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Entre trajectoire du patient et temps thérapeutiques. Analyse sociologique du monde de la psychiatrie à  partir de la chambre d'isolement.

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par Stéphane LE ROUZIC
Institut de Formation des Cadres de Santé de Sainte Anne Paris - Cadre de santé  2005
  

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« ENTRE TRAJECTOIRE DU PATIENT ET TEMPS THERAPEUTIQUES : analyse sociologique du monde de la psychiatrie à partir de la chambre d'isolement »

Ce mémoire propose une approche sociologique du monde de la psychiatrie au travers d'un fils conducteur central : celui de la chambre d'isolement en tant qu'outil « thérapeutique ».

Quelles sont les normes et les argumentations qui justifient une pratique dont l'efficience thérapeutique n'a pas été démontrée ?

Ce travail s'inscrit dans la lignée de Michel Foucault et pose la question du traitement de la folie dans notre société en explorant les normes qui sous tendent la pratique des professionnels en santé mentale aujourd'hui.

Comment se forment les savoirs des professionnels et quelles normes s'imposent dans leurs discours et pratiques?

Cette recherche s'inscrit dans une approche de type interactionniste et dans la sociologie de la déviance. Ce cadrage a permis de reconstituer la trajectoire au sens de Strauss (1992) du patient potentiellement « isolable » en service de psychiatrie du point de vue des professionnels : les infirmiers et les psychiatres principalement.

Ce faisant nous démontrerons qu'il n'existe pas une mais des conceptions thérapeutiques fondant la pratique des contentions mécaniques en psychiatrie. Ainsi élaboré, le monde la psychiatrie se caractérise par l'hétérogénéité dans son ensemble : pensées, pratiques et conceptions.

En résumé, comme le dit l'ethnopsychiatre Devereux nous pouvons tous être malade mais la société reste « normale ».

Mots clefs :

psychiatrie ; interactionnisme symbolique ; trajectoire ; isolement ; chambre d'isolement ; « thérapeutique » ; conceptions ; normes

Stéphane Le Rouzic

Mémoire de formation cadre de santé IFCS Sainte Anne Directeur de mémoire : Lynda Sifer

Juin 2005

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« Celui qui ne connaît que la psychiatrie, ne connaît même pas la psychiatrie ».

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Citation anonyme

INTRODUCTION

« Suppose que tu rencontres un fou qui affirme qu'il est un poisson et que nous sommes tous des poissons. Vas-tu te disputer avec lui ? Vas-tu te déshabiller devant lui pour lui montrer que tu n'as pas de nageoires ? Vas-tu lui dire en face ce que tu penses ? [...] Si tu ne lui disais que la vérité, que ce que tu penses vraiment, ça voudrait dire que tu consens à avoir une discussion sérieuse avec un fou et que tu es toi-même fou. C'est exactement la même chose avec le monde qui nous entoure », cette citation de Kundera (1994) nous permet d'emblée de comprendre la complexité du rapport que l'Individu et la Société entretiennent avec la « folie » ou ce que l'on appelle dans le sens commun (Durkheim, 1895) les « fous », ou encore les « barjots », « les dingues », « les paranos », etc. Communiquer avec un « fou » nous renverrait nous même à notre folie potentielle. Pouvons nous alors en déduire que seuls les professionnels sont « experts » et aptes pour entrer en contact avec le monde de la folie ?

Si l'on souhaite étudier le monde de la psychiatrie, nous nous trouvons d'emblée dans ce paradoxe. En effet, la maladie mentale s'inscrit dans le champ des études de la « déviance ». Plus précisément, sous le terme de « déviance », les sociologues désignent une activité qui transgresse une norme sociale, ou nie la valeur d'un groupe. Dans cette perspective d'approche, avec Becker ou Goffman notamment, la déviance se comprend dans la théorie de « l'étiquette sociale » (Label Theory). La déviance n'existe pas en soi : elle correspond au contraire à une construction sociale. Pour le dire plus simplement la déviance est crée par la société. Ce sont in fine les groupes sociaux qui créent la déviance en instituant les normes de transgression. La transgression de la norme est souvent corrélée à des jugements de valeurs négatifs dans le sens commun. Dans cette perspective théorique, quels sont les mécanismes et les processus sous-

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jacents de la déviance, dans notre sujet relatif à la désignation de la maladie mentale. Becker (1963), envisage le concept de déviance comme le résultat d'un processus d'interaction. Dans son célèbre article Comment devient-on fumeur de marijuana ? , Becker propose un modèle séquentiel de la construction et de l'émergence du fumeur. Pour lui, le fumeur de marijuana parcourt des étapes: (i) la phase de la transgression de la norme, (ii) le passage à l'acte déviant, (iii) l'étape de la désignation publique et enfin (iv) l'adhésion à un groupe déviant organisé (Sifer, 2002).

Le regard sociologique que nous proposons permet de dégager les fondements théoriques qui guident les acteurs dans leurs pratiques thérapeutiques de la contention mécanique. Il ne s'agit pas d'un travail de recherche clinique mais sociologique. Ce regard « distancié » permet une approche supplémentaire pour appréhender le monde complexe de la psychiatrie.

La première partie est consacrée à la description de notre objet de recherche : la chambre d'isolement comme outil thérapeutique. Nous commençons par poser la problématique et les hypothèses de travail. Puis, nous décomposons le concept d'isolement en faisant un détour par le passé. Nous concluons cette première partie en soumettant la méthodologie employée. Ensuite, un chapitre sera dédié à la présentation de notre enquête. Nous procédons à une analyse comparative de deux établissements psychiatriques. Dans cette partie nous soumettons aux faits notre problématique ainsi que nos hypothèses de travail. Enfin, nous réaliserons une synthèse de notre corpus afin d'en dégager les points essentiels.

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CHAPITRE I / APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES ET
THÉORIQUES DE L'OBJET DE RECHERCHE

Si l'on se réfère aux manuels de méthodologie des sciences humaines et sociales (Beaud, Weber, 1997 ; Quivy, Campenhoudt, 1995), tous soulignent l'importance de la phase de problématisation de son objet de recherche. Ce premier effort de circonscription de sa recherche est indispensable à la phase de réalisation de l'enquête. L'approfondissement du monde de la psychiatrie constituera ainsi un préalable à nos questionnements et à nos choix théoriques. Cette première partie d'initiation à la recherche emprunte au cadre conceptuel offert par le courant interactionniste ou encore appelé école de Chicago. La construction de notre sujet se situe donc dans la perspective dite interactionniste. Cette dernière s'est intéressée plus particulièrement au monde de la santé et à celui de la déviance. Pour entrer dans notre sujet nous commencerons par poser le cadrage théorique et expliciter notre problématique. Pour l'éclairer, il nous faut jeter un regard historique sur les paradigmes qui gouvernent la pratique aujourd'hui. Pour aborder notre sujet il nous faut tout d'abord expliciter au lecteur le monde de la santé mentale et faire le point sur ce qu'est une chambre d'isolement aujourd'hui dans un service de psychiatrie. Il s'agit aussi de jeter un éclairage sur l'offre de soin et son organisation en santé mentale. La dimension législative viendra compléter notre compréhension de ce qui encadre cette pratique. En effet, l'approche socio-historique de notre travail est indispensable à la compréhension des conceptions (argumentations) qui fonde (ou ne fonde pas) la pratique quotidienne relative entre autres à l'isolement.

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I « Problématique et hypothèses de travail »

De l'ethnopsychiatrie à la sociologie de la déviance, les deux premières parties à suivre précisent le cadrage théorique de notre problématique.

I.1.1 « Les apports de l'ethnopsychiatrie »

Comprendre le rôle de la chambre d'isolement en tant qu'outil thérapeutique est une manière de situer notre travail dans la problématique des troubles mentaux en fonction des groupes ethniques ou culturels, ainsi que la place qu'ils occupent dans l'équilibre social. Dans cette perspective, l'ethnopsychiatrie propose une grille de lecture innovante. L'ethnopsychiatrie est une méthode d'investigation qui s'efforce de comprendre la dimension ethnique des troubles mentaux et celle, psychiatrique, de la culture. La classification des maladies est toujours envisagée comme différente d'une culture à l'autre. Le « Shaman » par exemple a un rôle de « psychanalyste autochtone » faisant appel à des mythes sociaux. Il s'agit de quelqu'un de déviant, catalyseur de la communication vers le savoir sacré, interprète du divin auprès du commun des mortels (Benedict, 1950, 1972).

L'ethnopsychiatrie se donne alors pour but de donner un sens culturel à la folie. Elle tente d'expliquer dans quelle mesure chaque collectivité « sécrète » ses propres modèles de déviance. Ainsi, on est toujours considéré comme « fou » que dans un rapport à une société donnée.

Pour notre travail, nous retenons alors que la manière « correcte socialement parlant » d'être fou diffère donc selon les cultures. La plasticité de l'expression psychiatrique, pour reprendre les formulations de l'ethnopsychiatrie, est due au fait que le symptôme n'a pas d'existence en soi mais qu'il a une signification et une fonction pour le sujet et l'entourage auquel il est destiné. Là où le psychiatre n'existe pas, la folie n'est pas une maladie. Elle est une déviance par rapport à la norme sociale (Benedict, 1950, 1972). La question centrale à laquelle se trouvent confrontés ethnologues et psychiatres se résume ainsi : chaque civilisation ayant son propre système de normes, ce qui est normal dans

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une civilisation ne pourrait-il être considéré comme pathologique dans une autre, et vice versa? L'anthropologue américain Benedict est l'une des premières à avoir posé cette question dans son étude: "Anthropology and the abnormal" (1972). Se référant à un certain nombre de faits relevés par les ethnologues, comme la normalité de la transe dans les sociétés shamaniques, elle en conclut que ce que nous considérons, en Occident, comme un ensemble de faits pathologiques, passe au contraire pour être tout à fait normal dans d'autres sociétés (Op.cit, 1972). C'est sans doute que le concept de « normal » est une variante du concept de « bon » dans le sens de la « morale »: une action normale est, selon l'anthropologue, une action bonne, approuvée par la collectivité, en accord avec l'idéal du groupe. Mais si sa théorie, à la fois relativiste et statistique, comme celle des culturalistes américains, constituent une mise en garde utile contre l'ethnocentrisme des psychiatres, si elles nous apprennent à ne plus juger les autres hommes à partir de nos propres systèmes de valeurs, elles suscitent néanmoins certaines réserves. C'est pourquoi, nous avons souhaité combiner cette perspective à une approche sociologique de type interactionniste.

I.1.2 « Les apports de la sociologie »

Sous le terme « déviance », les sociologues y désignent généralement une activité qui naît de la transgression d'une norme (Ogien, 2000) et/ou un état individuel et social pathologique (Canguilhem, 1966). Dans cette thématique de recherche, la sociologie de la déviance s'est attachée à répondre aux questions suivantes : quand, comment et pourquoi constate-t-on cette transgression ? Si l'on excepte quelques cas pathologiques (au sens médical du terme), la déviance est un acte répondant à des exigences de rationalité et d'intelligibilités semblables à celles qui ordonnent n'importe quel autre comportement (Chapoulie, 2001). C'est une action méthodiquement organisée que l'individu peut expliquer. Partant de cette approche, la maladie mentale s'apparente t'elle à une forme de déviance ? Parler de maladie mentale revient dans le sens commun (Bourdieu, Chamboredon, Passeron, 1983) à parler de « folie ». Il s'agit ainsi ici de

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présenter au lecteur la façon dont nous avons construit notre objet de recherche en suivant pour paraphraser Durkheim « les règles de la méthode » (1895,1993).

Les normes sociales instituées par les groupes sociaux sont appliquées en toute circonstance (Becker, 1985). L'individu supposé avoir transgressé une norme, sera considéré comme étranger au groupe : celui que Becker nomme « l'outsider ». Cependant, l'individu étiqueté comme étranger peut ne pas accepter la norme selon laquelle on le juge. Il en découle un second sens du terme : le transgresseur peut estimer que ses juges sont étrangers à son monde. La conception la plus simple de la déviance est surtout statique : est déviant ce qui ne s'écarte pas trop de la moyenne. Cette conception s'enrichit de l'analogie médicale qui définit la déviance comme quelque chose d'essentiellement pathologique, qui relève de la présence d'un « mal » 1 .

Dans cette perspective, Hughes (Chapoulie, 1984, 1991, 2001) définit le concept de carrière, qu'il a utilisé pour l'analyse de la trajectoire suivie par un individu à l'intérieur des organisations de travail, Strauss parle plus simplement de trajectoire pour définir le parcours déviant (1992). Ce qui nous intéresse pour notre propos est de comprendre que pour faire respecter les normes, il faut que quelque chose déclenche le processus : il faut un esprit d'entreprise et un entrepreneur. Il faut que la norme attire l'attention des autres sur l'infraction, donc ce qui inclut aussi un avantage à inciter à faire respecter la norme. Partout où elles sont créées et mises en vigueur, on doit s'attendre à ce que les processus par lesquels on fait respecter celles-ci dépendent de la complexité de l'organisation : fondés sur l'accord tacite dans les groupes simples, ces processus résultent de structures complexes, de manoeuvres et de négociations de type politique.

Ainsi, dans notre travail, nous nous intéressons au travers de l'exemple de la mise en chambre d'isolement à celui qui crée la norme, c'est celui qui veut la réforme des moeurs : soit les professionnels de la prise en charge en psychiatrie (psychiatres et infirmiers principalement). Pour comprendre par exemple le monde de la psychiatrie : l'ensemble de lois, la création d'institutions et d'agents chargés de les faire appliquer, et

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Par exemple, le comportement d'un toxicomane est alors considéré comme le symptôme d'une maladie

mentale. Plus relativiste, une autre conception sociologique définit la déviance comme un défaut d'obéissance aux normes du groupe.

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la conduite déviante, il nous faut considérer le groupe qui recherche la satisfaction de ses propres intérêts, élaborant et faisant appliquer les normes sous le coup desquelles tombent les gens qui ne poursuivent que la satisfaction de leurs propres intérêts, et on en commun des actes qualifiés de déviants. Après avoir participé au développement de la théorie de l'étiquette sociale, Becker, a poursuivi sa problématique des processus d'émergence en proposant une lecture du monde social au travers de l'idée des « mondes sociaux ». En effet, il propose dans son étude des mondes de l'art de démontrer comment un « milieu » dans son cas, le milieu des professions artistiques, ne peut se comprendre si l'on n'envisage pas dès le début de sa recherche la possibilité d'un enchevêtrement de plusieurs mondes. L'analyse en terme de mondes sociaux permet de comprendre comment l'analyse de la figure de l'artiste est insuffisante pour comprendre le milieu : il existe différents mondes sociaux dans le monde de l'art. Cette étude s'inscrit dans la problématique des mondes sociaux développé par Becker (1988). Nous partons du postulat que le monde de la psychiatrie est un monde traversé par de nombreux sous mondes : Lesquels ? Pourquoi ? Quelles en sont les répercussions sur le façonnement du monde de la psychiatre et sur la figure de la maladie mentale ?

Comprendre et analyser l'ensemble du monde de la psychiatrie est un travail de recherche irréalisable dans le cadre de notre étude. Très rapidement, nous avons choisi de nous intéresser plus spécifiquement à la définition de ce qui est désigné comme « outil thérapeutique » (outil de soin) dans le champ de la psychiatrie. Ces outils sont-ils homogènes et reconnus par tous ? Le monde de la psychiatrie n'est-il pas traversé de tensions ou se confrontent différentes conceptions de ce qui est considéré comme « thérapeutique » ? Ce faisant, nous avons choisi un outil particulier pour tenter de répondre à nos questionnements. La mise en chambre d'isolement, pratique controversée, a ainsi retenu notre attention et a été constituée comme fil conducteur de notre recherche.

I.1.3 « Questionnements et hypothèses »

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Ainsi, nous ne cherchons pas à justifier le bien fondé au sens de légitimité d'une telle pratique2. Pour autant, c'est l'analyse des processus de définition de cette pratique qui est au coeur de notre recherche : quelles sont les conceptions sous-jacentes à sa pratique ? Quelles sont les argumentations conduisant d'une part, à justifier la nécessité d'une telle pratique et d'autre part, à qualifier cette pratique de thérapeutique ?

Dans le but d'enclencher notre enquête (Beaud, Weber 1997), nous avons formulé deux hypothèses de travail :

- la conception thérapeutique de cette pratique dépend de la « culture institutionnelle » de l'établissement psychiatrique

- la mise en oeuvre de cette pratique ne dépend pas strictement de raisons médicales.

Ces deux hypothèses provisoires nous permettent d'avoir un fils conducteur qui nous guidera durant la lecture de ce travail de recherche.

I.1.4 « Eléments nécessaires à la construction de notre recherche »

Nous présentons ici les différents aspects nécessaires à la compréhension du monde de la santé mentale jusqu'à la pratique de la mise en chambre d'isolement.

I.1.5 « Premiers regards sur la notion d'isolement »

Ici, il s'agit de comprendre les différents sens que recouvre le terme « isolement ». Nous précisons les sens qu'il recouvre en psychiatrie et sa place parmi les autres pratiques. Puis, nous donnons la définition du mot thérapeutique, traditionnellement rattachée à cette pratique en France.

2 En effet, seule la catégorie des professionnels ont la légitimité de pouvoir répondre à une telle question.

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I.1.6 « Apparition du mot »

Dérivé direct du verbe isoler signifiant « faire prendre la forme d'une île », le mot isolement apparaît tardivement dans la langue française (1701) nous dit le Dictionnaire des concepts de la psychiatrie (1997).

I.1.7 « Définition : du sens commun à la définition médicale »

Selon Le petit Robert, état d'une personne isolée ou qu'on isole. Pour la psychiatrie l'isolement a deux significations différentes : la première renvoie à une séparation physique, la seconde à une séparation contrainte dans une visée « thérapeutique ». La première forme d'isolement correspond à la volonté sociale de mettre à part un individu. Il s'agit donc de séparer spatialement l'individu de la société. La loi du 30 juin 1838 incarne cette conception, initiée par les médecins Pinel et Esquirol. Ôter les relations sociales et affectives à l'aliéné doit permettre au soignant de le rééduquer. Placer un individu en hospitalisation correspond alors à une première forme d'isolement. La loi du 27 juin 1990 est l'incarnation actuelle de celle de 1838.

La seconde forme de séparation correspond à l'enferment en chambre d'isolement du patient dans un but thérapeutique et non plus social. La chambre d'isolement dont il est question correspond à une pièce fermée destinée spécifiquement à cet usage.

I.1.8 « La chambre d'isolement parmi les autres pratiques : approche technique »

La chambre d'isolement est un outil parmi d'autres dans « l'arsenal thérapeutique». D'une manière générale, il appartient à la rubrique des contentions mécaniques, nous dit Friard (2004) dans le but de maîtriser l'agitation. L'agitation est souvent associée à la notion de violence.

Les autres contentions mécaniques peuvent être la camisole, les liens, les attaches. Il ne s'agit pas d'une pratique isolable dans le sens ou les moyens de contenir sont souvent

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utilisés de manière simultanée. Les contentions mécaniques n'ont pas disparu malgré l'utilisation des neuroleptiques.

I.1.9 « La chambre d'isolement: quelle visée thérapeutique ? »

Selon le dictionnaire le Petit Robert (1994), la « thérapeutique » correspond aux actions et pratiques destinées à guérir, à traiter les maladies. La thérapeutique est un aspect de la médecine qui étudie et utilise les moyens propres à guérir et à soulager les maladies.

La codification thérapeutique de la chambre d'isolement a été établie par Esquirol en 1832, soit 6 ans avant la promulgation de la loi de 1838 :

« Tout ce qui préside conduit aux conclusions suivantes. Les aliénés doivent être isolés :

· Pour leur sûreté, pour celle de leur famille et pour l'ordre publique.

· pour les soustraire à l'action des causes extérieures qui ont produit le délire, et qui peuvent l'entretenir.

· pour vaincre leur résistance contre les moyens curatifs.

· pour les soumettre à un régime approprié à leur état.

· pour leur faire reprendre les habitudes intellectuelles et morales conforme à

la raison ».

Dans un environnement médical dont la pratique est de plus en plus soumise à la mise à l'épreuve de l'Evidence-Based-Medecine (EBM), la chambre d'isolement ne fait pas l'unanimité en tant qu'outil thérapeutique efficace.

Une efficacité en terme de protection des principaux acteurs (patients et soignants) lors de la prise en charge hospitalière, est reconnue. Toutefois la controverse porte sur l'efficacité sur le trouble mental. En 1999 l'ANAES, lors de son audit clinique sur la chambre d'isolement, laisse la question en suspend après avoir constaté qu'il n'existe pas dans la littérature médicale des preuves sur l'efficience thérapeutique de cette pratique.

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Selon Friard (2004), si l'on passe en revue la pratique liée à l'isolement dans différents pays, que se soit en Allemagne, Angleterre ou au Canada cette pratique est assimilée à un acte « sécuritaire » et non thérapeutique. Ces pays considèrent la pratique de l'isolement comme sécuritaire car elle n'aurait pas d'autres objectifs que la protection des professionnels ou du patient lui-même.

Posées par Esquirol le théoricien de l'isolement, la codification permet de comparer les indications thérapeutiques avec celles préconisées aujourd'hui par l'ANAES dans son audit clinique sur la chambre d'isolement. Les indications sont prévention d'une violence imminente du patient envers lui-même ou autrui, alors que les autres moyens de contrôle ne sont ni efficaces ou ni appropriés, prévention d'un risque de rupture thérapeutique alors que l'état de santé impose des soins, isolement intégré dans un programme thérapeutique, isolement en vue d'une diminution des stimulations reçues, utilisation à la demande du patient. Les contre-indications (utilisation à titre non thérapeutique) sont : l'utilisation de la chambre d'isolement à titre de punition, l'état clinique ne nécessitant pas un isolement, l'utilisation pour réduire de l'équipe de soins ou pour son confort ou encore l'utilisation uniquement lié au manque de personnel.

Nous retrouvons deux indications communes. La première est celle de la dimension de la sûreté que nous pouvons rattacher à celle de prévention de situations de violence envers le patient ou les autres. La seconde, commune, est « la soustraction aux causes extérieures » dans le but de diminuer les « stimulations reçues ».

Si l'on se réfère à la mission Clery-Melin (2003), le sens du mot de la violence est identique à celui intégré implicitement dans les propositions d'indications de la chambre d'isolement de l'ANAES. Le document de la mission Clery-Melin intitulé « Violence et Santé » développe le thème de la violence en psychiatrie. Dans leurs recommandations, leur définition de la dangerosité c'est « la potentialité de survenue d'un acte violent ou de la mise en danger de soi-même ou d'autrui chez une personne souffrant de troubles mentaux ». Mais bien des définitions pourrait être données précise t-il en préambule. D'un point de vue sociologique, la violence est un concept que l'on pourrait traduire de déviance comme transgression des normes sociales. In fine, la compréhension de la

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façon dont les professionnels envisagent et définissent la violence potentielle d'un individu est importante pour appréhender les fondements pratique de mise en chambre d'isolement d'un patient.

La définition de thérapeutique que nous retenons correspond à un acte de soin dont l'efficience est mesurable et bénéfique tout en préservant la dignité de la personne hospitalisée.

I. 2 « Contexte socio-historique »

Cette partie socio-historique restitue d'une manière chronologique les fondements paradigmatiques du concept d'isolement. Nous partons de l'Antiquité, puis nous faisons un arrêt sur le 19ème siècle, parcourons le 20ème et finissons par situer le concept dans l'offre de soin actuelle.

La question du traitement de l'agitation se pose dès l'Antiquité. Friard (1998), rappelle que deux médecins s'opposaient ; Celse préconisait un traitement de l'agitation par un isolement physique et alimentaire brutal, alors que Soranos d'Ephèse préférait attacher avec douceur (« liens en flocons de laine »).

Pour autant, les fondements de la pensée psychiatrique naissent à l'aube du 18eme. Comme le mentionne Michel Foucault dans son « Histoire de la folie à l'Age classique », 3 on « enferme » beaucoup au 17e et au 18e siècle au sein de ce qu'on appelait l'Hôpital Général. A la période classique, on regroupe un ensemble disparate de personnes. Par le décret Royal de 1656, on rassemble à l'Hôpital Général des personnes infirmes, des personnes âgées, des vénériens, des prostituées, des pauvres et puis des fous. Ainsi nous pouvons repérer la première étape d'une institutionnalisation publique de la prise en charge de la maladie mentale; cette dernière constituant également le

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Pour Foucault l'âge classique correspond à la période qui s'étend du milieu du 17e à la fin du 18e.

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fondement d'un savoir classificateur, d'une future nosographie que Philippe Pinel augurera.

La naissance du cadre épistémologique se situe à la fin du siècle des Lumières. La lecture de Pinel ou d'Esquirol constitue une entité, en l'occurrence l'aliénation mentale. Cette dernière constitue un paradigme fondamental : le traitement moral et son concept central l'isolement, qui retient notre attention.

Le terme de psychiatrie apparaît en 1802 sous la plume de Reil ( psychiaterie ) en allemand. Philippe Pinel est un peu l'éponyme de cette spécialité naissante que représente la médecine de l'aliénation, reconnu comme le « père fondateur » d'une nouvelle approche scientifique.

A la même époque Chiarigi en Italie et Tuke en Angleterre introduisent le traitement moral fondé sur le principe de l'humanisation des soins et d'une action éducative, tout en prônant l'abandon de la contention physique. Il y a dès cette époque un mouvement qui considère l'insensé un être hors de la communication humaine, comme un aliéné. Sa

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raison n'est pas considérée comme aliénée complètement : la communication reste possible. C'est la conception de cette communication qui reste possible, qui fonde l'idée et la justification d'un traitement moral. D'ailleurs Hegel (1816) salue Philippe Pinel, qui le premier pour lui, a reconnu ce reste de raison dans l'esprit de l'insensé. La folie devient, dans cette perspective une maladie au même titre que les autres maladies, à cela près qu'elle est une maladie mentale.

Pinel symbolise donc ce mythe ou il libère les fous de leurs chaînes :

« Jusqu'à l'année 1794, les fous étaient enchaînés partout en Europe. On n'imaginait pas qu'on dût mieux faire. Pinel brisa les chaînes qui flétrissaient, qui mutilaient, qui irritaient ces malheureux. Quatre-vingts aliénés de Bicêtre furent déchaînés. Tous les autres aliénés furent traités avec plus de douceur. On ne distribua plus de nerf de boeuf

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A l'Age classique on dit insensé car on pense que ce dernier a fait le choix d'être fou.

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au garçon de service. De ce changement, il résultat que plusieurs fous regardés comme incurables, guérirent. Et que les autres furent tranquilles, et plus faciles à diriger », Scipion Pinel (1838).

Néanmoins Pinel (1801), grâce à son « Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale » permet une approche « scientifique » qu'il appela le traitement moral. Ce traitement moral devait rétablir la communication entre le reste de raison de l'aliéné et la raison de l'aliéniste.

Mais si Pinel inaugure une sémiologie nouvelle, le véritable théoricien de l'isolement sera Esquirol. Voilà comment Esquirol envisageait l'isolement. Il dit:

« L'isolement des aliénés, séquestration, confinement, consiste à soustraire l'aliéné à toutes ses habitudes en l'éloignant des lieux qu'il habite, en le séparant de sa famille, de ses amis, et de ses serviteurs, en l'entourant d'étrangers, en changeant toute sa manière de vivre. L'isolement a pour but de modifier la direction de l'intelligence et des affections des aliénés c'est le moyen le plus énergique et ordinairement le plus utile pour combattre les maladies mentales. »

Cette autre citation illustre bien l'idée fondamentale d`Esquirol (1832) : « Une maison d'aliéné est un instrument de guérison, entre les mains d'un médecin habile, c'est l'agent thérapeutique le plus puissant. » Cette volonté s'inscrit par ailleurs dans un siècle ou le rationalisme expérimental est perçu comme le seul moyen de faire progresser l'homme et les sociétés selon Durkheim (1895).

Que nous faut-il retenir de cette époque ?

La création d'outils médicaux ou thérapeutiques dépend de la mise en place d'un

programme de connaissances sur la maladie mentale. L'isolement ne peut se
comprendre sans l'analyse des conditions d'émergence du champ de la psychiatrie dans le monde de la médecine. La construction d'un monde dans le champ médical qui participa à la création d'une loi, celle de 1838, devenue celle de juin 1990 et qui nous

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gouverne aujourd'hui. Pinel créa un paradigme fondamental de la psychiatrie et de la société en passant du concept d'insensé à celui d'aliéné. Ainsi l'insensé passe du domaine de la police et de la Justice à celui de la médecine à partir de 1838. L'avènement du 19eme fut le siècle de l'aliénisme. Le 20eme connut la révolution du traitement par neuroleptiques qui remplacent les thérapies biologiques telles que la

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malariathérapie ou la cure de Sakel destinées à traiter l'agitation.

Pourtant, les années soixante sont traversées par un mouvement appelé « l'anti-psychiatrie ». Le fondement de ce mouvement trouve son origine dans la philosophie du soin du « non-restraint » développé par Conolly en Angleterre au 19eme et qui s'oppose à la psychiatrie traditionnelle en refusant d'attacher ou d'isoler. Le mouvement « antipsychiatrique » atteint son apogée 1978, en Italie, avec la fermeture des hôpitaux psychiatriques.

Des courants de pensée, initié entre autres par Toulouse6, ont participé à modifier lentement la pratique d'une tradition asilaire vers un mouvement d'ouverture. La circulaire du 28 février 1951 inaugure le service libre. Le secteur psychiatrique, initié par la circulaire du 15 mars 1960, permit de passer progressivement d'une psychiatrie asilaire et fermée vers une prise en charge extrahospitalière et libre pour 85% 7 de ses usagers aujourd'hui. L'expérience du 13e arrondissement, initiée dans les années soixante par Philippe Paumelle, a permis de développer d'autres conceptions du soin (Hendres, 2005). L'expression psychothérapie institutionnelle est introduite pour la première fois en 1952 par Georges Daumézon et Philippe Koechlin. Daumézon, surtout en ces temps d'après guerre ou le terme d'isolement prend tout son sens, dénonce le caractère aliénant de l'hôpital psychiatrique. Il introduit alors de multiples activités auxquelles participent patients et ensemble du personnel.

5 Le traitement par neuroleptique a été expérimenté pour la première fois dans le service du docteur Deniker à l'hôpital sainte Anne en 1952.

6 Edouard TOULOUSE était contre la pratique de l'isolement qui pour lui avait un effet paradoxal en ayant « pour effet d'augmenter et d'entretenir l'agitation » (1897). Sa philosophie de soin préconise l'ouverture des hôpitaux psychiatriques. Elle se concrétisera en 1921 avec la création du premier service ouvert à l'hôpital sainte Anne.

7 Source : DRESS (2003)

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Aujourd'hui il reste environ une frange de 15%, sur son million d'usagers, qui seront hospitalisés en service de psychiatrie dont certains sous la contrainte. En 1999, 600008 hospitalisations sous la contrainte ont été réalisées. Pour cette frange de la population, la chambre d'isolement peut devenir une modalité de prise en charge au cours de l'hospitalisation. Dans certains cas, la chambre d'isolement est encore utilisée comme modalité de prise en charge, néanmoins certains lieux s'en abstiennent. Depuis que la loi de 1990 est en vigueur le nombre d'hospitalisations sous la contrainte n'a fait qu'augmenter. Le rapport Piel et Roeland (2001) note une augmentation des hospitalisations sans consentement de 57% durant la période de 1988 à 1998. Devant cette recrudescence de l'enfermement, la question de l'utilisation de la chambre d'isolement se pose d'autant plus.

I. 3 « Bilan actuel »

Il s'agit de comprendre ou s'enracine le fondement d'une pensée qui aujourd'hui porte encore en elle une double mission. Goffman (1968) a su mettre en évidence cette dualité, ce paradoxe : la psychiatrie porte en elle l'exigence thérapeutique du soin et la nécessité de contrôle social.

Des chaînes à la camisole, de la camisole à la psychanalyse, de la psychanalyse à la psychothérapie institutionnelle aujourd'hui la pratique de la chambre d'isolement existe toujours, parfois absente, elle est fonction du secteur, du service ou vous êtes hospitalisé. La pharmacologie ne contrôle pas encore tous les corps. La violence, première cause d'utilisation de la chambre d'isolement, se manifeste encore.

En synthèse nous pouvons dire que la pratique de l'isolement a connu trois siècles depuis son « invention ». Durant 150 ans une seule loi, celle de 1838, a gouverné cette pratique soignante. En juillet 1993, Simone Veil signe la circulaire rappelant les droits et

8 source : République du centre, 6 mars 2004

les modalités d'hospitalisation des patients en psychiatrie. En 1998, l'ANAES publie un audit clinique de la chambre d'isolement et de ses bonnes pratiques.

I.3.1 « Conceptions du rôle de l'isolement »

Quel est l'intérêt de cette pratique ? Comme je l'ai déjà dit plus haut ce concept d'isolement est né dans le champ de la médecine mais il a une portée sociale. Nous allons voir quelle est la perception de ce concept à travers les mondes de la sociologie ainsi que celui de la psychiatrie.

I.3.1.1 « Le monde de la sociologie »

Le sens que donne Foucault à ce « Grand Renfermement », au décret de 1656, c'est moins la gêne que cause ces personnes que la manifestation de ces comportements qui troublent l'exigence d'ordre requise par la raison classique. La chambre d'isolement est une technique disciplinaire qui a pour objectif de rendre les corps utiles dans un but économique tout en les rendant obéissants au sens politique. Foucault pense que Pinel n'a pas inauguré une science mais a créé un personnage multiple, à la fois Père et Juge, et dont le but est d'inculquer les normes aux aliénés.

Pour Robert Castel la place de l'isolement dans l'oeuvre de Pinel est :

« L'acte fondateur de Pinel n'est pas l'enlèvement des chaînes aux aliénés, mais cet ordonnancement de l'espace hospitalier ». La dualité des finalités de l'hôpital explique l'ambiguïté des pratiques et se trouve à l'origine de tous les malentendus.

Dans son ouvrage, « Asiles », le sociologue Goffman (1963) situe les pratiques thérapeutiques quotidiennes des « institutions totalitaires », en l'occurrence les hôpitaux psychiatriques, comme ayant pour fonction de réadapter le déviant à l'ordre social.

18

I.3.1.2 « Le monde de la psychiatrie »

19

Pinel Casimir (1861), le neveu du réformateur, exprimera cette double finalité de l'isolement : « Ce n'est point de gaieté de coeur que l'on songe à isoler un aliéné ; nécessité vaut loi. Guérir s'il est possible, prévenir de dangereux écarts, tel est le devoir imposé par les lois de l'humanité et de la préservation sociale ».

Que nous dit, Henri Ey, ce dernier représentant d'une époque ou les descriptions cliniques sont diverses et nombreuses. Il explique pourquoi le mythe de Pinel le libérateur a perduré jusqu'à aujourd'hui. Le mythe libérateur est difficile à écarter car il permet à la psychiatrie de faire son travail. En effet, si l'on considère que la maladie mentale, comme le dira Henri Ey, est une « pathologie de la liberté » (liberté de penser, d'agir, de réfléchir, de contrôler ses actes) alors pour soigner cette pathologie de la liberté il faut parfois supprimer la liberté du malade mental. Alors face à ce paradoxe le mythe compensateur persiste encore aujourd'hui.

D'après le groupe de travail de l'ANAES (1998) sur l'isolement, ce dernier, serait né le célèbre jour ou le médecin aliéniste Pinel libéra les insensés de leurs chaînes :

« [É] pour tenir compte des besoins de sécurité, ils développèrent (les aliénistes européens) les principes de base de l'isolement dans un but non punitif, en mettant l'accent sur le respect des droits des patients et leur sécurité. Le patient est isolé des autres patients et fait l'objet de soins et de surveillance de la part de l'équipe de psychiatrie, dans une chambre destinée ou non à cette utilisation exclusive. Leurs objectifs étaient la prévention des blessures et la réduction de l'agitation liée au trouble mental. L'isolement fut défini comme une modalité de soin par opposition à la contention.».

Palazzolo (2004) y voit 3 grandes indications. Premièrement, il s'agit des situations qui nécessitent de maîtriser l'agitation sévère ou la violence. Deuxièmement, c'est une perspective prophylactique d'intervention lorsque surgissent des signes prodromaux d'une crise. Enfin, certaines techniques dans le cas d'une prise en charge

comportementale visent à faire entendre au patient la part acceptable ou non d'un comportement. Dans ce dernier cas, pour de nombreux auteurs nous dit Palazzolo, ce concept est assimilable à de la punition. Néanmoins ce moyen semble efficace dans la gestion de certains troubles du comportement et continue à être utilisé comme tel.

Enfin selon une enquête réalisée par Friard (1994) sur la mise en chambre d'isolement, à travers 28 établissements français, les indications les plus souvent retenues sont les états d'agressivité et de violence ou de violence imminente envers le patient ou l'entourage.

En synthèse, nous pouvons retenir que le concept d'isolement jette les bases d'un ordonnancement social et architectural, dont les murs des hôpitaux psychiatriques en sont encore le témoin. Par sa nature coercitive et parfois paradoxale, il pose des questions liées à un risque d'atteinte aux libertés individuelles ainsi que la protection des soignants.

I.4 « La santé mentale en France »

Largement repris par les médias tout au long du mois de février 2005, l'évènement tragique de Pau : le double meurtre de soignants, vient rappeler la place de la « folie » dans la société. A partir de cet évènement, la question de la prise en charge de la santé mentale est à nouveau questionnée par les pouvoirs publics non pas du point du sujet (patient, usager, etc.) mais au contraire du point de vue des professionnels : comment « protéger » les soignants eux-mêmes des individus affectés par une maladie mentale. En quelque sorte, ce récent cas d'actualité questionne à nouveau sur le traitement social de la folie : comment protéger la Société des malades mentaux ? Comment protéger les soignants des malades mentaux ?

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I.4.1 « L'organisation des secteurs de psychiatrie »

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- Une nette augmentation du nombre des usagers pris en charge.

D'après les études réalisées par la Direction de la Recherche, des Etudes de l'Evaluation et des Statistiques pour l'année 2000, 830 secteurs de psychiatrie générale ont suivi plus d'un million d'usagers. Mais qu'est-ce qu'un secteur en psychiatrie ? La circulaire du 15 mars 19609 a institué et généralisé un découpage géographique par secteur supposé permettre d'assurer une offre de soin sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, cette organisation de l'offre des soins trouve des limites car l'évolution démographique a accentué les disparités initiales. En effet, la taille des secteurs varie entre 33000 et plus de 100000 habitants. Le principe, à la mise en place, était de prendre en charge environ 67000 personnes. En France, en 2000, on comptait 830 secteurs disposant d'une équipe pluridisciplinaire, rattachée à un établissement de soin, qui prend en charge des patients selon des modes et des lieux variés : en ambulatoire, à temps partiel ou temps complet. Ce nombre est en augmentation régulière de près de 5% par an depuis 1997. Entre 1989 et 2000, les structures ont évolué avec 50% de diminution du nombre de lits d'hospitalisation à temps plein et un développement axé sur la prise en charge extrahospitalière. Les soins sont réalisés à 85% en ambulatoire. Néanmoins, le nombre d'hospitalisation a augmenté légèrement mais la durée du séjour a diminué en passant de 86 jours en 1989 à 45 en 2000.

I.4.2 « Typologie des secteurs de psychiatrie »

- Le secteur de psychiatrie : une réalité hétérogène

Les secteurs de psychiatrie se caractérisent par une grande diversité de leurs activités et de leurs moyens. La DRESS (2002) a réalisé une typologie10 permettant de classer les secteurs en 5 groupes. La première tendance est une pris en charge axée sur les CMP11 ;

9N'a pas de numéro.

10Annexe n°1

11

CMP : centre médico-psychologique

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le second type de prise en charge est dans le domaine du soin somatique ; le troisième dans les hospitalisations ; le quatrième est axé sur la « réadaptation au social » et la dernière par une prise en charge de type généraliste. La typologie complète est consultable en annexe mais nous pouvons noter un élément important qui est que le mode de prise charge est fortement variable selon les secteurs.

I.4.3 « Troubles mentaux et représentations de la population »

Dans les représentations sociales de la santé mentale, les termes de « fou », « malade, sous-entendu mental», « demeuré » reviennent fréquemment pour désigner les individus n'ayant pas un comportement normé. Pour autant, ces dénominations renvoient à des images sociales variées. On retrouve essentiellement deux types de réactions face à la folie : l'handicapé mental Ð celui qui est considéré comme non responsable, « ce n'est pas sa faute, il est simplet », et le malade dangereux Ð celui que l'on ne contrôle pas, « attention, il peut être dangereux et agressif ». L'évènement de Pau a remis sur la scène publique « ce fou incontrôlable » qui reste le plus souvent associé à un comportement violent. Par exemple, l'enquête Santé Mentale en Population Générale (SMPG), réalisée par le Centre collaborateur de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en (2004); révèle que 45% des personnes interrogées pensent que commettre un meurtre est associé au fait d'être « fou », 30% d'entre elles associent cet acte au fait d'être un « malade mental ». Dans ce cas, le malade mental apparaît comme ayant un problème médical tandis que le « dépressif » est considéré comme accessible aux soins et à la guérison par 94% des personnes. Les représentations sociales de la maladie mentale ne se limitent pas à la simple désignation d'un « fou », elles possèdent un fort regard sur les attentes d'un retour à la « normale » après avoir « subi » ou « réalisé » un suivi Ð traitement thérapeutique. En effet, 55% pensent que l'on peut guérir un « fou » et 69% un « malade mental ». Le rapport à la maladie mentale est ainsi radicalement différent de celui à la maladie en général. L'amélioration des techniques et des savoirs médicaux est supposée permettre la guérison. Concernant la maladie mentale, il ne s'agit pas nécessairement de guérir les individus Ð les « ramener à un état normal » mais bien

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souvent de les contrôler et espérer qu'ils puissent vivre en Société malgré leurs apparences « anormales ».

I.5 « Le poids de la réglementation sur le monde de la psychiatrie »

Dans cette partie nous allons aborder plusieurs aspects règlementaires et architecturaux qui encadrent la prise en charge des patients hospitalisés sous la contrainte. Ils définissent le cadre d'application, les indications et les limites d'application des procédures d'isolement. Nous procèdons à une rapide analyse de ces textes et concluons par une synthèse.

Il est à noter que la chambre d'isolement est une contrainte qui existe ailleurs qu'en psychiatrie. Le préfet peut ordonner un isolement infectieux à l'hôpital selon l'article 17 du code de la santé publique pour des maladies telles que la variole ou le choléra. Deux autres lois d'hospitalisations sous la contrainte sont à signaler : la loi du 15 avril 1954 concernant les alcooliques dangereux, qui n'a jamais été mise en application, ainsi que la loi sur la toxicomanie du 31 décembre 1970.

I.5.1 « Le cadre architectural »

Par cadre architectural, nous entendons le lieu ou se passe l'hospitalisation. Il est conditionné par deux circulaires. La première est celle du 15 mars 1960. L'hospitalisation sous la contrainte ne peut être réalisée que dans un établissement sectorisé, en référence à la circulaire du 15 mars 1960. Ceci implique donc que le patient sera hospitalisé en référence à un secteur géographique défini.

La circulaire du 19 juillet 1993 ou circulaire Veil est une réponse du législateur suite à

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une série d'incendies qui causèrent la mort de plusieurs patients dont certains étaient restés dans leurs chambres d'isolement. Cette dernière réaffirme l'impossibilité d'enfermer en chambre d'isolement des patients en hospitalisation libre dans les établissements non régis par la loi de 1990.

12 Circulaire n°DGS-SP3 n°48

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I.5.2 « Le cadre règlementaire »

I.5.2.1 « Loi du 27 juin 1990 et Loi du 4 mars 2002 »

La loi du 27 juin 1990 fait référence aux droits et aux conditions des patients hospitalisés en service de psychiatrie. Elle succède celle de 1838 initiée par Esquirol. Elle ordonnance les modalités d'hospitalisations des hospitalisations libres (HL) et sous la contrainte (HO ; HDT).

La mise en chambre d'isolement nécessite un préalable légal pour conduire et placer un patient en isolement. Le patient doit être hospitalisé sous la contrainte. La quantification de cette contrainte repose sur une interprétation du comportement et la production d'un certificat médical circonstancié dans le cadre de la procédure d'hospitalisation sous la contrainte.

Selon les troubles, le patient sera hospitalisé sous le régime de l'hospitalisation d'office (ou HO), ou bien hospitalisé à la demande d'un tiers (ou HDT) (atteints de troubles qui rendent impossible son consentement et son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier). Le patient en hospitalisation d'office, prononcée par le maire ou le préfet, tient de la mesure administrative pour faire cesser les troubles compromettant l'ordre publique ou la sécurité des personnes.

Que devons-nous retenir ? Il s'agit d'une loi d'exception en matière de liberté individuelle car le patient, hospitalisé sous la contrainte, ne peut pas refuser la prise en charge soignante. Néanmoins, il peut faire appel à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques pour contester son hospitalisation.

La loi du 4 mars 2002, relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé, encadre de manière plus stricte les modalités selon lesquelles sont prononcées les hospitalisations sans consentement. La liste des critères permettant au préfet de prononcer des hospitalisations d'office est modifiée dans un sens plus limitatif.

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Maintenant le critère de la nécessité de soin est indispensable et prioritaire pour prononcer l'HO. Cette loi permet, en s'appuyant sur les recommandations du conseil de l'Europe, permet de renforcer la protection des droits de l'homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux. Elle insiste sur la nécessité de soin et introduit des représentants des usagers dans la composition de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques.

I.5.2.2 « Décret de compétences du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels

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et à l'exercice de la profession infirmière »

Selon le décret, les infirmiers mettent en oeuvre la prescription médicale d'entrée ou des modalités de sortie de la chambre d'isolement.

Dans le cadre de leur rôle propre, article 5 du décret de compétences, l'infirmier assure la « surveillance des patients en chambre d'isolement. »

Dans l'article 6, il assure « la surveillance des engagements thérapeutiques qui associent le médecin, l'infirmier et le patient ».

Dans l'article 13, en « l'absence du médecin l'infirmier est habileté après avoir reconnu une situation comme relevant de la détresse psychologique à mettre en oeuvre des protocoles de soins d'urgence, préalablement écrits, datés, signés, par le médecin responsable. »

En 200 ans de pratique, l'isolement devient pour la première fois explicitement un acte sur prescription médicale et dont la surveillance fait parti du rôle propre infirmier.

I.5.2.3 « La charte du patient hospitalisé »

La charte du patient hospitalisé remise obligatoirement à tous les patients, selon l'arrêté du 7 janvier 1997, stipule que l'information médicale doit être simple, accessible, intelligible et loyale.

Le patient doit être informé des raisons qui motivent sa mise en chambre d'isolement.

13N°2002-194

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I.5.2.4 «L'impact de la normalisation des soins dans le champ de la psychiatrie »

Dans un souci d'améliorer la qualité des soins l'ordonnance d'avril 1996 a rendu la démarche d'accréditation obligatoire. La loi du 4 mars 2002 représente le cadre législatif qui renforce les droits des patients.

Dans ce contexte, l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé (ANAES, 1998), a défini des indications et contre-indications afin d'améliorer les

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conditions d'isolement du patient. Ces critères n'ont pas d'application obligatoire. Mais dans les établissements ou s'est déroulé notre enquête, la mise en chambre d'isolement ou la mise de contentions est « protocolisée» et les indications sont largement inspirées des critères de l'audit clinique de l'ANAES.

Le protocole est d'un descriptif des consignes à appliquer dans certaines situations de soin. Il s'applique aux domaines préventif et curatif.

I.5.2.5 « Résolution de l'ONU 46/119 du 17 décembre 1991 »

Cette résolution souligne le principe de liberté fondamentale de toute personne atteinte de maladie mentale ou soignée comme telle. La contrainte physique ne doit être utilisée uniquement que pour prévenir un dommage immédiat au patient ou à autrui et durant le temps strictement nécessaire.

Cette résolution ne fait pas apparaître de dimension thérapeutique dans la mise en oeuvre de cette pratique.

L'essentiel des textes encadrant cette pratique s'inscrivent dans les 2 dernières décennies. Le mot isolement apparaît explicitement pour la première fois en 1993 avec

14 Annexe N°2

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la circulaire dite Veil et rappelle que cette pratique doit être « médicalement justifiée ». Enfin en févier 2002, le rôle propre infirmier s'enrichit, dans le cadre d'une prescription médicale, de la surveillance de la chambre d'isolement.

I.6 « L'isolement envisagé comme une démarche empirique »

Excepté l'isolement préconisé par Charcot pour le traitement de l'anorexie mentale, différent dans son principe thérapeutique, l'isolement thérapeutique est absent des traités de psychiatrie. Il n'est pas enseigné dans les instituts de formation infirmiers (IFSI) ni au cours du diplôme supérieur de psychiatrie (DES).

La formation pratique est essentiellement « assurée » à l'intérieur des unités fonctionnelles pour les infirmiers, de façon non systématique. Elle est donc issue d'une socialisation professionnelle au sein d'un monde social (Dubar, Triper, 1998 ; Becker 1988).

« L'isolement résulte donc d'une démarche empirique » nous dit l'ANAES (1998).

I.7 « La phase d'enquête »

Comme le suggèrent les manuels de recherche (Beaud, Weber, 1997 ; Quivy, Campenhough, 1995) l'enquête s'est déroulée en deux étapes : une étape exploratoire et une étape d'enquête. Notre enquête est essentiellement de nature qualitative et s'inspire de la méthodologie interactionniste de la « Cognitive Research » (Strauss 1987) et de la « Grounded Theory » (Strauss et Corbin 1990).

I.7.1 « L'étape exploratoire »

L'étape exploratoire nous a permis de circonscrire notre objet de recherche et d'améliorer progressivement notre effort de problématisation.

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I.7.2 « La recherche documentaire »

Nous avions dressé un premier bilan de la littérature existante sur notre objet lors de l'élaboration de la première note de recherche constituant ainsi notre premier travail de documentation pour construire notre problématique.

Nous avons poursuivi notre effort de recherche en l'orientation sur un approfondissement des différentes conceptions de soins en psychiatrie, et plus particulièrement sur les conceptions de l'isolement parmi l'arsenal des thérapeutiques existantes. Ensuite, nous avons procédé à la recherche des différentes institutions susceptibles d'être pertinentes pour l'investigation lors de la phase d'enquête.

I.7.3 « Les entretiens exploratoires »

Comme le préconise Weber et Beaud (1997) dans la démarche de recherche en sciences sociales, nous avons réalisé une première campagne d'entretiens exploratoires dans le but d'affiner notre compréhension du thème et de favoriser une mise à distance avec notre propre expérience professionnelle.

L'analyse de ces entretiens (utilisés par ailleurs pour l'ensemble du corpus soumis à l'analyse interprétative) nous a permis d'une part d'élaborer notre guide d'entretien15 et d'autre part de constituer notre échantillon (c'est-à-dire opérer le choix des acteurs jugés comme pertinent pour notre campagne d'entretiens)

I.7.4 « Méthodes d'enquête »

Nous présentons ici la dynamique d'enquête mise en place à l'issue de l'étape exploratoire.

I.7.5 « Choix des lieux de l'enquête »

15 Le lecteur trouvera en annexe le guide d'entretien.

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Pour ce travail de recherche, j'ai décidé de procéder à une démarche comparative (Quivy, Campenhough, 1995) entre deux établissements aux conceptions de soin différentes afin de répondre à notre problématique. Le choix s'est porté sur deux établissements fortement inscrits dans l'histoire de la psychiatrie. Le premier se situe dans Paris intra-muros et affirme une philosophie de soin qui ne pratique pas la chambre d'isolement mais la contention par les liens. Nous l'appellerons A. Le second situé à la périphérie de Paris, est l'établissement ou la chambre d'isolement est une modalité de prise en charge traditionnelle. Nous l'appellerons B.

L'analyse comparative de la dimension institutionnelle (au sens de vecteur d'une culture) nous permettra de vérifier empiriquement le statut de cette variable. En effet selon Goodnough (1971), la culture peut être considérée comme un élément cognitif dont les standards dictent : ce que l'on préfère, ce qui peut être, ce que l'on peut faire et comment on peut le faire et de ce qui est.

Cet antagonisme de prise en charge est dicté par la dimension institutionnelle de l'établissement. Cette opposition a été choisie afin de pouvoir mesurer l'impact de la dimension institutionnelle dans le discours des différents acteurs. En d'autres termes, cette dimension institutionnelle, a-t-elle un impact dans le processus de définition qui amène à qualifier une activité de thérapeutique. Trois éléments participent à définir les modalités de prise en charge dans la trajectoire d'un patient. Ces éléments dépendent souvent de la structure dans lesquels ils sont intégrés ; la culture revendiquée par l'établissement implique qu'une même situation sera traitée avec des pratiques différentes. La philosophie de soin du chef de service influence aussi les modalités de prise en charge. Cette dernière peut être même opposée à la philosophie revendiquée par l'établissement. Enfin, l'hôpital est traversé par des objectifs thérapeutiques différents. Les conceptions sous-jacentes de la maladie peuvent recouvrir des réalités différentes au sein même d'établissement. Les orientations peuvent s'inspirer des modèles biologiques, psychanalytiques, de la psychothérapie institutionnelle, et aussi des conceptions personnelles. Cette liste n'est pas exhaustive.

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I.7.6 « Echantillon du corpus »

Dix entretiens semi-directifs d'une durée allant de 45 minutes à 90 minutes ont été réalisés. Le corpus est composé, dans l'établissement A, d'un infirmier ainsi que de deux cadres supérieurs de santé. Pour l'établissement B, il est composé d'une aide-soignante, de trois infirmiers, d'un cadre de santé et de deux psychiatres dont un chef de service.

I.7.7 « Outils d'analyse pour l'interprétation des données »

L'ensemble de notre corpus (les entretiens) a été soumis à une analyse thématique, nous permettant de repérer les différentes conceptions thérapeutiques de l'isolement. L'interprétation a également été complétée par une analyse du contenu selon les modalités proposées et systématisés par Bardin (1977). Encore, l'ensemble de l'interprétation a suivi pour fil conducteur la méthode de la « Grounded Theory » (Strauss 1987 ; Strauss et Corbin 1990).

I.7.8 « Limites de l'enquête »

Nous avons rapidement constaté que l'objet même de notre recherche était complexe et difficile à traiter sur un délai aussi court. Adoptant une méthode d'inspiration interactionniste, nous aurions souhaité pour améliorer la qualité de nos interprétations combiner à nos méthodes d'analyse les grilles de lecture proposée par la nouvelle génération des interactionnistes, dont Clarke (2003), dans le but d'élaborer des cartographies synthétique de nos différents résultats.

Ce premier chapitre a permis de circonscrire les limites de notre recherche. Nous avons vu que le concept de l'isolement s'origine depuis le 19ème siècle et qu'il a une portée médicale et sociale encore aujourd'hui. Les textes, spécifiques à cette pratique, sont apparus relativement récemment, notamment au niveau du rôle propre infirmier. La

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démarche empirique et la culture institutionnelle participent à définir localement la prise en charge de l'agitation. Nous allons maintenant entrer dans le second chapitre et soumettre à l'épreuve des faits nos hypothèses.

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CHAPITRE 2 / PRÉSENTATION DE DONNÉES ISSUES DE L'ENQUÊTE

Cette seconde partie est consacrée à la description monographique, au sens straussien du terme (Strauss 1990), du monde formel de la psychiatrie. Nous procédons à l'analyse comparative des deux établissements présentés en première partie. Quatre grands axes sont explorés à travers chaque analyse comparative.

La démarche comparative est faite en utilisant sensiblement le même plan. Nous commençons par décrire le rôle des acteurs impliqués dans le processus de mise en chambre d'isolement ou de mise sous contentions. Ensuite, les normes constitutives des conceptions ou philosophies de soin sont développées. Les normes permettent de comprendre les mécanismes, les fondements d'une conception (Becker, 1988) et donc de saisir comment le monde de la psychiatrie est un ordre négocié, stable, mais toujours de manière temporaire. Puis, le processus de mise en chambre d'isolement ou de mise sous contentions est analysé. Enfin, nous explorons le monde thérapeutique. La chambre d'isolement est-elle thérapeutique ? Qu'est-ce qui est thérapeutique ? Quand la dimension thérapeutique apparaît-elle ? C'est ce que nous allons explorer et essayer de comprendre en comparant ces deux mondes.

Nous conclurons dans un troisième temps, en réalisant la synthèse comparative des monographies et en faisant le point sur nos hypothèses de départ ainsi que sur la problématique.

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I « Présentation de l'établissement A »

Le cadre architectural date de 1862. C'est sous l'égide du Baron Haussmann que furent construits les principaux bâtiments. La construction reflète la pensée psychiatrique de son temps. Parchappe (1853), Inspecteur général du service des aliénés, qui inspira la conception architecturale des asiles du 19eme pensait que « la valeur médicale des systèmes de construction » passait par un classement successif des aliénés car c'est en cela que « se mesure le progrès ».

Néanmoins, les pensées évoluent et dans cet hôpital la philosophie de soin est d'utiliser les contentions pour faire face aux situations de violence, en opposition avec l'inscription historique de ses murs.

Comme je le développe dans la première partie, la culture de l'établissement oriente les modalités de soin, en s'affranchissant parfois de certaines pratiques, comme l'isolement. La trajectoire du patient du patient est donc conditionnée dès son entrée dans l'hôpital par la culture institutionnelle de l'établissement d'accueil. L'utilisation des contentions ou de la chambre d'isolement est un élément dépendant de la structure dans laquelle il est intégré.

I.1 « Les acteurs de l'institution »

Nous présentons les différents acteurs importants dans le cadre de l'enquête menée ; ceux qui participent à l'action de mise ou non en chambre d'isolement.

I.1.1 « Le leader institutionnel »

Le chef de service est un psychiatre responsable d'une unité de soin, destinée à accueillir les patients dans le cadre d'une hospitalisation sous la contrainte ou en hospitalisation libre. Il est le responsable médical et administratif de l'organisation des

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soins et travaille en collaboration avec les cadres de santé. Le chef de service est un acteur primordial car sa philosophie de soin oriente les modalités de prise en charge. Il imprime sa stratégie de soin à l'équipe (psychiatres ; cadres de santé ; infirmiers).

« Moi je me suis reconnu dans les valeurs qu'exige le médecin chef, ça s'est incontournable. » (cadre supérieur de santé)

« ...ici on a essentiellement des patients en HO et en HDT, malgré cela la porte reste ouverte et on n'utilise pas nécessairement de chambre fermée. La philosophie est imprimée par le chef de service, lui il le porte et il y tient, il le fait redescendre sur l`équipe médicale et les infirmiers.»

Dans cette unité les portes sont ouvertes, mais l'unanimité de cette pratique n'est pas de mise. La philosophie de soin imprimée par le chef de service ne répond pas forcément aux attentes des autres acteurs. La responsabilisation des soignants demandent une supervision du travail afin d'être en adéquation avec l'exigence du travail demandé.

« Moi je trouve qu'on utilise plus les contentions, enfin je trouve que ça augmenté, c'était assez rare, mais j'ai l'impression souvent maintenant qu'il y a une demande des équipes, c'est freiné parce que c'est pas l'optique du service, mais si c'était pas freiné (rire) il pourrait y avoir une utilisation beaucoup plus importante, on sent qu'on en parle plus en tout cas. »(cadre supérieur de santé)

La prépondérance du chef de service est importante car sa stratégie de soin peut même être en opposition avec celle revendiquée par l'établissement. Pour cet établissement le secteur Y constitue le contre exemple en ayant une chambre d'isolement.

« Alors si vous voulez il y a une chambre d'isolement en face elle est au secteur Y, y en a une et peut être au secteur ZÉ » (cadre supérieur de santé)

Néanmoins, le poids de la personnalité du chef de service semble être un élément important dans la continuité de l'application de la philosophie de soin.

« Si c'était quelqu'un d'autres je pense qu'il y aurait des pavillons de fermés d'abord et d'une, parce que c'est pas facile un pavillon ouvert, donc ça demande une responsabilisation des soignants et des patients sur le fait que la porte soit ouverte. » (cadre supérieur de santé)

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Enfin, le rôle des médecins est, entre autres, de prescrire du traitement médicamenteux ainsi que des mises sous contention, souvent intégrés dans une démarche protocolisée.

« Éil existe des mises de contention en chambre fermée avec un protocole de mise en chambre... » (cadre supérieur de santé service B)

I.1.2 « Pédagogie et protocole »

Ces derniers sont chargés de l'organisation des soins au sein dans l'unité, ils vérifient le respect des protocoles et de l'application des prescriptions médicales. Ils sont garants du respect des droits des patients. Ils gèrent le personnel soignant en ajustant les effectifs afin d'assurer la continuité et la qualité des soins.

Deux thèmes sont plus particulièrement prégnants : le protocole et la pédagogie.

« ...moi comme le cadre de proximité j'essaye de m'assurer que la prise en charge des patients respecte la procédure en cours, il faut donc une prescription médicale de mise en chambre, la mise sous contention est une prescription médicale, avec une prescription de surveillance de la part des infirmiers que vont demander les médecins, régulière, bon y a des traces écrites, y a des imprimés prévus pour la surveillance de mise en chambre, moi ma responsabilité c'est de voir si les prescriptions sont respectées et si le travail infirmier est suivis... de toutes façons il y a une procédure qui est suivie tant par les médecins que les infirmiers.» (cadre supérieur de santé)

« Éla mise en CI est quelque chose de protocolisé, il y a un cadre mais au moins il y a le référentiel de l'ANAES qui déterminent les raisons, le moyen et la prise en charge de quelqu'un qui est en CI ». (cadre supérieur de santé)

L'aspect pédagogique est assez prégnant dans le discours des cadres. Outre la surveillance du bon déroulement des soins, le travail du cadre comporte un accompagnement dans l'apprentissage de l'univers de la psychiatrique. Comme je le précisais dans la première partie, la chambre d'isolement ainsi que la pose de contentions fait parties d'une démarche empirique. Le cadre se présente comme étant une ressource pédagogique.

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« L'expérience ne s'acquiert que sur le terrain avec ceux qui savent déjà et ceux qui sont là pour apprendre, je pense que c'est ça qu'il faut se mettre dans la tête, n'attendez pas du médecin qu'on vous forme, la formation, le progrès c'est vous le cadre et vous vous appuyez sur les anciens qui ont de l'expérience. » (cadre supérieur de santé)

« ... pour le cadre ou le cadre supérieur il a une obligation de tirer l'infirmier vers le haut en leur permettent d'accéder à la formation continue ; en leur passant un savoir et en s'arrangeant pour que ce savoir qui existe déjà chez les anciens soit transmissible et transmis aux jeunes, ça s'est un vrai boulot de cadre, de faire l'amalgame entre les générations afin que le savoir se perpétue. » (cadre supérieur de santé)

Le second cadre se présente plus comme un éducateur. Pour elle, la violence faite partie intégrante de la maladie mentale, elle est indissociable. Son rôle est de le rappeler aux soignants.

« J'essaye de réapprendre aux soignants que ça fait parti de la pathologie que c'est dans le soin. ...on a l'impression que maintenant c'est pris, on ne va pas porter plainte mais pas loin. Des que ça bouge un peu c'est problématique, c'est difficile, c'est le propre du service de psychiatrie aigue, c'est normal que ce soit difficile. Quand un patient est un peu agité, pas comme il faut, l'anormalité ne serait plus normale, quelque chose qui ne devrait pas avoir lieu là. Ca fait parti de la spécialité du métier, c'est comme si en soin palliatif il fallait plus mourir ». (cadre supérieur de santé)

Ce cadre exprime sa difficulté à faire admettre que la violence est « normale » en psychiatrie, qu'elle fait partie du métier ; et que cette difficulté est liée aux évolutions de la société qui influence l'attitude soignante.

« y a quelque chose dans l'air du temps, y a quelque chose de l'extérieur qui vient se calquer sur l'hôpital psy, la psychiatrie en général prend l'influence extérieure qui se calque un petit peu là-dessus, et le métier a évolué, le métier a changé, la prise en charge de la psy a évolué, c'est un ensemble de choses, moi mon évolution par rapport à ma fonction, le problème, la prise en charge de la violence reste le même pour moi que lorsque j'étais infirmière » (cadre supérieur de santé service B)

I.1.3 « Contraint à l'ouverture »

L'infirmier est chargé de mettre en oeuvre les soins sur prescription médicale et ceux qui dépendent de son rôle propre. Il observe le comportement des patients. Comme nous l'avons vu plus haut, le choix de laisser la porte ouverte implique une organisation des soins plus contraignante pour les soignants. Toutefois, ce choix met en lumière 2

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éléments. Le premier c'est le respect de la circulaire Veil, qui implique de laisser la libre circulation aux patients en hospitalisation libre. Le second, c'est la distinction qui s'opère entre soin et maintien de l'ordre. La fin de l'extrait du corpus met en évidence ce choix en soulignant le lien extérieur avec les forces de l'ordre qui représente la dimension sécuritaire. Cette philosophie de soin est ressentie de manière ambivalente par l'infirmier car cela alourdi son travail.

« Ouais c'est pesant ça mobilise du personnel, hier on était trois médecins et deux infirmiers, pour aller chercher le patient à l'extérieur, qu'on a pas trouvé d'ailleurs, mais bon c'est un peu une perte de temps par rapport à la prise en charge d'autres patients qu'on a ici, mais bon dans l'ensemble ça va, on a de bonnes relations avec l'extérieur, on est bien en lien avec le commissariat... »(ide)

« C'est un peu la difficulté ici, par rapport à la porte ouverte, c'est qu'on a pas mal de fugue... »(ide)

I.2 « Les normes sous-jacentes de la philosophie de soin »

Ici les normes qui participent à définir les conceptions de soin des acteurs sont mises en lumière.

I.2.1 « Une figure charismatique »

La personnalité des acteurs participe à façonner aussi le style de la prise en charge soignante. Dans cette unité, la politique d'ouverture est dans la continuité de celle de l'ancien chef de service, mais un changement de personne pourrait modifier radicalement l'orientation du service.

« Moi je me suis reconnu dans les valeurs qu'exige le médecin chef, ça s'est incontournable. C'est l'ouverture dans tous les sens du terme, c'est un service ou les gens s'expriment, on peut faire circuler la parole. C'est l'héritage du Dr A, ancien médecin chef, qui était porteur de ces idées d'ouverture, de ne pas hospitaliser. A l'époque le Dr A était connu pour avoir quasiment vidé son unité. » (cadre de santé supérieur)

« Moi j'étais d'un service héritier de la psychothérapie institutionnelle, du Dr Daumézon, des valeurs essentielles qu'on a envie de porter, mais à A il y toutes sortes d'écoles. Y a des services qui ont peu d'alternatives à l'hospitalisation, qui travaille dans un principe de secteur mais pas

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avec autant d'alternatives à l'hospitalisation. Le CHU s'est plutôt orienté vers le biomédical. Y en a qui sont plus porteurs de concepts psychanalytiques, même si on fait toujours un peu de psychanalyse en psychiatrie. Et puis il y a la personnalité du chef de service et des soignants qui engendrent des choses. » (cadre de santé supérieur)

I.2.2 « Un choix pragmatique »

L'infirmier n'a pas de philosophie de soin, c'est le critère de la proximité et le hasard qui l'on conduit à travailler dans l'unité. Néanmoins, il s'est approprié les repères normatifs du soin de l'unité même si, comme on l'a vu, cela rend le travail plus difficile.

« Un peu par hasard j'ai pris rendez-vous pour être embauché j'ai été pris tout de suite, moi c'était essentiellement ça, c'était très pratique j'habite à coté dans le 14 e. Il n'y a pas de recherche de courant de pensée ni de philosophie, et j'avais mon stage DE ici, donc je connaissais un peu. » (ide)

« ...c'est vraiment très intéressant ici, service porte ouverte avec une politique d'hospitalisation courte et une prise en en charge sur l'extérieur plus appuyée... »(ide)

L'établissement, les services sont des lieux d'échanges entre les différentes normes et théories de soin. C'est dans ces interactions que se construisent les prises en charge soignante, dans l'échange entre les différents professionnels.

« C'est un service ou l'on débat beaucoup, c'est sans cesse en discutions mais c'est pas facile mais il faut quand même de trouver une réponse, une conduite à tenir. Quand on maintient, ou qu'on enferme c'est qu'on a pas trouvé d'autres solutions mais le problème c'est qu'il ne faut pas que ce soit la première solution, il faut d'abord avoir essayé de trouver autre chose, c'est pas la solution en soi. » (cadre supérieur de santé service B)

«...c'est intéressant, on peut se confronter nos opinions, après y a de profonds désaccords avec les psychologues, surtout en intra hospitalier parce qu'elles ont plus évidemment une visée sur le discours, les entretiens et des fois qui cadrent pas avec la crise du patient, des fois en synthèse c'est un peu, oui d'accord c'est vrai etc. c'est bien joli mais on peut pas travailler comme ça ou alors il faudrait, à les entendre il faudrait un psychologue par patient mais c'est pas elles qui vivent 24/24 H avec les patients... » (ide)

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I.3 « Processus de mise sous contention »

Dans cette partie nous nous intéresserons au processus de mise sous contention. Nous verrons que celui-ci repose sur une pratique empirique. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux normes et aux circonstances qui guident cette pratique.

I.3.1 « L'empirisme et anticipation »

L'empirisme constitue le fondement théorique de la pratique. Lorsque je demande à l'infirmier si il se souvient d'avoir étudié la question de la chambre d'isolement à l'IFSI, il me répond que cela est empirique : il le sait car il l'a lu.

« Mais c'est empirique, la chambre d'isolement et la contention ça s'apprend sur le terrain et c'est de la transmission entre anciens et jeunesÉJe suis allé sur le site Serpsy et j'ai lu des mémoires ». (ide)

Dans les extraits suivants les cadres mettent en avant un apprentissage essentiellement empirique qui se transmet oralement entre professionnels.

« Il faut être sur que la personne veuille travailler en service de psychiatrie, après on lui apprendra tout, l'agressivité, la violence, comment le gérer, la contention... » (cadre supérieur de santé )

«É j'ai l'impression d'avoir appris sur le terrain, c'est vrai ça s'apprend pas à l'école, mais si on peut donner des théories, des conseils, je pense c'est l'expérience du terrain qui apprend, c'est vrai en psychiatrie on a toujours la difficulté de transmettre les choses, il n'y a pas de technique, on a jamais rien écrit vraiment, c'est des choses plus de comportement qui se transmettent en faisant et en voyant les choses que par écrit, c'est le problème pour bien d'autres choses en psychiatrie... » (cadre supérieur de santé)

L'anticipation est une qualité professionnelle à acquérir. Il s'agit d'avoir le réflexe d'une démarche permanente de prédiction du comportement du patient. Cette qualité de prédiction s'aiguise par la pratique. Le comportement du patient fait l'objet d'une interprétation constante de ses faits et gestes afin d'être en mesure de détecter à temps toutes déviances.

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« Je ne supporterais jamais qu'un patient dégomme les infirmiers, ça s'est pas possible. C'est d'ailleurs pour ça qu'il faut apprendre aux infirmiers à demander au médecin très en amont, de prendre les précautions pour que cela n'arrive pas, ça n'empêchera pas mais ça peut le limiter, je pense que c'est ça qu'il faut positionner, après n'importe quel infirmier peut travailler en service de psychiatrie. » (cadre supérieur de santé)

«É ils ont l'expérience (les infirmiers), ils voient un patient arriver, ils arrivent à cerner le personnage, comment il faut se comporter, comment le patient pourrait se comporter, avec leur expérience elles ont une qualité de prédiction au sens clinique, mais ça je pense que c'est avec l'expérience qu'on l'acquiert, que l'on soit DE 92 ou ISP. » (ide)

I.3.2 « Normes et mises sous contentions »

Dans cette partie nous allons décliner quels sont les facteurs normatifs (médicaux et sociaux) qui participent à utilisation des contentions.

I.3.2.1 « La peur »

Le premier critère que nous pouvons repérer est la peur de l'équipe soignante. Celle-ci constitue une contre-indication selon l'ANAES mais elle est très prégnante d'après le cadre.

« Moi le premier critère de la mise en chambre d'isolement, je vous dis ça en plaisantant, mais en même temps c'est pas hasard que je vous dis ça c'est la peur de l'équipe ; pour moi c'est ça le premier critère, ça veut pas dire que je reprocherais à l'équipe d'avoir peur, je suis en train de dire que l'équipe peut avoir peur au sens profond mais avoir peur de, peur d'une réaction, peur d'une conséquence des choses comme ça. » (cadre supérieur de santé)

I.3.2.2 « La violence »

La violence comme je l'ai dit, constitue la première indication de mise en chambre d'isolement. Dans les extraits de corpus suivant on distingue 2 types de violence : verbale et physique. La violence physique ne prête pas à discussion, elle induit une mise sous contention. La violence verbale est soumise à discussion, la situation est évaluée

par les acteurs. Bien que les services des interviewés ne comportent pas de chambre d'isolement, les acteurs emploient spontanément le terme de chambre d'isolement lors des situations de violence évoquées.

« É et il commençait à être agressif, moi-même il a voulu me casser la figure mais verbalement c'était ; et ça s'est discuté en équipe, et puis il a été mis en chambre d'isolement et en pyjama pour être contenu... » (ide)

« La violence si elle est verbale c'est toujours pareil il faut l'apprécier. Si il y a un passage à l'acte, là on est dans une violence clastique, à ce moment il n'y a pas à hésiter, renfort et mise en chambre d'isolement. »(cadre supérieur de santé)

La première norme pouvant induire une utilisation des contentions est la violence. Celle-ci peut être définie, a minima, comme une violence physique voir comme une violence verbale. Cette dernière fera l'objet d'une évaluation de la dangerosité d'une manière collégiale.

Ce cadre explique que la pratique des contentions évolue car les professionnels ne perçoivent plus la violence de la même manière, il y a une moindre tolérance. Le soignant se situe plus comme un citoyen.

« ...mais pas rapport à la violence, c'est pas forcément mieux pris chez les anciens que chez les jeunes, alors ils savent mieux si prendre dans certaines situations, mais on sent aussi que la mentalité a évolué, comme ne plus accepter la violence et l'agressivité de la même manière. Moi je trouve qu'on utilise plus les contentions, enfin je trouve que ça augmenté, c'était assez rare, mais j'ai l'impression souvent maintenant qu'il y a une demande des équipes... » (cadre supérieur de santé)

« On sent les réactions même par rapport à une agressivité verbale, lorsqu'on se fait insulter, on l'a l'impression que le soignant se positionne plus en citoyen... » (cadre supérieur de santé)

Nous pouvons retenir que la pratique évolue en fonction de la perception de la violence qu'on les acteurs. La violence ressentie est une construction sociale extérieure et clinique.

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I.3.2.3 « Mise en danger du patient »

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La seconde norme est celle de la mise en danger du patient. L'équipe est alors contrainte de protéger le patient de lui-même ou des autres. Ce n'est pas son état clinique qui induit la mise sous contention mais le risque de conséquences de cet état clinque.

« C'est vraiment quand le patient se met en danger ou est complètement dispersé et a besoin d'un contenant quoi très clairement et que sinon il est exposé aux stimuli extérieurs et que ça le perturbe complètement quoi. » (ide)

« on est amené à la mettre en chambre d'isolement quelquefois parce que l'angoisse est trop forte, quand elle commence à se faire frapper par d'autres patients, on est obligé de la protéger par ce moyen là. On ne peut pas être derrière 24/24 heures. »( ide)

I.3.2.4 « La clinique »

Je ne m'étends pas sur les éléments cliniques car l'interprétation du comportement du patient sur un plan sociologique et clinique porterait à confusion. Néanmoins, nous pouvons comparer les éléments avec la classification d'Esquirol et les indications cliniques de l'ANAES.

I.3.2.5 « Conclusion de partie du processus mise sous contention »

La mise sous contention est ainsi la conséquence d'une déviance. Nous pouvons en déduire que les normes de la déviance sont constitutives de faits (violence physique) et de la perception de la dangerosité par un groupe d'acteurs (violence verbale ; peur des acteurs ; mise en danger du patient par lui-même). La peur, en tant que critère, constitue un facteur normatif à part dans la mesure où elle est constitutive de la déviance du groupe des soignants puisqu'il s'agit d'une contre-indication de l'ANAES (1998). Paradoxalement la peur est un phénomène déviant qui conduit parfois à étiqueter l'autre de déviant pour s'en protéger.

Au total, le processus de mise sous contentions est induit par la transgression de normes de protection. Il s'agit alors de protéger le groupe des soignants ou le patient lui-même de violences réelles ou ressenties comme probables.

I.4 « Repères normatifs de la conception thérapeutique »

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Cette partie est consacrée à la compréhension de ce qui amène les acteurs à qualifier ou non une mise sous contention comme thérapeutique. Quel sens cela a-t-il pour eux ?

I.4.1 « L'infirmier »

I.4.1.1 « L'enfermement contraint »

Dans ces extraits de corpus l'infirmier décrit ses repères normatifs de la mise sous contention. Il explique qu'ils sont contraints d'isoler dans le but d'éviter la fugue en ce qui concerne les patients en hospitalisation d'office. L'enfermement a un aspect négatif.

« ça a un coté un peu punitif la chambre d'isolement, une sorte de punition, c'est pas tout à fait la politique ici, c'est pas comme ça que je le conçois... »(ide)

«É il n'y a pas de chambre d'isolement à proprement parlé. Si il y a mise en chambre d'isolement c'est dans la chambre du quidam, dans celle du patient, une chambre seule évidemment mais il n'y a pas de chambre d'isolement à proprement parlé ; c'est quelque chose qu'on évite d'utiliser ici et qu'on utilise si on en a besoin enfin si le patient en a besoin et pas nous. Mais souvent les personnes qui sont en chambre d'isolement c'est les hospitalisations d'office et la particularité c'est d'avoir la porte du service ouverte... »(ide)

Comme je l'indiquais plus haut, l'acteur parle spontanément de chambre d'isolement. Dire que le patient est en chambre d'isolement, signifie qu'il y est mis seul par nécessité pratique et pas dans le but de l'isoler.

L'infirmier exprime l'ambiguïté de la pratique dans la dernière phrase du précédent corpus : contenir pour éviter la fugue. L'extrait suivant indique la même chose.

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« La contention c'est la dernier recours on essaye d'utiliser autre chose, c'est vraiment pour les patients qui se mettent en dangerÉy a un patient en particulier il fugue tout le temps et il est en HO, et quand il arrive on sait qu'on est obliger de lui mettre les contentions parce que il est vraiment opposé au soin et il fugue comme il peut, il est très doué d'ailleurs. »(ide)

I.4.1.2 « Un contenant thérapeutique »

Dans l'extrait suivant l'infirmier exprime clairement que la seule indication d'une mise en chambre d'isolement c'est dans un but thérapeutique et que l'effet contenant est thérapeutique.

L'infirmier donne un sens thérapeutique à une mise sous contention ; alors que cette pratique est connotée négativement. Cette opposition parait paradoxale mais c'est le sens donné à l'intention qui la rend thérapeutique.

« La seule indication pour une chambre d'isolement c'est pour soigner le patient, c'est thérapeutique... C'est le coté contenant de la chambre. »(ide)

Contenir en attachant ou en isolant constitue le fondement thérapeutique de ma mise en isolement. Car la finalité recherchée est le soin. Eviter une fugue est thérapeutique car on évite la rupture de la prise en charge soignante vécue comme thérapeutique. Le statut de l'hospitalisé (HO ou HDT) inscrit le patient dans une perspective thérapeutique pour l'infirmier : « être contraint au soin », revient à devoir soigner pour l'infirmier.

« Notre chef de service il n'est pas pour, il trouve que ça a un côté sadique, et surtout un côté punitif mais il est pas spécialement très opposé car il sait que ça peut soigner. »

Dans cet extrait d'entretien, l'infirmier semble se contredire à propos de la mise en chambre si l'on se réfère à ses repères normatifs de la chambre d'isolement. Mais en réalité, c'est le sens que donne l'acteur à sa pratique qui construit une nouvelle fois la dimension thérapeutique. C'est l'argumentation qu'il donne aux fondements des aces thérapeutiques qui fait sens pratique au sens bourdieusien.

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I.4.2 « Les cadres de santé »

I.4.2.1 « Position philosophique »

Ce cadre est philosophiquement contre l'utilisation de la chambre d'isolement. Paradoxalement, il envisage son utilisation dans la vie quotidienne comme un « mal nécessaire ».

« La chambre d'isolement je suis contre, l'attachement je suis contre, ça s'est strictement idéologique et professionnel. Et quand je dis que je suis contre, ça veut pas dire que je ne suis d'accord, pas d'accord pour qu'on le fasse, c'est un peu différent ; sur le principe je suis pas d'accord. »(cadre de santé supérieur)

I.4.2.2 « Position pratique et question de protocole »

L'enfermement serait considéré comme une modalité de soin douloureuse, au moins au sens figuré, mais nécessaire. Bien que le cadre ait une conception défavorable vis à vis de l'idée même de l'enfermement, le sens qu'il donne à sa pratique rend son usage thérapeutique. La violence du patient, entendue de son point de vue, comme l'expression d'une souffrance peut conduire à l'isolement, qui permettra en retour de soigner ou de diminuer cette souffrance mentale. Il ne situe pas sa pratique dans une dimension coercitive, ni idéologique mais traduit la violence du patient comme l'expression d'une souffrance. La violence est perçue comme une déviance que l'on normalise en soumettant le patient à l'isolement ou à la pause de contentions.

« On est dans le soin global, mais gérer une crise c'est soigner on ne peut pas faire de dichotomie. Cette situation nécessite une amélioration, quand vous gérez vous faites du soin. On ne fait pas une piqûre dans les fesses parce que vous avez déconné, mais pour vous soulagez de vos angoisses qui font que vos avez des gestes que vous ne maîtrisez pas. Pour moi l'enfermement c'est un mal nécessaire. » (cadre de santé supérieur)

Dans ce second extrait on comprend que la dimension thérapeutique correspond également au fruit d'une prise en charge médicale. Elle est ainsi considérée de facto

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comme un outil d'une démarche thérapeutique car la mise sous contention est réalisée dans le cadre d'une procédure validée par la prescription médicale. Ce n'est pas la mise sous contention qui est thérapeutique mais bien le respect de la procédure qui repose sur une prescription médicale.

« ça doit être un outil thérapeutique de toute façon, faut surtout pas, à mon avis ce qui peut être parfois ambigu, ce qui a pu l'être par le passé, l'intérêt qu'il y est une procédure et une prescription c'est que justement, qui dit prescription dit forcément un outil thérapeutique l'abus qu'il y aurait pu y avoir avant c'est que justement ce soit le côté punitif ou pervers du système, mais la fait que ce soit une prescription même si les équipes interviennent sans que le médecin soit présent pour une grosse agitation c'est quand même visé par un médecin, du coup pour moi c'est forcément un outil thérapeutique. » (cadre de santé supérieur)

I.5 « Conclusion de partie de l'établissement A »

Pour cet établissement, la conception thérapeutique d'une mise sous contention n'est pas homogène. On distingue trois types de repères normatifs différents.

Pour l'infirmier, c'est l'intention de soigner qui constitue le sens thérapeutique de l'isolement. La mise sous contention n'est pas coercitive car il le fait dans le but de soigner. Pour un des cadres, c'est la procédure médicale, le protocole qui encadre la pratique qui rend la mise sous contention thérapeutique. Enfin pour l'autre cadre, ce n'est pas la mise sous contention qui est thérapeutique en soi mais c'est la prise en charge du patient au sein de l'unité qui crée la dimension soignante, thérapeutique.

II « Présentation de l'établissement B »

La construction du second établissement commença en 1838, là aussi au siècle de l'aliénisme. L'utilisation de la chambre d'isolement dans cet établissement constitue une modalité de soin traditionnelle. D'une manière générale, les médecins utilisent le terme de chambre d'isolement, alors que les infirmiers et le cadre de santé parlent de Chambre de Soin Intensif (CSI).

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II.1 « Les acteurs »

II.1.1 « Les psychiatres »

Avant d'arriver dans l'établissement, les deux psychiatres ont exercé au sein de structures de soin ou la chambre d'isolement n'existait pas. La trajectoire professionnelle du chef de service influence son discours sur la chambre d'isolement. Venant d'un établissement à la culture institutionnelle opposée, il préférait déjà la modalité de l'enfermement à la mise sous contention. La mise sous contention pose d'emblée un sentiment de traitement « inhumain » du patient. La mise sous contention s'apparente à une maltraitance, et renvoie ainsi aux conceptions qui l'accompagnent. Elle justifie alors la pratique de l'isolement, considéré alors comme moins inhumaine. Pour le second psychiatre, c'est la découverte, en plus, de la gestion de l'hospitalisation sous la contrainte.

« Quand je suis arrivé ici, il y avait des chambres d'isolement partout, dans tous les services, la tradition c'est l'isolement. Alors qu'à A on attachait les malades sur les lits, on les attachait sur les lits rarement plus d'une journée, mais c'était quand dans ces eaux là, quelques heures, une journée. Et je me souviens quand j'étais à A, je disais si on avait des chambres d'isolement on règlerait beaucoup de problème, alors il y avait des patients pour lesquels on pouvait pas les attacher, c'était pas humain »(chef de service)

« J'ai découvert l'hôpital psychiatrique tardivement pendant toute ma formation j'étais dans des services hospitalo-universitaire à l'AP-HP. Et donc s'était naturellement une psychiatrie ou il y avait moins de chronicité et ou dans l'ensemble les cas étaient plutôt moins lourds qu'à l'hôpital psychiatrique. Même s'il y avait des cas lourds de temps en temps et il n'y avait pas d'hospitalisation sous contrainte non plus dans ces services, toujours pas d'ailleurs, puisqu'ils ne sont pas sectorisés. »(praticien hospitalier)

II.1.1.1 « Influence d'outre Manche »

Le chef de service définit sa fonction en s'inspirant du modèle anglo-saxon, en prenant l'exemple de l'organisation des soins de la psychiatrie en Angleterre, ou le psychiatre y

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joue un rôle d'organisateur. En effet, ce dernier a souvent insisté sur l'organisation du

travail.

«É il y a un déplacement des responsabilités du psychiatre vers le médecin généraliste qui fait beaucoup d'ordonnances de ce genre là, et beaucoup d'infirmiers qui font beaucoup de formes de thérapies. Et le psychiatre en Angleterre sert beaucoup plus à orienter, à organiser les choses. »(chef de service)

« Éla fonction de chef de service est quand même très très institutionnelle. » (chef de service)

Les responsabilités doivent être réparties selon les compétences des individus et pas selon la fonction. Les responsables sont choisis dans toutes les catégories de personnel (médicale ;infirmière)

« Et chez les anglo-saxons il peut y avoir un infirmier qui est directeur d'un hôpital de jour ou responsable d'un hôpital de jour, moi je trouve ça très bien parce que c'est pas la formation, c'est pas le grade c'est les compétences de la personne. (chef de service)

II.1.2 « Un rouage économique »

Le cadre infirmier se présente comme étant un rouage économique de l'offre de soin : il ne se définit pas dans une dimension soignante.

« Je suis à la tête d'une unité de production de soin et il faut que mon offre de soin soit en adéquation avec la demande; donc si je produis du soin qui n'est pas acheté, l'hôpital ne survit pas. Alors ça peut paraître froid de dire les choses comme ça, à la limite ce n'est jamais qu'un changement de vocabulaire puisque je fais la même chose; voilà l'autre axe c'est que j'ai la responsabilité des besoins de santé sur le territoire sur lequel j`interviens, pour l'instant c'est de repérer la population qu'on accueille dans le service et de mettre en place un travail infirmier qui soit en adéquation avec les patients qu'on reçoit. »(cadre de santé)

II.1.3 « Le rôle propre »

Les infirmiers mettent en oeuvres les soins sur prescriptions médicales à partir leurs rôles propres. Cet investissement du rôle propre est vécu de manière disparate selon les

infirmiers. Pour l'une la prise en charge est axée sur le rôle propre infirmier, pour l'autre celui-ci est ressenti comme inexistant.

« Je trouve que nous, par exemple on fait d'avantage d'activités sociothérapeutiques à D, on est beaucoup dans la stimulation des patients, on occupe énormément les patients tandis que dans les autres secteurs ça tourne beaucoup autour de l'entretien avec les médecins, autour des soins de nursing et des accompagnements pour des examens spécifiques, ça s'arrête là, et chez nous j'ai trouvé la richesse de notre travail à D. c'est aller au-delà de tous ces soins. »(ide)

« Moi j'étais dingue, ici il n'y a pas d'entretien infirmier; t'en a un à l'entrée du patient et puis n'importe qui, celui qui va être là, ça se sera fait sans règle, comment toi tu le sens et il y en certains qui ne font même pas d'entretiens. On est quand même là pour ça, j'ai du mal à m'inscrire que dans un rôle de prescription ; ça on est de très bon exécutant, on pourra pas nous reprocher de suivre la prescription à la lettre. Mais de notre rôle propre y a pas, et ça c'est difficile. »(ide)

Les motivations des infirmiers sont variées. Un même rôle propre est vécu de manière très différente selon la perception de l'acteur. Cet infirmier trouve sa motivation en s'investissant dans la clinique.

«É il y en a encore qui se battent pour la clinique dans ce service, il y a encore des forces vives, peu, peu, mais beaucoup sont partis pour des raisons personnels, de mutations et autres ». (isp)

II.1.4 « L' apprentissage in situ »

L'aide-soignante a appris son travail au contact de ses collègues (transfert de compétences). Elle définit son travail auprès du patient en chambre d'isolement comme un rôle de soutient logistique lorsque l'état du patient le permet. En cas d'agitation, elle se tient prête à donner l'alerte en surveillant à distance l'interaction soignant patient.

« Au début je ne savais pas trop comment ça se passait en fait et puis je m'y suis mise, en travaillant avec les collègues tout ça, ben s'était au niveau des toilettes le relationnel, aider le patient quand il a besoin et savoir passer la main, on peut pas toujours. Et en chambre d'iso aussi j'y vais maintenant, pas seule bien entendue, je vais par exemple porter un plateau, suivant comment c'est, comment le patient est agité ou autre ou alors je reste dans le couloir si on a besoin d'appeler ou autre, on essaye d'être présent quand on le peut ».(as)

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II.2 « Les normes sous-jacentes de la philosophie de soin »

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Il n'y a pas d'unité de pensée. Les différents acteurs agissent en fonction de leurs propres repères théoriques ou empiriques. Ces repères correspondent à des modèles biologiques, anti-psychiatriques ou bien personnels.

II.2.1 « Un modèle inopérant »

Pour le médecin chef, les repères normatifs du soin sont inspirés du modèle biologique. Selon lui, le concept de psychothérapie institutionnelle est inopérant dans le cas de certaines agitations. La chambre d'isolement est un outil nécessaire.

« Philipe Paumelle, qui a construit le secteur du 13me arrondissement de Paris qui était le secteur modèle, le premier secteur, lui, a dit que le meilleur traitement de l'agitation c'est la psychothérapie institutionnelle. Alors c'est quoi, c'est des prise en charge par des hommes qui fait que l'agitation se calme, ou des attaches, je ne sais pas quoi...Une phase maniaque on ne peut pas arrêter le cycle, c'est bizarre. Bon ça veut dire qu'il doit y avoir une base biologique, ou une reprise biologique du trouble, j'en sais rien mais il y a un truc là, sinon on arrive à calmer les gens et ils s'arrêtent, non ça ne s'arrête pas. »

La seconde conception du soin, c'est qu'avec une prise ne charge réalisée à 85% sur l'extrahospitalier, l'hôpital « subit » des hospitalisations sous la contrainte pour rupture de traitement. D'après lui, il y a confusion entre internement et obligation de soin. La loi dans sa forme actuelle confond obligation de soin et séquestration. La loi de 1990 doit être changée afin d'axer l'obligation de soin sur l'extrahospitalier et non plus dans le cadre d'un internement uniquement. Nous retrouvons dans cette vision, la volonté d'axer la prise ne charge psychiatrique sur la ville et le secteur.

« La théorie de l'isolement a vieilli, c'est vrai qu'actuellement on a deux lois, pour nous gouverner. Il y a la loi intra hospitalière qui est la loi de 90, qui quand même la loi de 1838 : c'est l'internement. L'erreur, historique, qui n'était pas une erreur à l'époque mais qui le devient aujourd'hui c'est une obligation de soin avec séquestration, l'internement... Il faut dissocier cette notion de l'internement. La base c'est l'obligation de soin, ensuite c'est le problème des conduites, mais la base c'est quand même l'obligation de soin. »(chef de service)

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Ce psychiatre aussi souhaiterait revenir à une organisation des soins plus ouverte. Il lui semble que la dynamique de l'enfermement ne soit pas toujours justifiée dans les modalités d'ouverture et de fermeture de l'unité.

« On a ouvert, fermé, ouvert, fermé et puis à un moment c'est redevenu re-tout le temps fermé et en fait, on ne se pose plus la question, de la possibilité de rouvrir les unités dans les moments ou l'état d'aucun patient ne nécessite de laisser le service fermé. On a repris l'habitude comme quand je suis arrivé, comme avant qu'on fasse cet effort. »(ph)

II.2.2 « Conception personnelle »

Travailler dans le monde de la psychiatrie a été un choix pour deux infirmiers sur trois. C'est le critère de la rémunération qui a guidé soit le choix de l'établissement et ou le choix de la filière. Les normes du soin ne font pas référence à un modèle de pensée telles que la psychanalyse ou la psychothérapie institutionnelle. Il s'agit d'une conception personnelle pour l'une axée sur le développement du rôle propre et pour l'autre sur les conditions de travail.

« Donc c'est uniquement pour des raisons économique que j'ai choisi B. ; après je voulais faire de la psychiatrie, toujours cette demande de penser au patient avant de voir la maladie, c'était vraiment ça accepter la différence de l'autre pour pouvoir exprimer des soins infirmiers appropriés et je trouvais qu'en psy le peu de stage que j'avais eu en formation me donnait cette possibilité là ».(ide)

« Et ma philosophie de soin, je le fais moins, mais j'aimerais donner du temps au temps, aux psychotiques, on leur donne pas trop de temps aux psychotiques »(isp)

La conception du soin officielle, revendiquée par le service, est vécue comme étant transcendante. Les repères normatifs viennent du chef de service. En imprimant un style de prise en charge, il favorise une identification à un corpus philosophique permettant d'assurer le lien entre les acteurs. Néanmoins, les acteurs agissent en fonction de leurs propres repères normatifs

« J'ai connu trois chef de service, la philosophie de soin elle est inculquée par le sommet de la pyramide, c'est-à-dire c'est le médecin chef qui imprime sa marque »(isp)

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II.2.3 « L'anti-psychiatrie »

Le cadre a une conception des soins orientée vers le secteur. Sa vision est teintée d'« anti-psychiatrie » modérée. Son parcours essentiellement réalisé sur l'extrahospitalier explique ce discours « décalé ». Le patient doit avoir droit de « citer ».

« J'avais été un soignant qui considérait que l'hôpital était à raser. Je suis un militant discret de la disparition de l'asile. Je pense qu'il faut des structures d'une dizaine de personnes maxi bien spécifiées. Il faut diversifier l'offre de soin, il ne faut pas que ce soit quelque chose de massifiant comme on a là. »(cadre de santé)

« Je ne suis pas pour une psychiatrie qui a vocation à prendre en charge tout. Le patient doit apprendre à vivre en ville avec ses troubles. La question de la souffrance doit être intégrée aux rapports sociaux. » (cadre de santé)

II.2.4 « De l'isolement social à l'isolement dans les murs »

La conception de l'aide soignante est intéressante car elle reflète en quelques mots le parcours de nombreux patients pris en charge en charge sur le secteur.

Hôtel ou domicile

Hôpital CMP

« C'est d'apporter des soins au patient dans la mesure de ma fonction, et puis après aller vers, suivant sa pathologie, qu'il puisse retourner vers soit vers un hôtel soit vers son domicile si il en a un, et puis peut être s'il en a besoin d'aller dans la journée au CMP ou autre mais en étant chez lui, ne pas rester à l'hôpital. »(as)

De l'isolement social, à l'isolement de l'hôpital le patient va, selon son état clinique, de l'un à l'autre en ayant des phases de stabilisation ou il est pris en charge par le CMP.

II.3 « Processus mise en isolement »

Dans cette partie nous analyserons plus particulièrement les normes et circonstances qui conduisent à utiliser la chambre d'isolement.

II.3.1 « Empirisme et anticipation »

Ici, l'empirisme est également le fondement théorique de la pratique.

« Pour moi mon critère, comme ça empirique, c'est l'impossibilité de discuter. »(praticien hospitalier)

« Ou il verbalise que, et on a pas de contact avec lui ou alors on sait qu'il est capable d'un passage à l'acte. Ça s'est de la clinique basale, c'est l'expérience qui apprend ça. »(chef de service)

La clinique de type empirique est influencée par les évolutions de la société. Influence qui se manifeste de manière « concrète » avec la présence de stupéfiant.

« Ce n'est plus du tout comme s'était, un tableau pur comme autrefois, maintenant les tableaux sont très compliqués, avec des facteurs très différents, les vrais tableaux de psychopathie, de psychose maintenant tout ça s'est très mélangé. La clinique s'est complexifiée liées aux évolutions sociales, complètement. » (chef de service)

« Ce qui est sur, il y a une chose qui a vraiment changé et qui s'est vraiment aggravé c'est la circulation des toxiques à l'intérieur de l'hôpital, qui était exceptionnel et toujours sanctionné, et qui s'est banalisé. » (praticien hospitalier)

La stratégie d'anticipation est retrouvée ici aussi.

« Un travail de prévention énorme, être toujours en situation de percevoir les signes avant coureurs de situations qui vont aller au clash...» (cadre de santé)

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II.3.2 « Processus mise en chambre d'isolement »

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Dans cette partie nous allons à nouveau explorer quelles sont les normes qui sous-tendent l'utilisation de la chambre d'isolement.

II.3.2.1 « L'effectif »

Le manque de personnel est aussi une contre-indication de l'ANAES (1998) qui influencent sur l'utilisation de la chambre.

« Je pense que la nécessité de l'isolement est quand même, dans une assez large mesure, conditionnée par les effectifs d'infirmiers, si il y a plus d'infirmiers pour être présent au près des patients, souvent ça suffit à contenir. »(ph)

«É par exemple la nuit le patient en csi n'est pas vu parce qu' on a qu'une infirmière sur l'unité la nuit, ça fait peur surtout quand le patient est en chambre fermée. On est peut être professionnel, infirmier, mais on est quand même en psychiatrie et la psychiatrie fait encore peur. » (IDE)

La contention par la chambre d'isolement naît de l'échec de la contention par le personnel. Comme je l'ai écrit à propos du précédent établissement cela constitue une déviance au regard des normes de l'ANAES.

II.3.2.2 « La peur »

La peur ou l'anxiété constitue également une contre-indication selon l'ANAES (1998). La peur est à l'origine de stratégies d'évitement dans les interactions du soignant avec le patient « isolé ».

Ces stratégies d'évitement peuvent être spontanées. On ne rentre pas dans la chambre du patient parce que l'infirmier ne se sent pas capable de le faire.

La stratégie peut aussi résider dans l'interprétation de la prescription, non pas au regard du comportement du patient, mais selon l'état émotionnel du soignant.

Il s'agit d'une déviance issue des caractéristiques du groupe soignant et non de la transgression d'une norme par le patient.

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« Les prescriptions de csi duré indéterminée, qu'est-ce que ça veut dire ? Tu le laisses 15 ans dans sa chambre là, c'est ça ton travail? Ou alors, ouverte à l'appréciation de l'équipe; quand toi t'y es avec tes collègues tu le laisses dehors toute l'après midi car il est totalement gérable. Et le lendemain il va tomber sur des collègues qui ont plus peur, qui se sentent mal à l'aise et qui vont l'enfermer toute l'après midi. Quel sens a ce soin là? Y en a pas, on se contredit. » (IDE)

«É ou elle est la dignité du patient, on va pas changer son seau parce qu'il est trop violent et qu'on a peur. On va juste glisser la bouffe comme ça. Moi je ne veux pas ça. Je ne marche pas comme ça. Donc voilà je sais qu'on peut soigner autrement que par la csi. »(IDE)

II.3.2.3 « La violence »

La violence est difficile à caractériser précisément. Nous nous en tiendrons à la définition proposée par la mission Cléry-Melin (2003).

Dans cet établissement, comme dans le premier, toute violence physique constitue une déviance qui conduit irrémédiablement en chambre d'isolement. Cette violence physique peut être dirigée vers une personne, soit des objets.

Mais c'est aussi la violence ressentie, le danger potentiel, en plus des faits qui guident les mises en chambre d'isolement.

« Et que je l'ai mis en isolement le patient, parce qu'il avait ce désir de tuer et qu'il est passé à l'acte (vient de frapper violemment une infirmière). Donc là on l'a mis en isolement sans ménagement, c'est vrai, sans ménagement je m'entends que ce soit pas interprété. On l'a amené sans discussion, et on a fait l'injection sans discussion et puis après il fallait aussi nous poser parce que moi j'étais vraiment à la limite... »( IDE)

« ...qu'il est hors de porté du dialogue, alors là pour moi ça devient nécessaire parce qu'il peut se passer n'importe quoi, on sent qu'ils peuvent n'importe quoi. Ils ne sont pas du tout freinés par quoi que se soit. » (praticien hospitalier)

Lorsqu'on évoque le thème de la violence, les psychiatres abordent des thèmes variés et différents de ceux des infirmiers. Alors que les infirmiers parlent de violence physique, les psychiatres parlent de violence de la maladie mentale, de respect au soignant devenu désuet ou des stupéfiants.

« Ce que je veux dire par là, on fait de plus en plus de synthèse ou au lieu de parler de la clinique, on parle de problèmes sociaux. La violence dans la société a augmenté, et puis la drogue.»(chef de service)

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« On parle beaucoup de la violence qu'on peut avoir dans les institutions, nous autres qu'on peut avoir, mais la maladie mentale est une violence absolument épouvantable, il faut bien voir que c'est une violence pour une autre. »

II.3.2.4 « La mise en danger du patient »

La protection du patient est un élément qui contribue parfois à une mise en chambre d'isolement. L'effet de protection recherché peut être lié à la configuration architecturale ou à l'état clinique du patient.

« Il y a aussi les états ou il faut protéger le malade de lui-même, par exemple on a mis une dame en chambre d'isolement, parce que sinon elle se serait sûrement cassé la figure dans l'escalier ; ou bien des gens potomanes, qui boivent des litres et des litres, il faut bien les mettre à l'écart et qu'ils ne boivent plus, c'est l'exemple un peu rare, mais c'es l'exemple qui montre qu'on les mets à l'abri de leurs comportements perturbés, sans qu'il est de notion d'agressivité ou de dangerosité pour les autres. » (chef de service)

II.3.2.5 « Les stigmates du patient »

Pour reprendre la terminologie d'E. Goffman (1975) certaines caractéristiques peuvent constituer des stigmates.

Dans ces extraits se sont les critères ethnique et morphologique qui sont mis en avant. La taille ou la couleur de peau infligent des stigmates aux patients, que le soignant traduit en danger potentiel.

«Éj'ai souvent remarqué quand y a un patient de couleur qui arrive et qui élève la voix, ça fait peur à tout le monde et tout de suite il est en chambre d'iso. Voilà ça c'est quelque chose qui m'a interpellé. En fait, le black baraqué grand renvoie une frayeur qui nécessite assez rapidement la chambre...» (IDE)

II.3.2.6 Conclusion de partie

Le processus de mise en chambre d'isolement est la recherche de protection du groupe ou du patient. Le comportement du patient est l'indicateur clinique. Les faits ou

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l'interprétation prédictive de son comportement déclenche ou non une mise chambre d'isolement afin de prévenir ou de normaliser toute manifestation de déviance.

L'effectif, la peur et ses stratégies d'évitement, les stigmates du patient sont des éléments « déviants » construits par le groupe des soignants. Paradoxalement, là aussi c'est au nom de la déviance d'un groupe que le patient est étiqueté de déviant et est placé en chambre d'isolement pour s'en protéger.

II.4 Repères normatifs de la chambre d'isolement et conception thérapeutique

Cette partie est consacrée à la compréhension de ce qui amène les acteurs à qualifier ou non une mise en chambre d'isolement comme thérapeutique. Quel sens cela a-t-il pour eux ?

II.4.1 Les infirmiers

II.4.1.1 « Une image négative »

La chambre d'isolement renvoie essentiellement une image de violence, de dangerosité. D'emblée la conception de la chambre n'est pas perçue comme thérapeutique ; sa connotation est négative.

« Je crois que la csi est encore très mystifiéeÉC'est les grands fous, les grands violents, y a un risque. » (ide)

« C'est une chambre d'enfermement tout simplement, pour canaliser sa violence le temps d'avoir sa cohésion au soin. Moi j'ai quand même l'impression que l'on enferme l'autre pour pouvoir mettre une distance. »(ide)

« La chambre d'isolement avait quand même un caractère punitif. »(isp)

II.4.1.2 « Une chambre : des finalités »

L'aspect thérapeutique dépend des circonstances et du moment. Les circonstances participent à construire le sens thérapeutique dans le premier extrait.

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Dans l'autre extrait, l'aspect thérapeutique apparaît dans un second temps. L'intention première est la protection d'un éventuel affrontement avec le patient. Dans un second temps, la prise en charge soignante est alors assimilée à du soin. L'isolement permet de normaliser le comportement et de revenir à une relation thérapeutique. L'isolement n'est pas en soi thérapeutique mais permet de normaliser une relation dont la finalité se veut soignante.

« Pour moi grossièrement c'est pas la solution. Est-ce que c'est réellement un soin? Parfois je vous jure que je mets le patient en csi et je me sens pas du tout soignante. »(ide)

« Parfois on est pas dans le soin, mais on est obligé pour pas rentrer dans l'affrontement avec le patient. Ça devient à long terme thérapeutique, y a le médecin qui intervient y a des soignants qui donnent des médicaments ça devient thérapeutique mais pas la première intention. L'isolement est thérapeutique dans le sens ou le patient il est enfermé pour l'aider à aller mieux, après on apporte les soins et le médecin et le personnel intervient pour faciliter le mieux être. »(ide)

II.4.2 Les psychiatres

II.4.2.1 « Un acte de protection »

Les médecins prescrivent l'utilisation de la chambre parce qu'ils sont contraints de protéger le patient ou les autres. Il s'agit d'un acte sécuritaire avant tout.

« C'est de la gestion parce qu'on ne peut faire autrement. Si il y avait 100 infirmiers et 40 médecins ont ferait mieux, encore c'est pas sur. » (chef de service)

« J'essaye le moins possible. J'ai horreur d'enfermer les gens, j'ai eu des patients qui sont décédés en chambre d'isolement et c'est toujours une expérience extrêmement traumatisante... »(ph)

La mise en isolement est une décision soumise au contrôle médical. Néanmoins, les modalités de gestion de la chambre (entrée ou sortie) sont discutées et décidées par les infirmiers.

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« J'ai posé dans le service immédiatement à mon arrivée : c'est un acte médical, il faut une décision médicale. Alors vous en discutez en équipe, je ne sais pas quoi, vous prenez la décision mais il faut quelqu'un qui signe. »(chef de service)

« J'utilise vraiment la chambre d'isolement en laissant au maximum l'équipe gérer au maximum la possibilité de sortie ; moi dans la position : recommandant que se soit fait autant que possible, c'est-à-dire que je laisse les infirmiers, je leur dis, je leur demande, dans toute la mesure du possible, d'ouvrir le plus possible la chambre, d'accompagner le plus possible le patient à l'extérieur de sa chambre, tout en le laissant juge de la faisabilité ou pas. C'est comme ça que je gère la chambre d'isolement. »(ph)

L'équipe décide et gère la mise en isolement, le psychiatre contrôle en apposant sa prescription. Ces extraits de corpus caractérisent ce qu'a mis en évidence Strauss (1992) dans « La trame de la négociation ». L'ordre, l'homéostasie du service se négocie dans l'interaction entre le prescripteur et les infirmiers. En laissant la gestion de la chambre d'isolement aux infirmiers, le psychiatre crée un espace de négociation, une marge de manoeuvre pouvant être adaptée à tous moments par les infirmiers.

II.4.2.2 « Protéger n'est pas soigner »

Pour le premier psychiatre il n'y a pas de dimension thérapeutique dans la mise en isolement. Gérer la crise n'est pas soigner.

Pour le second, l'isolement a un sens thérapeutique qui prend sa place dans l'histoire de la maladie du patient. Le psychiatre attribue un sens thérapeutique à la relation soignant soigné, car malgré la « violence » de la pratique, il n'y a pas eu de rupture de la relation entre soignant et soigné.

« Non, je ne crois pas du tout que ça soigne, je pense vraiment que c'est un outil de gestion des cas de comportements ou on ne peut pas faire autrement. Je ne crois pas du tout que l'isolement soit en soi thérapeutique. Pour moi, la signification de la chambre d'isolement c'est de contenir quelqu'un qui serait dangereux pour lui-même ou pour autrui d'une façon ingérable autrement, voilà c'est essentiellement ça. » (ph)

« Si ils continent (à consulter)ça veut dire qu'ils ont compris que la chambre d'isolement était nécessaire à un moment donné de leur évolution. Ce que je veux dire par là c'est que la chambre d'isolement est vraiment intégrée comme un soin mais pas comme une punition ou je ne sais pas quoi. »(chef de service)

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II.4.3 « Le cadre de santé »

II.4.3.1 « Un outil pour communiquer »

La chambre est un outil de contention dans la mesure ou la contention relationnelle ne suffit pas. La relation avec l'isolé est vécue comme un moment de restauration thérapeutique. L'isolement doit aider à normaliser la communication avec lui.

« On a pas les moyens humains de contenir quelqu'un en étant avec lui 8 h par jour, en étant à ses côtés. Néanmoins les moments ou on est avec lui c'est aussi un moment de création relationnelle avec l'autre, c'est ça c'est la rupture de la relation à l'autre, si le soin intensif c'est pour anesthésier la relation à l'autre ça c'est de l'isolement, si on est en soin intensif on réintroduit l'autre, on réintroduit du relationnel, on recrée du lien. Ne pas faire du soin intensif de l'isolement. »(cadre de santé)

II.4.3.1.2 « Une démarche protocolisée »

Une mise en isolement peut avoir plusieurs intentions. On peut mettre le patient en isolement pour le soigner ou s'en protéger mais au regard de la loi, c'est la même chose, car rien ne permet de les distinguer. C'est l'intention soignante qui constitue le sens thérapeutique. Le sens d'une même action est différent selon la perception et les intérêts des acteurs en présence.

« Il y a des généralités sur la mise en chambre en soin intensif qui sont du basique, du respect de la loi, mais la loi c'est quand même le respect du droit des usagers donc il faut que le protocole de mise en chambre de soin intensif soit conforme à ces droits là, il ne s'agit pas de justifier après coup. A partir du moment ou on est convaincu du sens, on doit pouvoir donner une parole explicative au patient sur le travail que l'on fait. » (cadre de santé)

II.4.4 L'aide soignante

II.4.4.1 « Une interaction dangereuse »

L'interaction avec un patient isolé est un moment qui symbolise d'emblée une certaine dangerosité.

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« Tout en faisant malgré tout attention, je suis toujours sur mes vigilances. Ceci dit ça pourrait très bien se passer mais bon c'est pas à nous peut être d'être en premières loges, au tout début quoi. Je pense qu'avec les traitements et tout ça, ça améliore, ça s'améliore je crois, c'est peut être moins dur, moins violent. Pour un patient ça doit être très dur d'être là. C'est dur, des fois ils peuvent pas fumer. Dès fois on arrive à les faire fumer, des fois ça calme. » (as)

II.4.4. « Une chambre multiple »

L'aide-soignante y voit 3 intentions : isolation, protection et soin. Il s'agit d'une pièce qui a donc plusieurs fonctions. Les fonctions d'isolation et de protection sont citées en premier. Le soin est la fonction thérapeutique. C'est l'intention perçue qui donne le sens à l'utilisation de la chambre d'isolement. Le sens thérapeutique est cité en dernier. Est-ce le reflet d'un classement qu'elle perçoit comme tel ?

Si l'on admet que l'isolation est réalisée dans un but de protection, alors l'intention de protection du patient et du groupe vient avant l'intention thérapeutique dans l'interprétation de la pratique.

« C'est un endroit pour le patient on l'isole, on le protège parfois, c'est long, parfois moins long ça dépend du patient, on lui apporte des soins aussi. » (as)

II.5 « Conclusion de partie B »

La conception d'une mise en isolement n'est pas homogène. On repère 5 types de conceptions.

L'aide-soignante voit plusieurs intentions possibles: protection ; isolation ; soin. Pour une infirmière c'est selon les circonstances également.

Pour une autre infirmière c'est la prise en charge soignante et plus particulièrement l'intervention médicale qui rend la relation thérapeutique. La conception d'un infirmier n'est pas classable.

Pour un psychiatre il n'y a pas de conception thérapeutique. Pour l'autre la chambre n'est pas thérapeutique non plus, néanmoins la chambre est vécue comme un temps à part dans une relation vécue comme thérapeutique sur le long terme.

Le cadre de santé perçoit la dimension thérapeutique dans le respect du protocole.

III « Les mondes réunis de la psychiatrie ? »

III.1 « Intérêt d'isoler »

La trajectoire du patient mis en chambre d'isolement est, dans une perspective sociologique, une construction sociale dans le but de normaliser un comportement étiqueté déviant ou le comportement du groupe soignant.

La construction de l'étiquette de déviance répond à la nécessité de protection des intérêts du groupe soignant ou de ceux du patient.

Paradoxalement la peur est un phénomène déviant, au regard des normes de l'ANAES (1998), qui conduit parfois à étiqueter l'autre de déviant pour s'en protéger. La qualification de déviance déclenche une mise en chambre d'isolement. Une fois le patient isolé, le comportement du groupe se normalise en réduisant son état d'anxiété ou de peur.

Les stigmates du patient peuvent accentuer ou induire une mise en chambre d'isolement.

III.2 « Repères normatifs et catégorisation des conceptions thérapeutiques »

La comparaison des conceptions des deux établissements permet de réaliser des catégories. Nous pouvons ranger les conceptions de nos dix acteurs dans cinq catégories différentes.

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III.2.1 « La relation thérapeutique »

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Dans cette catégorie nous avons une conception thérapeutique qui s'inscrit dans la relation entre le soignant et le patient. La chambre d'isolement ou les contentions ne sont pas perçues comme thérapeutique, mais comme un mal nécessaire, dans une relation vécue sur un mode thérapeutique.

Nous retrouvons dans ce type de conception un chef de service, une infirmière et un cadre supérieur de santé. Les deux premiers font partis de l'établissement ou l'isolement est la tradition.

III.2.2 « Le protocole thérapeutique»

Les deux acteurs de cette catégorie sont des cadres de santé. Il représente chacun un établissement. La conception thérapeutique est représentée par le respect du protocole. C'est le respect du protocole, de la prescription qui est thérapeutique.

III.2.3 « La chambre d'isolement thérapeutique »

Cette catégorie comporte deux sous catégories.

III.2.3.1 « La variable »

La chambre est perçue comme thérapeutique selon son « utilisation ».

Dans cette catégorie nous trouvons une aide-soignante et une infirmière qui appartiennent toutes 2 au même hôpital. La chambre d'isolement peut être vécue comme thérapeutique mais cela dépend de l'intention initiale : protection, soin...

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III.2.3.2 « L' intrinsèquement thérapeutique »

La chambre est perçue comme étant thérapeutique en elle-même grâce à l'effet contenant. Il s'agit de la seule conception thérapeutique ; étonnamment l'infirmier fait parti de l'hôpital employant les contentions.

III.2.4 « La dimension sécuritaire »

La chambre d'isolement, pour un psychiatre, est une conception uniquement sécuritaire. La finalité n'est d'autres que de protéger du danger, il ne s'agit pas de soigner.

III.2.5 « L' indéterminé »

L'infirmier que je mets dans cette catégorie ne m'a pas laissé assez d'éléments pour identifier sa conception. Appartenant à un groupe de travail qui s'est penché sur la chambre d'isolement, il parle de cette pratique avec une relative « neutralité » qui gêne une catégorisation.

III.2.6 « Trois temps sur la trajectoire du patient »

La conception thérapeutique apparaît à différents moments de la trajectoire du patient. La conception thérapeutique est une construction sociale variable selon ses acteurs et les moments de la trajectoire du patient.

Les conceptions thérapeutiques ne sont pas caractérisées par l'origine de l'établissement. Trois principales catégories regroupent huit acteurs. Ces catégories représentent trois temps « thérapeutique » différents sur la trajectoire du patient isolé.

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III.2.6.1 « Temps 1 : respect du protocole »

Le premier temps thérapeutique est représenté par le respect du protocole. Il vient s'inscrire dans la trajectoire juste avant la mise en isolement. L'accent est mis sur le respect de la procédure, sur le respect de la forme. C'est le respect de la démarche qui en fait un acte thérapeutique. Il s'agit d'un groupe homogène car composé de cadres de santé des deux établissements. La figure charismatique du médecin à l'hôpital ne serait-elle pas symbolisée par la prescription ?

III.2.6.2 « Temps 2 : acte thérapeutique »

Le second temps thérapeutique est le moment ou le patient est en chambre d'isolement. La chambre d'isolement existe en tant qu'entité thérapeutique pour trois acteurs, si l'on fait abstraction de la variabilité de l'utilisation pour deux d'entre eux. La chambre est intrinsèquement thérapeutique. Ce groupe est composé de deux infirmiers et d'une aide-soignante. La variabilité de la perception de la chambre d'isolement trouve peut être son origine dans le paradoxe soulevé par Goffman ou l'ambivalence de la démarche soigner ou protéger est parfois confuse pour les acteurs.

III.2.6.3 « Temps 3 : relation thérapeutique »

Enfin, le dernier temps thérapeutique s'inscrit dans la relation soignant soigné. L'isolement n'est pas un temps thérapeutique mais s'inscrit dans une relation thérapeutique que constitue la trajectoire du patient. Ce groupe est composé d'un psychiatre, d'un cadre et d'un infirmier. Toujours pour échapper au paradoxe goffmanien, les acteurs rationalisent leur pratique en déplaçant la dimension thérapeutique dans une dimension relationnelle et pas géographique.

Trajectoire du patient et « temps thérapeutique » :

Temps 1 Respect du protocole

Unité de soin

Chambre d'isolement ou contentions

Temps 2 Acte

thérapeutique

Temps 3 Relation thérapeutique

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III.3 « Une trajectoire négociable »

La perception de la chambre d'isolement ou des contentions est en général négative. Malgré cette image négative, une catégorie d'acteurs a une conception thérapeutique de la chambre d'isolement. Les deux autres conceptions thérapeutiques ne sont pas en lien direct avec la chambre (avant et après).

La catégorisation des conceptions thérapeutiques de la chambre d'isolement montre trois types de conception en lien avec la chambre d'isolement et apparaissant à trois temps différents. Il n'existe pas une perception thérapeutique mais des perceptions s'inscrivant précisément sur la trajectoire du patient.

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Concernant nos hypothèses de départ, nous ne validons pas la première à propos de la culture institutionnelle. Dans l'établissement A, la culture institutionnelle semble avoir été appropriée par le groupe des infirmiers mais dans les faits il existe une discordance dans l'ordre négocié : les intérêts des acteurs ne convergent pas avec la philosophie de soin revendiquée. L'établissement B ne fait pas apparaître de dichotomie entre culture institutionnelle et discours de ses acteurs si ce n'est pour un psychiatre qui n'y voit pas de dimension thérapeutique. Dans cette exemple on peut penser que la trajectoire professionnelle participe à influencer le discours, car ce médecin vient d'un établissement ou la chambre d'isolement n'existe pas ; mais son collègue qui a une trajectoire similaire pense que cette dimension apparaît dans la prise en charge. Toutefois, s'il n'existe pas d'opposition entre culture institutionnelle et conception du soin, cette dernière n'apparaît pas de manière évidente dans le discours des acteurs. Nous pouvons retenir que la culture institutionnelle de l'établissement n'implique pas que le discours des acteurs aille dans le même sens. Il existe une autonomie de pensée, qui si elle n'est pas revendiquée, influence au moins l'usage de la contention mécanique. L'approche culturaliste de Goodnough apparaît ici comme l'expression d'une cognition individuelle qui s'inscrit dans un processus collectivement alimenté.

Pour la seconde hypothèse nous confirmons que les raisons médicales ne sont pas uniquement à l'origine d'une mise en chambre d'isolement que ce soit dans l'établissement A ou B. Comme nous l'avons vu, la mise en chambre d'isolement n'est pas un ordre négocié strictement médical mais soignant, répondant à des intérêts variables.

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CONCLUSION

Nous avons vu, que d'un point de vue sociologique, la chambre d'isolement est une construction sociale. L'intérêt de cette construction sociale est de normaliser un comportement étiqueté déviant ou le comportement des soignants.

Notre problématique de départ était une démarche compréhensive du processus de définition de la pratique de la mise en chambre d'isolement. A travers le travail d'analyse, nous avons pu mettre en évidence quelques facteurs normatifs structurant les conceptions des acteurs et participant à caractériser la pratique de la chambre d'isolement de thérapeutique. Décomposer le processus de mise en chambre d'isolement c'est entrer dans un monde soignant, dans leur structuration du réel. La psychiatrie est un monde ou l'hétérogénéité des théories et des conceptions participent en permanence à définir la trajectoire du patient. Strauss et Schatzman (1966) nous permettent d'illustrer notre approche de la construction sociale de la mise en chambre d'isolement. Ces derniers considèrent « l'institution psychiatrique moderne comme une arène professionnelle qui rassemble différents professionnels, avec des schémas de carrière différents, des idéologies concernant le traitement, des conceptions divergentes les uns des autres en tant que professionnels, et des degrés divers d'engagement par rapport à l'institution dont ils font partie ». Cet extrait résume notre approche du monde de la psychiatrie et montre que c'est plus le sens que l'acteur donne à sa pratique qui permet de situer la dimension thérapeutique que le fruit d'une conception soignante collective et pensée. Comme l'écrit Livia Velpry16 (2005), ce n'est donc pas la nature de l'activité qui lui confère un caractère thérapeutique. Comme nous l'avons vu, ce caractère s'exprime sur la trajectoire à différents moments de la prise en charge soignante.

16Article étudié en séminaire des doctorants du réseau nationale « Santé et Société » dont le thème est le travail thérapeutique en psychiatrie.

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A l'issue de cette enquête qualitative, nous pouvons dire que la dimension culturelle n'impacte pas clairement la conception thérapeutique de la chambre d'isolement. On ne retrouve pas de dichotomie des conceptions de la chambre d'isolement en comparant les deux établissements. Néanmoins, les facteurs normatifs qui justifient cette pratique ne sont pas toujours issus de la clinique. Il me semble normal entre parenthèses que les acteurs construisent chacun un temps et une conception thérapeutique différentes. En effet, les facteurs à l'origine de la mise en chambre d'isolement ne sont pas toujours légitimes aux yeux des soignants. Dans ces conditions, le paradoxe d'exigence thérapeutique et d'impératifs de sécurité, reste supportable en déplaçant la légitimité du soin à un autre moment. En effet, comme Goffman l'a mis en évidence dans « Asiles » (1968), la seule façon de rendre ce paradoxe supportable c'est de faire tomber la barrière entre le monde soignant et le patients, à certains moments. De la sorte, une ambiance de libération est créée pour les fêtes de fin d'année ou la barrière entre reclus et soignants tombe permettant d'apporter un semblant de liberté et de baisser les tensions liées aux contraintes de l'enfermement. Ainsi le soignant rationalise sa pratique en conceptualisant un sens thérapeutique de la chambre d'isolement permettant d'échapper en partie à l'injonction paradoxale : du soin et de la contrainte. La catégorie « variable » illustre simplement que le sens thérapeutique est une construction sociale négociée et stable mais temporaire.

Avant de conclure, je souhaite parler du glissement sémantique qui a lieu a propos de la chambre d'isolement. Dans certains hôpitaux la chambre de soin intensif remplace le terme de chambre d'isolement. Ce terme me parait leurrant. Le glissement sémantique est révélateur du travail de clarification des pratiques soignantes, notamment par le biais le respect des recommandations de l'ANAES (1998). Mais la chambre d'isolement doit garder son nom car rien ne permet de dire aujourd'hui qu'elle est thérapeutique. Renommer cette pratique de soignante c'est donner l'illusion de faire un travail efficient et respectueux des droits des patients et de leur dignité. Mais nous l'avons vu à travers notre enquête que l'institution psychiatrique fabrique parfois de l'isolement dans l'isolement. J'invite le lecteur à la réflexion en revenant à notre citation

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anonyme : « Celui qui ne connaît que la psychiatrie, ne connaît même pas la psychiatrie ».

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5.

73

Extraits du mémorandum du séminaire Sciences Sociales et Santé Mentale des doctorants du réseau « Santé & Société » ; lundi 1er mars 2005 ; textes de:

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Le site de l'histoire de la psychiatrie en France :

www.histoire.psychiatrie.fr

Le site du service public de la diffusion du droit :

www.legifrance.gouv.fr

Le site du ministère des Solidarités, de la Santé, et de la Famille :

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www.sante.gouv.fr

Le site de Soin, Etudes, et Recherche dans le domaine de la Psychiatrie : www.serpsy.org

Rapport et missions

Les rapport Piel et Roeland (2001), Clery-Melin (2003) et le plan « Psychiatrie et Santé Mentale 2005-2008 » (2005) sont consultables sur:

www.sante.gouv.fr






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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway