Impact du coupage sur le traitement de l'information de presse en ville de Beni

I.2. CADRE CONCEPTUEL

Dans cette section nous allons parler en quelques mots des concepts clés de notre hypothèse. Il s'agit de :

I.2.1. COUPAGE

I.2.1.1. Définition

Dans son sens strict, Le coupage est une action de couper, de trancher. C'est aussi une action de mêler une liqueur avec une autre liqueur moins forte. Par extension, le coupage est une action de falsifier un produit liquide avec une matière de moindre valeur^18(*).Ce mot désigne, dans son sens figuré, l'argent qu'on remet aux journalistes à la fin d'un reportage, d'un point de presse ou d'une interview^19(*). Cet argent donné aux journalistes par les sources d'information dans le but d'acheter leur conscience.

Dans ce travail, nous adoptons définition du coupage dans son sens figuré étant donné que c'est celle qui cadre avec le domaine dans lequel nous menons notre recherche.

I.2.1.2.Historique du coupage

L'origine du coupage est liée à l'histoire de la presse en RDC. Le coupage a pris son ampleur au cours de la deuxième république, période où le Maréchal MOBUTU dirigeait le Zaire comme sa propriété privée.

Le coupage a eu son origine dans la province du BAS-CONGO ; Des journalistes de la radio et télévision nationale se sont rendus à MATADI au Bas-Congo, province située non loin de KINSHASA, la capitale de la république démocratique du Congo pour un reportage. Le gouverneur de cette province s'appelait FRANCOIS KUPA. Apres le reportage, il a donné de l'argent aux reporters qui en étaient devenus quasiment fous au point que certains ont oublié leurs matériels d'enregistrement, Nagra, à l'époque. C'est de cet événement qu'est né le concept « coupage », qui, bien que francisé est dérivé du nom KUPA du gouverneur du BAS-CONGO, Bas-Zaïre à l'époque. Ce fait insolite qui a marqué l'histoire de la presse en RDC s'est déroulé en 1983 à l'occasion d'un reportage au barrage hydroélectrique d'INGA^20(*).

I.2.1.3. Sortes des coupages^21(*)

Partant de l'observation, le professeur Lapess MUNKENI distingue quatre sortes de coupages à travers un ensemble de comportement que manifestent les acteurs du coupage sur terrain : le coupage occasionnel, le coupage circonstancié, Le coupage ratifié et le coupage proximité.

I.2.1.3.a. Le coupage occasionnel

Ce type de coupage exprime l'occasion d'octroi d'une rétribution sur laquelle un journaliste tombe au hasard lors d'un reportage où de couverture des événements surgissant de manière habituelle. Cela renvoie à une rétribution tout ainsi inhabituelle car l'occasionnel ici est soit improvisé, soit provoqué et donc plus ou moins arrangé pour le coupé ou le coupeur.

I.2.1.3.b. Le coupage circonstancié

Résulte d'une couverture événementielle pour laquelle la source d'information fait expressément appel à l'un ou l'autre professionnel des médias. Le coupage dont bénéficie le journaliste dans ce cas de figure est à la mesure de la circonstance et largement en sa faveur, dès lors qu'il n'aura rien demandé à la source d'information qui sollicite ses "services"

I.2.1.3.c. Le coupage ratifié

Il est alloué à des journalistes et medias qu'à la communauté des professionnels ou des sources d'information à établir comme interlocuteurs choisis et incontournables. Et surtout des journalistes vedettes ou des chaines de télévision de grande écoute mais également des journalistes de la radio et télévision par rapport à ceux de la presse écrite qui n'ont pas grande audience. Dans ce cas de figure, se distingue le journaliste coupé de notoriété dont la ratification a été consacrée par la majeure partie de la communauté et le journaliste coupé accrédité par la source d'information conviée à la couverture de l'événement.

I.2.1.3.d. Le coupage proximité

Est celui qui se manifeste lorsqu'une source d'information entretient des liens de proximité avec un journaliste ou un organe de presse et qui ressemble à la complicité. La pratique du coupé inscrite dans cette catégorie procède des éléments de proximité relationnelle que nous traduisons mieux par le néologisme proximisé pour designer toute la charge affective, sentimentale et subjective que véhicule ce type de coupage.

En lisant le professeur MUNKENI, nous sommes rendu compte que la deuxième sorte de coupage va plus dans le sens de couverture médiatique, ce qui n'est pas en soit une erreur dans la profession.

I.2.1.4. Appellations du coupage en RDC^22(*)

Le concept coupage qui fait objet de notre recherche a des désignations distinctes selon qu'on est dans tel ou tel autre coin de la RDC. Citons :

I.2.1.4.a. A Kinshasa

Dans la capitale de la RDC, le coupage est connu sous l'appellation « mot de la fin ». Cette appellation a été établie par les journalistes kinois à la fin d'une conférence de presse la journaliste du quotidien, belge « le soir »dans la salle BREL du centre Wallonie Bruxelles Celle-ci avait disparu de la salle sans laisser des consignes particulière du « où sont les journalistes », « Les journalistes suivez-moi »,...

I.2.1.4.b. Mbuji-mayi

Dans ce chef-lieu du Kasai-Oriental, les journalistes font usage  des mots « molangiwamala » entendu par-là Bouteille de bière en langue Tshiluba pour signifier le jargon « coupage ». Outre cette appellation très courante, d'autres professionnels des medias parlent de « Katuba », ce qui désigne le taxi dans cette ville diamantifère.

I.2.1.4.c. Au Sud-kivu

Le coupage dans cette province est reconnu sous le nom de « transport », « mot de la fin » ou encore « sauvetage » pour signifier ce qui sauve.

I.2.1.4.d. Au Katanga

Dans cette province du sud de la RDC, « Kawama » est la désignation du terme coupage. En fait KAWAMA est un village se situant à environs 12 KM de la ville de Lubumbashi actuel chef-lieu du Haut-Katanga depuis le démembrement de cette province en 4. Depuis plusieurs années, un journaliste bien réputé de Lubumbashi s'y rendait à bord de sa camionnette pour y transporter du charbon de bois. Cette activité lui permettait de compléter son salaire de journaliste insuffisant pour nouer les deux bouts du mois. Ses confrères ne cessaient de lui demander « où vas-tu ? », il leur répondait toujours : « Je vais chercher mon KAWAMA ». Et à partir de là ce mot dans le jargon des journalistes lushois en particulier et Katangais en général correspond au Coupage.

I.2.1.4.e. A Beni

Bien que certaines appellations citées ci-haut à l'instar de « mot de la fin », « transport », sont d'usage dans la presse de Beni, le mot qui semble particulier à cette entité est « Kamboka ». Ce mot signifiant la sauce ou la nourriture des enfants dans le swahili parlé en ville de Beni est utilisé pour designer le coupage.

Bref, dans chaque coin de la RDC, il ya des mots établis par les journalistes eux-mêmes pour désigner le terme « coupage ».

* ¹⁸Dictionnaire Larousse, Paris, Cedex, 2006

* ¹⁹ NAMUDJIMBO, D., et alii, déshabillé pour avoir caché le coupage in le coupage dans la presse gangrène du journalisme, KINSHASA, 2006, P.13

* ²⁰ GRET, Le coupage dans la presse gangrène du journalisme, Kinshasa, Inter Congo Media, 2006, P.21

* ²¹ Lapes MUNKENI, R., la pratique du coupage dans la presse congolaise, article inédit mis en ligne le 30 juin 2006

* ²²Gret, op. sit. p.25