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Jeux politiques et développement local. Acteurs et logiques en présence dans la commune d'Ifangni.

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par Kassim Olagouké OROUGBE
Université dà¢â‚¬â„¢Abomey Calavi - Maîtrise 2013
  

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CHAPITRE3 : ANALYSE DES DONNEES

Eu égard aux résultats du terrain présenté ci-dessus, en nous référant à la revue de littérature, à nos connaissances personnelles et aux différentes observations faites sur le terrain, cette partie sera essentiellement consacrée à la confrontation des réalités vécues et des informations recueillies avec les hypothèses de départ en vue de les corroborer ou de les infirmer.

A cet effet, il sera plus pratique de rappeler lesdites hypothèses :

1- La commune d'Ifangni regorge d'acteurs diversement impliqués dans son processus de développement ;

2- La conduite du jeu politique par les acteurs n'est pas de nature à favoriser des actions de développement local efficaces et efficientes ;

3- Les différents groupes d'acteurs contribuent aux actions de développement en intégrant dans le processus leurs intérêts partisans.

Pour les analyses, nous adopterons le modèle structuro-fonctionnaliste de Talcott PARSONS qui n'est en réalité que la combinaison du structuralisme de Claude LEVI-STRAUSSet du fonctionnalisme de Bronislaw MALINOWSKI.

Ainsi, dans un postulat structuro-fonctionnaliste, la commune d'Ifangni peut être considérée comme un système composé de plusieurs éléments (les acteurs de développement) en interaction dynamique dans lequel chacun des éléments joue un ou des rôle(s) spécifique(s) [fonction] qui lui permet non seulement de compter pour le système mais surtout d'influencer le système. Ainsi, comme le stipule Pamphile SEBAHARA (2000), « Les processus de décentralisation et de développement à l'échelon communal mobilisent une série

d'acteurs qui interviennent à des degrés divers et selon des logiques et des stratégies propres » ; la commune est animée par différents acteurs chacun avec ses objectifs et stratégies. Pour ce qui concerne la gestion proprement dite de la commune, les acteurs du premier plan sont le Maire et le conseil communal. Elus par les populations, ces derniers ont l'obligation de définir et mettre en oeuvre, les stratégies nécessaires pour l'amélioration des conditions de vie de leurs mandants. Pour la cause, un (01) Maire, deux (02) adjoints au Maire, six (06) Chefs d'Arrondissement sont responsabilisés par leurs pairs conseillers pour mener à bien cette mission dans la commune d'Ifangni. Sachant que la loi ne leur exige aucun « bagage technique » pour accéder à leur fonction ;compte tenu de la complexité de leur mission, ils sont assistés par des agents qui représentent le bras technique du Maire. Et parlant des agents de la mairie, les informations font état de ce qu'au cours de la deuxième mandature leur effectif a connu de changement en quantité et en qualité. En quantité, l'effectif des agents de la mairie a plus que triplé (un taux d'accroissement de 330,76%) et en qualité, de zéro (0) cadre de catégorie A, on est passé à cinq (05) et d'un seul de catégorie B, on est passé à neuf (09) [voir tableau 4].

De même d'autres acteurs devant accompagner les élus locaux dans leur mission, sont également présents. Le gouvernement à travers quatorze (14) services déconcentrés [voir tableau 5], la société civile représentée par onze (11) Organisations Non Gouvernementales locales [voir tableau 6] et huit (08) Partenaires Techniques Financiers [voir tableau 7].

A la vue donc des résultats ci-dessus, nous pouvons dire que la première hypothèse intitulée : La commune d'Ifangni regorge des principaux acteurs indispensables pour son processus de développement est corroborée ; les élus pour définir et mettre en oeuvre la politique de développement, les agents de la mairie pour les accompagner techniquement, les services déconcentrés pour l'appui conseil, les Organisations de la Société Civile pour la veille citoyenne et les Partenaires Techniques et Financiers pour l'appui institutionnel, organisationnel et autres.

Mais ces différents acteurs jouent-ils effectivement leur(s) rôle(s) ?

En effet, dans un système comportant plusieurs éléments interdépendants, le dysfonctionnement au niveau d'un seul élément peut de manière irrévocable affecter les résultats de tout le système. Dans le cas d'espèce, le système considéré est la commune d'Ifangni et le principal élément du système reste le conseil communal avec à sa tête le Maire. Le bon fonctionnement du système est alors fortement dépendant de la bonne marche des rapports au niveau du conseil communal. Cette bonne marche à son tour est intimement liée à certains facteurs tels la disponibilité des acteurs, leur aptitude et attitude, la pertinence dans la prise de décision, l'objectivité....etc. Mais les résultats de terrain laissent un peu perplexe lorsque 81,03% des enquêtés pensent que les élus communaux ne sont pas disponibles (tableau 9) pour servir la cause de l'amélioration de leur condition de vie. Seulement 47,05% des conseillers vivent en permanence dans la commune (tableau 10). Le Maire, depuis le début de son mandat jusqu'à la période du déroulement de cette recherche, n'aurait passé que deux nuits dans la commune. Ces informations laissent croire que la gestion de la commune, la participation à l'émergence de nouvelles pratiques devant conduire au développement est une priorité de second rang et ne les occupent pas en plein temps. Alors que le poste de conseiller communal, de par ses attributions, ne devrait pas être juste une fonction de représentativité limitée seulement au vote au cours des sessions de conseil communal. On se demande comment un conseiller qui ne vit pas dans une commune pourrait apprécier de manière conséquente les tenants et aboutissants des positions qu'il adopte en session. Un rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement, (PNUD : 2001) estime que: « la principale contrainte du développement est La mauvaise compréhension de lapolitique de décentralisation par une frange importante des acteurs, notammentles exécutifs locaux ». Alors Que peut-on attendre d'un élu qui nesait pas pourquoi il est élu ?

En dehors de la disponibilité, il existe un autre facteur pas le moindre, celui de l'inefficacité des actions pensées et menées dans la commune d'Ifangni ce qui pose le problème du niveau intellectuel des conseillers. Certes, nous n'avons pas pu avoir les détails des diplômes académiques de chacun des conseillers, mais à travers leur profession (tableau 12), nous entrevoyons ce qui peut être leur bagage intellectuel. On apprend même que pour la première mandature, il y avait de conseiller qui ne savait ni lire ni écrire. S'il est convenu que dans tout système démocratique, le peuple choisi librement son dirigeant, il n'en demeure pas moins que tout dirigeant a une mission pas la moindre, pour laquelle certaines aptitudes et attitudes sont nécessaires. On est tenté ici de dire que le choix démocratique ne permet pas toujours au peuple de faire le bon choix. C'est également ce sur quoi Pamphile SEBAHARA (2000) veut tirer notre attention, lorsqu'il déclare : «  Certes, on peut, sur le terrain de la démocratie pure défendre l'idée du choix libre des citoyensélecteurs. Mais le souci d'efficacité et de performance, indissociable de la bonnegouvernance, commande l'encadrement et la rationalisation de cette démocratiedans l'intérêt de ces mêmes citoyens. La démocratie doit s'adapter au réel et lecontexte de sous-développement appelle l'utilisationd'expertises avérées capables de relancer la mobilisation des populations pour undéveloppement local résolument tourné vers le progrès palpable ». Il ajoute : « Le sens de la mission de l'élu n'est pas toujours bien compris. Or, c'est l'interprétationpar l'élu du sens et de la portée de sa mission qui fonde son état d'esprittout au long de son mandat. Qu'est-ce qui motive le candidat à l'élection locale ?A quoi cherche-t-il à accéder ? Qu'est-ce qui expliquent les batailles électorales localessouvent farouches et impitoyables, occasionnant parfois des coups et blessureset déchirant des familles ? Le développement local est une oeuvre citoyenne. C'est cette promptitude à servir la communauté qui maintient la mobilisation intacte même lorsque les moyens d'action font défaut. Malheureusement, on observe dans ce domaine une absence de synergie des élus et le manque d'esprit d'initiative ».

Ainsi, on constate que la qualité de l'homme, les valeurs intrinsèques de l'élu, sa capacité à impacter positivement la condition de vie de ses électeurs comptent pour très peu dans le choix même des candidats ; il faut choisir l'homme qui peut faire gagner.

En face de ce tableau, on serait tenté de se demander qui va alors assurer pour les communes et Ifangni en particulier la route vers le développement. Les agents de la mairie qui font office de techniciens du développement local devront être les premiers acteurs pour travailler à sauver les meubles. Mais le processus de recrutement de ces agents et l'ambiance socioprofessionnelle autour d'eux ne sont pas de natureà leur permettre d'impacter positivement le développement de la commune. Un agent de la mairie reconnait que ce n'est seulement qu'en 2012 que la mairie a commencé par se conformer en matière de recrutement d'agents ; cet aveu est très évocateur ; même si après 2012, certains acteurs soutiennent que le clientélisme et le trafic d'influence ont continué à régner. En plus de ce que l'effectif des agents à la mairie a plus que triplé au cours du second mandat (tableau 4), et que le besoin d'agents s'est brusquement accru en 2013, avec une quinzaine d'agents recrutés spécialement cette année (le mandat des Maires s'achevaient en 2013 n'eut été le prolongement voté par les députés), la productivité de ces agents est largement en deçà des attentes des populations. Certes, on a pu avoir les chiffres par rapport à l'évolution du budget au niveau du service des Affaires financières, mais tous lesenquêtés s'accordent et sont unanimes sur le fait que le budget de la mairie n'accroît pas et aurait même connu une baisse pour l'exercice 2014.

Ce résultat pourrait être également dûau principal redéploiement effectué à la mairie (tableau 16). Sur dix (10) chefs de service, six (06) sont de nouveaux recrus sans expérience. En effet, lorsqu'un titulaire de licence est défait du poste de chef de service et nommé secrétaire d'arrondissement, un nouveau recru titulaire d'un Brevet de Technicien Supérieur (BTS) sans expérience professionnelle remplace un titulaire de Licence avec 5 ans d'expérience au poste ; qu'un nouveau recru, titulaire de Licence en Comptabilité remplace un titulaire de Maîtrise (7 ans d'expérience) en aménagement du territoire, on pourrait penser que ce n'est pas forcément la compétence, le savoir-faire qui est recherché au niveau des agents. Donc il n'y a aucune surprise, quand 71,08% de nos enquêtés (tableau 17) déclarent que les agents de la mairie ne sont pas efficaces et que 77,33% (tableau 18) trouvent que c'est la politique qui est la principale raison de cette inefficacité.

Dans l'Etude de la commune de Réo au Burkina, Mahamadou DIAWARA (2000)aboutità cette conclusion pour laquelle Ifangni ne fait non plus exception :

« à Réo, on peut diagnostiquer une situation de surpolitisation dominée par l'usage systématique par les politiciens des institutions, des ressources matérielles et symboliques locales pour alimenter leurs stratégies d'accession et de maintien au pouvoir..... Les institutions elles-mêmes atteignent rarement un degré raisonnable de fonctionnalité car leurs gestionnaires sont choisis en fonction de critères d'allégeance et non pas sur leur capacité techniques ».

A partir de cette conclusion on peut dire sans tomber dans aucun piège de jugement que les constats de Mahamadou DIAWARA sont ici valables.Les politiciens sont donc prêts à utiliser les ressources matérielles et symboliques locales pour alimenter leurs stratégies et les institutions (les services et le conseil) n'atteignent jamais un niveau raisonnable de fonctionnalité car leurs gestionnaires (les agents de mairie et les élus) sont choisis non pas sur leur capacité technique mais sur des critères d'allégeance, leur position partisane.

Dans cette situation, les gardiens de temple devraient être à priori les acteurs de la société civile qui sont supposés être impartiaux. Mais dans la commune d'Ifangni, la société civile, par ironie, est qualifiée de société civilo-politique. 83,78% des enquêtés (tableau 19) trouvent que les acteurs de la société civile ne sont pas crédibles et 97,30% de ceux-ci pensent que c'est à cause de la politique. Et pour illustrer cette position, bon nombre d'enquêtés citent le cas du Président du cadre de concertation de la société civile qui est le représentant communal de l'Alliance pour un Bénin Triomphant (ABT), la cellule communale du Mécanisme Africain d'Evaluation par les Pairs (MAEP) dont le Président est un baron du Parti du Renouveau Démocratique (PRD) et celui du responsable de la Cellule de Participation Citoyenne qui lui a été au cours des élections de 2008, candidat sur une liste concurrente à celle du Maire (le MADEP).

Ainsi, notre deuxième hypothèse concernant la qualité des acteurs est aussi confirmée car, on voit clairement que dans un système dans lequel les acteurs n'arrivent pas à respecter les contraintes liées à leur rôle, l'atteinte des objectifs pourrait être hypothéquée et le fonctionnement du système mis à rude épreuve.

La troisième hypothèse qui aborde la prise en compte de manière prioritaire par les acteurs de leurs intérêts personnelsdans la gestion des affaires de la commune,est confirmée à travers les faits mis en exergue. En effet, tous les dysfonctionnements mis en cause à divers niveau de la gestion de la commune n'existeraient si ce n'est pour satisfaire des intérêts inavoués.

Ainsi donc, les informations recueillies font état de ce que les élus ne se préoccupent prioritairement que de comment faire pour conserver ou conquérir le pouvoir; Mahamadou DIAWARA (2009) : « les autorités locales, même si elles s'en défendent, sont paralysées par les contestations auxquelles elles doivent constamment faire face. Habitées par la hantise des coups que peuvent leur porter à tout moment leurs adversaires, elles semblent plus occupées à surveiller ces derniers et à déjouer d'éventuelles manoeuvres qu'à agir dans l'intérêt général » ; les agents de la mairie ne jurent que par leur appartenance à tel ou tel autre parti et les acteurs de la société civile par leur incapacité à faire l'effort d'impartialité indispensable pour bien jouer leur rôle de sentinelles du temple.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"