factions en questions les condamnent également, sauf dans le cas du LTTE.

    Dans les trois cas étudiés, le phénomène des enfants soldats est apparu avant les premiers attentats suicides commis par des enfants. L'attentat suicide est un acte définitif qui conduit inexorablement à la mort de son auteur. En vue de cet élément, nous pouvons considérer que cette action est plus élevée dans la violence que le combat dans un conflit où l'on peut espérer rester en vie. Aussi, nous pouvons émettre l'hypothèse que l'atteinte grave aux droits de l'enfant par le biais de l'enrôlement de ceux-ci dans le conflit a pu faciliter leur emploi, par la suite, dans les missions suicides.

    Bien que ce phénomène soit présent dans chacun des conflits, le recrutement prend des formes différentes pour chacun d'entre eux. Dans le cas du Sri Lanka, il s'agit surtout d'enlèvements d'enfants ou d'enfants venant chercher une protection qu'ils n'ont plus dans la vie civile du fait de leur forte vulnérabilité. Dans le cas de la Palestine, nous avons pu remarquer que le volontariat prévaut et peut être expliqué par une politisation progressive des enfants face à une situation considérée comme particulièrement injuste. Tandis qu'au Pakistan et en Afghanistan, le recrutement des enfants dans les différentes factions armées découle plus d'un modèle traditionnel et d'une définition différente de l'enfance. Bien qu'aucun texte ne fasse référence à une pression extérieure, nous pouvons facilement supposer que l'adoption d'un décret relevant l'âge légal du recrutement des soldats fait suite à une demande de la communauté internationale. Il s'agit là bien évidemment d'une hypothèse forgée à partir de mes connaissances sur le conflit afghan depuis 2001.

    1.3. Les motivations des enfants

    Nous avons pu constater dans la première partie de cette étude que l'enfant peut être volontaire pour commettre ce type de mission et peut aller se proposer spontanément aux groupes armés. Dans le cas des enfants soldats, les volontaires sont généralement poussés par le besoin de protection d'un groupe face aux violences perpétrées par les différentes factions et/ou par les moyens de survie que celui-ci peut lui fournir dont la nourriture. Le cas des futurs auteurs d'attentats suicides est différent dans la mesure où la finalité de l'action exclue la nécessité de trouver des moyens de survie. Nous allons tenter d'expliquer l'origine de cette motivation. Nous avons choisi d'étudier particulièrement trois facteurs qui pourraient avoir une influence importante sur la prise de la décision des enfants dans la voie de l'attentat suicide . Il s'agit tout d'abord du culte du martyr. Puis nous allons nous pencher sur la possible propagande mise en place par ces différents groupes à destination des enfants. Et enfin, nous verrons si une quelconque rémunération entre en jeu, et de quelle manière celle-ci peut-elle pousser les enfants à vouloir devenir martyrs.

    Il existe, bien évidemment, d'autres facteurs motivants pour ces enfants mais le format de cette étude ne nous permet pas de tous les appréhender. De plus ces facteurs mériteraient d'être vus sous un angle psychologique, compétence dont je ne dispose pas. J'ai alors sélectionné ceux qui me paraissaient les plus importants et que j'étais en mesure de traiter.

    1.3.1. Le culte du martyr et la perception de ce phénomène par la société et les parents

    1.3.1.1. Le Sri Lanka

    Le suicide est omniprésent dans les rangs du LTTE. Chaque nouveau membre est initié au suicide lors de la cérémonie du recrutement. Il y reçoit une capsule contenant du cyanure qu'il portera constamment autour du cou et qu'il se devra d'ingérer s'ils sont capturés par l'ennemi. Cette cérémonie permet alors de mettre le sacrifice de soi au nom de la communauté au centre de la vie du membre.152(*) Il y a ainsi les attentats suicides dans lesquels les candidats savent qu'ils se dirigent vers une mort certaine, le suicide « offensif ». Il y a également le suicide « défensif » en cas de capture par l'ennemi.

    En ce qui concerne les attentats suicides à proprement dit, le LTTE a mis en place une idéologie héroïque et sacrificielle. L'acte en lui même est dépeint par le les cadres du LTTE comme étant courageux. Les attentats suicides sont des actes de sacrifices pour la famille et la communauté. Dans cette optique, ce ne sont pas des actes de violence mais un acte de libération pour ses compatriotes et leur liberté. 153(*) Le culte du martyr a été mis en place et ritualisé par le LTTE en puisant dans les traditions et les mythes tamouls. Il faut noter que les rites sont les mêmes que le martyr soit mort par absorption de cyanure ou dans un attentat suicide. Le corps est récupéré par le LTTE, puis exposé le temps que les leaders du groupe fassent des discours en son nom et qu'il soit salué par des membres de la communauté.154(*) Depuis août 1991, date correspondant à la bataille de Anaiyi-ravu, les héros du LTTE sont enterrés au tuyilium illam, un cimetière qui leur est réservé. En addition de leur tombe, une pierre est plantée à la périphérie d'un village. Cette pierre, appelée natukal, permet à la communauté de commémorer les héros. Sur la pierre, un texte est inscrit et parfois, on peut y trouver accrochée une photo. Elle peut être un objet de culte en y mettant des guirlandes et des plumes de paon. Ce rituel alimente le culte du héros dont la pierre peut devenir une sorte de petit temple. L'utilisation du natukal est une manière pour le LTTE de faire revivre le culte du héros tamoul archaïque. Ce qui leur permet ainsi d'inscrire ce combat dans l'histoire de la communauté.

    Le LTTE veut mettre en avant la solidarité telle qu'il l'affiche et l'exprime dans le culte public de l'État des héros. Le culte du héros est un symbole, une expression matérielle des aspirations culturelles et politiques du LTTE.

    Le culte de la commémoration des martyrs est officiellement défini par la direction du LTTE comme étant un culte « laïque ». Ce n'est pas de la superstition. Séculier signifie aussi non ingérence dans la vie religieuse traditionnelle. Parmi les martyrs du LTTE, on trouve des catholiques, des musulmans, des hindous ou encore des protestants. Le culte du martyr pour le LTTE doit transcender les religions, suit la tendance à transcender les intérêts communs et trouver un dénominateur commun. Ce dénominateur commun est une expression symbolique de la loyauté envers un Etat nation tamoul.

    Selon la direction du LTTE, le culte du martyr ne doit pas être que commémoratif en ce sens que les actes et les noms des martyrs sont décrits comme des modèles sociaux idéaux pour les jeunes hommes et les jeunes femmes dans le but de les inciter à se battre, comme des moyens qui relient l'avenir au passé, et enfin comme des moyens qui expriment la solidarité dans le deuil de la communauté tamoule.

    Les familles de ces êtres extrêmement motivés sont tenues en haute estime au sein de leur communauté. Ces familles acquièrent le statut de «Great Hero's Families». Le martyr a une place à part dans la communauté. Le manque de perspective d'avenir pour cette jeunesse donne une place de choix au martyr qui offre la possibilité d'accéder à un statut honorable, et d'en faire profiter sa famille, dans la mort.

    Le chef suprême des Tigres Tamoul a réussi à bâtir une véritable culture du sacrifice et du martyr.155(*)A la mort du martyr, sa photo est encadrée, accrochée au mur de son camp d'entrainement et entourée de guirlandes. Il est vénéré par tous les autres garçons du camp qui connaitront sûrement le même destin.

    La mort dans l'attentat suicide, comme dans un combat, est considérée comme le sacrifice ultime mais ne recouvre pas de signification eschatologique particulière.

    1.3.1.2. La Palestine

    Lorsque l'on étudie le cas de la Palestine, deux éléments se détachent distinctement, ce sont ceux là même que nous allons étudier ici, c'est-à-dire la perception de l'attentat suicide par la société et l'instauration du culte du martyr au sein de celle ci.

    Le Hamas célèbre toutes les personnes ayant commis un attentat suicide.156(*)

    L'idée de recevoir tant d'honneurs et de voir la personne valoriser peut avoir une influence à la fois sur les enfants et sur la famille. Cette idée ressort dans une lettre trouvée sur un enfant ayant raté un attentat suicide en 2004. Dans le cas présent, les enfants étaient trois : Jaffar Dababaat, 12 ans, Tarek Abu Mahsen, 13 ans et Ibrahim Suafa, 15 ans. Ils ont été arrêtés à un checkpoint situé dans la ville de Nablus alors qu'ils tentaient de s'introduire en Israël pour tuer des israéliens dans la ville d'Afula au nord de l'Etat hébreux. La lettre fut rédigée par les trois enfants. Outre des informations sur les groupes auxquels ils étaient affiliés, la lettre comprenait cette phrase : « Si nous mourrons, si nous devenons des martyrs, ne soyez pas désolé pour nous. Faites juste une grande manifestation en notre honneur et distribuer des bonbons à tout le monde. »157(*)

    Cependant, le martyr n'a pas toujours été célébré avec autant d'engouement. Dans les années 1970, c'est la figure du fédaï qui prévalait. Il était celui qui luttait pour sa patrie et qui était prêt à se sacrifier pour cette lutte. A ses côtés, on trouvait également la figure du moudjahidin qui s'inscrit dans le cadre du jihad. A leur mort, ils accèdent tous deux au statut de martyr. Cependant, ces deux figures ne sont pas promises à une mort certaine au cours de leur lutte, alors que le shahid ne peut revenir vivant de son attaque.

    Au fil du temps, les attentats suicides sont devenus acceptables pour la société palestinienne, et ce même lorsqu'ils ciblent les civils. Selon l'étude de P. Larzillière, l'opinion palestinienne était favorable à un peu plus de 30% aux attentats suicides en janvier 1995. Ce chiffre est passé à 70% en février 2002. Ce type d'actes terroristes est perçu comme une réponse à la politique israélienne d'attentats ciblés par le biais de frappes aériennes qui ont souvent provoqué d'importantes pertes civiles.158(*) Tout comme l'utilisation de l'attentat suicide, l'image du martyr a changé au cours de l'Intifada al-Aqsa. Il est devenu une figure de « héros national »159(*) qui répond, selon François Géré160(*), à l'association de la cause nationale et du système de croyance religieux. Le shahid est rattaché au jihad, devoir religieux musulman.

    Changement qui intervient avec l'intensification du conflit.

    La popularité des attentats suicides et la croyance en la nécessité de ceux-ci n'ont ils pas rendu acceptable l'utilisation des enfants dans ce dessein?

    Le culte du martyr fut mis en place et/ou cultivé par différents mouvements antagonistes à partir du moment où l'on ne pouvait plus que constater l'échec des accords d'Oslo et donc de l'Autorité Palestinienne face à la paix avec Israël. Le statut de martyr a évolué au sein de la population palestinienne au fil des événements qui les ont touchés depuis les années 1980.

    1.3.1.3. Le Pakistan et l'Afghanistan

    L'imagerie du Jihad a été mise en place en Afghanistan dans les années 1980.

    Le suicide bombers jouit d'une considération particulière. Il est plus estimé qu'un jihadiste car il n'a pas d'ambition « mondaine » comme le statut ou l'argent.161(*) Un jihadiste peut rester en vie alors que le fiday offre son sacrifice suprême à Allah. Pour preuve, lorsqu'un jeune garçon devient martyr, de nombreuses personnes assistent à son enterrement. La famille profite également de ce statut car elle devient célèbre et est traitée avec plus de respect.162(*)

    Cependant, au Pakistan, comme en Afghanistan, aucune cérémonie n'a été développée pour célébrer les martyrs. Aussi, les vidéos enregistrées peu de temps avant l'attentat sont assez rares, contrairement aux vidéos des assassinats.163(*)

    Il n'y a donc pas un culte du martyr institutionnalisé comme au Sri Lanka ou en Palestine. Cependant, le martyr jouit d'un statut particulier après sa mort parmi la population acquise à la cause. Cet élément influe alors sur les enfants qui vont être séduits par le statut que vont leur procurer, à eux et leur famille, le martyr pour la foi. Le père d'un martyr est allé dans ce sens au cours d'un témoignage: «Quand il y a eu un martyr dans un village, cela encourage plus d'enfants à suivre le jihad»164(*)

    1.3.1.4. Analyse comparative

    Les leaders du LTTE ont construit un culte du héros autour des auteurs des attentats suicides à partir des mythes et des traditions tamoules. Ainsi, ils inscrivent leur résistance dans une continuité historique. Ce culte permet d'attirer la légitimité des membres de la communauté vers ce type d'action en lui donnant une sorte de continuité historique et en conférant un statut particulier et honorable aux martyrs.

    Le culte du martyr existe également en Palestine et il est actuellement largement entretenu par les groupes usant de l'attentat suicide comme tactique dans leur guérilla. Cependant, il diverge de ce que l'on peut observer au Sri Lanka sur plusieurs points. Tout d'abord, et cela n'a rien d'étonnant en vue de l'idéologie de ces groupes, il repose sur la croyance en un Paradis qui se mérite. La mort en martyr permet une accession directe à celui-ci et en donne l'accès à un certain nombre de membres de la famille. Cet élément a été rendu possible par une réinterprétation du jihad dans les années 1980, tout comme cela avait été le cas au XIIème siècle sous Salah al-Dîn durant les Croisades. Le culte du martyr s'inscrit dans cette même logique au Pakistan et en Afghanistan.

    Puis le deuxième point de divergence est que ce culte s'est construit au grès des circonstances et s'est renforcé avec l'intensité du conflit. Même s'il est largement entretenu par des organisations, notamment et surtout le Hamas, il n'a pas été construit par elles mais avec le soutien de l'opinion publique, qui, au vue des exactions commises par les forces israéliennes, ont peu à peu accepté l'idée de l'attentat suicide.

    Quoi qu'il en soit, le culte u martyr est présent dans chacune de ces sociétés et permet de légitimer ces actes. Il permet d'attirer des jeunes mineurs qui n'ont plus forcément d'espoirs. Ces enfants savent également que leur mort servira à leur famille dans la mesure où ils deviendront « la famille du héros ». Lui-même pourra trouver attrayant d'obtenir ce statut après sa mort.

    1.3.2. La propagande à destination des enfants

    La propagande est un moyen utilisé abondamment par les groupes terroristes pour recruter des membres. Le culte du martyr en est un d'ailleurs, et puissant, comme nous avons pu le voir. Existe t-il une propagande spécialement à destination des enfants qui pourrait leur donner envie de grossir les rangs des martyrs?

    1.3.2.1. Sri Lanka

    Comme nous l'avons vu plus haut, le nord du Sri Lanka était contrôlé par le LTTE qui avait, de facto, repris les institutions à son compte. Ainsi, les écoles se sont retrouvées sous le contrôle du groupe terroriste. Des ONG locales ont rapporté que des membres du LTTE rendaient visites dans celles-ci afin de pouvoir parler directement aux enfants. Une ancienne enfant soldat témoigne: « The leaders came to our school and said we had to join the army in order to rescue our country," she said.165(*) Dans les discours, ils insistaient sur la brutalité des Cingalais armés dans le but d'inciter les enfants à rejoindre le groupe et ainsi à devenir des « héros ».

    La plupart des enseignants ont alors dû agir en conformité avec les directives des Tigres Tamouls. Dans le cas où un professeur d'école ne voulait pas obtempérer, il lui était demandé de quitter la classe lors des sessions de recrutements. Ceux qui ne respectaient pas ces visites devaient alors faire face à du harcèlement.

    Les oppositions au recrutement des enfants ont conduit le LTTE à promettre aux enfants que leur éducation ne serait pas interrompue puisque la classe aurait lieu dans les camps.

    Au delà des visites dans les salles de classe, le contenu même de certains enseignements a été mis en place dans l'objectif de conduire les enfants dans la volonté de mourir pour la cause tamoule. Il est fait référence ici aux enseignements de versets de la littérature ancienne tamoule de la collection Purananoorou (400 poèmes de guerre et de sagesse) qui offrent une vision romantique de la fierté des mères qui envoient leurs enfants chercher une mort honorable au combat.

    Il existe une propagande moins ciblée. Le sacrifice est glorifié comme nous l'avons vu dans la partie sur le culte du martyr. Cette glorification est rendue publique par le biais de différents médias tels que des affiches et l'érection de monuments. Le LTTE organise également des fêtes au cours desquelles les martyrs sont célébrés, par exemple lors de la fête des héros le 27 novembre qui est, d'ailleurs également l'anniversaire du leader du Tigre Tamoul, Velupillai Prabhakaran, renforçant par la même le culte de la personnalité de ce leader.

    Le LTTE confère un statut spécial aux familles des enfants combattants, les appelant «Great Hero's Families», les exemptant des redevances qu'ils imposent et leur donnant un accès préférentiel aux services qu'ils fournissent. Dans une société où la mobilité sociale est marginale, ce facteur peut influencer la prise de décision de l'enfant.

    1.3.2.2. La Palestine

    Une section à part entière du Hamas est responsable des opérations de propagande, de l'information et de l'instruction idéologique. Il s'agit de l'A'Alam. Ses activités se confondent généralement avec le Da'wah, bureau responsable des activités ouvertes de recrutement, d'entraide sociale et de collectes de fond.166(*) Le Da'wah possède un réseau d'institutions éducatives qui comptent entre autres des écoles maternelles, primaires, des lycées ou encore des colonies de vacances. Dans les territoires occupés, le Hamas contrôle donc un nombre important d'écoles définies par Singer comme étant hautement politisées. L'endoctrinement commencent dès le préscolaire. Sur le mur de ces écoles ont peut même y voir accrocher des affiches sur lesquelles on peut lire des phrases telles que: « Les enfants de cette école sont les martyrs de demain. »167(*)

    Le rôle de l'institution scolaire dans l'endoctrinement de l'enfant est clairement décrit dans l'interview d'Husseim Aldo.168(*) L'adolescent déclare qu'une des raisons pour laquelle il a fait le choix de devenir martyr est qu'il voulait rejoindre le Paradis, car à l'école, on lui a enseigné que c'était le sort des « kamikazes ». Le Paradis lui a été décrit de cette manière: « Une rivière de miel, une rivière de vin et soixante douze vierges. Depuis que j'étudie le Qu'ran, je sais la douceur de vivre là bas (au Paradis)»169(*)

    L'école dispense une éducation religieuse tournée vers la nécessité du Jihad pour les palestiniens et une vision de la mort propre à celle-ci. Nous avons pu constater que l'endoctrinement des enfants va au-delà d'un certain apprentissage théorique, qui rappelons le ne correspond en rien à la vision qu'a la majorité des musulmans, et notamment des savants, sur leur religion. En effet, l'endoctrinement revêt un caractère politique et son apprentissage est également pratique.

    Pour les groupes armés, l'école est un lieu de diffusion idéologique privilégié. Cependant, il n'est pas le seul support à leur propagande. La chaîne de télévision du Hamas, sur laquelle nous allons revenir plus loin, a diffusé, le 31 mai 2007, la fête de fin d'année des 29 classes du réseau d'Al-Mujamma' al-Islam. Sur cette vidéo, nous pouvons voir des enfants revêtus de tenues de camouflage. Sur leurs têtes, pour certaines encagoulées, est placé un bandeau de couleur verte sur lequel est écrit: «Il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah. » Au cours du spectacle, certains des enfants portaient également des armes en plastique tandis que d'autres avaient un drapeau à l'emblème des Frères musulmans à la main. Le spectacle en lui même consiste en une marche militaire et des exercices martiaux. L'ensemble se déroule sur un chant de gloire du Hamas dont nous allons retranscrire ici quelques paroles: « "[un membre] du Hamas ne craint pas la mort," "[un membre] du Hamas agit pour [l'Islam]," "le nom du Hamas est

    glorifié," et "Ahmad Yassin a réussi à secouer Israël depuis son fauteuil [roulant]

    n'a jamais dévié de sa position ferme."170(*)

    A la fin de la vidéo, nous pouvons voir deux enfants brandir une épée tandis qu'un troisième tient haut le Qu'ran.171(*) S'en suit un dialogue entre deux des enfants:

    « Dîtes 'Allahu akbar,'"172(*) (les autres répondent "Allahu Akbar. »

    Puis: « Qui est votre modèle ? ... Le Prophète (Mohammed)!

    Quel est votre chemin ? ... Le Jihad!

    Quelle est votre aspiration la plus grande ? ... Mourir pour Allah!

    Quel est votre mouvement ? ... Le Hamas

    Quelle est votre armée, réponse: Qassam173(*)

    Le Hamas s'appuie également sur les médias dans l'optique d'inculquer son idéologie aux mineurs. Nous avons fait allusion plus haut à une chaîne de télévision contrôlée par le Hamas, appelée al-Aqsa. Un programme nous intéresse particulièrement dans le cadre de cette étude: « Les pionniers de demain ». Ce programme, diffusé au cours de la première moitié du mois de mai 2007, met en scène une souris nommée Farfur, qui n'est pas s'en rappeler le personnage de Mickey Mouse, prêchant sur des sujets tels que la prise de contrôle islamique du monde, la poursuite des violences et du terrorisme contre Israël, la libération de la mosquée al-Aqsa ou encore la libération de l'Irak.

    Il y a également à disposition des sites internet dont un exclusivement réservé aux enfants174(*), al-Fateh. Sur ce site, le Hamas diffuse largement ses idées et tentent d'inciter les enfants palestiniens à rejoindre leur cause.

    L'infrastructure civile du Hamas lui a permis de s'attirer le soutien de la population et d'établir la base du pouvoir politique qui l'a mené à la victoire lors des récentes élections municipales et législatives.

    Le Jihad Islamic ne dispose pas, contrairement au Hamas, de programmes sociaux et éducatifs. Cependant, en 2001, quatre camps d'été ont été découverts à Gaza. Des enfants, âgés de huit à quatorze ans, y suivaient un entrainement militaire et visionnaient des films sur des membres de l'organisation morts dans des attentats suicides.175(*) Les instructeurs, dont un certain Muhammad al-Hattab, leur expliquaient également que le martyr leur garantirait une place au Paradis aux côtés de soixante dix vierges.

    1.3.2.3. Le Pakistan

    Dans le cas du Pakistan également l'institution scolaire joue un rôle très important dans l'endoctrinement et le recrutement des enfants pour des attentats suicides. Les écoles régulières coûtent chères et les parents sont souvent obligés, par manque de moyens, d'envoyer leur enfant dans des madrassas. Le père d'un enfant qui a voulu devenir martyr, Zarak Khan mort à 16 ans, insiste sur point: «Nous avons envoyé Zarak à la madrassa car nous sommes pauvres et nous ne pouvions pas l'envoyer dans une école régulière. »176(*) Les madrassas dispensent une éducation religieuse gratuite et offrent le toit et la nourriture aux enfants. Il en existe plus de mille au Pakistan et certaines d'entre elles sont tenues par des groupes terroristes. Ces établissements d'éducations sont souvent des lieux privilégiés de recrutement d'enfants pour des actions « kamikazes », surtout que dans certaines zones ce sont les seuls lieux d'éducations et de relations sociales. Ces écoles sont exclusivement réservées aux garçons.

    Mis à part un réseau d'école tenu par les « talibans pakistanais », aucun autre moyen de propagande n'a été mis en place à notre connaissance.

    1.3.2.4. Analyse comparative

    Il ressort un élément important dans le cas des trois zones étudiées ci-dessus qui est celui du rôle de l'institution scolaire, et plus largement éducative avec les camps d'été pour les enfants palestiniens, dans la diffusion des idées portées par ces groupes. L'école censée être le lieu d'apprentissage par excellence devient un centre d'une propagande qui a pour but d'amener les enfants à conduire une mission suicide. Ces écoles ne sont plus sous le contrôle du gouvernement mais des groupes armés qui ont pris le contrôle d'une partie du territoire.

    En Palestine, la propagande à destination des enfants ne se limite pas au cadre de l'école puisque des supports médias ont spécialement été conçus pour diffuser leur propagande auprès d'un public jeune. Cet élément ne semble pas exister dans les deux autres cas.

    1.3.3. La question de la rémunération

    De nombreuses études concernant les enfants-soldats tendent à prouver que les engagements volontaires sont souvent motivés par la promesse d'une rémunération financière, qui n'est généralement pas tenue. Malgré le caractère définitif de l'attentat suicide qui se termine par la mort de l'auteur, nous nous sommes aperçus que les groupes utilisant des enfants pour commettre ces missions ont également recours à cette promesse pour les amener plus facilement à commettre cette action. Celles-ci peuvent être de deux sortes : promesse d'une rémunération spirituelle et/ou promesse d'une rémunération matérielle.

    1.3.3.1. Les rémunérations spirituelles

    Dans le cas des « kamikazes », la question de la rémunération spirituelle à un sens particulier puisque celle-ci est versée rapidement et donne un sens et un but à la mort.

    La question des récompenses spirituelles est centrale dans les groupes à l'idéologie religieuse, notamment les groupes qui combattent dans la voie du Jihad. Ces groupes terroristes dont font partie les talibans et le Hamas s'appuient sur des passages du Qu'ran qui stipulent que les shaheed, ou martyrs de la foi, seront immédiatement absous de leur péchés et mariés avec soixante douze vierges. Commettre un attentat suicide, et donc mourir pour sa foi, permet aussi à l'enfant de faire accéder soixante dix de ses proches au paradis auprès de lui.

    Singer, à l'occasion d'une interview d'un enfant irakien ayant combattu contre les forces US durant l'été 2004, relève ceci: "Mes parents m'ont encouragé à venir ici. Je préfère vivre et gouter à la victoire mais pas si ma mort n'est pas récompensée par des présents au ciel"177(*). Certes, il ne s'agit pas d'un enfant « kamikaze » mais il aborde son éventuelle mort pour la cause et la question de l'après. Il est intéressant de noter que pour cet enfant, l'élément essentiel se situe dans de probables récompenses spirituelles, dont il doit très bien connaitre le contenu, en cas de mort en tant que martyr.

    La question de la rémunération est largement abordée dans le cadre de l'école, particulièrement lors des cours sur le Qu'ran, ce qui représente parfois l'écrasante majorité du programme comme c'est le cas au Pakistan où les madrassas sont avant tout des écoles coraniques.

    La récompense spirituelle est un moyen puissant pour convaincre un enfant, et un adulte aussi d'ailleurs, de commettre un attentat suicide, car, dans le cas d'un conflit comme la Palestine dont l'issue semble très incertaine, le Paradis est un gage d'une vie heureuse que l'on ne peut connaitre sur terre. Il représente l'espoir qui a souvent disparu chez les jeunes.

    Cette promesse en un Paradis ne peut cependant pas être exploitée par un groupe tel que le LTTE qui a écarté toute références et attachement à la religion dès sa création.

    1.3.3.2. Les rémunérations matérielles

    Au cours de cette étude, nous avons pu constater que la rémunération contre l'accomplissement de l'attentat suicide n'est pas que d'ordre spirituelle. En effet, il peut être également proposé à l'enfant ou à l'adolescent, une compensation financière qui bénéficiera bien évidemment à ses proches, lui étant voué à une mort certaine. Ce "salaire" varie selon les groupes.

    En Palestine, Singer a eu connaissance d'un cas dont la famille du martyr a reçu 25 000$ de la part du gouvernement irakien de Saddam Hussein et de donateurs particuliers d'Arabie Saoudite par le biais du "Martyr Fund".178(*) Dans cette même étude, il révèle que le Hamas, quant à lui, verse 5000$ à la famille, ainsi que des aliments de première nécessité comme du sucre et de la farine) et des vêtements.

    En ce qui concerne le LTTE, il ne semble pas que les familles perçoivent de l'argent. Cependant, les Tigres relogent la famille du martyr dans une maison plus confortable et/ou donne un accès aux membres de celle-ci à de meilleurs emplois. Dans une société où le système de castes est déterminant pour la mobilité sociale, mourir en martyr représente un moyen pour l'enfant de faire gagner un nouveau statut social à sa famille ainsi que de la respectabilité. La famille se voit également exemptée des redevances imposées par le LTTE et les tigres leur offre un accès préférentiel aux services qu'ils fournissent.

    En revanche, au Pakistan, les familles ne perçoivent pas systématiquement une rémunération matérielle en échange du sacrifice de leur enfant. Lorsqu'il y a rémunération, elle est sous forme d'un relogement dans une maison plus confortable et un accès pour la famille à de meilleurs emplois, comme dans le cas du Sri Lanka.

    Dans des contextes socio-économiques souvent difficiles, le fait de commettre un attentat suicide et d'y perdre la vie est un moyen d'offrir de meilleures conditions de vie à sa famille. Cet argument peut avoir beaucoup d'écho auprès des enfants ayant vécu dans des zones de conflits ou dans des camps de réfugiés. Ce qui est le cas de la Palestine dont le conflit avec Israël a largement paupérisé la communauté musulmane à la fois à Gaza et en Cisjordanie. Pour ce qui est du Sri Lanka, les déplacements de populations sont récurrents depuis 1983, date du début du conflit.

    1.3.3.3. Analyse comparative

    Contrairement au LTTE, les groupes armés de Palestine et les talibans disposent d'un puissant moyen de persuasion pour amener les enfants à commettre des attentats suicides. Il s'agit de la promesse d'une vie meilleure après la mort. Pour y accéder, il « suffit » de commettre cette mission. Il n'y a donc plus seulement l'intérêt de la communauté qui est en jeu mais également l'intérêt individuel de l'auteur et de ses proches. De ce point vue, l'attentat suicide semble moins altruiste que dans le cas du LTTE. Ce type de croyance est d'autant plus facile à faire assimiler à des enfants qui sont bien souvent plus crédules que des adultes.

    En ce qui concerne les rémunérations matérielles, elles ne sont pas systématiquement présentes dans touts les groupes. Bien que la forme soit différente, les groupes armés de Palestine et le LTTE « récompensent » la famille du défunt par des sommes d'argent, de la nourriture ou encore un travail ou un meilleur travail. Il ne semble pas que ce soit la norme au Pakistan.

    Cependant, l'ensemble des groupes « payent », peu importe la nature de ce « salaire » l'auteur de l'attentat. La question de la rémunération doit donc être un attrait indispensable que ces groupes doivent mettre en place. Nous remarquerons que là encore, la Palestine fournit des efforts plus importants pour faire venir des volontaires.

    La question de la rémunération peut être mise en parallèle avec la vulnérabilité des enfants dans ces zones de conflits. Les avantages liés à la réalisation de la mission, que ce soit d'un point de vue spirituel ou matériel, peuvent compenser les manques dont l'enfant et sa famille souffrent. Au niveau spirituel, l'enfant jouira d'une vie de plaisir dont il n'a pas accès sur terre, caractérisée par l'abondance notamment. De plus, il sait qu'il sera considéré comme un héros auprès de sa communauté après sa mort. L'enfant ne profitera bien évidemment pas des récompenses matérielles qui seront versées à sa famille après sa mort. Cependant, il sait que grâce à lui, ils augmenteront leur niveau de vie et leur statut social changera.

    Conclusion

    Avant de tirer les conclusions de cette étude et de répondre à la problématique posée dans l'introduction, nous allons qualifier les enfants martyrs. Les informations, que nous avons exposé plus haut, nous permettent désormais de déterminer si les enfants martyrs sont une catégorie bien à part ou s'il s'agit d'une sous-catégorie d'enfants soldats. Rappelons la définition fixée lors de la Conférence donnée à Paris par l'UNICEF en 2007 que nous avons cité dans l'introduction : « Un enfant associé à une force armée ou à un groupe armé est toute personne âgée de moins de 18 ans qui est ou a été recrutée ou employée par une force ou une armée, quelle que soit la fonction qu'elle y exerce. Il peut s'agir, notamment mais pas exclusivement d'enfants, filles ou garçons, utilisés comme combattants, cuisiniers, porteurs, messagers, espions ou à des fins sexuelles. Le terme ne désigne pas seulement un enfant qui participe ou a participé directement à des hostilités. » Les enfants martyrs sont des personnes âgées de moins de 18 ans qui sont recrutés par une force armée. Si nous nous en tenons à cette définition, les enfants martyrs sont donc des enfants-soldats.

    Dans l'introduction, nous nous sommes d'abord demandés dans quel(s) contexte(s) ce phénomène pouvait-il apparaitre. C'est donc à cette question que nous allons répondre en premier. Nous allons alors confronter les données de chacun des cas étudiés pour en dégager les grandes tendances.

    Il s'agit, dans tous les cas, de conflits de longue durée qui opposent des acteurs armés gouvernementaux à des acteurs armés non gouvernementaux. Le cas du Pakistan est un peu à part, cependant, le groupe utilisant les enfants dans les missions suicides est intrinsèquement lié au conflit afghan. Mais, ce phénomène est également observable en Irak. Aussi, la durée du conflit ne peut pas être prise ici comme un facteur fondamental pour l'existence de ce phénomène.

    Ces groupes, qui utilisent les enfants dans les attentats suicides, sont bien organisés et bénéficient de soutiens financiers extérieurs importants. Ils sont inscrits sur de nombreuses listes d'organisations terroristes, délégitimant, de facto, leurs actions et les rendant illégaux aux yeux du Droit International Humanitaire (DIH), appelé aussi Droit de la Guerre. Contrairement aux autres catégories d'enfants soldats, qu'ils soient combattants, porteurs, cuisiniers, ou encore espion, l'enfant martyr ne trouve sa place qu'au sein d'un groupe non gouvernemental. Cela tient à la nature même du type d'attaque. L'attentat suicide, en effet, est considéré comme illégal par le DIH car il ne fait pas la distinction entre les civils et les militaires (GPI art.48) et le but principal est souvent de répandre la terreur parmi la population.

    Leurs revendications sont territoriales et politiques. Il ressort systématiquement la volonté de contrôler l'intégralité ou une partie d'un territoire. L'idée d'occupation illégale du territoire est très présente et l'ennemi représente un danger pour l'intégrité physique et culturelle de la communauté. Aussi, il faut à tout prix l'éliminer pour la survie de cette communauté.

    Nous avons également pu observer que tous ces groupes utilisent l'attentat suicide comme moyen de violence contre l'ennemi. Dans les cas de la Palestine et de la zone Afghanistan/Pakistan, le phénomène a été précédé de l'utilisation d'adultes dans des attentats suicides. Pour le LTTE, il est difficile de se positionner en vue du manque d'informations claires à ce sujet. Cependant, de nombreux indices nous laissent penser que des enfants étaient utilisés dans des missions suicides dès 1987, date à laquelle les Tigres ont incorporé cette tactique dans leur stratégie. L'emploi de cette tactique semble tout de même être un préalable important dans l'apparition du phénomène, dans la mesure où il permet de faire accepter auprès de la communauté concernée l'idée du sacrifice pour la cause soutenue et également de le banaliser.

    Chacune de ces organisations s'appuie sur une idéologie spécifique. Les talibans et les organisations palestiniennes étudiées se sont construits sur une idéologie religieuse, tandis que le LTTE s'est appuyé sur le passé et la mythologie tamoule. Dans tous les cas, l'idéologie mise en place par les différentes organisations n'exclut pas la participation des enfants dans les attentats suicides. Il est vrai que le code de conduite des talibans précise que toutes personnes prétendant entrer dans l'organisation doit être pubère. Cependant, un garçon est pubère179(*) bien avant sa majorité, fixée à 18 ans.

    Pour atteindre leurs objectifs, ils utilisent tous des méthodes terroristes, dont l'attentat suicide. L'utilisation de cette tactique ne s'inscrit pas dans la même logique pour chacun des groupes. Dans le cas de la Palestine, il s'agit essentiellement d'un moyen de se venger contre les exactions commises par les forces israéliennes. Dire que l'emploi de cette tactique résulte d'un processus émotionnel serait probablement simplifier son usage. Cependant, nous pouvons affirmer que cette dimension est importante. Tandis que pour le LTTE, l'usage de l'attentat suicide s'inscrit dans une stratégie militaire globale. Il est un moyen et non une fin en soi. Au Pakistan et en Afghanistan, l'usage de cette tactique s'inscrit avant tout, je pense, dans une stratégie militaire. Mais, une dimension émotionnelle, de moindre niveau, existe.

    Cet élément permet, en partie, d'expliquer le choix des modes de recrutement de ces groupes et l'engagement volontaire de nombreux enfants dans cette voie.

    De manière plus pratique, l'utilisation des enfants dans les attentats suicides répond à des préoccupations tactiques de la part de ces groupes, notamment dans le domaine de la sécurité. Les enfants étant moins soumis aux contrôles que les hommes, l'attentat a plus de chances d'aboutir.

    Il permet également d'élargir la base de recrutement. Nous avons remarqué que dans les cas du Pakistan, de la Palestine et de l'Afghanistan, l'apparition du phénomène concorde avec l'intensification des combats ; soit l'année 2007 pour les pays d'Asie Mineure et 2000 pour la Palestine. Cependant, ce lien n'a pu être démontré. Le Sri Lanka fait figure d'exception concernant ce sujet. Il semble que, dans ce cas, les enfants aient été utilisés de manière continue depuis l'année 1987. Ce qui nous permet d'émettre l'hypothèse que ce phénomène s'inscrit pleinement dans leur stratégie militaire globale, au même titre que les opérations classiques. En d'autres termes, les enfants ne sont pas là pour renforcer les capacités militaires mais en font intégralement partie.

    Les cibles attribuées aux enfants sont souvent militaires et proches de leur lieu d'origine, surtout dans le cas de la Palestine. Ils sont utilisés pour des cibles dites simples, comme les checkpoints, qui ne demandent pas une formation très lourde (comme l'apprentissage du maniement d'un avion de ligne pour les attentats du 11 septembre). Les groupes leur demandent généralement de se rendre là où il y a du monde et d'appuyer sur le détonateur. Il y a donc tout à parier qu'en vue de leur jeune âge, les enfants martyrs restent cantonnés à des conflits locaux. Il s'agit d'un phénomène de proximité qui ne pourra pas s'inscrire dans le terrorisme international.

    En ce qui concerne les étapes entre le moment du recrutement et l'accomplissement de l'action, nous avons remarqué que les groupes utilisent globalement le même schéma. Chacune de ces organisations s'appuie fortement sur le système éducatif comme moyen de recrutement. L'école permet aux groupes d'endoctriner les enfants afin qu'ils viennent vers eux. Rappelons que le LTTE et les talibans utilisent également des méthodes coercitives pour recruter. Puis, il existe des camps d'entrainements pour ces jeunes recrues, plus ou moins importants selon les groupes avec un programme invariable d'une « promotion » à l'autre mais différent dans chacun des cas. Dans le cas de la Palestine, le terme de camp n'est pas approprié. Il s'agit plus exactement de cellules. Dans tous les cas, le contenu de la formation dispensée ressemble beaucoup à celui des adultes. Cependant, ils sont toujours séparés (fait non certain dans le cas de la Palestine), marquant ainsi la différence entre les adultes et les enfants. Il y a donc une véritable rationalisation de leur utilisation qui exclue la désignation de marginalité de ce phénomène. Dans tous les cas, l'utilisation des enfants s'inscrit pleinement dans la stratégie du groupe.

    L'étude a permis de mettre en avant le fait que des facteurs combinés ont rendu possibles ce phénomène.

    Tout d'abord, notons que l'attentat suicide nécessite une exacerbation du comportement sacrificiel. Le culte du martyr, crée par les groupes et largement soutenu par l'opinion publique dans le cas de la Palestine, donne une place de choix au sacrifice de certains membres de la communauté. La valorisation de l'image sacrificielle du héros mort pour la cause est relayée par une propagande mise en place par les groupes eux-mêmes. Le cas de la Palestine à ce sujet est particulièrement notable. Le Hamas a mis en place une propagande ciblée à destination des enfants, par le biais notamment des médias, pour les conduire dans la volonté de mourir pour la cause palestinienne. Cependant, nous remarquons que cette propagande a été mise en place bien après l'apparition du phénomène. Aussi, nous pouvons nous demander, et c'est la question centrale du phénomène des enfants dans les attentats suicides en Palestine, si le groupe n'a pas repris une tendance mise en place par les enfants eux-mêmes dans les premiers temps de l'Intifada al-Asa. Depuis les années 1980, nous pouvons observer une politisation progressive des enfants palestiniens. Cette conscience a, sans doutes, éveillé le désir des enfants de participer activement au conflit. Cette politisation a été renforcée, ou créée ?, par le contrôle du Hamas essentiellement et d'autres groupes palestiniens, du système éducatif (organisation de camps d'été ou programmes scolaires très orientés vers la haine de l'ennemi juif).

    La main mise sur l'institution éducative est un élément que l'on retrouve dans les trois cas. L'école représente un média d'endoctrinement. Il offre l'avantage de réunir les enfants dans un même endroit et d'être une tribune d'endoctrinement pour ce jeune public. Cet élément met encore en avant une réelle volonté de la part des groupes concernés d'optimiser leur tactique en élargissant la base de recrutement, puisqu'ils ont mis en place un véritable système permettant le recrutement des enfants à cet effet.

    Le culte du martyr et la propagande mis en place par ces organisations permettent à la fois de recruter des enfants mais également de rendre acceptable ce phénomène par la communauté. Ce dernier point a également été rendu possible par l'utilisation préalable d'enfants-soldats dans le conflit. Ainsi, ils participaient déjà activement aux combats et ont donc pu se tourner plus facilement vers un autre moyen de violence. Nous pouvons dire, en quelque sorte, que l'implication des enfants dans les différentes formes de conflit a été graduelle. Il faut également noter que les méthodes de recrutement sont les mêmes. Ils n'ont pas changé leurs méthodes.

    Ces enfants ont grandi dans la guerre et sont imprégnés d'idéologie sacrificielle. L'attentat suicide devient donc une option envisageable, surtout s'ils peuvent en tirer profit Dans un environnement où leur vulnérabilité est très forte et leurs droits sont sans cesse bafoués, l'accomplissement de ce type de mission peut avoir un sens pour eux. Il peut tout d'abord permettre à l'enfant et à sa famille de changer de statut. De plus, dans les cas de la zone Pakistan/Afghanistan et de la Palestine, mourir dans une mission suicide donne l'opportunité d'améliorer sa condition dans la mort. L'attrait pour ce type d'attaques est également renforcé par la récompense financière et/ou matérielle versée à la famille par le groupe concerné. La mort n'est plus seulement un acte altruiste tourné vers la communauté, et on peut même se demander s'il l'est vraiment d'ailleurs, mais devient également un moyen d'améliorer le sort de ses proches et d'accéder au Paradis

    Il est essentiel de se poser la question de l'avenir de ce phénomène pour penser au plus vite aux solutions que la communauté internationale et les gouvernements concernés devront proposer.

    En vue des éléments dont nous disposons, nous pouvons émettre l'hypothèse que ce phénomène restera cantonné à des conflits locaux dont les groupes armés se serviront des attentats suicides comme tactique dans leur stratégie militaire. L'avenir de ce phénomène est donc intimement lié à l'utilisation de l'attentat suicide. En vue du format de cette étude, cette question n'a pas pu être soulevée.

    L'utilisation des enfants dans les attentats suicides est le résultat de la volonté de ces organisations de maximiser les moyens dont ils ont à leur disposition. Tout comme ce fut le cas pour les enfants-soldats armés d'AK-47. A partir du moment où des groupes ont eu les moyens, grâce à des armes légères, d'augmenter leur base de recrutement et leurs possibilités d'actions grâce aux avantages que leur fournissent les enfants, ils en ont saisi l'opportunité.

    L'attentat suicide s'inscrit pleinement dans le nouveau type de guerre connu sous le nom de guerre asymétrique. De nombreux analystes s'accordent aujourd'hui pour dire qu'il a un bel avenir devant lui. Aussi, je pense que ce phénomène est voué à se développer.

    Si ce phénomène se poursuit, le risque est que les droits de l'enfant ne soient pas respectés d'une part par les groupes les utilisant et d'autre part par les armés qui y seront confrontés. Israël fait figure d'exemple notable à ce sujet puisque ils détiennent les enfants ayant raté leur mission dans des geôles mixtes (avec des adultes). De plus, la multiplication des contrôles que devront subir les enfants deviendra un obstacle pour accéder à l'école. C'est pourquoi des solutions devront être envisagées, quelles soient juridiques ou humanitaires.

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    * 1 Stern J., In the name of God, New York, Harper Collins, 2003, p. 39, cité dans Lester D.,

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    * 2 Convention internationale des droits de l'enfants, ONU, 20 novembre 1989, texte intégral disponible sur http://www.droitsenfant.com/cide.htm

    * 3250 000 enfants soldats dans le monde, Unicef, mise en ligne le 4 janvier 2008 sur http://www.unicef.fr/contenu/actualite-humanitaire-unicef/250-000-enfants-soldats-dans-le-monde-2008-01-04#

    * 4Lieutenant Colonel Lillian A. James O'Neal, Suicide Bombers - Some Were Merely Children, U.S Army War College, 2005, p.12

    * 5Suicides Attacks in Afghanistan (2001-2007), United Nations Assistance Mission in Afghanistan, 9 September, 2007

    * 6Ibid, p.21

    * 7U.S. Department of StateCountry Reports on Terrorism», Chapter 7, Legislative Requirements and Key Terms, 30 April, 2007. www.state.gov/s/ct/rls/crt/2006/82726.htm.

    * 8 Code of Federal Regulations 28, Section 0.85

    * 9Les attentats suicides en hausse de part le monde selon les experts, Amrica.gov, mise en ligne le 22 octobre 2007, http://www.america.gov/st/washfilefrench/2007/October/20071022125357dmslahrellek0.9667017.html

    * 10 E. Pavey, « Les kamikazes sri lankais », Cultures et conflits, n°63, automne 2006, pp.135-154, p.136

    * 11Ce terme renvoie aux Cingalais et Tamouls islamisés

    * 12A. Baconnet, « La guerre civile à Sri Lanka. Genèse, modes d'actions et implications internationales d'un conflit séparatiste à base ethnique », avril 2008, Géostratégiques ,°19, L'avenir géostratégique de la puissance indienne, pp.163-192, p.164

    * 13 Les Cingalais sont d'origine indo-européenne au nord de l'île tandis que les Tamouls sont d'origine dravidienne au sud de l'Inde.

    * 14 Employés dans des plantations de thé, de café, d'hévéas et de cocotiers

    * 15 Chara Latu Hogg, Child Recrutment in south Asian conflicts. A comparativ Analye, 2006, p.10

    * 16Traduit en français par Parti de Libération du peuple, cingalais et d'obédience marxiste

    * 17A. Baconnet, Op.cit., p.168

    * 18A. Baconnet, Op. Cit. , p.163

    * 19 Chara Latu Hogg, Op.cit., p.11

    * 20L. Gayer et C. Jaffrelot ,Les milices armées d'Asie du Sud. Privatisation de la violence et implication des Etats, Paris, 2008, p.21

    * 21 C. Kaufmann, « Possible and impossible Solutions to Ethnic Civil Wars », International Security, vol.20, n°4, Spring 1996, pp.136-175, p.140

    * 22 CF. annexe

    * 23A. Hourani, Histoire des peuples arabes, Paris, 1993, p.383

    * 24La volonté de construire un Etat viendra un peu plus tard.

    * 25 Auteur du livre l'Etat des Juifs publié en 1897

    * 26 Annexe carte du partage

    * 27 G. Devers,  Les réfugiés palestiniens et le droit au retour, The International Solidarity , mise en ligne le 7/09/2010 sur http://ism-france.org/news/article.php?id=14355&type=analyse&lesujet=R%E9fugi%E9s

    * 28 Jordanie, Egypte, Syrie ainsi que des contingents libanais et irakiens

    * 29Ce terme arabe signifie littéralement la catastrophe

    * 30Israël-Palestine. Une terre, du sang, des larmes, Le Monde et Librio, Paris, 2002, p.12

    * 31Ibid, pp.13-18

    * 32 Revue d'études palestiniennes, n°14, 1984, pp.167-169

    * 33Propos recueillis par Edouard Saab dans le journal Le Monde le 30 mai 1964

    * 34Ils ont implanté leur siège au sud Liban après avoir perdu la guerre en Jordanie

    * 35Tsva Haganah Le-Israel : Armée de défense d'Israël

    * 36 A. Bockel, « L'autonomie palestinienne. La difficile mise en oeuvre des accords d'Oslo-Washington », dans Etats : Création-Transformations-Condition, Annuaire Français de Droit International, Editions du CNRS, vol.40, Paris, pp.261-286, p.285

    * 37 G. Kepel, Jihad, Paris, 2003, p.243

    * 38 J. Quigley, The Statehood of Palestine : International Law in the Middle East Conflict, Cambridge University Press, 2010, p.201

    * 39 M. Schattner, « De la paix manquée d'Oslo à la marche vers l'abîme  dans Politique étrangère », n°3, 2002, pp.587-600, p.589

    * 40 Ce terme signifie en arabe combattant, résistant. Il désigne toute personne combattant au nom de sa religion dans le cadre du jihâd

    * 41 G. Chaliand, Les guerres irrégulières. 20ème-21ème siècle. Guérillas et terrorismes, Paris, 2008 , p.845

    * 42 D. Coulmy, « Quel avenir pour l'Afghanistan ? », Etudes, 2007/10 Tome 407, pp.297-307, p.305

    * 43 K. Sorkhabi et D. Bresson, State building et réalités locales en Afghanistan, Paris, non publié, Juin 2010, p.5

    * 44 Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4270ème séance, le 12 septembre 2001, la résolution 1368 autorise les Etats Unis à entrer en guerre contre l'Afghanistan : « Se déclare prêt à prendre toutes mes mesures nécessaires pour répondre aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 et pour combattre le terrorisme sous toutes ces formes, conformément à ses responsabilités en vertu de la Charte des Nations Unies », disponible en ligne sur http://www.un.org/french/docs/sc/2001/res1368f.pdf

    * 45 Rapport d'information fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la suite d'une mission effectuée du 16 au 24 avril 2005, par une délégation en Afghanistan, Annexe du procès-verbal de la séance du 12 mai 2005, Sénat, n°339, Paris, mis en ligne en 2005 sur http://www.senat.fr/rap/r04-339/r04-3390.html

    * 46 Journaliste américain

    * 47 F. Soudan, « Petraeus, le sauveur ? », la revue, n°9, février 2007, pp.80-87, p.81

    * 48 Ibid, p.85

    * 49P.S. Jha, « La malédiction afghane au Pakistan », Politique étrangère, 2/2008, pp.335-344, p.2

    * 50 « Musharraf Vows to Rout Terror: No issue of Muslims or non-Muslims », Dawn, 28mars 2004

    * 51 P.S. Jha, Op. cit., p2

    * 52 Le terme Eelam est l'équivalent tamoul du terme cingalais Sri Lanka

    * 53 J. Baud, Encyclopédie des terrorismes et violences organisées, Paris, 2009, p.1206

    * 54 G. Chalian, Le nouvel art de la guerre, l'Archipel, Paris, 2008

    * 55 La diaspora tamoul se réunit pour protester, le Point, mise en ligne le 21/04/2009. Lien internet: http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2009-04-21/sri-lanka-la-diaspora-tamoule-s-organise-pour-protester/924/0/336678

    * 56Ibid

    * 57L. Gayer et C. Jaffrelot, Op.cit., p.31

    * 58Ce nom signifie littéralement Mouvement de la résistance Islamique, l'acronyme signifiant également « Enthousiasme »

    * 59Il sera tué par des tirs de roquette israélienne.

    * 60Ce mouvement était discrètement subventionné par Israël qui voulait créer un groupe concurrent à l'OLP et encourager les luttes au sein du mouvement palestinien.

    * 61 J. Baud ,Op. cit,. p.558

    * 62 un de ses membres qui sera tué le 22 juillet 1995 probablement par les forces de sécurité de l'Autorité Palestinienne

    * 63 Organisation militaire et de renseignement iranienne créée le 5 mai 1979 par un décret de l'Ayatollah Khomeini pour protéger la Révolution. L'une de ses fonctions est de piloter les activités terroristes hors d'Iran

    * 64 Djihad Islamique Palestinien sur http://www.terrorwatch.ch/fr/pij.php

    * 65 Le terme taliban en arabe signifie étudiant, plus précisément étudiant en religion.

    * 66 G. Dorronsoro, « Afghanistan : chronique d'un échec annoncé », Critique internationale, n°21, octobre 2003, pp.17-23, p.18

    * 67 Définition d'idéologie, CNRTL, http://www.cnrtl.fr/lexicographie/id%C3%A9ologie

    * 68 cf.annexe charte du Hamas

    * 69 G. Kepel, Op. cit., p.512

    * 70J. Baud, Op. cit.,, p.553

    * 71P.W. Singer, p.30

    * 72 «Introduction to the movement and its vision», www.qudsway.com

    * 73 I. Hamidi, Islamic Jihad reiterates possibility of end to attacks on civilians, Daily Star, Beyrouth mise en ligne le 16 mai 2002 sur http://www.lebanonwire.com/0205/02051617DS.asp

    * 74 J. Baud, Op. Cit., p.300

    * 75 F. Lahar, « Djihad Islamique. Mouvement du Djihad islamique palestinien (MJIP) », Fiche technique n°3, Outre Terre 4/2005, n°13, pp.299-315, p.300

    * 76 Il s'agit de la plus ancienne des quatre écoles sunnites de droit musulman

    * 77 D. Benjamin, « Le terrorisme en perspective », Politique étrangère 4/2006, pp.887-900, p.3

    * 78 R. Rabramasubramian, Suicide Terrorism in Sri Lanka, Institute of Peace and Conflicts Studies, New-Dehli, 2004, p. 7

    * 79 Ricolfi L., Terroristi, kamikaze o martiri ? Le missioni suicide nel conflitto israelopalestinese,

    cité dans D. Gambetta., Making sense of suicide missions, Oxford, 2005, p.262

    * 80 E. Pavey, Pp. cit, p.3

    * 81 Ibid, p.3

    * 82 J. Baud, Op. cit., p.1212

    * 83 R. Gunaratna, «Suicide terrorism. A global threat», dans P.L. Griset et S. Mahan, Terrorism in perspectiv, Californie, 2003, pp.220-227, p.221

    * 84 P. Larzillière, Le « martyr » palestinien, nouvelle figure d'un nationalisme en échec », dans A. Dieckhoff et R. Leveau, Israéliens et Palestiniens : la guerre en partage, Paris, 2003, pp.80-109, p.91

    * 85 Les chiffres proviennent de l'étude P. Larzillière, Le « martyr » palestinien, nouvelle figure d'un nationalisme en échec », dans A. Dieckhoff et R. Leveau, Op. cit., 2003, pp.80-109, p.84

    * 86 Nous ne disposons pas du détail par organisation.

    * 87 J. Baud, Op. Cit., p.553

    * 88 Il s'agit d'une unité opérationnelle intégré au Jihad Aman, qui est le service de sécurité qui est également en charge de traquer et de punir les éventuels hérétiques, les palestiniens collaborant avec l'autorité palestinienne

    * 89 Responsable militaire du Hamas dans la bande de Gaza

    * 90 P.W Singer, Children at war, Pantheon, 2005

    * 91Israelis stop boy wearing bomb vest, mis en ligne le 24 mars 2004 sur http://www.usatoday.com/news/world/2004-03-24-young-mideast-boy_x.htm

    * 92Palestinian teen stopped with bomb vest, CNN World, mis en ligne le 25 mai 2004 sur http://articles.cnn.com/2004-03-24/world/young.detainees_1_israeli-airstrike-israeli-soldier-palestinian-security-sources?_s=PM:WORLD

    * 93L,Gayer, Pakistan: Du désordre à la guerre civile, IFRI, février 2009, p.7

    * 94 S. Nawaz, FATA- A most dangerous place. Meeting the challenge of militancy ant terror in the Federally Administered Tribal Areas of Pakistan, Center for Strategic and International Studies, janvier 2009, p.VI

    * 95 S. Metz, « La guerre asymétrique et l'avenir de l'Occident », Politique étrangère, vol.68,n°1, 2003, pp.25-40, p.27

    * 96Chara Latu Hogg, Op. cit., p.20

    * 97Chara Latu Hogg, Op. cit., p.18

    * 98 University Teachers of Human Right Watch (Jaffna) Sri Lanka, Children Conscription and peace: a tragedy of contradiction, Special report n°16, 18 mars 2003

    * 99J. Israel, BBC Interview with Hussam Abdo, Arab Suicide Bomber, Age 15, Who Didn't Push the Button...,mis en ligne le 18 juillet 2004 sur http://emperors-clothes.com/interviews/abdo.htm

    * 100 Une des branches armées du Fatah

    * 101 Singer, Op. cit.,p.113

    * 102O. Waraich Taliban running school for suicide bombers, The Independant World, mis en ligne le29 juillet 2009 sur http://www.independent.co.uk/news/world/asia/taliban-running-school-for-suicide-bombers-1764028.html

    * 103 Soustraire une personne à l'autorité de ceux qui en ont la garde

    * 104 S. A. Carter, Taliban buyind child for suicide bombers, The Washington Times, mis en ligne le 2 juillet 2009 sur http://www.washingtontimes.com/news/2009/jul/02/taliban-buying-children-to-serve-as-suicide-bomber/

    * 105C. O'Shea, Nato accuses Taliban of using children in suicide missions, The Gardian, mis en ligne le 23 juin 2007 sur http://www.guardian.co.uk/world/2007/jun/23/afghanistan.uknews4

    * s Suicide attacks in Afghanistan...Op. cit.,, p.65

    * 106 E. Pavey, « Les kamikazes...Op.cit.

    * 107C. Lata et J. Batticaola, Sri Lanka:Suicides Bombers, mis en ligne en juin 2000 sur http://www.essex.ac.uk/armedcon/Countries/Asia/Texts/SriLanka011.htm

    * 108Singer, Op. Cit.,p.116

    * 109J. Baud, Op.cit.,p.558

    * 110Singer,Op. Cit., p.115

    * 111 Afghanistan, Martin Bell reports on children caught in war, UNICEF, mis en ligne en octobre 2007, p.2

    * 112 S.H Tajik, Insight into a Suicide Bomber Training Camp in Waziristan, CTC SENTINEL, mis en ligne en mars 2010 sur http://www.ctc.usma.edu/sentinel/CTCSentinel-Vol3Iss3

    * 113Singer, Op. Cit., p.2

    * 114 S.H Tajik, Op. Cit.

    * 115I. Firdous, What goes into the making of a suicide bomber, The express Tribune, mis en ligne le 20 juillet 2010 http://tribune.com.pk/story/28976/what-goes-into-the-making-of-a-suicide-bomber/

    * 116Les attentats suicides sont en hausse de par le monde, d'après les experts, Amrica.gov, mi en ligne le 22 octobre 2007 sur http://www.america.gov/st/washfilefrench/2007/October/20071022125357dmslahrellek0.9667017.html

    * 117Ibid

    * 118 Ibid

    * 119Singer, Op. Cit., p.105

    * 120Lieutenant Colonel Lillian A. James O'Neal, Op. Cit., p.12

    * 121Singer, Op. Cit., p.115

    * 122A. Lehaz, 41 dead as suicide blast hits northwest Pakistan, AFP, mis en ligne 12 octobre 2009 sur http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5hmW-7E-he09DFvg3gq5inLcspUJQ

    * 123UN pressed to investigate taliban's use of children as suicide bombers, CNS News, mis en ligne le 8 juillet 2009 sur http://www.cnsnews.com/news/article/50696

    * 124 E. Benmelech et C. Berrebi,» Human Capital and the productivity of suicide Bomber», dans Journal of Economic Perspectives, vol.21, n°3, été 2007, pp.223-238, p.232

    * 125 Seul la Somalie, qui n'a plus de gouvernement depuis 1991, et les Etats Unis ne l'ont pas signé.

    * 126 Sandrine Dekens, Les vulnérabilités des enfants, un concept pour l'action, Texte de l'intervention au Colloque Enfance et Sida, 15 juin 2006 disponible sur http://osi.bouake.free.fr/?Les-vulnerabilites-des-enfants-un

    * 127 Etude non datée disponible sur info.worldbank.org/etools/docs/library/210670/.../ovc.pps 

    * 128Chara Latu Hogg, Op. Cit., p.6

    * 129Ibid, p.6

    * 130 Ibid, p.30

    * 131 C. Mercier, Sri Lanka: avec les enfants soldats rescapés de la guerre, Rue89, mis en ligne le 12/07/2009 sur http://www.rue89.com/2009/07/12/sri-lanka-avec-les-enfants-soldats-rescapes-de-la-guerre

    * 132 E. Sarraj, Israël-Palestine, la déchirure de enfants au front, Le Monde Diplomatique, novembre 2000 mis en ligne sur http://www.monde-diplomatique.fr/2000/11/SARRAJ/14516

    * 133 Ibid

    * 134Chara Latu Hogg, Op. cit.,, p.6

    * 135  Tu as le droit d'être protégé conte la guerre , Jeunes Journalistes Belgique, mis en ligne le 22 février 2010 sur http://www.jeunesjournalistes-belgique.net/index.php?option=com_content&view=article&id=653:l-tu-as-le-droit-detre-protege-contre-la-guerre-r&catid=68:les-enfants-soldats&Itemid=111

    * 136World: South Asia. The child bombers of Sri Lanka, BBC news mis en ligne le 28 juillet 1998 sur http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/139757.stm

    * 137Chara Latu Hogg, Child Recrutment in south Asian conflicts. A comparativ Analyse, p.18

    * 138 Enfants soldats, Rapport mondial 2004, La Coalition pour mettre à l'utilisation d'enfants soldats, Londres, 2004, p.21

    * 139 Psychologue qui a travaillé en Palestine avec différentes organisations internationales

    * 140Ces entretiens sont disponibles dans S. Mansour, Des enfants et des pierres, Enquête en Palestine occupée, Les Livres de la REP, Paris, 1989

    * 141S. Mansour, « La génération de l'Intifada », Revue Culture et Conflits, La violence politique des enfants, mis en ligne le 24 avril 2003 sur http://conflits.revues.org/index455.html, p.4

    * 142Ibid, p.5

    * 143 J. Reid Weiner, Use of Palestinian Children in the al-Aqsa Intifada: a legal and Political Analysis, Jerusalem center for public affairs, mis en ligne en novembre 2000sur http://www.jcpa.org/jl/vp441.htm

    * 144 Global Report 2004, Op. cit., p.22

    * 145 Bulletin DEI, vol.ç n°2, p.14-15

    * 146 Ibid, p.375

    * 147 Ibid, p.27

    * 148 Président de l'Etat islamique de transition d'Afghanistan, Décret 25, 25 mai 2003

    * 149 Global Report 2008 - Afghanistan, Coalition to stop the use of Child soldiers, p.2, http://www.child-soldiers.org/regions/country?id=1

    * 150 Le petit guide du parfait tâleb, Bassirat.net, mis en ligne le 19/12/2006 sur http://www.bassirat.net/Le-petit-guide-du-parfait-taleb,1643.html

    Ce site propose la liste complète des 30 commandements en langue française

    * 151 Global Report 2008, Op.Cit, p.3

    * 152 E. Pavey, Op.cit., p.7

    * 153H. Shanthikumar, «The Tamil Tigers martyrdom in Sri Lanka: faith in suicide for nationhood», The Politic and Religious Journal, Sarajevo, 2/2007, pp.131-142, p.131

    * 154P. Schalk, The veneration of the martyr by the LTTE, mis en ligne sur http://www.tamilcanadian.com/page.php?cat=&id=1394

    * 155A. Perry, How Sri Lanka's Rebell build a suicid bomber, Time, mis en ligne le 12 mai 2006 sur http://www.time.com/time/world/article/0,8599,1193862,00.html/

    * 156Singer, Op.cit., p.113

    * 157 A. Daraghmeh, Palestinians Outraged by Recruiting of Children for Attacks on Israelies, Free Republic, mis en ligne le 29/02/04 sur http://www.freerepublic.com/focus/f-news/1087924/posts

    * 158 Suicide attacks in Afghanistan (2001-2007), p.35

    * 159 P. Larzillière, Le « martyr » palestinien, nouvelle figure d'un nationalisme en échec », dans A. Dieckhoff et R. Leveau, Israéliens et Palestiniens : la guerre en partage, Paris, 2003, pp.80-109, p.80

    * 160 F. Géré, Volontaires de la mort : les raisons de l'absurde, Libération, paru le 29 août 2001 sur http://www.liberation.fr/tribune/0101384646-volontaires-de-la-mort-les-raisons-de-l-absurde

    * 161Insight into a Suicide Bomber Training Camp in Waziristan, by S.H Tajik, in CTC SENTINEL, http://www.ctc.usma.edu/sentinel/CTCSentinel-Vol3Iss3

    * 162K. Lakshman, Islamist radicalization and developmental aid in South Asia, Danish Institute for International Studies, p.16

    * 163 Suicide attacks in Afghanistan, p.29

    * 164 K. Lakshman, Op.cit., p16

    * 165Chara Latu, Op.cit, p.15

    * 166J. Baud, Op. Cit., p.555

    * 167Singer, p.7

    * 168J. Israel, BBC Interview with Hussam Abdo, Arab Suicide Bomber, Age 15, Who Didn't Push the Button..., lien internet: http://emperors-clothes.com/interviews/abdo.htm

    * 169Israelis stop boy wearing bomb vest, lien internet: http://www.usatoday.com/news/world/2004-03-24-young-mideast-boy_x.htm

    * 170Incitation à l'idéologie islamique radicale et à la culture du terrorisme anti-israélien auprès des enfants de maternelle de la bande de Gaza, Centre d'information sur les renseignements et le terrorisme au Centre d'étude spéciale (CES), mis en ligne le 6 juin 2007 sur http://www.terrorism-info.org.il/malam_multimedia/fr_n/pdf/islam_assimilation.pdf

    * 171Cette configuration forme l'emblème des Frères musulmans

    * 172Ce qui signifie en arabe Dieu est le plus grand

    * 173les Brigades Izzedine al-Qassam

    * 174Lien internet pour accéder au site http://al-fateh.net/

    * 175 F. Lahar, Op. Cit., p.305

    * 176 Pakistan: Child Suicide bombers « victims of the most brutal exploitation », IRIN, mis en ligne le 9 septembre 2010 sur http://www.irinnews.org/report.aspx?ReportId=76701

    * 177 Singer, Op. cit., p.110

    * 178 Singer, Op. cit, p.110

    * 179 L'âge de la puberté chez un garçon peut varier entre 12 et 15 ans






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