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Contribution de la culture maraà®chère (échalotes et pommes de terre) aux revenus des exploitations agricoles dans la zone office du Niger : Cas de la zone agricole de Niono


par Awa Drabo
Université Paris-Sorbonne - Master 2 2017
  

Disponible en mode multipage

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    1

    Mémoire du Master 2 Recherche, Mention « Géographie,
    Aménagement, Environnement et Logistique des Échanges»

    Spécialité: Mondialisation, dynamiques spatiales et développement durable dans les pays du Sud

    Awa Drabo

    Année universitaire 2017-2018

    Contribution de la culture maraîchère (échalotes et pommes de terre) aux revenus des exploitations agricoles dans la zone office du Niger : Cas de la zone agricole de Niono

    Source : DRABO A, (Bamako, CAI, Bagadadji km36) Janvier à Avril 2018

    Directrice de mémoire : Madame Florence Brondeau, Maître de Conférences à Paris-Sorbonne

    2

    « La poule connaît l'aube, mais elle attend le chant du coq » (à
    chacun son rôle dans la société) - Proverbe Baoulé.
    Ainsi ceux qui nous nourrissent sont nos agriculteurs et nul ne
    peut se vanter de pouvoir se passer d'eux. Je mangerai que si
    eux le consentent. Négliger ceux qui nous nourrissent, c'est
    littéralement se vider le ventre.

    3

    Dédicaces

    Ë

    - Ma famille, particulièrement à ma soeur jumelle et à mon père, qui ont toujours su comment m'apprendre à donner le meilleur de moi même. Merci à vous.

    - Aux agriculteurs maliens, qui ne lésinent pas dans le don de soi pour nourrir leur famille,

    - Mr Kassoum Denon, que j'admire. Sa carrière professionnelle riche et son acharnement pour le développement de l'agriculture malienne continueront de me fasciner.

    4

    Remerciements

    Retourner dans mon pays pour y découvrir le Mali « profond », a été pour moi une expérience si riche et si belle que je me dois de remercier les personnes qui m'ont aidé de près ou de loin à réaliser ce mémoire.

    Ë

    - Madame Florence Brondeau, Maitre de Conférence à Paris-Sorbonne, qui a accepté de m'encadrer pour ce mémoire et qui m'a conseillé sur des pistes de sujets avant mon départ,

    - Monsieur Kassoum Denon, ex-Ministre de l'Agriculture (2016-2017) et ancien PDG de l'Office du Niger, pour m'avoir ouvert son carnet d'adresses si riche, sa grande expérience ainsi que son incommensurable connaissance qui m'ont permit de réaliser aisément mes enquêtes de terrain et m'a facilité l'accès aux données,

    - Monsieur Mamadou M'baré Coulibaly, Chercheur Agronome et actuel PDG de l'Office du Niger, pour m'avoir introduite dans sa structure,

    - Monsieur Bamoye Ke
    ·ta
    , Directeur de l'Appui au Monde Rural à l'Office du Niger, pour m'avoir facilité la rencontre avec les maraichers et la rédaction de mon questionnaire,

    - Monsieur Mahamadou Issa MAIGA, Chef Division Vulgarisation Formation à l'Office du Niger Ségou, pour son temps et sa patience. Etre accompagné par vous m'a permis de comprendre les codes du monde rural malien. Merci infiniment pour les indications bibliographiques, la transmission de votre savoir et votre grande disponibilité,

    - Aux agents de vulgarisation de l'Office du Niger, Dianka, Dabo, pour leur accompagnement tout le long de mon séjour,

    5

    - Enfin aux maraichers, sans qui la réalisation de ce mémoire n'aurait pas été possible. Merci de m'avoir donné cet amour de votre travail.

    Que tous, trouve ici ma reconnaissance. Merci, de m'avoir guidé tout au long du chemin de ce travail laborieux.

    6

    Sigle

    APD : Aide Publique au développement

    APROFA : Agence pour la Promotion des Filières Agricole

    ARPON : Amélioration de la Riziculture Paysanne à l'Office du Niger

    BNDA : Banque Nationale de Développement Agricole

    CAE : Centre Agro-Entreprise

    CAI : Complexe Agro Industriel

    CEDEAO : Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest

    CMDT : Compagnie Malienne de Développement du Texte

    EDM : Énergie du Mali

    EES : Échalote écrasée séchée

    EST : Échalote séchée en tranche

    FCFA : Franc de la Communauté Financière en Afrique

    IER : Institut d'Économie Rurale

    IPR/IFRA: Institut Polytechnique Rurale de Formation et de Recherche Appliquée

    LOA : Loi d'Orientation Agricole

    ON : Office du Niger

    ONG : Organisation Non Gouvernementale

    OMD : Objectif du Millénaire pour le Développement

    PAFA : Projet d'Appui au Filière Agricole

    PAS : Plan d'Ajustement Structurel

    PCDA : Programme Compétitivité et Diversification Agricole

    PDA : Politique de Développement Agricole du Mali

    PDDAA : Programme Détaillé pour le Développement de l'Agriculture en Afrique

    PFA : Politique Foncière Agricole du Mali

    RTE : Référentiel Technico Économique

    SDDR : Schéma Directeur du Développement Rural

    SOCAFON : Société Coopérative des Forgerons de l'Office du Niger

    URDOC : Unité de Recherche Développement et Observatoire du Changement

    WAPP : West African Power Pool Organization

    7

    Sommaire

    Introduction P8

    I. Présentation générale du terrain d'étude et de la méthodologie d'enquête

    1. État de l'art P13

    2. Approche méthodologique P19

    3. Le delta intérieur du Niger une richesse pour le Mali, mais une zone en

    développement, en proie à des problèmes sécuritaires P28

    4. L'émergence du maraichage dans la zone Office du Niger P34

    5. Présentation générale du maraichage à Niono et l'articulation des cultures de l'échalote et de la pomme de terre dans la zone : Cas des villages de

    Djicorobougou, Foabougou et Bagadadji km 36 P48

    II. Le maraichage source de richesse pour les exploitants ?

    1. Le maraichage une activité auxiliaire pour les ménages P56

    2. Une activité gage de justice sociale et d'équité en genre et en âge P62

    3. Dans un contexte d'urbanisation galopante, le maraichage, perçu comme

    l'aboutissement de l'inéluctable changement des régimes alimentaires P67

    III. Le maraichage de la zone ON : un succès en demi-teinte.

    1. Une pression foncière croissante : germe de la théorie malthusienne ? P72

    2. Des contraintes face à l'accès à l'eau, aux semences de qualité et en quantité,

    et aux engrais P79

    3. La conservation et la transformation : de véritables défis à relever P86

    4. Une commercialisation peu rémunératrice pour les producteurs ainsi que pour

    les autres maillons de la chaine P96

    IV. Perspectives : Immobilisme masqué pour les maraichers ?

    1. Le développement inclusif demeure un leurre pour les exploitants sans

    soutien de l'État P107

    2. Le développement d'unités industrielles et semi-industrielles P118

    Conclusion P128

    Bibliographie P130

    Annexes P137

    8

    Introduction

    L'utilité du maraichage n'est plus à exposer. En France, depuis la loi de santé publique de 2007, il suffit pour s'en rendre compte de regarder les publicités sur les produits alimentaires, conseillant de « manger au moins cinq fruits et légumes par jour » par exemple, pour rester en bonne santé.

    Au cours de notre vie, les fruits et des légumes ne manqueront pas de se trouver dans nos assiettes. L'Afrique n'y fait pas exception, et le maraichage s'y développe à vitesse grand « V ».

    En ce sens, ces dix dernières années, le maraichage connaît une véritable évolution en Afrique de l'Ouest. Entre 2004 et 2014, les productions de fruits et légumes ont augmenté de 50 %1 et ont été accompagnées d'une augmentation des surfaces cultivées (+ quatre millions d'hectares en dix ans). Ceci prouve les avancées de la production de fruits et légumes en Afrique, qui sans conteste est aujourd'hui une activité de rente pour les exploitants (Lalande, 1996). Elle permet certes en partie l'autoconsommation, mais constitue surtout un gage de gain monétaire par sa commercialisation.

    Dans le cas du Mali, l'avancée de cette filière porteuse est très visible dans la zone Office du Niger (ON). C'est un grand bassin de production au Mali, disposant d'eau en abondance et de terres arables. La culture commerciale de légumes s'est inscrite dans le paysage de la zone. En contre-saison, les casiers rizicoles accueillent les échalotes, tomates, gombos, piments, pommes de terre, entre autres. Car les terres de l'ON sont aujourd'hui plurifonctionnelles, basées sur une ou plusieurs activités (Adamczewski, et al 2013). On y trouve des « sols » maraichers (MA) (Pasquier, 1996), des casiers rizicoles (R) ainsi que des parcelles double saison (DS) qui sont occupées par le maraichage ou la riziculture en contre-saison, et par la riziculture en hivernage.

    C'est une activité d'une grande importance ; elle génère un chiffre d'affaires de 30 milliards de FCFA dans la zone ON (FAO, 2010), soit plus de 45 Millions d'euros, avec une prééminence la culture d'échalotes. Spéculation dominante, celle-ci est pratiquée dans toute la zone.

    1 Douet, M (2017) Agriculture : Succès du maraichage en Afrique Francophone, Jeune Afrique, [en ligne] 19 avril 2017.

    9

    Aujourd'hui, c'est une activité commerciale qui s'inscrit dans une activité professionnelle ; c'est la raison pour laquelle elle est qualifiée de maraichage. C'est une activité gage de diversification des activités, d'amélioration des revenus des exploitations agricoles, mais aussi d'amélioration de la valeur nutritionnelle des ménages.

    Elle est relativement récente en zone ON. La coopération entre le Mali et le Pays-Bas a été le véritable catalyseur de son émergence. Leur savoir en la matière a permis de mettre en valeur des potentialités encore aujourd'hui sous-exploitées, et de promouvoir une chaine de valeur maraichère plus moderne.

    L'échalote constitue l'assaisonnement de base dans les plats maliens ; elle est donc très demandée par les cuisinières maliennes. Elle provient à 100% de la zone ON de mars à août. Aujourd'hui, dans un pays comme le Mali, le maraichage est présenté comme une filière d'avenir, capable de relever les défis liés aux problématiques alimentaires, qui sont toujours une réalité. Le pays est toujours victime de la malnutrition et de la pauvreté « ordinaire ».

    En période de soudure, de juin à août 2018, plus de trois millions de personnes seront en situation critique. En d'autres termes, 10 % de la population, si elle n'est pas aidée, n'aura pas de quoi manger jusqu'à la récolte en septembre de cette même année2. L'insuffisance de la production pour se nourrir toute l'année entraine des carences alimentaires.

    En février 2017, un peu plus d'un quart des ménages maliens, soit 25,6 %, étaient en situation d'insécurité alimentaire au niveau national3 (essentiellement dans sa forme modérée, 22 %, contre 3,6 % pour la forme sévère). Ce qui reste considérable dans un pays essentiellement agricole. En ce sens, « la situation nutritionnelle reste préoccupante dans le pays du fait de l'insécurité alimentaire, de l'insécurité civile et de la prévalence des maladies liées aux mauvaises conditions d'hygiène » indique le Food Security Cluster.

    Les défis demeurent donc très nombreux. L'agriculture malienne devra relever le double défi de la sécurité alimentaire ainsi que celui de la sécurité nutritionnelle. Ses exploitants doivent être mis au centre des politiques s'ils veulent éradiquer la faim

    2 Site de l'ON.

    3 ENSAN « ENQUETE NATIONALE SUR LA SECURITE ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE » Février 2017.

    10

    (Brunel, 2017). Le Mali doit assurer une augmentation rapide de sa production agricole afin de pouvoir nourrir sa population, au regard de sa démographie galopante. Il devra également envisager l'inéluctable diversification des régimes alimentaires avec l'émergence des classes moyennes et l'urbanisation croissante, dans un contexte de changement climatique.

    Au delà de la dimension nutritive, le Mali doit aussi se doter d'un système de santé efficace, éduquer sa population, la protéger et la maintenir sur son territoire ; autant de défis difficiles à relever dans un contexte de conflits (au nord et au centre du pays), hypothéquant le développement agricole du pays.

    Ainsi dans la théorie, l'agriculture est mise au centre des préoccupations. On tente de minimiser l'exode rural en menant des politiques visant à améliorer les techniques agricoles en les modernisant et en les réhabilitant, afin d'augmenter les rendements et atteindre une autosuffisance alimentaire.

    Politiquement, des efforts sont faits ; des lois donnent des directives et un cadre stratégique pour le développement agricole.

    Ainsi, les accords de Maputo datent de juillet 2003. L'Union Africaine (UA) et la CEDEAO4 ont adopté le Programme Détaillé pour le Développement de l'Agriculture en Afrique (PDDAA). Il vise une augmentation de 6 % de la production agricole annuelle (Brunel, 2014) ; les pays doivent en outre consacrer 10 % de leur budget national à ce secteur. En ce sens, depuis 2013, le Mali consacre 15 % de son budget au secteur agricole, selon l'ex-ministre de l'agriculture Kassoum Dénon (2016-2017)

    Le Mali s'est également doté d'une loi d'orientation agricole (2006), d'une grande importance pour les plans d'actions de développement agricole. La LOA a été promulguée en 2006 et pause les jalons de la stratégie agricole du Mali. Elle indique les directions à prendre et les actions à mener, et met au coeur de sa stratégie les exploitations familiales et les entreprises agricoles notamment les industries agroalimentaires. Son but est l'accès à une agriculture compétitive moderne et durable, pour des produits de qualité à des prix abordables. Afin de « garantir la souveraineté alimentaire et à faire du secteur agricole, le moteur de l'économie nationale en vue d'assurer le bien-être des populations È (LOA, 2006).

    4 Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest.

    11

    Elle s'appuie sur une gestion décentralisée et un désengagement de l'État au profit des acteurs locaux, LOA donnera lieu notamment à une politique de développement agricole en 2013 (PDA).

    Ainsi, dans un cadre juridique, les objectifs et les plans d'actions sont précisés. La diversification faisant partie de ces objectifs, le maraichage est fortement soutenu en zone ON. De nombreux partenaires de ce développement y mènent des projets pour la valorisation de la chaine de valeur, concernant l'échalote notamment. Toutefois, cette filière reste encore aujourd'hui confrontée à des limites qui conditionnent son développement. En ce sens, depuis 2000, on tente de minimiser la prééminence de cette spéculation et de diversifier l'activité. C'est le cas avec l'insertion de la culture de la pomme de terre. Les colons et l'organe de gestion de l'ON la présentent comme une spéculation d'avenir. Sa consommation est de plus en plus courante au Mali. Les principaux bassins de production sont Sikasso et Kati. Ainsi, 204 000 tonnes de pommes de terre sont produites au Mali, réalisées par plus de 50 000 exploitants familiaux. La région de Sikasso à elle seule a produit 50 % de la production nationale, soit 111 000 tonnes lors de la campagne 2016-20175. La zone ON ne représente encore qu'une infime partie de la production, soit 28 938 tonnes. C'est une culture qui, par les potentialités qu'offre l'ON, pourrait concurrencer le bassin de Sikasso et relever le défi de l'autosuffisance alimentaire du Mali.

    Car aujourd'hui, la consommation de la pomme de terre est telle que la production ne suffit pas pour répondre à toute la demande. Le manque est importé de Hollande ou encore du Maroc.

    L'ON, fort des réussites des autres bassins de production, s'oriente vers un développement de la spéculation dans sa zone, à l'image de l'expansion des terres qui se produit. Lors de la campagne 2012-2013, la production de pommes de terre a été réalisée sur 200,39 hectares, contre 826,8 hectares lors de la campagne 20162017. Les prix sont plus rémunérateurs que d'autres spéculations comme l'échalote, ce qui incite de plus en plus d'agriculteurs à cultiver la pomme de terre. Cependant, l'échalote reste l'aliment le plus cultivé, du fait d'une meilleure connaissance des techniques agricoles et de son accès facilité aux semences.

    5 Elle rapporte entre 10 à 13 Milliards de FCFA aux maraichers de Sikasso. (Plus de 15 millions d'euros).

    12

    En ce sens, dans le cadre de ce mémoire, on se demandera quel est la contribution du maraichage (échalote et pomme de terre) aux revenus des exploitants dans la zone de l'ON ?

    Cette question permettra de mieux cerner les améliorations qu'il a engendrées et les perspectives pour les colons de la zone, mais aussi d'identifier les contraintes auxquelles il fait face. La zone de Niono étant un espace relativement bien documenté, où le maraichage est répandu, les enquêtes porteront sur trois villages dans son périmètre.

    Concernant la démonstration, nous présenterons dans un premier temps le terrain d'étude et la méthodologie adoptée ; dans une seconde partie, nous décrirons les apports du maraichage dans la vie des colons ; dans une troisième partie, nous exposerons les défis auxquels la filière est confronté ; dans une dernière partie, il s'agira d'étudier les perspectives pour cette chaine de valeur maraichère, au Mali.

    13

    I. Présentation générale du terrain

    d'étude et de la méthodologie

    d'enquête

    1. État de l'art

    Le maraichage est une activité qui consiste à produire des légumes. À la différence d'un potager ou d'un jardin, cette production a une visée commerciale, dont le but est d'approvisionner en légumes les villes du pays ainsi que, souvent, celles de la sous-région.

    Aujourd'hui, il est fréquent de trouver dans les villes des pays du nord, mais aussi du sud, notamment en Afrique, une production de légumes dans les zones interstitielles (Alvin, 2015) ou périphériques des villes. Un exemple en est le village de Samanko, ou celui de Baguineda, près de Bamako. On peut alors parler de maraichage urbain, plutôt que d'agriculture urbaine6, qui permet de fournir à ces maraichers un circuit de commercialisation « court ». La zone de production, proche des zones de consommation, procure un véritable avantage comparatif aux maraichers urbains. Cette activité est souvent le reflet de la précarité, du chômage, de la quête d'une sécurité alimentaire et d'une justice alimentaire, dans les villes du sud comme du nord (Alvin, 2015). Si ce maraichage existe dans les espaces urbains il en est de même pour les zones rurales. La superficie disponible permet à ces campagnes de mener un maraichage sur des superficies viables économiquement.

    Le maraichage en Afrique, notamment en Afrique de l'Ouest dans des pays comme le Niger, la Côte d'Ivoire (Bastin, Fromageot, 2007) ou encore le Mali, est une activité complémentaire à la céréaliculture pluviale en zone rurale. Pour cette raison, elle est souvent présentée comme une agriculture de contre-saison.

    S'il est vrai que la pratique de culture de légumes a toujours existé dans ces pays d'Afrique de l'Ouest, il n'en va pas de même pour son caractère commercial, apparu il y a moins d'une quarantaine années. Il s'agissait jusque-là d'un jardinage, dont le

    6 Site: Potage-Toit

    14

    but était principalement l'autoconsommation. On produisait ainsi les condiments nécessaires pour les sauces qui accompagnent le riz, le mil ou encore le sorgho. Progressivement, à partir du début des années 1980, cet aspect commercial a pris de l'ampleur dans des pays comme le Mali. Les politiques comme les exploitants ont pris conscience de son potentiel, donnant lieu à une vulgarisation des techniques culturales, à la création de terres à destination du maraichage (Projet Rétail, 1984) et tout un ensemble de politiques de développement pour la promotion des cultures maraichères.

    Ce changement, ce développement de la dimension commerciale s'inscrit dans un contexte, pour ces pays d'Afrique de l'Ouest.

    I.1.1. L'émergence du maraichage en Afrique de l'Ouest, résultat de la crise des années 1980 et de la libéralisation des marchés africains ?

    En effet, pour les pays dits du sud, dont les pays d'Afrique de l'Ouest, la décennie 1980-1990 représente un changement radical.

    Ces pays s'inscrivent dans un contexte de passage de l'euphorie des années d'indépendance à une décennie de crise, débouchant sur les PAS (Plan d'Ajustement Structurel) du FMI et de la Banque mondiale.

    I.1.1.a. Le basculement dans la crise de la dette

    La plupart des pays d'Afrique de l'Ouest ont obtenu leur indépendance durant les années 1960. La volonté de s'émanciper de leurs colonisateurs s'est souvent traduite par un délaissement du secteur agricole (Brunel, 2014) et par une volonté de s'industrialiser rapidement, passant notamment par la théorie du take off (1960)7 de Rostow. Ainsi, ce processus a, de fil en aiguille, pris une toute autre tournure que la croissance économique. La phase de Big Push inscrit ces pays dans l'ère du volume

    7

     

    Les étapes

    1

    La société traditionnelle, le sous-développement originel (Société agricole, peu de diversité de travail

    2

    Période de réalisation de préalables au décollage : Big Push. Beaucoup d'investissement; pour l'Afrique provenant des occidentaux ou des soviétiques (Période de guerre froide)

    3

    L'économie s'installe dans la croissance

    4

    Progrès de maturité

    5

    L'ère de la consommation de masse, aboutissement de masse

    15

    (JJ Gabas), grâce notamment à des investissements soutenus par les Soviétiques8 ou par les Occidentaux, sous la forme de « basic needs », (l'Aide Publique au Développement : APD). Pour la construction d'infrastructures, la création de grands ouvrages tels que des usines entre autres.

    Ceci a engendré un endettement excessif, difficilement surmontable au vu des contraintes auxquelles ils ont été confrontés. Les étapes d'installation dans la croissance et le progrès vers la maturité n'ont pu être fait. Les sècheresses répétées à partir des années 1970, la mauvaise gouvernance, l'absence d'un marché intérieur solvable pour l'industrie et la faible création d'emplois ont entrainé les pays vers des économies enclavées. Elles ont finalement conduit ces pays vers ce que l'on appelle la crise de la dette, justifiant l'ingérence économique de la communauté internationale lors de cette décennie.

    I.1.1.b. Les Plans d'ajustement structurel, reflets de l'ingérence économique.

    Ainsi, face à cette crise, la réponse et l'aide apportée par les Occidentaux a consisté à « imposer È un plan d'ajustement structurel (PAS), par le biais du FMI et de la Banque mondiale (BM). Les pays endettés ont été invités à adopter une économie de marché, passant par une ouverture des frontières, une flexibilité du marché de l'emploi et par une privatisation des entreprises publiques. La distribution, la fabrication et les services sont alors assurés par un secteur privé ouvert vers le monde extérieur. Les pays exposés à ces PAS ont vu leur APD conditionnée à ce nouveau type de modèle économique. La chute du bloc soviétique a sonné le glas de cette ambivalence économique des pays d'Afrique de l'Ouest. Si l'APD était un véritable outil de guerre lors de l'affrontement des blocs soviétique et occidental, cette période a marqué la diminution progressive des aides, au profit des ONG et en défaveur du secteur agricole. Cela a été le cas pour la Côte d'Ivoire et le Niger par exemple (Bastin, Fromageot, 2007). En effet, entre 1980 à 1999, l'APD à destination du secteur agricole a diminué de 58 millions de dollars, contre une hausse de 23 millions de dollars pour le secteur des services et infrastructures sociales au Niger. Le processus est le même en Côte d'ivoire : à la même période, l'APD à destination du secteur agricole a baissé de 21 millions de dollars, contre une hausse de 123

    8 Morabito « L'Office du Niger au Mali, d'hier à aujourd'hui », journal des africanistes, 1977.

    16

    millions de dollars pour les services et infrastructures sociales. Ainsi, depuis le début des années 1990 et encore aujourd'hui, le modèle qui prime est celui de l'Occident, à savoir l'économie de marché.

    Au Mali, celle-ci aboutit notamment à la restructuration de l'ON9 en 1994. Le désengagement de l'État en devient le maitre-mot, en faveur d'une certaine libéralisation des secteurs, notamment agricole. C'est le résultat net d'un rapport de force entre des bailleurs de fonds et l'État malien. En effet, les interventions des bailleurs de fond sont conditionnées à une restructuration complète de l'ON (Kuper, Tonneau, 2002), basée sur la libéralisation du secteur et le désengagement de l'État aux activités agricoles de l'ON. Ainsi, le secteur libéralisé s'est ouvert à d'autres politiques, comme la diversité culturale face à une riziculture dominante en déclin (Kuper, Tonneau, 2002), du fait d'un soutien d'experts occidentaux. Les projets ARPON (Amélioration de la Riziculture Paysanne à l'Office du Niger) et RÉTAIL en donne de bons exemples. Le premier, néerlandais et le second, français, ont été les premiers bailleurs de fonds à aider le Mali dans cette phase de transition, en réaménageant des parcelles mais aussi en réhabilitant le réseau hydraulique en zone ON. Des formations et des appuis conseils ont également été mis en place dans le cadre de ces différents projets. Leur principal but reposait sur la volonté de libéraliser la paysannerie de l'ON, tout en incitant la création d'un partenariat entre les différents acteurs (Touré, ZANEN, Koné ; 1997).

    Des auteurs comme Bastin et Fromageot nuancent néanmoins cette ingérence, gage du développement du maraichage en Afrique de l'Ouest.

    I.1.1.c. Le développement du maraichage, une volonté des exploitants en premier lieu.

    Il est vrai que le développement du maraichage en Afrique de l'Ouest s'est inscrit dans un contexte de restructuration et de politique en faveur de la libéralisation des activités mais aussi et surtout par la volonté des paysans de diversifier leur activité principale, la céréaliculture. Cela est dû aux nombreuses contraintes auxquelles ils font face, en raison du désengagement de l'État, de la pression foncière induisant un morcellement des parcelles, qui passent en deçà du seuil de viabilité économique,

    9 Voir, la sous partie I.3.2.d. Le renouveau de la zone ON.

    17

    mais aussi d'une irrégularité pluviométrique... Autant de contraintes qui mettent à mal les rendements. Ces exploitants sont donc confrontés à la mise en péril de leur activité de subsistance, les poussant à chercher une activité complémentaire, qui souvent est le maraichage. Ainsi, son développement est le résultat d'une volonté endogène et non pas seulement d'une contrainte imposée par des acteurs exogènes (Bastin, Fromageot, 2007). Les nombreux atouts que confère cette activité poussent les exploitants à la pratiquer. Les recettes engendrées aujourd'hui par le maraichage en zone ON10 excèdent largement celles de la riziculture, ce depuis 2002 (Kuper, Tonneau, 2002).

    I.1.2 Une activité étudiée depuis le début des années 1980.

    Du point de vue bibliographique, les études sur le maraichage au Mali sont constituées d'ouvrages relativement récents. Les plus anciens datent du début des années 1980, et reflètent la prise de conscience récente du potentiel de cette activité en Afrique par les experts. Cette filière est au départ présentée à l'ON comme une activité de femmes (Correze, 1988 ; Lalande, 1989), qui en font leur activité principale, gage de justice sociale. Progressivement, le maraichage est toutefois apparu comme une activité réellement rentable en zone ON. Il s'agit de l'activité principale en contre-saison ; elle est pratiquée autant par les femmes que par les jeunes et les hommes (Kuper, Tonneau, 2002). La principale zone de production en zone ON pour le maraichage et la plus fréquemment étudiée est la zone de Niono. Son chef-lieu, Niono, est désenclavé depuis 1984, grâce à la création d'une route bitumée (Ghazi, 1993). Celle-ci a permis d'agrandir le marché de commercialisation, et d'approvisionner (notamment en échalotes) des villes comme Bamako, Ségou, et même des villes de la sous-région. Le maraichage en zone ON fait forcément référence à l'échalote. Elle domine dans la région, et ce de tout temps. Si le plateau dogon est l'un des principaux producteurs (Meyer, 2011) la zone de l'ON l'est également. En ce sens, des études ont été menées sur le sujet (Mémoires, Rapports, Doctorats, etc.), concernant la production, la conservation et la transformation ainsi que la commercialisation (Dembélé, 1992). De nombreux projets ont accordé des aides pour l'amélioration et le développement de la filière (PCDA,

    10 Recette en 2017 du maraichage qui avoisinerait les 27 milliards de FCFA (plus de 41 Millions d'euros) selon les indications du PDG de l'ON : Mamadou M'Barré Coulibaly.

    USAID11, WAAPP, NIETA CONSEIL, PROJET RETAIL...). Le « cheval de Troie » qu'est la fluctuation des prix a engendré l'émergence d'études pour la conservation, mais aussi la transformation de l'échalote fraiche, plus précisément (Diallo, 2002) afin d'apporter de la valeur ajoutée à cette spéculation.

    Cette spécialisation de la zone ON dans la culture de l'échalote peut constituer un risque. En ce sens, des projets tels que le Centre Agro-Entreprise (C.A.E.), un projet de l'USAID, incitent à la production d'autres cultures. Ce processus qui pourtant est en marche depuis plus d'une vingtaine d'années. C'est le cas par exemple pour la pomme de terre. Elle a été introduite depuis bientôt une vingtaine d'années en zone ON, afin de diversifier la production, mais également diversifier aussi les bassins de productions. Afin de la sécuriser cette zone et permettre de répondre à la demande nationale. Des projets comme le WAAPP soutiennent cette filière « d'avenir » : Avec le développement par exemple de la filière semencière pour un meilleur approvisionnement et une indépendance vis- à- vis des commerçants importateurs de semences, qui ont le libre décident du prix de la semence. En raison de leur monopole, indique M. Koumare, de l'ONG Suisse contact.

    Sécuriser la production nationale de pommes de terre, c'est un pas en avant vers la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire.

    Cette culture fait actuellement partie des habitudes alimentaires des Maliennes.

    18

    11 Agence des États Unis pour le développement international.

    19

    I.2. Approche méthodologique

    Le but de cette étude est d'évaluer la contribution du maraichage à l'amélioration des revenus des exploitants dans la zone de Niono. Cette activité est présentée dans bon nombre d'ouvrages comme une activité de genre, qui permet aux ménages de la couche vulnérable de sociétés traditionnelles comme celles que l'on trouve au Mali, de disposer d'un complément de revenus. Mais ce complément est-il véritablement significatif ? Permet-il à ces ménages aux revenus modestes de miser uniquement sur le maraichage ?

    La spéculation dominante en zone ON, à savoir l'échalote, et la spéculation d'avenir, la pomme de terre, sont les exemples pris lors de cette étude pour examiner l'impact réel de cette activité sur les exploitants de Niono.

    I.2.1 Collectes de données.

    La collecte de donnée s'est déroulée du 8 janvier au 15 avril 2018.

    I.2.1. La recherche bibliographique

    Ce mémoire s'appuie essentiellement sur des ouvrages du service de documentation de l'ON, à Ségou. Il s'agit notamment d'ouvrages sur le cadre général et historique de l'ON, de sa création, en passant par les phases de restructuration, à nos jours. Ce sont aussi des ouvrages techniques sur le réseau hydraulique de toute la zone ON. Le service de documentation a également permis l'accès aux différents bilans de campagne, notamment celle de 2016-2017.

    Ensuite, l'URDOC, aujourd'hui devenue « Nieta Conseil », dispose d'une bibliothèque riche de rapports, de mémoire sur le maraichage en zone ON. C'est grâce à cela que les multiples rapports sur les spéculations telles que l'échalote étaient disponibles. En effet, l'échalote, contrairement à la pomme de terre, a fait l'objet de nombreuses études en zone de Niono, dans le cadre de projets comme ARPON ou Rétail. Des mémoires de fin de cycle traitent également cette question. L'échalote et sa problématique de conservation constituent ainsi une thématique fortement documentée. Quant à la pomme de terre, elle a certes été moins étudiée, mais la bibliothèque a permis le cadrage historique de cette nouvelle spéculation.

    20

    I.2.1.b Les entretiens

    Les acteurs

    Nombre de personnes

    Prévu

    Réalisé

    Maraichers dans la zone de Niono

    (Questionnaire)

    53

    53

    Commerçants (Intermédiaire, grossiste

    détaillant) à Niono et à Bamako
    (Questionnaire)

    10

    6

    Personnel d'encadrement de l'ON

    5

    3

    Fournisseurs d'engrais (TUGOUNA, DPA)

    2

    1

    Consommateurs (Questionnaire)

    20

    12

    Syndicat

    2

    0

    Structure industrielle (CAI) de Modibo

    Keïta

    1

    1

    Le but était de comprendre toute la chaine de production de la pomme de terre et de l'échalote, ce à travers les rencontres avec tous les acteurs du maillon, y compris les maraichers.

    Enfin, la recherche bibliographique s'est largement enrichie grâce aux nombreux échanges avec les personnes ressources, notamment M. Kassoum Denon, ancien PDG de l'ON et ex-ministre de l'Agriculture (2014-2016), M. Mamadou Baré Coulibaly, actuel PDG de l'ON, Mahamadou Issa Maïga, chef de division vulgarisation formation à l'ON, M. Bamoye Keïta, directeur de l'Appui au Monde Rural et M. Aly Badra Koumaré, coordinateur régional PAFP Ségou. Ces derniers m'ont donné accès à des données très essentielles, riches et complétant les documents des bibliothèques, à travers notamment le partage d'indications bibliographiques mais aussi les documents numériques et ouvrages prêtés. Au-delà des ouvrages partagés, ils m'ont permis de comprendre et de prendre en compte certaines subtilités liées à mon sujet.

    21

    Cette recherche bibliographie préalable m'a permis de cerner le sujet (le terrain, la thématique, les enjeux...) afin d'aboutir à la réalisation d'un questionnaire de trente-neuf questions auprès de maraichers de la zone de Niono.

    I.2.2 Choix de la zone de Niono, des villages et de l'échantillon

    I.2.2.a La zone de Niono

    Carte du Mali, spécifiant le cercle de Niono dans le pays

    Source : Wikipédia

    La zone de Niono est située administrativement dans le cercle de Niono, région de Ségou. Son chef-lieu est la ville de Niono, située à 110 kilomètres de Ségou, la capitale régionale. Elle est l'une des sept zones de la zone ON, et l'une des premières à avoir été réhabilitée au début des années 1980. Considérée comme une zone de bonne production (Morabito, 1977), elle dispose, par le biais du projet Retail, de surfaces destinées au maraichage.

    22

    Ainsi, elle est une grande productrice de spéculations telles que l'échalote (URDOC, 1996). Lors de la campagne 2016-2017, elle en a produit 28 000 tonnes sur 800 hectares. Avec des rendements de 35 tonnes par hectare (bilan de campagne 20162017), elle représente le rendement maximal réalisé parmi les sept zones.

    Son ancienneté dans la production de cette spéculation ainsi que la maitrise des techniques culturales, se sont traduites par la notoriété nationale du « Niono Jabani » (échalote de Niono). Toutes les productions écoulées dans les grandes villes proviennent de la zone ON ; même si elles ne sont pas produites à Niono, elles portent le nom vernaculaire de « Niono Jabani », reflet de l'importance de cette zone dans la production d'échalotes. C'est la raison pour laquelle je l'ai choisie comme zone d'étude.

    Elle compte 99 580 habitants dont 49 377 hommes et 50 203 femmes, regroupés au sein de 26 villages.

    I.2.2.b. Les villages pris comme cas d'étude.

    Localisation des trois villages étudiés

    12

    Source : IGN

    Pour soumettre le questionnaire, dans un souci de représentativité et de contrainte de temps qui ne me permettait pas d'enquêter sur l'ensemble des 26 villages, j'ai

    12 Dans les données de l'ON et Administratives des communes, plusieurs dénominations pour le village Djicorobougou/Ndjiékorobougou ou Koulambawéré

    23

    choisi trois villages de la zone de Niono. Mon choix s'est porté sur les villages de Djicorobougou (Kaoulanbawere), de Foabougou et de Bagadadji km36.

    Djicorobougou (Koulanbawere) est le premier village rencontré sur le chemin Ségou-Niono ; il est situé à quatre kilomètres avant l'entrée de la ville de Niono. Contrairement aux deux autres villages, il existait avant la construction du barrage de Marakala et, selon les comptes villageois, avant même l'arrivée des colons.

    Il abrite une coopérative de femmes de 67 personnes. Sa création résulte de l'initiative de la 3ème maire de Niono, KANTE Kadiatou, décédée quelques années plus tôt. Cette dernière, ingénieure dans le secteur de l'élevage, face à l'Ç inactivité » (non rémunératrice) des femmes de son village, a pris l'initiative de solliciter l'ON pour obtenir des terres, afin de permettre aux femmes de son village de s'émanciper et de contribuer elles aussi aux revenus de leur ménage. Elles les obtiennent en 2002. Aujourd'hui, la coopérative dispose de 37 200 hectares. Cette fondatrice a marqué l'esprit de ses villageois, par le caractère inédit de son initiative, ce malgré les menaces des hommes traditionnalistes du village. Aujourd'hui, ils sont conscients des bénéfices que génèrent ces terres de la coopérative. Ces femmes sont désormais des références pour la production maraichère, notamment pour la pomme de terre.

    Ensuite, Foabougou et Bagadadji km 36, sont nés des aménagements de l'ON. Ils ont été créés après la construction du barrage de Markala. L'ethnie et l'origine de leur population sont très hétérogènes.

    Bon nombre de leurs habitants vivent dans ces villages suite aux déplacements forcés de la colonisation et aux deux premières décennies d'indépendance. Progressivement, à ces autochtones déplacés s'est ajoutée une nouvelle population, venue s'installer plus tardivement et volontairement, à la suite de difficultés survenues dans leur localité d'origine (durant la sècheresse de 1984-1985 par exemple). Ainsi, les meilleures perspectives que la zone ON offre par rapport au reste du pays n'ont cessé de les attirer.

    Ces deux villages comptent 447 exploitations (Role de redevance, 2016) : 246 à Foabougou et 201 à Bagadadji km36.

    24

    Ils sont situés après la ville de Niono (Sur la route ségou - Djabali). Foabougou se trouve quatre kilomètre après Niono et Bagadadji km36 est à huit kilomètres de Niono.

    Le choix de ces villages repose principalement sur une logique géographique, basée sur des critères d'accessibilité et de sécurité.

    Ils sont tous trois desservis par la route qui relie Ségou à Niono, et qui continue jusqu'à Djabali (Zone de Kouroumari).

    - Cela permet de mener les enquêtes de manière moins fastidieuse

    - Pour un pays en proie à des problèmes terroristes, cela permet d'être relativement en sécurité, car les villages sont assez proches du chef-lieu, la ville de Niono.

    - Pour les villages de Foabougou et Bagadadji km36, la culture de l'échalote est dominante et y est développée ; des méthodes de conservation de l'échalote y ont été testées (Foabougou).

    - Prendre l'exemple de la coopérative de Djicorobougou était un moyen d'apporter un complément aux données sur la pomme de terre, faiblement produite dans les deux autres villages. Ainsi, il est possible de voir les différentes nuances qui peuvent exister.

    En ce sens, ces exemples avaient pour but de servir de cas d'école pour la zone de Niono et de relater l'essentiel des informations sur le maraichage.

    I.2.2.c. Choix de l'échantillon

    Pour l'échantillon, le choix des personnes questionnées s'est basé sur le rôle de redevance de 2016. Le critère de sélection était la superficie des parcelles, segmentées en trois catégories : plus d'un hectare ; entre un hectare et 0,5 hectare ; moins de 0,5 hectare. Le taux d'échantillonnage est de 10 %. Ainsi, dans le village de Djicorbougou, au sein de la coopérative, 8 femmes ont été questionnées sur les 67 exploitations ; à Foabougou, sur les 246 exploitations, 26 personnes ont été questionnées. Enfin, à Bagadadji km 36, 20 exploitants ont répondu aux questions, sur les 201 exploitations.

    Répartition de la population sondée entre les

    trois villages enquêtés

    Djicorobougou Foabougou

    Bagadadji km36

    38%

    15%

    47%

    25

    Source : DRABO A, D'après les questionnaires d'enquêtes

    Et la population sondée fut répartie comme sur le diagramme ci-dessus entre les trois villages. 15% des personnes interrogées vivent dans le village de Djicorobougou, 47% à Foabougou et 38% à Bagadadji km36.

    Par ailleurs, il a été parfois difficile de questionner les personnes choisies aléatoirement, dans le rôle de redevance, en raison de données non actualisées, de problèmes de disponibilité des maraichers et parfois d'un manque de volonté. Par conséquent, l'enquête s'est basée sur le volontariat des exploitants disponibles pour répondre aux questions.

    Avec grace à l'aide de la présidente de la coopérative Assa Diarra, à Djicorobougou ; dans les villages de Foabougou et Bagadadji km 36, c'est l'agent de vulgarisation de l'ON à Niono, DIANKA, qui nous a introduit.

    I.2. 3. Élaboration du questionnaire d'enquête au près des maraichers

    Le questinnaire d'enquête a ainsi été réalisé au près des populations des villages, cités précédament. Et a été conçu de façon à avoir des données sur :

    · L'exploitant lui même

    · Le lien entre l'exploitant et ces deux cultures maraichères

    · La phase de production

    ·

    26

    La phase de commercialisation

    · Les appuis exogènes apportés à l'exploitant

    · Perspectives

    Ainsi, le questionnaire a été élaboré selon le tableau suivant : Tableau, relatant l'organisation du questionnaire

    Concept

    Dimensions

    Composantes

    Questions

    La contribution de l'échalote et la pomme de terre à l'amélioration des

    revenus des

    exploitations

    Information sur l'exploitant

    Profil de l'exploitant

    1 à 5

     

    6 à 12

     

    Les atouts et les
    contraintes de la culture
    d'échalote et de la pomme
    de terre

    13 et 14

     

    15 à 17

     

    La terre (Superficies, origine de l'attribution foncière, intensité de production)

    18 à 20

     

    21 et 22

     

    23 à 28

     

    29

     

    Client

    30

     

    31

     

    Appuis locaux

    32, 33

     

    34, 35

     

    Les défis

    36

     

    37, 38

     

    39

     

    27

    I.2. 3. Traitement des données

    Le traitement des données issues des questionnaires a été réalisé avec Excel, afin d'obtenir des graphiques. Par ailleurs, le dépouillement a été fait manuellement, à l'aide d'un carnet de notes et d'une calculatrice permettant d'illustrer les données dans des tableaux, retranscrits sur Excel.

    Ensuite, les données issues des rapports et des bilans ont également été traitées sur Excel et Word, pour les graphiques et les tableaux.

    28

    3. Le delta intérieur du Niger une richesse pour le Mali, mais une zone en développement, en proie à des problèmes sécuritaires

    I. 3.1 Contexte géographique

    Carte 1: Le delta intérieur et la zone Office du Niger

    Source : F, Brondeau « Confrontation de systèmes agricoles inconciliables dans le delta intérieur du Niger au Mali ? »

    Le Mali, terrain de notre étude, est un pays enclavé, sans accès à la mer. Il est situé en Afrique de l'Ouest. C'est le huitième pays le plus grand d'Afrique avec ses 1 241 238 km2 (Voir Carte 1). Il est divisé en douze régions : Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudéni et Ménaka13. Et compte 18 000 000 d'habitants en 201614.

    I.3.1.a. Présentation du contexte climatique

    Sur le plan climatique, le pays est traversé par un climat soudano-sahélien caractérisé par une température moyenne élevée, une variation avec deux saisons.

    13 Taoudéni et Ménaka, furent rajoutées au huit autres régions en 2012.

    14 Chiffre de la Banque mondiale.

    29

    L'une est humide (Hivernage) et dure de quatre à cinq mois (juin à octobre) ; la seconde, dite sèche, dure de cinq à neuf mois (octobre à juin). Le climat est caractérisé par une organisation zonale, avec d'une part une zone semi-aride dans le sud du pays, allant jusqu'aux environs de Mopti, à la fin du delta intérieur du Niger. Regroupant un espace subhumide à l'extrême sud (avec des précipitations de 1 200 mm/an), un espace soudanien au centre (des précipitations qui fluctuent entre 600 mm/an et 1 200 mm/an) et un espace sahélien (200 à 600 mm/an).

    Cette zone semi-aride couvre 49 % (610 000 km2) du territoire malien. Les 51 % (632 000 km2) restants représentent la zone saharienne désertique. Elle correspond à la partie septentrionale du pays (régions de Tombouctou, Gao, Kidal Ménaka et Taoudéni). Cette zone est à la limite du Sahara : le climat se caractérise par de grandes irrégularités avec des précipitations en moyenne de 200 mm/an, et une forte amplitude thermique (12°C). Les températures moyennes annuelles y sont les plus élevées.

    Le Mali, avec une superficie supérieure à un million de km2, est confronté à un climat que l'on peut caractériser donc de « rude ». Toutefois, il dispose d'une grande richesse hydraulique, bien que n'ayant aucune façade littorale. En effet, parmi les pays d'Afrique de l'Ouest, c'est le pays disposant de la plus grande réserve d'eau de surface. On l'estime à quinze milliards de m3 d'eau de surface, car il est traversé par deux fleuves : le fleuve Sénégal et le fleuve Niger. Le Fleuve Sénégal traverse le pays sur 900 km (53 % du cours total du fleuve) ; le fleuve Niger, allogène (cf. carte du Mali) parcourt le Mali sur 1 700 km (40 % du cours total du fleuve). (Voir Carte 1) Ce dernier, fleuve a une longueur d'environ 4 200 kilomètres ; c'est le neuvième plus grand fleuve du monde et le troisième plus grand d'Afrique ; il draine une superficie de plus de deux millions de kilomètres carrés, soit un tiers de la superficie de l'Afrique de l'Ouest.

    Il prend sa source à 800 mètres d'altitude, au pied des Monts Loma, à la frontière entre la Sierra Léone et la Guinée.

    A partir de sa source, le cours d'eau prend la direction du nord en traversant l'est de la Guinée, puis remonte vers le Mali en passant par des villes comme Bamako, Ségou, Mopti, Tombouctou, ou encore Gao, en créant un delta entre Djenné et Tombouctou : c'est ce que l'on appelle le Delta Intérieur du Niger. (Voir Carte 1). Ce delta s'étend sur une superficie de 64 000 kilomètres carrés. C'est une région

    30

    naturelle où le fleuve se subdivise en plusieurs bras dans un espace en cuvette, avant de reprendre sa trajectoire en une seule branche.

    I.3.1.b. La densité de population

    Chaque année, à la fin de la période d'hivernage, le niveau de pluviométrie augmente, pouvant aller jusqu'à 144 millimètres, ce qui induit une augmentation du niveau de l'eau et une augmentation de son débit.

    De ce fait, selon l'intensité de la crue, ce delta sera inondé. Entre avril et novembre, la taille du fleuve double. En avril, les savanes herbeuses sur lesquelles paissent les animaux des pasteurs qui suivent l'équateur météorologique laissent place à l'eau, qui inonde toute la savane. Cette abondance et cette permanence de l'eau, très marquée en saison des pluies, fait de cet espace une réelle « oasis naturel dans le désert ». Une telle abondance d'eau dans un espace sahélien si « rude », avec une saison sèche longue et un hivernage court, est singulière.

    Carte : Densité de la population en 2012 par région (Mali)

    Source : Wash Cluster Mali

    Cette alternance de recul et d'inondation du lit majeur en cuvette, par le dépôt de sédiments, rend ce delta fertile ; la faune y est abondante : poissons pour les pécheurs, ainsi que la flore, utile pour l'élevage. Les trois grandes activités dans le

    31

    delta sont la pêche, l'élevage (bovins, ovins et caprins) et l'agriculture. Qui sont permises par les immenses terres arables (2,2 millions d'hectares) faiblement exploitées.

    Tant d'atouts attirent de nombreux acteurs, notamment les populations locales, d'une grande diversité ethnique et très mobiles. Ainsi comme on peut le voir sur la carte ci-dessus, la zone où se trouve ce delta intérieur du Niger, à savoir la région de Ségou, concentre la densité de population la plus élevée du pays. Dû aux fortes opportunités agricoles que procure ce delta, qui ne cessent encore aujourd'hui d'attirer les Maliens, qui pour la plus part vivent dans une grande pauvreté.

    I.3.1.c. Niveau de développement économique

    Carte 2 : Les pays du Monde par IDH entre 2015 et 2016

    Source : ONU

    Et pour un pays qui est placé parmi les pays les plus pauvres du monde. Une telle richesse est si elle est totalement mise en valeur, pourrait être un moyen de lever le levier de la pauvreté. Car le Mali, avec son IDH, est au 183ème rang mondial sur 196,

    32

    avec un taux de pauvreté de 47,2 % en 201515. Près de la moitié de la population malienne ne parvient pas à dépenser les « 177 000 FCFA / an (269 euros), nécessaires pour satisfaire leurs besoins ». Ce sont principalement des ruraux, soit 53,1 % de la population rurale.

    Le milieu rural est l'espace qui souffre le plus du mal développement ; il est touché par l'enclavement, la malnutrition, des problèmes sanitaires et l'analphabétisme. D'après l'Indice de Pauvreté Multidimensionnelle du PNUD, le Mali est le troisième pays le plus pauvre du monde (Meyer, 2011). Ce sous-développement est amplifié par des conflits religieux et ethniques.

    Notamment pour cette zone du delta intérieur du Niger, qui fait face à une crise récurrente, politico-sécuritaire, entre notamment les ethnies Dogons & Peulhs.

    Hypothéquant de plus en plus le développement de la zone, et aggravant l'insécurité de ce qui est essentiel à la survie des hommes : son alimentation.

    I.3.2 Le delta intérieur du Niger une zone de conflit.

    Carte ethnique du Mali

    Source : Jeune Afrique

    15 EMOP 2015/2016

    Le Mali est marqué d'une grande diversité ethnique comme l'indique la carte ci dessus, aux traditions et aux modes de vie bien différents. À l'image du centre du pays, là ou se trouve le delta intérieur du Niger. On y trouve des bambaras (Souvent agriculteurs), des Peulhs (éleveurs) et des dogons (pécheurs). Ainsi, si les conflits intercommunautaires ont toujours existés, aujourd'hui l'émergence de la menace terroriste met à mal la confiance entre ces communautés. Avec la création du Front de libération du Macina en 2015 de Amadou Koufa (Amadou Diallo) dans la zone, des amalgames entre les Dogons et les Peulh principalement, engendre des vengeances qui font des dizaines de morts dans la zone. Ces communautés, autrefois voisines16, ont certes déjà vu s'affronter des nomades peuls et des sédentaires dogons. Mais aujourd'hui, ils s'entretuent et les problèmes de cohabitation s'intensifient, sous fond de suspicions djihadistes de part et d'autre, et font perdre à ces communautés tout sentiment d'appartenance à une même nation. Le ministère des Affaires Étrangères français déconseille d'ailleurs fortement de se rendre sur le territoire malien, dont le centre et le nord du Pays sont placés en zone rouge (« Zone formellement déconseillée »). Le centre du Mali atteint un tel niveau de violence, que depuis févier 2018, suite à « la multiplication des attaques contre des civils et des forces de sécurité dans le nord et le centre du Mali, le Chef d'État major général des armées a interdit la circulation des motos et des pick up dans plusieurs cercles des régions de Ségou, Mopti et Tombouctou » (Jeune Afrique, 2018).

    En ce sens, le centre reste toujours confrontés à de mauvaises productions et à l'insécurité alimentaire, ce malgré le fort potentiel agricole de la région, en termes d'espaces irrigables. Car ce delta intérieur du Niger si connu, a permis de créer ce qu'on appel la zone Office du Niger dont les hommes tirent profits depuis les dernières décennies de la colonisation.

    33

    16 Amadou Hapâté Bâ, (1992) « Amkoulel, l'enfant Peul », Paris, Actes Sud, 534 pages.

    34

    4. L'émergence du maraichage dans la zone Office du Niger

    I.4.1 Présentation de la zone ON : Contexte géographique (superficies, populations)

    Tableau : Démographie de la Zone ON

    Zones

    Nombre de

    villages

     

    Nombre
    d'exploitations

     
     

    Population active

    Population totale

    Population
    totale
    (H+F)

     

    H

    F

    total

     

    H

     

    F

     

    H

     

    F

     

    46

    7

    308

    786

    8

    094

    15

    225

    16

    000

    21

    384

    20

    404

    41

    788

    Kolongo

    60

    9

    164

    476

    9

    640

    13

    620

    10

    219

    22

    784

    10

    695

    33

    479

    Niono

    45

    12

    486

    760

    13

    246

    31

    774

    32

    420

    49

    377

    50

    203

    99

    580

    Molodo

    33

    5

    034

    271

    5

    305

    15

    930

    16

    156

    31

    830

    32

    933

    64

    763

    N'Débougou

    70

    11

    032

    1 226

    12

    258

    25

    095

    26

    861

    39

    510

    42

    064

    81

    574

    Kouroumari

    78

    9

    614

    537

    10

    151

    26

    558

    27

    904

    38

    668

    63

    591

    102

    259

    M'Bèwani

    62

    10

    747

    496

    11

    243

    46

    851

    41

    547

    43

    315

    45

    083

    88

    398

    Total ON

    394

    65

    385

    4 552

    69

    937

    175

    053

    171

    107

    246

    868

    264

    973

    511

    841

     

    Source : Bilan de Campagne de l'ON de 2016-2017

    Ce delta intérieur du Niger a permis l'aménagement d'un périmètre de cultures irriguées (Voir Carte 1). Il est situé à environ 250 km à l'est de Bamako.

    L'ON constitue un potentiel de terres irriguées de 1 947 000 hectares, dont

    35

    1 445 000 de terres irrigables par gravité. Ainsi, depuis la création de l'ON, le 5 Janvier 1932, l'objectif a été d'aménager 960 000 hectares, dont 410 000 hectares pour la culture de coton et 550 000 hectares pour la riziculture.

    Cet objectif, près de 90 ans après, n'est toujours pas atteint. Seuls 131 000 hectares étaient aménagés en décembre 2017, soit 14 % du projet initial.

    C'est donc un espace avec un fort potentiel, qui reste insuffisamment exploité.

    Ainsi, depuis la fin du XXème siècle, ce potentiel identifié, une sècheresse (19831984) dans le pays et un début de changement de gestion de l'ON au début des années 1980, qui aboutit à sa restructuration en 1994, offre de meilleures opportunités à la population, par rapport au reste du pays. La présence de terres, l'abondance en eau et la liberté de production font de la zone ON un espace agricole plus attractif que les autres bassins de production du pays. C'est pour cela que sa population a été « multipliée par cinq entre 1980 et 2008 » (Adamczewski, 2014). Elle compte aujourd'hui 511 841 personnes dont 246 868 hommes et 264 973 femmes, regroupés dans 394 villages, au sein des sept zones que compte l'ON : la zone du Ké-Macina, Molodo, Kolongo, Niono, Molodo, N'debougou, Kouroumari et M'béwani.

    I.4.2 Dimension historique de la création de la zone ON, de la période coloniale, en passant par les années d'indépendance à la restructuration.

    I.3.2.a L'Organe de gestion : L'entreprise Office du Niger

    Ces sept zones de l'ON sont gérées par un organe, dénommé Office du Niger.

    C'est une « entreprise parapublique » initiée par les colons, dans les années 1920, pour la culture du coton afin d'approvisionner les entreprises textiles de la métropole. Après l'indépendance du Mali, l'établissement est mis au centre du développement de la politique agricole du pays et abandonne la culture du coton au profit de la riziculture. L'Office du Niger compte aujourd'hui parmi les plus grands aménagements hydro-agricoles du continent africain (près de 200 000 ha aménagés, près de 500 000 tonnes de riz produit).

    36

    Logo de l'entreprise Office du Niger

    Source : Site ON

    Elle gère les bras morts du fleuve (Défluents), soit la partie occidentale du Delta central nigérien, qui pendant les temps géologiques était traversée par le fleuve, mais s'est progressivement asséchée.

    C'est une des principales zones de production agricole du Mali, connue pour sa production de riz, qui représente la culture dominante de la zone. Dans cette zone du delta intérieur du Niger, trois saisons permettent la culture : L'hivernage, la contre-saison chaude et la contre-saison froide. Le maraichage est une culture favorable à la dernière saison.

    En effet, sa caractéristique ancienne et son potentiel agricole ont été rapidement mis en exergue par les colons, qui n'hésitent pas à investir entre 1928 à 1939 quatre milliards de francs.

    Ainsi, sous l'impulsion de l'administration coloniale française, un ingénieur, Émile Bélime, a l'ingénieuse idée de mettre en place un réseau hydraulique très hiérarchisé, dont le but est d'irriguer la plaine, estimée aujourd'hui à plus de 2 000 000 d'hectares, afin d'en faire un grenier à coton pour la métropole, mais aussi un grenier rizicole pour nourrir ses indigènes (E. Schreyger, 1984).

    37

    I.4.2.b Le réseau hydrologique de la zone ON

    Pour ce faire, un système gravitaire a été créé, basé en amont sur le barrage de Markala, pour réguler l'eau et permettre une maitrise totale de la ressource (Voir carte 2).

    Barrage de Marakala

    Photographie du 10 janvier 2018

    Ce barrage est l'élément central de tout ce système. Sa construction débute en 1934, pour s'achever en 1947.

    C'est un pont-barrage en métal qui mesure plus de 800 m de longueur; c'est l'un des plus grands barrages hydrauliques au Mali. Il a une triple fonction.

    D'une part, comme le montre la photographie, il permet aux populations de se rendre sur la rive gauche du fleuve, où se trouvent les terres de la zone ON ; dans le sens contraire, les habitants peuvent se rendre sur la rive droite, ce qui donne accès aux routes pour les grandes villes comme Ségou à 35 kilomètres et Bamako à 275 kilomètres

    38

    D'autre part, il permet la régulation du fleuve grâce à sa fonction de stockage, qui pallie le déficit en eau durant les périodes d'étiage (période de basses eaux) qui durent de six à neuf mois.

    Sa troisième et dernière fonction, tout aussi essentielle est permanente : il s'agit de la dérivation de l'eau servant à l'irrigation des terres agricoles de toute la zone ON, en élevant notamment la cote de l'eau de 5,5 pour dériver l'eau vers le canal adducteur.

    Ce canal adducteur de 9 km fait prise sur la rive gauche du Fleuve qui, au point A se segmente en trois canaux partant dans des directions distinctes.

    A droite, le canal Sahel, qui à sa prise possède cinq passes et une écluse pour la navigation. Il possède ensuite trois biefs (Points B & C, qui sont mis en eaux). Ce canal alimente ainsi un falla, le falla de Molodo, un défluent.

    Au centre, le canal Costes-Ongoïba possède deux passes sur sa prise.

    Enfin, à gauche se trouve le canal du Macina ; ce dernier possède à sa prise cinq passes également et une écluse pour la navigation. Il fait 20 km et alimente le falla de Boky-Wéré.

    Ces canaux principaux permettent d'alimenter les différents fallas, qui assurent le prolongement afin d'alimenter un réseau de distributeurs, de partiteurs et d'arroseurs, qui par le biais des rigoles, permettent d'irriguer les parcelles de la zone ON par gravité. Un réseau d'évacuation, caractérisé par les drains, existe également. Chaque distributeur, partiteur et arroseur procèdent un drain. Placé toujours en parallèle des canaux d'emmené d'eau.

    Ainsi, la régulation se fait notamment par le biais de rigoles, de vannes plates, modules à masque, de vannes automatiques... Tout ceci permet d'apporter mais aussi de retirer de l'eau (Voir carte ci dessous).

    Enfin, sur la rive droite du fleuve, contournant le barrage, se trouve le canal de navigation, une écluse qui aboutit au fleuve Niger au niveau du village de Thio. Il mesure deux kilomètres.

    39

    Carte

    Source : Géophile

    40

    C'est donc un périmètre irrigué avec un véritable réseau organisé qui met en valeur un système « naturel » déjà existant.

    I. 4 .2.c. L'installation des populations en zone ON

    De ce fait, la mise en valeur de cet espace autrefois abandonné a été repeuplée par les colons, par le biais d'une installation forcée de populations, afin de suivre des directives agricoles. C'est ainsi que du point de vue humain, on y trouve une grande diversité culturelle, un melting-pot d'ethnies : des Bambara, des Peuls, des Maures, des Bozos, des Mossis, des Samogho, mais aussi des réfugiés, comme les Tamachek et des Bellah, venus après les sècheresses des années 1983-1985.

    Par ailleurs, cette relocalisation généralement forcée pendant la période coloniale est l'une des raisons de l'inefficacité du système. Le caractère dirigiste, très encadré, des choix des cultures a modérément incité à l'augmentation de la production les exploitants.

    Les années d'indépendance suivent sensiblement le même processus. Arrivé au pouvoir, Modibo Keita vise l'atteinte de l'autosuffisance alimentaire. Les zones de production se spécialisent. La zone de l'ON est alors consacrée à la riziculture.

    La politique du gouvernement des indépendances inscrit l'agriculture malienne dans une dynamique socialiste collectiviste, dans le but de moderniser le secteur. Cela se traduit par la création de champs collectifs « les Maliforo », qui se révèlent être 30 % moins productifs que les exploitations familiales. Les paysans n'intervenant pas directement dans la prise de décision, les politiques sont alors uniformes et obligatoires.

    I.4.2.d. Le renouveau de la zone ON.

    Outre ce caractère collectiviste et dirigiste de la production, la vente obligatoire de la production à l'État à des prix très bas marque le déclin du secteur. Le pays passe d'exportateur en riz à importateur au début des années 1970, entrainant ainsi une restructuration de l'entreprise étatique chargée de la gestion. Cela marque un véritable tournant dans la gestion de l'office.

    41

    L'État se désengage alors, par le biais tout d'abord du Schéma Directeur du développement Rural (SDDR) en 1991, au profit des paysans qui progressivement sont tentés de produire plus, afin de répondre à des intérêts individuels. Cette restructuration a permis une indépendance et une libéralisation de la profession (ARPON III, 1996)

    L'office du Niger se voit donc relégué uniquement à la gestion du foncier, à travers sa mise en valeur, à la gestion du réseau hydraulique et du développement durable du Delta intérieur du Niger, selon les Articles 1 et 2 du Décret N°2014-0896/P-RM de gérance des terres du réseau hydraulique, affectées à l'ON. Le décret justifie le principe pour l'État malien « d'en faire moins, pour faire mieux ».

    Sur le plan de la production, les paysans se sont vus octroyer des terres suivant des conditions définies par l'Arrêté N°96-1695/DRE-SG du 30 Octobre 1996 du cahier des charges. Il s'agit notamment de terres à destination du maraîchage à partir du début des années 1980.

    Autrefois bannis par l'Office du Niger qui se concentre sur la riziculture, le maraichage et les cultures de diversification se sont imposés de fil en aiguille comme des cultures de rente. La faiblesse des rendements du riz et le déclin progressif de la production ont permis leur émergence.

    La production de fruits et légumes existe en effet en zone ON depuis la période coloniale. Même bannis, les exploitants n'ont pas hésité dès leur installation à mettre en place des jardins de case17. Ils étaient utilisés par les femmes pour produire certains « condiments » de leurs repas quotidiens. Au départ uniquement réalisée en période d'hivernage, la création de rigoles a permis l'arrosage en période sèche. Peu à peu, l'ON, sans l'accepter officiellement, en accordant des superficies pour sa pratique, la tolérait (Sogoba, 1996).

    Progressivement, on est passé d'un jardinage pour l'autoconsommation à une activité commerciale : le maraichage, en raison des nombreux avantages comparatifs de la zone de l'ON, notamment :

    · La permanence d'une source d'eau

    · Le développement de centres urbains locaux, reliés par des voies de communication

    17 Petite parcelle autour de la maison.

    ·

    42

    Le désenclavement de Niono par une route bitumée entre Ségou et Niono (1984) permettant d'avoir des débouchés extérieurs

    · L'arrivée massive des commerçants sur le marché de Niono (le dimanche) et de Siengo (le jeudi), permise par la libéralisation du commerce du riz en 1987. La zone ON est devenue une région très dynamique

    · Le manque de travail des jeunes

    · Une valeur ajoutée forte à l'hectare.

    · Enfin, la volonté des familles de chercher des activités complémentaires à la culture du riz, qui à la fin des années 1970 entre en phase de déclin.

    Ainsi, la production de fruits et légumes est tolérée, au point de réserver dans les années 1980, lors des aménagements des nouveaux villages comme Bagadadji km36 ou encore Foabougou, des parcelles de deux à trois hectares aux alentours de ces villages pour l'activité des femmes. C'est notamment le cas dans le cadre du projet Rétail pour la réhabilitation des terres dans le secteur Sahel (2 800 ha) : des superficies sont réservées par famille pour l'activité maraichère (Sol de maraichage) (Pasquier, 1996).

    De ce fait, le maraichage rentre dans les considérations et les statistiques, et commence à n'être n'étudié qu'a partir du début des années 1980.

    Enfin, au vu des nombreux atouts qu'elle offre, 1997 est l'année de la consécration de l'activité maraichère en zone ON. L'ON donne alors son accord pour que les cultures maraichères passent des parcelles hors casiers et de l'irrigation à partir des puisards, ou des calebasses dans des petites parcelles (2 à 3 hectares pour un village), réservées aux maraichages des femmes, à du maraichage au sein de parcelles aménagées. Ceci permet alors une augmentation des superficies mais aussi de la production et des rendements.

    Cet accord officiel de l'ON à destination des cultures maraichères en contre-saison et à leur réalisation dans les parcelles découle des atouts qu'elles confèrent. C'est en effet une activité de contre-saison moins gourmande en eau par rapport à la riziculture et qui permet de meilleurs rendements pour la riziculture pendant la saison des pluies. C'est en ce sens que les redevances en eau se veulent à présent incitatrices à la culture maraichère. Aujourd'hui, la redevance est ainsi passée de 67 000 (102 euros) à 6 700 FCFA (10 euros) pour les cultures maraichères ; c'est certes

    43

    le résultat du mécontentement des femmes, mais aussi et surtout d'une politique de l'ON pour encourager les exploitants à produire des spéculations en contre saison plutôt que du riz, pour minimiser la pression sur l'eau en période d'étiage dans un contexte de pluviométrie irrégulière et de plus en plus faible.

    Ainsi, cette zone devint un espace très attractif, vecteur d'une multitude d'opportunités qui ne cesse d'attirer les maliens.

    Cette diversification des activités agricoles présente également des enjeux pour le Mali, qui, dans sa quête de souveraineté alimentaire, peut voir dans cette pratique du maraichage une solution irréductible.

    Le pays dispose de nombreux périmètres maraichers ; outre la zone de l'Office du Niger dont le bassin de Bamako (Baguineda, Samako), on trouve la zone de Bandiagara, mais aussi Sikasso qui est la première région maraichère du Mali. Toutefois, la zone de l'ON représente en termes de production maraichère une véritable « cité nourricière ».

    I.4.3. La zone ON, bassin essentiel pour certaines spéculations : Cas de l'échalote et de la pomme de terre

    De nombreuses spéculations commercialisées sur les étals maliens ont pour zone de production le périmètre irrigué de l'ON. C'est le cas de l'échalote par exemple.

    Production de l'échalote en zone lors de la campagne 2016-2017

    Zone

    Désignations

    Échalote/Oignon

    Prévu

    Réalisé

    Niono

    Superficies (ha)

    1 365

    800,00

    Rendement (t/ha)

    35,000

    35,00

    Production (t)

    47 775

    28 000,00

    Total ON

    Superficies (ha)

    8 373

    6 622,78

    Rendement (t/ha)

    33,790

    32,64

    Production (t)

    282 926

    216 140,24

    Source : Bilan de campagne de l'ON 2016/2017

    Lors de la précédente campagne agricole, le zone ON a produit 216 140,24 tonnes d'échalotes. Elle représente la culture dominante dans toute la zone ON (Bilan campagne, 2017). À l'image du logo de l'ON, qui représente une tomate et une

    44

    échalote/un oignon de part et d'autre du triangle, c'est la spéculation maraichère phare de la zone ON. À l'échelle nationale, cela correspond à 70 % de la production nationale (Bamoye Keïta, 2017). En outre, l'échalote produite en zone ON et sur le plateau dogon représente 90 % de la production totale du pays (Meyer, 2011). Il en est de même pour la pomme de terre, prend de plus en plus une part importante, dans la production nationale.

    Production de la pomme de terre en zone lors de la campagne 2016-2017

    Zone

    Désignations

    Pomme de terre

    Prévu

    Réalisé

    Niono

    Superficies (ha)

    130

    15,00

    Rendement (t/ha)

    35,000

    35,00

    Production (t)

    4 550

    525,00

    Total ON

    Superficies (ha)

    910

    826,80

    Rendement (t/ha)

    35,000

    35,00

    Production (t)

    31 850

    28 938

    Source : Bilan de campagne de l'ON 2016/2017

    En effet, si la région de Sikasso est la principale zone de production, la zone ON, tend vers une croissance de sa production de pomme de terre et une expansion des superficies cultivées. Lors de la campagne 2016-2017, la zone ON a réalisé une production de pommes de terre de 28 928 tonnes, sur une superficie de 826,80 hectares contre 200 hectares lors de la campagne 2012-2013.

    La croissance de production de ces deux spéculations, s'explique par l'environnement favorable qu'offre l'ON, notamment les terres irriguées de grande superficie, l'environnement économique avantageux avec la libéralisation du marché, les soutiens aux exploitants des partenaires au développement, permettant aux exploitants de disposer de connaissances relativement modernes liées à la production de ces cultures, comme la technique du repiquage pour l'échalote.

    Néanmoins, malgré ce caractère commun de culture produite en zone ON à forte contribution à la production nationale, l'historique de ces deux produits diffère.

    45

    I.4.4 Historique d'introduction de l'échalote puis de la pomme de terre en zone ON

    I.4.4.a. Introduction de l'échalote en zone ON

    Les dogons auraient été parmi les premiers à faire de la culture de l'échalote une activité commerciale à la fin du XIXème siècle au Mali ; l'insertion du « jaba micéni » (petit d'oignon) est souvent fondée sur des mythes (Meyer, 2011).

    Il est difficile de dater l'introduction de l'échalote en zone ON, mais son ancienneté va sans dire. Son histoire est à tout point de vue liée au maraichage dans l'ON. On estime que la culture de l'échalote existe depuis l'arrivée des premiers colons18 dans la zone ON.

    Initialement, cette spéculation est produite par les colons dans les jardins, pour une autoconsommation. Mais progressivement, tout comme le maraichage de manière générale, sa production s'est intensifiée et a pris une dimension commerciale.

    C'est sans doute le résultat du changement de stratégie de l'ON, qui s'est tournée vers la diversification agricole, permettant d'étendre les superficies maraichères, notamment dans des parcelles aménagées (« Sol maraicher », casier rizicole).

    Cela a aussi permis l'amélioration des techniques de production d'échalote, grâce à l'émergence d'une politique de formation et d'information du personnel encadrant et des colons, à travers des échanges entre des bassins historiques de production d'échalote comme le plateau Dogon. Entre 1987 et 1992, des animateurs de l'ON sont formés à la culture d'échalote par des dogons. Ceci a contribué au développement de la filière dans cette zone de l'ON (Meyer, 2011).

    Enfin, l'aide apportée par les partenaires internationaux au développement (Rétail, ARPON) et nationaux (ON, IER, APROFA), a contribué à faire de la zone ON le premier producteur d'échalotes au Mali, soit 2/3 de la production nationale, sur des superficies moyennes de 0,5 hectare. (Dembélé, 2018)

    18 On appel « Colon » les exploitants de la zone ON

    46

    I.4.4.b. Introduction de la culture de la pomme de terre dans les rizières de l'ON

    Ainsi, contrairement à l'échalote, la pomme de terre est une culture relativement récente en zone ON. Son insertion fait suite à une volonté paysanne de cultiver la pomme de terre, dans le cadre de la politique de diversification de l'ON (Bengaly et Ducrot, 1998).

    Ainsi, un programme est mis en place durant la campagne 1997/1998, avec le soutien de l'ON, l'APROFA19 et l'URDOC. Il s'appuie notamment au préalable sur une formation pour des paysans (10), ainsi que des agents d'encadrement de l'ON (6) et de l'URDOC (2), qui est réalisée à Sikasso (plus grande zone de production de pommes de terre au Mali), afin que ces derniers puissent à leur tour diffuser leur enseignement relatifs à cette « nouvelle » culture aux exploitants de la zone de l'ON. Les semences utilisées lors de cette première campagne de culture de la pomme de terre sont fournies par l'ON et l'APROFA ; il s'agit des variétés Lola et Léon ATLAS, dont le cycle dure de 70 à 80 jours (Bengaly et Ducrot, 1998).

    Les raisons de l'insertion de la pomme de terre dans la zone ON sont multiples. D'une part sur une échelle nationale, elle a pour but d'accroitre la production pour répondre à la demande. La zone ON en termes de production de pommes de terre recèle en effet de nombreuses potentialités. La présence de terres en maitrise totale en eau, l'accès plus où moins facile aux intrants, la présence massive de partenaires au développement et de structures d'encadrements (IER, ON) facilitent potentiellement l'accès à des semences améliorées à forts rendements. Autant de paramètres qui expliquent le potentiel de rendement plus fort en zone ON que dans le premier bassin de production de pommes de terre au Mali, Sikasso, ainsi que d'autres bassins de production, comme Kati.

    Son potentiel de rendement varie entre 20 à 40 tonnes à l'hectare, contre moins de 30 tonnes à l'hectare pour la pomme de terre cultivée à Sikasso (IER, 1996).

    Cela permet également de diversifier les zones de productions, dans le souci d'une certaine sécurité d'approvisionnement.

    19 Agence pour la Promotion des Filières Agricole qui a pour but d'aider les exploitants à améliorer et à développer leur activité. Afin de réduire la pauvreté.

    47

    D'autre part, pour l'exploitant, la pomme de terre possède des avantages, liés à l'amélioration de leurs revenus.

    En effet l'échalote présente un souci majeur qui est la fluctuation de son prix après production, à une période de l'année. Les prix chutent, au point d'atteindre à certaines périodes (mars) 100 FCFA (0,15 centimes d'euros) le kilogramme. Contrairement à la pomme de terre, dont les prix fluctuent, mais en période de forte production, le kilogramme ne passe jamais sous la barre des 225 FCFA (0,34 centimes d'euros). C'est en cela que sa production dispose d'un fort potentiel d'augmentation des revenus.

    Elle n'est aucunement la culture maraichère dominante aujourd'hui, mais présente des perspectives « radieuses » pour les exploitants au vu de ses potentialités. Elle est présentée en zone ON comme une véritable spéculation d'avenir.

    Par ailleurs, ces potentialités semblent s'obscurcir. Ces dernières années, la méfiance des exploitants vis-à-vis de cette spéculation grandit, en raison de la mévente en 2010. Les exploitants ont reçu cette année là, des semences de la part de l'ON, qu'il fallait rembourser à l'ON après la production.

    Mais suite à une incompréhension de part et d'autre, des conflits ont émergé. Selon les exploitants, l'ON avait garanti l'achat de la production aux exploitants. Promesse non tenue, les pommes de terre n'ont pas trouvé preneurs et les exploitants n'ont pas pu rembourser à l'ON les semences. L'ON a alors fait appel à des huissiers de justice pour le recouvrement des créances auprès des exploitants. En 2018, certains exploitants n'ont toujours pas remboursé cette dette à l'ON.

    Ceci explique en partie la faiblesse de la production en 2018, en zone de Niono. Le maraichage dans cette zone illustre relativement bien l'articulation des spéculations dans les autres zones de l'ON.

    48

    5. Présentation générale du maraichage à Niono et l'articulation des cultures de l'échalote et de la pomme de terre dans la zone : Cas des villages de Djicorobougou, Foabougou et Bagadadji km 36

    I.5.1 La place de la culture de l'échalote et la pomme de terre dans les trois villages

    Lors des enquêtes de terrain, il apparaît que la pomme de terre est une spéculation peu produite par rapport à l'échalote dans la zone de Niono, notamment dans les trois villages pris comme cas d'étude : Djicorobougou, Foabougou et Bagadadji km36,

    100%

    40%

    30%

    20%

    80%

    50%

    60%

    10%

    90%

    70%

    0%

    Les types de spéculations produites

    Échalote Pomme de terre Autres cultures

    source: D'après les questionnaires d'enquêtes

    Sur les personnes interrogées, seulement 36 % avaient cultivé la pomme de terre cette année, tandis que 96 % ont produit de l'échalote. D'autres spéculations telles que la tomate, le gombo, le piment ou l'ail ont aussi été largement cultivés. 91 % de ces sondés ont donc cultivé d'autres spéculations, en dehors de la pomme de terre et de l'échalote.

    Des trois villages pris comme exemple lors de l'étude, Djicorobougou est le village qui a produit le plus de pommes de terre. L'intégralité des personnes (femmes) sondées ont produit de la pomme de terre lors de cette dernière campagne

    49

    maraichère. La culture de la pomme de terre est réalisée dans ce village depuis 2002 et résulte de la création de sa coopérative, qui a engendré une véritable notoriété nationale. Bon nombre de partenaires au développement et d'acteurs dans le secteur de l'agriculture leur ont apporté leur aide (USAID, WAAPP, PCDA, ON, IER...). Cherchant à permettre aux femmes de s'émanciper et dans un souci d'équité, ces structures ont aidé les femmes, premières cibles pour les innovations. C'est le cas de la pomme de terre. Son insertion en zone ON lors de la campagne 1998-1999 de par son potentiel a été facilitée pour les femmes, notamment dans la coopérative de Djicorobougou. Des formations leurs ont été proposées. Elles ont pu acquérir ainsi de véritables connaissances agricoles leur permettant d'accroitre leur production de pommes de terre et d'échalotes.

    Outre cela, la production de pommes de terre, normalisée et courante dans ce village est le résultat d'autres avantages qui leur sont conférés, notamment l'accès à des prêts de la BNDA. À titre d'exemple, en 2017, elles ont emprunté 10 millions de FCFA (Plus de 15 000 euros) auprès de la BNDA. Ceci a servi à acheter les engrais, qu'elles ont partagés. Après avoir vendu leur récolte, elles ont remboursé leur emprunts.

    La coopérative dispose également de facilités pour l'accès aux semences, notamment pour la pomme de terre. En effet, la présidente Assa Diarra, entretien avec des commerçants de Sikasso, un partenariat, qui permet aux femmes de la coopérative d'emprunter des semences de pomme de terre.

    Ainsi, ces nombreux atouts permettent aux femmes de mener la culture de pomme de terre sans grande contrainte, contrairement aux deux autres villages.

    Dans le village de Foabougou, seulement 16 % des personnes sondées ont cultivé la pomme de terre lors de la campagne 2017-2018 (36 % pour le village de Bagadadji km36). Ces derniers, pour la culture de pomme de terre, rencontrent plus de difficultés à la faire.

    L'échalote y est la spéculation dominante. Elle est réalisée dans les sols de double culture, notamment dans les casiers rizicoles en période de contre saison, mais également près des villages dans les parcelles dites de sol de maraichage (Pasquier, 1996) réservées à l'origine aux femmes (Années 1980) pour le maraichage, ou le long des canaux d'irrigation et de drainage.

    50

    Le maraichage dans la zone de Niono et notamment pour ces trois villages, est basé sur la culture de l'ail, le piment, le gombo, la tomate, l'aubergine africaine, mais aussi de la pomme de terre et surtout de l'échalote/oignon.

    Les rendements pour l'échalote, la pomme de terre et les autres spéculations sont relativement élevés par rapport aux autres zones.

    Source : données du Bilan de Campagne de l'ON de 2016/2017

    D'après le diagramme ci-dessus, durant la campagne 2016-2017, la zone de Niono a réalisé une production de 28 000 tonnes d'échalotes/oignons sur une superficie de 800 hectares. Le rendement est donc de 35 tonnes l'hectare. C'est la spéculation la plus produite dans la zone. S'ensuite celle de la tomate (4 025 tonnes/161 hectares), puis de la patate douce (3 900 tonnes/156 hectares) ; le gombo quant à lui représente une production de 2 096 tonnes/131 hectares, la pomme de terre une production de 525 tonnes/15 hectares ; l'ail dans la zone de Niono a réalisé une production de 520 tonnes/26 hectares ; enfin, les 17 tonnes de piment ont été produites sur 17 hectares.

    En outre, le maraichage à l'ON, dont Niono, est marqué par une diversité de spéculations, avec une dominante de la culture d'échalotes/oignons.

    Ceci résulte de la place importante que prend l'échalote dans les habitudes culinaires maliennes.

    Cette spéculation est fortement consommée dans les repas maliens. La grande majorité des sauces qui accompagnent le riz contiennent de l'échalote : le « Djaba

    51

    sauci », par exemple ; comme l'indique son nom qui signifie « la sauce oignon », elle est constituée à 80 % d'échalotes. Ainsi, l'échalote contrairement à l'oignon est plus appréciée par les Maliens, du fait de sa capacité à « alourdir » la sauce. Sa forme fraiche est très consommée mais également transformée.

    I.5. 3. Le système cultural de l'échalote et de la pomme de terre

    I. 5.3.a Présentation générale des caractéristiques de l'échalote

    L'« échalote » en français, « jaba miceni » en bambara, fait partie de la famille des alliacées au même titre que l'oignon, l'ail, le poireau et la ciboulette.

    C'est un légume qui apprécie le soleil, dont la production est optimale lors de saisons à température douce. Au Mali, cela correspond à la contre-saison froide, d'Octobre à Mars. Pour la zone de Niono, ce légume offre aux exploitants une véritable complémentarité. Selon le calendrier agricole de l'ON, la campagne rizicole prend fin le 15 octobre laissant place aux cultures maraichères, notamment à la production d'échalotes.

    Le cycle de sa production diffère, allant de 50 à 100 jours, selon les variétés.

    Des variétés dans la zone de Niono, qui sont des variétés locaux, comme le Tata, le Marena, le Gombougou, le B3 djaba le Togon Djaba et le Golgou djaba (Kampo, 2008), avec une dominance forte de la variété Tata et Marena, dans la zone de Niono.

    C'est une spéculation qui se développe bien dans des sols riches en matière organique.

    L'échalote est produite par reproduction végétative, notamment à partir d'un bulbe mère. Après un mois de semis, des feuilles apparaissent et donnent lieu à la division du bulbe mère en sept à huit caïeux de forme plus ovale que l'oignon. Elle est constituée de 15 à 18 % de matière sèche (Meyer, 2011).

    L'échalote est sensible à l'humidité. Celle-ci peut être la cause d'une accélération de son processus de pourrissement. Son irrigation ne doit par conséquent aucunement se faire par inondation. Son arrosage doit être réalisé en évitant que l'eau stagne. C'est une légume dont le tout est consommable : le bulbe ainsi que les tiges.

    Son cycle de croissance dure entre deux à quatre mois selon les variétés.

    52

    Des maladies attaquent l'échalote ; elle est vulnérable face aux thrips, aux nématodes et aux chenilles mineuses des feuilles.

    Au Mali, on considère qu'elle a des vertus médicinales. Elle guérirait un certain nombre de maladies, notamment les angines, les hémorroïdes ou encore les plaies infectées (Maïga, 2013).

    I.5.3.b Présentation générale des caractéristiques de la pomme de terre

    La pomme de terre est un légume, faisant partie de la famille des plantes potagères. Elle est aussi un féculent. Le tubercule est composé à 20 % de matière sèche (amidon essentiellement) et 80 % d'eau.

    Elle est conseillée dans une alimentation diversifiée ; c'est véritablement un aliment sain car elle est l'un des rares féculents riche en minéraux (potassium, magnésium, phosphore) en vitamines (B et C) et en oligoéléments.

    La pomme de terre est issue d'une plante herbacée, la plante de pomme de terre. Elle est originaire d'Amérique latine et y est cultivée depuis près de 10 000 ans20. Son développement résulte du tubercule mère, qui comme l'échalote, donne lieu au développement d'autres tubercules dans le sol.

    En surface, elle donne lieu à l'émergence de la plante de pomme de terre, possédant des fleurs mais aussi des fruits. Sa croissance est favorable à un sol léger, peu humide et riche en matière organique.

    Elle est cultivée en 2015 dans plus de 150 pays, dont le Mali.

    Au Mali, sa période de production s'étend d'octobre à mars. C'est la période à laquelle son rendement est le plus élevé. Les pommes de terre consommées par les Maliens proviennent principalement de la région de Sikasso, de Kati (Al, Maïga, 2004) mais aussi de l'extérieur, notamment du Maroc.

    Les variétés dominantes sont : Spunta, Sahel, Claustar, Lola, Binella et Pamina. En zone ON, les variétés Spunta et Sahel prédominent.

    Son cycle de développement varie entre 90 à 120 jours (Ngue Bissa, Mbairanoudji, Peyani Tambo, 2007). Elle est vulnérable face à certains insectes, comme les nématodes.

    20 Syngenta « La culture de pomme de terre ».

    53

    I. 5 .3.c. Les étapes de la production

    Les semences de l'échalote sont très généralement issues de la conservation des bulbes de l'année précédente, même si les maraichers de Niono ont la possibilité d'acheter les semences avec le CRRA21 de Niono. Concernant la pomme de terre, les semences proviennent le plus souvent de la région de Sikasso.

    Les étapes de production de l'échalote et de la pomme de terre

    Les étapes de
    production

    Description

    Échalote

    Pomme de terre

    Réalisation d'une
    pépinière

    Cette étape n'est pas forcément une obligation. Elle

    allonge le cycle de production, mais elle permet d'avoir de meilleures productions. Sa réalisation résulte surtout en zone ON du processus de modernisation des pratiques agricoles dans la zone ON.

     
     
     

    Préparation de la
    parcelle de semis

    C'est une étape essentielle. De cette étape dépendra le développement des bulbes, après repiquage dans la parcelle.

    Le choix du type de sol est déterminant. Il doit être ni trop argileux ni trop sablonneux, afin de permettre au tubercule de se développer librement sans être limité.

    C'est une étape très pénible et très demandeuse en main-d'oeuvre, en raison de l'absence de motorisation. Sa préparation passe par le désherbage, le labour, la réalisation des planches avec leurs buttes de séparation.

    Les outils généralement utilisés pour ces étapes sont généralement la houe « un arrosoir, une daba, une corde, des instruments de mesures, un râteau pour le nivelage des planches et un sceau » (Maïga, 2012)

    Semis

    C'est aussi une étape très demandeuse en main-d'oeuvre qui se déroule sur plusieurs jours.

    Cela passe dans les deux cas par la création des sillons, leur arrosage avant et après semis, le semis (direct ou repiquage), la fermeture des sillons

    Pour la pomme de terre, la création des sillons à 10 à 20 cm de profondeur et de 20 à 30 cm de diamètre

    Entretiens

    Cela passa par l'arrosage, qui est réalisée soit quotidiennement soit ponctuellement dans la semaine, selon l'étape de développement de l'échalote et de la pomme de terre. Ensuite le buttage est aussi nécessaire afin de protéger les tubercules. Et enfin le sarclo-binage, qui consiste à désherber depuis la racine les adventices afin de ne pas faire concurrence à la production, face aux sels minéraux à l'eau et la lumière. Mais le sarclo-binage pour la pomme de terre est réalisé en moyenne moins fréquemment (1 à 2 fois) que pour l'échalote (3 à 4 fois).

    Protection et
    fertilisation

    Il s'agit là de les protéger de l'invasion d'insectes ou de maladies.

    D'autre part, la fertilisation se déroule selon la double complémentarité d'utilisation d'engrais organiques (Fumier ou compost) et d'engrais chimiques (DAP ou encore l'Urée). L'engrais organique fait figure de base, avant l'application de l'engrais chimique. Le but est d'obtenir une production suffisante et saine.

    Source : À partir du Mémoire de fin de cycle de Maïga (2013), du guide « les cultures maraichères » de l'INDES formation (2003) et du rapport « introduction de la culture de pomme de terre dans les rizières de l'ON », de Bengaly et Ducrot (1998).

    21 Centre Régional de Recherche Agronomique.

    54

    I.5.3.d L'après production : maturité, Récolte et conservation

    Maturité : cas de l'échalote

    La récolte est réalisée à Niono entre mars et avril.

    Les tiges qui sont en phase de croissance (Première image de la photographie ci-dessous), de couleur verdâtre, droites

    Evolution d'une parcelle d'échalotes

    source : Drabo, A
    Commentaire : Un maraicher du village Bagadadji km36, Bourama COULIBALY, dans sa parcelle
    d'échalotes, le 20 février 2018 et le 29 mars 2018. La première photo présente l'échalote à deux mois
    de semis et la seconde au premier jour de récolte.

    jaunissent progressivement et tombent vers le sol : c'est la tombaison. (deuxième photo de l'image ci-dessus). C'est le signe de la maturité de la spéculation.

    55

    Maturité : Cas de la pomme de terre

    Processus de croissance de la pomme de terre

    Source : OverBlog

    Pour la pomme de terre, la maturité est également visible sur la partie superficielle ; la plante. En effet, comme visible sur l'illustration ci-dessus, lorsque les tubercules arrivent à maturité, les feuilles, les fleurs et les tiges de la plante jaunissent, s'assèchent et tombent vers le sol. La récolte est alors possible.

    La récolte

    En zone ON, notamment dans la zone de Niono, les récoltes se font manuellement. C'est une étape importante dans le processus de commercialisation, car la durée de conservation du tubercule sera déterminée par la qualité de la récolte. En effet, une récolte précoce engendre des difficultés de stockage. La période optimale correspond donc au moment où les deux tiers des tiges (échalote) ou des feuilles de la plante (pomme de terre) sont arrivés à maturité (jaunes, et tombantes) ; une conservation plus longue devient possible. Outre ce paramètre de maturité, les bulbes et les tubercules doivent être soigneusement récoltés afin d'éviter de les endommager, source d'introduction de bactéries. Car Lorsque le processus de pourrissement débute sur un bulbe ou sur un tubercule, la contamination est immédiate si un tri n'est pas réalisé. Ce n'est par ailleurs pas l'unique paramètre à prendre en compte pour la bonne conservation. Les bulbes et les tubercules doivent aussi être conservés à l'abri de l'humidité, vectrice de pourrissement.

    56

    II. Le maraichage source de richesse

    pour les exploitants ?

    En 2018, l'alimentation qualitative est la préoccupation majeure de nos sociétés occidentales. Elle doit être produite dans un environnement propice à son développement, mais aussi respectueux de notre environnement, afin de permettre aux générations à venir de répondre à leur propre demande. Elle se justifie par un contexte d'épuisement des ressources naturelles et de changements climatiques, dont les causes incombent très généralement à l'activité anthropique. En ce sens, les partenaires au développement, très généralement occidentaux, soutiennent fortement les activités durables dans les pays du sud. C'est le cas du maraichage au Mali. Depuis les années 1980, les projets comme Rétail on ARPON ont réellement soutenu cette production commerciale de fruits et légumes, en raison des nombreux atouts qu'elle procure. C'est une activité encouragée également par les politiques agricoles du pays (LOA, 2006) et par l'ON, dans un souci de diversification agricole, mais aussi de justice sociale. En effet, la LOA est la ligne directrice que tentent de suivre les décisions du gouvernement, pour respecter les engagements pris lors des sommets sur les questions alimentaires, ou encore climatiques, mais aussi et surtout pour répondre aux nombreux défis alimentaire auxquels le pays est confronté. C'est pour cela que le maraichage est mis en valeur depuis le début des années 1980. Cette activité est souvent présentée comme le secteur d'avenir de la zone ON, pour l'amélioration des revenus des exploitants, ce pour de multiples raisons.

    1. Le maraichage une activité auxiliaire pour les ménages

    II.1.1. Le maraichage, activité relais de la riziculture.

    S'il est vrai que l'ON est une zone rizicole et que les revenus de ses exploitants reposaient essentiellement sur cette activité, le maraichage est sans conteste d'une grande importance aujourd'hui. En effet, selon nos études sur le terrain, dans les trois villages de la zone de Niono, le maraichage représentait au minimum 50 % des

    57

    revenus des ménages lors de la campagne 2017-2018, contre 30 % en 1993 (MOLLE,1993) et 37 % en 1997 (URDOC, 1996). En ce sens, il contribue de moitié aux revenus des ménages de ses exploitants et assure donc une part importante, si ce n'est la part principale de leurs revenus. Ainsi, depuis la restructuration, le maraichage constitue avec la riziculture les deux activités dominantes dans la zone ON. Il permet la diversification des activités des exploitants, mais aussi des sources de revenus, minimisant ainsi les risque d'une monoculture annuelle. Pour un pays sujet à des sècheresses répétées et des irrégularités pluviométriques, cette solution n'est point négligeable.

    Outre cela, cette diversification prend racine à présent dans le déclin de la riziculture.

    II.1.1.a. Le déclin de la riziculture : « Une révolution verte en panne »22

    Depuis la modernisation de la riziculture en zone ON dans les années 1980, les choses ont bien changé. Les rendements sont élevés, atteignant huit tonnes à l'hectare pour les zones aménagées. C'est le reflet net du changement des techniques, qui ont permis de passer d'une agriculture de subsidence (moins d'une tonne/ha) à des rendements élevés. On est passé d'une production de riz annuelle de 60 000 tonnes en 1980 à près de 700 000 tonnes aujourd'hui. Le pack technologique de la révolution verte est mobilisé, notamment les semences améliorées comme le fameux Gambiaka (Kogono 91-1), le Adny 11, les engrais, les produits phytosanitaires, mais aussi l'irrigation.

    En réalité, cela ne suffit aucunement aux exploitants pour répondre à leurs besoins, ce pour plusieurs raisons.

    D'une part, la taille des parcelles est en deçà du seuil de viabilité économique23. Ceci constitue un véritable frein pour le développement et le bon fonctionnement de cette production moderne. D'autre part, les coûts de production ont explosé suite à cette modernisation. Les semences améliorées ont la caractéristique principale d'être vulnérables ; elles permettent d'augmenter la production, mais doivent nécessairement être accompagnées d'utilisation de produits phytosanitaires et des engrais. Mais faute de moyens, les doses recommandées ne sont pas respectées.

    22 Florence Brondeau, « Agro-business et développement dans la région de l'Office du Niger (Mali) », Insaniyat / 51-52 | 2011, 119-134.

    23 Seuil de viabilité économique est égal à 3 hectares pour les cultures céréalières.

    58

    Même subventionnées, leur prix demeure élevé pour ces exploitants, qui s'endettent. (Brondeau, 2011). Finalement, même si les productions ont été multipliées, les coûts de production élevés ne permettent pas de dégager des bénéfices suffisants pour répondre à l'ensemble de leurs besoins. Ainsi, même si le riz est la culture dominante en période hivernale, une activité complémentaire est nécessaire. Le maraichage prend donc le relais en contre-saison. Depuis 1997, la culture maraichère domine le paysage de l'ON en contre-saison. Ce processus est en forte progression grâce au soutien de l'ON, des partenaires au développement et de différentes structures étatiques (baisse des redevances eau, recherche et développement, etc.).

    Il suit l'activité rizicole dans la zone, du 15 octobre au 25 mai (calendrier rizicole de l'ON).

    II.1.1.b. Les atouts mutuels de cette alternance riziculture-maraichage

    Lors des enquêtes de terrain, sur l'échantillon sondé, seuls 6 % avaient uniquement cultivé en maraichage lors de la campagne 2016-2017. Cela tient au fait qu'ils ne disposaient pas de terres pour pratiquer leur riziculture en hivernage. Et la location n'étant pas possible, faute de disponibilité. Par ailleurs, 94 % pratiquaient d'autres activités rémunératrices, le maraichage n'étant alors la source que d'une partie de leurs revenus.

    Source : D'après les questionnaires d'enquêtes

    Parmi ces personnes menant d'autres activités, il s'agissait pour 96 % d'entre eux de la riziculture, notamment durant l'hivernage, pour de multiples raisons.

    59

    D'une part, avec le déclin de la culture de riz, les revenus deviennent insuffisants pour répondre à l'ensemble des besoins essentiels des ménages.

    Des produits comme l'échalote sont fortement produites du fait de leur commercialisation plus simple. C'est une spéculation très demandée, car tout comme la tomate, elle constitue la base de toutes les « sauces » maliennes. Il en va de même pour les pays de la sous région. En effet, bon nombre de ces pays s'approvisionnent en échalotes au Mali. Près de 10 000 tonnes sont exportées vers la sous-région, notamment vers la Guinée et la Cote d'ivoire24. Ainsi les revenus obtenus de cette activité permettent de financer les dépenses du ménage. La production d'échalotes représente donc une véritable manne financière. La commercialisation de 216 140,24 tonnes (Campagne 2016-2017) correspond à une recette avoisinant les cinq milliards de FCFA au minimum25 (Plus de 7,5 Millions d'euros).

    D'autre part, du point de vue des rendements rizicole et maraicher, cette alternance permet de les augmenter. Concernant les rendements rizicoles, le sarclo-binage réalisé lors des entretiens des spéculations maraichères, permet d'aérer le sol. Ensuite, les apports en fumure organique, très utilisés en maraichage, ne sont pas tous utilisés par les plants. Le restant est mobilisé et profitable au riz en saison hivernale.

    Pour le maraichage, la possibilité de réaliser l'activité dans des casiers rizicoles permet d'augmenter les superficies et ainsi les volumes de productions.

    C'est donc une activité complémentaire à la riziculture. Le maraichage comme activité principale durant toute l'année est aujourd'hui insuffisant pour répondre aux besoins des exploitants, tout comme la riziculture. Mais au-delà de cela, l'amélioration des revenus passe par d'autres activités. Ainsi, lors des enquêtes de terrain, 26 % des personnes sondées pratiquaient aussi le commerce. Celui-ci prend généralement la forme d'un commerce intermédiaire, entre le commerçant grossiste de la grande ville et les exploitants du village (Ghazi, 1992). Ces derniers, par ce rôle d'intermédiaire, obtiennent un certain pourcentage, soit 5 FCFA par kilogramme d'échalotes vendu par exemple. Enfin, 6 % exercent d'autres activités rémunératrices comme la menuiserie, la mécanique ou l'exode rural périodique vers les grandes villes.

    24 PAFA « Plan de mise en oeuvre » 2008

    25 La vente échelonnée et la fluctuation des prix, empêchent d'avoir des chiffres exacts.

    60

    Par conséquent le maraichage est certes une activité généralement auxiliaire à la riziculture, mais pas uniquement. Il est pratiqué comme complément à d'autres activités.

    II.1.2. Utilité du maraichage pour les exploitants

    Secteurs de dépenses des revenus issus du maraichage

    80%

    40%

    20%

    0%

    100%

    60%

    Source : D'après les questionnaires d'enquêtes

    L'utilité de cette activité est irréfutable pour répondre aux besoins essentiels du foyer. Les revenus générés par la production de spéculations maraichères servent généralement à se nourrir. De fait, 85 % des personnes interrogées affirment les dépenser pour se nourrir, principalement pour acheter des condiments pour lesquels elles ne sont pas autosuffisantes (huile, épices nécessaires pour leurs sauces...). La commercialisation de ces cultures maraichères pousse de plus en plus les exploitants à se spécialiser dans deux ou trois spéculations. Ceci les oblige à s'acquitter du restant auprès d'autres exploitants, de commerçants ou sur les marchés.

    L'éducation constitue ensuite le second secteur de dépense. Du fait des politiques incitatrices à l'éducation des enfants, le milieu rural s'insère de plus en plus dans l'alphabétisation des jeunes, notamment avec le développement de l'enseignement

    primaire et secondaire. À partir des questionnaires transmis aux maraichers, sur les cinquante trois personnes interrogées, nous avons comptabilisé 274 enfants, dont 51 % sont scolarisés, souvent à l'école coranique du village ou à l'école construite par les villageois. Dans le village de Bagadadji km36 par exemple, la présence d'une école résulte d'un investissement de la part des exploitants : leurs revenus tirés de la riziculture et du maraichage ont permis la création de cette école primaire. Le salaire des professeurs était à l'origine entièrement financé par les villageois. Aujourd'hui, ils contribuent toujours à hauteur de 50 % au payement des professeurs, à travers les frais de scolarité des enfants (500 FCFA, soit moins d'un euro par mois) et à l'agrandissement de l'école (collège en construction). Le reste est à la charge de l'État.

    Ainsi, le maraichage permet à ses exploitants de financer l'école de leurs enfants, essentielle à leurs yeux.

    Les revenus tirés du maraichage servent également à payer les engrais pour la riziculture mais aussi à rembourser les dettes engendrées par son cout de production, et à acheter du matériel agricole (Maïga, 2013). En ce sens, 57 % des maraichers dépensent pour préparer la campagne rizicole à venir.

    Les revenus servent en outre à payer aussi les factures (redevances en eau à l'ON, ou l'électricité), à se vêtir également (40 %) améliorer le confort du foyer (30 %), à investir, notamment dans un cheptel (19 %) confié aux Peuls du village26, à acheter les engrais et des semences de la campagne maraichère prochaine (6 %) ou à financer des évènements sociaux comme les mariages, les baptêmes, les tontines des femmes (4 %).

    61

    26 Cours de F, Brondeau 25 septembre 2017.

    62

    2. Une activité gage de justice sociale et d'équité en genre et en âge.

    L'intérêt porté à partir des années 1980 au maraichage au Mali tient principalement à son caractère antidiscriminatoire (Jamin, 1989) dans ces sociétés traditionnelles. Cette idée a largement été véhiculée. Traditionnellement, le maraichage est une activité réservée aux personnes dépendant du chef de famille, notamment les femmes et les jeunes (Pasquier, 1996). Ainsi les institutions encouragent et mènent une discrimination positive en faveur des femmes et des jeunes (LOA, 2006)27, pour l'accès aux terres, ou encore au matériel agricole

    II.2.1 Les femmes, principales actrices dans cette activité. II.2.1.a La femme : la mère nourricière.

    Au Mali, un adage dit que« Si l'enfant dit qu'il est rassasié, c'est que c'est sa mère qui l'a nourri » ; il reflète la place de la femme dans l'alimentation d'un foyer malien. Elle a à sa charge la préparation et la diversification de la nourriture.

    Un plat est généralement constitué de céréales (mil ou riz), accompagnées d'une sauce composée de légumes, avec du poisson ou de la viande.

    Ainsi, la femme est irréfutablement le centre de gravité dans l'alimentation de la famille, notamment en période de soudure. Elle est la source, grâce à son revenu, des achats alimentaires du ménage en période de crise, et assure la subsidence du ménage (Lalande, 1989). Elle s'émancipe progressivement grâce à ses activités.

    II.2.1.b Les sources de revenus des femmes

    Quelles sont les véritables sources de revenus individuels de la femme ?

    On peut distinguer deux sources de revenus.

    D'une part, le revenu est généré par l'activité familiale. La riziculture permet aux femmes du ménage de se constituer un revenu individuel, à travers les activités de rebattage et de glanage. Ces deux étapes consistent respectivement à récupérer les épis ou les grains laissés par la batteuse et à les récupérer dans les champs. Ainsi,

    27 Notamment selon l'article 45, 46, mais aussi 83.

    63

    le paddy récupéré leur revient. À la fin de la récolte, elles peuvent également recevoir des cadeaux. Ils ne sont pas obligatoires et dépendent du bon vouloir du chef d'exploitation ; il peut s'agir de cadeaux en nature ou de rémunérations directes (Lalande 1989).

    D'autre part, elles peuvent se constituer un budget individuel de manière plus autonome, notamment à travers la manne salariale. En effet, en zone ON, le repiquage est « l'affaire des femmes ». Elles se regroupent très généralement pour réaliser les étapes d'arasage des plants de la pépinière, le transport des plants de la pépinière au champ et enfin le repiquage dans les champs. Elles gagnent donc un salaire. Le rabattage et le glanage sont aussi réalisés en dehors de la sphère familiale et sont source de revenus autonomes. Outre la riziculture, elles sont souvent commerçantes. Elles vendent les produits qu'elles transforment elles mêmes, comme l'échalote séchée, le soumabala 28 , la pate d'arachide. Elles revendent parfois dans le village des produits achetés en gros à Niono. Enfin, le maraichage est véritablement l'activité génératrice d'un revenu individuel pour la femme, au point d'être présentée en zone ON comme une activité de genre, très pratiquée par les femmes, qui en font une activité professionnelle et complémentaire contribuant au revenu du ménage (A. Touré, S. Zanen, N. Koné, 1997).

    II.2.1.c Le maraichage, véritable levier économique pour les femmes

    C'est en cela que le maraichage devient un véritable enjeu pour les femmes. Il représenterait « la première ressource de revenu pour les femmes en zone Office du Niger » (Maïga, 2013). Le caractère plus individuel de l'activité permet à ces femmes d'acquérir une certaine indépendance vis-à-vis du chef de famille, qui est généralement producteur de riz, en commercialisant une partie de leur production, la seconde partie servant pour l'autoconsommation du ménage. La femme complète le « prix de condiment » donné par l'homme et diversifie l'alimentation de la famille du point de vue nutritionnel, avec l'ajout par exemple de la pomme de terre. Celle-ci rentre progressivement dans les habitudes culinaires maliennes.

    Ainsi, ces femmes sont soutenues pour pouvoir elles aussi devenir des actrices bénéficiaires du développement et jouir d'une certaine liberté. Les partenaires du développement ainsi que les politiques agricoles mènent des actions de

    28 Épice à forte odeur. Issues des graines de l'arbre néré

    64

    discrimination positive envers les femmes. La loi d'orientation agricole témoigne de la volonté de l'État malien de faire de cette activité un moyen de favoriser l'égalité entre hommes et femmes. Ceci est favorisé par le développement des coopératives dans ces villages de la zone de Niono. Faire partie d'un groupement leur offre une visibilité, leur permettant de bénéficier d'aides liées à leur activité, à l'image de la coopérative de Djicorobougou (Koulambawere).

    Les femmes de cette coopérative sont aujourd'hui célèbres dans le monde paysan malien. Si l'on envisage la culture de pomme de terre notamment en zone ON, on pense forcément à ces femmes. Grâce aux nombreuses formations qu'elles ont reçues, elles sont devenues des références en la matière. « La culture de pommes de terre est la spéculation qui nous a permis d'évoluer, d'améliorer notre quotidien. Certaines ont pu se payer des motos, d'autres sont parvenues à se payer des terrains, ou comme moi d'améliorer le confort de mon foyer grâce à cette spéculation », indique Assa Diarra, présidente de la coopérative des femmes de Djicorobougou. En effet, cette coopérative, à partir des enquêtes de terrain, a réalisé une production d'environ 1,8 tonne de pomme de terre sur des superficies variant de 0,5 à 0,1 hectare durant la campagne maraichère 2016-2017. Un tonnage qui leur procure des bénéfices moyens de 430 000 FCFA (656 euros), pour la production de 1,8 tonne de pommes de terre. Celle-ci n'est d'ailleurs pas l'unique spéculation produite. L'échalote, la tomate, l'ail, le gombo sont également cultivés, ce qui représente pour ces femmes rurales une somme conséquente.

    Par ailleurs, ces chiffres ne prétendent pas être objectifs ; ils résultent de l'affirmation des exploitantes, qui donnent des chiffres approximatifs et selon leur convenance. Une fourchette valable également pour l'échalote. Largement produite par les femmes, il faut en soustraire les cadeaux, et la part réservée à l'autoconsommation, ce qui ne leur permet pas de connaître leur gain exact.

    Elles pratiquent cette activité sur des sols maraichers situés en zones réaménagées (Projet Rétail) sur une base de 0,02 hectare par personne active du ménage (15 à 55 ans), qui est ensuite redistribuée entre les membres du ménage par le chef d'exploitation, dans les casiers rizicoles (pour les parcelles de type double culture), ou encore sur les « sols » maraichers. Cette répartition des terres s'appuie sur une logique très hiérarchique, priorisant le droit d'ainesse et le sexe masculin. Dans le cas des grandes familles, souvent polygames, les personnes priorisées sont les hommes, conscients de cette rente maraichère, ainsi que les premières épouses et

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    les belles-mères encore en âge de travailler. Les terres restantes, s'il y en a, sont reparties entre les plus jeunes du ménage. (Lalande, 1989), obligeant ainsi ces femmes moins « chanceuses » à louer des terres29 ou se faire prêter des parcelles « gratuitement » par des membres du village (Pasquier, 1996).

    Cette activité relais contribue donc d'une part à l'amélioration de la qualité alimentaire du ménage à travers la femme, dont le but principal est de diversifier l'apport en légumes (Lalande, 1996). D'autre part, elle permet de compléter le prix de condiments et d'amoindrir une certaine domination masculine tout en en devenant plus autonome. Les femmes peuvent ainsi assumer leurs propres dépenses (vêtements, évènements sociaux, etc.). À l'image de la coopérative, elles prennent part aux prises de décisions du foyer grâce à ces revenus.

    II.2.2. Le maraichage, une source de revenus pour les plus jeunes.

    Cette fonction anti discriminatoire (Jamin, 1989) du maraichage s'applique également pour les jeunes. Il est vrai que le monde rural au Mali est très marqué par l'exode des jeunes vers la capitale ou vers les chefs lieux régionaux, pour y travailler durant la période sèche. Ils reviennent au village en hiver, pratiquer leur agriculture pluviale. C'est le cas de la région de Sikasso.

    La culture de rente qu'est le coton implique une main-d'oeuvre importante ; elle est pratiquée par l'ensemble des membres actifs du ménage. Elle est donc collective, au même titre que la riziculture pratiquée à l'ON.

    Après cette agriculture hivernale, le manque de moyens d'irrigation rend difficile la pratique de l'agriculture irriguée (Koné, 2002). En l'absence de possibilité d'activités complémentaires dans le village, les jeunes, filles comme garçons, se rendent en ville pour souvent travailler dans le « secteur tertiaire » informel du pays.

    Ils sont souvent embauchés comme domestiques chez les citadins. Les filles peuvent alors se constituer elles-mêmes leur trousseau de fille « Kognon minai », incontournable pour le mariage. Un migration rurale, qui certainement est le reflet de la destruction du socle social avec la monétarisation et la spécialisation des cultures de rente. Il est difficile pour la famille d'acheter le trousseau de mariée. Déjà, elles répondent aux besoins essentiels du ménage, véritable défi au quotidien.

    29 Procédé, qui théoriquement est formellement interdit par l'ON. Mais, dans les faits est très répondu dans ces villages de l'ON.

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    Les garçons peuvent, eux, acquérir un début d'indépendance vis-à-vis du chef d'exploitation. Cela représente probablement le « job d'été » des jeunes ruraux du Mali.

    Par ailleurs, l'abondance en eau de la zone ON toute l'année permet d'autres alternatives. De plus en plus, les périodes s'inversent.

    Les jeunes se rendent en ville en période hivernale, afin de revenir en période sèche, pratiquer le maraichage.

    D'une part, cela est lié à la demande forte en main-d'oeuvre en ville. La majorité des ruraux reviennent dans leurs villages en hivernage, ainsi, les migrants de l'ON peuvent bénéficier de nombreuses offres de travail.

    D'autre part, la riziculture est collective ; le gérant et bénéficiaire principal des revenus rizicoles est le chef d'exploitation. C'est différent pour le maraichage : « En effet, la culture individuelle permise en maraîchage (à la différence de la riziculture) permet aux dépendants d'acquérir un revenu personnel et donc une indépendance financière vis-à-vis du chef d'exploitation ». (Pasquier, 1996). Car le maraichage dans cette zone de l'ON est pratiqué dans les casiers rizicoles, ou sur les sols maraichers du chef d'exploitation. Ce dernier distribue à chaque membre de la famille un lopin de terre, sur lequel il mène une culture de spéculation de son choix. Pour des jeunes non mariés, sans enfants et non prioritaire lors du partage des terres maraichers, cela représente un gain individuel plus conséquent que la pratique de la riziculture.

    C'est en outre un facteur limitant l'exode des jeunes vers les villes. Le maraichage, source de revenus (Maïga, 2013), leur permet de rester au sein du village en période sèche, et en hivernage de pratiquer la riziculture avec le reste des membres actifs du ménage. Il faut toutefois noter que l'exode rural est encore très marqué dans ces villages maliens. Les ménages se vident toujours de leur bras valides, pour ainsi remplir les rangs de nombreux citadins. Le processus est toujours en marche, ce malgré les nombreuses contraintes existant dans les villes (Bastin, Fromageot, 2007).

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    3 Dans un contexte d'urbanisation galopante, le maraichage, perçu comme l'aboutissement de l'inéluctable changement des régimes alimentaires.

    II.3.1 L'urbanisation galopante et l'exode rural : une réalité

    S'il est vrai que l'ensemble dans lequel se trouve le Mali, à savoir l'Afrique subsaharienne, est le continent le moins urbain au monde, il n'empêche qu'il est sujet au processus d'urbanisation, de plus en plus rapide. En effet de 1950 à 2000, le nombre de citadins a été multiplié par 16 en Afrique, alors que sur une échelle mondiale, il a été multiplié par 5. Ainsi, le Mali ne cesse de voir ses villes se densifier et s'étaler. Le secteur tertiaire devient le second secteur porteur de l'économie malienne, avec 38,08 % du PIB en 2014. Il est dominé par « les branches "commerce" et "administrations publiques", qui représentent près de 50 % de la valeur ajoutée du secteur » (INSTAT, 2015).

    II.3.1.a Présentation générale du tissu urbain malien.

    Le Mali compte en 2009 75 villes, où résident 39 % de la population en 2009, contre 17 % en 1976 (INSTAT Mali, 2009). La moitié des citadins vivent dans la capitale malienne, Bamako, qui est 13 fois plus peuplée que la seconde ville la plus peuplée du pays : Ségou, chef lieu de la région de Ségou.

    Bamako est la première destination des migrants internes. En 2009, 61 % de ces migrants internes ont choisi comme destination la capitale ; 42,6 % des Bamakois n'y sont pas nés. C'est le reflet certain de sa primatialité, de sa centralité et de son attractivité dans le pays.

    Outre ce maillage centralisé sur Bamako, les autres villes sont situées dans le sud du pays, notamment dans les régions fortement agricoles. « Dans les zones à la fois productrices de coton et de riz et tout au long des fleuves Niger et Sénégal (...) Cette répartition spatiale semble conforme à l'idée que les villes sont prioritairement des centres économiques, dont l'essentiel des activités serait lié aux besoins des activités agricoles environnantes » 30.

    30 « Urbanisation et croissance dans les villes du Mali » Sandrine MESPLE-SOMPS, Harris SELOD, Gilles SPIELVOGEL, Brian BLANKESPOOR, IRD

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    Ainsi, ces villes sont surtout les lieux d'échanges entre les ruraux et les citadins : d'un côté, les fournisseurs de « nourriture » et de l'autre, les acheteurs des productions, mais aussi les fournisseurs de biens de consommation.

    II.3.1.b l'urbanisation malienne déséquilibrée

    La spécificité de l'urbanisation des pays d'Afrique noire tient à leur développement urbain, sans accompagnement d'un développement économique. La croissance démographique des villes est plus rapide que la croissance économique. Le marché de l'emploi ne permet pas d'offrir à tous du travail.

    Notons que cela n'enraie pas la migration vers les villes. La situation en milieu rural est telle que la migration est nécessaire, dans la quête d'une activité complémentaire à l'agriculture, ou l'abandon du secteur agricole. Ainsi, aujourd'hui on fait face à une « Démotivation des producteurs avec l'abandon de près de 30 % des superficies » (Bamoye Keita, 2017). L'urbanisation galopante semble encore avoir de belles années devant elle. Car en absence, d'offre d'emploi, on a le développement important du secteur informel, qui permet à ces citadins pauvres de répondre à leurs besoins élémentaires. Au Mali, le secteur informel contribuerait à 55 % du PIB et « représenterait 66 % du secteur tertiaire » (INSTAT, 2015).

    Aussi l'urbanisation est déséquilibrée. Comme le présente S. Brunel, passer d'un quartier à un autre en Afrique, c'est comme si l'on changeait de monde, au vu des différences importantes de niveau de vie. Avec d'un côté des citadins qui jouissent des effets positifs du développement et vivent confortablement, possèdent les quatre V de S. Brunel (2014) à savoir la Villa, la Voiture, le Verger et les Vacances.

    De l'autre, on trouve ces ruraux, si nombreux, qui vivent dans des conditions d'insalubrité sans précédent, dans des quartiers où les infrastructures n'ont pas suivi le développement de la ville. À l'image des quartiers, spontanément créés par les ruraux, comme le Sans Fil à Bamako (Banque Mondiale, 2017). Ces derniers, provenant essentiellement des zones rurales, vivent de manière permanente ou périodique en ville, connaissent un changement dans leur mode de vie. Notamment dans leurs habitudes alimentaires.

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    II.3.2 Un développement urbain, source de changement des régimes alimentaires

    II.3.2.a Un changement de vision

    « Aw broussi kono na mogow, aw be djoro ni konobara falé yé ka té mai balo nafa

    kan »

    Cette citation signifie que « Le Malien rural cherche aujourd'hui à nourrir son ventre plutôt que son corps ». C'est ce que nous dit « De Gaulle » un maraicher rencontré dans une pinasse sur le fleuve Niger.

    Son constat à propos de la situation nutritionnelle des ruraux du Mali est juste et simple.

    Le « Dounka Fa » (Manger suffisamment, de manière quantitative), est l'unique motivation des exploitants, tous les matins. Pendant des années et encore aujourd'hui, il est monnaie courante de manger le fameux « tô », ou riz, le matin et le soir, ce des mois durant. La monotonie de leur alimentation est l'une des causes des problèmes de malnutrition. L'aspect qualitatif, du point de vue nutritionnel, est vu pour ces ruraux comme des considérations de personnes dans le non besoin. Une perception qui, de fil en aiguille, se révèle erronée pour les grandes villes comme Bamako ou encore Ségou. Retrouver des cultures de légumes dans les zones interstitielles de la ville prouve à quel point la motivation à « manger de manière saine » se profile et la demande se fait grandissante. Les bassins de production, souvent peu reliés à la ville, peinent à y arriver.

    La classe citadine, non agricole et de plus en plus instruite, recherche la diversité de fruits et légumes.

    Ainsi, comme Sylvie Brunel, dans son livre Plaidoyer pour nos agricoles l'a si justement fait remarquer, une population qui s'enrichit tend à « mettre du beurre dans ses épinards ». La population malienne qui s'urbanise de plus en plus consomme donc de plus en plus de légumes, ayant des répercutions sur les espaces ruraux. Cela peut s'expliquer par différents facteurs.

    Tout d'abord, aujourd'hui en ville, il est courant de trouver dans les ménages des villes des jeunes filles rurales, venues en ville pour être domestiques chez les citadins. Souvent, elles sont chargées de cuisiner les repas selon les goûts et les indications de leur « Patron ». Des patrons, relativement plus instruit sur l'apport nutritionnel des aliments, par rapport aux ruraux. Ainsi, elles apprennent, à préparer,

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    d'une façon nouvelle et comprennent « les besoins nutritionnelles » d'un corps humain. Notamment avec l'apport en légumes important dans les sauces qui accompagnent le riz. Une nouvelle habitude qu'elles reproduisent dans la cuisine au village, une fois rentrées.

    Aussi, le développement du secteur agricole se traduit par une volonté de proposer une agriculture diversifiée et intensive, incitée par les pouvoirs publiques et les campagnes de sensibilisation. On le voit avec l'introduction de la pomme de terre dans les spéculations maraichères de l'ON. Ou encore, la consommation « normalisée » du riz, qui autrefois était un repas de fête : c'est devenu aujourd'hui un aliment du quotidien des citadins, qui le consomment au moins une fois par jour pendant toute l'année et aussi pour certains espaces ruraux.

    Enfin, l'augmentation du nombre de personnes « éduquées » et le développement du secteur tertiaire en ville en défaveur du secteur agricole peut justifier aussi le changement des habitudes alimentaires et la pression des milieux agricoles à produire davantage.

    II.3.2.c Une ville urbaine, non agricole, tournée vers le secteur tertiaire. Répartition sectorielle des emplois par lieu de résidence, 2009

    Source : « Urbanisation et croissance dans les villes du Mali » Sandrine MESPLE-SOMPS, Harris SELOD, Gilles SPIELVOGEL, Brian BLANKESPOOR, IRD

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    Il apparaît que le secteur agricole ne représente que 3,1 %31 des emplois en ville contrairement aux espaces ruraux. Le commerce constitue le secteur le plus important : de 18,5 % à 32,2 % des emplois sont dans ce secteur. Ensuite, les services sont les secondes sources d'emplois.

    Comme l'indique le diagramme suivant, les zones de moins de 5 000 habitants sont les espaces agricoles. Comme indiqué précédemment, 85,7 % des emplois sont dans ce secteur. La population mène majoritairement l'agriculture.

    Par conséquent, hormis les bassins maraichers aux alentours des villes, il est difficile de se fournir en fruits et légumes. C'est le cas de l'échalote par exemple. Elle est commercialisée certes vers les pays de la sous région, mais aussi et surtout dans les grandes villes du pays. Un marché à Bamako porte même le nom de la zone de Niono. Au « Niono sugu », on peut trouver des échalotes arrivées par camions pour approvisionner ces pôles de consommation.

    31 Attention: Ce chiffre est officiel mais doit être pris avec précaution, au vu de l'importance du secteur informel dans cette activité dans les villes, dont les statistiques ne prennent pas compte. La part paraît bien inférieure à la réalité. Car l'agriculture étant souvent une activité complémentaire pour les citadins, assure des revenus supplémentaires pour les ménages et/ou un travail et aussi se nourrir.

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    III. Le maraichage de la zone ON : un

    succès en demi-teinte.

    Finalement, cette activité soutenue par les institutions et les partenaires au développement, comme gage de sécurité alimentaire, d'égalité entre les genres et les âges et moins demandeuse en eau que le riz tient-elle toutes ses promesses ? Dans cette partie, nous tenterons de montrer que cette activité présente également des limites.

    Aujourd'hui cette bouée de sauvetage à une riziculture insuffisante pour aider les exploitants à sortir de la pauvreté permet d'apporter de la valeur ajoutée au revenu du ménage et de le compléter ; mais pour de multiples raisons, sa pérennité et son développement sont freinés par de nombreux paramètres.

    D'une part, les champs consacrés au maraichage sont de plus en plus petits, conséquence d'une pression foncière qui conditionne souvent les performances de la production.

    D'autre part, il fait face à des contraintes, liées à la disponibilité en contre-saison de l'eau, mais aussi l'accès limité en termes de quantité et en qualité aux semences. Enfin après la production, un autre défi émerge : celui de la commercialisation désorganisée et peu rémunératrice, avec des prix fluctuant et bas lors de périodes de surproduction. C'est le cas pour l'échalote, dont la conservation difficile et la transformation encore traditionnelle à faible valeur ajoutée mettent à mal le développement. En ce sens, des défis restent à relever en la matière pour un impact plus significatif du maraichage dans l'amélioration des revenus des exploitants.

    1. Une pression foncière croissante : germe de la théorie malthusienne ?

    La démographie galopante demeure une difficulté lorsque la croissance économique ne l'accompagne pas.

    Si le premier essai de Malthus sur le Principe de population en 1798 est sujet à des controverses, il n'en est pas moins entièrement faux. Des éléments du constat reflètent une part de vérité.

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    En effet selon ce dernier, une croissance démographique « si elle n'est pas freinée, la population s'accroit en progression géométrique. Les subsidences ne s'accroissent qu'en progression arithmétique » (Malthus, 1798, page 14) ; en d'autres termes, sans politique nataliste pour la « freiner », naturellement la population d'un pays croit plus vite que la production de richesse créée par les hommes pour répondre à leur demande. Une affirmation qui met en exergue la nécessité primordiale d'une intervention des politiques, pour équilibrer ces deux composantes, intrinsèquement liées. L'histoire a pu démontrer que le malthusianisme démographique n'est pas forcément la solution, car le progrès des techniques des hommes a permis de surpasser ce levier malthusien à de nombreuses reprises. C'est le cas par exemple lors la Révolution Verte amorcée en Asie au milieu du XXème siècle, qui a su invalider les hypothèses d'une future famine dans les années 1950. En ce sens, il parait flagrant qu'au lieu de limiter la natalité, il faudrait plutôt permettre une croissance démographique équilibrée à la croissance de la production des ressources pour la subsidence des hommes.

    De ce fait, cette assimilation au cas de l'ON a pour but de démontrer que la croissance démographique ne va pas de pair avec la croissance des performances des exploitants. La terre étant l'un des facteurs de cette production, elle est l'une des causes de performances en deçà du potentiel, et limite cette possibilité de croissance de la production, notamment maraichère.

    III.1.1. Description du foncier de l'ON.

    III.1.1.a. Une gestion partenariale du foncier de l'ON.

    Contrairement à des pays comme la France, la terre est une « exception foncière au Mali » (Adamczewski, Tonneau, Coulibaly, Jamin, 2013). Elle n'est pas du domaine privé. La terre appartient à L'État malien et est immatriculée à son nom.

    Par ailleurs, dans le cadre de la décentralisation des fonctions de l'État, la gestion des terres est déléguée à d'autres acteurs, souvent locaux, telles les collectivités territoriales32, ainsi qu'à l'ON, dans le cadre d'un « développement économique et social », conformément au décret N°2014-0896/P-RM de gérance des terres du réseau hydraulique affecté à l'ON et à la LOA de 2006.

    32 Prend sa source dans la loi pour la libre administration des collectivités territoriales de 1993, notamment pour le transfert des compétences.

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    Ainsi la collectivité territoriale et l'ON sont des acteurs partenariaux et se doivent de se concerter pour la gestion des terres de l'ON, par le biais de leurs membres regroupés au sein d'une même entité, le CPGT (Comité Partenarial de Gestion des terres). Ce dernier attribue des terres aménagées de l'ON suivant le schéma directeur de développement de la zone ON. Il s'agit de parcelles agricoles mais aussi de terres d'habitation, selon des contrats et des baux différents.

    III.1.1.b. Typologie des types de contrats d'occupation des terres.

    Les terres de l'ON sont occupées suivant une logique basée sur un « contrat annuel d'exploitation », un « permis d'exploitation agricole », un « bail ordinaire » ou enfin un « bail emphytéotique », dont les conditions d'attribution sont définies par l'arrêté N°96-1695/DRE-SG du 30 Octobre 1996 du cahier des charges.

    1. Pour le contrat annuel d'exploitation (CAE) : l'attribution est annuelle et concerne des terres aménagées ou réhabilitées pour une personne à des fins agricoles. C'est un contrat qui est reconduit systématiquement en cas d'absence de litiges. L'exploitant a comme devoir la mise en valeur de la terre octroyée, le payement des redevances en eau pour la saison hivernale et lors de la contre-saison (qui servent à l'entretien du réseau hydraulique secondaire et au fonctionnement de la structure qu'est l'ON). Il a également à sa charge l'entretien du réseau tertiaire. S'il ne respecte pas ces conditions, la terre peut lui être retirée.

    2. Pour le permis d'exploitation (PE) : il fait suite à un contrat annuel de trois ans minimum, sous réserve de preuve d'une capacité d'intensification de l'activité agricole. C'est un contrat à durée indéterminée, avec la possibilité de transmettre les terres à ses proches, sous condition du respect des cahiers des charges. Le payement de la redevance eau et l'entretien du réseau hydraulique incombent également à l'exploitant. Les terres sont aussi des parcelles aménagées ou réhabilitées. Il est possible d'y réaliser des constructions.

    3. Pour le BAIL ordinaire : il concerne des terres non aménagées à destination de personnes privées. Il est valable sur une période de trente ans et peut être

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    renouvelé de manière indéfinie. De plus, les constructions et les aménagements effectués ne peuvent être détruits en cas de résiliation.

    4. Pour le bail emphytéotique : il concerne des terres non aménagées, louées à une entreprise dans le cadre d'une agro-industrie, ce pour une durée de 50 ans, renouvelable sous réserve de l'accord d'experts. La mise en valeur des terres incombe au promoteur. Le bail peut être résilié avant échéance si et seulement si la mise en valeur selon le contrat n'est pas réalisée, les redevances en eau ne sont pas payées, l'entretien des réseaux hydrauliques n'est pas effectué ou encore pour des raisons d'utilité publique. Ces terres sont souvent sujettes aux polémiques « d'accaparement des terres agricoles ».

    Ces contrats concernent l'ensemble des terres de l'ON.

    III. 1.2. Une pression foncière exercée sur le parcellaire

    II.1.2.a. La pression des hommes sur la terre.

    On pourrait penser, au vu de ces milliers de terres agricoles, qu'elles suffisent aux populations. En réalité, il n'en est rien. Les meilleures conditions existant dans cette zone par rapport au reste du pays n'ont cessé d'attirer les populations. À cela s'ajoute un pays en pleine transition démographique, où l'indice de fécondité est de 6,1 enfants par femmes en 2015, contre 2,01 en France. Le milieu rural étant une zone de forte natalité, le taux de fécondité y est de 6,5 enfants par femme contre 5 en milieu urbain.

    Outre cela, le dérèglement climatique est source de migrations internes33 ; les conflits qui ont ébranlé le pays depuis 2012 ont entrainé une vague importante de migrations vers le sud, venues s'ajouter aux migrants économiques.

    En ce sens, la zone ON doit faire face à une pression grandissante. Sa population ne fait qu'augmenter : avec les nouveaux arrivants et les familles qui s'agrandissent, l'aménagement des terres ne suit pas la même cadence. Depuis la mise en culture de ce périmètre irrigué en 1947 à l'achèvement du barrage de Markala, seulement 14 % des objectifs d'aménagement et de mise en valeur ont été réalisés. Or, ces

    33 Rapport de la Banque mondiale, Se préparer aux migrations climatiques internes.

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    exploitants familiaux, faute de moyens, ciblent les CAE (Contrat Annuel d'Exploitation) et les PE (Permis d'Exploitation), qui concernent des parcelles aménagées ou réhabilitées. Ainsi, une pression sur le foncier se dessine. Par ailleurs, l'absence de statistiques précises ne permet pas de chiffrer véritablement ce constat. Cependant, entre 1973 et 1974, un colon de la zone de Niono disposait en moyenne de 8,9 hectares (Morabito, 1977), contre des superficies moyennes de moins de quatre hectares par colon aujourd'hui34. Ces nombres rendent compte de la diminution des terres par exploitant.

    Ce qui représente une véritable limite, car les parcelles, dont la transmission est héréditaire, ne cessent de diminuer, offrant moins d'espace disponible pour la réalisation de la culture d'hivernage et de contre saison.

    Prenons le cas d'un villageois. Bourama Coulibaly est un riziculteur-maraicher du village de Bagadadji km36. Il est issu d'une famille monogame, Minianka, originaire de San. La famille compte quatre garçons et cinq filles.

    Bourama cultive une parcelle familiale. Le champ appartient à son père, toujours vivant. Ce dernier, arrivé d'un village aux alentours de San au début des années 1980, a demandé une terre à l'ON. Trois hectares lui ont été octroyés. Aujourd'hui, le père âgé est à la charge de ses fils (les filles étant mariées, elles ont quitté la demeure familiale). Faute de terres disponibles, deux des quatre frères ont déménagé, l'un dans leur village d'origine et l'autre à Bamako. À présent, Bourama et son grand frère sont les deux hommes de la famille à cultiver leur terre.

    Si la riziculture est collective et familiale, il n'en va pas de même pour le maraichage, qui est individuel.

    Lors de la campagne maraichère, la parcelle maraichère située dans le casier rizicole est donc divisée en huit. Elle est partagée entre le grand frère, les deux femmes de ce dernier, Bourama, sa femme et trois proches de la famille sans terre, dont deux jeunes orphelins et une voisine.

    La parcelle est donc morcelée et les exploitants de ce champ cultivent des parcelles beaucoup plus petites ; dégager un excédent de production à destination de la commercialisation devient plus difficile. L'activité semble progressivement tendre vers un jardinage plutôt que du maraichage à visée commerciale.

    34 Source provenant d'un article de geoconfluence en 2011

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    Ainsi, les femmes de ce ménage en situation de vulnérabilité dans le foyer, comme dans de nombreux villages de l'ON (Lalande, 1996), sont obligées de travailler comme journalières dans d'autres exploitations, de louer et de se faire prêter gracieusement des terres, ou encore de mener leur activité dans des parcelles hors casier, non aménagées le long des canaux d'irrigation. Cette dernière option implique souvent le dédommagement du réseau, exacerbant alors le gaspillage déjà très important de ce réseau, source de perte par évaporation ou encore par infiltration (Brondeau, 2003).

    III.1.2.b. Les bovins, une pression supplémentaire

    Outre la pression des hommes sur la terre, d'autres problèmes émergent. D'une part, la zonalité du climat au Mali oblige les pasteurs à suivre l'équateur météorologique. Si traditionnellement, le circuit de transhumance passe par des déplacements en saison des pluies dans le nord du pays afin de faire paitre les animaux, en saison sèche la situation est différente. Le manque de pluies et la quête de sources pérennes en eau pousse les pasteurs à se rendre dans le sud du pays. Toutefois, depuis quelques années, ce circuit fait l'objet de modifications. L'irrégularité des pluies en est l'une des causes. Les sècheresses sont de plus en plus récurrentes ; c'est encore le cas cette année. La sècheresse dans le nord est cette année comparable à celle de 1984 (Action contre la faim, 2018).

    En raison de ces nouveaux paramètres, le nord se retrouve confronté à un déficit de pâturage, entrainant de ce fait des « mouvements anormaux » (RBM, 2018).

    D'autre part, pour ces exploitants sudistes traditionnalistes maliens, l'épargne consiste à acheter des bovins, qui constituent par la suite un véritable patrimoine, en plus des boeufs de labour qu'ils possèdent pour leurs travaux champêtres.

    Faute de temps et de connaissances liées à cette activité pastorale, ces bovins sont confiés à des pasteurs peuls (Brondeau, 2006), chargés de leur entretien.

    Ces derniers sont informés par les exploitants des zones de pâture autorisées pour leurs animaux. Or, l'utilisation importante de bois de chauffe entraîne la raréfaction du couvert végétal (Brondeau, 2006). Les animaux restent donc plus longtemps que prévu aux alentours des casiers, provoquant souvent des dégradations, comme la

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    destruction par exemple des digues, le piétinement des plantules... autant de sources de conflit entre les Peuls et les exploitants des casiers et hors casiers.

    Source : Drabo, A
    Commentaire : Troupeau de vache près d'un partiteur dans le village de Bagadadji km36.
    Les animaux s'abreuvent directement dans le canal, source de dégradation des
    infrastructures hydrauliques, 29 Mars 2018

    S'ajoute à cela un cheptel qui ne cesse de s'accroitre et la pression foncière, qui progressivement se fait sentir. Le développement des cultures de contre saison rend l'accès aux parcelles irriguées plus difficile (Brondeau, 2003). Or, les aménagements « n'ont absolument pas été conçus pour accueillir de telles charges de bétail È35. Ainsi il est plutôt fréquent, dans les parcelles maraichères, de trouver des exploitants ou des enfants chargés d'empêcher l'irruption de bovins dans les parcelles. Ceci reflète la différence d'objectifs, source de conflits entre ces deux professions. L'un cherche à voir croitre ses plants, quand l'autre cherchant à nourrir ses animaux.

    35 Brondeau Florence. La gestion de l'eau à l'Office du Niger : bilan, enjeux et perspectives (Water management in the Office of Niger: assessment, stakes and perspectives). In: Bulletin de l'Association de géographes français, 80e année, 2003-3 (septembre). Les territoires de l'eau, sous la direction de Jean-Paul Bravard et Roland Pourtier. pp. 269-286.

    79

    2. Des contraintes face à l'accès à l'eau, aux semences de qualité et en quantité, et aux engrais.

    100%

    40%

    80%

    60%

    20%

    0%

    Le principal défi du maraichage : La Production

    Djicorobougou Foabougou Bagadadji km36

    Source : D'après les questionnaires d'enquêtes

    Outre cette pression foncière, Il apparait lors de nos enquêtes de terrain que la principale contrainte dans le maraichage, notamment pour les cultures d'échalotes et de pommes de terre, réside dans la production elle-même. Des difficultés importantes existent dans l'accès à l'eau, aux semences en quantité et de qualité et aux engrais, dont le prix est souvent jugé élevé.

    III. 2.1. L'eau, l'or bleu, de plus en plus rare pour le maraichage.

    III.2.1.a. Le manque d'eau, reflet des conséquences des changements climatiques

    Le déficit hydrique ne touche pas uniquement la zone ON. Les pays du bassin versant du fleuve Niger sont confrontés à cette carence pour leur activité agricole. Elle résulte des changements climatiques (M'barré Coulibaly, 2018), une réalité mondiale. Le cycle climatique est modifié, donnant lieu à la multiplication d'aléas climatiques comme les typhons, la fonte des glaces, la montée des eaux, mais aussi les sécheresses répétées. Bien que la communauté internationale s'alarme sur l'impact des hommes sur l'environnement depuis la seconde moitié du XXème siècle, avec la conférence de Stockholm des Nations Unis en 1972, le changement

    80

    climatique est toujours d'actualité. Les Sommets sur le climat continuent de souligner l'impact des hommes sur l'écosystème et la nécessité de changer les modes de développement.

    Ces dernières années, malgré la présence de sources d'eau pérennes, le périmètre deltaïque qu'est la zone ON souffre du manque d'eau dans le fleuve Niger. À vue d'oeil, le niveau du fleuve reflète le peu de pluies tombées lors de l'hivernage passé. Dés le mois de janvier, il présentait dans la ville de Ségou un niveau d'eau similaire à un niveau normal pour les mois d'avril-mai. Sur l'ensemble du territoire, la production agricole cette année a d'ailleurs été jugée moyenne, voire mauvaise36. La mauvaise pluviométrie en était l'une des causes.

    III.2.1.b. Un déficit hydrique, conditionnant la pérénnité des activités maraichères

    Cette carence est une véritable difficulté pour l'activité de maraichage. Car, contrairement à l'irrigation pour la riziculture, le maraichage nécessite une ponction plus importante sur le débit du fleuve, du fait de sa pratique en période d'étiage du fleuve. En effet, en période de crue, la ponction représente en moyenne 6 % du débit du fleuve, contre plus de 50 % en période d'étiage (M'Baré Coulibaly, 2018). En année décennale sèche, la ponction faite pour l'irrigation représente 4 % du débit du fleuve en période de crue ; pour la période d'étiage, elle représente la « quasi totalité du débit » (Brondeau, 2003).

    Les villageois de la zone ON, notamment ceux de Niono affirmaient lors de nos enquêtes n'avoir pas assisté à un tel déficit hydrique depuis le début des années 1980. À la question « Quelle est la principale difficulté dans l'activité maraichère ? », la production a été leur principale réponse, avec l'accès à l'eau pour l'arrosage. En effet, la faiblesse des précipitations au Mali n'a cessé de mettre en péril les productions maraichères. Car le fleuve Niger n'a que peu d'eau à offrir à ces exploitants de l'ON, parmi lesquels figurent ceux de Niono. À Djicorobougou par exemple, 100 % des personnes interrogées évoquent la difficulté d'arroser leur parcelle. Les arroseurs disposent de moins d'eau, et les rigoles, ne pouvant être remplies, sont souvent sèches.

    36 Journal Le républicain en avril 2018.

    81

    Parcelle dans le village de Bagadadji km 36, le 29 Mars 2018

    Source : Drabo, A

    Commentaire : Une parcelle de Bagadadji km36 n'ayant bénéficié que de peu d'eau,
    ce qui a entrainé une interruption de la croissance des plantules.

    La photographie de gauche sur le montage ci-dessus montre que la parcelle d'échalotes (à droite de l'image) a vu sa croissance s'arrêter par manque d'eau, bien qu'elle soit située à une trentaine de mètres d'un arroseur à Bagadadji km 36, où 45 % des individus interrogés indiquent que la principale contrainte au maraichage tient à sa production, notamment au manque d'eau.

    Par conséquent, des parcelles qui devaient être arrosées une à deux fois par semaine ne pouvaient l'être qu'une à deux fois toutes les deux semaines.

    Ce manque de pluies cause de véritable pertes. Les semences et les engrais utilisés sont perdus ainsi que le temps de travail fourni.

    En ce sens, la seule alternative a été de faire appel à des motopompes, pour drainer l'eau jusqu'à la parcelle. Cela implique un coût important. Une motopompe est chère (plus de 200 000 FCFA soit 300 euros) et necessite du carburant, un coût suplémentaire.

    Par ailleurs, la production des cultures maraichères implique aussi d'autres complications, notamment l'accès aux semences.

    82

    III.2. 2 Accès limité aux semences

    III.2.2.a. Le défi de l'accès aux semences de pommes de terre

    L'accès aux semences est difficile. Cela est particulièrement vrai pour la pomme de terre. C'est d'ailleurs l'une des raisons de la faiblesse de sa production en zone ON. Le pouvoir d'achat pour les semences conditionne souvent le type de spéculation produite. Il s'agit d'un paramètre important, à prendre en compte pour la production. Or, les semences de pommes de terre cultivées en zone ON sont majoritairement achetées auprès de commerçants venant de Sikasso. Lors des sondages réalisés auprès des exploitants dans la zone de Niono, dans les trois villages concernés, 19 des 53 personnes sondées produisaient de la pomme de terre. Par ailleurs, 100 % des producteurs de pomme de terre déclaraient avoir acheté les semences de pommes de terre auprès de commerçants de Sikasso. C'est le cas par exemple de la coopérative de femmes de Djicorobougou. Ces dernières, par le biais de prêts auprès de la BNDA, achètent des semences provenant de Sikasso, remboursées ensuite à la coopérative puis à la banque une fois les productions écoulées. Mais la véritable contrainte reste le prix des semences, à raison de 1 250 FCA (1,9 €) le kilogramme. À titre indicatif, pour cultiver un hectare de pommes de terre, il est préconisé de semer 50 caisses37 de semences en zone ON, contre 40 caisses à Sikasso (Bengaly, Ducrot, 1998). Ainsi, pour l'achat de semences de pommes de terre, un exploitant devrait débourser 1 562 500 FCFA (2 382€). Une somme non négligeable, pour des ruraux aux revenus modestes. Cette somme s'explique par le monopole de commerçants semenciers dans cette zone. La politique d'indépendance semencière ne fonctionne pas véritablement.

    III.2.2.b. Les tentatives d'indépendance semencière en zone ON

    Des tentatives ont été faites, comme le WAAPP, qui résulte d'un partenariat entre l'ON et l'IPR/IFRA de Katibougou. Une coopérative de producteurs de semences de pommes de terre a été mise en place ; son président est Amadou Mariko. Le but était de permettre à cette « nouvelle » zone productrice de pommes de terre de s'affranchir de la dépendance en semences vis-à-vis de Sikasso.

    37 1 caisse = 25 kilogrammes

    83

    Ainsi, à partir de 2007, la Banque mondiale, par le biais du WAAPP, finance la sélection de gènes et l'amélioration d'une variété locale dans les laboratoires de l'Institut Polytechnique Rural de Formation et de Recherche Appliquée (IPR/IFRA) de Katibougou (Koulikoro), qui sont ensuite plantées sous des serres afin d'aboutir à des plants de petites tailles (G0= Génération 0).

    Ensuite, ces générations 0 sont données à des exploitants semenciers, regroupés en quatre coopératives dans la zone ON (deux dans la zone de Niono, deux dans la zone de Molodo). Ainsi, cette culture de la G0 donne la G1 (Génération 1), qui est ensuite rachetée par le WAAPP, à 55 FCFA (0,08€) le tubercule. À raison de 16 tubercules en moyenne par plant, et pour une planche de 10 mètres, on sème 100 plants pour les G1, ce qui représente 88 000 FCFA (134 €) de gain pour une seule planche.

    Ces G1, obtenues par le semis de la G0, sont ensuite stockées dans des chambres froides pendant huit mois. Puis, le WAAPP cède ces G1 aux exploitants producteurs de G2 à la campagne suivante. Grâce à la culture de la G1, ils obtiennent la G2. Les coopératives productrices de semences de la G2 sont au nombre de neuf, regroupées à Djabali (Zone de Kouroumari).

    Le cycle est le même pour la production de la G3, réalisée par 80 coopératives38 dispatchées entre Sokolo, Niono, M'béwani, N'témou et Hérémakono.

    Enfin cette G3 est vendue au WAAPP à 600 FCFA (0,9 €) le kilo ; après l'avoir stocké huit mois en chambre froide, il les vend aux producteurs de pommes de terre à 750 FCFA (1,14€) pour la production de pommes de terre commerciales.

    Les variétés concernées par ce programme sont deux variétés améliorées : Spunta et Sahel.

    Théoriquement, le projet était conçu pour fonctionner de cette manière. Mais force est de constater que la réalité est différente. Au départ, l'objectif était de produire 750 tonnes de semences G3 par an. Un objectif qui n'a bien évidemment pas été atteint. Cela résulte en partie du manque d'infrastructures pour la conservation durant les huit mois prévus entre les productions de génération 0 à la semence commerciale.

    Il était prévu que le WAAPP construise des chambres froides pour la conservation des semences (G1, G2 et G3) avant leur production l'année suivante. Une promesse non tenue. Ainsi, la première année, les infrastructures pour la conservation faisant

    38 Onze au départ, à Sokolo, dans la zone de Kouroumari. Ce qui ne suffisait pas.

    84

    défaut, les semences (G1) ont été stockées à Katibougou (Koulikoro), où la capacité des chambres froides n'était pas suffisante.

    Conteneurs du WAAPP à Niono

    Source : Drabo, A (Mars 2018)
    Commentaire : Les deux conteneurs frigorifiques du WAAPP, prévus pour la
    conservation des semences (G1 et G2), avant leur mise en production. Ces
    chambres sont situées dans la ville même de Niono; l'entretien est à la charge du
    WAAPP.

    Puis, l'année suivante, pour la conservation, des conteneurs, d'une capacité de 40 tonnes, par chambres ont été données par le WAPP. À leur tour, ils n'ont pas suffi à stocker l'ensemble des G1, G2 et G3. Celles-ci ont alors été envoyées à Bamako chez un privé, propriétaires de chambres froides pour les tomates. Ceci aboutit au pourrissement de l'ensemble de la production.

    L'année dernière, une autre méthode a été essayée. Un mois après les récoltes, les trois chambres froides du PCDA à Niono (deux seulement étaient en état de marche) leur ont été cédées. Cela n'a pas constitué une véritable solution, car les chambres froides leur ont été cédées bien trop tard. Des tubercules avaient entamé leur

    85

    processus de pourrissement, processus qui se propage et infecte les tubercules sains. Néanmoins toute la production n'a pas été perdue.

    Outre ce manque d'infrastructures mettant en péril l'aboutissement de ce projet à la production de semences, la durabilité du projet dans le temps est à mettre en avant. Comme pour bon nombre de projets d'aide au développement, la présence des partenaires au développement permet de maintenir à flot le projet ; mais qu'advient-il à leur départ ? Même si ces infrastructures sont mises en place par le WAAPP, les semenciers seraient-ils encore capable de prendre en charge l'entretien et le payement des factures ? La dépendance ne serait-elle pas un revers ? Encore un exemple parmi tant d'autres, de projet viable uniquement par « perfusion » de partenaire au développement.

    À ce jour, le défi de la production de semence demeure. Les pommes de terre produites en zone ON sont issues des semences achetées aux commerçants

    L'office a par ailleurs d'autres alternatives, pour favoriser l'accès à des semences en quantité et de qualité, ceci à moindre coût. Il reflète certainement l'incapacité pour le moment des acteurs endogènes à mener un tel projet. En ce sens, dans la dynamique de ce que certains appellent « l'accaparement des terres agricoles », ou « land grabbing », l'ON étudie le projet d'une entreprise immobilière et agricole indienne, SNEGINDIA-SA. Déjà présente dans la commune rurale de Mbane au nord ouest du Sénégal, elle dispose d'un complexe agro-industriel de 1 500 hectares pour la production de pommes de terre mais également de semences. Les techniques et les infrastructures agricoles y sont modernes et permettent à l'entreprise de produire 5 000 tonnes de semences de pommes de terre et 50 000 tonnes de pommes de terre pour la consommation, soit presque le double de ce qui est produit dans toute la zone ON. Au vu des potentiels du périmètre irrigué qu'est l'ON, la société prévoit de venir s'y installer, et semble sur la bonne voie. Mais à quel prix ? Certainement, aux prix d'une perte de souveraineté alimentaire et à l'image des autres grands projets passés, comme le projet Malibya ou celui de Tomota, des déplacements seront nécessaires. Les exploitations familiales, bien peu performantes, devront laisser place à cette entreprise moderne, disposant de plus de moyens pour mener une agriculture intensive. Les producteurs devront se contenter de compensations si tant est qu'elles leur soient distribuées, et du travail salarial que l'entreprise leur apportera.

    86

    3. La conservation et la transformation : de véritables défis à

    relever.

    Outre ce défi de la production pour ces deux spéculations, la conservation et la transformation empêchent les exploitants de jouir de prix suffisamment rémunérateurs pour leur production. Aujourd'hui, les moyens relativement modestes ne permettent pas aux producteurs de minimiser les taux de perte lors de la conservation de l'échalote et de la pomme de terre. Ainsi, ils vendent souvent la récolte à des prix très bas

    III.3.2. La conservation : les méthodes de conservation et leur situation dans la

    zone ON

    III.3.1.a. Les atouts de la conservation ;

    Pour des spéculations maraichères telles que la pomme de terre et l'échalote, la conservation permet aux paysans d'augmenter leurs gains en les vendant à une période où les prix sont les plus élevés, source d'une meilleure rémunération. Cela permet aussi de conserver des bulbes, qui serviront de semences lors de la campagne prochaine.

    En effet, la commercialisation de l'échalote en zone de Niono se fait de manière échelonnée. Une partie de la production est vendue sans conservation, une partie est conservée. En ce sens, lors de nos enquêtes, 100 % des personnes interrogées avaient recours à la conservation pour l'échalote. Les producteurs disposent de hangars ou de chambres de conservation à destination du stockage. Pendant six à huit mois, les exploitants stockent une partie de leur production qu'ils vendent au gré des besoins de la famille. Ceci explique aussi la difficulté d'estimation par les exploitants du bénéfice engendré par cette production.

    Pour la pomme de terre, le cas est relativement différent. La conservation de cette spéculation est peu réalisée du fait d'un stockage non évident.

    La pomme de terre doit être conservée dans un espace frais, avec une température moyenne de 10°C, à l'abri de l'humidité, aéré et sombre. La chaleur et l'excès de lumière entrainent le verdissement de la pomme de terre, signe de développement

    87

    du germe du tubercule. Elle est alors composée de toxines, pouvant être source de maux de ventre. En ce sens, la conservation pour l'échalote est plus répendue.

    III.3.3.b Les cases de conservation traditionnelle

    Traditionnellement, la conservation pour l'échalote de Niono débute par le ressuyage des tubercules. Ce processus consiste à laisser les bulbes à l'air libre, au soleil, pendant deux à trois jours, afin de diminuer les risques d'humidité. Arrive ensuite la phase de triage, afin de retirer les résidus de terres ainsi que les bulbes non sains39, susceptibles de contaminer les bulbes sains. La dernière phase de conservation est la mise en botte.

    Botte d'échalote ; Botte d'échalote avant la mise en conservation.

    Source : Mémoire de Maïga (2013) à dans la zone de Molodo

    Comme le montre l'image ci-dessus, la botte est attachée avec une tige d'échalote, puis rassemblée avec un ensemble de bottes. L'exploitant peut donc les vendre en bottes à ceux qui souhaitent conserver ou stocker leurs bottes, ou vendre ses échalotes au détail. La conservation s'effectue dans un lieu permettant de les protéger de la pluie et du soleil, tout en étant aéré. La conservation de l'échalote (la pomme de terre parfois) se fait majoritairement dans des cases dites traditionnelles, dans la zone office du Niger. Pour l'échalote, des pièces de la concession sont dédiées au stockage de la production. Ce sont généralement des pièces constituées de murs et de toits en terre, ou sous des hangars aménagés pour le stockage.

    39 Car les bulbes non sains (blessées lors de la récolte, ou en processus de pourrissement) contiennent des parasites.

    88

    Type de hangar de conservation pour l'échalote

    Source : Drabo, A (Avril 2018)

    Hangar de conservation dans le Village de Bagadadji km36

    Ce premier type de hangar est réalisé de manière relativement sommaire. À partir d'un toit en plastique, sécurisé par une couche de paille par-dessus, les façades sont protégées en cas de pluies par des sacs de riz vides (Photographie en bas à gauche de l'image). Ce hangar ne sert pas uniquement à la conservation d'échalotes ; d'autres spéculations telles que l'ail y sont entreposées. Le problème majeur de ce type de hangar tient à la durée de vie courte de la construction. Chaque année, l'exploitant est obligé de changer les sacs servant de paravents à la pluie pour les façades et de consolider les couches de paille sur le toit. La photographie le reflète.

    Type de hangar en toit de tôle

    Source : Drabo, A (Avril 2018) Village de Foabougou

    89

    Ce second type de hangar traduit la situation économique plus aisée de l'exploitant : le toit est en tôle. Les façades sont réalisées à partir de nattes en paille qui laissent l'air circuler, tout en protégeant la production des animaux de la concession, de la pluie, mais aussi des éventuels vols. Par ailleurs, même si ce toit en tôle est une construction plus durable dans le temps et plus sûre en termes de protection d'infiltration en eau, elle ne répond pas aux normes d'isolement thermique. En période de chaleur, la température chaude y est emmagasinée, entrainant des phénomènes accélérés de pourriture de l'échalote.

    Enfin pour ceux disposant de plus de moyens, la conservation se fait dans une pièce, au sein de la famille, aménagée et réservée à la conservation.

    Pièce de conservation d'échalotes en terre

    Village de Bagadadji km36

    Source : Drabo, A (Avril 2018)
    Village de Foabougou

    90

    Ce type d'ouvrage pour la conservation d'échalote est le plus abouti. En effet, la construction est réalisée à partir de matériaux plus durables dans le temps. Le toit est en plastique, puis est solidifié par de la paille. Les façades sont construites à partir de briques de terre, permettant de mieux protéger la spéculation en cas de pluie. Des ouvertures sont réalisées afin de permettre la circulation de l'air. Sur la seconde photographie, une porte en fer est également présente. Mais ce type de construction représente un coût plus élevé pour l'exploitant par rapport aux précédentes constructions.

    Disposition horizontale et verticale de l'échalote

    Source : Centre international de conférence et de formation « Evaluation de la diffusion des cases de conservation d'échalote et de I'utilisation de la mercuriale des prix dans le Kala Inferieur-Office du Niger », projet Rétail

    91

    De manière générale, la disposition de l'échalote pour sa conservation est réalisée en juxtaposant des planches de bois, de façon à obtenir un quadrillage sur lequel l'échalote est disposé. Cela permet la circulation de l'air sur la spéculation.

    Toutefois, une telle conservation entraine de fortes pertes : 50 à 80 % de la production stockée est perdue.

    Pour la pomme de terre, au vu de la difficulté de sa conservation, son stockage n'est pas réellement développé dans la région. En cas de conservation dans des pièces similaires, elle subit au moins 50 % de pertes (CICF, 1997). Très souvent, la pomme de terre est vendue les jours suivant la récolte. Par ailleurs, des ouvrages de cases améliorées et de lieux de conservations beaucoup plus performants existent dans la zone ON, notamment à Niono, dans le village de Foabougou.

    III.3.3.b. Les cases améliorées de conservation

    Face à la nécessité d'améliorer les prix proposés par les producteurs, de nombreux partenaires ont entrepris d'aider les exploitants avec la conservation de leur production, depuis 1993, à l'initiative de l'URDOC (Nyeta Conseil).

    En ce sens, divers types de cases de conservation ont vu le jour pour la conservation de l'échalote. Dans la zone de Niono, un des villages enquêtés disposait de différents types de cases, qui de manière générale, étaient construites à partir de matériaux présents dans le village (traverse, banco, planche) et hors du village (porte, grillage, pointe, sable). Le coût de construction de ces cases varie entre 10 000 FCFA et 288 000 FCFA (Entre 15 à 439 €) (CICF, 1997) ; elles sont réalisées sur fonds propres ou avec l'aide de partenaires au développement.

    C'est le cas par exemple pour les chambres de conservation de la coopérative des femmes à Foabougou. Elles ont été construites par l'USAID, afin que les femmes de la coopérative puissent vendre leur production au moment opportun (septembre-octobre)40. La case est composée de quatre chambres de conservation, chacune ayant une capacité de 6 tonnes. Le toit en taule dispose d'un plafond interne en bois et de bouches d'aération en grillage.

    40 Période d'achat des semences d'échalote.

    92

    Chambre de conservation construite par l'USAID

    Source : Drabo, A (Avril 2018)
    Village de Foabougou

    L'échalote est disposée sur des étagères en bois permettant la circulation de l'air. Ainsi ces femmes peuvent conserver leur production huit mois, tout en réduisant les taux de perte.

    Ces cases améliorées permettent donc de réduire le taux de perte, qui atteindrait 20 à 40 % au lieu de 80 % dans une pièce traditionnelle.

    Concernant la pomme de terre, des chambres améliorées existent également ; l'une a été testée par ARPOFA41. Elles sont réalisées en dur et disposent de ventilateurs, avec des grillages permettant à la pièce d'être aérée. Le coût de construction est de 400 000 FCFA (609 €) pour une chambre pouvant contenir six tonnes. Un tel ouvrage permet de ramener les pertes à 20 %. Un autre type de case est la case aérée rectangulaire en banco, avec une toiture en paille pour la conservation de la pomme de terre du PCDA. Sa capacité est de cinq à dix tonnes, pour une durée de conservation de six mois (contre trois mois pour les types traditionnels). Le taux de

    41 Agence pour la Promotion des Filières Agricole qui a pour but d'aider les exploitants à améliorer et à développer leur activité. Afin de réduire la pauvreté.

    93

    perte est évalué à 20 %. Enfin, le coût de construction est estimé à 584 000 FCFA (890 €).

    Par ailleurs, ces cases sont certes améliorées, mais elles n'effacent pas complètement ce défi de la conservation, qui continue d'être marqué par des pertes importantes. On tente de réaliser des ouvrages à la hauteur des moyens des exploitants, dont les performances sont relatives.

    III.3.2. Les atouts et les limites de la transformation

    III.3.1.a. Les atouts : la transformation

    La transformation constitue une autre stratégie pour lutter contre les prix bas, lors de leur saison de production pour l'ON. Elle permet d'échelonner la vente toute l'année également, en réduisant le taux de perte et en augmentent les gains. En zone ON, faute de moyens, la transformation concerne uniquement l'échalote ; la pomme de terre ne possède pas d'unité de transformation. La transformation de l'échalote est fréquente et traditionnelle. Ainsi, comme pour tout autre produit, l'échalote transformée est vendue à un prix plus élevé, soit le double du prix de l'échalote fraiche (Gergely, 2002).

    La transformation de l'échalote au Mali est basée sur une diversité de méthodes, dont celle de l'échalote en boule écrasée42, les échalotes écrasées séchées (EES) et les échalotes séchées en tranches (EST). Dans la zone ON, ce sont les méthodes d'EES et d'EST qui sont développées. Le séchage, dans les deux méthodes, est réalisé au soleil. Cette transformation permet de conserver le goût de l'échalote lorsqu'on la cuisine. Ainsi, elle est un substitut à l'échalote fraiche en période de pénurie ; les femmes s'en contentent.

    La transformation, faute de moyens financiers, est réalisée de manière artisanale par les femmes, qui la transforment et l'associent parfois à des épices très appréciés au Mali, comme le soumbala. Les femmes le conditionnent ensuite pour le vendre progressivement sur les marchés.

    42 Méthode, Propre au pays Dogon (Meyer, 2011)

    94

    Jaba yirané (Échalote écrasée séchée mélangée avec du Soumbala)

    Échalote Séchée en Tranche (EST)

    Source : Drabo, A (Janvier 2018)

    95

    Outre cela, cette forme d'EST, qui n'est mélangée à aucune autre épice, est de plus en plus développée. Ce type de transformation consiste à éplucher l'échalote, qui est séchée. Le consommateur, en l'imbibant d'eau chaude, redonne son caractère « frais » à l'échalote.

    III.3.2.b. Une transformation complexe

    La quasi totalité de l'échalote transformée (45 % de la production d'échalotes fraiches)43 se trouvant sur les marchés des grandes villes, notamment de Bamako, est issue de la zone ON et du plateau dogon (Meyer, 2011).

    Par ailleurs le plateau dogon, contrairement à la zone ON, transforme 20 % de sa production contre 10 % pour l'ON. Ceci s'explique par le fait que l'échalote en zone ON est une production complémentaire, ce qui n'est pas le cas sur le plateau dogon. Les maraichers de l'ON, notamment de Niono, par leur pluriactivité agricole, peuvent compter sur les revenus tirés de la riziculture mais aussi sur les autres spéculations maraichères, contrairement à ceux du plateau dogon (Meyer, 2011). Ces derniers, en misant sur cette spéculation, sont obligés de les transformer pour augmenter les prix à la revente.

    Et outre, ce faible taux de transformation reflète un processus compliqué. D'une part, elle nécessite du temps et de la main-d'oeuvre. Il faudrait par exemple vingt cinq à trente hommes pendant toute une journée pour transformer une tonne d'échalotes en EST44, ou encore une demi journée de travail environ pour un homme, pour la transformation d'EES (Kassogue, 2010). Pour réduire cette pénibilité de la pratique, les machines sont une solution, mais demandent un investissement, lourd pour les exploitants

    43 Rapport de la FAO, Programme continental de réduction des pertes après récolte: Evaluation rapide des besoins au Mali, 2010

    44 Car le procédé de transformation implique l'épluchage, une étape difficile et long

    96

    4. Une commercialisation peu rémunératrice pour les producteurs ainsi que pour les autres maillons de la chaine.

    Produire, conserver et transformer une spéculation demeure un défi essentiel ; mais à quoi bon si la production est peu génératrice de revenus ? Ainsi, le maraichage au Mali, et notamment en zone ON, doit faire face à une désorganisation de la commercialisation, plus pour l'échalote que pour la pomme de terre. En effet, les exploitants affirment vendre la pomme de terre à des prix plus élevés que l'échalote durant leur période de surproduction (mars). La pomme de terre est vendue entre 250 à 300 FCFA (0,38 à 0,46 €) minimum, contre 100 FCFA (0,15€) parfois pour l'échalote. Cela résulte notamment de la production plus importante d'échalotes que de pommes de terre dans la zone de Niono.

    Ces variabilités de prix, pour ces deux spéculations, résident surtout dans la surproduction une partie de l'année. La commercialisation désorganisée amplifie ce phénomène. Ainsi, le cas de l'échalote étant plus frappant, il conviendrait de présenter son circuit de commercialisation.

    III. 5. 1 La commercialisation, basée sur le calendrier des bassins de production d'échalotes

    III.4.1.a Différents bassins de production de l'échalote au Mali

    S'il est vrai que l'échalote est produite à Niono entre novembre à mars et est déversée sur les étals des marchés maliens de mars à août, cela ne signifie aucunement que le reste de l'année, le pays ne produit pas d'échalotes. Le Mali est un pays marqué par de fortes diversités climatiques et ethniques, permettant ainsi de contrebalancer les phases de production. Les deux plus grands producteurs d'échalotes au Mali sont la zone ON et le plateau dogon. Ils représentent 90 % de la production nationale. La production du plateau Dogon est réalisée deux fois dans l'année : la première en même temps que celle de l'ON ; En raison de la concurrence avec l'ON, elle est transformée pour être commercialisée. La seconde a lieu en hivernage et est récoltée entre octobre et décembre, puis est commercialisée à l'état frais (FAO, 2010).

    97

    Ensuite, l'échalote fraiche provenant de Sikasso prend le relais, après la commercialisation de celle de Niono (août-septembre). Cette diversité de bassins de production permet aux commerçants et surtout aux consommateurs d'avoir des échalotes fraîches, en faible quantité parfois, mais relativement régulièrement une partie de l'année. L'échalote dogon et celle de Niono représentent toutefois l'essentiel de la production. Progressivement, elles sont concurrencées par de nouveaux petits bassins maraichers autours des villes, comme c'est le cas dans la périphérie de Bamako (Kati, Koulikoro), ce qui menace leur monopole de production (Meyer, 2011).

    III.4.1.b. Des différences selon les bassins de productions de l'échalote.

    Une première différence est constatable concernant la quantité et la durée de commercialisation.

    En effet, comparativement, les échalotes produites à Niono sont commercialisées environ quatre à cinq mois (mars à août) ; leur apparition vient faire concurrence aux échalotes de Sikasso et du plateau Dogon. Ainsi, les commerçants les délaissent au profit des échalotes de Niono. Cette grande quantité d'échalotes commercialisées plus longtemps détient le monopole des marchés maliens pendant cinq mois. Les échalotes des trois autres zones de production ne durent pas plus de trois mois et disparaissent des étals des marchés dès décembre. Cela peut s'expliquer par les avantages comparatifs qu'offre l'échalote de Niono.

    Le premier tient à la distance. En effet, la zone ON est plus accessible et plus proche que le plateau dogon par exemple, second plus grand producteur d'échalotes du pays. Ce dernier est situé sur la falaise de Bandiagara, à 683 km de Bamako, contre la moitié pour la zone de Niono, qui bénéficie d'un axe routier à deux voies jusqu'à Ségou et une route Ségou-Bamako, reconstruite et en bon état. C'est donc une zone de production désenclavée et proche des pôles de consommation, offrant des avantages en termes de distance par rapport à l'échalote de Niono (Meyer, 2011).

    Production annuelle moyenne d'échalotes au Pays Dogon et à L'ON (2002-2010)

    45

    98

    Source : ON et secteur de l'agriculture à Bandiagara (Meyer, 2011)

    D'autre part, la période de production permet une production de masse, car elle est d'abord produite dans la période favorable à sa croissance (Octobre à mars), contrairement aux autres bassins de production. La contre saison froide permet aux tubercules de se développer et d'obtenir des volumes plus importants, comme l'indique le diagramme ci-dessus. Lors de la campagne 2008-2009, l'ON en a ainsi produit plus de 140 000 tonnes, contre 40 000 tonnes pour le plateau dogon. Malgré les fluctuations des quantités produites par l'ON, celles du plateau dogon n'atteignent même pas les 50 000 tonnes de production. La production minimale à Niono a été enregistré lors de la campagne 2009-2010, et était de 70 000 tonnes.

    D'autre part, l'abondance en eau et la proximité d'une source d'eau permet à ces exploitants d'accroitre leur production par rapport aux autres ; plusieurs cycles de production sont possibles.

    45 Variation de la quantité produite pour celui de l'ON du fait des travaux et

    aménagement dans la zone qui ne permettent pas la production d'échalote. Comme par exemple la Chute de production lors de la campagne 2009-2010, du fait de la construction du canal du projet Malibya qui a entrainé la fermeture du canal Macina lors de la campagne 2009-2010. Ainsi impossibilité de produire de l'échalote. Prévision de 180 000 tonnes pour cette campagne pas atteint. ON a produit que 70 000 tonnes d'échalote

    99

    Cours de l'échalote fraîche au marché de Médina-coura, (2008-2010)

    46

    Source : OMA (Meyer, 2011)

    Aussi, il n'est pas dit que la zone de Niono, grande productrice d'échalotes, tire le plus profit de la commercialisation. En effet, dans ce jeu de l'offre et la demande, les grands bénéficiaires sont les producteurs d'échalotes qui la commercialisent du mois d'août au mois de novembre. Comme l'indique le diagramme ci-dessus, c'est la période à laquelle le kilo d'échalote dépasse en moyenne la barre des 600 FCFA (0,9€) entre 2008 et 2010, pour atteindre près de 800 FCFA (1,2€) le kilogramme en octobre. La hausse des prix résulte d'une offre moins importante en échalotes et d'une forte demande, du fait de l'achat des semences pour l'ON.

    Ainsi, en se basant sur le calendrier de commercialisation, ce sont les producteurs de l'ON qui bénéficient des prix les plus bas. Ils commercialisent la production directement après la récolte, période à laquelle les prix sont les plus bas (mars-avril), du fait de l'absence de moyens de conservation. Les prix tombent sous la barre des 200 FCFA (0, 30€) pour atteindre 175 FCFA (0,25€), voire 125 FCFA (0,19€) lorsque tous les exploitants de l'ON sont en phase de récolte. Au mois d'août, les prix atteignent 600 FCFA (0,9€) en moyenne, ce qui correspond à la période de la fin de la commercialisation de l'échalote fraiche de l'ON.

    De plus, même si la plupart des producteurs d'échalotes conservent les semences47 pour la campagne suivante, il n'est pas rare que certains achètent ou complètent le

    46 Les prix en 2010 sont plus élevés que les deux années précédentes, du fait notamment de la faiblesse de production de la zone ON lors de cette campagne.

    100

    stock dont ils disposent. La période de production, caractérisée par la mise en place des pépinières, débute en octobre pour la zone ON. A cette période, les prix sont les plus élevés. En 2010, avec la faiblesse de production de l'ON, de nombreux maraichers ne disposaient pas de stocks de semences48. Leur achat a entrainé une hausse des prix, atteignant 1 200 FCFA (1,8€) le kilogramme.

    Parallèlement à cela, la période de commercialisation de l'échalote de Sikasso et du plateau dogon a lieu au moment où les prix sont les plus élevés (août à novembre), entre 600 (0,9€) et presque 800 (1,2€) FCFA le kilogramme. Une différence considérable entre les échalotes fraiches des différentes zones de production existe donc ; elle a un impact sur les prix. Si ceux de Niono produisent en quantité et sur une plus longue période, les autres bassins de production bénéficient d'un calendrier de commercialisation plus rémunérateur que la zone de l'ON. Ainsi, les exploitants de Niono doivent faire face à des prix volatiles, peu rémunérateurs, du fait de la surproduction de la zone, ainsi que de l'absence de transformation, que le plateau dogon réalise plus souvent.

    47 Reproduction végétative à partir des bulbes conservés de la campagne précédente: Cas de l'ON, les bulbes récoltées en mars avril servent de semences en octobre

    48 Car beaucoup de maraichers du fait des travaux sur le réseau hydraulique n'ont pas produit cette spéculation et n'ont donc pas pu conserver ce qui sert de semences.

    III.4.2 Un circuit de commercialisation riche d'acteurs.

    Organigramme de commercialisation de l'échalote

    Producteurs d'échalote de Niono

    Coxers

    (intermediaires) dans les villages

     
     

    Grossistes des villes
    regionales (Segou,
    San, Sikasso)

    Grossistes de Bamako

    Grossistes de la sous-
    region (Côte d'IvoireI,
    Guinée, Burkina Faso)

    Semi-detaillants de
    Niarela (Niono-sugu)

    Semi-detaillants de
    Medina-coura
    (Suguni Coura)

    Détaillants de
    quariers

    Consommateurs

    Détaillants de
    quartiers

    Consommateurs

    Source : Drabo A

    Contrairement à l'échalote dogon, la commercialisation de celle

    de l'ON se fait hors de la sphère familiale (Meyer, 2011). L'organigramme ci-dessus présente son organisation.

    III.4.2.a. Le coxer

    Après la récolte des échalotes par les exploitants entre mars et avril, des commerçants intermédiaires (les coxer) présents dans les villages se chargent de

    101

    102

    l'achat auprès des exploitants. Ils sont les représentants des grossistes des villes. Ils disposent de contacts et à la demande d'un grossiste, se chargent de regrouper la quantité demandée. Ils sont généralement eux aussi des exploitants et mènent parallèlement cette activité complémentaire.

    III.4.2.b Le grossiste des villes.

    Les grossistes rachètent ensuite aux coxer les quantités souhaitées lors des marchés ruraux, notamment à la foire de Niono les dimanches et à celle de Siengo les jeudis. Les grossistes de Bamako quittent la capitale le samedi matin pour être à la foire de Niono. Le dimanche, ils quittent Niono pour être à la capitale le lundi. Pour la foire de Siengo, le départ de la capitale se fait les mercredis, le retour les jeudis soir et le déchargement des camions les vendredis.

    Camion chargé de sac d'échalotes et d'oignons

    Source : Drabo, A (Avril 2018)
    Commentaire : Un camion chargé d'échalotes et d'oignons lors de la foire de Niono.
    La cargaison est composée des marchandises de quatre grossistes, ce qui permet au
    transporteur de réduire le nombre de voyages et de remplir son camion.

    103

    Comme le montre l'image ci-dessus, le grossiste fait appel à des jeunes des villages et au coxer pour emballer la production dans des sacs rouges puis l'acheminer vers les différents pôles de consommation. Certains vont dans les villes régionales comme San, Sikasso ou encore Ségou. D'autres vont vers la capitale, dont le point d'arrivée est le quartier de Bagadadji, sur le marché de Niaréla, appelé « Niono Sugu » (Marché de Niono).

    Concernant la pomme de terre, des nuances sont à apporter : moins répandue dans la région, la vente se fait généralement sans biais de coxer. Elle s'effectue soit directement dans le village (Bagadadji km 36 et Foabougou) soit lors des foires (Djicorobougou). Dans ce dernier cas, les pommes de terre sont rachetées par les grossistes directement.

    III.4.2.c. Circuit de commercialisation dans les villes

    Tous les lundis et les vendredis au Niono sugu, il y a de nouveaux arrivages. En mars, quinze à vingt camions peuvent être déchargés en un seul arrivage. Ensuite, les grossistes de la sous-région (Côte d'Ivoire, Guinée, Burkina Faso) viennent s'y approvisionner, ainsi que les semi grossistes, qui achètent aux grossistes. Ils sont installés au « Niono Sugu » également. Une rue est uniquement réservée au « jaba » (oignon et échalote) et à la pomme de terre provenant de Niono. Comme visible sur la photographie ci-dessous, les spéculations sont à même le sol. La balance bleue à droite de la photographie permet de le vendre au détail pour ensuite la mettre dans les sacs rouges à trous pour le client.

    104

    Semi-détaillant d'échalotes, de pommes de terre et d'oignons au « Niono Sugu »

    (Bamako)

    Source : Drabo, A
    Commentaire : Photo prise le 30 mars 2018, à 15h. C'est la période chaude, ce qui explique l'affluence faible. Les
    détaillants (es) s'y pressent le matin, au moment où il fait moins chaud. La rue de « Niono Sugu » devient
    pratiquement inaccessible.

    Ces clients, des semi grossistes, sont généralement des détaillants (es) de quartiers ou parfois des consommateurs directs, résidant non loin du marché. La ville s'étalant de plus en plus, il est difficile de s'y rendre fréquemment pour faire ses provisions. Ainsi, un consommateur résident à Kati (15 kilomètres du centre ville) peut trouver dans son assiette une échalote provenant de Niono, grâce aux détaillants.

    III.4.3. Les contraintes de commercialisation

    III.4.3.1 Des prix volatiles pour l'exploitant

    Si la filière semble organisée, elle ne garantit pourtant pas la volatilité des prix.

    105

    Lors de l'enquête de terrain, l'absence de protection face aux prix est revenue régulièrement. Les commerçants en situation de force, lorsque l'offre d'échalote par exemple est importante, cherchent à faire chuter les prix. Certains producteurs déclaraient lors de nos enquêtes avoir vendu parfois leur production à perte. Ils estiment souvent le gain des commerçants bien trop important par rapport à leur gain.

    128 029

    Les bénéfices pour les acteurs de la filière échalote

    Opérateur

    Prix de vente kg/FCFA

    Charge

    Marge

    Producteur

    125 FCFA (0,19€)

    85 FCFA (0,12€)/KG

    40 FCFA (0,06€)/KG

    Coxeur

    130 FCFA (0,20€)

    __

    5 FCFA (0,01€)

    Transporteur49

    15 FCFA (0,02€)

    __

    __

    Grossiste

    165 FCFA (0,25€)

    150 FCFA50 (0,23€)

    15 FCFA

    Détaillant

    175 FCFA (0,27€)

    165 FCFA+ 50 FCFA/mois51
    (0,08€) + 340 000 FCFA
    (518€) pour 2000 sacs
    rouges à trous

    10 FCFA (0,02€)

    Source : Drabo A

    Commentaire : Chiffre à prendre avec précaution, donnés à titre indicatif. Ils varient d'un acteur à un autre et font référence au prix du marché à une période donnée (mi-mars 2018)

    Ce discours est souvent réfuté par les commerçants. En effet, la volatilité des prix ne leur incombe pas totalement. Tout comme les producteurs, ils cherchent eux aussi à acheter le plus bas possible pour revendre à des prix abordables pour les clients. Les charges et les acteurs multiples, qui prennent chacun une marge, ne facilitent pas l'acquisition d'un gain important pour les acteurs. Le circuit long implique un maillon de la chaine riche en acteurs, qui accentuent également les effets négatifs de la commercialisation de ces spéculations, notamment pour les commerçants.

    49 Difficulté de connaître leur charge et leur marge. Refus systématique de les communiquer.

    50 Charges du grossiste : Prix aux producteurs (125FCFA) + Prix du Coxer (5FCFA) + Prix du transporteur (15FCFA) + Prix des sacs de stockage (5FCFA). L'échalote lui revient à 150 FCFA comme prix d'achat.

    51 Location de la place de marché payé à la mairie

    III.4. 3.2 Les revers de la commercialisation pour les commerçants : cas de l'échalote

    L'échalote supporte mal la chaleur et l'enfermement. Elle a une forte teneur en eau. Ainsi, tant qu'elle n'est pas aux deux tiers de sa maturité, elle est relativement vulnérable, et pourrit rapidement. Malheureusement, les exploitants face à un besoin imminent de devises, n'hésitent pas à récolter rapidement les tubercules, avant leur maturité. Ce qui expose les commerçants à des pertes considérables de leurs achats. Ils enregistrent en moyenne une perte d'un peu plus de 5 % de leurs produits. Elles pourrissent, et en externalisant le liquide pourri, perdent du volume. Ce phénomène est amplifié par des tris non réalisés par les exploitants ; des bulbes non sains sont ainsi stockés avec les sains, ce qui favorise la contamination.

    Ils doivent aussi faire face au défi du transport. Les grandes zones d'approvisionnement des échalotes de la zone de Niono sont les marchés de la ville de Niono, des villes régionales et de Bamako. Avec une distance de près de 300 kilomètres pour le trajet Niono-Bamako, celui-ci, pour un pays en développement, s'avère être un véritable périple. La route comporte deux voies anciennes (1984), mal construites et mal entretenues. S'ajoutent à cela les camions, peu performants (car vieux). Autant de contraintes qui rendent difficile le transport et accentuent la perte d'échalotes, ce malgré des prix élevés52.

    Par ailleurs, le défi de l'excès d'utilisation d'engrais par les paysans a des conséquences sur l'ensemble de la chaine. Les produits sont de moins bonne qualité et sont plus vulnérables.

    Lors de nos enquêtes, en moyenne pour un hectare, le maraicher utilisait huit à dix sacs contre les 5 sacs recommandés. Il pourrait être intéressant de mener une étude pour comprendre les causes de cette utilisation excessive d'engrais.

    106

    52 500 FCFA (0,76€) pour le transport d'un sac de 45 kg de Niono à Bamako.

    107

    IV. Perspectives : Immobilisme masqué

    pour les maraichers ?

    Le maraichage au Mali est marqué par les nombreuses potentialités qu'offre la zone ON. Pour l'échalote et la pomme de terre, ce périmètre irrigué est sans aucun doute un moyen de réaliser une horticulture productive et performante. Il est bien évident que la situation peut évoluer. Le maraichage peut véritablement tenir ses promesses de réduction de la pauvreté et d'amélioration des revenus des colons de l'ON. Mais pour ce faire, les blocages auxquels il fait face doivent être résolus. Il doit sans conteste, être accompagnée de politiques interventionnistes et dirigistes, garantes de la production, de la transformation mais aussi de la commercialisation.

    1. Le développement inclusif demeure un leurre pour les exploitants sans soutien de l'État.

    Dans toute Nation, l'État dispose irréfutablement, des « armes » nécessaires pour conduire le développement. Une bonne gouvernance, un État fort, régulateur et facilitateur, permettent au pays de s'insérer dans un véritable développement, de jouir de ses avantages comparatifs et de s'affranchir du mal développement. Dans les pays en développement, le droit à l'alimentation est souvent compromis. Se nourrir suffisamment et de manière saine relève du parcours du combattant.

    Cette réalité est sans conteste connue de tous. Les nombreuses rencontres internationales témoignent de la prise de conscience mondiale de la sous-alimentation, ce depuis la Conférence mondiale de l'Alimentation, organisée par les Nations Unies en 1974. Elle fait suite à un recul de la production céréalière, du fait des aléas climatiques (gel des récoltes en URSS, sècheresse au Sahel, inondations en Inde...), qui entraine l'augmentation des prix (1972-1973).

    S'ensuivent de nombreuses rencontres internationales (comme en 1996 à Rome53)

    53 Lors du sommet de l'alimentation à Rome en 1996, le but fut de sensibiliser sur les problèmes d'alimentation et pour réunir toutes les parties prenantes, afin d'aboutir à un consensus commun qui est la déclaration et le plan d'action, qui posent les bases d'actions, afin de réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de sous alimentation chronique d'ici 2015.

    108

    et continentales (comme à Maputo en 200354), où le constat est précisé. Les décisions consensuelles prises sur une échelle internationale et continentale se doivent d'être appliquées au niveau national. Il incombe donc au gouvernement de créer un environnement propice politiquement et économiquement, en réunissant à son tour tous les acteurs autour d'un même groupement, pour permettre le développement d'un secteur. En ce sens, le droit à l'alimentation doit être l'une des fonctions régaliennes de l'État.

    L'État malien se doit donc de mener des politiques en faveur de l'amélioration des revenus des ruraux, qui composent l'essentiel de sa population, et d'aider les exploitants à mener une agriculture productive et durable, afin d'améliorer leur revenu et d'augmenter leur pouvoir d'achat, pour qu'ils consomment.

    Même si le mal développement persiste, la situation semble donc s'améliorer, avec « un recul de la pauvreté » selon la Banque mondiale, mais aussi une croissance du secteur privé de 6,9 % en 2015 à 7,6 % 2016. Celle-ci résulte de meilleures performances agricoles. L'État, par sa Loi Orientation Agricole (LOA), démontre sa volonté de valoriser le secteur agricole. Ceci aboutit en 2013 à une politique de développement agricole (PDA). L'agriculture se veut durable, tournée vers l'agriculture familiale et ouverte aux investissements privés, gage de modernité et de compétitivité (Denon, 2018). Ainsi, la production de fruits et légumes constitue un élément important de la politique agricole du Mali (Dembélé, 2001). C'est un secteur considéré comme d'avenir, qui permettrait de réduire les importations, d'exporter sa production et de diversifier la production. Toutefois, c'est une filière qui doit encore faire face à des contraintes, qui l'empêchent de jouir des avantages dont elle dispose à l'ON.

    IV.1.1. L'état, garant de la bonne pratique agricole

    IV.1.1.a. La recherche et la formation, une voie vers le maraichage moderne.

    Or, pour relever les défis auxquels la filière est confrontée, le soutien étatique est nécessaire, afin de rendre cette activité plus moderne et compétitive, pour les exploitations familiales. Car malgré les efforts fournis par l'État, les colons de l'ON

    54 Lors de ce sommet à Maputo en juillet 2003, les pays africains ont réitéré leur volonté de faire de l'agriculture une priorité, en lui consacrant au moins 10% du budget national afin d'aboutir à une croissance annuelle de 6%

    109

    doivent toujours faire face à une fluctuation des prix de l'échalote, notamment à la fin de sa période de production dans l'ON (mars-avril). Cette condition est peu favorable à des rémunérations suffisantes pour les paysans.

    Ainsi, une solution pourrait être constituée par la recherche, réalisée au Mali par l'IER55. Elle doit être soutenue par l'État, afin de permettre une innovation des techniques agricoles, dans le cadre de la production, de la transformation mais aussi de la commercialisation. Cette recherche est souvent marginalisée par l'État malien, qui ne cesse de réduire le budget qui lui est consacré. L'accent doit être mis sur le développement de variétés plus tardives d'échalote, afin d'échelonner la production toute l'année, et d'éviter les phénomènes de surproduction, mais aussi, de réaliser des recherches sur le plan génotype pour permettre de meilleures performances. Il en est de même pour la pomme de terre. Même si la superficie cultivée pour cette spéculation croit, elle reste encore peu produite, du fait des difficultés liées à l'accès aux semences. La zone ON n'étant pas indépendante pour les semences de pommes de terre, elle doit faire face à des prix élevés, ainsi qu'à des semences de pommes de terre peu productives, du fait de leur provenance. En ce sens, comme l'indiquait Monsieur Kassoum Dénon ex-ministre de l'agriculture du Mali (2014-2016) et ancien PDG de l'ON, « les variétés doivent être adaptées aux conditions édaphiques de la zone ON ».

    De plus, s'il existe un inventaire des variétés d'échalotes56 au Mali et de leur répartition sur le territoire, il n'en existe pas pour la pomme de terre. Il est donc essentiel de réaliser un inventaire des semences de pommes de terre, de les caractériser et de les cataloguer (origine, potentiel, itinéraire agricole maitrisé) afin d'apporter des améliorations en les adaptant notamment aux conditions édaphiques selon les bassins de production. Des fiches techniques selon les variétés seraient ainsi disponibles, mettant en exergue le gain de productivité et le gain économique, pour déterminer des seuils maximaux et des seuils minimaux. Cela permettrait une vulgarisation de la nouvelle variété, à travers la multiplication des semences améliorées par des producteurs de semences. L'exemple de la coopération entre l'IPR de Katibougou, le WAAPP et les coopératives de producteurs de semences de pommes de terre doit être multiplié et accompagné des moyens financiers et matériels nécessaires pour leur bon fonctionnement. Cela permettrait d'avoir des

    55 Institut d'économie Rurale

    56 Centre Régional de Recherche Agronomique à Niono.

    110

    semences de qualité, performantes et adaptées aux conditions agro-climatiques de la zone ON, gage de meilleure productivité, et d'indépendance semencière.

    La recherche doit aussi se concentrer sur le développement de techniques optimales pour la production, notamment la fertilisation des parcelles et le traitement des nuisibles, véritables menaces pour la production. Elle doit développer des méthodes favorables à l'utilisation réduite des engrais chimiques et des produits phytosanitaires, mais plus efficaces et garantissant un accroissement de la production.

    Concernant la fertilisation, des techniques doivent impérativement être trouvées pour réduire la quantité des engrais chimiques utilisés et les substituer à des engrais organiques.

    Lors de nos enquêtes de terrain, il est apparu effectivement que, même si la fumure organique constituait la base de la fertilisation des parcelles, les engrais chimiques (NPK57, URÉE, DAP58) étaient fortement répandus également. La quantité d'engrais utilisée par les maraichers dépassait largement celle préconisée59. Dans un contexte où le marché international est visé, et que celui-ci devient exigeant en matière de qualité de la production, il est important de surveiller les quantités d'engrais et de traitements phytosanitaires utilisées par les exploitants.

    En d'autres termes, des campagnes de sensibilisation et de formation doivent être développées, afin d'informer les exploitants des risques de l'utilisation excessive d'engrais chimiques et de traitements phytosanitaires (fongicides, insecticides). Il s'agit de les informer sur les options moins dangereuses pour la santé humaine et moins nocives pour les parcelles.

    En ce sens, le personnel encadrant de l'ON doit être formé afin de pouvoir à leur tour vulgariser des techniques plus performantes, et guider les exploitants vers des tests pour obtenir de meilleures résultats. Et aussi, la formation directe du colon doit également être basée sur les bonnes pratiques agricoles et les précautions à prendre lors des traitements chimiques des cultures, dangereux pour la santé des exploitants eux mêmes. En France par exemple, l'épandage de ces produits est très contrôlé et nécessite l'obtention d'un certificat pour sa manipulation (Brunel, 2017).

    57 Un engrais composée d'un mélange d'élément chimique : Azote (N), phosphore (P) et potassium (K)

    58 Phosphate d'ammonium

    59 Cinq sacs d'engrais préconisés par la recherche par hectare contre huit à douze sacs utilisés par les exploitants.

    111

    Une telle mesure pourrait être un moyen de mieux organiser ce processus de traitement et de fertilisation.

    IV.1.1.b. Les subventions, aide incommensurable pour l'accès à des intrants de qualité et un besoin de politique pour la diversité de cultures maraichères

    Au-delà de cette maitrise des pratiques et des quantités d'épandage des produits de fertilisation et de traitement agricoles l'État, doit mieux organiser sa commercialisation. Il n'est pas rare qu'un exploitant confronté à des ravageurs dans sa parcelle maraichère utilise des pesticides à destination du traitement de ravageurs pour le coton. Or, la culture de coton au Mali est exclusivement contrôlée. Les intrants (les semences, les engrais et les produits phytosanitaires) utilisés sont issus de la CMDT60. En ce sens, lors de la campagne (hivernage) cotonnière, si l'ensemble des produits phytosanitaires reçus ne sont pas utilisés par le système du coton, ils sont revendus sur les marchés informels. Ainsi, pour le traitement d'insectes dans une parcelle maraichère par exemple, faute de connaissances, l'exploitant les traitera avec les insecticides prévus pour la culture de coton. Cela reflète notamment le manque de moyens des exploitants pour se procurer des produits de traitement contre les ravageurs maraichers et la non maitrise de la qualité des intrants sur les marchés. Ainsi, même si l'État investit dans la recherche pour l'amélioration de fertilisants et de produits de traitement, il est important qu'il aide financièrement les exploitants à se les procurer.

    En effet, il est connu que les produits de meilleure qualité, améliorés par la recherche, représentent un coût parfois élevé pour les exploitants. En ce sens, tout comme pour le riz ou encore le coton, l'État doit subventionner l'accès à ces deux composantes essentielles de la production, garantes de meilleures performances. En zone ON, les engrais sont subventionnées par l'État à hauteur de 50 % pour la riziculture. Ainsi, si cela est réalisé pour la riziculture dominante en période d'hivernage, il doit en être de même pour le maraichage. Pour ce faire, une meilleure gestion des subventions 61 destinées aux cultures comme le coton ou le riz permettrait de réaliser des économies et de diriger la subvention vers les cultures

    60 Compagnie Malienne de Développement du Textile

    61 Les subvenions pour l'engrais sont très mal gérées et font face à d'important fraudes de la part des fournisseurs locaux. Ils feraient perdre à l'Etat sept à huit milliards de FCFA par an selon Boubou Cissé Ministre de l'Economie et des Finances.

    maraichères, qui composent elles aussi l'essentiel de l'alimentation malienne, tout en contrôlant leur qualité auprès des fournisseurs agréés.

    De plus, si depuis la restructuration de l'ON, on pointait du doigt la trop grande spécialisation de la zone ON dans la riziculture, aujourd'hui le maraichage révèle les mêmes similarités. À travers ce mémoire, l'on se rend compte de l'importance d'une spéculation dominante. Ainsi, l'échalote représente plus de 90 % de la production maraichère de la zone et ceci sur des petites superficies (moins de 0,5 hectare en moyenne) (Dembélé, 2018). Ceci engendre un risque de baisse des revenus maraichers en cas de problèmes liés à la production (développement de nouvelles maladies, d'insectes...), ou à la baisse de la demande en échalotes, qui pourrait entrainer une chute des prix. La politique de diversification des activités agricoles dans la zone ON, qui a engendré l'explosion de la production des cultures maraichères, devrait concerner les types de spéculations produites. Miser sur l'échalote peut être une limite dans la quête de l'amélioration des revenus des maraichers. En ce sens, l'on doit inciter à la diversification maraichère, afin d'éviter une surproduction lors des récoltes à la mi mars. Ainsi, l'insertion de la pomme de terre reflète cette volonté des colons, mais aussi des politiques agricoles de miser sur d'autres spéculations de diversification. Par ailleurs, si encore près de vingt années après l'insertion de cette spéculation, la situation est relativement la même, c'est que sa production n'est pas évidente. Les techniques agricoles ne sont pas maitrisées, engendrant des productions à faible rendement. Lors des enquêtes, notamment à Djicorobougou, 37,5 % des femmes prétendaient avoir perdu l'ensemble de leur production lors de la campagne 2016-2017. Cette perte est liée au manque d'eau, mais aussi à celui d'engrais, qu'elles n'ont pas pu acheter en quantité suffisante, faute de moyens.

    112

    `

    113

    Cumul pluviométrique de 2015 et 2016 dans la zone de Niono

    Zones

    Décades par
    mois

    Cumul

    Rappel 2015

    H

    N

    H

    N

    Niono

    du 1 au 10

    269,4

    12

    290,3

    12

    du 11 au 20

    108,6

    8

    237,4

    12

    du 21 au 31

    214,9

    8

    157,8

    12

    Total

    592,9

    28

    685,5

    36

    Source : Bilan de Campagne de l'ON de 2016-2017

    Dans la zone de Niono, le cumul pluviométrique sur l'année reflète une baisse de la hauteur des pluies en 2016 par rapport à 2015. En effet, on enregistre 592,9 mm de pluies tombées entre janvier et décembre 2016, contre 685,5 mm pour l'année 2015, soit une différence de 92,6 mm. Cela résulte de la baisse du nombre de pluies, qui était de 36 en 2015 et est passé à 28 en 2016. Il y a donc moins de pluies en 2016 par rapport à l'année précédente.

    Ces femmes ayant investi dans la culture de pommes de terre (achat de semences, temps de travail) n'ont donc pas pu tirer profit de la culture de cette spéculation. Un manque à gagner pour le revenu donc, au vu des prix des semences de pommes de terre. Ainsi, l'État se doit là encore d'intervenir dans l'accès aux semences, pour faciliter la diversification de la culture maraichère et l'émergence des spéculations comme la pomme de terre à l'ON. Des subventions peuvent être octroyées ; les emprunts auprès de banques agricoles devraient également être plus accessibles aux exploitants afin de leur permettre un accès plus facile aux intrants.

    Sans cela, le développement de la filière est compromis.

    IV.1.2. Un État protecteur de la production et de sa valorisation

    Le défi de l'après production est sans conteste le manque d'infrastructures pour la conservation, mais aussi pour faciliter la commercialisation de ces spéculations maraichères. Ainsi, depuis 2006 avec la LOA et la PDA, le gouvernement malien essaye d'y remédier.

    114

    IV.1.2.a. Le PCDA : Une réponse aux défis de la conservation et de commercialisation

    C'est dans ce cadre que l'Etat, par le biais du PCDA, a tenté de venir en aide pour la conservation, un véritable défi pour ces maraichers.

    En ce sens, en 2014, le PCDA62 assistée par la BM, a construit un pôle de centralisation d'échalotes et de semences de pommes de terre sur 1,2 hectare dans le village de Djicorobougou (Koulambawéré). Il a couté 904 000 090 FCFA (1 378 143€).

    Chambres de conservation du pôle à Djicorobougou

    Source : Drabo, A (Février 2018)

    Le pôle est constitué de 15 chambres de stockage dotées d'une capacité de 20 tonnes chacune, soit une capacité totale de 300 tonnes pour l'échalote. Ces chambres disposent de deux longues étagères et d'ampoules. Les accès vers l'extérieur (bouches d'aération) sont protégées par des grillages, afin d'éviter l'irruption d'insectes, néfastes pour la conservation.. Afin de permettre de conserver l'échalote huit mois.

    62 Programme Compétitivité et Diversification Agricole est un programme malien, dont le but est de soutenir et accompagné les « chaines d'approvisionnement agricole » avec l'appui de la Banque Mondiale (BM).

    115

    Entrepôt de conditionnement du pôle

    Source : Drabo, A (Février 2018)

    On trouve également un entrepôt de conditionnement de 900 m2. Cet entrepôt a pour but de préparer, de trier l'échalote avant sa conservation. Cette conservation s'effectue par la séparation de l'échalote (gousse) et de ses tiges, le nettoyage, en y enlevant les résidus de terre, puis par le tri. Ce tri se fait par le biais d'une machine qui dégage les impuretés qui, en fonction du tamis et du calibrage choisis, séparent les différentes tailles d'échalote, puis les différentes colorations choisies, pour enfin les mettre dans des sacs situés à la fin de la chaine de la machine.

    Les trois chambres de conservation pour la pomme de terre

    Source : Drabo, A (Février 2018)

    116

    Enfin, trois chambres froides (deux pièces par chambre) servent à la conservation des semences de pommes de terre ; chaque chambre a une capacité de 100 tonnes. Les pièces disposent chacune d'un d'humidificateur, et de quatre ventilateurs, alimenté par de l'eau puisée depuis le forage, qui passe par un filtre pour ensuite être transmise dans l'humidificateur, pour humidifier les semences. Elles sont disposées dans des casiers ; ces casiers sont disposés sur des planches de bois. Des ampoules sont également présentes dans les pièces. Les portes sont très étanches et protègent de l'extérieur.

    Ce pôle à pour particularité d'être construit en dur à l'extérieur et à l'intérieur ; il est en banco, pour conserver la fraicheur (concerne l'Entrepôt et les chambres de conservation pour l'échalote) . Les bâtiments sont donc tous en semi dur et en semi banco. Le pôle dispose également d'un forage, lui permettant une certaine autonomie. Autrefois, il fonctionnait par le biais d'un groupe électrogène ; il est aujourd'hui rattaché à l'EDM du Mali.

    Il a comme fonction la réception des spéculations, leur tri, leur entreposage et leur conditionnement avant la commercialisation. Ainsi, ce pôle est à destination de toute personne désirant y stocker sa production.

    Les femmes sont payées afin de nettoyer les échalotes et d'enlever leurs impuretés. Le client a deux mois pour faire stocker le poids qu'il a réservé, pour un stockage de quatre à six mois. Le stockage débute au mois de mai. La conservation est payante, et coûte 40 FCFA (0,06€) par kilogramme. La structure se charge ensuite du nettoyage, de la bonne conservation et du gardiennage.

    Le développement de ce type d'infrastructure, moderne, pour ces produits périssables que sont l'échalote et la pomme de terre, permet d'étaler la période de commercialisation sur une bonne partie de l'année. Ceci permettrait d'améliorer les revenus des colons, qui ne seront en principe plus obligés de vendre leur production juste après leur récolte. A cette période, les prix sont les plus bas. Le consommateur peut alors trouver des échalotes ou/et des pommes de terre régulièrement sur le marché, à des prix abordables.

    À l'échelle du Mali, c'est une avancée vers l'atteinte de la sécurité alimentaire, mais aussi vers la souveraineté alimentaire. La présence régulière de ces spéculations permettrait de réduire les importations, notamment pour la pomme de terre d'Hollande et du Maroc.

    117

    IV.1.2.b. Importance du renforcement d'un consensus interprofessionnel

    Le maraichage est une filière réunissant une multitude d'acteurs. Leur concertation et leur symbiose est primordiale pour le développement de ces spéculations. De l'exploitant en passant par les producteurs d'engrais, les commerçants, les consommateurs, les collectivités locales, l'État et les chercheurs agronomes, mais aussi les partenaires au développement (ONG, projets), tous doivent être favorables à une stratégie de développement de la filière et à l'uniformisation de leurs actions. Finalement, l'objectif est le même : mener une action développée, gage de réduction de la pauvreté, d'amélioration des revenus des maraichers, d'amélioration de la valeur nutritionnelle, d'atteinte d'une sécurité et d'une souveraineté alimentaires.

    En ce sens, ces acteurs sont « des partenaires et non des adversaires » (Dembélé, 2001).

    Au Mali en effet, en termes de maraichage, les politiques agricoles depuis la restructuration de l'ON, l'intervention des partenaires au développement et la volonté des exploitants de réaliser une telle activité, ont été de véritables catalyseurs de l'explosion du maraichage en zone ON. De nombreuses améliorations ont été initiées par les partenaires au développement, sans pour autant être coordonnées. À l'image des cases améliorées de conservation, plusieurs projets ont développé de nombreux types de cases de conservation, qui finalement ont sensiblement les mêmes caractéristiques. Les taux de perte certes en ont été réduits, mais leur efficacité ne permet toujours pas une perte minimum. Actuellement, 20 à 40 % de la production est perdue malgré ces améliorations, un nombre important dans un contexte de quête d'amélioration des revenus des exploitants.

    Ce consensus est certes présent au Mali, mais il doit être renforcé afin que les acteurs puissent s'entraider et se baser sur les améliorations apportées par d'autres acteurs (Dembélé, 2001).

    Il faudrait par exemple organiser des rencontres annuelles entre tous les acteurs, afin de préparer la campagne prochaine et de trouver des solutions aux problèmes de la campagne précédente. Ce faisant, les intérêts de tous les acteurs du maillon seraient pris en compte.

    De ce fait, la filière se verra protégée et accompagnée d'une maitrise allant de la chaine de production à la chaine de commercialisation.

    118

    2. Le développement d'unités industrielles et semi-industrielles

    Sur le plan institutionnel, l'État par ses politiques (LOA, PDA), démontre sa volonté de développer des filières agro-alimentaires tournées vers la transformation afin d'augmenter les performances des filières échalotes (PAFA)63 ou pommes de terre (IICCEM)64.

    C'est véritablement ce qui fait défaut à la filière maraichère au Mali, notamment en zone ON. Les spéculations périssables font face à une période de surproduction en contre saison. En ce sens, la transformation pourrait certes éviter des méventes mais aussi de créer des emplois et apporter un complément monétaire aux revenus des exploitants de la zone ON, à travers notamment l'accès facilité à du matériel pour la production mais aussi la transformation, très demandeuse en main-d'oeuvre.

    IV.2.1. Mécanisation des pratiques agricoles et développement d'unités semi industrielles

    IV.2.1.a La mécanisation du maraichage des colons très faibles.

    En ce sens, le contexte économique devrait faciliter et promouvoir une chaine de valeur mécanisée et tournée vers l'industrie, notamment la transformation qui fait défaut au Mali. Développer des unités de transformation semi-industrielles, à la portée des exploitants semble constituer un moyen pour améliorer les revenus. Il est vrai que cela engendre des coûts, mais qui par un certain nombre d'améliorations permettront d'améliorer les revenus à long terme. Cela coûte cher sur le moment mais qui permettra de gagner plus sur le long terme.

    Face à des crédits difficilement accessibles et un faible pouvoir d'achat des exploitants, l'accès à des machines s'avère presque impossible. Lors de nos enquêtes, la difficulté des colons à se mécaniser est ressortie. Par exemple, 81 % des personnes interrogées affirmaient ne posséder que du matériel agricole

    63 Projet d'Appui au Filière Agricole, financé par l'Agence canadienne de développement international. Joue un rôle important dans l'amélioration de la chaine de valeur échalote notamment. En développant des techniques à la transformation notamment.

    64 Projet d'initiatives intégrées pour la croissance économique au Mali. Il est financé par l'USAID et à pour objectif de permettre la croissance économique, en apportant notamment une amélioration pour la transformation de la pomme de terre et l'échalote.

    119

    traditionnel (charrue, herse, sceau, daba, falo...). Seules 9 % disposaient de matériel agricole moderne, comme les motoculteurs.

    Des sociétés locales comme la Société Coopérative des Forgerons de l'ON (SOCAFON), facilitent toutefois l'accès aux matériels agricoles. Leur création s'inscrit dans le projet ARPON, qui a formé et équipé les forgerons de la zone ON, permettant ainsi de miser sur la proximité de matériels agricoles. La société coopérative compte 22 ateliers qui appartiennent à des forgerons membres de la coopérative, et un atelier central à Niono. Cette entreprise permet aux exploitants de la zone ON d'accéder à du matériel relativement moderne à des prix bas et « à un service de maintenance et de réparation » à proximité. Elle est donc adaptée à leurs besoins mais aussi aux réalités du milieu.

    La société coopérative se charge d'une part d'adapter les machines agricoles aux attentes mais surtout au budget de l'exploitant. C'est le cas par exemple des motoculteurs ; SOCAFON importe la boite de vitesse, les mancherons et les pneus de Thaïlande.

    Boite de vitesse, mancherons et pneus d'un motoculteur, dans l'atelier central de
    SOCAFON à Niono

    Source : Drabo, A (Janvier 2018)

    120

    Ensuite, le moteur chinois est acheté localement. Le tout est assemblé dans les ateliers de la coopérative. Cette adaptation permet à la machine d'être plus abordable pour le paysan. C'est un engin agricole qui travaille la terre, la bine, la sarcle et la laboure en un passage. Il est très utilisé pour le maraichage notamment et permet de réduire le temps de travail, souvent laborieux pour le colon. Il est en outre utilisé aussi par les exploitants pour le transport de l'exploitation aux zones d'habitation. Malgré ces améliorations par SOCAFON, il reste un engin de luxe dans la zone. Sa présence ou non est souvent un indicateur du niveau économique d'un ménage.

    IV.2.1.b. Le développement d'unités semi industrielles

    La coopérative conçoit également des outils pour améliorer le travail des exploitants. C'est le cas par exemple pour la transformation des spéculations maraichères. En ce sens, le PCDA, qui a pour but « de contribuer à lever les freins critiques au développement d'un certain nombre de filières commerciales agricoles », dans des référentiel technico-économique (RTE)65 a évalué des équipements et des outils techniques afin d'informer sur les alternatives possibles à la mise en valeur après les récoltes. Le kit pour l'exploitation du broyeur d'échalotes de SOCAFON en est un exemple.

    En effet, la transformation pour les exploitants est une véritable contrainte, en raison notamment de la demande importante en main-d'oeuvre66. Ainsi, ce broyeur d'échalotes permettrait de réduire la pénibilité du travail ; il est utilisé dans le cas de l'échalote écrasée séchée (EES).

    Traditionnellement, broyer une tonne d'échalotes fraiches en EES nécessite une demi-journée de travail environ pour un homme, (Kassogue, 2010). Avec le broyeur, l'échalote est broyée en une heure (il faudrait 100 à 120 personnes pour le réaliser en une heure manuellement).

    65 Fiche technique et économique.

    66 III.3.2.b. Une transformation pas évidente une demi journée de travail environ pour un homme, pour la transformation d'EES (Kassogue, 2010).

    121

    Il fonctionne avec de l'essence Super sans plomb et consomme 1,25 litre par tonne d'échalotes broyées. Sa capacité de fonctionnement est de huit à douze heures, soit le broyage de huit à dix tonnes en une journée.

    Avant le processus de broyage, l'échalote doit d'abord être triée pour retirer les bulbes sains, les résidus de terre. Il faut ensuite réaliser un calibrage en séparant les bulbes de tailles différentes (pour l'homogénéité), puis le lavage et l'égouttage, pour garantir une meilleure hygiène.

    Source : SOCAFON, Broyeur d'échalotes

    Cette machine permet de réduire la pénibilité du travail, de gagner du temps, et assure une transformation plus hygiénique que le broyage au pilon.

    Selon le PCDA, ce processus plus moderne permet de réduire de 50 % le coût de l'opération.

    Mais le coût de son acquisition reste cependant très élevé. Le broyeur est vendu à 700 000 FCFA (1 067€) et nécessite des petits outillages (deux bassines et une balance) à 20 000 FCFA (30€). Un investissement lourd dans un pays ou le revenu annuel par an est de moins de 500 000 FCFA (762€), selon la BM.

    En ce sens, un tel investissement représente presque deux années de salaire. Les crédits doivent donc être facilités pour permettre aux maraichers d'investir dans de tels équipements, pour diminuer leur charge de travail et transformer leur produit

    122

    frais en quantité, apportant finalement une valeur supplémentaire aux revenus des ménages. Ces unités semi-industrielles doivent être normalisées et fréquentes pour pouvoir relever le défi de la surproduction, de la transformation et de l'atteinte d'une augmentation des revenus des exploitants agricoles.

    IV.2.2. Développement de complexes agro-industriels

    IV.2.2.a. Un secteur agro-industriel souvent opposé à l'agriculture familiale.

    Dans un contexte d'émergence d'une conscience écologique, les exploitations familiales semblent pouvoir aller de pair avec le changement de paradigme prôné. L'agriculture conventionnelle des entreprises agricoles voit sa méthode de production remise en cause67. Les techniques intensives sont accusées de créer des problèmes environnementaux (terres de moins en moins fertiles, pollution de l'air, des nappes phréatiques...) par les ONG environnementales (WWF, GREENPEACE).

    Il est vrai que l'agriculture mondiale actuelle n'a pas permis à l'ensemble des pays en voie de développement, notamment ceux africains, d'atteindre l'objectif du millénaire pour le développement (OMD) en 2015. Bien au contraire, le continent est encore confronté à des phénomènes de famines (Nigéria, Soudan du Sud, Somalie) en 2018, résultat de conflits mais aussi de sècheresses68 répétées. Ils sont également confrontés à des problèmes de malnutrition. Or, l'agriculture familiale qui compose 95 % des exploitations des pays, faute de moyens et de formations, tire peu profit de l'ensemble des avantages que leur procure leur environnement et ne parvient pas à assurer les besoins alimentaires quotidiens des populations, ce qui les conduit à importer.

    Ainsi, depuis les émeutes de la faim en 2008, de nombreux pays africains notamment le Mali ont dû faire face à une augmentation de leur facture alimentaire (Adamczewski, 2014). Celle de l'Afrique, à elle seule, a augmenté de 74 % entre 2007 et 2008 (FAO, 2008). Ceci montre l'enjeu stratégique qu'est la nourriture et la vulnérabilité des pays importateurs de denrées alimentaires. Le Mali, face à cela, a

    67 M.M Robin « Les moissons du futur ? » 2012. 1h30. Arte Ed.

    68 Des sècheresses qui incomberai au changement climatique, provoquée par l'activité anthropique.

    123

    mis à disposition des investisseurs étrangers et nationaux d'immenses terres arables « inexploitées et vides d'hommes ».

    Le but de ce nouveau processus est de mettre en valeur des terres peu voire pas exploitées par les populations qui l'occupent. Les investisseurs étrangers comme nationaux en quête d'opportunités, capables de procéder à des aménagements, coûteux69 et de mener une agriculture moderne et productive, sont favorisés et attirés. Des terres arables de l'ON sont donc aménagées.

    Ce processus est par ailleurs sujet à de nombreux débats70. En effet, l'implantation de ces projets sur des étendues de terre (variant de 50 hectares à 100 000 hectares pour les projets les plus grands) en théorie vides d'hommes et inexploitées sont en réalité occupées par des populations qui pratiquent une culture pluviale en zone sèche. L'arrivée des investisseurs engendre leur déplacement.

    C'est le cas par exemple avec l'implantation du Complexe Agropastoral et Industriel (CAI) de Modibo Keita sur 20 000 hectares accordés par l'ON, à soixante kilomètres de Ségou, à cheval entre la commune de Sibila et celle de Pogo. L'implantation de ce complexe, appartenant à un milliardaire (en FCFA) malien a engendré de nombreux litiges et critiques. Certains jugent la procédure non conforme, basée sur des combines entre l'État et l'investisseur, et contestent cette implantation. Si l'ON est en théorie le gestionnaire de ces projets « faramineux », Modibo Keïta aurait usé de ses liens étroits avec l'ex-président Amadou Toumani Touré (ATT) pour avoir ces terres. Cela serait fréquent pour ce type de convention (Adamczewski, et al 2013). Ainsi, l'investisseur est accusé de ne pas avoir conduit d'étude sociale et environnementale et d'occuper des terres illégalement, terres que les villages de Sanamadougou et Sahou revendiquent. Le litige a été porté en 2010 devant les instances judiciaires, censées trancher la question. À ce jour, le complexe de Modibo Keïta occupe 20 000 hectares contre 7 500 au départ. Cette expansion découle de la chute de Kadhafi et des 100 000 hectares du projet Malibya.

    69 Soit 4 500 euros /hectares

    70 - Amandine, Adamczewski. Qui prendra ma terre ? L'Office du Niger, des investissements inter- nationaux aux arrangements fonciers locaux. Géographie. Université Montpellier Paul Valéry - Montpellier III, 2014.

    -Florence Brondeau, Confrontation de systèmes agricoles inconciliables dans le delta intérieur du Niger au Mali ? , Études rurales, 191 | 2013, 19-35.

    124

    S'il est vrai que ce type d'aménagement est controversé, il ne faut pas pour autant le bannir entièrement, mais l'améliorer. Les terres accordées sont bien souvent pharaoniques et ne sont pas toutes mises en valeur, à l'image de ce CAI. Sur les 20 000 hectares que Modibo Keïta possède en 2018, seulement 5,7 % ont été mises en valeur, soit 1 138 hectares. La taille des terres octroyées devrait être mieux étudiée et adaptée à la capacité réelle de l'investisseur à aménager des terres. Si cela nécessite un déplacement, les populations ne doivent pas être lésées par le processus. Le partenariat doit être gagnant-gagnant.

    Ce type de complexe permet une relance économique du secteur agricole et l'accroissement de la production nationale, mais aussi des créations d'emploi pour les populations.

    IV.2.2.b. Les atouts du Complexe Agropastoral et Industriel (CAI) de Modibo Ke
    ·ta.

    Le CAI est un complexe moderne, très motorisé et irrigué par des pivots.

    Source : Drabo, A (Avril 2018)

    Commentaire : Pivot 6 du Complexe CAI, qui irrigue par aspersion une parcelle de

    30 hectares.

    Ses 1 138 hectares sont divisés en 21 pivots, dont la taille varie de 80 à 35 hectares. Ils sont destinés à la production de maïs, de riz et de blé mais aussi à des spéculations maraichères comme l'oignon/échalote et la pomme de terre. Lors de la

    125

    campagne d'hivernage passée, le riz était la culture dominante ; lors de la contre saison 2018, la pomme de terre dominait. Cette année, le complexe à réalisé la culture de la pomme de terre sur quinze pivots. Cela a permis de produire plus de 14 000 tonnes71, composée de deux variétés, « Elodie » (Variété française) et « Spunta » (Variété néerlandaise), sur 700 hectares. Cela représente près de la moitié de la production de pommes de terre de toute la zone de l'ON. Ainsi, la production est très performante. Lors de la récolte, le complexe enregistre en moyenne le départ de dix camions (338 tonnes) par jour vers la capitale, par manque de place dans les chambres froides du complexe qui sont au nombre de deux (quatre pièces par chambre). La capacité de stockage de 300 tonnes, soit 600 tonnes au total, est insuffisante pour conserver l'ensemble de la production.

    La récolte y est totalement motorisée72 pour certains pivots, et semi motorisée pour d'autres.

    Pour les pivots où la récolte est motorisée, elle se fait à travers une arracheuse de pommes de terre de la marque GRIMME ; le tri est effectué par une trieuse de la même marque.

    Source : Drabo, A (Mars 2018)

    Arracheuse de pomme de terre et Trieuse GRIMME.

    Cette mécanisation permet la récolte de quinze hectares par jour (entre 6h et 22h) contre la moitié pour les pivots semi-mécanisés.

    71 Chiffre datant du 24 mars, la récolte n'était pas terminée.

    72 Nécessite peu de main d'oeuvre

    126

    L'arrachage pour ces parcelles est fait par une machine, l'Horpiso. Cette machine permet l'arrachage des tubercules afin que le tubercule soit à la surface.

    Source : Drabo, A (Avril 2018)

    Commentaire : L'Horpiso (À droite), et une parcelle après le passage de l'Horpiso.
    Tubercule à la surface du Sol

    Source : Drabo, A (Avril 2018)

    Femmes ramassant les tubercules après le passage de l'Horpiso et les déversant
    dans une caisse-palette de pommes de terre

    127

    Ensuite, les femmes sont chargées de ramasser les pommes de terres mais également de les trier, en veillant à séparer les tubercules abimés des tubercules sains, plus gros et à l'aspect « convenable », qui sont ensuite déversés dans des caisses-palettes, d'une capacité de 1 300 kg.

    Ce travail saisonnier et temporaire lors de la récolte permet à ces femmes de la zone de projet de percevoir un revenu supplémentaire. Lors de la récolte, elles sont rémunérées par caisse-palette remplie (5 000 FCFA, soit 7,5€). Il faut compter le travail de trois femmes par caisse-palette remplie. En moyenne, elles en remplissent trois par jour et gagnent donc 5 000 FCFA par personne et par jour pendant trois à quatre semaines. Selon le responsable des ressources humaines, le complexe emploie temporairement 250 à 700 personnes par saison de récolte, essentiellement des femmes.

    Outre cela, le complexe permet avec les petits tubercules un revenu supplémentaire. Le stockage dans des sacs est rémunéré à 100 FCFA (0,15€) pour 25 kilos de sacs remplis ; ils sont ensuite revendus aux populations environnantes à 75 FCFA (O,11€), permettant de redynamiser l'économie.

    Il est vrai que la rémunération peut être discutable, mais elle a le mérite d'apporter un revenu supplémentaire au ménage, en plus de leur activité agricole.

    L'implantation est également source d'emplois dans la région, puisque 300 personnes sont employées à plein temps, pour conduire les machines, réaliser leur entretien, construire les caisses-palettes... A l'échelle du pays, des emplois supplémentaires (agronomes, personnel administratif...) sont créés.

    Ce type de complexe peut véritablement être multiplié si l'on y apporte des améliorations, en termes de rémunération notamment.

    Ainsi, l'industrialisation de la production mais aussi de la transformation permettrait de réduire le gaspillage de ces spéculations périssables de tendre vers une autosuffisance alimentaire (avec l'augmentation de la production agricole par une activité moderne et plus performante), de pallier cette insuffisance de l'industrie agroalimentaire au Mali, mais aussi le chômage des jeunes Maliens. Autant d'atouts dont peut jouir le pays, s'il s'en donne les moyens.

    128

    CONCLUSION :

    La zone ON est sans conteste un véritable terrain à fort potentiel agricole pour le Mali. Depuis la colonisation, les avantages que la zone procure sont connus. Elle était déjà considérée, comme le « grenier potentiel de l'Afrique de l'Ouest », capable de nourrir toute la sous région. Son histoire agricole a ainsi été marquée par les cultures de coton et de riz.

    À présent, le maraichage marque l'histoire de l'ON par son importance. Au début des années 1980, il n'était encore qu'une activité marginale, bannie des casiers rizicoles. En 2018, il s'agit de la seconde activité pour les colons, par sa fréquence en contre saison et son importance pour le revenu des exploitants (de 50 % à 70 % du revenu de certains maraichers). Les spéculations cultivées constituent les bases de la cuisine malienne, à savoir la tomate et l'échalote. La demande est si grande que les opportunités ne sont pas toutes exploitées, ce près de quarante années après la prise de conscience des potentialités du maraichage dans la zone. Avec une prééminence de l'échalote comme spéculation maraichère.

    En effet, qui parle de maraichage en zone ON pense forcément à l'échalote. Elle représente 60 % des cultures maraichères de l'ON. Son histoire est associée à celle du maraichage de l'ON ; jardin de case dans un premier temps, elle est depuis près de trente années devenue une culture de rente, générant un chiffre d'affaires de plus de dix milliards de FCFA. Ses nombreux atouts expliquent l'enthousiasme des colons lorsqu'ils sont questionnés sur les effets du maraichage. Cette phrase « Nafa Ba dé bé à la ! » (Il est d'une grande importance !) n'a cessé d'être répétée lors des enquêtes de terrain. Le fameux « Jaba micéni » de Niono a permis au colon d'améliorer ses revenus, en se diversifiant notamment. La riziculture n'est plus suffisante pour répondre à l'ensemble des besoins, et le maraichage, notamment la culture d'échalotes, vient en renfort. La maitrise en eau totale et l'abondance de terres permettent une production importante ; la région détient le monopole du marché malien pendant près de cinq mois chaque année. Elle permet aux femmes et aux jeunes de se constituer un revenu personnel et de s'affranchir des inégalités des

    129

    familles traditionnelles. Les femmes, en transformant la spéculation en EES ou EST, permettent d'augmenter les revenus tirés de cette production.

    Toutefois, comme nous l'avons vu dans ce mémoire, cette spéculation primatiale est confrontée à nombre de blocages. La difficulté de la production, le manque d'infrastructures de conservation, de transformation, mais aussi la désorganisation de la filière de commercialisation sont autant de freins au développement de cette spéculation. Ainsi cette prééminence menace véritablement la dynamique d'amélioration des revenus des exploitants par le maraichage.

    La pomme de terre, spéculation d'avenir pour la zone, introduite il y a près de vingt ans, a servi de diversification également. C'est une spéculation produite dans d'autres bassins maraichers du Mali, mais qui ne suffit toujours pas à répondre à la demande nationale. Le Mali continue malgré sa production d'importer des pommes de terre d'Hollande ou du Maroc. En ce sens, les atouts que procure l'ON pour le pays permettraient un développement de la chaine de valeur, mais aussi de diversifier l'activité dans la zone et d'améliorer les revenus des exploitants. Tout comme l'échalote, la filière est confrontée à des limites qui menacent son développement, notamment un manque de maitrise des techniques, la faiblesse de la conservation et de la transformation.

    Finalement, s'il est vrai que ce mémoire expose la situation actuelle du maraichage dans la zone ON et sa contribution aux revenus des exploitants, il nous amène aussi à réfléchir sur son caractère suffisant pour l'atteinte de la sécurité alimentaire. Le maraichage contribue à la moitié du revenu des exploitants, mais au vu de la faiblesse de ce revenu, cette amélioration semble minime. À cet instant même, la malnutrition sévit encore dans ces villages, où l'abondance d'eau et de terres ne suffit pas pour manger à sa faim. Ceci existe malgré la volonté « apparente » du gouvernement et l'implication de partenaires au développement. Les projets similaires, qui poursuivent les mêmes objectifs ne parviennent pas à décanter la situation. Près de soixante années après les indépendances, la pauvreté reste le quotidien de ces ruraux maliens. En ce sens, le maraichage certes améliore les revenus, mais permet surtout à ces maraichers de survivre, et non de les sortir de la pauvreté. Un blocage apparent semble illustrer son développement.

    130

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    Bibliothèque de l'URDOC, sur la Loi d'Orientation Agricole N°06-045/ du 16 Aout 2006 adoptée par l'Assemblée Nationale

    Bibliothèque de l'URDOC, sur la Politique de développement Agricole, datant de 2013, République du Mali

    Bibliothèque de l'URDOC, sur la Politique Foncière Agricole du Mali, datant de 2014, République du Mali

    Décret N°2014-0896/P-RM de gérance des terres du réseau hydraulique affecte à l'ON. Datant du 12 Mars 2014, République du Mali

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    Site Web

    Site de l'Office du Niger

    Fao

    La Banque mondiale

    Site du Ministère de l'Agriculture du Mali

    Chambre Régionale d'Agriculture de Ségou

    137

    Annexes :

    Annexe N°1 - Questionnaire pour les maraichers P138

    Annexe N°2 Ð Questionnaire pour les commerçants P144

    Annexe N°3 Ð Retranscription d'un entretien avec un personnel

    encadrant de L'ON P146

    Annexe N°4 Ð Retranscription d'un entretien avec un membre de la

    collectivité locale P48

    Annexe N°5 Ð Retranscription d'un entretien avec le directeur de

    SOCAFON P150

    138

    Annexe 1 : Questionnaire pour les maraichers

    1. Localisation:

    Zone de production

    Zone de Niono

    Village

    Djicorobougou - Foabougou - Bagadadji km 36

    Casier

     
     
     

    2. Que cultivez vous?

    o Échalote

    o Pomme de terre

    o Autres: Piment - Gombo - Ail ...

    3. Nom et prénom / Numéro de famille

    4. Sexe

    o Masculin

    o Féminin

    5. Avez-vous des enfants ? Si oui combien?

    o Oui

    o Non

    6. Sont-ils scolarisés ? si oui combien sont scolarisés?

    o Oui

    o Non

    7. Habitez vous près de vos cultures ? si non quelle est la distance?

    o Oui

    o Non

    139

    8. Votre maison est elle électrifiée ? Si Oui précisez la source d'approvisionnement

    o Oui

    EDM / PANNEAU

    o Non

    9. Disposez vous d'eau potable ? Précisez la source (Fontaine, forage, puits)

    o Oui

    o Non

    10. Disposez vous de moyens de locomotion ? Si Oui le (s) quel(s)?

    o Oui

    Charrette

    Vélo Moto Tricycle

    Motoculteur

    o Non

    11. De quel matériel agricole disposez vous?

    12. En plus du maraichage pratiquez vous d'autres activités rémunératrices ? Si oui dans quoi?

    o Oui Riziculture / Commerce / autres

    o Non

    13. Les atouts de la filière:

    o Complément alimentaire

    o Facile à produire

    o Pas long à produire

    o Forte demande des consommateurs

    140

    14. Les difficultés de la filière sont liées

    o Conservation (Pas de local - Local pas assez conservateur)

    o Commercialisation (Prix du marché trop bas - peu de client)

    o Production faible (L'accès aux engrais limité - Des semences pas assez productives)

    15. Depuis combien de temps cultivez vous l'échalote /La pomme de terre?

    16. Pour quelles raisons avez vous choisi de produire l'échalote et/ou la pomme de terre?

    17. Pourquoi menez vous cette activité maraichère?

    o Par manque de travail

    o Pour compléter les revenus du ménage

    o Par héritage (Tradition)

    o Autre ............

    18. Sur combien d'hectare (s) cultivez vous : (par type de spéculation)

    19. Avez vous réalisé une demande pour l'accès à vos terres?

    o Oui

    o Non (Par héritage)

    20. Combien de fois cultivez vous votre terre?

    o 1 fois

    o 2 fois

    o 3 fois

    o plus de 3 foies

    141

    21. Comment avez vous eu vos connaissances agricoles?

    o En suivant une formation

    o Par héritage

    o Par soi-même

    22. Comparativement, entre l'échalote et la pomme de terre, quelle culture offre un plus grand bénéfice?

    23. D'où viennent vos semences?

    24. Combien êtes vous à travailler sur l'exploitation? Précisez homme/femme?

    Nombre:

    o Salarié annuel

    o Saisonnier

    o Temporaire

    o Main d'oeuvre familiale

    25. Quelle est la quantité moyenne de votre production? (rendement tonne / hectare)

    26. Combien cela vous rapporte t'il ?

    27. Combien dépensez vous pour produire l'échalote /pomme de terre?

    Semence (Échalote)

    Intrant

    Redevance eau

    Total

     
     

    6700

     

    Semence(Pomme de terre)

    Intrant

    Redevance eau

    Total

     
     

    6700

     

    142

    28. Vos investissements dans l'exploitation proviennent de : (Si crédits précisez la provenance)

    o Crédits formels

    o Crédits informels

    o L'épargne (personnel)

    29. Comment stockez vous votre production?

    o Chambres de conservations

    o Par attaches

    o Pas de conservation

    30. A qui vendez vous vos productions?

    o À des commerçants

    o À des intermédiaires sur les exploitations

    o À des partenaires au développement

    o À des consommateurs directement (Circuit court)

    o À des industriels

    31. Dans quoi dépensez vous principalement le bénéfice de votre activité?

    o Nourriture

    o Vêtements

    o Education

    o Épargne

    o Payement des factures (Électricité - Eau pour l'irrigation)

    o Investissement dans d'autres activités (Riziculture)

    o Investissement à l'amélioration de l'exploitation maraichère

    o Investissement dans l'amélioration du confort du foyer

    32. Faites vous parties d'un groupement?

    o Syndicat

    o Coopérative

    o Association (GIE ; GIEF)

    33. Citez les avantages que vous procure le groupement?

    143

    34. Des acteurs exogènes vous aident t'ils dans votre activité?

    o Des structures d'encadrement: Office du Niger

    o Des structures de recherche : IER

    o Des associations : ONG

    o Des partenaires au développement

    o Personne

    o Autre

    35. Comment est assuré l'appui conseil?

    36. Selon vous, pour une pérennité de la filière (échalote ou pomme de terre), quels sont les défis qui restent à relever?

    37. Pensez vous à innover certains éléments dans le processus de production, de commercialisation ? Si oui le (s) quels ? Si non pourquoi

    o Oui

    o Non

    38. Quels sont vos objectifs aujourd'hui pour l'avenir?

    39. Comment des acteurs exogènes pourraient ils vous aider? (Appui financier : wari ko, moral (Ladili), technique (Kalanko)

    Discussion:

    Ce travail pourrait il vous aidez à sortir de la faim et de la pauvreté ? Donnez les raisons?

    Quelle est la contribution des bénéfices du maraichage dans vos revenus

    144

    Annexe 2 : Questionnaire: Commerçants de l'échalote et la pomme de terre

    1. Que commercialisez-vous ?

    o Échalote

    o Pomme de terre

    o Les deux

    2. Vous êtes un :

    o Intermédiaire

    o Commerçant grossiste

    o Commerçant détaillant

    3. À combien achetez vous le kilo d'échalote/pomme de terre ?

    4. À qui achetez-vous vos produits :

    o Producteur sur son exploitation

    o Producteur sur les marchés

    o Intermédiaire

    o Commerçant grossiste

    5. À combien le revendez vous ?

    6. Quelle marge tirez-vous de la commercialisation de l'échalote / de la pomme de terre ?

    7.

    145

    Combien vous coûte le transport de vos produits ?

    8. Comment conservez-vous vos produits ?

    9. Quand commercialisez-vous l'échalote et/ ou la pomme de terre ?

    10. Pour quelles raisons choisissez-vous la commercialisation de cette (ces) spéculation (s) ?

    11. D'où viennent la majorité de vos clients ?

    12. Où vendez-vous vos produits ?

    13. Quels sont les atouts pour la commercialisation de l'échalote et/ou la pomme de terre ?

    14. Quelles sont les contraintes auxquelles vous faites face pour la commercialisation de cette (ces) spéculation (s) ?

    15. Comptez-vous apportez des améliorations à la commercialisation de l'échalote /pomme de terre ? Si oui, justifiez.

    146

    Annexe 3 : HISTORIQUE DE LA CULTURE DE L'ECHALOTE A L'ON selon Monsieur Mahamadou Issa MAIGA, Chef Division Vulgarisation Formation à l'Office du Niger, à Ségou le 2 Février 2018

    Longtemps considéré comme une activité annexe à I `Office du Niger, le maraîchage était pratiqué comme une culture de case dont le produit (essentiellement des légumes) était destiné à la consommation familiale. Bien que I `Office n'ait jamais vu d'un très bon oeil ces cultures "concurrentes", elles se sont progressivement étendues vers la saison sèche grâce à I `arrosage permis par la création, avec la complicité de I `encadrement, de petites rigoles "piratant" les canaux de I `Office. Celui-ci a fini par accepter leur présence sans toutefois les reconnaitre formellement par l'attribution de terres pour les jardins.

    Le passage de la culture de légumes de case pour l'autoconsommation à une production commerciale a été progressif à l'allure du développement des petits centres urbains et des voies de communication.

    - Le bitumage de la route Niono- Markala en 1984 a facilité l'évacuation des produits agricoles vers Ségou, Bamako, Cote d'Ivoire...

    - La libéralisation du commerce du riz en 1987 a favorisé l'arrivée de nombreux commerçants sur les marchés de centres urbains. Ces commerçants ont développé d'autres opportunités avec les produits maraichers

    - L'adoption de la diversification dans sa stratégie de développement par l'Office du Niger a été sans doute le catalyseur de l'essor du maraichage en général et de la culture de l'échalote en particulier. Ceci c'est traduit par :

    V' une politique d'extension des superficies maraichères,

    V' l'aménagement des parcelles

    V' une politique de formation / information de l'encadrement, des producteurs

    V' une synergie entre différents partenaires : ON, Retail,, URDOC, ARPON, RD,

    IER, APROFA

    V' une politique de cadre de concertation.

    L'historique de la culture de l'échalote à l'Office du Niger se confond dans toutes ses dimensions à celle du maraichage en général, elle-même liée à l'arrivée des premiers colons L'échalote était initialement cultivée dans les jardins de case par les colons. La production s'est ensuite étendue au fil des années aux zones hors casiers d'abord et ensuite aux casiers rizicoles en contre-saison du riz.

    147

    L'ON est de nos jours la principale zone productrice au Mali. D'ailleurs l'échalote y est actuellement, la principale culture maraîchère et représente plus de 90% de la production maraîchère de la région. L'ON assurerait également 2/3 de la production nationale même si es superficies cultivées restent peu importantes, moins de 0,5 ha en moyenne.

    148

    Annexe 4 : Retranscription d'un entretien avec un membre de la collectivité locale, le 30 Mars 2018 à Niono.

    Je suis le secrétaire général de la Mairie de Niono, dans le cadre du développement de la commune, nous travaillons sur la base d'un document stratégique et décisionnel : Le Plan de Développement Économique et Sociale (PDESEC).

    Il est consensuel : C'est un outil qui est élaboré par tous les acteurs de la commune :

    · Les élus

    · La société civile

    · Les services techniques (Finances, Agriculture, L'éducation...)

    · Les ONG

    Une phase de diagnostic est réalisée auprès des villages notamment durant une « journée intercommunautaire » organisée, afin de recueillir les préoccupations, les attentes mais aussi les objectifs des villageois ; Permettant ainsi de fixer les priorités pour les cinq années à venir. Et le conseil communal statut sur le document pour le valider et s'assurer de la bonne cohérence avec les attentes locales. Puis la validation ultime se fait auprès du préfet. Suite à cela, des projets sont envisagés par village.

    Un budget annuel est prévu par la commune, pour le financement de ces projets découlés du PDESEC.

    Nous travaillons sur les vraies préoccupations de la commune. Chaque année une restitution est réalisée afin de s'assurer de ce qui a été fait et ce qui ne l'a pas été. Dans ce sens, lorsque les exploitants de la commune de Niono émettent des souhaits, comme l'entretien du réseau électrique, nous le faisons. Mais aussi, nous accompagnons les partenaires au développement lorsqu'ils mènent des projets dans un village. Comme la construction supplémentaire d'un forage pour le village. Nous aidons, les exploitants, par ces projets à améliorer leur quotidien.

    Aussi, en cas de dons pour les villages, on passe forcément par la mairie.

    Et concernant la situation alimentaire de la commune, nous faisons partie du système d'alerte précoce. Et nous aidons les enquêteurs de l'ENSAN (ENQUETE NATIONALE SUR LA SECURITE ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE) en leur donnant des renseignements sur les ménages, les nouvelles personnes arrivées, les départs.

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    Car depuis le début des conflits dans le nord du pays en 2012, nous avons fait face à une vague importante de déplacés (près de 5 000 personnes). Logistiquement c'était très compliqué. On les recensait à la mairie et les aides venaient en fonction de ces registres. OXFAM, La CROIX-ROUGE, CARE Mali... Ont tous apporté une aide. Mais aujourd'hui la situation rentre dans la normale. Beaucoup ont quitté la commune.

    Mais vous savez, avec ces conflits, cela a eu un impact négatif sur la commercialisation des cultures maraichères de la commune de Niono, on fait fasse à un gros manque a gagner. Tant on sait que c'est une activité qui contribue énormément à l'économie de la commune. Même nous les membres de la mairie nous disposons en plus de notre travail ici, des parcelles dans les villages, où nous réalisons un maraichage comme complément à nos revenus.

    Et ces conflits, ont fait que des villes comme Tombouctou ou encore Léré ne peuvent plus être approvisionnées en échalote, en tomate, en chou... Les prix ont chuté. Car la demande a véritablement diminuée pour les pôles de consommation environnant.

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    Annexe 5 : Entretien avec M. Ousmane DJIRE, le 1 février 2018 à NIONO

    Je suis le directeur de SOCAFON, qui est une coopérative regroupant des artisans de la zone de l'ON. Nous disposons de 22 ateliers dans la zone et un atelier central à Niono. Nous réalisons des matériels agricoles, adaptés aux exigences des exploitants maliens. En essayant à la fois de les rendre accessibles au plus grand nombre. Ainsi, SOCAFON réalise des engins pour la transformation de culture maraichère robuste (10 ans) et a des prix abordables. Notamment l'échalote, qui est la spéculation dominante. Comme le broyeur, mais encore faut-il que les exploitants puissent se regrouper, pour créer des unités de transformation et se payer ses engins.

    Le maraichage est une activité extrêmement porteuse si l'on s'en donne les moyens. L'eau est là, les terres sont là, les ressources humaines aussi. Nous avons un potentiel inestimable. Il peut être véritablement un levier pour l'atteinte de la souveraineté alimentaire. C'est donc une activité que nous ciblons, au vu de son importance dans le paysage de la zone de l'ON en période de contre-saison. Après la riziculture elle est la seconde activité. Mais elle est marquée par de nombreux défis, qui à mon sens sont la conservation et la transformation pour l'échalote. Car les prix pas assez rémunérateurs ne permettent pas de véritables gains pour les producteurs. Ces derniers doivent faire face à une production massive et à des récoltes à une période où les prix chutes. Des réponses doivent être trouvées pour échelonner la vente (Donc la conservation) et / ou la transformer pour permettre d'avoir une valeur ajoutée plus grande.

    La transformation doit être un objectif principal. Il est temps de se tourner vers une transformation répondant à toutes les normes sanitaires (qualité du produit transformé, emballages...) pour une remontée de gamme de la filière échalote.

    Pour la pomme de terre les défis sont les mêmes. Ils sont tous deux des produits périssables qui engendrent de nombreuses pertes. Des pertes imputées certes à la conservation mais surtout aux méventes. La concurrence des Dogons, qui sont très communautaires menacent la commercialisation de l'ON. Car ils sont les plus grands commerçants de Bamako et rachètent l'échalote de Niono, qu'une fois la production de leur zone écoulée. Et en plus ils sont malins, face à l'imminence des besoins monétaires des maraichers, ils n'hésitent pas à caser les prix. Il faut donc sécuriser le paysan, en fixant des prix minimums d'achats pour protéger ces exploitants.






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams