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L'ours des Pyrénées : variabilité des images, place dans le territoire et implications socio-politiques de sa réintroduction.

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par Elise LABYE
Université de Toulouse-Le-Mirail - Master 2 Anthropologie Sociale et Historique 2010
  

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C : Déplacements de frontières

Dans le découpage de l'étagement montagnard la zone intermédiaire correspond à l'hortus et au saltus, autrefois une zone particulièrement domestiquée et considérée comme un espace familier à «l'entre-deux », la zone tampon entre les deux extrêmes. Mais la modification du couvert végétal due à la déprise et à une moindre présence humaine au quotidien, en raison de l'abandon des cultures en terrasses, a quelque peu modifié le statut de cette zone. Une certaine végétation y « reprend ses droits » et les animaux sauvages peuvent désormais la fréquenter avec plus de liberté. Dans les zones de montagne, l'ager a souvent disparu est s'est transformé en saltus pour le pâturage des animaux voire même en sylva. Ainsi, la zone tampon s'est en quelque sorte réduite et donc l'espace domestique et l'espace sauvage semble moins distants l'un de l'autre.

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À Mérens, situé à la limite de la zone intermédiaire, pour certaines personnes issues du milieu agro-pastoral, cette zone, où la déprise se lit le mieux dans le paysage, semble cristalliser des ressentis négatifs. On peut y lire à travers certains vestiges comme les murailles des terrassements les activités agricoles passées. C'est sur cette zone qu'apparaît le plus clairement ce qui semble vécu comme la disparition des résultats du difficile travail réalisé les nombreuses générations qui les ont précédées et qu'ils assimilent souvent à un héritage, un patrimoine qu'ils n'ont pu sauvegarder en quelque sorte, ce qui est peut-être vécu parfois comme la perte d'un support identitaire. Certains ont vu leurs parents cultiver ces zones, eux mêmes ont ensuite fauché le foin à la faux puis les dernières années à la motofaucheuse. Désormais, ce sont surtout des zones de pacage pour les troupeaux du village. Eux qui valorisent plutôt la nature humanisée assistent à « l'ensauvagement » de leur environnement.(voir les photos en annexe)

« Les champs ils étaient jusqu'en haut, tout ce qu'on voit que c'est des bois, c'était des champs et des prés, partout jusqu'aux rochers en haut, jusqu'à 1500m d'altitude et de chaque côté...et maintenant c'est que des bois, des ronces et des saloperies quoi ! [...] y'a des murailles jusqu'en haut... maintenant ça se voit plus, chaque parcelle avait sa muraille. » (Un éleveur retraité)

« Les montagnes, personne n'y fait plus rien...c'est sale... [...] avant c'était tout nettoyé, maintenant y'a plus personne y'a trois éleveurs, ils ne peuvent pas nettoyer toutes les montagnes. » (Un chasseur)

« Comme on l'a trouvé la nature, comme on l'a trouvé on veut la laisser comme ça...c'est-à-dire comme nos parents nous l'ont transmis » (un éleveur)

La présence des ours accentue ce phénomène déjà perçu négativement. Et leur réintroduction souligne selon eux une volonté d'ensauvager encore plus leur environnement alors que c'est précisément contre cet « ensauvagement » que le monde agro-pastoral dans son ensemble se bat. Ce contexte semble accentuer l'inadmissibilité, pour certains, de la présence des ours, symbole du sauvage par excellence, et qui vient effectuer ses prédations jusque dans le village. La modification du statut de la zone intermédiaire et des usages que l'on en fait semble faciliter la possibilité pour les ours de se rapprocher des ruches et des brebis. Les troupeaux paissent désormais au plus près des villages à l'intersaison, et les ours peuvent s'approcher sans être trop à découvert ou risquer une rencontre avec un humain. Ceci pourrait expliquer le fait que l'on dise des ours d'autrefois qu'ils étaient plus craintifs,

différents de ceux de maintenant. Pour les habitants de Mérens, la grande différence c'est que « maintenant on les voit alors qu'avant on les voyait pas. »

« En 2008 on l'a eu pendant quatre jours au milieu des brebis, sans discontinuer, matin, et soir on le voyait, en train de faire des prédations, le lendemain on faisait constater et ainsi de suite ça a duré quatre jours le matin de bonne heure ou le soir à la tombée de la nuit c'était aux portes du village là en face, aux portes du village, on les met là au printemps il vient au garde-manger ». (Un éleveur)

« Les montagnes étaient pas si sales aussi, les gens travaillaient les prés jusqu'en haut alors les ours ils descendaient le moins possible, parce que c'est des bêtes sauvages qui se cachent... (Un chasseur)

« Il est venu à Mérens d'en haut manger une ruche contre une maison et égorger une brebis là au milieu de la route dans le village, non ce n'est pas admissible ça ! (une retraité du service RTM de l'ONF24)

« Mon père avait eu une brebis mangée, il avait vu une patte d'ours au sol mais l'ours n'était jamais venu dans le village » (une éleveuse retraitée)

« Ils ne faisaient pas tellement de dégâts comme là, avant ils les trouvaient qu'en montagne, là il traverse le village maintenant c'est plus pareil ! » (Un éleveur retraité)

Ce ressentiment de la part de certains habitants est encore accentué du fait de la modification du statut légal de l'ours car c'est un animal que l'on ne peut désormais plus chasser de l'espace domestique en l'éliminant physiquement comme cela se pratiquait auparavant. Il y a des personnes qui pensent que l'ours s'est adapté à ce nouveau statut : comme on ne le chasse plus, il a moins peur de l'homme.

« Les ours se tenaient en altitude et quand y'en avait un [...] qui s'amusait à descendre trop bas, ils prenaient les armes et ils s'en débarrassaient ! » (une femme d'éleveur)

« Ils étaient en estive, ils entendaient les plombs de temps en temps et ils avaient peur de l'homme quoi ! » (un éleveur)

Les défenseurs de la réintroduction, estiment au contraire que suite à la déprise agricole le territoire est redevenu propice à la reconstitution d'une population d'ours. Il a donc

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24 Service Restauration des Terrains de Montagne à l'Office National des Forêts.

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pour eux toute sa place dans le territoire puisque les Pyrénées sont désormais beaucoup moins peuplées et les espaces libérés par la déprise agricole beaucoup plus nombreux.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius