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La résolution juridique du conflit au Darfour : mise en perspective de l'état de la justice pénale internationale

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par Mohamed HAMDANI
Université Panthéon-Assas Paris 2 - Master 1 de science politique 2010
  

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Chapitre 1 : Evaluation des freins institutionnels à l'autonomisation de la Cour

Pénale Internationale 23

Section 1.1) Le processus politique de résolution du conflit au Darfour : chronologie d'un échec...........................................................................23

Section 1.2) L'instabilité du Conseil de Sécurité des Nations Unies : le décalage

entre la résolution 1593 et les divergences idéologiques........................... 25

6

Chapitre 2 : La mise en application des sanctions juridiques dépendantes des Etats : la politisation de la justice pénale internationale dans le cas du conflit au

Darfour ..28

Section 2.1) L'incapacité de prévention, d'application et de finalisation de la

Cour 28

Section 2.2) De la position de l'Union Africaine à l'africanisation de la Cour : rupture avec le « double standard » et solution à la contrainte

politique ? 30

Titre 2 : Solutions politico-institutionnelles nécessaires à la continuation de

l'exercice des compétences de la Cour 31

Chapitre 1 : L'hypothèse de la responsabilité de protéger comme principe

complémentaire de la Cour pénale internationale .32

Chapitre 2 : La relation entre la Cour Pénale Internationale et les Etats-Unis : l'impossible résistance étatique à l'idée d'une universalisation de la justice pénale

internationale ? 35

Conclusion générale 38

Bibliographie .39

Annexes .43

7

INTRODUCTION GENERALE

Le phénomène d'universalisation de la justice pénale internationale est en adéquation avec les récentes violations des droits de l'Homme par des chefs d'Etats en exercice1. En cela, le cas du Soudan s'inscrit directement dans cette tendance et constituerait un laboratoire d'analyse desdites violations. Au regard de l'écart entre la recrudescence des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies concernant la situation au Darfour2 et de leur efficience sur le terrain, les Etats, représentatifs stricto sensu de l'émanation des décisions politiques, ont été conduits à s'atteler à des décisions d'ordre juridique, concernant le maintien de la paix et de la sécurité internationales3. La Cour pénale internationale (CPI) verrait ainsi son rôle renforcé concernant la mise en oeuvre des sanctions allant à l'encontre des auteurs de violations des droits de l'Homme. Néanmoins, le droit, et plus particulièrement le droit international, est confronté à un obstacle majeur qui n'est autre que le politique, d'où l'expression anglo-saxonne « peace versus justice »4. Le cas du conflit au Darfour constitue une mise en perspective du positionnement de la justice pénale internationale sur l'échiquier international, qui selon un nombre important d'auteurs serait partagé autour du débat « réalistes contre libéraux ». Qu'en est-t-il de ce débat ? Le réalisme voit la structure politique du Monde comme n'étant composé que d'Etats souverains n'oeuvrant ainsi dans une logique hobbesienne que pour leur survie et mus par le maintien de l'équilibre des pouvoirs5. Dès lors, la justice pénale internationale verrait son rôle limité et dépendant uniquement des Etats-nations. D'un autre côté, les libéraux acceptent l'idée d'une « transnationalisation » des frontières, ainsi que d'une justice qui serait indépendante des Etats, représentative non pas de ceux-ci, mais des individus qui les composent. La justice pénale internationale aurait donc dans

1 MSNBC Journal: «Flurry of Activity as ICC tackles current wars» (7 avril 2011), concernant l'ouverture d'une enquête par le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo, à l'encontre des « possibles » crimes contre l'humanité commis par Mouammar Kadhafi.

2 Marc Lavergne, « Darfour : un Munich Tropical », in Politique Internationale, 4e trimestre, n°117, p145-171, 2007, qui pointe qu'entre 2004 et 2007, Le Conseil de Sécurité a adopté 12 résolutions, concernant la situation au Darfour (de 1556 à 1769) sans voir de réel résultat sur le terrain.

3 « Le maintien de la paix et de la sécurité internationales » était l'objectif principal de l'Organisation des Nations Unies, sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

4 Bubna Mayank, « The ICC's role in Sudan : Peace versus Justice », Institute for Defense Studies and Analyses, 2009.

5 Dario Batistella, Théorie des Relations internationales, Presses de Science Po, 2e Edition revue et augmentée, 2006.

8

cette situation une meilleure position sur l'échiquier international. Dans une certaine mesure, le cas du conflit au Darfour sera le baromètre qui va nous permettre de mettre en lumière la « santé » de la justice pénale internationale concernant « les crimes de masse », son positionnement sur l'échiquier international, et les avancées qui seront entre autre analysées en rupture de l'ancien modus operandi d'incrimination des auteurs de violations des droits de l'Homme, à l'image des tribunaux ad hoc. En effet, comme il sera étudié, la Cour pénale internationale est une juridiction permanente à vocation universelle qui n'a compétence que des crimes de masses « les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale »6. Dès lors, l'emphase sera mise sur cette juridiction afin d'évaluer le degré d'importance de son rôle dans la résolution du conflit au Darfour. Il convient donc d'opérer une contextualisation historique du conflit afin d'analyser la nature de la réaction de la Cour, les modalités de cette réaction, et l'analyse de son éventuelle émancipation des Etats-nations.

Historique d'une région conflictuelle

Géographiquement, le Darfour, dont la superficie est égale à environ 400 000 km2, est précisément la province Ouest du Soudan7. Le Darfour signifie en langue arabe « la Terre des Fours », ou encore la « Maison des Fours ».8 Cette traduction est importante à souligner pour l'étude du conflit en ce que ce dernier est souvent interprété comme étant de nature ethnique. En effet, les Fours sont les « africains » par opposition aux populations du Nord qui seraient des « arabes » et musulmans, bien que l'ensemble de la population soudanaise soit homogène. Comme il sera fait état, le Darfour fut l'objet d'une confrontation permanente entre les Soudanais africains Four et les Soudanais arabes. Les soubassements de la crise de l'Etat de droit ainsi que de la crise humanitaire sont ancrés dans une histoire remontant à une période antérieure à la colonisation britannique9.

En 1650, le Sultanat Fur fut établi afin de contenir les nomades arabes dont l'objectif était de conquérir cette partie du Soudan. Quant aux 17e et 18e siècles,

6 Préambule du Statut de Rome de 1998, définissant le champ de compétence de la Cour pénale internationale.

7 Voir Figure n°1 : Le Darfour, entre camps de déplacés et énergie à proximité.

8 De Waal, Alex, Who are the Darfurians ? Arab and African identities, violence, and external engagement, African Affairs, 104/415, p181-205.

9 Gérard Prunier, Le Darfour, un génocide ambigu, Edition La Table Ronde, 2005.

9

ceux-ci furent marqué par des confrontations entre ces nomades arabes et sédentaires Fours. Bien que les nomades aient réussis à faire chuter le Sultanat, l'intervention des Britanniques en 1898 permit aux Fours de s'imposer face à l'Etat Mahdiste nouvellement structuré par les nomades, dont les fondements furent basés sur les principes islamiques. Durant la colonisation, le condominium anglo-égyptien, établit en 1916 et qui dès lors contrôlait entièrement le Soudan, décida d'y intégrer la région du Darfour en l'annexant. Néanmoins, l'objectif principal de la Grande-Bretagne dans cette aire géographique fut de stabiliser le sud du Canal de Suez, point stratégique pour le passage de la Navy vers l'Inde, également colonisée. Une préoccupation plus secondaire fut de développer le Nord du Soudan, développement qui est constatable au regard du système ferroviaire performant, des infrastructures et des routes situées au Nord. Entre 1899 et 1956, date de l'indépendance du Soudan, les britanniques s'attachèrent à contrôler le Nord et le Sud, composé essentiellement de chrétiens animistes, qui fut également isolé. Dès lors, le Darfour fut quant à lui totalement « négligé »10 par les autorités anglaises.

La marginalisation politique, économique et sociale du Darfour fut donc un phénomène antérieur à celle qui s'opéra sous le gouvernement post-indépendance du Soudan.

En réalité, ce gouvernement du Nord du Soudan, composé essentiellement d'Arabes et ne représentant que 5% de la population, n'a oeuvré qu'en continuation de la marginalisation opérée par les autorités britanniques. La famine de 1984 accentua cette marginalisation post-indépendance, et conduisit la population du Darfour, dont les trois tribus majoritaires, les Zaghawa, les Fours et les Masalit, à s'organiser pour réagir à celle-ci. Cela déboucha sur la guerre civile de 1987, qui fut caractérisé par l'opposition entre le Rassemblement arabe dont l'instigateur ne fut autre que Sadiq Al Mahdi, premier ministre et les rebelles qui ne furent pas encore institutionnellement organisées. Dans ce contexte, les « Janjaweeds », milices à la portée du gouvernement central dont la caractéristique est d'être à cheval et munis d'armes automatiques, virent le jour pour contenir la rébellion de plus en plus grandissante.

10 De Waal, 2005. Prunier, 2005: Chapitre 3 : « De la marginalisation à la révolte : « l'arabisme » et l'anarchie ethnique 1985-2003 », p101.

10

L'arrivée d'Omar El Bachir au pouvoir le 12 décembre 1999, par la voie d'un « soft coup », obligeant Hassan Al Tourabi de quitter le pouvoir par la dissuasion et la proclamation de l'Etat national d'urgence11, changea la donne concernant la nature du conflit intra-soudanais. Le conflit devint désormais ethnique, de par la division du Darfour, effectuée immédiatement après la prise de pouvoir d'Omar El Bachir, en trois régions : Nord, Sud et Ouest qui selon De Waal, fut « un changement alarmant dans la nature du conflit dont l'ethnie est devenu le facteur principal ». En réaction à cette séparation, les principales tribus darfuriennes institutionnalisèrent leurs capacités politiques et militaires. Le Mouvement pour la Justice et l'Egalité (MJE/ JEM), composé de Zaghawa et Masalit et d'anciens membres dissidents du gouvernement, est basé sur des principes islamiques, alors que le Mouvement de Libération du Soudan (SLM) est un mouvement séculier composé majoritairement de Fours. Le soubassement de ces mouvements fut inscrits dans le « Livre Noir » publié en 2000 (Black Book / Qitab Al Assouad). Les rebelles y exposent la marginalisation et ses conséquences, ainsi que la sous-représentation des populations du Darfour dans les institutions politiques, exposé qui servit de base à la mobilisation des mouvements nouvellement crées12.

L'accentuation de la légitimité des mouvements de rebelles n'est pas sans lien avec le point de non-retour qui fut indubitablement l'année 2003.

2003 : Le point de non retour

En effet, à cette date symbolique, l'attaque de l'aéroport d'Al Fasheir, où se trouve le matériel militaire du gouvernement par les deux mouvements de rebelles, provoqua une réponse par le gouvernement qui fut sans précédent dans l'aggravation du conflit. Le gouvernement soudanais répondit par l'envoi massif de bombardiers Antonov (russes), d'hélicoptères, ainsi qu'à la mise à disposition de matériel aux Janjaweeds, dont la seule motivation fut de s'en prendre à toute personne habitant cette région, indépendamment de sa qualité de soldat ou de simple agriculteur. Ces violations notables du droit international humanitaire et des Conventions de Genève de 1949, et le constat des massacres des populations

11 Prunier, 2005 : Chapitre 4 : « La peur du centre : de la campagne contre-insurrectionnelle au quasi-génocide (2003-2005), p143, où il est expliqué qu'Omar El Bachir force l'ancien guide de la révolution islamique « à démissionner de sa position de Président du Parlement ».

12 De Waal, 2005.

11

ouest-soudanaises provoqua une réaction dans un premier temps régionale. Le président tchadien Idriss Deby entreprit d'accueillir sur son territoire les déplacés et les rescapés des attaques, et de mettre en oeuvre une médiation entre Khartoum et les rebelles, via le cessez-le-feu d'Abéché en 2003. La paix d'Abuja en 2004 sous l'égide de l'Union Africaine (UA) fut également l'une des initiatives majeures dans l'objectif de cesser les hostilités. Cependant, l'opposition des différentes parties ralentissait les processus de paix.

Eu égard à la difficulté du politique à arrêter les combats permanents, les atteintes à la population civile, et dans l'incapacité à faire face à la hausse important du nombre de déplacés, le juridique fut « jugé » nécessaire à la mise en oeuvre d'une solution à l'égard des auteurs des violations des droits de l'Homme, inscrits dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, ainsi que dans le Statut de Rome de 1998. En effet, la CPI se verra « référée » par la résolution 1593 du Conseil de Sécurité du 31 mars 2005 afin de mettre en oeuvre un mandat d'arrêt à l'encontre des différents présumés coupables, essentiellement membres du Gouvernement soudanais. Cependant, il a fallu attendre le mois de juillet 2010 pour qualifier les actes du gouvernement central de génocide, bien qu'un mandat d'arrêt ait été lancé en mars 2009 à l'encontre d'Omar El Bachir. Concernant l'efficience actuelle, seuls deux prévenus, appartenant aux mouvements rebelles, se sont volontairement présentés devant la Cour, en raison de leur responsabilité présumée concernant l'attaque qui causa la mort de 12 soldats de la force hybride UNAMIS13.

Ce déroulé historique permit de constater la difficulté du conflit. Cependant qu'en est-il des modalités de résolution juridique de celui-ci ? En quoi cette décision des Etats à « déléguer » à la Cour le cas du Darfour justifie-t-il l'importance qui est donnée à la justice pénale internationale ? De manière plus centrale, en quoi la résolution juridique du Conflit au Darfour permet-elle de constater une émancipation voire un début d'universalisation de la justice pénale internationale ? Quels sont les freins qui empêchent la Cour Pénale Internationale

13 BBC News, 8 mars 2011 : «Darfur, Sudan Rebels to face ICC war crimes trials» concernant l'attaque préméditée par Abdallah Banda et Saleh Mohammed de forces de maintien de la paix de l'UNAMIS.

12

d'être reconnue comme une juridiction à vocation universelle en matière de sanction des crimes de masses (« mass atrocities ») ? Quelles peuvent être les solutions nécessaires à son émancipation de la tutelle étatique ?

Hypothétiquement, la création de la Cour pénale internationale constitue un changement majeur de référentiel d'incrimination des auteurs de violations des droits de l'Homme. A travers l'étude du déroulé juridique concernant la situation au Darfour, il convient d'affirmer que la place de la justice pénale internationale s'est indubitablement affirmé. Dès lors, cette résolution va indubitablement servir de jurisprudence aux futures incriminations.

Nonobstant, cet effort de punir les crimes de masses, mis en lumière par le conflit au Darfour, n'est pas sans lien avec le politique, politique qui acquiesce progressivement de la nécessité d'un organe supranational pour la résolution juridique des conflits de cette nature, où des crimes de masse ont été commis. Bien que des barrières politiques soient existantes, celles-ci sont de plus en plus minces. De nouvelles logiques, comme l'intervention humanitaire, contrebalancent fortement l'ancien référentiel basé sur la souveraineté des Etats. Dans cette logique, il existe une forte collusion entre le caractère transnational de la Cour et l'intervention humanitaire, au regard des nouveaux modes d'application des décisions juridiques émanant de celle-ci, notamment à travers la notion de « responsabilité de protéger » en réponse à l'incapacité des gouvernements de protéger leurs propres populations.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille