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Contribution de la culture maraà®chère (échalotes et pommes de terre) aux revenus des exploitations agricoles dans la zone office du Niger : Cas de la zone agricole de Niono


par Awa Drabo
Université Paris-Sorbonne - Master 2 2017
  

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II.2.1.b Les sources de revenus des femmes

Quelles sont les véritables sources de revenus individuels de la femme ?

On peut distinguer deux sources de revenus.

D'une part, le revenu est généré par l'activité familiale. La riziculture permet aux femmes du ménage de se constituer un revenu individuel, à travers les activités de rebattage et de glanage. Ces deux étapes consistent respectivement à récupérer les épis ou les grains laissés par la batteuse et à les récupérer dans les champs. Ainsi,

27 Notamment selon l'article 45, 46, mais aussi 83.

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le paddy récupéré leur revient. À la fin de la récolte, elles peuvent également recevoir des cadeaux. Ils ne sont pas obligatoires et dépendent du bon vouloir du chef d'exploitation ; il peut s'agir de cadeaux en nature ou de rémunérations directes (Lalande 1989).

D'autre part, elles peuvent se constituer un budget individuel de manière plus autonome, notamment à travers la manne salariale. En effet, en zone ON, le repiquage est « l'affaire des femmes ». Elles se regroupent très généralement pour réaliser les étapes d'arasage des plants de la pépinière, le transport des plants de la pépinière au champ et enfin le repiquage dans les champs. Elles gagnent donc un salaire. Le rabattage et le glanage sont aussi réalisés en dehors de la sphère familiale et sont source de revenus autonomes. Outre la riziculture, elles sont souvent commerçantes. Elles vendent les produits qu'elles transforment elles mêmes, comme l'échalote séchée, le soumabala 28 , la pate d'arachide. Elles revendent parfois dans le village des produits achetés en gros à Niono. Enfin, le maraichage est véritablement l'activité génératrice d'un revenu individuel pour la femme, au point d'être présentée en zone ON comme une activité de genre, très pratiquée par les femmes, qui en font une activité professionnelle et complémentaire contribuant au revenu du ménage (A. Touré, S. Zanen, N. Koné, 1997).

II.2.1.c Le maraichage, véritable levier économique pour les femmes

C'est en cela que le maraichage devient un véritable enjeu pour les femmes. Il représenterait « la première ressource de revenu pour les femmes en zone Office du Niger » (Maïga, 2013). Le caractère plus individuel de l'activité permet à ces femmes d'acquérir une certaine indépendance vis-à-vis du chef de famille, qui est généralement producteur de riz, en commercialisant une partie de leur production, la seconde partie servant pour l'autoconsommation du ménage. La femme complète le « prix de condiment » donné par l'homme et diversifie l'alimentation de la famille du point de vue nutritionnel, avec l'ajout par exemple de la pomme de terre. Celle-ci rentre progressivement dans les habitudes culinaires maliennes.

Ainsi, ces femmes sont soutenues pour pouvoir elles aussi devenir des actrices bénéficiaires du développement et jouir d'une certaine liberté. Les partenaires du développement ainsi que les politiques agricoles mènent des actions de

28 Épice à forte odeur. Issues des graines de l'arbre néré

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discrimination positive envers les femmes. La loi d'orientation agricole témoigne de la volonté de l'État malien de faire de cette activité un moyen de favoriser l'égalité entre hommes et femmes. Ceci est favorisé par le développement des coopératives dans ces villages de la zone de Niono. Faire partie d'un groupement leur offre une visibilité, leur permettant de bénéficier d'aides liées à leur activité, à l'image de la coopérative de Djicorobougou (Koulambawere).

Les femmes de cette coopérative sont aujourd'hui célèbres dans le monde paysan malien. Si l'on envisage la culture de pomme de terre notamment en zone ON, on pense forcément à ces femmes. Grâce aux nombreuses formations qu'elles ont reçues, elles sont devenues des références en la matière. « La culture de pommes de terre est la spéculation qui nous a permis d'évoluer, d'améliorer notre quotidien. Certaines ont pu se payer des motos, d'autres sont parvenues à se payer des terrains, ou comme moi d'améliorer le confort de mon foyer grâce à cette spéculation », indique Assa Diarra, présidente de la coopérative des femmes de Djicorobougou. En effet, cette coopérative, à partir des enquêtes de terrain, a réalisé une production d'environ 1,8 tonne de pomme de terre sur des superficies variant de 0,5 à 0,1 hectare durant la campagne maraichère 2016-2017. Un tonnage qui leur procure des bénéfices moyens de 430 000 FCFA (656 euros), pour la production de 1,8 tonne de pommes de terre. Celle-ci n'est d'ailleurs pas l'unique spéculation produite. L'échalote, la tomate, l'ail, le gombo sont également cultivés, ce qui représente pour ces femmes rurales une somme conséquente.

Par ailleurs, ces chiffres ne prétendent pas être objectifs ; ils résultent de l'affirmation des exploitantes, qui donnent des chiffres approximatifs et selon leur convenance. Une fourchette valable également pour l'échalote. Largement produite par les femmes, il faut en soustraire les cadeaux, et la part réservée à l'autoconsommation, ce qui ne leur permet pas de connaître leur gain exact.

Elles pratiquent cette activité sur des sols maraichers situés en zones réaménagées (Projet Rétail) sur une base de 0,02 hectare par personne active du ménage (15 à 55 ans), qui est ensuite redistribuée entre les membres du ménage par le chef d'exploitation, dans les casiers rizicoles (pour les parcelles de type double culture), ou encore sur les « sols » maraichers. Cette répartition des terres s'appuie sur une logique très hiérarchique, priorisant le droit d'ainesse et le sexe masculin. Dans le cas des grandes familles, souvent polygames, les personnes priorisées sont les hommes, conscients de cette rente maraichère, ainsi que les premières épouses et

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les belles-mères encore en âge de travailler. Les terres restantes, s'il y en a, sont reparties entre les plus jeunes du ménage. (Lalande, 1989), obligeant ainsi ces femmes moins « chanceuses » à louer des terres29 ou se faire prêter des parcelles « gratuitement » par des membres du village (Pasquier, 1996).

Cette activité relais contribue donc d'une part à l'amélioration de la qualité alimentaire du ménage à travers la femme, dont le but principal est de diversifier l'apport en légumes (Lalande, 1996). D'autre part, elle permet de compléter le prix de condiments et d'amoindrir une certaine domination masculine tout en en devenant plus autonome. Les femmes peuvent ainsi assumer leurs propres dépenses (vêtements, évènements sociaux, etc.). À l'image de la coopérative, elles prennent part aux prises de décisions du foyer grâce à ces revenus.

II.2.2. Le maraichage, une source de revenus pour les plus jeunes.

Cette fonction anti discriminatoire (Jamin, 1989) du maraichage s'applique également pour les jeunes. Il est vrai que le monde rural au Mali est très marqué par l'exode des jeunes vers la capitale ou vers les chefs lieux régionaux, pour y travailler durant la période sèche. Ils reviennent au village en hiver, pratiquer leur agriculture pluviale. C'est le cas de la région de Sikasso.

La culture de rente qu'est le coton implique une main-d'oeuvre importante ; elle est pratiquée par l'ensemble des membres actifs du ménage. Elle est donc collective, au même titre que la riziculture pratiquée à l'ON.

Après cette agriculture hivernale, le manque de moyens d'irrigation rend difficile la pratique de l'agriculture irriguée (Koné, 2002). En l'absence de possibilité d'activités complémentaires dans le village, les jeunes, filles comme garçons, se rendent en ville pour souvent travailler dans le « secteur tertiaire » informel du pays.

Ils sont souvent embauchés comme domestiques chez les citadins. Les filles peuvent alors se constituer elles-mêmes leur trousseau de fille « Kognon minai », incontournable pour le mariage. Un migration rurale, qui certainement est le reflet de la destruction du socle social avec la monétarisation et la spécialisation des cultures de rente. Il est difficile pour la famille d'acheter le trousseau de mariée. Déjà, elles répondent aux besoins essentiels du ménage, véritable défi au quotidien.

29 Procédé, qui théoriquement est formellement interdit par l'ON. Mais, dans les faits est très répondu dans ces villages de l'ON.

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Les garçons peuvent, eux, acquérir un début d'indépendance vis-à-vis du chef d'exploitation. Cela représente probablement le « job d'été » des jeunes ruraux du Mali.

Par ailleurs, l'abondance en eau de la zone ON toute l'année permet d'autres alternatives. De plus en plus, les périodes s'inversent.

Les jeunes se rendent en ville en période hivernale, afin de revenir en période sèche, pratiquer le maraichage.

D'une part, cela est lié à la demande forte en main-d'oeuvre en ville. La majorité des ruraux reviennent dans leurs villages en hivernage, ainsi, les migrants de l'ON peuvent bénéficier de nombreuses offres de travail.

D'autre part, la riziculture est collective ; le gérant et bénéficiaire principal des revenus rizicoles est le chef d'exploitation. C'est différent pour le maraichage : « En effet, la culture individuelle permise en maraîchage (à la différence de la riziculture) permet aux dépendants d'acquérir un revenu personnel et donc une indépendance financière vis-à-vis du chef d'exploitation ». (Pasquier, 1996). Car le maraichage dans cette zone de l'ON est pratiqué dans les casiers rizicoles, ou sur les sols maraichers du chef d'exploitation. Ce dernier distribue à chaque membre de la famille un lopin de terre, sur lequel il mène une culture de spéculation de son choix. Pour des jeunes non mariés, sans enfants et non prioritaire lors du partage des terres maraichers, cela représente un gain individuel plus conséquent que la pratique de la riziculture.

C'est en outre un facteur limitant l'exode des jeunes vers les villes. Le maraichage, source de revenus (Maïga, 2013), leur permet de rester au sein du village en période sèche, et en hivernage de pratiquer la riziculture avec le reste des membres actifs du ménage. Il faut toutefois noter que l'exode rural est encore très marqué dans ces villages maliens. Les ménages se vident toujours de leur bras valides, pour ainsi remplir les rangs de nombreux citadins. Le processus est toujours en marche, ce malgré les nombreuses contraintes existant dans les villes (Bastin, Fromageot, 2007).

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3 Dans un contexte d'urbanisation galopante, le maraichage, perçu comme l'aboutissement de l'inéluctable changement des régimes alimentaires.

II.3.1 L'urbanisation galopante et l'exode rural : une réalité

S'il est vrai que l'ensemble dans lequel se trouve le Mali, à savoir l'Afrique subsaharienne, est le continent le moins urbain au monde, il n'empêche qu'il est sujet au processus d'urbanisation, de plus en plus rapide. En effet de 1950 à 2000, le nombre de citadins a été multiplié par 16 en Afrique, alors que sur une échelle mondiale, il a été multiplié par 5. Ainsi, le Mali ne cesse de voir ses villes se densifier et s'étaler. Le secteur tertiaire devient le second secteur porteur de l'économie malienne, avec 38,08 % du PIB en 2014. Il est dominé par « les branches "commerce" et "administrations publiques", qui représentent près de 50 % de la valeur ajoutée du secteur » (INSTAT, 2015).

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus