WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

De la médecine biomédicale à  la médecine non conventionnelle: les enjeux de la relation soignant-soigné. Le cas de la micro-kinésithérapie


par Lethicia BALAVOINE ANZALA
Université de Caen - IAE Caen - Master 1 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1.2.2. Caractéristiques sociologiques des personnes interrogées

Les chiffres sur la micro-kinésithérapie sont rares voire inexistants. Nous tenterons tout de même de mettre en évidence quelques caractéristiques sociologiques.

En ce qui concerne l'âge, les personnes interrogées ont 35 ans et 47 ans. Pour Madame X, « c'est [sa] mère qui est partie en premier » consulter un micro-kinésithérapeute. Quant à Madame Y, « [ses] enfants maintenant sont suivis par un micro-kiné ». La micro-kinésithérapie s'adresse donc à toutes les générations.

Nous avons interrogé deux femmes. Cependant, Madame Y nous dit : « j'ai mon frère qui a été voir le même micro-kiné que moi. [...] Papa y va aussi ». Les hommes comme les femmes ont alors recours à la micro-kinésithérapie.

Nous voyons que le style de loisirs de Madame X est en lien avec son style de vie, «en lien avec la nature » comme elle dit. Les deux femmes interrogées prolongent l'idée de prendre soin de leur corps avec les loisirs liés au sport et à la détente.

1.2.3. Aller chez un micro-kinésithérapeute: les raisons non médicales

Les raisons qui poussent les patients à s'orienter vers un micro-kinésithérapeute sont multiples et vont au-delà d'une certaine curiosité évoquée.

Madame X dit :

« Mes grands-parents paternels se soignaient par homéopathie et acupuncture. Donc mon père a converti sa femme. Ses frères ont converti leur femme aussi [...]. On est une famille très ouverte à tout ce qui est

16

médecine un peu parallèle : la micro-kinésithérapie, l'ostéopathie, le reiki. Enfin toutes ces choses là [...], la sophrologie ».

Cet exemple fait apparaître la pratique de la médecine douce comme une habitude

familiale qui influence la conduite de Madame X vers la micro-kinésithérapie.

La quête d'un mode de vie « naturel » est bien mise en évidence par les loisirs associés à la façon dont Madame X se soigne. C. Herzlich définit en effet le mode de vie comme étant le « cadre spatio-temporel de l'individu, l'espace dans lequel il vit et ses caractéristiques [...] ainsi que leurs reflets dans certains comportements quotidiens »19.

A cela, s'ajoute une quête de sens par rapport aux dysfonctionnement de l'organisme. Madame Y dit se tourner vers la micro-kinésithérapie pour :

« éviter de prendre des médicaments chimiques qui ne vont pas résoudre forcément le problème à la base. La micro-kiné travaille plus en profondeur dans l'organisme et dans le psychisme. Il nous donne des explications».

Madame X précise : « Je préfère avoir mal à la tête pour qu'on me trouve pourquoi j'ai mal à la tête, je n'ai plus envie de prendre de l'Efferalgan ».

Les personnes interrogées adoptent alors un mode de vie qui refrène la consommation de médicaments car la médecine classique n'est, selon elles, pas ou plus satisfaisante.

Loin d'être un désenchantement ou une désillusion suite à une maladie, Madame X comme Madame Y s'orientent vers la micro-kinésithérapie dans une continuité des habitudes familiales, c'est une philosophie de vie.

1.3. La micro-kinésithérapie : une médecine non reconnue par la science mais qui attire.

1.3.1. Qui peut pratiquer la micro-kinésithérapie ?

Rappelons que seuls les kinésithérapeutes ou médecins généralistes peuvent devenir micro-kinésithérapeute. Pas une personne interrogée n'a fait allusion à la formation initiale de son praticien. La formation du praticien ne semble contribuer ni à rassurer ni à fidéliser le patient. C'est le résultat, la capacité à résoudre le problème qui

19 HERZLICH Claudine. Juin 2005. Santé et maladie : analyse d'une représentation sociale, p. 45.

17

semble primordial.

En micro-kinésithérapie, la formation de base, théorique et pratique, est réalisée en 6+3 jours. Elle est organisée par le Centre de Formation en Micro-kinésithérapie (CFM) dirigé par MM. D. Grosjean et P. Bénini. Est principalement travaillée la perception des micro-mouvements grâce à la mains20.

La France compte actuellement 557 micro-kinésithérapeutes inscrits sur la liste officielle des membres de l'Association Centre de diffusion de la micro-kinésithérapie (ACDM)21.Ce nombre n'est pas exhaustif car l'inscription sur la liste reste facultative.

1.3.2. Dans quel cadre évolue le micro-kinésithérapeute ?

La micro-kinésithérapie, faisant appel à des éléments physiopathologiques non démontrés, comme les « mécanismes d'auto-correction », n'est pas reconnue légalement. De même, elle n'est pas reconnue par le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes22. Les praticiens vont alors s'appuyer sur un Code d'exercice23 qui fixe un cadre et une éthique.

À la question : « savez-vous que la micro-kinésithérapie n'est pas reconnue par la science, qu'en pensez-vous ? », Madame X répond :

« Il y a tellement de choses qui n'ont pas été reconnues par la science pendant un moment et puis la science a fait marche arrière au bout d'un moment parce que je pense qu'il y a des choses qu'on explique pas »

Madame Y, elle, répond :

« quand il vous manipule avec les bras, avec l'énergie et qu'il sort certaines dates qui vous ont marquées durant votre enfance, soit pendant votre vie d'adolescent ou votre vie d'adulte, il se trompe très très rarement sur des choses émotionnelles qu'il y a eu. Et pour ça j'ai jamais été déçue. »

La micro-kinésithérapie repose sur des satisfactions individuelles et non des expériences scientifiques, ce qui l'expose à la subjectivité.

20 BENINI Patrice, GROSJEAN Daniel (2003), Ces chocs qui détruisent votre santé, op. cit., p. 57.

21 Site de l'Association Centre de diffusion de la micro-kinésithérapie: http://www.acdmicrokinesitherapie.fr/membres.php

22 Avis du Conseil National de l'Ordre du 20 et 21 mars 2013 relatif à la « micro-kinésithérapie ». Présenté en annexe. http://www.microkinesitherapie.com/index.php? option=com_content&view=article&id=111:reconnaissance-de-la-technique&catid=38:apprendre&lang=fr&Itemid=139

23 Code d'exercice de la micro-kinésithérapie. Présenté en annexe.

http://www.microkinesitherapie.com/index.php?option=com_content&view=article&id=112:code-d-exercice&catid=38:apprendre&lang=fr&Itemid=138.

18

1.3.3. Des patients qui « mélangent les genres »24

Madame X comme Madame Y mettent en évidence un usage combiné de la micro-kinésithérapie avec la médecine bio-médicale, et cela malgré leur désaffection pour les médicaments. Pour Madame X : « la micro, l'ostéo, l'homéo ce sont tous des pratiques qui viennent enrichir la médecine générale ».

Elles affirment avoir toutes deux un médecin traitant. Celui de Madame X est, dit-elle, « médecin homéopathe-acupuncteur que je vois régulièrement dès que je rentre » en France. Elle nous explique avoir choisi un professionnel qui présente cette double compétence dans une « démanche stratégique pour se faire rembourser la consultation ». Tandis que pour d'autres ce choix peut être un moyen « de maintenir un certain contrôle sur la situation »25, de rendre légitime leur démarche. Elle ajoute, « Quand je suis à l'étranger je vois un médecin généraliste traditionnel parce que je n'ai pas le choix ».

Quant à Madame Y, elle dit : « [j'ai] un médecin traitant comme tout le monde. J'y vais très très occasionnellement ». Ici, le médecin traitant apparaît comme une norme, une évidence.

Le médecin généraliste n'est cependant pas sollicité pour toutes les pathologies. Madame Y le consulte en cas de grippe par exemple, et Madame X nous dit : « pour une prise d'antibiotiques, pour une angine ou une infection urinaire ».

Le micro-kinésithérapeute, lui, est consulté par Madame Y pour « des problèmes de dos » et des problèmes liés au stress. Alors que Madame X nous dit que c'est pour :

« savoir si des événements que j'ai vécus au cours de l'année ont pu laisser

des traces au niveau de mon bien-être ».

Ainsi, face à un problème de santé, le patient, à partir de son auto-diagnostic, fait son choix entre la micro-kinésithérapie et la médecine classique. Le passage chez le généraliste semble être une démarche intéressée et qui laisse penser que « à problèmes classiques, médecine classique »26. Alors que la consultation chez le micro-kinésithérapeute se fait pour des raisons médicales préventives et/ou curatives.

24 MARCELLINI Anne, ROLLAND Yannick, RUFFIÉ Sébastien et TURPIN Jean-Philippe. 2000. « Itinéraire thérapeutique dans la société contemporaine. Le recours aux thérapies alternatives : une éducation à un "autre corps" ? », in Corps et culture [En ligne], Numéro 5, p. 4.

25 Ibidem, p. 6.

26 Ibidem, p. 5

19

Autrement dit, à propos de « symptômes psychiques ou physiques mais dont l'origine est perçue comme psychique »27.

Le médecin généraliste peut être consulté en dernier recours. Ainsi, Madame Y nous dit :

« La dernière fois que j'ai été voir le médecin c'était il y a un an et demi pour un problème de genou. J'étais tombée dans les escaliers et ça c'est aggravé alors j'ai été consulter là. [...] J'ai tenté de voir avec un micro-kiné mais ça n'a pas marché [...]. J'ai attendu trois ans avant de consulter mon médecin généraliste ».

La médecine biomédicale sert à répondre à une urgence, alors que la micro-kinésithérapie semble être une démarche de soin plus spontanée.

Comment comprendre la relation alors entre le micro-kinésithérapeute et le patient ?

2. LA RELATION PATIENT/MICRO-KINESITHERAPEUTE ET LE CONCEPT DU CARE

Dans cette partie, nous interrogerons le rapport au soin du patient à partir du concept du Care. Nous présenterons les conditions nécessaires à la réussite d'un soin avant de traiter de la dimension du Care dans la technique puis dans la communication du patient avec le micro-kinésithérapeute.

2.1. Le Cure, le Care : les enjeux d'une relation

Le soin du micro-kinésithérapeute est à la fois Cure (technique) et Care (sollicitude). Dans le soin, le Cure ne prend sens qu'à travers le Care et inversement. Cependant, nous ferons davantage ressortir le Care qui est prépondérant dans cette technique contrairement à la médecine biomédicale pour laquelle prédomine le Cure.

Le concept de Care apparaît aux États-Unis dans les années 1980 avec les travaux de la psychologue Carol Guilligan. Depuis, ce concept a été utilisé dans de nombreux domaines notamment en sociologie.

27 Ibidem, p. 6

20

Le mot Care reste difficile à traduire en français en un seul mot. Il renvoie à l'idée de « prendre soin », « se soucier de », « sollicitude », « bienveillance » que l'on retrouve dans la relation entre le donneur de soin et la personne qui reçoit le soin. Le Care correspond avant tout aux tâches, au travail non reconnu effectués par les femmes et dévalorisés. Face au système biomédical qui réduit le soin à sa part purement technique des critiques émergent. Des féministes tentent de faire reconnaître l'importance du Care et du « prendre soin ».

Madame X comme Madame Y trouvent leur micro-kinésithérapeute « à l'écoute » et « bienveillant ». En effet, parler du Care revient à aborder les relations humaines, la relation de réciprocité ainsi que la relation de confiance. Selon F. Saillant, le soin est « un ensemble de gestes et de paroles, répondant à des valeurs et visant le soutien, l'aide, l'accompagnement »28 .

2.2. La dimension du CARE dans le soin dispensé par le micro-kinésithérapeute

2.2.1. La technique manuelle : une douce façon de « prendre soin » du patient

Le corps du patient est palpé avec les mains du micro-kinésithérapeute dans le but de contrôler l'absence ou la présence de micro-mouvements, d'énergie. La technique manuelle du micro-kinésithérapeute s'inspire de la méthode de l'ostéopathie crânienne en généralisant au corps tout entier le micro-mouvement29. Voilà comment se déroule les choses pour les personnes interrogées. Nous relatons l'expérience de Madame X. Elle dit:

« Vous vous allongez il vous demande simplement d'être sans collier, sans

ceinture, sans chaussure. Sans trucs qui gênent le passage des énergies. Et en fait, c'est plutôt une espèce de palpation ».

Les micro-mouvements sont interrompus suite à des chocs physiques ou psychologiques. Le praticien va alors procéder à leur libération en reproduisant « le traumatisme initial lentement, doucement et longtemps »30. La restauration du terrain est

28 GRANDAZZI Guillaume. 2011. Les acteurs du soin Le cure et le care, texte introductif CEMU, Université de Caen.

29 Se dit aussi « Mouvement Respiratoire Primaire », BENINI Patrice, GROSJEAN Daniel. 2003. Ces chocs qui détruisent votre santé, p. 9.

30 Ibidem, p. 33

21

indispensable pour rétablir l'équilibre du corps.

À travers l'accompagnement des tissus dans leur micro-mouvement, le thérapeute « prend soin » du patient. C'est un moment empli de Care où le thérapeute, avec tout son professionnalisme, va à la rencontre du patient pour lui apporter ce dont il a besoin31. C'est le moment où la main, sans s'imposer, permet en toute confiance, la synchronisation des corps. Il est dit qu'elle « entre » dans le corps en douceur.

Le malade et sa maladie sont abordés par la douceur par le micro-kinésithérapeute. En effet, Madame X trouve que : « C'est vraiment très léger comme palpations. C'est pas du tout appuyé je trouve ». Madame Y sous-entend même une détente, elle dit : « je suis très détendue, je m'endors presque parfois. Je me repose et j'attends. Je ne sens rien ». Il s'agit alors d'un lien invisible, d'un moment non violent entre le donneur de soin et le receveur de soin qui se fie, se confie à son thérapeute.

2.2.2. Les mains du micro-kinésithérapeute et les représentations du patient

Le sociologue Serge Moscovici définit les représentations sociales comme un système de valeurs, d'idées, de pratiques dont la fonction est de permettre aux individus de s'orienter, de maîtriser leur environnement mental et de faciliter le lien32. L'analyse des représentations permet de comprendre, selon C. Herzlich, les attitudes et le comportement des individus face à un objet qui est ici le soin en micro-kinésithérapie.

Les mains ont une place importante dans la relation qui s'établit entre le micro-kinésithérapeute et le patient. Madame X se représente les mains comme un « outil de travail et c'est ça qui lui permet de traiter les problèmes qu'il arrive à découvrir ». La main-outil est une qualification souvent avancée. Cependant, les mains du thérapeute, en permettant l'entrée en relation avec les besoins du patient sont plutôt considérées comme « un média, non seulement de la perception et de l'acte thérapeutique, mais plus profondément de la relation entre le praticien et son patient »33. Il ne s'agit pas alors d'une simple communication entre deux personnes mais de la rencontre entre le corps et l'esprit. Ici, les mains sont perçues d'un point de vue symbolique et non en tant qu'organe.

31 ZIELINSKI Agata. 12/2010. « L'éthique du care. Une nouvelle façon de prendre soin », in Études (Tome 413), p. 638.

32 JODELET Denise, dir. 1989. Les représentations sociales, P.U.F, Paris, p. 53 et 263.

33 GUEULLETTE Jean-Marie. 2015. « "Des doigts qui pensent, sentent, voient et savent". Exercices de réflexivité ostéopathique ». ethnographiques.org, Numéro 31 - La part de la main [en ligne].

22

Les patientes interrogées attribuent plusieurs fonctions aux mains du micro-kinésithérapeute. Pour Madame X, les mains du micro-kinésithérapeute « sont importantes car elles font en même temps le diagnostic et [...] le traitement ». En effet, ces mains « pensent, sentent, voient et savent... »34 comme pour les ostéopathes.

Des mains qui pensent : Madame X nous dit: « il fait courir un petit peu les doigts sur votre corps au niveau des articulations, au niveau des ganglions ». Le patient va faire confiance à son thérapeute tandis que ce dernier va faire confiance à ses mains qui vont le guider sur le corps du patient.

Des mains qui sentent : Madame Y nous dit de son micro-kinésithérapeute : « il ne parle pas, il est concentré sur la palpation. Il cherche ce qui ne va pas ». Les mains sont en effet le lieu de la perception de l'énergie qui circule et de ce que Madame Y appelle « des blocages » mécaniques. Pour cela, le thérapeute doit être présent, concentré dans l'ensemble de la perception et de l'action.

Des mains qui voient : Madame X dit aller chez le micro-kinésithérapeute en lui demandant : « est-ce qu'il peut voir s'il y a quelque chose qui m'a perturbé, contrarié pour qu'on arrange ça ». Ici, les mains prennent tout leur sens symbolique.

Des mains qui savent : le savoir ici concerne les dysfonctionnements mécaniques et, à travers eux, des éléments de l'histoire du patient tels que les maladies ou des traumatismes émotionnels35 que nous aborderons plus loin.

Les capacités des mains du micro-kinésithérapeute apparaissent comme un mystère pour les personnes interrogées. Pour expliquer ces capacités, Madame Y dit :

« Aucune idée. Je me suis toujours posée la question comment avoir ce savoir ? [...] C'est étrange, oui mais comme je vous dit ils sont formés. Mais vous savez, on ne voit rien, on y va et on va mieux, alors c'est ce qui est important pour moi. C'est un peu magique en fait. Mais bon ! »

Madame X, elle, dit:

« Il y a quand même une part, je ne sais pas, un petit peu bizarre.[...] Quand vous ne savez pas en fait ce qu'est la micro-kinésithérapie exactement, ça peut apparaître comme quelque chose de magique.[...] il y a quelque chose qui me fait penser un peut, vous savez quand on allait voir un rebouteux avant. [...] C'est comme s'il avait un pouvoir entre ses mains, un

34 Ibidem.

35 Ibidem.

23

pouvoir qui lui avait été donné et vous ne savez pas d'où il vient mais il vous fait du bien. »

Pour Madame X comme pour Madame Y, les capacités de la main du micro-kinésithérapeute représentent un phénomène inexplicable qui s'apparente à un pouvoir magique, à un savoir magique.

Ainsi, les capacités de la main du thérapeute sont perçues comme irrationnelles. Cette perception éloigne alors cette thérapie du biomédical car elle n'est pas logique.

D'un point de vue symbolique, la main du praticien agit et le patient comprend cette action mais il ne comprend pas comment elle fait pour répondre aux besoins.

La main est une notion complexe au sens sociologique. C'est l'idée que même si le patient en comprend un ou plusieurs aspects, cela ne suffit pas à une compréhension de la capacité de la main dans son ensemble.

Enfin, les personnes interrogées mettent toutes en avant le fait que le micro-kinésithérapeute est formé pour exercer un soin mystérieux qui repose sur une idée de bien-être.

2.3. La dimension du Care dans l'interaction verbale et non-verbale

2.3.1. La communication verbale : la parole

Le patient exprime sa demande ou son besoin à son arrivée chez le micro-kinésithérapeute. S'il s'agit d'une première rencontre, Madame X nous dit :

« Comme tout autre praticien. [...] il vous pose des questions d'usage à savoir votre âge, si vous êtes mariée, si vous avez des enfants pour savoir à qui il a affaire. Et quels sont vos antécédents médicaux. »

S'il ne s'agit pas d'une première rencontre, la demande est exprimée. Le micro-kinésithérapeute écoute attentivement cette demande en se souciant du patient. Ainsi, le thérapeute va « constater l'existence d'un besoin, reconnaître la nécessité d'y répondre, et évaluer la possibilité d'y apporter une réponse »36. La bienveillance du thérapeute à

36 ZIELINSKI Agata. 12/2010. « L'éthique du care. Une nouvelle façon de prendre soin »,in Études, (Tome 413), p. 636.

24

l'égard du patient aide ce dernier à réactiver sa mémoire émotionnelle et ses réactions corporelles pour faciliter la perception. C'est en cela que cet interrogatoire systématique diffère de celui effectué par le médecin généraliste car ici il s'agit d'une mise en condition pour recevoir le soin.

Pendant la palpation, la communication verbale est plus ou moins présente en fonction du thérapeute. Le thérapeute de Madame Y, dit-elle, « ne parle pas, il est concentré sur la palpation ». Elle précise qu'il pose rarement des questions. Contrairement au thérapeute de Madame X qui pose régulièrement des questions sur ce qu'il perçoit. Chaque patient choisit alors le thérapeute qui lui correspond.

Au long de la consultation, les échanges peuvent porter sur des relations avec des proches. Cela dépend alors de la confiance qui s'est instaurée entre le thérapeute et son patient. Nous constatons que les patientes interrogées n'ont pas la même relation avec le thérapeute qu'avec le généraliste. Alors qu'elles échangent librement sur leur prise en charge biomédicale avec leur micro-kinésithérapeute, cette thérapie est peu abordée (Madame Y) voire pas du tout (Madame X) avec le médecin généraliste. Elles contrôlent alors leur communication avec le généraliste.

De même, selon E. Goffman, les interlocuteurs s'accordent sur le moment de la conversation, sur les thèmes par l'intermédiaire de règles, de pratiques37.

2.3.2. La communication non-verbale

La communication non-verbale, elle, vient compléter et améliorer la communication verbale sur le plan émotionnel. Les gestes, les mimiques ou encore les regards ont leurs importance. Par le langage du corps, le thérapeute porte une attention au patient, le considère. Les silences sont importants et permettent au corps de s'exprimer au moment de la palpation, de raconter son histoire.

Tout comportement est un message, ou bien il précise des paroles. Madame X nous dit : « quand il vous regarde et en fonction de ce que vous dites, il arrive à percevoir les questions intérieures que vous vous posez, et en fait, il essaie d'y

37 GOFFMAN Erwing. 1974. « les rites d'interaction », coll. Le sens commun, Paris, Éd. De minuit, p. 32.

25

répondre ». Le thérapeute est alors vraiment à l'écoute du patient dans son ensemble. Madame X nous dit ne pas chercher à transmettre une bonne ou une mauvaise image d'elle au micro-kinésithérapeute. Elle dit rester elle même :

« Dans la mesure où il sait beaucoup de choses sur vous au moment où il vous ausculte, je reste moi-même. [...] Je suis dans une relation de confiance. Il faut être soi-même surtout pour avoir un meilleur rendu possible ».

Les communications verbale et non verbale sont fortement liées. Si l'une ou l'autre est mauvaise, la communication toute entière sera entachée et le message ne passera pas.

2.3.3. Le rôle du patient dans le soin

Les patients considèrent souvent qu'ils sont inactifs pendant le soin. Madame X nous dit que pendant le soin, elle ne fait « rien en fait. J'attends qu'il découvre ce qui va pas chez moi ou ce qui va bien. Parce qu'il y a des choses qui vont bien quand même, J'attends qu'il trouve ». Cependant, la relation de soin patient / micro-kinésithérapeute est un système de communication dans lequel, tour à tour, le patient et le micro-kinésithérapeute sont émetteur et récepteur. Chacun a son rôle à jouer. Il ne s'agit pas de la relation asymétrique comme celle qui prédominait entre le patient et le médecin.

Le patient est un acteur du soin, il est écouté. Les informations qu'il apporte au long du soin sont importantes pour la suite de ce soin. Nous avons vu également qu'il est consulté pour faire avancer le soin. Aussi, une prédisposition du corps est nécessaire pendant le soin, il doit alors faire des efforts pour se détendre et favoriser l'entrée en relation.

3. MICRO-KINESITHERAPIE ET SOCIÉTÉ : ANALYSE DU LIEN SOCIAL

3.1. Le réseau dans le parcours thérapeutique du patient

3.1.1. Définition du réseau

Selon le sociologue E. Lazega, le réseau est « un ensemble de relations d'un type

26

spécifique [...] entre un ensemble d'acteurs »38 qui partagent les mêmes normes et les mêmes valeurs. Il peut s'agir de relations d'entraide, de soutien, de conseil, de contrôle et d'influence. Selon E. Lazega, « décrire la structure relationnelle d'un système social consiste d'abord à identifier des sous-ensembles d'acteurs à l'intérieur du système »39. Il s'agit alors ici d'étudier les interactions entre les personnes interrogées et leur entourage respectif qui pratiquent la micro-kinésithérapie, mais aussi de comprendre comment le réseau oriente le comportement du patient.

3.1.2. Analyse sociologique du réseau

Il est souvent dit que les patients du micro-kinésithérapeute s'orientent vers cette pratique à la suite des conseils d'un proche. Madame Y dit s'y être orientée suite à un échange avec sa tante qui, elle-même, est micro-kinésithérapeute :

« Je discutais avec elle de mon stress. Et donc elle m'a fait découvrir ça à

travers elle, alors j'ai essayé pour voir ».

Quant à Madame X, elle dit avoir connu la micro-kinésithérapie :

« assez fortuitement. [...]. J'ai eu l'occasion lors d'une conversation avec

ma mère d'évoquer la micro-kinésithérapie ».

L'entrée dans le réseau se fait alors à l'occasion d'échanges entre une personne qui a la connaissance de la micro-kinésithérapie et une autre personne qui recherche une amélioration pour sa santé. Chez les personnes interrogées, les cercles familial et amical ont été déterminants pour leur orientation. La famille et les amis sont en effet considérés comme des personnes de confiance par le patient.

Cependant, le réseau peut s'étendre et inclure des professionnels avec qui le patient n'entretient pas de lien d'amitié. Madame X nous dit recevoir des conseils venant de son médecin homéopathe-acupuncteur : « elle connaît la micro, on en parle ensemble ».

Les membres du réseau s'entraident dans leur démarche de soin. Madame X nous dit : « parce que j'en ai discuté avec elle, ma mère a réussi à gérer une blessure dont elle n'était pas consciente ».

Aussi, dans le réseau, circulent des ressources importantes qui sont les récits des

38 Lazega Emmanuel. 1994. Analyse des réseaux et sociologie des organisations, [article], in La revue française de sociologie, volume 35, numéro 2, p. 293.

39 Ibidem, p. 295.

27

expériences des uns et des autres. Lors de la discussion avec sa tante, cette dernière lui faisant part de l'expérience de ces patients, Madame Y nous dit : « elle arrive à soulager des personnes comme moi qui souffrent du dos. Elle a déjà reçu des enfants qui ont des troubles du sommeil ». Ces expériences ont pour but d'influencer et de soutenir les membres du réseau dans leur démarche.

3.1.3. La relation de confiance et le choix du « bon » micro-kinésithérapeute

Le réseau a un rôle important dans l'identification et l'orientation vers le « bon » micro-kinésithérapeute. Il se fait presque exclusivement sur recommandation d'un proche alors que, en médecine biomédicale, les recommandations ont peu d'influence et la recherche d'un généraliste est essentiellement basée sur la proximité géographique. Madame X nous dit de son micro-kinésithérapeute :

« S'il était à plus de 100 kilomètre j'aurais fait le déplacement. C'est juste le désir d'avoir une consultation avec ce praticien ».

Le système du bouche-à-oreille et la réputation du praticien ainsi ont une place importante . Madame X ajoute :

« Je pense que la confiance est tellement importante dans une relation patient-praticien que, une fois qu'elle est établie, les gens, pour la confiance qu'ils ont en leur praticien et le bien-être qu'il leur apporte, les gens sont capables de faire énormément de kilomètres en fait .

Le praticien apparaît ainsi comme une valeur sûre. Cette confiance va permettre l'engagement envers le praticien.

La confiance va évoluer avec l'influence des expériences vécues ou connues qui circulent dans le réseau. Madame X nous dit :

« Au début quand j'ai connu la micro-kinésithérapie, j'ai eu connaissance de l'histoire d'un homme qui avait un problème de vessie [...] et le micro-kinésithérapeute l'a complètement débloqué.[...] Quand j'ai connu cette histoire ça m'a vraiment interpellée et motivée».

Celui qui relate les expériences « joue un rôle » et se met en scène pour convaincre l'autre et l'aider dans son choix. La confiance s'entretient dans le réseau. Mme X nous dit :

« C'est vrai que c'est des choses qu'on évoque régulièrement quand on se

28

voit lors des réunions de famille, noël, les anniversaires, les mariage. [...] Chacun fait profiter aux autres son expérience pour l'inciter à peut-être trouver une solution par rapport à son problème. »

MadameY :

« Oui, oui, oui oui. J'ai deux-trois personnes qui vont voir le même que le mien et qui en sont très satisfaites. On échange nos expérience parfois. »

Tous ces échangent contribuent à donner une reconnaissance à la micro-kinésithérapie.

3.2. Du point de vue du patient : efficacité et satisfaction du patient

Aborder l'efficacité et la satisfaction du patient nécessite de préciser au préalable ses attentes. Les personnes interrogées sont en attente d'une amélioration, partielle ou totale, de leur état physique et aussi en attente de relationnel donc d'amélioration de leur état psychique.

3.2.1. L'efficacité de la technique du micro-kinésithérapeute

La micro-kinésithérapie n'a pas montré à ce jour son efficacité d'un point de vue scientifique, malgré les études menées en ce sens depuis les années 198040. Cette technique est reconnue à travers les expériences réussies.

Les personnes interrogées considèrent comme efficace la technique du micro-kinésithérapeute si celle-ci répond à leur besoin. Ainsi, Madame X nous dit:

« Il arrive à intervenir sur les flux nerveux pour réduire cette blessure qui

s'est intégrée à mon corps par rapport à ce que j'ai subi. »

Elle dit également y aller par recherche d'un bien-être psychologique mais aussi physique. Madame Y dit à son tour être satisfaite: « je me sens moins stressée après » et ajoute : « il me débloque des choses émotionnelles que le médecin généraliste ne peut pas faire,[...], je le ressens par un bien-être psychique ». De même, il soulage son mal de dos ce qui lui donne l'impression d'être « légère ».

La micro-kinésithérapie, dans ces deux cas, participe alors au confort de ces dames et

40 Site de l'Association Centre de diffusion de la micro-kinésithérapie: http://www.acdmicrokinesitherapie.fr/membres.php

29

diminuent les maux là où la médecine classique s'est montrée inefficace.

Les révélations faites au cours de la palpation ont aussi une très grande importance. Associées à l'équilibre énergétique, les révélations faites par le thérapeute participent activement au sentiment d'efficacité. En effet, Madame X nous dit :

« Quand vous commencez à fréquenter un micro-kinésithérapeute vous savez qu'il vous fait du bien parce qu'en fait le fait qu'il vous révèle des choses qui se sont passées et qui vous ont perturbées sans que vous ayez dit quoi que ce soit, il y a forcément quelque chose, vous en êtes pas conscient, qui lui est révélé par votre corps qui va vous amener à un travail sur vous-même et qui va forcément améliorer votre bien-être ».

Les révélations étaient très présentes dans le discours des personnes interrogées. Ainsi, elles sont apparues comme une attente primordiale pour le patient.

3.2.2. La satisfaction du patient

Les personnes interrogées ont exprimé une grande satisfaction quant à la qualité et au résultat du soin. Madame X dit être :

« avec ce micro-kinésithérapeute, très satisfaite. Il est toujours à l'écoute. [...] Il y a beaucoup de choses qui au début de mon mariage étaient en contradiction avec ma façon de voir les choses, avec ma façon de vivre, avec ma façon de penser [...] c'est des choses qu'il a pu ressentir par la palpation et qu'il a pu m'expliquer ».

Les deux personnes interrogées sont satisfaites du temps passé avec le thérapeute. Madame X rend compte d'une consultation qui dure entre 45 minutes et 1 heure. Madame Y dit passer 1/4 d'heure à 1/2 heure en consultation. Le temps passé diffère selon le patient mais elles en sont toutes les deux satisfaites. Cette différence peut venir de la demande. Avec une demande explicite comme le fait souvent Madame Y, le soin est ciblé et donc plus court qu'un soin pour lequel la demande est implicite. Madame X demande en effet à son thérapeute un rééquilibrage de tout son corps.

Nous percevons cette satisfaction générale lorsqu'elles disent y retourner et être prêtes à recommander leur thérapeute.

3.2.3. Prendre soin de son corps avec la micro-kinésithérapie : un nouveau rapport au corps

L'interaction entre la main du thérapeute et le corps du patient, ce que certains

30

appellent le corps-à-corps, marque un nouveau rapport au corps pour se soigner, un changement par rapport au biomédical. En effet, le corps du patient est abordé en médecine biomédicale sur le plan scientifique alors qu'avec la micro-kinésithérapie, il est abordé sur le plan relationnel. Madame Y nous expose ce corps-à-corps à travers l'activité de sa tante, micro-kinésithérapeute :

« Les patients qu'elle reçoit, elle ne les traite pas avec des médicaments, des choses chimiques, extérieures au corps. Elle utilise le corps pour les soulager, pour leur apporter une amélioration. Les réponses sont dans le corps. Elle n'a pas de matériel en fait. Elle fait tout avec le corps et ses mains ».

Cette façon de se servir du corps pour le soin, cette « technique du corps » selon M. Mauss, permet une prise en charge totale, globale du patient. En effet, Madame X dit : « je suis en demande du traitement de tout mon corps » ; elle ajoute, « c'est comme s'il faisait un réajustement de tout mon système nerveux et mon système énergétique. » Ce rapport au corps révèle, selon M. Mauss, d'un mode de vie. Les personnes interrogées expriment en effet le souhait d'une vie plus naturelle, avec moins de médicaments et avec des soins qui harmonisent le corps et l'esprit et qui apportent un bien-être général.

Cette technique du corps apparaît selon M. Mauss comme un habitus au sens où cette façon de se soigner semble innée mais est pourtant apprise en société. Il y a une évolution des habitus. C'est l'expression de l'éducation et de la vie en société. De même, le patient s'habitue lors de la consultation à son nouveau rôle sans parole, de relâchement du corps et d'abandon à l'autre.

Dans ce rapport au corps, le soigné est très impliqué. Cette rencontre des corps montre que « le(s) corps est le lieu de l'engagement dans l'alternative, c'est-à-dire, de l'engagement dans une autre façon de se soigner, qui ressemble à la recherche d'une autre façon d'être, d'une autre façon d'être avec l'autre, d'une autre façon de communiquer, de lire, de comprendre, de percevoir, de voir »41. Selon Goffman, « l'individu qui s'engage [...] peut s'y impliquer entièrement : [...] oublieux de tout le

41 MARCELLINI Anne, ROLLAND Yannick, RUFFIÉ Sébastien et TURPIN Jean-Philippe. 2000. « Itinéraire thérapeutique dans la société contemporaine. Le recours aux thérapies alternatives : une éducation à un "autre corps" ? », in Corps et culture [En ligne], Numéro 5, p. 9.

31

reste et de lui-même »42. Il ajoute que « cet engagement spontané et conjoint est un unio mystica, une transe socialisée »43.

Les personnes interrogées ont la volonté de s'impliquer davantage et d'être plus autonomes dans leur itinéraire thérapeutique. Toutes les deux font apparaître l'idée qu'elle font le choix du micro-kinésithérapeute dans l'espoir d'obtenir un résultat positif. Elles sont alors dans une dynamique de changement avec le souhait de prendre en charge elles-même leur santé. Elles se tournent alors vers cette nouvelle démarche de soin qui accorde plus d'importance à la dimension humaine que la médecine biomédicale.

3.3. Donner - recevoir - rendre : système de régulation sociale de l'échange

3.3.1. La notion de don selon M. MAUSS

M. Mauss définit la notion de don comme un système d'échange dynamique de régulation réciproque et unilatéral. Dans la relation d'échange dans le soin, le micro-kinésithérapeute fait le don de sa compétence au patient. Certains parlent d'un don de soi dans le soin. Il ne donne pas le soin dans l'attente de recevoir en retour. Il donne pour inciter l'autre à donner. Cette relation ouvre alors sur une dimension sociétale et permet de comprendre la relation de soin au-delà du simple échange. Le don est une dimension fondamentale dans notre société.

Les relations sociales reposent selon M. Mauss sur cette triple obligation de donner- recevoir et rendre. Il ne s'agit pas de charité mais de don symbolique.

La logique du don repose sur la confiance, la réciprocité et l'engagement de l'autre. L'idée est que, selon l'approche de P. Chanial, le patient se présente avec une demande au thérapeute. Sa vulnérabilité de par sa maladie ou son mal-être conduit au don de soin. Apparaît alors l'idée de dépendance du patient envers le thérapeute. Le don est alors un élément essentiel dans les liens de dépendances entre individus. Le don de soin renvoie à la fragilité de l'homme et sa dépendance originelle. En donnant le soin, le praticien fait

42 GOFFMAN Erwing. 1974. « les rites d'interaction », coll. Le sens commun, Paris, Éd. De minuit, p. 101.

43 Ibidem, p. 40.

32

un don de vie au patient, sans intérêt44.

3.3.2. Le don et le Care : deux notions liées dans la relation de soin

Les théories du don et du Care sont en lien. Comme dans la logique du don, les personnes qui sont dans le Care ne le font pas pour l'argent. La réflexion sur le don vient enrichir le travail du Care dans la relation établie dans le soin.

Comme dans la relation de don, la relation de Care est une relation sociale. Le travail de soin, le don de soin ainsi que la sollicitude sont dévalorisés, invisibles car sont relégués à la sphère privée alors que la société considère comme louable la réussite publique, la rationalité et l'autonomie. Le Care comme le don sont considérés comme le pouvoir des faibles. C'est une « affaire de bonne femme »45.

De même, la médecine biomédicale se détache de cette relation de don et de Care au profit de la science.

3.3.3. Recevoir et rendre le don : se placer du côté du patient

« Recevoir » le soin engage le patient dans une relation d'échange. Il paraît nécessaire pour recevoir le soin dispensé par le micro-kinésithérapeute, d'être disponible et ouvert à ce type de soin. Madame Y nous dit:

« moi j'y crois parce que je suis depuis plusieurs années avec un micro-kiné

et vous savez, [...] il a toujours réussi à me soulager de mes douleurs ».

Madame X, elle, à plusieurs reprises, utilise l'expression « moi j'y crois ». Nous comprenons alors que cette démarche nécessite une prédisposition de l'esprit qui conditionne la disposition du corps du patient. Le patient doit être confiant.

Il faut alors croire et avoir confiance en cette technique pour envisager le soin. Il ne s'agit pas de croyance religieuse ici, mais plutôt de la « volonté de croire qu'il existe d'autres visions du corps possibles »46, contrairement à la médecine biomédicale qui se

44 Chanial Philippe. 2/2014. « Don et care : une perspective anthropologique », in Recherche & formation (n° 76).

45 Chanial Philippe, « Don et care : une perspective anthropologique », Recherche & formation 2/2014 (n° 76), p. 53.

46 MARCELLINI Anne, ROLLAND Yannick, RUFFIÉ Sébastien et TURPIN Jean-Philippe 2000. « Itinéraire thérapeutique dans la société contemporaine. Le recours aux thérapies alternatives : une éducation à "autre corps" ? », in Corps et culture [En ligne], Numéro 5, p. 7.

33

base sur la logique, le visible et le connu. Cette volonté de « croire » est enrichie par l'efficacité réelle ou l'effet placebo du soin mais aussi par la justesse des révélations du praticien. Si le patient n'est pas volontaire, le thérapeute ne peut pas prendre soin de lui.

« Rendre » le don se fait conformément à la logique de l'échange. Le patient va rendre ce qu'il a reçu pas forcément au donneur ni sous la même forme. Il s'agit ici d'un échange symbolique que les personnes interrogées, comme Madame X, expriment ainsi :

« Par rapport à la micro-kinésithérapie, si j'ai l'opportunité de discuter avec quelqu'un que je côtoie régulièrement qui a un souci que je pense pouvoir être résolu par la micro-kinésithérapie, je les enjoins à éventuellement consulter parce que ça pourrait leur apporter du bien-être comme à moi ça m'apporte du bien-être. Le bien-être que je reçois par la micro-kinésithérapie, je le reporte aux autres au quotidien par ma bonne humeur, mon esprit positif, ma façon de voir les choses. Je suis à l'écoute des autres, je partage ma joie de vivre»

Madame Y nous dit: « Si quelqu'un est ouvert à ce que je peux raconter je lui parle sans problèmes ».

Les personnes interrogées rendent alors le don par la reconnaissance. Elles partagent les bienfaits du soin avec leur entourage et ainsi fait perdurer le réseau. Cependant, rendre le soin en partageant sa reconnaissance a des limites que les deux personnes interrogées ont bien montrées. Elles précisent toutes deux ne pas insister auprès des personnes qui ne sont pas réceptives.

CONCLUCION GENERALE

La société contemporaine présente de nouvelles façons de se soigner dont fait partie la micro-kinésithérapie. Nous avons choisi, ici, de nous placer du côté du patient. Ainsi, nous nous sommes appuyés sur le parcours thérapeutique de deux patientes de micro-kinésithérapeute et sur des concepts sociologiques comme les représentations sociales, le réseau, le Care ou encore le don. Cette association nous a aidé à comprendre les enjeux de la relation patient-thérapeute.

34

La micro-kinésithérapie est une technique manuelle de soin qui est mal connue des personnes qui la pratique. Les patients ne cherchent pas forcément à la connaître plus que ça, même si elle est mystérieuse pour elles. Ce qui attire et intéresse davantage le patient, c'est le résultat, l'efficacité du soin et sa qualification de médecine douce.

De par sa technique de soin, la micro-kinésithérapie s'éloigne de la médecine biomédicale qui sous-estime la notion de Care dans son soin au profit de la science donc de substances chimiques qui ne répondent plus aux besoins du patient. Le soin du thérapeute propose une prise en charge globale du patient qui associe le corps et l'esprit. Tandis que le biomédical ne s'attarde que sur le corps. Cependant, la médecine biomédicale semble faire un pas vers cette idée de prise en charge totale.

La relation de confiance a été omniprésente dans cette étude. Dans toutes les étapes qui ont guidé le changement souhaité par le patient, la confiance a été nécessaire et déterminante. La confiance s'est installée et perdure chez le patient grâce au réseau dans lequel circule les expériences des uns et des autres. De même, la confiance entre le patient et le micro-kinésithérapeute est indispensable pour que ce dernier reçoive le soin. Recevoir le soin dans le sens où le patient à l'issue du soin en perçoit des effets bénéfiques.

Le patient exprime une telle volonté de croire en cette technique qu'il en est presque désolé lorsque le soin n'a pas été efficace. Ce qui est donné est rendu symboliquement. Tel est le fondement des relations sociales encore aujourd'hui. Ainsi, le patient est amené à rendre le don de soin qu'il a reçu. Il le rend à travers la reconnaissance et concrètement en transmettant dans son entourage le bien-être qu'il a reçu grâce au soin.

Nous pensions avant de commencer cette étude que consulter un micro-kinésithérapeute relevait principalement d'un phénomène de mode notamment de notre société contemporaine. Cela comme toutes pratiques de médecines douce. Ma représentation réductrice a été déconstruite grâce à ce mémoire et permet de confirmer l'hypothèse de départ selon laquelle le patient du micro-kinésithérapeute trouve avec cette thérapie une autre façon plus naturelle de prendre soin de son corps.

35

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo