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Entre trajectoire du patient et temps thérapeutiques. Analyse sociologique du monde de la psychiatrie à  partir de la chambre d'isolement.

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par Stéphane LE ROUZIC
Institut de Formation des Cadres de Santé de Sainte Anne Paris - Cadre de santé  2005
  

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II.3 « Processus mise en isolement »

Dans cette partie nous analyserons plus particulièrement les normes et circonstances qui conduisent à utiliser la chambre d'isolement.

II.3.1 « Empirisme et anticipation »

Ici, l'empirisme est également le fondement théorique de la pratique.

« Pour moi mon critère, comme ça empirique, c'est l'impossibilité de discuter. »(praticien hospitalier)

« Ou il verbalise que, et on a pas de contact avec lui ou alors on sait qu'il est capable d'un passage à l'acte. Ça s'est de la clinique basale, c'est l'expérience qui apprend ça. »(chef de service)

La clinique de type empirique est influencée par les évolutions de la société. Influence qui se manifeste de manière « concrète » avec la présence de stupéfiant.

« Ce n'est plus du tout comme s'était, un tableau pur comme autrefois, maintenant les tableaux sont très compliqués, avec des facteurs très différents, les vrais tableaux de psychopathie, de psychose maintenant tout ça s'est très mélangé. La clinique s'est complexifiée liées aux évolutions sociales, complètement. » (chef de service)

« Ce qui est sur, il y a une chose qui a vraiment changé et qui s'est vraiment aggravé c'est la circulation des toxiques à l'intérieur de l'hôpital, qui était exceptionnel et toujours sanctionné, et qui s'est banalisé. » (praticien hospitalier)

La stratégie d'anticipation est retrouvée ici aussi.

« Un travail de prévention énorme, être toujours en situation de percevoir les signes avant coureurs de situations qui vont aller au clash...» (cadre de santé)

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II.3.2 « Processus mise en chambre d'isolement »

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Dans cette partie nous allons à nouveau explorer quelles sont les normes qui sous-tendent l'utilisation de la chambre d'isolement.

II.3.2.1 « L'effectif »

Le manque de personnel est aussi une contre-indication de l'ANAES (1998) qui influencent sur l'utilisation de la chambre.

« Je pense que la nécessité de l'isolement est quand même, dans une assez large mesure, conditionnée par les effectifs d'infirmiers, si il y a plus d'infirmiers pour être présent au près des patients, souvent ça suffit à contenir. »(ph)

«É par exemple la nuit le patient en csi n'est pas vu parce qu' on a qu'une infirmière sur l'unité la nuit, ça fait peur surtout quand le patient est en chambre fermée. On est peut être professionnel, infirmier, mais on est quand même en psychiatrie et la psychiatrie fait encore peur. » (IDE)

La contention par la chambre d'isolement naît de l'échec de la contention par le personnel. Comme je l'ai écrit à propos du précédent établissement cela constitue une déviance au regard des normes de l'ANAES.

II.3.2.2 « La peur »

La peur ou l'anxiété constitue également une contre-indication selon l'ANAES (1998). La peur est à l'origine de stratégies d'évitement dans les interactions du soignant avec le patient « isolé ».

Ces stratégies d'évitement peuvent être spontanées. On ne rentre pas dans la chambre du patient parce que l'infirmier ne se sent pas capable de le faire.

La stratégie peut aussi résider dans l'interprétation de la prescription, non pas au regard du comportement du patient, mais selon l'état émotionnel du soignant.

Il s'agit d'une déviance issue des caractéristiques du groupe soignant et non de la transgression d'une norme par le patient.

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« Les prescriptions de csi duré indéterminée, qu'est-ce que ça veut dire ? Tu le laisses 15 ans dans sa chambre là, c'est ça ton travail? Ou alors, ouverte à l'appréciation de l'équipe; quand toi t'y es avec tes collègues tu le laisses dehors toute l'après midi car il est totalement gérable. Et le lendemain il va tomber sur des collègues qui ont plus peur, qui se sentent mal à l'aise et qui vont l'enfermer toute l'après midi. Quel sens a ce soin là? Y en a pas, on se contredit. » (IDE)

«É ou elle est la dignité du patient, on va pas changer son seau parce qu'il est trop violent et qu'on a peur. On va juste glisser la bouffe comme ça. Moi je ne veux pas ça. Je ne marche pas comme ça. Donc voilà je sais qu'on peut soigner autrement que par la csi. »(IDE)

II.3.2.3 « La violence »

La violence est difficile à caractériser précisément. Nous nous en tiendrons à la définition proposée par la mission Cléry-Melin (2003).

Dans cet établissement, comme dans le premier, toute violence physique constitue une déviance qui conduit irrémédiablement en chambre d'isolement. Cette violence physique peut être dirigée vers une personne, soit des objets.

Mais c'est aussi la violence ressentie, le danger potentiel, en plus des faits qui guident les mises en chambre d'isolement.

« Et que je l'ai mis en isolement le patient, parce qu'il avait ce désir de tuer et qu'il est passé à l'acte (vient de frapper violemment une infirmière). Donc là on l'a mis en isolement sans ménagement, c'est vrai, sans ménagement je m'entends que ce soit pas interprété. On l'a amené sans discussion, et on a fait l'injection sans discussion et puis après il fallait aussi nous poser parce que moi j'étais vraiment à la limite... »( IDE)

« ...qu'il est hors de porté du dialogue, alors là pour moi ça devient nécessaire parce qu'il peut se passer n'importe quoi, on sent qu'ils peuvent n'importe quoi. Ils ne sont pas du tout freinés par quoi que se soit. » (praticien hospitalier)

Lorsqu'on évoque le thème de la violence, les psychiatres abordent des thèmes variés et différents de ceux des infirmiers. Alors que les infirmiers parlent de violence physique, les psychiatres parlent de violence de la maladie mentale, de respect au soignant devenu désuet ou des stupéfiants.

« Ce que je veux dire par là, on fait de plus en plus de synthèse ou au lieu de parler de la clinique, on parle de problèmes sociaux. La violence dans la société a augmenté, et puis la drogue.»(chef de service)

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« On parle beaucoup de la violence qu'on peut avoir dans les institutions, nous autres qu'on peut avoir, mais la maladie mentale est une violence absolument épouvantable, il faut bien voir que c'est une violence pour une autre. »

II.3.2.4 « La mise en danger du patient »

La protection du patient est un élément qui contribue parfois à une mise en chambre d'isolement. L'effet de protection recherché peut être lié à la configuration architecturale ou à l'état clinique du patient.

« Il y a aussi les états ou il faut protéger le malade de lui-même, par exemple on a mis une dame en chambre d'isolement, parce que sinon elle se serait sûrement cassé la figure dans l'escalier ; ou bien des gens potomanes, qui boivent des litres et des litres, il faut bien les mettre à l'écart et qu'ils ne boivent plus, c'est l'exemple un peu rare, mais c'es l'exemple qui montre qu'on les mets à l'abri de leurs comportements perturbés, sans qu'il est de notion d'agressivité ou de dangerosité pour les autres. » (chef de service)

II.3.2.5 « Les stigmates du patient »

Pour reprendre la terminologie d'E. Goffman (1975) certaines caractéristiques peuvent constituer des stigmates.

Dans ces extraits se sont les critères ethnique et morphologique qui sont mis en avant. La taille ou la couleur de peau infligent des stigmates aux patients, que le soignant traduit en danger potentiel.

«Éj'ai souvent remarqué quand y a un patient de couleur qui arrive et qui élève la voix, ça fait peur à tout le monde et tout de suite il est en chambre d'iso. Voilà ça c'est quelque chose qui m'a interpellé. En fait, le black baraqué grand renvoie une frayeur qui nécessite assez rapidement la chambre...» (IDE)

II.3.2.6 Conclusion de partie

Le processus de mise en chambre d'isolement est la recherche de protection du groupe ou du patient. Le comportement du patient est l'indicateur clinique. Les faits ou

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l'interprétation prédictive de son comportement déclenche ou non une mise chambre d'isolement afin de prévenir ou de normaliser toute manifestation de déviance.

L'effectif, la peur et ses stratégies d'évitement, les stigmates du patient sont des éléments « déviants » construits par le groupe des soignants. Paradoxalement, là aussi c'est au nom de la déviance d'un groupe que le patient est étiqueté de déviant et est placé en chambre d'isolement pour s'en protéger.

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