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La marque de l'impermanence dans les expositions du palais de Tokyo

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par Thomas Bizien
Université Paris III - Sorbonne Nouvelle - Master 1 de médiation culturelle 2010
  

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III.2.b - L'obsolescence technologique

Daniel Dewar & Grégory Gicquel présentait à deux reprises À pour l'exposition Granitoïd trans goa rascal koï koï (2007) et l'exposition hors les murs Château de Tokyo, Palais de Fontainebleau (2008) À la reproduction réaliste d'une voiture de sport. Taillé de leurs mains dans le granit, ce véhicule préhistorique imposait une forte présence aux espaces. Relique d'un passé révolu, cet élément perturbateur contaminait et accélérait la marche de l'histoire. En s'approchant, le spectateur pouvait voir des cisailles, des césures qui rendaient l'édifice en ruine. Monument dédié à la technologie industrielle des années 80, Mason Massacre134 proposait un basculement du réel entre des polarités temporelles différentes. La pointe technologique d'hier fait aujourd'hui passer ces engins, selon le mot de Robert Smithson, pour « des créatures préhistoriques enlisées dans la boue, ou mieux encore à des machines disparues, des dinosaures mécaniques écorchés135 ». Le Palais de Tokyo accompagnait d'ailleurs une de ces expositions par une citation de Marcel Duchamp : « Le rapport a/b est tout entier non pas dans un nombre c tel que a/b=c mais dans le signe (/) qui sépare a et b ». La voiture de granit de Daniel Dewar & Grégory Gicquel était cette barre de fraction, le signe d'une transformation, l'opérateur de renversement. Elle représentait ce point de rupture, cette scission temporelle entre un passé révolu et un avenir déjà ruiniforme.

133 Lawrence Alloway, The Independent Group, MIT Press, 1955

134 Fig. #47

135 « Une visite aux monuments de Passaic » in Robert Smithson, une rétrospective, RMN, 1994

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Pour l'exposition d'ouverture du mandat de Marc-Olivier Wahler, Cinq milliards d'années, Marc Handfort était invité à présenter Honda136 (2002). Au centre de la grande verrière, une moto était couchée sur le coté. Dessus, l'artiste disséminait d'innombrables bougies de couleurs qui se consommaient sur son flanc. La bougie, symbole de la fuite du temps, immolait progressivement dans sa cire l'appareil, de tel sorte que ses capacités motrices se trouvèrent vite annulées. Immobilisée, la moto annonçait comme l'inéluctable déclin technologique, un temps anticipé qui verrait la fin des flux motorisés. Ces bougies pouvaient aussi faire penser à un autel improvisé. Comme si des hommes du futur avaient retrouvé ce vestige contemporain, ils le plaçaient en éloge, en relique de notre temps dépassé. Le Palais de Tokyo proposait un récit similaire lorsqu'il invitait en 2010 le collectif d'artiste KIT à organiser une exposition dans l'espace de ces modules. À cette occasion était présenté un travail de Yann Gerstberger, Hotel Gogodola Paris Executive Suite. Comme un totem amérindien, l'artiste créait une forme anthropomorphe avec des objets de récupérations. Des tuyaux d'arrosages formaient des bras, une plaque de carton un nez. Le tout était assemblé avec du grossier adhésif gris. Invitant à la révérence, cette oeuvre semblait aussi bâtie par des êtres du futur, comme en gloire à un passé industriel révolu. Elle évoquait le souvenir d'une puissance aux reliques dissimulées.

La discordance technologique était aussi le sujet de l'exposition de Luc

Kheradmand. Dans l'espace d'un module, l'artiste présentait sa vidéo Postvsnow III137 (2009-2010), un écran plasma ne présentant apparemment d'autre image que celle d'une neige cathodique sur fond noir. L'artiste donnait simplement à voir des nuages vidéo, une poussière électronique où s'évanouissaient les formes. Phénomène visuel propre à l'absence de signal vidéo À précisément révolu depuis l'apparition des écrans plasma À l'oeuvre se présentait comme un anachronisme technologique. L'artiste reconstituait en image de synthèse l'image archaïque d'un irréel présent, puis le faisait lire sur cet écran « nouvelle génération ». Par la confrontation d'hier et d'aujourd'hui, par l'évocation de l'après et d'un maintenant - post versus now À cet écran s'installait dans une faille temporelle et démontrait par l'impermanence technologique, son obsolescence.

136 Fig. #48

137 Fig. #49

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