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Entre trajectoire du patient et temps thérapeutiques. Analyse sociologique du monde de la psychiatrie à  partir de la chambre d'isolement.

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par Stéphane LE ROUZIC
Institut de Formation des Cadres de Santé de Sainte Anne Paris - Cadre de santé  2005
  

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CONCLUSION

Nous avons vu, que d'un point de vue sociologique, la chambre d'isolement est une construction sociale. L'intérêt de cette construction sociale est de normaliser un comportement étiqueté déviant ou le comportement des soignants.

Notre problématique de départ était une démarche compréhensive du processus de définition de la pratique de la mise en chambre d'isolement. A travers le travail d'analyse, nous avons pu mettre en évidence quelques facteurs normatifs structurant les conceptions des acteurs et participant à caractériser la pratique de la chambre d'isolement de thérapeutique. Décomposer le processus de mise en chambre d'isolement c'est entrer dans un monde soignant, dans leur structuration du réel. La psychiatrie est un monde ou l'hétérogénéité des théories et des conceptions participent en permanence à définir la trajectoire du patient. Strauss et Schatzman (1966) nous permettent d'illustrer notre approche de la construction sociale de la mise en chambre d'isolement. Ces derniers considèrent « l'institution psychiatrique moderne comme une arène professionnelle qui rassemble différents professionnels, avec des schémas de carrière différents, des idéologies concernant le traitement, des conceptions divergentes les uns des autres en tant que professionnels, et des degrés divers d'engagement par rapport à l'institution dont ils font partie ». Cet extrait résume notre approche du monde de la psychiatrie et montre que c'est plus le sens que l'acteur donne à sa pratique qui permet de situer la dimension thérapeutique que le fruit d'une conception soignante collective et pensée. Comme l'écrit Livia Velpry16 (2005), ce n'est donc pas la nature de l'activité qui lui confère un caractère thérapeutique. Comme nous l'avons vu, ce caractère s'exprime sur la trajectoire à différents moments de la prise en charge soignante.

16Article étudié en séminaire des doctorants du réseau nationale « Santé et Société » dont le thème est le travail thérapeutique en psychiatrie.

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A l'issue de cette enquête qualitative, nous pouvons dire que la dimension culturelle n'impacte pas clairement la conception thérapeutique de la chambre d'isolement. On ne retrouve pas de dichotomie des conceptions de la chambre d'isolement en comparant les deux établissements. Néanmoins, les facteurs normatifs qui justifient cette pratique ne sont pas toujours issus de la clinique. Il me semble normal entre parenthèses que les acteurs construisent chacun un temps et une conception thérapeutique différentes. En effet, les facteurs à l'origine de la mise en chambre d'isolement ne sont pas toujours légitimes aux yeux des soignants. Dans ces conditions, le paradoxe d'exigence thérapeutique et d'impératifs de sécurité, reste supportable en déplaçant la légitimité du soin à un autre moment. En effet, comme Goffman l'a mis en évidence dans « Asiles » (1968), la seule façon de rendre ce paradoxe supportable c'est de faire tomber la barrière entre le monde soignant et le patients, à certains moments. De la sorte, une ambiance de libération est créée pour les fêtes de fin d'année ou la barrière entre reclus et soignants tombe permettant d'apporter un semblant de liberté et de baisser les tensions liées aux contraintes de l'enfermement. Ainsi le soignant rationalise sa pratique en conceptualisant un sens thérapeutique de la chambre d'isolement permettant d'échapper en partie à l'injonction paradoxale : du soin et de la contrainte. La catégorie « variable » illustre simplement que le sens thérapeutique est une construction sociale négociée et stable mais temporaire.

Avant de conclure, je souhaite parler du glissement sémantique qui a lieu a propos de la chambre d'isolement. Dans certains hôpitaux la chambre de soin intensif remplace le terme de chambre d'isolement. Ce terme me parait leurrant. Le glissement sémantique est révélateur du travail de clarification des pratiques soignantes, notamment par le biais le respect des recommandations de l'ANAES (1998). Mais la chambre d'isolement doit garder son nom car rien ne permet de dire aujourd'hui qu'elle est thérapeutique. Renommer cette pratique de soignante c'est donner l'illusion de faire un travail efficient et respectueux des droits des patients et de leur dignité. Mais nous l'avons vu à travers notre enquête que l'institution psychiatrique fabrique parfois de l'isolement dans l'isolement. J'invite le lecteur à la réflexion en revenant à notre citation

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anonyme : « Celui qui ne connaît que la psychiatrie, ne connaît même pas la psychiatrie ».

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