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L'erreur dans les réalisations écrites d'élèves marocains. état des lieux de leurs performances écrites, interrogations sur son statut et sur les modalités de sa gestion dans les documents officiels et dans les pratiques d'enseignement.


par Sarah TAMIMI
Université du Maine - Master 2 Didactique des Langues et l’enseignement du FLE  2019
  

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b) La pédagogie par objectifs (P.P.O)

Née aux États-Unis dans les années 70 du siècle dernier, la P.P.O a connu une vogue importante en Europe dans les années 80. Son principe premier veut que tout acte éducatif doitse reposer sur une définition précise des buts et objectifs qu'il s'assigne et les faire partager par l'élève, plutôt que de suivre un « programme » préétabli sans en connaître le sens. Il s'agit d'abord de définir les capacités à atteindre et de décomposer l'objectif global en unités plus simples formulées en termes d'objectifs opérationnels15(*), puis de tracer un plan d'acquisition progressif, et enfin de construire des outils de contrôle des acquis pour mesurer la bonne marche du dispositif.

La P.P.O est fondée sur une conception béhavioriste de l'apprentissage, dont les principales caractéristiques sont :

Ø L'apprentissage est considéré comme un conditionnement et consiste en l'atteinte d'objectifs opérationnels par une succession de couples de stimulus-réponses, c'est à dire le plus souvent à travers une série de questions-réponses.

Ø La connaissance est décomposée et hiérarchisée : la connaissance de niveau supérieur est supposée être le cumul ou la « somme » des connaissances du niveau inférieur. Les connaissances et les habiletés sont exprimées en termes d'objectifs hiérarchisés allant du plus général jusqu'aux micro-objectifs ou objectifs opérationnels traduisant des comportements observables.

Ø L'acquisition des connaissances se fait généralement par transmission car l'élève est guidé à travers les questions de l'enseignant et souvent, ce dernier tente de faire deviner à l'élève ce qu'il veut qu'il trouve (mots inducteurs, début de phrase, ...).

Ø Il y a négociation implicite de ce que Guy Brousseau appelle un « contrat didactique ». Schématiquement, « le contrat didactique, c'est l'ensemble des comportements de l'enseignant qui sont attendus de l'élève, et l'ensemble des comportements de l'élève qui sont attendus de l'enseignant (...) Il s'agit d'un ensemble de règles implicites qui permet de déterminer les rôles respectifs de l'élève et du maitre dans la classe par rapport au savoir. » (K. Bécu-Robinault, p 20)Beaucoup de situations en classe témoignent de cet implicite : par exemple, si le professeur propose un exercice juste aprèsl'exposé d'une notion, alors l'élève sait qu'il convient d'utiliser ce qui vient d'être appris. Cela résulte de l'habitude, du fonctionnement didactique de la classe. Les phénomènes de contrat deviennent subitement visibles, lorsque pour une raison ou une autre, il y a transgression. C'est le cas par exemple du problème dit de « l'âge du capitaine » : Sur un bateau, il ya 26 moutons et 10 chèvres. Quel est l'âge du capitaine ? Ce problèmea été proposé par des chercheurs de l'IREM de Grenoble à 97 élèves de CE1 et de CE2.Parmi les 97 élèves, 76 ont donné l'âge du capitaine en utilisant les nombres figurant dans l'énoncé. « De multiples interprétations ont été proposées, certaines mettant en cause l'enseignement scolaire des mathématiques transformant les élèves en « automaths » pour reprendre la formule de Stella Baruk. Mais on peut aussi interpréter cela, en référence de Guy Brousseau sur le concept de contrat didactique qui renvoie aux attentes et aux comportements, en grande partie implicites, du maitre et de l'élève dans des situations didactiques. Ainsi, les 76 élèves ont donné l'âge du capitaine en se référant aux nombres donnés dans l'énoncé du problème comme s'il était évident pour eux qu'un problème donné en mathématiques devait avoir une solution et que cette solution était constructible à partir des données chiffrées du problème. » (Y. Reuter, 2013, chapitre 4, p 85).

Ø D'autres phénomènes didactiques liés au contrôle du contrat didactique et de la transposition didactique ont été mis en évidence par le didacticien Guy Brousseau.16(*) Le plus simple d'entre eux est ce qu'il a appelé « l'effet Topaze », par analogie avec la dictée du texte de Marcel Pagnol : le maitre (Topaze) fait une dictée à un mauvais élève. Ne pouvant pas tolérer trop d'erreurs grossières et ne pouvant pas non plus donner directement l'orthographe demandée, il essaie par diverses manoeuvres de suggérer la réponse en la dissimilant sous des codages didactiques de plus en plus transparents : « ... des moutons étaient réunis dans un parc ... », l'élève ne met pas « s » à moutons et « ent » à « étaient », il s'agit pour l'élève d'un problème d'orthographe et de grammaire ... « des moutonsses étai-hunt ... » Le problème est complètement changé. Devant les échecs répétés, Topaze mendie une marque d'adhésion et négocie à la baisse les conditions dans lesquelles l'élève finira par mettre ce « s ». Il finira, pour aboutir au résultat attendu, par prononcer le « s » muet. Ce « s », rajouté par l'élève ne signifie sans doute pas grand-chose en termes d'apprentissage grammatical mais le maitre fera comme s'il résultait vraiment d'une soudaine compréhension de l'élève. C'est ce phénomène qui se produit le plus souvent lorsque le maitre souffle à l'élève le début ou la moitié de la réponse, ou encore lorsqu'il utilise des mots inducteurs pour rendre la réponse plus transparente. Lorsque le maitre prend à sa charge l'essentiel du travail de l'élève, l'acte d'enseignement risque de s'effondrer complètement.

Dans cette pratique pédagogique, le rôle de l'enseignant consiste en l'acheminementde l'élève d'un état initial de connaissance vers l'objectif visé en lui aménageantdes étapes intermédiaires graduées du simple au complexe, qui l'amène progressivement vers l'étape finale. Chacune de ces étapes comporte une petite difficulté que l'élève est invité à surmonter à travers une série de questions relativement faciles préparées par l'enseignant.

L'erreur dans ce modèle a également un statut négatif, et pour reprendre la terminologie utilisée par J-P Astolfi, elle est considérée comme une « bogue »17(*). Elle est certes regrettée et doit être évitée, mais ce n'est pas uniquement la connaissance ou l'élève qui sont en cause, c'estplutôt et surtout la progression de l'apprentissage : l'erreur est mise « à charge du concepteur de programme et de sa capacité à s'adapter au niveau réel de ses élèves. » (J-P Astolfi, 1997, p 13)

Pour les modalités de gestion des erreurs, on fait appel à des taxonomies (la taxonomie de Bloom avec ses 6 niveaux : connaissance, compréhension, application, analyse, synthèse, évaluation), et on distingue plusieurs niveaux de traitement des erreurs selon le type de connaissances mises en jeu :

Ø Les connaissances déclaratives (niveau 1 da la taxonomie de Bloom): ce sont des connaissances portant sur des savoirs donnés, des faits. Leur contenu est verbalisable et peut être déclaré, comme par exemple certaines règles de grammaire, d'orthographe ou de conjugaison.

Ø Les connaissances procédurales (niveaux 2, 3 et 4) : ce sont les connaissances sur la façon de faire les choses et sont difficilement verbalisables. Elles portent sur les savoir-faire. Par exemple, comment apprendre ? Les règles d'accord du participe passé qui demandent dans certains cas une double inférence, c'est à dire une procédure transitive au sens mathématique du terme, sont également de ce type.

Ø Les connaissances conditionnelles (niveaux 4 et 5) : elles demandent des capacités logiques d'organisation, d'analyse et de synthèse, comme la distinction données-objectifs, la disponibilité des connaissances et leur articulation, la conduite des procédures, etc. Elles indiquent à quel moment et pourquoi on doit faire appel à tel type de savoir ou savoir-faire. Elles se rapportent donc à la capacité de mobiliser les connaissances, à les transférer ou à les réinvestir. Par exemple, écrire un texte sur un thème donné, faire un compte-rendu d'une visite guidée, résumer un texte, etc.

Les remédiations sont généralement différenciées selon le type d'erreurs :

§ Réapprendre la leçon dans le cas des erreurs au niveau des connaissances déclaratives.

§ Proposer une batterie d'exercices d'application ou des exercices d'entrainement gradués pour les erreurs de savoir-faire.

§ Pour les erreurs des niveaux 4 et 5 (analyse et synthèse), on tentera d'expliquer des démarches, les faire fonctionner dans diverses situations,multiplier des situations problématiques en vue d'analyser des procédures efficaces, etc.

Les critiques adressées à cette pratique pédagogique sont nombreuses, entre autres :

§ On néglige l'aspect global des connaissances : ce n'est pas parce que l'élève sait faire des tâches intermédiaires qui lui sont proposées qu'il sait faire l'intégralité de la tâche.

§ Les erreurs sont certes évitées, « puisque toute la programmation didactique en petites marches est conçue pour les contourner. Mais c'est au prixd'un parcours étroitement guidé et pré-jalonné, qui ne préjuge en rien de l'autonomie actuelle qu'aura acquise l'apprenant ... quand on enlèvera l'échafaudage ! » (J-P Astolfi, 1997, pp 14-15). En d'autres termes, quand l'élève travaillera tout seul, il est fort probable qu'il ne se tirera pas si facilement, puisqu'il est habitué à être encadré et guidé.

§ Les cheminements tracés d'avance sont imposés et supposés valables pour tous les élèves.

§ On néglige la compréhension au profit du conditionnement, l'habitude et l'automatisme.

§ On renonce à comprendre le mental et on néglige les activités mentales ne pouvant pas s'exprimer en termes de comportements observables. Les états internes apparaissent passifs comme pour l'approche traditionnelle et les représentations des élèves sont généralement peu prises en compte : « Le problème du béhaviorisme, c'est (...) qu'il s'interdit, par méthode, de s'intéresser à ce qui se joue au sein de la boîte noire. » (J-P Astolfi, 1997, p 14). En dépit de ces critiques, la PPO a au moins permis la rationalisation du processus d'enseignement/apprentissage puisque l'on sait où l'on va (objectifs). Elle a également permis la mise en évidence des critères d'évaluation.

* 15Un objectif opérationnel est la description d'un ensemble de comportements observables dont l'élève doit se montrer capable pour être reconnu compétent. Ces objectifs sont généralement classés selon leur complexité cognitive, par référence à une taxonomie comme celle de Bloom.

* 16 Guy Brousseau, 1998, pp 52-57

* 17 Traduction française du terme informatique anglo-saxon « bug » qui signifie erreur ou défaut dans un programme informatique.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle