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L'erreur dans les réalisations écrites d'élèves marocains. état des lieux de leurs performances écrites, interrogations sur son statut et sur les modalités de sa gestion dans les documents officiels et dans les pratiques d'enseignement.


par Sarah TAMIMI
Université du Maine - Master 2 Didactique des Langues et l’enseignement du FLE  2019
  

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2.3. La notion d'interlangue

En 1972, Selinker lance dans le débat un nouveau mot qui va révolutionner l'orientation de la recherche en didactique des langues étrangères : « l'interlangue ». En fait, cette notion n'est pas complètement nouvelle, car des chercheurs avant lui parlaient de systèmes linguistiques indépendants de L1 et de L2.82(*) Mais le mot interlangue apparait pour la première fois dans le sens de système intermédiaire indépendant. Il vise à nommer le système de règles utilisé par des apprenants de L2 n'ayant pas atteint la compétence des natifs de L2. L'interlangue se définit donc comme le système linguistique dont se servent les apprenants pour communiquer en L2 à un stade ou un autre de leur apprentissage. On trouve d'ailleurs plusieurs dénominations de cette notion. On parle de compétence transitoire, de dialecte idiosyncrasique, de système intermédiaire, ou même de langue intermédiaire. Voici quelques définitions proposées par certains chercheurs :

Pour Selinker83(*), la notion d'interlangue se justifie principalement à partir de l'observation qu'il existe des formes erronées fossilisées dans la langue des apprenants quel que soit le degré de compétence des apprenants en L2. La plupart des usagers de L2 (excepté les cas rares de quelques sujets qui parviennent à la maitriser) gardent toujours dans leur L2 des prononciations, des marques grammaticales, des types de phrases qui n'appartiennent pas à la L2 mais qu'ils utilisent de façon courante. C'est un peu comme si ces usagers avaient des stratégies de communication particulières différentes de celles de L1 et différentes de celles des natifs de L2. La position de Selinker rejoignait parfaitement le courant de recherches inspirées par Corder sur des phénomènes propres à l'apprenant de L2 et inexplicables à partir du seul transfert linguistique.

Pour Tagliante (1994, p 40), l'interlangue est « l'état de maitrise provisoire de la langue étrangère en train de se former. » L'erreur, selon elle, est une « partie intégrante de cette langue intermédiaire entre les balbutiements du départ et l'état de maitrise relative final. »L'apprenant progresse grâce aux erreurs qu'il commet, il ne fait que tester « ses hypothèses de fonctionnement du système nouveau qu'il est en train de se créer. »

Pour J.P Cuq (2003, p 139), « elle désigne la nature et la structure spécifiques du système d'une langue cible intériorisé par un apprenant à un stade donné. »C'est donc une grammaire intériorisée en construction, marquée par son instabilité, sa perméabilité et son caractère transitoire (incluant donc les formes fautives).

Pour Porquier& PY (2004, p 20), c'est déjà une « sorte de langue » qui ne représente pas un simple mélange de formes linguistiques de la langue source et la langue cible, mais une « grammaire provisoire » qui trouve ses fondements dans l'identification des différences et des similitudes entre ces deux langues (ou plus), et ainsi, l'apprenant en déduit des stratégies d'apprentissage (Cuq &Gruca, 2005, p 116)

Pour J-P Robert (2012, p 82), l'interlangue est « un microsystème » que l'apprenant s'est construit à partir de ses acquis en langues source et cible. Pour atteindre cette dernière, il a procédé à la restructuration de la langue cible en utilisant des règles de la langue source.

Gilles Bibeau (1988, pp 11-12) émet des réserves quant à la description de l'interlangue comme une langue intermédiaire entre deux langues, car dit-il, si c'était le cas, on devrait pouvoir isoler son système phonologique, son système morphologique, son système syntaxique et son système lexico-sémantique. Il ajoute que cette notion est difficile à traiter parce que le mot lui-même est biaisant par rapport à ce qu'il tente de recouvrir (un ensemble de structures mixtes) et parce qu'il implique qu'il existe durant l'apprentissage une restructuration permanente des données sous forme de multiples systèmes autonomes successifs jusqu'à la maitrise du système de L2. Ainsi, selon cet auteur, la définition de l'interlangue est problématique. Conçue comme un code, c'est à dire comme un système semblable à celui d'une langue naturelle, elle s'en distingue par au moins trois caractéristiques :

- D'abord son système n'est pas intégré, car l'apprentissage des différents types de structures ne se fait pas au même rythme. En effet, il existe en général un écart entre le niveau de développement en phonologie ou en lexique et le niveau de développement en morphologie ou en syntaxe.

- Ensuite, l'interlangue se modifie constamment au fur et à mesure que l'apprentissage progresse, dans certains cas jour après jour.

- Enfin, l'interlangue est individuelle et non commune. Cette dernière caractéristique constitue à elle seule une objection fondamentale au concept d'interlangue.

Ceci nous conduit à nous interroger sur l'utilité de cette notion quant à la compréhension du phénomène d'apprentissage d'une langue étrangère, ainsi que des modalités de son enseignement. Pour qu'elle le devienne, il faudrait mieux la définir et l'appliquer à des corpus de telle sorte qu'elle ait une valeur descriptive et explicative plus grande. Quoi qu'il en soit, disons que l'interlangue n'est pas une « langue intermédiaire » maisun état de l'apprentissage d'une langue cible par un sujet donné. Elle est individuelle, instable et hétérogène. Instable, parce qu'elle représente, d'une part, un moment dans l'itinéraire d'acquisition de la langue cible, et d'autre part, elle est soumise à des pressions normatives qui tendent à la restructurer et donc de la modifier (Porquier & PY, 2004, p 22). Elle est hétérogène, puisqu'elle entretient des relations avecla langue source et la langue cible. (J-P Cuq, 1996, p 45) 

Dans cette optique, l'erreur est la manifestation de cetétat d'apprentissage instable, non conforme aux normes de la langue cible. L'apprenant peut soit progresser et évoluer vers la langue cible s'il persévère dans son effort d'apprentissage, soit il se fossilise et se fige s'il abandonne toute étude en considérant ses acquis en langue cible comme suffisants à ses besoins. L'erreur est alors considérée à la fois comme une marque de la stratégie d'apprentissage de l'apprenant et un indice de la nature du système linguistique qu'il utilise.

Bien que l'approche contrastive et la notion d'interlangue restent fort abstraites, il est souhaitable que l'enseignant possède cet arrière-plan théorique en étant conscient des réservoirs linguistiques où puise l'apprenant pour construire ses connaissances en langue cible.L'interprétation des erreurs est certes un terrain glissant, puisqu'il demeure l'un des domaines les plus instables de la didactique des langues. Ces difficultés liées à l'analyse et l'interprétation des erreurs pourraient provoquer chez l'enseignant un sentiment d'insécurité, mais cela ne doit pas le détourner de son rôle crucial quant à l'attitude qu'il doive adopter vis-à-vis des erreurs de ses apprenants.

* 82 Gilles Bibeau, 1988, p 10.

* 83 CitéGilles Bibeau, 1988, p 10.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle