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Les transformations métropolitaines de Marseille

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par Grégoire Cizeron
Université Paris-Est Marne la vallée - Master Urbanisme, aménagement, transport spécialité stratégies métropolitaines 2013
  

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Institut Français d'Urbanisme

Master Urbanisme, Aménagement, Transport Spécialité Stratégies Métropolitaines

Promotion 2013 - 2014

Les transformations métropolitaines de Marseille

Les liens entre le projet urbain Euroméditerranée,

la Capitale Européenne de la Culture MP 2013

et l'émergence de la métropole Aix- Marseille-Provence.

Grégoire Cizeron

Sous la direction de Gwendal Simon

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Institut Français d'Urbanisme

Master Urbanisme, Aménagement, Transport Spécialité Stratégies Métropolitaines

Les transformations métropolitaines de Marseille

Les liens entre le projet urbain Euroméditerranée,

la Capitale Européenne de la Culture MP 2013

et l'émergence de la métropole Aix- Marseille-Provence.

Grégoire Cizeron

Sous la direction de Gwendal Simon

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Remerciements

Je tiens avant de commencer ce mémoire à remercier tous ceux qui m'ont aidé dans mon travail.

Je remercie dans un premier temps mes enseignants qui m'ont donné les clés pour mieux comprendre les enjeux métropolitains, mon directeur de mémoire Gwendal Simon qui m'a guidé des débuts à la fin de mes recherches.

Je suis aussi très reconnaissant envers mes enseignants qui m'ont accompagné les premières années de mon parcours universitaire. Mes professeurs d'IUT m'ont fait prendre connaissance des spécificités de l'aire urbaine marseillaise. Parmi ceux-ci je remercie tout particulièrement Maurice Olive, avec lequel j'ai pu discuter durant mon mémoire et qui m'a donné une vision critique des transformations que connait le territoire.

Je tiens aussi à remercier chaleureusement toutes les personnes que j'ai rencontrées. Que ce soit pour le projet Euroméditerranée ou Marseille-Provence 2013, les précisions et les éclairages que ces professionnels m'ont apportés ont été d'une grande aide et ont guidé mon analyse. Je tiens a remercier tout particulièrement Ulrich Fuchs pour le temps qu'il m'a accordé, son sens pédagogique et les contacts qu'il m'a donnés.

Enfin je remercie ma famille qui m'a soutenu tout au long de mon travail et mes proches qui m'ont encouragé. Je suis aussi reconnaissant envers mes cousins marseillais, les amis que je me suis faits lors de mes années d'études à Aix-en-Provence et tout ceux qui m'ont fait aimer cette belle ville qu'est Marseille.

6

7

La montée en puissance des métropoles est un fait mondial qui accompagne les phénomènes de globalisation et de mondialisation. Renvoyant à différentes définitions, le terme de métropole réfère à plusieurs dimensions. Administrative, fonctionnelle ou de projet, la métropole peut revêtir plusieurs formes ; pourtant celles-ci sont bien différentes et ne répondent pas aux mêmes critères. Compliquée à analyser, la métropole du XXI° siècle se caractérise néanmoins comme un pôle urbain, réunissant différentes activités et fonctions de premier rang lui permettant ainsi de rayonner et de polariser un large territoire.

Dans un contexte de crise de l'État nation, de crise économique et de tertiarisation de l'économie, les aires urbaines sont aujourd'hui de plus en plus prisées et sont amenées à continuer à l'être. Entrainant une périurbanisation de plus en plus importante, ces aires urbaines grandissantes, souvent en « tache d'huile » peinent à faire coïncider les périmètres fonctionnels et administratifs. Pourtant le défi est bien réel, et les dysfonctionnements territoriaux concernent de plus en plus de citoyens.

Dans ce cadre là et dans une volonté de réformer l'action territoriale l'État français a lancé depuis 2010 un acte III de la décentralisation ; en reformant l'action territoriale, notamment en encourageant le développement de nouveaux échelons, plus « adaptés » à la réalité territoriale des grandes villes, en imposant pour le 1er janvier 2016 la création de métropoles, à travers la loi MAPTAM, l'État français tend à porter et à favoriser la coopération territoriale des grandes villes françaises.

Marseille et son aire urbaine n'échappent pas aux phénomènes d'étalement urbain et aux dysfonctionnements que ceci engendre. Confronté à de graves problèmes socio-économiques, le gouvernement a voulu la doter d'un statut particulier, tout comme pour Lyon et Paris. La future métropole d'Aix-Marseille-Provence sera créée à partir de la fusion des 6 EPCI dont une commune au moins est située dans l'aire urbaine de Marseille. Elle exercera globalement les mêmes compétences que les métropoles de droit commun, sera dirigée par un Conseil de Métropole et divisée en territoires qui seront dotés de Conseils de Territoire. Ces derniers rendront compte des spécificités locales et présenteront leur avis sur les délibérations importantes et pourront se voir déléguer des compétences par la métropole.

Pourtant la métropole est loin d'être une évidence pour l'ensemble du territoire, et celle-ci fait débat depuis l'annonce de sa création. Afin de mieux comprendre l'étendue des débats et les velléités de certains pour adhérer à la métropole, il convient de retracer l'histoire de l'intercommunalité à Marseille. Nous verrons ensuite qui sont les anti-métropolitains et quels sont les facteurs de blocages de cette métropole avant de réellement rentrer dans le sujet de ce mémoire. Ce mémoire porte sur les transformations métropolitaines de Marseille et cherche à savoir comment le projet urbain Euroméditerranée et le projet Marseille-Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture, permettent de faire rentrer Marseille et son aire urbaine dans une dimension métropolitaine.

8

Les prémices d'un « grand Marseille » vont naitre au début du XX° siècle avec la volonté des grands acteurs économiques de la ville, notamment la Chambre de Commerce, de doter la ville et le port d'une gouvernance adaptée à son ambition : à l'époque le port est le 1er port de la Méditerranée et le 4 ème mondial. Cependant le port ne profite pas pleinement de la 2ème révolution industrielle, et la ville ne parvient à s'installer sur le territoire proche. Les profits vont se diriger vers les communes avoisinantes et Marseille ne parviendra pas à rassembler.

Les premières tentatives de regroupement institutionnel à Marseille et dans sa région urbaine sont ensuite menées sous l'impulsion de l'État dans le cadre des politiques d'aménagement du territoire. Alors que des communautés urbaines sont imposées à Lyon, Bordeaux, Lille et Strasbourg, le maire de Marseille de l'époque, Gaston Defferre (Maire de Marseille de 1953 à 1986), refuse la proposition de l'État prétextant l'étendue du territoire de la ville de Marseille. La volonté de ce dernier était surtout ne pas perdre le contrôle du territoire face aux mairies communistes et de droite avec qui Marseille aurait du constituer une communauté urbaine.

En tant que métropole d'équilibre Marseille est tout de même dotée d'un OREAM. Cet organisme est chargé d'élaborer un schéma d'aménagement pour 59 des 119 communes du département. Celui-ci est toutefois peu suivi d'effets. Dès 1969 et l'approbation du schéma, celui-ci est décrié en raison de ses projections démographiques démesurées, et en 1975 ces objectifs sont revus à la baisse et les «villes nouvelles» proposées par le schéma sont refusées par la plupart des maires. La décentralisation qui s'opère dans les années 1980 va être suivie d'une urbanisation « anarchique » en totale opposition des prévisions de l'OREAM.

En 1992, la loi ATR, loi sur l'Administration Territoriale de la République, va permettre à Marseille de se constituer avec 20 communes en Communauté de communes ; la création de Marseille Provence Métropole est rendue possible car Gaston Defferre n'est plus maire de Marseille. En 1999, la loi Chevènement accentue le regroupement intercommunal en imposant la continuité territoriale et le renforcement des compétences lors du passage en communauté urbaine. Cependant Aix-en-Provence et Aubagne refusent de constituer une communauté urbaine avec Marseille, et vont donc constituer leur propre communauté urbaine en opposition à MPM. Le territoire de l'aire urbaine apparait alors divisé et est composé de 6 EPCI.

En 2004, la DATAR va relancer le processus de métropolisation à travers un « Appel à Coopération Métropolitaine », qui se fixe comme objectif la définition d'un projet métropolitain devant aboutir à la signature d'un contrat. Bien qu'aucun contrat ne soit signé, et que le mode de coopération reste conflictuel, l'ACM va permettre aux différentes intercommunalités d'échanger et de mieux se connaitre.

En 2010, l'adoption de la loi de réforme des collectivités territoriales conduit l'agglomération marseillaise à envisager la création d'une « métropole » aux compétences renforcées. Mais la cité phocéenne n'opte pas pour cette formule et préfère discuter de la mise en oeuvre d'un pôle métropolitain.

9

L'arrivée au pouvoir des socialistes en 2012 va être marquée par l'accentuation de la loi MAPTAM. L'État s'engage à développer une entité institutionnelle pour les trois principales agglomérations françaises. Il choisit de différencier l'architecture des pouvoirs locaux en fonction du contexte géopolitique, introduisant une dissymétrie territoriale ; l'État oblige Marseille et son aire urbaine de se doter d'une métropole à statut particulier. Une volonté d'accentuer les compétences de la future métropole va alors être mise en avant ; Jean-Marc Ayrault lors de sa visite à Marseille appelle les collectivités et acteurs locaux à « sortir des paralysies, des jeux personnels, pour mobiliser tous les acteurs ».

Figure 1 : Le périmètre de la métropole Aix-Marseille-Provence et les 6 EPCI concernés

Source : AGAM

Si de nombreux élus Marseillais se rallient et soutiennent le projet du gouvernement tout comme des acteurs publics (la CCIMP par exemple) et des personnalités de la société civile, comme les universitaires Jean Viard et Jacques Boulesteix, la mise en place d'une métropole est loin de faire l'unanimité sur l'ensemble du territoire. Une large coalition d'acteurs, rassemblant 109 des 119 maires concernés, va se former en opposition au projet de loi du gouvernement. Ces élus, principalement issus de communes rurales, sont emmenés par la maire d'Aix-en-Provence et par le président du Conseil Général.

« Aujourd'hui les conditions préalables ne sont pas réunies pour une métropole apaisée, pourtant celle ci verra le jour au 1er septembre 2016 » 1 .

1

entretien avec V. Fouchier, 14 janvier 2015.

Ce refus de coopération des communes périphériques est dù à différents facteurs et contrarie et limite les stratégies métropolitaines. Au-delà des conflits politiques et des fractures sociologiques qui caractérisent la métropole, le refus de coopération de la part des communes périphériques peut être interprété diversement. Il peut relever d'une volonté de garder des compétences en matière de planification urbaine, d'un moyen de protéger une identité spécifique qui risquerait d'être laminée par la position hégémonique de Marseille, d'un refus d'être associé à l'image de Marseille, ou encore du refus de participer au financement global des projets économiques et sociaux. La construction des périmètres intercommunaux exprime, en effet, des affinités politiques ou fiscales.

Les anti-métropolitains critiquent dans un premier temps une « vision technocratique et monolithique d'une métropole centralisée, irréaliste et dangereuse » et refusent une «structure unique qui prendrait toutes les décisions » 2 . Persuadés que la loi ne prend pas assez en compte les spécificités du territoire et la dualité de l'aire urbaine, les anti-métropolitains vont alors s'engager dans un bras de fer avec l'État. En négociant les contours et compétences de la future institution métropolitaine, les opposants au projet de loi cherchent à minimiser le rôle intégrateur de celle-ci. Tout en contestant l'intérêt d'une fiscalité unique qui favoriserait Marseille au détriment des communes environnantes, les anti-métropolitains sont aussi très hostiles à la non-personnalisation juridique des territoires.

Pour marquer leur opposition, les anti-métropolitains vont boycotter dés 2012 les « conférences métropolitaines », un important forum organisé par les porteurs du projet métropolitain, la mission interministérielle pilotée par le préfet Théry. Mais ils vont aussi, en février 2013, proposer un contre-projet basé sur des concepts tels que les pôles ou l'inter-territorialité. Soutenant une version métropolitaine très en-dessous du gouvernement, les anti-métropolitains proposent la mise en place d'un Etablissement Public Opérationnel de Coopération. Celui-ci ne disposerait que de trois compétences obligatoires : l'organisation des transports collectifs métropolitains, le développement économique et l'aménagement du territoire, et la protection de l'environnement.

Évoluant en fonction et favorisant le consensus, le projet de loi du gouvernement est revu à la baisse et des garanties sont données quant à la préservation du pouvoir des maires et des intercommunalités. Une partie des anti-métropolitains est pourtant toujours opposée à la métropole.

Bien que la réussite de la réforme tienne à l'appropriation du projet et des compétences par les élus, plusieurs projets poussant et encourageant la construction métropolitaine ont été montés sur le territoire ces dernières années. Je pense notamment à deux projets en particulier : l'opération urbaine Euroméditerranée et le projet culturel Marseille Provence 2013.

Je chercherai donc à savoir dans quelles mesures les projets Euroméditerranée et Marseille Provence 2013 sont deux projets de dimension métropolitaine, et si ils permettent d'enclencher un projet de territoire pour débloquer la future métropole Aix-Marseille prévue par la loi MAPTAM.

2 N. Douay, Aix-Marseille-Provence : accouchement d'une métropole dans la douleur, Métropolitiques

10

11

Afin d'ancrer mon mémoire dans un contexte universitaire et de le rattacher à un cadre spatio-temporel, je ferai dans un premier temps le parallèle entre la cité phocéenne et d'autres villes méditerranéennes en mutation. En étudiant les similitudes et les changements que connaissent des villes comme Bilbao, Barcelone, Valence ou Gênes, je fais l'hypothèse qu'il existe aujourd'hui un mode de faire dans les projets urbains méditerranéens. Je verrai donc comment depuis quelques années s'est développé un « water-front attitude » dans ces villes et me pencherai sur les buts poursuivis par ces opérations de reconquête des fronts de mer.

Une fois ce travail de synthèse réalisé, je m'intéresserai plus en détail à Marseille et à son projet urbain. Impulsé par l'État en 1995 avec la participation des acteurs locaux, je fais l'hypothèse que le projet Euroméditerranée a permis de redynamiser Marseille et l'ensemble de l'aire urbaine. En prenant place sur un territoire arrière-portuaire en perte de vitesse, j'analyserai à travers mon développement comment le projet Euroméditerranée permet une régénérescence urbaine et économique à Marseille et comment les relations ville-port sont réinventées. Prenant pour hypothèse que le nouveau quartier modifie considérablement les fonctions du territoire dans lequel il s'implante tout en étant une vitrine métropolitaine j'essayerai de voir comment l'image et l'imaginaire de la ville sont réinventés. Enfin je me pencherai sur le mode de gouvernance de l'EPAEM, et souhaite aussi voir dans quelle mesure Euroméditerranée est un accélérateur de métropole.

Après avoir étudié le projet Euroméditerranée je me pencherai sur MP 2013, car ce projet a aussi marqué la ville méditerranéenne et le territoire. L'année 2013 et le projet MP 2013 sont en effet pertinents si l'on s'attache au dynamisme, au rayonnement, à l'attractivité et aux effets produits pour le territoire de l'aire urbaine. Je fais l'hypothèse que MP 2013 a permis de rassembler le territoire métropolitain autour d'un seul et même projet commun tout en favorisant la coordination entre les acteurs de territoires. Je fais aussi l'hypothèse que les effets d'images entrainés et induits par l'événement et les synergies créées par celui-ci sont pour Marseille et la future métropole très positifs.

Afin de raccrocher mon travail dans le contexte actuel, et en me basant sur les études produits par la mission interministérielle, je finirai mon mémoire en montrant quelles sont les pistes et les autres projets de territoires pouvant rassembler le territoire métropolitain.

12

Notes méthodologiques

J'ai choisi pour réaliser mon mémoire de baser ma réflexions sur plusieurs sources. Dans un premier temps mon travail s'appuie sur une analyse des divers documents écrits : j'ai pour ceci recueillis de nombreuses études universitaires, des articles de chercheurs mais aussi des documents institutionnels que j'analyse tout au long de ma démonstration. Afin d'accomplir un travail complet j'ai cherché à étendre au maximum le champ d'auteurs et d'institutions.

Dans un second temps, j'ai décidé pour appuyer ma réflexion de procéder à des entretiens d'acteurs du territoire. Ceux-ci, préparés et conduits selon un guide défini en amont et adaptés à chaque personnes rencontrés, ont étés un moment fort de mon travail. Identifiant des personnes ressources que j'ai ensuite contacté, mon mémoire se base et prend du volume grâce aux propos que j'ai recueillis. Les acteurs rencontrés ont apporté des éclairages et une vraie plue-value à mon travail.

J'ai choisi de recourir à ce type de sources afin de mieux analyser les projets étudiés et pour mieux percevoir les enjeux de ceux-ci. Les entretiens m'ont aussi paru très intéressant pour recueillir et confronter les différentes opinions, discours et avis sur les thèmes principaux de mon mémoire, notamment sur les deux projets étudiés.

En mêlant analyse documentaire et point de vue d'acteurs du territoires je compte produire un travail, s'appuyant sur une solide base documentaire, tout en étant lié à l'actualité territoriale.

Sommaire

1. Une uniformisation des projets de renouvellement urbain dans les

métropoles sud-européennes 15

A. Points communs et histoire des villes portuaires 16

A. Les relations entre les villes et leurs ports, au niveau urbain en Méditerranée 16

B. Les grands ports méditerranéens : crise socio-économique et renaissance 18

B.

« Waterfront attitude »

21

 

A.

Des programmations et des styles architecturaux similaires

21

 

B.

Un espace public pacifié et aseptisé

24

C.

Des stratégies de rayonnement et d'attractivité

27

 

A.

Des événements déclencheurs

27

 

B.

Starchitecture, rayonnement de la ville et attrait de touristes

29

 

D.

Des modes de faire spécifiques et un urbanisme de projet

33

 

A.

Entrepreunarialisme urbain et implication du secteur privé

33

 

B.

Gouvernance et coopération entre pouvoirs publics

35

 

2. Euroméditerranée : un projet urbain pour une nouvelle centralité

métropolitaine 39

A. Une volonté de rapprocher la ville de sa mer et de son port 40

A. Histoire du port, de la ville de Marseille et des liens existant 40

B. Un espace arrière portuaire en crise 44

C. Volonté d'État et de la ville de redynamisation de l'espace arrière-portuaire :

naissance d'un projet 46

B. Un nouveau morceau de ville pour la métropole ? 49

A. Teneur du projet et objectifs initiaux 49

B. Un projet urbain segmenté en opérations 52

C. Des espaces publics réaménagés 57

C. Une vitrine métropolitaine en front de mer : la ZAC de la Cité de la Méditerranée

60

A. Importance des activités de loisirs 60

B. Une nouvelle skyline composée d'objets monde pour rayonner 62

C. Le J4 un objet culturel qui manquait à la métropole. 63

D. L'EPAEM : un jeu d'acteurs complexe dans une métropole complexe 66

A. Mode de Gouvernance de l'EPAEM 66

B. Liens avec les autres acteurs publics et privés 69
13

14

3. MP 2013 : un événement culturel rassemblant la métropole et rendant le

territoire attractif 73

A. Un projet culturel de territoire 74

A. Grands objectifs et buts poursuivis par le projet 74

B. Marseille-Provence, une candidature nécessaire suivie par l'ensemble du territoire

B.

Un événement public, qui s'inscrit dans un cadre de vie amélioré

76

79

 

A.

Des événements publics s'inscrivant dans des espaces rénovés

79

 

B.

La redécouverte du territoire et du centre ville par ses habitants

81

C.

Une image changée et une attractivité retrouvée

86

 

A.

Changement de l'image de Marseille pour les touristes

86

 

B.

Une stratégie et une offre touristique adaptées et revues en profondeur

90

 

D.

Un événement catalyseur...

94

 

A.

É Suivi par le monde économique

94

 

B.

...Déclencheur d'investissements publics

96

 

C.

É Créateurs de synergies et pérennisation

99

 

Conclusion et pistes pour le projet métropolitain 103

Bibliographie 107

Liste des personnes rencontrées 110

Liste des abréviations 111

Listes des figures, tableaux et cartes 112

ANNEXES : 113

1. Une uniformisation des projets de renouvellement urbain dans les métropoles sud-européennes

La Méditerranée est l'un des berceaux de la civilisation moderne. Aujourd'hui et depuis la nuit des temps la région se trouve au centre des relations entre l'Europe, le Moyen Orient et l'Afrique. Bordée par 23 pays, la Méditerranée est la porte principale, et naturelle, des échanges entre Orient et Occident. Diversifié et compliqué à définir, le terme « Méditerranéen » renvoie à beaucoup d'images et bien que celles-ci partagent des points communs, beaucoup sont divergents et ne permettent pas de définir à proprement parler une civilisation méditerranéenne. Deux remarques sur la Méditerranée peuvent être portées :

« La Méditerranée est un espace complexe, insaisissable si on le dissocie, et c'est une réalité - constituée de matérialité mais aussi d'une immatérialité porteuse de sens- qui siège définitivement dans l'imaginaire social. » 3

Renvoyant donc à une culture partagée et à des images communes, le terme prend son importance lorsque l'on s'intéresse aux villes du pourtour méditerranéen. Produits de l'histoire et des échanges, les villes méditerranéennes peuvent se prévaloir de différentes origines.

Mais là encore des différences et des similitudes caractérisent les espaces urbains du bassin méditerranéen ; afin d'étudier et de comparer des villes « semblables » à Marseille, nous nous focaliserons sur les villes Européennes du bassin méditerranéen et principalement celles de pays voisins à la France afin de limiter le champ de recherche. Dans ce cadre là, les villes de Barcelone, Gênes, et Valence sont retenues. Bien que n'étant pas situées sur le pourtours méditerranéen Bilbao et Lisbonne pourront aussi être étudiées en raison de leur proximité avec la Méditerranée et leurs similitudes avec Marseille.

Nous chercherons dans ce cadre à savoir s'il existe aujourd'hui, dans un contexte de montée en puissance des villes, une uniformisation des projets urbains dans ces villes, quels sont les buts poursuivis par les opérations d'urbanisme, et comment elles sont mises en oeuvre.

3X.Casanovas,G.Nourissier, J.Reguant, Architecture Traditionnelle Méditerranéenne, p.1.

15

A. Points communs et histoire des villes portuaires

Avant d'étudier les différents projets urbains, intéressons nous aux villes méditerranéennes et aux ports présents dans celles-ci. Je tenterai d'analyser les points communs entre ces villes maritimes et chercherai à percevoir les liens existant entre elles et leurs ports. Ensuite nous verrons dans quelle mesure les ports des villes sélectionnées se ressemblent, notamment en raison des crises et problèmes qu'ils ont rencontrés à partir des années 1970.

A. Les relations entre les villes et leurs ports, au niveau urbain en Méditerranée

Historiquement les villes maritimes du pourtour méditerranéen ont été, depuis l'antiquité des lieux d'échanges, propices au commerce, au développement des arts, mais aussi des lieux de conflits ayant vu différentes influences culturelles s'imposer à elles. Ne pouvant résumer la situation des villes méditerranéennes, nous pouvons nous appuyer sur cette citation de Claude Chaline pour éclaircir la situation :

« Produits cumulés d'héritages historiques particulièrement denses et qui ont vu, maintes fois, se déplacer les centres de gravité économiques et culturels, entre cités à la fois rayonnantes et polarisatrices » 4 .

Les villes méditerranéennes et leur importance ne peuvent donc se comprendre sans leur cadre culturo-temporel. Celui-ci est nécessaire pour appréhender ces villes et l'influence qu'elles exercent.

Un autre point commun de ces villes est la superposition des différentes strates urbaines :

« Il y a dans chaque ville une exceptionnelle stratigraphie et ça fait ressortir les permanences qui donnent origine à chaque genius loci. On peut dire que dans la ville de la Méditerranée le conditionnement de l'histoire est très fort (É) elle assume sa propre connotation parce qu'elle devient une zone urbaine avec des remaniements continus, croissances, expansions en nombre des étages et en densité d'habitations etc...Voilà la raison du caractère similaire des villes méditerranéennes » 5 .

Les villes méditerranéennes trouvent donc comme point commun une importante superposition de différentes strates urbaines.

L'autre élément qu'il est essentiel de prendre en considération lorsque l'on s'intéresse à ces villes est la présence d'un port et l'importance de celui-ci. En effet les lieux aménagés sur le littoral méditerranéen pour recevoir et abriter les bateaux et leur permettre de charger et de décharger ce qu'ils transportent, ont eu une grande influence sur les villes. Que ce soit pour l'ouverture de nouvelles routes commerciales ou pour le départ de croisades les ports européens de la Méditerranée ont vu leur importance changer selon les époques et ont permis aux villes de se développer et de rayonner sur un large territoire. L'exemple de Gênes est par là frappant :

4 Claude Chaline, L'urbanisation et la gestion des villes dans les pays Méditerranéen, p.7.

5 Teresa Colletta , Une réflexion sur l'esprit du lieu de la ville méditerranéenne, p.1.

16

17

« Au XI ème siècle, elle imposa sa présence maritime sur les côtes méditerranéennes et devint une grande cité commerciale. Ville médiévale surnommée La Superba elle devint au XVI ème siècle une République, ce qui renforça sa richesse, son influence et son aristocratie. Au fil des siècles, de grandes familles ont tenu les rênes du développement financier et commercial » 6.

Les ports ont donc permis aux villes de rayonner sur un territoire plus ou moins vaste, mais ils ont aussi influencé l'espace urbain chacun à leur manière.

Cependant quelques caractéristiques communes peuvent se retrouver. Jusqu'au XIX°/XX° siècle l'économie maritime ne nécessitait pas autant de place et d'espaces qu'aujourd'hui. Les ports étaient directement reliés à la ville pour faciliter le transport et le commerce des marchandises. L'étude des plans des villes de Barcelone, Valence et de Gênes nous montre ainsi des similitudes au niveau de la morphologie urbaine de ces villes. Les tissus urbains anciens, riches de patrimoine et composés de différentes strates sont à proximité directe des « vieux-ports ». Nous pouvons le remarquer avec le cas de Barcelone.

Figure 2 : Plan du centre ville de Barcelone

Source : Google maps

Les villes méditerranéennes se sont développées historiquement autour de leur port et sans rupture avec ces derniers aussi pour une raison topographique : l'espace littoral limité parfois par le relief a généré une forte compression de la ville sur le rivage.

6 Si tout les ports du monde, Site officiel, Gênes.

Si l'on s'intéresse désormais plus à une période précise de l'histoire, en prenant pour point de départ la révolution industrielle, nous pouvons nous rendre compte que celle-ci a marqué les villes et les ports méditerranéens. Modifiant totalement les moyens de transports grâce aux avancées techniques, et par là l'économie maritime, la révolution industrielle a entrainé dans la quasi totalité des cas une séparation croissante entre l'espace urbain proprement dit et son port (voir graphique complémentaire n°1 placé en annexe). Cette dissociation spatiale se comprend et s'explique par le besoin d'espace et de nouvelles infrastructures que les évolutions de l'époque exigent. « De fait, la quête d'espace conduisit progressivement les ports à s'échapper du territoire urbain » 7 .

Marquant donc les relations ville-port et entrainant une accélération du commerce maritime en méditerranée la révolution industrielle et le XIX° siècle ont conduit les ports à s'insulariser par rapport aux villes, et à développer des activités industrielles autour de ceux-ci.

Bien que le développement industriel ne soit pas le même selon les villes choisies, cette influence de l'industrialisation peut se retrouver dans les villes méditerranéennes et est encore plus marquée depuis les années d'après guerre.

B. Les grands ports méditerranéens : crise socio-économique et renaissance

Si l'on s'intéresse au développement qu'ont connu ces villes à partir des années 1950 et jusqu'a nos jours, plusieurs points communs peuvent être dégagés. Ceux-ci peuvent expliquer la similitude des projets urbains sur d'anciennes friches industrialo-portuaires.

Mais avant cela il faut noter que ces villes portuaires ont comme le reste des espaces urbains, si ce n'est plus, été marquées par l'exode urbain qu'a connu l'Europe à la sortie de la seconde guerre mondiale.

Figure 3 : Évolution démographique dans les villes Méditerranéennes entre 1950 et 1990

Villes

Population

 

Évolution de la population

 

1950

1960

1970

1980

1990

1950 /

1960

1960 /

1970

1950 / 1970 / 1970 /

1970 1980 1990

Barcelo ne

1 280 179

1 557 863

1 745 142

1 754 900

1 707 286

21,7

%

12,0

%

36,3

%

0,6

%

-2,2

%

Gênes

688 447

784 194

816 872

762 895

678 771

13,9

%

4,2

%

18,7

%

-6,6

%

-16,9

%

Valence

503 886

501 777

648 003

744 748

738 441

-0,4

%

29,1

%

28,6

%

14,9

%

14,0

%

Bilbao

216,417

294,174

405,908

433,115

369,839

35,9

%

38,0

%

87,6

%

6,7

%

-8,9

%

Portes d'entrée majeures d'un pays, ces villes ont accueilli différentes vagues d'immigrations, mais elle ont aussi attiré des populations rurales. Toutes les villes ont été marquées par une augmentation de leur population entre 1950 et 1970. Cette augmentation de la population s'est fait en parallèle du développement de l'industrie, et a permis de répondre au besoin de main d'oeuvre que ce type d'activité nécessitait à l'époque.

7 CÉMMC, site officiel, Identités et territoires des villes portuaires (XVI°-XX° siècle).

18

Ces augmentations massives de population étaient nécessaires pour les industries, mais elles n'ont pas étés suivies de politiques adaptées et ont souvent accompagné des problèmes de logements débouchant sur une crise sociale. Les populations accueillies étaient généralement des familles pauvres ; l'arrivée massive de cette population a engendré une concentration des problèmes sociaux. Gênes par exemple a depuis son apogée dans les années 1960, perdu 35 000 emplois et près de 150 000 habitants en 20 ans.

Le deuxième point commun de ces villes et de ces ports est que la plupart d'entre eux ont développé des Zones Industrielles Portuaires (ZIP) dans les années 1970 afin de répondre aux besoins de la révolution des transports maritimes.

« Une intense activité portuaire et maritime caractérise la Méditerranée, les étapes successives de l 'évolution du transport maritime y sont visibles d'abord avec les ZIP apparues dans les années 1970, puis plus récemment avec les «hubs» de transbordement des conteneurs. Les pays riverains ont engagé des réformes portuaires afin de s'adapter, notamment les pays de l'Union européenne, où par ailleurs, des politiques de desserte des arrières-pays portuaires sont mises en oeuvre » 8 .

Le gigantisme naval, la montée en puissance de la conteneurisation et la spécialisation des navires a nécessité une adaptation des ports entrainant parfois un éloignement des ports industriels. Barcelone a par exemple développé son port industriel dans les années 1960 au sud du port historique avec l'instauration d'une zone franche où de nombreuses entreprises s'installeront. Bien que certaines activités industrielles et logistiques aient été conservées dans les ports du XIX° comme à Gênes le développement des ports s'est déroulé majoritairement dans ces ZIP.

Peu à peu les espaces industriels portuaires situés à proximité de la ville ont été désertés. Entrainant selon les villes dans les années 1980/90 une baisse d'activité dans les emprises portuaires situées à proximité de la ville. Cette baisse d'activité s'est dans la majorité des cas traduit par la création d'un vide dans les espaces situés à l'arrière des emprises portuaires. Ceci est dû à la délocalisation des industries dans les ZIP et est synonyme de déclin socio-économique. Les espaces portuaires sont en effet le symbole du développement passé mais aussi de la crise portuaire. Le développement des techniques intermodales dans le transport de marchandises dans les années 1990 n'a fait qu'encourager le développement des ZIP et le déclin des ports historiques.

Cette crise portuaire des villes du Sud de l'Europe s'explique aussi par la montée en puissance d'autres ports, comme ceux d'Europe du Nord, et par l'évolution des routes maritimes.

Les anciens espaces portuaires des villes méditerranéennes sont des espaces marqués par les industries liées au port, ou aujourd'hui devenus des friches, par des espaces de stockages et par des espaces de circulation pour le fret routier ou ferroviaire. Des espaces marqués donc par une histoire passée, que l'on peut qualifier d'espaces en crise.

8 J. Macardon, Géographie portuaire de l'espace EuroMéditerannéen, p.55.

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Néanmoins ces espaces, selon les villes, vont se transformer en espaces de mue, annonciateurs d'une nouvelle croissance.

Ceci peut s'expliquer par différents facteurs. Dans un premier temps il faut voir que depuis le processus de Barcelone en 1995, les villes méditerranéennes ne sont plus aux marges de l'Europe, mais sont le coeur d'une nouvelle région en construction : ce que l'on peut appeler l'Euro-Méditerranée. L'intégration dans l'Union Européenne des pays du Sud et le redéveloppement d'échanges avec les pays d'Afrique du Nord et du Moyen Orient a remis la Méditerranée au coeur des préoccupations. Le lancement en 2008 de l'Union pour la Méditerranée confirme le regain d'intérêt pour cette grande région et pour les villes la composant.

Ensuite il faut noter que ces espaces réunissent toutes les conditions pour un nouvel épanouissement de la ville : ce sont des espaces en partie libre, composés de friches, et présentant une dégradation du bâti. Ces éléments permettent et nécessite un réaménagement. De plus la proximité du centre ville et la qualité que présentent ces espaces (ils sont situés face à la mer) sont les conditions idéales pour y proposer un réaménagement. Ceci participe et fait partie d'une politique de reconquête de la ville mise en place en Europe au cours des années 1980.

Nous avons donc pu voir comment les villes méditerranéennes se ressemblent sur certains points, comment les relations villes-ports ont changé au cours des siècles et quels sont les facteurs amorçant ce que de nombreux chercheurs qualifient de Waterfront attitude.

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B. « Waterfront attitude »

Comme nous avons pu le voir les espaces arrières portuaires présentent de belles opportunités pour développer de nouveaux quartiers. Cependant cet urbanisme de reconquête des fronts de mer et des friches industriallo-portuaires n'est pas récent.

Selon Chaline et Marshall, plusieurs générations de waterfronts peuvent être distinguées (voir graphique complémentaire n°2 placé en annexe). Les premières interventions ont dans un premier temps concerné les villes du Nord-Est des États Unis comme Baltimore ou Boston. Visant principalement la reconquête d'une centralité perdue, ces opérations se sont intéressées à la reconversion physique et fonctionnelle des emprises des ports anciens afin de lutter contre la désertification et la dégradation des centres villes. Afin de remplir les objectifs fixés, ces opérations ont été dotées de fonctions urbaines exceptionnelles, notamment des market places qui feront leur apparition au cours des années 1970.

La deuxième génération de waterfront s'apparente à une reconversion de la base économique locale et à une requalification physique concernant un vaste territoire. L'opération des Docklands de Londres initiée dans les années 1980 est représentative de cette deuxième génération.

Aujourd'hui, avec un état d'avancement différent, ce sont les villes du Sud-Ouest de l'Europe et de l'Afrique du Nord qui sont concernées par des opérations de reconversion urbaine sur leur front de mer. Selon une étude de l'IRSIT concernant les villes portuaires en Europe la quasi totalité des villes du Sud-Ouest de l'Europe déclarent être engagées dans une « opération de redéveloppement urbano-portuaire ». Se caractérisant par une taille contenue, ses opérations recherchent une nouvelle articulation entre l'espace portuaire et la ville.

Nous allons donc voir dans quelle mesure Barcelone, Bilbao, Gênes, et Valence font émerger une nouvelle génération de waterfront, et quelles sont les caractéristiques de cette génération.

A. Des programmations et des styles architecturaux similaires

Caractérisée par une forte compression de la ville sur le rivage et par un espace portuaire relativement peu étendu ayant du se réinventer sur lui-même, la dernière génération de waterfront prend place dans des villes où l'interface ville-port n'était plus fonctionnelle.

Dans un premier temps il faut noter que ces opérations urbaines, concernent des périmètres relativement peu étendus, en comparaison aux villes américaines ou par rapport à Londres, qui représentait près de deux milles hectares.

Ensuite contrairement aux villes Nord américaines il apparait que les villes portuaires du Sud de l'Europe pensent la redynamisation des emprises portuaires non pas comme l'agrégation de différents projets, mais plus par la planification d'un projet d'ensemble dans une volonté de repenser l'articulation entre la ville et l'espace portuaire. Dans ce cadre là « le Waterfront est alors promis à fonctionner comme une vitrine où seront mises en scène les « potentialités », « les singularités », les « modernités » de ces villes portuaires

9 R. Rodrigues-Malta, Une vitrine métropolitaine sur les quais, p.3.

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aspirant au titre de vraies métropoles européennes » 9 . La réinvention des relations ville-port prend alors la forme d'une densification de l'interface entre ces deux ensembles et se traduit par une volonté de faire la ville avec le port.

L'exemple de Barcelone est significatif de ce changement de manière de faire des waterfront. Le projet retenu va implanter un panel diversifié d'activités et de fonctions urbaines sur un territoire qui n'en comptait pas. Des activités tertiaires sont bien sûr présentes dans le projet, mais celui-ci compte aussi de nombreux équipements culturels et de loisirs. Qualifié de « pôle culturel », le projet a permis une prise en considération du port par la ville et une réelle implication de l'autorité portuaire dans le projet. Celle-ci a porté et a fait le projet avec la ville, l'interface a donc pu être retravaillée pour mieux mailler le port et la ville.

L'opération d'urbanisme qu'ont connue Gênes et son port s'inscrit aussi dans la même lignée. Marqué par d'importantes coupures urbaines notamment par la sopraelevata, viaduc routier qui coupait la ville du port, le projet s'est attaché à réinventer les relations ville-port.

Le départ d'une partie des activités portuaires, dans les années 1980, a permis de libérer une zone centrale, au coeur du centre historique, et un accès à la mer qui, auparavant, n'était ouvert qu'aux travailleurs du port. Cette libération de l'espace a permis de remettre en avant les liens pouvant exister entre la ville et le port et a fortement poussé à la mise en place d'un projet ambitieux sur cette interface.

Figure 4 : Les espaces d'aménagement portuaire et le projet de tunnel autoroutier de Gênes

Source : IAU IDF

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Le projet urbain de Gênes, dénommé Porto antico, a donc dans le même temps réaménagé les espaces portuaires permettant une rationalisation de cet espace, implanté des activités urbaines, principalement culturelles sur d'anciennes emprises portuaires et mis en valeur le patrimoine historique de la ville.

« Il apparaissait que de plus en plus de villes accompagnent leur processus de reconversion « d'opérations phares », destinées aux loisirs et à la culture, aux activités maritimes et au tourisme, aux commerces, aux activités directionnelles, etc » 1 0.

S'appuyant sur un équipement culturel emblématique, tel que le Musée de la mer, le projet met la culture et les loisirs en avant. Il est aussi à l'origine d'un quartier d'affaires : San Begnino. Le projet urbain, en valorisant la mer, met en relation la ville et son port afin que ceux-ci ne se tournent plus le dos. L'étude de l'IAU sur les grands projets urbains en Europe nous montre que « cette opération fonde ses racines dans une réflexion de longue haleine qui concerne la relation ville-port et la délicate question des infrastructures de transport ».

Si nous nous intéressons à Bilbao, ville Atlantique, nous pouvons voir que celle-ci utilise la même recette que les projets de Barcelone et de Gênes. Ville majeure de l'Espagne industrielle, Bilbao est dans les années 1970 confrontée à une importante crise économique qui va se traduire par une forte augmentation du taux de chômage (+20%). Ayant un impact social et urbain considérable, cette crise va notamment se traduire par une décadence du système industriel, de hauts indices de chômage, une dégradation de l'environnement et du tissu urbain, des processus d'émigration et d'enlisement des populations les plus précaires.

La ville va alors miser sur une stratégie de renouveau économique s'appuyant sur une refonte interne à la métropole du système de transport, sur une réaffectation d'usage de certaines emprises portuaires et sur l'implantation d'un important équipement culturel : le Musée Guggenheim. Ceci « s'accompagne d'investissements dans les ressources humaines, la régénération environnementale et urbaine et la centralité culturelle, dans le but de transformer l'obsolète en opportunité » 1 1.

Les nouvelles relations ville-port se perçoivent à travers le changement d'usage de certains espaces : les zones portuaires deviennent des parcs publics ou des quartiers résidentiels, les quais deviennent promenades et les terrains industriels de nouvelles centralités pour la ville et la métropole. La ville à travers son projet urbain reprend alors son destin en main et ne laisse plus le port et les friches industrielles nuire à son économie et son système urbain.

Car l'exemple de Bilbao est aussi intéressant à étudier pour ce qui concerne le changement de destination de sa base économique. D'une industrie en crise le territoire est devenu, grâce à un équipement culturel rayonnant, un « exemple ». Bilbao a été l'un des projets urbains les plus en vue ces dernières années notamment grâce au musée Guggenheim. L'effet Bilbao a d'ailleurs été étudié par de nombreux chercheurs et plusieurs villes tentent de reproduire ce modèle en implantant un équipement culturel dans

10 IRSIT, Les villes portuaires en Europe Analyse comparative, p.95.

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A. Masboungi, Bilbao, la culture comme projet de ville, p.45.

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des territoires ayant eu pour activité principale l'industrie. L'exemple de Metz et de la récente ouverture d'une antenne du Louvre illustre bien ceci. Ce changement de base économique et les volontés de la ville ont permis une mixité urbaine et fonctionnelle sur certains espaces, mais s'est aussi accompagné d'un phénomène de gentrification.

Les projets urbains ont par ailleurs, et c'est le cas pour Bilbao, entrainé ou favorisé dans leurs sillages des projets métropolitains. Ils sont la base d'un renouvellement urbain à grande échelle s'intéressant à d'autres espaces que les espaces arrière-portuaires. Une réelle stratégie métropolitaine est mise en oeuvre dans certains cas.

Un constat est donc à faire si l'on s'intéresse à la programmation des projets urbains de waterfront des villes Méditerranéenne de l'Europe de l'Ouest : en vantant la mixité fonctionnelle, les projets urbains modifient considérablement la base économique du territoire sur lequel ils s'implantent. En s'appuyant sur les activités tertiaires et innovantes, ces projets comportent aussi de grands équipements culturels, servant de locomotive aux opérations.

B. Un espace public pacifié et aseptisé

Les projets urbains des villes étudiées contiennent donc une programmation sensiblement similaire, mais peuvent aussi se retrouver autour du traitement de l'espace public. Chaque projet urbain a permis de réinventer les relations ville-port, et ceci se fait principalement à travers la mise en lumière et l'implantation d'espaces publics sur des anciennes emprises portuaires / industrielles.

Car il ne faut pas oublier que la spécialisation des espaces portuaires à partir de la seconde moitié du XX° siècle, ont conduit et entrainé la construction d'une frontière entre la ville et le port. S'il est donc important de réintroduire des fonctions urbaines sur d'anciennes emprises portuaires, la volonté de réinventer et de travailler l'interface entre la ville et le port est une autre motivation des projets urbains de waterfront. Le réaménagement de la voirie et le travail sur l'espace public est l'un des meilleurs moyens de travailler cette interface. Intéressons nous donc au traitement de l'espace public dans les diverses projets de waterfront.

Si l'on s'attarde sur l'exemple de Bilbao, le travail d'aménagement urbain a été exceptionnel. Bien que très fortement marqués par d'anciennes emprises portuaires, plusieurs sites ont été entièrement modifiés ces dernières années et ont permis l'accueil de fonctions urbaines et d'équipements de grandes ampleur comme le musée Guggenheim. Passant d'un espace de stockage à vocation industrielle le site d'Abandoibarra, situé le long de la Ria de Bilbao, est devenu un vaste espace de détente et de loisirs. Comptabilisant 35 hectares et étant situé entre l'oeuvre de Frank Gehry et le palais des congrès, le projet a introduit de nombreux espaces verts et modifié les espaces de circulation. Aujourd'hui sont désormais mélangés circulations douces, tramway et voitures. Cet espace est désormais tourné vers la ville, ce qui n'était pas le cas avant. Néanmoins le cas de Bilbao est particulier car l'ancien port était situé sur les berges de la Ria de Bilbao, le projet s'apparente donc plus aux reconquêtes des berges d'un fleuve qu'à la reconquête d'un front de mer.

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Figure 5 : L'aménagement du site d'Abandoibarra

1992 2004

Source : Bilbao Ria 2000, site ofÞciel

Pour Barcelone, l'espace public constitue un élément essentiel des projets urbains, avec notamment l'aménagement de 200 hectares de nouveaux parcs et jardins entre 1982 et 1992, ainsi que nombre de promenades, particulièrement près du vieux-port. Ce renouveau s'est perçu dans l'opération de réaménagement du port à travers l'ouverture de la ville sur ce dernier. Au milieu des années 1980, quand l'opération de réaménagement débute, il est décidé de retourner la ville sur elle-même en la tournant vers la mer. Marqué par des ruptures urbaines, démarquant fortement la ville et le port, le projet urbain va chercher à réduire très fortement ces barrières permettant une nouvelle relation entre la ville et son port.

Dans les faits le projet urbain va détourner le faisceau de voies ferrées qui conduisait de Barcelone à la frontière française et coupait la cité catalane de son littoral. Le projet va aussi restructurer complètement le port Vell afin de le rendre accessible, et repenser, en terme de circulation, le fonctionnement des artères historique de la ville.

Ce réaménagement de l'espace public se traduit généralement par une volonté des villes de « nettoyer » leur front de mer en pacifiant l'espace public. Remplaçant les ruptures et les coupures qu'induisaient les infrastructures de transport et les activités industrielles liées au port, les nouveaux espaces publics proposent une interface composée d'espaces verts, d'espaces de promenades. Jouant un rôle direct dans la promotion du nouveau quartier ces espaces sont néanmoins de plus en plus similaires et ne présentent que peu d'originalité.

« Au nom du respect de l'environnement et de la qualité de vie urbaine, les transformations urbaines s'accompagnent d'un triple mouvement d'aplanissement, d'esthétisation et d'aseptisation des espaces publics. » 12

Reproduisant très souvent le même modèle et traduisant une volonté de se raccrocher à la modernité et aux manières de faire l'urbanisme dans les villes Nord-Européennes, la création d'espaces publics dans les villes méditerranéennes ne fait preuve d'aucune originalité et traduit une volonté de « faire propre ». Élément nécessaire de la promotion touristique et de la requaliÞcation urbaine basée sur le tourisme, les villes méditerranéennes pourraient néanmoins mettre en avant un autre type d'espaces publics, ce qui conférerait une véritable identité aux projets urbains.

Nous avons pu voir tout au long de cette partie, dans quelle mesure les projets urbains des villes méditerranéennes se ressemblent et comportent des points communs. Que cela soit pour la programmation ou pour la création d'espaces publics, ces différents projets sont en effet fortement corrélés.

12 R. Thomas, L'aseptisation des ambiances piétonnes au XXI° siècle, p. 13.

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C. Des stratégies de rayonnement et d'attractivité

Une autre similitude des projets urbains méditerranéens est sans doute le but qu'ils poursuivent et les moyens par lesquels ils y parviennent. Cherchant à répondre à des stratégies d'attractivité et de rayonnement territorial, nous verrons dans un premier temps comment les projets de Waterfront s'appuient pour la plupart sur des événements déclencheurs. Puis nous verrons ensuite les autres moyens mis en place pour répondre à ces stratégies et nous verrons quelles sont leurs dérives.

A. Des événements déclencheurs

La grande majorité des projets que nous avons étudiés jusqu'à maintenant s'appuie et se justifie par la tenue et l'accueil de grands événements internationaux.

La ville qui a montré l'exemple est sans aucun doute Barcelone. L'urbanisme barcelonais s'est toujours développé par à coups en prenant appui sur de grands évènements. Que ce soit lors des Expositions Universelles de 1888 et 1929, et beaucoup plus récemment pour les Jeux Olympiques de 1992, Barcelone a profité de l'accueil de grands événements pour se développer. Le cas qui nous intéresse est celui de Jeux Olympiques.

Se basant sur trois critères (mise en place de la ville utopique, limitation des voies rapides, homogénéisation du centre et de la périphérie), l'architecte Oriol Bohigas, a revu en profondeur l'urbanisme de la cité catalane dans la perspective des Jeux Olympiques. La ville a par ailleurs profité de l'accueil de la manifestation sportive pour réorganiser plusieurs territoires de son aire urbaine.

« Ces critères permirent l'ouverture sur la mer, par la destruction de l'ancienne zone industrielle désaffectée de Poblenou, sa substitution par la ville olympique et l'enfouissement de la voie ferrée qui séparait l'agglomération de la Méditerranée ; la réorientation de la croissance de Barcelone, par la création aux quatre coins de la cité de centres d'installations olympiques (Villa olympique, Valle Hebrón, Montjuïc et Diagonal) » 1 3.

Barcelone est la ville qui a lancé l'urbanisme événementiel, car le succès de son projet urbain est fortement lié et corrélé à l'accueil des Jeux Olympiques qui a permis d'accueillir de nombreux touristes. La ville, souhaitant continuer sur cette dynamique, a par ailleurs lancé et créé son événement : le Forum Barcelona 2004, rencontre mondiale pour le développement durable, la diversité culturelle et la paix. De nouveau, Barcelone en profita pour régénérer le tissu urbain. Le secteur où se tenait le forum est l'une des trois pièces majeures du futur Distrito 22, quartier imaginé pour concentrer les industries créatives. Les deux autres pierres angulaires de cette Barcelone du XXI° siècle seront la zone de loisirs de Glries, déjà balisée par la tour Agbar, oeuvre de l'architecte français Jean Nouvel, et la zone de Sagrera, noyau des communications, que symboliseront la nouvelle gare du train à grande vitesse et un ensemble d'immeubles conçu par l'architecte américain Frank Gehry. C'est dans ce triangle du Distrito 22 que se joue l'avenir du modèle barcelonais, et de la ville dans son ensemble, et encore une fois le développement de cette zone s'est appuyé sur un événement. La stratégie mise en place par la ville de Barcelone est donc une stratégie événementielle, qui s'appuie sur l'accueil de touristes.

13 L. Moix, Le modèle Barcelonais, Le monde diplomatique janvier 2006.

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Il en va de même pour Gênes et l'opération Porto Antico ; plusieurs grands événement ont marqué et rythmé les avancées du projet urbain (voir graphique complémentaire n°3 placé en annexe). En 1990, plusieurs matchs de la Coupe du Monde de football se déroulèrent à Gênes ; la ville s'est donc préparée à l'arrivée de nombreux nouveaux visiteurs. Deux ans après, la ville organisa les Columbiades, une exposition internationale célébrant le cinq-centenaire de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb. Le cadre territorial de cette exposition fut celui du coeur ancien du port, sur lequel l'équipe de Renzo Piano travaillait à la reconversion depuis 1987. L'événement a donc été une manière de mettre en lumière les avancées du projet urbain, car il a permis aux habitants et aux touristes de venir dans ce nouveau morceau de ville.

Mais le succès de l'opération Porto Antico s'inscrit dans un mouvement plus général, rythmé par de nouvelles occasions de découverte du capital patrimonial et culturel de la ville. L'année jubilaire de 2000 a été marquante pour l'ensemble des villes italiennes, avec l'arrivée de milliers de visiteurs en route pour Rome. En 2001, Gênes a accueilli le sommet du G8 et utilisé les fonds alloués par l'État pour un vaste travail sur les espaces publics. En 2004, la ville était Capitale Européenne de la Culture (avec Lille) : le calendrier des expositions a été l'occasion de valoriser une série de bâtiments, de constituer le «pôle des musées» et, en inaugurant le Musée de la mer, d'attirer l'attention sur la zone de l'ancienne darse. Dans le cas de Gênes les grands événements ont permis de débloquer des financements et de faire avancer le projet urbain tout en mettant en lumière les travaux déjà réalisés. La stratégie mise en place est donc basée là aussi sur l'événementiel.

Si l'on prend pour autre exemple Lisbonne, une ville non méditerranéenne mais présentant des caractéristiques communes aux villes étudiées, le même schéma a été reproduit. Cependant il s'agit ici d'un projet et d'un événement national et non porté par la municipalité. L'Expo' 98 fut impulsée par l'État pour montrer le renouveau du Portugal, et s'est matérialisée à travers le parc des nations en bord du Tage. Localement, ce fut un pas de Lisbonne vers son fleuve toujours barricadé derrière les zones portuaires. Le Parc des Nations est né d'envies : celle d'exister, celle de reconquérir un territoire pollué et abandonné. Mais aussi d'un besoin de modernité, de nouveauté. Le Parc des nations est un pari urbain du gouvernement portugais : placer Lisbonne parmi les grandes capitales européennes en réaménagement 340 ha de friches pétrolières et militaires en bord de Tage, dont 60 ha pour l'Expo elle-même.

Comme pour les autres villes étudiées, le projet urbain est porté par un événement marquant, qui permet d'attirer les touristes et les entrainent à venir dans le nouveau quartier de la ville.

Les différents projets urbains étudiés sont la plupart du temps accompagnés de grands événements. Venant encourager ou mettre en lumière un projet urbain, ces événements sont accueillis par les territoires dans une volonté de rayonner et d'attirer. Cherchant à attirer des touristes, ces grands rassemblements sont devenus au fil des années des incontournables du marketing territorial. Nous allons désormais voir comment ces stratégies événementielles et touristiques se mettent en place pour chaque ville et les répercussions de celle-ci sur les habitants.

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B. Starchitecture, rayonnement de la ville et attrait de touristes

Les stratégies mises en oeuvre dans les villes méditerranéennes que nous étudions poursuivent deux objectifs principaux : le rayonnement et l'attractivité du territoire. L'accueil de grands événements est une manière de rayonner et de mettre en lumière les différents projets urbains. Cependant il existe d'autres moyens de mettre en oeuvre ce genre de stratégie.

Bilbao a par exemple opté pour la starchitecture. Faisant appel à Franck Gehry pour concevoir l'équipement culturel présent au sein de son projet urbain, Ria 2000 a ainsi réussi à attirer l'attention sur la ville du pays Basque. Dans une volonté de se faire connaitre à l'international, il a très vite été décidé de rompre avec la culture locale, l'appel à un architecte étranger s'est donc vite imposé.

L'ouverture du Guggenheim dans cette ancienne cité industrielle peut être considérée comme un événement en soi, car les touristes sont autant attirés par les collections du musée que par le musée en lui même. Véritable emblème de la ville, le musée Guggenheim a eu un impact énorme sur la ville, en attirant près de 1,3 millions de visiteurs la première année ; la « cité noire » est devenue en 1998 la destination à la mode.

Avec le Guggenheim, l'aura de la ville est devenue planétaire répondant ainsi à la stratégie de rayonnement que s'est fixée la ville.

Figure 6 : Le Musée Guggenheim à Bilbao de Frank Gehry

Source : Site ofÞciel du Musée Guggenheim Bilbao

Pour Bilbao, le bénéfice a été spectaculaire. Cet investissement a transformé l'économie et ouvert une nouvelle époque pour Bilbao, affirme Andoni Aldekoa, le directeur général de la mairie 14 . Néanmoins « ce musée témoigne aussi de l'énorme pouvoir d'un objet architectural, qui peut changer la société et les mentalités », observe l'architecte Juan Coll-Barreu. Il a par ailleurs fortement marqué le monde de l'urbanisme et de l'architecture. Le bâtiment met immédiatement le monde de l'architecture en effervescence, comme l'avait fait avant lui le Centre Pompidou, à Paris. De même que le Centre Pompidou, le Guggenheim de Bilbao a cassé les codes de l'architecture. Non seulement par ses formes organiques, complètement inattendues pour un bâtiment de cette ampleur, mais par la nouveauté des outils de conception et par l'influence qu'il a eue.

L'effet Bilbao s'est aussi fait ressentir dans le monde de l'urbanisme et sur les projets urbains. En apparaissant comme un modèle à suivre, le projet urbain de Bilbao a imposé la mise en avant de la culture au coeur des projets urbains, mais il a aussi consacré le recours à des architectes de renommée internationale. En effet, en 2004, 26 villes portuaires du pourtour méditerranéen déclaraient avoir eu recours à des architectes de renommée internationale pour leurs projets urbains. Bien que pouvant être justifié par la qualité des projets architecturaux, l'appel à des architectes de renommée internationale est aussi une manière de faire du marketing territorial.

« En ce début de XXI° siècle, les décideurs locaux identifient l'association entre « marque de musée » et marque d'architecte » comme une stratégie urbaine leur permettant à la fois de se développer économiquement et d'émerger sur la carte du monde : une stratégie par conséquent intrinsèquement liée à des enjeux d'image de marque, d'identité de marketing territorial ainsi qu'à un développement touristique » 1 5.

Cependant il faut remarquer que l'image que véhiculent ces bâtiments iconiques n'est pas celle de la ville vécue, mais est une image de réalité photographiée et largement véhiculée par les médias. Elle encourage la dissociation entre la réalité perçue par les habitants et l'image que reçoivent les touristes.

Néanmoins beaucoup de villes ont opté pour la starchitecture ou font appel à de grands architectes. Permettant entre autre de communiquer et d'attirer l'attention sur les mutations de son espace portuaire, Gênes a elle aussi eu recours à un grand nom de l'architecture, Renzo Piano. Bien que le schéma ne soit pas le même car Renzo Piano est d'origine Génoise, la volonté est la même : faire parler de la ville et attirer des touristes ou des investisseurs. La stratégie mise en place et l'appel à un architecte de ce rang permettent à la ville de communiquer et de faire parler d'elle sur la scène internationale. Outil incontournable du marketing territorial, les architectures iconiques s'inscrivent pleinement dans une stratégie touristique urbaine.

Cependant si l'on s'intéresse aux effets que peut avoir une stratégie uniquement tournée sur le tourisme, ceux-ci sont variés et peuvent avoir des répercussions négatives.

14 R. Rérolle, La déflagration Guggenheim, Le Monde 28 aout 2013.

15 M. Gravari-Barbas, Aménager la ville par la culture et le tourisme, p.54.

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Bien entendu l'attractivité et l'attrait de touristes encouragent l'économie d'une ville, créent des emplois dans divers domaines (principalement des services, comme la restauration et l'hôtellerie), et peuvent relancer une ville en crise. Néanmoins quelques points négatifs peuvent être ajoutés au tableau pour nuancer les bienfaits des stratégies touristiques mises en place par les villes méditerranéennes de l'Europe occidentale.

Bien que les stratégies urbaines mises en place par les villes soient faites pour les citoyens, et pour que ceux-ci profitent des emplois induits par l'arrivée de touristes, de plus en plus de villes négligent les investissements d'infrastructures tels que les hôpitaux, les écoles, les centres de recherches ou encore les incubateurs d'entreprises. Moins vendeurs que les grands équipements iconiques, ceux-ci sont pourtant nécessaires pour le bon développement d'une ville. Valence s'est inscrite dans ce schéma.

En investissant massivement dans la Cité des arts et des sciences, prolongement de l'opération « Balcon sur la mer » et en misant sur les grands événements tels que la coupe de l'America, ou l'accueil d'un circuit de F1, la ville a orienté sa stratégie de développement dans le tourisme. Or quinze ans après le lancement de la stratégie de Valence, bien que la ville soit plus attractive qu'en 1998, il faut observer que le territoire est aujourd'hui en grave crise financière. La communauté valencienne est aujourd'hui la région espagnole la plus endettée, avec une dette s'élevant à 32,9% de son PIB en 2014. Selon l'Institut Valencien de Recherche Économique, les grands évènements représentent 20% de la dette, ce qui amène à se poser des questions sur la viabilité d'une stratégiee basée uniquement sur l'accueil de grands événements. Cet institut nous montre par ailleurs que le revenu moyen des valenciens est aujourd'hui de 12% en dessous de la moyenne nationale, alors qu'il se situait dans la moyenne il y a 15 ans. Les retombées économiques des grands événements ne sont donc pas pour la population, mais pour quelques uns, qui ne font malheureusement pas toujours tourner l'économie d'un territoire.

Ceci peut s'expliquer par le fait que les objectifs escomptés en matière de richesses créées pour la ville n'aient jamais été atteints. Bien que le nombre de touristes ait considérablement augmenté ces dernières années à Valence, les recettes attendues par les dépenses de ceux-ci n'ont jamais été à la hauteur des attentes.

De plus, contrairement aux prévisions, le tourisme et ses retombées ne bénéficiaient pas à l'ensemble du territoire. Concentrés dans certains lieux, les touristes ne permettent pas de développer un territoire dans sa totalité. Par ailleurs les investissements consentis par les pouvoirs publics sont de plus en plus remis en question par les habitants :

« S'ils se réjouissent globalement que les efforts de la municipalité aient permis de rendre Valence plus attractive, ils regrettent une situation de ségrégation entre la ville des touristes et la leur. Ils voient que leurs impôts ont servi à financer des infrastructures qu'ils ne peuvent pas utiliser (pour des raisons de coûts d'accès et/ou de barrières plus symboliques comme l'utilisation de l'anglais ou le choix de sports comme les régates ou de F1 qui ne sont pas précisément les plus populaires) alors que les politiques d'austérité ont réduit les dépenses publiques partout ailleurs » 1 6.

Les discours se structurent donc aujourd'hui autour d'une opposition entre les touristes et les habitants, et ceux-ci se sentent lésés par rapport aux premiers.

16 F. Pecot, Ce que nous apprend l'exemple de Valence sur le développement de Marseille, Slate 12 décembre 2014.

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Un fort sentiment anti-touristes peut alors émaner chez les habitants comme à Barcelone ou dans d'autres villes touristiques. Le cas barcelonais peut amener à se poser des questions notamment lorsque l'on s'intéresse au parc Guell : celui-ci en raison d'une afßuence trop importante et de problèmes d'entretien en découlant, est devenu payant, pour tous, à partir d'octobre 2013. N'est-il pas étrange, et inconcevable, pour un citoyen de payer pour se rendre dans un espace public, qui plus est fait partie du patrimoine de sa ville.

Aujourd'hui les limites du tout-tourisme commencent à se percevoir, notamment pour le bien commun. Le tourisme est certes bénéfique à un territoire, mais lorsque l'afßux massif de touristes nuit aux populations locales, des questions sont à poser et les stratégies à revoir.

Les limites du marketing territorial sont perceptibles aussi : celui-ci a trop longtemps dicté la politique d'un territoire aux dépens des politiques de développement. Il faut rappeler que le marketing territorial est bien sur nécessaire pour valoriser un territoire, mais ne constitue jamais une fin en soi, ce n'est qu'un outil qui doit être utilisé en fonction de la vision et de la stratégie mise en place.

Aujourd'hui les différents projets urbains que nous étudions répondent à une politique de rayonnement et d'attractivité ; néanmoins les outils et politiques mis en place ne doivent pas se substituer à une politique de développement qui serait profitable aux territoires.

D. Des modes de faire spécifiques et un urbanisme de projet

Après avoir vu les ressemblances des différents projets urbains des villes étudiées, les stratégies auxquelles ils doivent répondre, intéressons nous aux modes de gouvernance mis en place, et voyons comment ceux-ci ont consacré l'urbanisme de projet.

A. Entrepreunarialisme urbain et implication du secteur privé

Avant d'étudier la gouvernance des projets urbains de waterfront, il convient de revenir sur plusieurs acteurs de taille. N'étant pas à l'origine des opérations de reconquête des fronts de mer, les autorités portuaires et les acteurs privés sont des acteurs primordiaux de ces projets urbains.

Acteurs incontournables lorsque l'on s'intéresse aux territoires arriéro-portuaires, les autorités portuaires sont évidemment des institutions qu'il a fallu rallier aux projets de reconquête urbaine des fronts de mer. Avant de continuer il faut préciser que dans tous les cas que nous étudions, hormis pour Lisbonne, la gestion des ports est assurée par une société publique sous contrôle d'État : les autorités portuaires sont donc publiques. Par ailleurs ces sociétés possèdent d'énormes réserves foncières en lien avec leurs activités, et sont les moteurs économiques d'un territoire dépassant leur simple emprise.

Ayant eu une importance considérable dans les années d'après-guerre, la crise portuaire des villes méditerranéennes a néanmoins réduit le poids et le pouvoir des autorités portuaires. Celles-ci ont vu leur influence diminuer alors que d'autres acteurs publics, comme les collectivités territoriales, ont acquis plus de pouvoirs et plus de compétences.

Cependant dans le cadre des projets urbains « les autorités portuaires se montrent toujours réticentes à l'idée de se défaire définitivement d'une partie de leur patrimoine foncier sous-utilisé » 17 . Cherchant à maintenir leur influence dans des territoires, qui sont considérés comme le leur, les autorités portuaires cherchent aussi à préserver leur emprise dans le cas d'un regain d'activités dans le futur.

Les interfaces entre ville et port deviennent alors peu à peu des lieux symboliques de l'affrontement de deux logiques, celle du port qui souhaite maintenir ses activités au nom de la compétition internationale et de la création d'emplois, et celle de la ville qui cherche à améliorer le cadre de vie de ses habitants en réaménagent l'espace. Confrontant donc deux visions et deux logiques différentes, les projets urbains de waterfront ont dù trouver et créer des consensus entre les volonté des villes et des autorités portuaires pour que les projets soient acceptés et portés par tous.

Dans ce cadre là, Barcelone a montré l'exemple. En 1988, l'autorité portuaire a pris l'initiative de rédiger un plan d'aménagement du Port Vell. Validé par la ville et la région ce plan montre qu'un compromis a pu être trouvé, et constitue un temps fort des relations entre ville et port. Il témoigne aussi des liens créés entre milieux politiques, économiques et sociaux. Il est cependant déplorable que ce plan d'aménagement ait prôné une mise en valeur commerciale reléguant au second plan la mise en valeur du lieu et la contextualisation de l'aménagement de l'espace.

17 R. Rodrigues-Malta, Une vitrine métropolitaine sur les quais, p.3.

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En Italie, c'est une loi qui a obligé les autorités portuaires et les communes à trouver un terrain d'entente. La réforme de la législation portuaire de 1994 a en effet obligé les ports de se doter d'un piano regolatore portuale, imposant une concertation avec la ville. Gênes s'est dotée de ce document en 2001, mais le consensus trouvé s'est appuyé sur une expérience du travail en commun, rendu possible par la création de l'Agence du plan à l'initiative du port.

Que cela soit à l'initiative de l'autorité du port, ou à travers la législation, les différents projets de reconquête du front de mer ont dù rallier les autorités portuaires pour que ceux-ci soient pertinents et partagés par le plus grand nombre d'acteurs.

Le deuxième type d'acteur qui occupe une place importante dans les projets que nous étudions sont les acteurs privés. Fortement marqués par les partenariats public-privé les projets urbains de waterfront misent beaucoup sur l'implication du secteur privé. Relevant généralement d'une initiative publique, les projets de waterfront marquent néanmoins un regain d'intérêt pour les partenariat public-privé. Par ailleurs ces projets se distinguent les uns des autres pour ce qui concerne l'implication du secteur privé.

Tenue à l'écart de toute décisions de programmations, à Bilbao, l'implication du secteur privé prend toutefois une forme différente. Le groupe Andersen Consulting a par exemple beaucoup agit lors de la définition du « Plan stratégique pour la revitalisation de l'aire métropolitaine de Bilbao ». Ne s'impliquant pas directement dans le projet urbain, le secteur privé a néanmoins participé à la planification et à la définition de la stratégie, une des tâches les plus importantes de la mise en place de la métropole. L'implication du secteur privé ne se limite donc pas à la simple acquisition foncière et à la construction immobilière mais peut concerner la mise à disposition de compétences et savoir-faire spécifiques.

La deuxième intervention du secteur privé, et qui est aujourd'hui de plus en plus nécessaire, est la participation financière notamment pour la construction des quartiers. Les acteurs privés sont appelés à construire dans le quartier, d'où l'importance de bien vendre son projet. Dans un contexte de baisse des ressources publiques, l'adhésion financière de banques ou groupes d'investissements est une condition nécessaire à la réussite d'un projet. En effet un projet urbain, s'il veut réussir doit parvenir à attirer les promoteurs, pour que ceux-ci investissent et construisent sur son territoire. Les projets urbains de reconquête des fronts de mer, confirment donc « l'abandon d'une idéologie selon laquelle l'intervention du privé serait inéluctablement menaçante pour l'intérêt général » 1 8 .

Nécessaires donc, les acteurs privés sont de plus en plus amenés à intervenir dans les projets urbains ; néanmoins il convient de rester prudent concernant le recours au secteur privé et de ne pas oublier la notion d'intérêt général. Il est important que l'action publique ne soit pas guidée par le profit et la rentabilité.

18 R. Rodrigues-Malta, Une vitrine métropolitaine sur les quais, p.6.

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B. Gouvernance et coopération entre pouvoirs publics

Penchons nous désormais sur les structures en charge de ces projets urbains et sur le rôle des pouvoirs publics.

« 25 villes européennes étaient dotées en 2004 d'une structure de coordination, avec pour mission de piloter l'opération de reconversion sur un périmètre déterminé. Ces structures de coordination peuvent aussi être de nature consortiale regroupant les acteurs concernés soit, le plus souvent, les collectivités locales et les propriétaires fonciers - port, compagnies de chemin de fer, industries, etcÉ - sous la forme de SEM, sociétés de type économie mixte comme à Gênes » 1 9.

Ayant pour mission d'assurer la maîtrise d'ouvrage, mais aussi et surtout en charge de la coordination des acteurs publics, privés et des différentes échelles institutionnelles, on retrouve généralement des organismes spécifiques aux commandes des projets urbains de waterfront. De nature consortiale, ces structures tendent à réunir le plus grand nombre d'acteurs et permettent d'avoir un discours cohérent sur le projet urbain.

Impulsées par l'État où par les collectivités locales, ces structures endossent un rôle de médiateur ou d'animateur. Elles permettent aussi de montrer une unité et assurent une certaine stabilité pour les investisseurs.

A Bilbao, la société Ria 2000, de droit privé, est en charge de « coordonner le processus de revitalisation à l'échelle de la métropole »20 . Impulsée par l'État et le ministère des Travaux Publics, cette société doit planifier les opérations, aménager les terrains et ensuite revendre ceux-ci. Réunissant au sein du conseil décisionnel des représentants du pouvoir exécutif, et constituant une équipe réduite, Ria 2000 montre son efficacité en agissant vite et en étant détachée des limites administratives que peuvent présenter les collectivités. Il suffit de se pencher sur les travaux réalisés en 15 ans et sur la transformation de la métropole, pour se rendre compte de l'efficacité de la formule décisionnelle mise en place par la structure. Reposant d'avantage sur des règles élaborées en collaboration, le modèle tend à se développer car d'autres villes espagnoles comme Madrid ou Valence ont adopté des organisation similaires.

A Gênes, la structure en charge du réaménagement du port historique est une société d'économie mixte dénommée Porto Storico. En charge de la gestion du site des Colombiane et de la poursuite de de la reconversion du port, cette société est composée de différents acteurs. Regroupant la ville de Gênes, la Chambre de Commerce et le port, Porto Storico est donc une structure qui prône le consensus entre les différents acteurs, mais qui favorise aussi la prise de décisions : la limitation à 5 membres du conseil d'administration en est la preuve.

De forme différentes les diverses structures en charge des projets urbains que nous étudions ont pour caractéristique commune d'avoir toutes adopté une démarche de projet urbain. Favorisant un entreprenuaralisme urbain, les projets ont pour caractéristique de ne pas être figés dans le temps, mais de toujours évoluer, cela en réunissant le maximum d'acteurs.

19 IRSIT, Les villes portuaires en Europe Analyse comparative, p.103.

20 Ria 2000, Site officiel.

Barcelone est caractéristique de ce changement. Se basant sur 10 projets de nouvelles centralité métropolitaines, la démarche s'est basée sur les opportunités se présentant et sur le volontarisme des pouvoirs publics. Le projet du village Olympique illustre bien ceci :

« Il témoigne également d'une approche typiquement barcelonaise, qui privilégie les projets partiels dans l'aménagement de la ville, au plan global d'urbanisme. Ce raisonnement est poussé à l'extrême : il arrive fréquemment que des concours d'architecture formalisent des projets préalablement à la rédaction des normes d'aménagement » 2 1 .

Le modèle barcelonais s'est peu à peu appliqué aux divers projets urbains européens ; il révèle une nouvelle manière de faire l'urbanisme basée sur le projet et les opportunités se présentant, reléguant au second plan la planification. Les différentes structures s'occupant des projets urbains de reconquête urbaine sont donc des organisations spécifiques, regroupant différents acteurs et cherchant à montrer une unité autour d'un projet commun.

Ces structures se retrouvent aussi sur la thématique de la participation citoyenne. Très opaque, elles n'intègrent que très peu les habitants alors que leurs décisions impactent directement le quotidien des populations locales. De nouveaux modes de concertation doivent être inventés pour rallier stratégie de rayonnement et intérêt citoyen.

Nous avons donc pu voir quels sont les différents acteurs des projets urbains et comment la gouvernance s'établit entre ceux-ci. S'il n'est pas possible de dégager un modèle type, nous pouvons toutefois affirmer que la méthode dite de « projet urbain » et le consensus entre les divers acteurs concernés sont les lignes directrices de ces organisations, et prévalent dans les projets urbains de reconquête des fronts de mer.

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21 F. Mancebo, Stratégies barcelonaises : reconÞgurer la ville entre projets urbains partiels et urbanisme de grands événements, p.5.

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Ces dernières années ont fait émerger en Europe une nouvelle génération de projets urbains. Prenant place dans les villes méditerranéennes ces projets que l'on peut qualifier de reconquête urbaine cherchent à réinventer les relations entre ville et port, en introduisant des fonctions urbaines dans des espaces anciennement portuaires ou étant jusqu'alors tournés vers le port. En régénérant des territoires en crise, ces projets modifient considérablement la base économique des territoires dans lesquels ils s'implantent. Modifiant aussi urbanistiquement les territoires sur lesquels ils s'implantent, ces opérations entraînent de nombreux aménagements d'espaces publics et permettent de créer une réelle interface entre la ville et le port.

Répondant à des stratégies de rayonnement et d'attractivité du territoire, les projets urbains de waterfront s'appuient sur plusieurs outils, notamment l'architecture iconique et le recours aux architectes de renommée internationale. Favorisant la culture comme locomotive, ces projets urbains s'intègrent parfaitement aux politiques touristiques que prônent et favorisent les villes en ce début de XXI° siècle.

Gérés par des structures spécifiques, ces projets présentent aussi une nouvelle manière de faire la ville. Basées sur le consensus et la réunion du plus grand nombre d'acteurs, les organisations en charge des projets urbains sont généralement de nature publique et permettent de dégager une unité autour d'un projet commun. Animant les débats avec les autorités portuaires et les acteurs privés, ces structures se présentent comme des organisations incontournables du réaménagement des villes et des métropoles.

Les opérations de waterfront sont donc sensiblement les mêmes car elles s'implantent dans le même type de territoire, poursuivent les mêmes buts et usent des mêmes stratégies. Bien que contextualisées ses opérations tendent à reproduire le même modèle. Penchons nous désormais sur le cas de Marseille et voyons comment le projet urbain de reconquête urbaine du front de mer s'inscrit dans le même modèle de ceux que nous venons d'étudier.

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2. Euroméditerranée : un projet urbain pour une nouvelle centralité métropolitaine

Après avoir vu les similitudes et les points communs entre les projets urbains dits de « régénérence » urbaine des espaces arrière-portuaires des villes européennes méditerranéennes, intéressons nous au cas de Marseille.

La cité phocéenne dispose elle aussi d'une grande opération de renouvellement socio-économique et urbain de l'espace situé à proximité du port : Euroméditerranée. Né aux croisements des volontés de l'État et des pouvoirs locaux, ce projet urbain réinvente les relations entre la ville et son port, mais cherche aussi à faire basculer Marseille dans le rang des métropoles modernes.

Pensé comme une vitrine urbaine, le nouveau quartier poursuit divers buts et objectifs, parmi lesquels on compte des buts économiques, mais aussi des objectifs d'organisation territoriale. En effet Euroméditerranée doit permettre à Marseille de devenir une métropole méditerranéenne gouvernant une large aire urbaine. Je chercherai donc à savoir si Euroméditerranée est un projet de dimension métropolitaine et si celui-ci favorise la construction métropolitaine.

Avant de nous intéresser plus en détail à ceci, il convient cependant de rappeler les liens existant entre la ville et son port. L'histoire de la ville est très liée à son port ; nous verrons donc par la suite comment Euroméditerranée, à travers sa programmation, réinvente l'interface entre ces deux ensembles.

Par la suite nous analyserons le rôle du projet urbain pour la ville et le territoire métropolitain. Nous nous pencherons ensuite sur l'image que celui-ci produit et les effets qui en découlent. Enfin nous analyserons la gouvernance du projet et de la structure en charge de celui-ci : l'EPAEM.

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A. Une volonté de rapprocher la ville de sa mer et de son port

Marseille est une ville méditerranéenne, mais aussi portuaire. En effet les liens entre la ville et son port ont marqué le territoire et l'histoire de la cité phocéenne. Nous ferons donc dans un premier temps un rappel de l'histoire de la ville et du port. Nous verrons comment les liens entre eux ont été bénéfiques pour le territoire, et comment ceux-ci se sont détériorés au fil des années, entrainant une volonté de l'État de reconquérir les abords du port.

A. Histoire du port, de la ville de Marseille et des liens existant

Marseille est une ancienne cité phocéenne, chacun le sait et l'histoire est connue, mais il est bon de la rappeler pour mieux comprendre et analyser les liens avec la mer et le rôle du port dans le développement de la ville.

En 600 avant J.C, des colons venus de Phocée, ville grecque d'Asie mineure, débarquent dans la calanque du Lacydon. Au vu de la morphologie du site (le Lacydon est une darse naturelle de près d'un kilomètre de long et de 300 mètres de large), l'emplacement est idéal pour y implanter un comptoir. La cité phocéenne se développe alors sur les hauteurs à proximité ; Massalia est née.

Très vite le port va devenir une place stratégique pour le commerce entre Orient et Occident, une porte d'entrée sur la Gaule au niveau commercial, et un point de départ pour des expéditions maritimes en direction de l'Afrique et de la péninsule ibérique. Jusqu'à l'invasion romaine en l'an - 49 av. J.C, Massalia va se développer ; l'invasion romaine glorifiera la voisine Arles. La fin de l'empire romain et les invasions barbares qui ont suivi marqueront une période d'instabilité pour l'Europe, dont Marseille n'est pas épargnée.

Sous Charlemagne (768-814) et son successeur Louis Ier (814 -840) un calme relatif s'installe à Marseille ; celle-ci est incorporée au royaume de Provence. Au temps des Mérovingiens, Marseille redevient le principal port en liaison avec l'Italie, Byzance et le monde oriental. Les huiles, les vins, les épices et les céréales forment l'essentiel des marchandises échangées. La dimension commerciale de la ville s'affirme au fil des ans. Les activités du port retrouvent leur élan avec le développement des royaumes « francs ». Ceux-ci ont besoin du soutien de l'Occident, fourni le plus souvent par des villes marchandes. Le commerce est également très actif avec l'Afrique du Nord, l'Italie, la Sicile et l'Espagne. Ce développement est alimenté par l'extension du marché intérieur. Arles, Avignon, Lyon constituent des entrepôts et des relais vers les grandes foires. Cet essor remarquable s'étend jusqu'au XIV ème siècle. Marseille va alors se développer et rayonner sur la Méditerranée.

Au XV ème siècle, l'attaque des Aragon va décimer la ville, son port et sa flotte. Les relations avec l'Espagne et l'Afrique du Nord sont rompues, et la fin du siècle sera marquée par l'édification sous le règne du roi René de la tour St-Jean en l'an 1447. Le négoce maritime va par la suite reprendre de l'ampleur essentiellement grâce au développement de marchés intérieurs.

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Entre 1481 et 1494, Marseille et la Provence sont unies au royaume de France. Véritable fleuron économique du pays, rayonnant à nouveau sur la Méditerranée, le port devient également arsenal militaire et chantier naval des flottes royales. Le port connait alors un développement et des aménagements successifs sous les différents rois, lui conférant des avantages et renforçant son rôle de place commerciale. La création d'un Bureau du Commerce en 1599, chargé d'informer les autorités des améliorations jugées utiles, renforce la dimension commerciale de la ville. Ce bureau deviendra par la suite la première Chambre de Commerce et de l'Industrie.

Au début du règne de Louis XIV, la ville se développe dans une quasi-autonomie jusqu'en 1660, où une occupation militaire est décidée pour calmer ses velléités d'indépendance. Le pouvoir central impose alors une politique de sévérité. Une garnison permanente de 3 000 hommes est installée et la construction des forts Saint-Jean et Saint-Nicolas décidée. L'action de Louis XIV s'avère cependant efficace et bienfaisante pour la prospérité de Marseille. Il ordonne l'agrandissement de la ville qui voit sa superficie tripler.

En 1669, l'édit de Mars renforce le poids économique de la ville en taxant de 20% les marchandises « d'Orient et de Barbarie » venant d'autres ports du royaume. Marseille devient la porte d'entrée commerciale du royaume pour tout le pourtour de la Méditerranée. Ceci est accentué en 1703, avec une exonération totale pour certaines marchandises ; par ailleurs les aménagements du port sont poursuivis permettant d'accueillir des navires toujours plus grands. La peste et le transfert du port militaire à Toulon en 1748 ne ralentiront pas l'essor du port et de la ville. Au contraire, des disponibilités foncières sont abandonnées pour des constructions immobilières où se développent de nombreuses activités en lien avec la mer.

La révolution française et les guerres successives de l'empire vont mettre la ville en état de faillite ; émeutes et manifestations se succèdent, des disettes vont même menacer la ville suite au blocage maritime et continental de la ville.

A partir de 1825, l'activité économique reprend une fois encore ; les industries se développent ; le port connaît un nouvel élan. Sur décision de Napoléon III, un canal d'Arles à Bouc est creusé et concrétise la liaison Rhône-Mer. Durant le Second Empire, Marseille reste le grand port méditerranéen. L'aménagement de voies ferrées (Avignon-Marseille en 1849, Marseille-Toulon en 1859) constitue un élément de liaison efficace avec l'intérieur. Avec le développement de la navigation mécanique, le nombre et la régularité des bateaux augmentent, ainsi que le volume de leur cargaison. Commodités d'accostages et rapidité des opérations doivent être en place pour répondre aux besoins du commerce.

Après de nombreux projets tant au Nord qu'au fond du Lacydon, un port auxiliaire est creusé à la Joliette. Le port de Marseille trouve là son véritable levier d'extension. Les études prospectives se basant sur les futurs besoins étendent le port dans des proportions gigantesques pour l'époque. Sous le régime de Napoléon III, deux môles contigus, Lazaret et Arenc, vont être aménagés. D'autres travaux d'extension se poursuivent jusqu'à la fin du siècle. La révolution engagée avec le développement des échanges induit de véritables mutations des infrastructures. Les quais et les espaces de réception des marchandises s'étendent pour répondre à l'augmentation des tonnages et au progrès de la manutention. Le dépôt des cargaisons, à proximité des navires accostés, devient une nécessité.

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L'État concède la création et l'exploitation de vastes docks à une compagnie privée ; ceux-ci ouvrent en 1863 et vont prendre une part très importante dans la vie du port. Vaste lieu de stockage, les docks vont permettent de répondre à l'agrandissement des bassins, qui couvrent à l'époque une surface de 72 hectares. Ils sont aussi conçus pour améliorer la fluidité des marchandises et réduire le temps de rupture de charge. Ils permettent de rationaliser l'espace portuaire, mais ils rationalisent aussi l'espace urbain car ils se détachent du reste de la ville au niveau architectural : la création des Docks et entrepôts apparait comme un moment important de la dissociation entre ville et port.

Figure 7 : Évolution de la façade maritime marseillaise

1. Marseille, vue prise au dessus des Catalans, par Alfred Guesdon en 1848.

2. Vue perspective du port de Marseille, par Frédéric Hugo d'Alésé en 1888.

Source : Marseille Euroméditerranée, accélérateur de métropole.

La dynamique industrielle et l'ouverture de nouveaux marchés par les possessions d'outre-mer et les colonies viennent compléter le développement du port. L'ouverture du canal de Suez en 1869, facilite les échanges commerciaux et maritimes ; l'image d'une « porte de l'Orient » est alors attribuée à Marseille, qui est en 1872 le quatrième port mondial. Le mouvement maritime colonial représente, en 1896, plus du quart de la navigation totale. Le port de Marseille, même s'il emploie de nombreux habitants des quartiers voisins est moderne, il dispose de grues et d'ascenseurs à pression d'eau et à vapeur, ainsi que d'une grue flottante de 20 tonnes. La montée en puissance du chemin de fer est aussi un fait notable qui va fortement marquer le port : le rail va même jusqu'à imposer sa géométrie, comme en témoignent les môles et traverses obliques du bassin du Président Wilson, qu'adopteront beaucoup de ports. L'industrie de la réparation navale connaît un essor fulgurant et les ateliers se multiplient pour donner une nouvelle fonction au port.

Le port de Marseille s'afÞrme donc comme l'un des plus rapides d'Europe. Cependant l'essor des ports des villes nord européennes va rapidement venir réduire l'influence et l'importance de Marseille. La nécessité et l'urgence d'étendre les bassins se font à

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nouveau sentir pour que Marseille reste dans la compétition mondiale que les ports se livrent. La compression physique de la ville sur le port contraint celui-ci de se renouveler sur lui même pour se développer, contrairement à d'autres ports du Nord de l'Europe ou des États-Unis. Cependant ceci caractérise de nombreux ports Méditerranéens.

Au cours des premières décennies du XXème siècle, les bassins occupent le littoral marseillais jusqu'à la chaîne de l'Estaque. Ceux de la Pinède et de la Madrague sont construits, ainsi qu'un dépôt pétrolier marquant les débuts d'une nouvelle histoire industrielle. A partir de 1911, les études sur l'extension portuaire atteignent les limites géographiques de la commune. Une nouvelle génération de projets voit le jour : le pôle industrialo-portuaire extérieur au territoire de Marseille.

Figure 8 : Aménagement du littoral Nord de Marseille au XX° siècle

Source : Donzel, 1998

La première guerre mondiale va troubler le développement du port, mais à la sortie du conflit international les pouvoirs publics vont appuyer une politique de développement de l'industrie pétrochimique. L'étang de Berre offre alors les conditions idéales pour stocker et raffiner l'or noir et dès 1930 des raffineries vont s'installer à Berre. Différentes annexes seront créées et rattachées au port de Marseille dans les années qui vont suivre.

La deuxième guerre mondiale va aussi fortement marquer l'histoire du port et de la ville : jusqu'en 1942 Marseille est une ville où l'on embarque pour la liberté. Cependant le régime de Vichy va tout de même orchestrer la destruction d'une partie des quartiers jouxtant le vieux-port afin de nettoyer le sol urbain. En 1944 les Allemands détruisent quais, môles, grues, hangars et navires pour gêner l'arrivée des Alliés. La libération sera donc suivie d'une période de reconstruction du port. Un travail d'adaptation va accompagner cette reconstruction ; ceci permet à Marseille de rester une grande place maritime.

Mais les années 1960 et la fin de l'empire colonial français va porter un coup fatal au port de Marseille et à l'ensemble de la ville. Les échanges commerciaux avec les anciennes colonies sont alors fortement limités ce qui à pour effet de réduire l'importance du port ; les industries qui utilisaient les matières premières venant d'Afrique, Orient ou Extrême-Orient vont aussi être touchées et disparaissent peu à peu. Une reconversion industrielle tournée vers le pétrole et la métallurgie est envisagée par les pouvoirs publics ; celle-ci doit être localisée dans le golfe de Fos.

B. Un espace arrière portuaire en crise

La délocalisation d'une partie des activités du port dans le golfe de Fos va s'opérer à travers la création d'une Zone Industrialo-Portuaire (ZIP) autour de l'étang de Berre en 1966. La nécessité de développer le port aux alentours de Fos répond à un besoin d'espace pour les activités industrielles, les lieux de stockage, mais aussi pour permettre un agrandissement de la taille des bassins dans le but d'accueillir des bateaux plus grands afin de répondre aux défis de la navigation moderne.

De plus la nécessité de lier le port à son prolongement naturel le Rhône, a encouragé le développement du port à l'Ouest. L'accès à un vaste hinterland étant la condition nécessaire de tout port moderne, le Port Autonome de Marseille (PAM), créé en 1965, trouve ainsi une justification pour rester dans la compétition mondiale que se livrent les grandes places maritimes.

« Face à ses besoins, l'aire métropolitaine marseillaise offre la Crau, plaine peu cultivée, sur laquelle s'implante le complexe industrialo-portuaire de Fos (É) la perspective de liaisons aisées avec l'intérieur du pays, par le Rhône, par le fret et par la route permet d'envisager la création d'usines en grappe relativement indépendantes des industries de bases, facilitant la revitalisation d'une région plus étendue s'étendant jusqu'à Nîmes, Montélimar et la moyenne Durance » 22.

Pensée pour spécialiser Marseille comme un centre industriel et décisionnel d'échelle régionale, la création de la ZIP devait accompagner l'avènement de l'aire métropolitaine. Cependant Marseille dés-industrialisée au profit de sa périphérie va porter les stigmates du projet métropolitain et ne parvient pas à rassembler les capitaux et les autres villes. L'échec de la mise en place d'une communauté urbaine participe à ce phénomène. Une diffusion incontrôlée de l'urbanisation va se produire, celle-ci concerne aussi bien les industries que l'habitat. L'évolution de la population nous montre que la croissance de la population de l'aire urbaine Aix-Marseille, va principalement se faire dans les communes périphériques : nous pouvons remarquer une diminution de la population marseillaise au profit d'autres communes de l'aire urbaine à partir de 1975. Cette augmentation de la population dans les communes périphériques de l'aire urbaine se traduit par un étalement urbain incontrôlé.

22 Livre Blanc de l'OREAM, Perspective d'aménagement de l'aire métropolitaine marseillaise, p.19.

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Figure 9 : Croissance de la population de l'aire urbaine d'Aix-Marseille entre 1968 et 2010

Source : Rapport de l'OCDE

Bien que des activités portuaires aient été conservées dans les bassins Est du port de Marseille (voir graphique complémentaire n°4 placé annexe), la crise que connait la ville est principalement dûe à son industrie traditionnelle essentiellement commerciale. Le caractère archaïque de la relation entre port et industries aura conditionné la perte des entreprises locales.

De plus la création du PAM et de la ZIP va accentuer la dissociation entre le port et la ville, d'un coté par la délocalisation d'une partie des activités portuaires à Fos, mais aussi par la législation européenne et internationale et par les conditions qu'impose le PAM. Les petites industries locales qui étaient très présentes ne peuvent par ailleurs plus lutter contre les grandes firmes multinationales, et disparaissent peu à peu.

La délocalisation d'une partie du port entraine donc une grave crise industrielle, se traduisant par une perte massive d'emplois dans ce secteur : entre 1975 et 1982 Marseille perd 35 000 habitants et 20 000 emplois.

Cette perte d'habitants est marquée par la sortie des habitants les plus riches. La crise industrielle devient alors sociale et touche toute la ville car celle-ci s'accompagne d'une augmentation du chômage et d'une précarisation de la population. Ce qui est accentué par le retour, mal géré, de nombreux Pieds Noirs s'installant dans la ville : 15 à 20% des rapatriés de l'empire colonial français sont à Marseille. Cette arrivée massive de la population va être endiguée et traitée par la construction de logements de grands ensembles. Rencontrant de nombreux problèmes par la suite, ces logements et les quartiers dans lesquels ils sont construits vont venir alimenter la crise que connait

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Marseille. Un « apartheid » Nord-Sud va peu à peu s'installer dans la ville (voir graphique complémentaire n°5 placé en annexe)

Conscient de la crise sociale et urbaine qui guette Marseille et du désengagement des politiques locales, l'État va décider d'intervenir sur le territoire marseillais, et ceci va se concrétiser à travers un projet de redynamisation économique prenant place sur l'interface située entre la ville et le port.

C. Volonté d'État et de la ville de redynamisation de l'espace arrière-portuaire : naissance d'un projet

L'idée d'un renouveau à Marseille est apparu dans les années 1970 où la ville consciente de son retard économique a souhaité engager un vaste projet de centre directionnel dans le centre ville de Marseille. Inspiré de la Défense et des Central Business District (CBD) qui se multiplient en Europe et aux Etats-Unis, le projet ne verra au final aboutir que la construction du Centre-Bourse. Cependant la dynamique est lancée.

Dans les années 1980 si de nombreux projets n'ont pas été réalisés, un certains nombre d'architectes se penchent sur Marseille et plus particulièrement sur le quartier de la Joliette pour réouvrir la ville sur la mer. C'est notamment le cas de André Stern et de Guy Daher qui proposent de revitaliser le front de mer par l'implantation d'activités urbaines.

« Si aucun des projets n'a été réalisé, ils ont permis la naissance d'un autre regard sur l'interface ville-port en levant le tabou d'un territoire portuaire sanctuarisé » 23.

En 1987, les premières études sur une intervention capable de redynamiser l'agglomération sont émises par la CCIMP 24 . Cette dernière va alors proposer la création d'un quartier d'affaires dans le secteur de la Joliette, un secteur très prisé par les architectes qui multiplient les exercices de style en faveur de l'aménagement d'un front de mer. Dans le même temps l'État, par l'intermédiaire de la DATAR, va prendre conscience des potentialités de la ville notamment dans le cadre d'échanges et de liens avec le reste de la Méditerranée.

Les gouvernements successifs sont séduits par une opération de redynamisation économique et vont pousser celle-ci. L'acquisition des Docks par la Sari en 1990, et sa reconversion en un bâtiment tertiaire va dans ce sens. A l'instar de Londres ou Liverpool, l'ancien bâtiment de stockage est sublimé et sa rénovation encourage les prises de décisions en faveur d'une action tertiaire de grande envergure sur ce site.

Cependant au début des années 1990, bien que les réflexions, études et projets soient posés, aucun ne voit le jour : le problème principal est l'absence de chef d'orchestre. De plus, le maire de l'époque Robert Vigouroux ne semble pas prendre assez rapidement les initiatives qui s'imposent. Par ailleurs les mésententes politiques et les finances catastrophiques de la ville limitent tout projet. Conscient du problème, décideurs locaux et

23 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille Euroméditerranée accélérateur de Métropole, p.60.

24 CCI, Marseille Provence International, une nouvelle ambition pour l'économie de Marseille de la Provence dans la perspective de 1992.

Source : Le moniteur

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nationaux conviennent du fait que Marseille a besoin d'une « thérapie de choc », permettant de mobiliser les énergies pour enclencher une dynamique sur l'ensemble de la ville.

C'est en 1992 que le devenir de la Joliette s'accélère et que les perspectives d'un projet sur ce quartier changent d'échelle. L'arrivée du TGV à Marseille doit être accompagnée de la recomposition du quartier en lien avec le secteur à vocation tertiaire de la Joliette. L'État, par l'intermédiaire du directeur de la DAU, et la ville vont alors réfléchir ensemble sur le devenir du quartier.

Au cours de la même année un projet de dimension « métropolitaine » va peu à peu s'imposer pour tous les acteurs publics ; celui-ci doit permettre de redynamiser l'économie de la ville et de l'ensemble de l'aire urbaine, mais doit aussi s'attacher à répondre aux problèmes sociaux et urbains que connait le secteur St-Charles / Joliette. Les différentes collectivités, la Communauté Urbaine, la CCI et la SNCF scelleront un accord dans un protocole visant à faire appel à l'État.

La mission interministérielle d'aménagement du territoire confiera donc à Alain Masson la charge d'une étude de faisabilité d'une opération urbanistique. Cette mission définira le périmètre, le statut et les objectifs d'Euroméditerranée. Les résultats sont mitigés et ne sont pas accueillis favorablement par tous ; pourtant le projet d'une grande opération économique et urbaine se précise. Les apports de la mission de préfiguration d'un établissement public d'aménagement, pilotée par J-P Weiss, aboutiront aux bases sur lesquelles l'État et les acteurs locaux s'entendront pour créer en 1994 l'Établissement Public d'Aménagement d'Euro-Méditerranée (l'EPAEM) en charge de l'opération Euroméditerranée.

Figure 10 : Périmètre d'Euroméditerranée

Décrétés Opération d'Intérêt National en 1995, 310 hectares sont ainsi sortis du périmètre communal au niveau juridique ; le projet Euroméditerranée est né à la conjoncture des volontés locales et nationales. Cependant comme le reconnait Guy Faure, vice-président de l'EPAEM en 2000 : « Euroméditerranée était avant tout un grand projet politique plus qu'un programme de développement urbain » 25 .

Avantageux pour tous les acteurs publics, la création de l'EPAEM résulte, de ce que Alain Masson qualifiait « d'union sacrée » : il permet une adhésion des collectivités et une forte implication de l'État. A travers la réunion des acteurs publics, Euroméditerranée peut être qualifié de métropolitain dans la mesure où il réunit les différents acteurs publics autour d'une volonté d'agir pour un projet. Cependant le projet ne propose pas de contenu lors de son lancement en 1995. La mise en place des compétences de l'EPAEM et le partage de celles-ci avec les collectivités a fortement ralenti l'opération ; pourtant ce sont elles les vraies garantes de l'opération. Nous traiterons plus en détail de ce point en dernière partie. Cela explique les débuts difficiles de l'opération Euroméditerranée et qu'en 1997, peu d'actions aient été entreprises par l'EPAEM.

Pour résumer et ne retenir que les éléments les plus importants nous pouvons dire qu'Euroméditerranée prend place dans un secteur urbain stratégique, mais aussi dans une ville en crise. Fortement marquée par la délocalisation du port à Fos et par la décolonisation, Marseille est depuis les années 1970 dans une situation critique tant au niveau social, urbain et économique. Pensée pour répondre à l'urgence, l'opération doit permettre de régénérer la ville sur elle-même, afin que celle-ci sorte de la spirale descendante dans laquelle elle se trouve.

Nous allons désormais nous intéresser au projet plus en détail et voir quelles sont ses répercussions sur le territoire arrièro-portuaire, sur la ville de Marseille et sur l'ensemble de l'aire métropolitaine.

25 J. Dubois, M. Olive, Euroméditerranée, négociation à tous les étages, p.4.

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B. Un nouveau morceau de ville pour la métropole ?

Au croisement des volontés de l'État et de la ville, Euroméditerranée est pensée comme un projet économique d'envergure métropolitaine. L'ouvrage du POPSU, écrit par Brigitte Bertoncello et Jérôme Dubois titré « Marseille Euroméditerranée, accélérateur de Métropole » nous renseigne sur l'échelle que souhaite toucher le projet.

Cependant il convient de se pencher sur les objectifs de l'opération, afin de voir dans quelle mesure ce projet est ou non métropolitain. Nous étudierons aussi les moyens mis en oeuvre et les logiques dans lesquelles s'inscrit l'opération.

Nous verrons ensuite les différentes opérations d'Euroméditerranée, et les objectifs et problèmes qu'elles doivent résoudre. En dernier lieu nous verrons comment le projet urbain traite l'espace public et comment Euroméditerranée réaménage l'interface ville-port.

A. Teneur du projet et objectifs initiaux

Compte-tenu des difficultés de la ville dans les années 1980 / 1990, le rapport Masson préconisait une thérapie de choc sur Marseille. Pour l'EPAEM et son actuel directeur du projet de territoire, la base du projet a été de « répondre à l'urgence » ; dans le milieu des années 1990 l'urgence à Marseille était économique.

Résultant de la situation socio-économique critique de la ville, la programmation initiale d'Euroméditerranée va faire la part belle aux activités tertiaires car sur les 1 200 000 m2 de SHON prévus la moitié est destinée à l'immobilier d'entreprises. Reprenant l'idée des années 1970, de diriger la métropole depuis les tours, Euroméditerranée est sensé répondre au déficit de la ville en terme de mètres carrés de bureaux : le but est de rattraper le retard de la ville par rapport à d'autres grandes villes comme Lyon ou Lille.

Dès le début de l'opération la volonté est, à travers une offre de bureaux haut de gamme, de réimplanter des fonctions tertiaires et des emplois dits métropolitains à Marseille. Se basant sur le fait qu'un emploi « de col blanc générerait 1,5 emplois de services » 26, Euroméditerranée va se fixer comme objectif la réduction du taux de chômage à Marseille et principalement dans le quartier de la Joliette et dans le centre-ville. Avec comme objectif la création de 20 000 emplois sur quinze ans, Euroméditerranée est une opération qui ne cache pas ses ambitions économiques.

Le regroupement de ses emplois métropolitains et des fonctions décisionnelles sur le périmètre d'Euroméditerranée est par ailleurs souhaité pour mettre en cohérence les zones d'activités de l'aire métropolitaine. La concentration de l'offre de bureaux haut de gamme est pensée pour créer au sein de Marseille un quartier d'affaires générant une nouvelle centralité pour l'aire urbaine. Euroméditerranée trouve alors dans le regroupement des fonctions décisionnelles un objectif majeur pouvant entre autre permettre de fédérer le territoire métropolitain, ou du moins le diriger.

Si par ailleurs des 40 000 nouveaux logements et 200 000 m2 de commerces sont prévus dans le périmètre, l'opération apparait davantage comme un moteur de développement économique, ayant pour but de faire rattraper à Marseille son retard dans ce domaine par

26 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille Euroméditerranée accélérateur de Métropole, p.94.

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rapport aux autres villes françaises. La volonté d'inscrire et de relancer la ville dans la compétition internationale que se livrent les villes méditerranéennes a aussi motivé la création d'un nouveau quartier sur le secteur de la Joliette.

Au final « Euromed est une opération de reconquête qui permet la requaliÞcation et l'implantation de nouvelles fonctions à dominante urbaine, mais qui induit aussi une délocalisation des classes les plus pauvres dans des secteurs plus éloignés 27» ; la justification sociale de l'opération est bien moins évidente à trouver. Bien que respectant la loi et un nombre minimal de logements sociaux, Euroméditerranée n'est pas ce que l'on pourrait qualifier une opération de référence en matière de mixité sociale. Bien qu'économique, l'opération n'est pas destinée à tous car « dans les premières années de l'opération sur les 20 000 emplois crée par Euromed, seuls 1/3 des marseillais y ont accès »28 .

Le travail sur la contextualisation du projet, comme le confie A.Sorrentino, n'a pas été évident au début de l'opération. Critiqué sur ce point et sur l'absence de mixité sociale et urbaine, Euroméditerranée est depuis ses débuts tiraillé entre des objectifs économiques et un minimum social à assurer. Il a fallu intégrer plus de dispositions sociales tout en montrant que Marseille a aujourd'hui besoin d'un quartier d'affaires.

« La mixité n'est aujourd'hui pas assurée car l'EPAEM cherche surtout à faire rentrer l'argent. La mixité des fonctions est aussi compliquée, par exemple la ville a du batailler pour l'implantation d'un théâtre dans l'OIN. » 29

L'un des autres grands objectifs du projet concernait aussi le réaménagement de l'espace public, et la mise en place d'une interface pertinente entre la ville et le port. En effet la dissociation du port et de la ville, et la crise industrielle qu'a connue l'espace arrièro-portuaire ont entrainé la construction d'une « barrière » entre la ville et le port .

Au fil des ans une véritable frontière s'est construite à Marseille. Celle-ci se perçoit à travers l'édification de vastes terre-pleins, d'hangars d'embarquement, de silos et d'entrepôts, de friches industrielles mais aussi avec le viaduc autoroutier et les lignes ferroviaires. S'étirant sur une longueur 400 mètres, tous ces éléments ont participé et accentué l'éloignement entre la ville et la mer. Dès le début de l'opération, Euroméditerranée s'est aussi fixé comme objectif de réaménager les espaces publics, donc Euroméditerranée s'est engagé dans l'amélioration du cadre de vie des habitants. Ceci s'inscrit dans une stratégie de reconquête du front de mer au Nord. Après avoir aménagé les plages du Prado et la Corniche, Marseille a besoin de développer et d'aménager son front de mer vers le Nord, bien que ceci soit limité par les emprises portuaires.

27 entretien avec S.Bassile, le 28 novembre 2014.

28 entretien avec A.Sorrentino, le 27 novembre 2014.

29 entretien avec S.Basille, le 28 novembre 2014.

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Figure 11 : Les différentes façades littorales :

Source : Rapport MAGE

Enfin le dernier grand objectif d'Euroméditerranée est de mettre la culture au coeur du projet. Ceci répond et fait écho aux études du CIAT en faveur de l'implantation d'équipements culturels dans les projets urbains. La culture est alors perçue comme une garantie et / ou une condition nécessaire au bon fonctionnement du projet urbain. En plein rayonnement et présentant des caractéristiques similaires, Bilbao est très vite prise en exemple sur ce point. La renaissance de cette ville industrielle inspire, tout comme la programmation du projet urbain mis en oeuvre. De plus la volonté de délocaliser le musée national des Arts Traditionnel Populaire va coïncider avec l'émergence du projet ; il sera donc décidé d'implanter un musée national dans le périmètre d'Euroméditerranée.

Ces grands objectifs que nous venons d'analyser sont de deux ordres. Selon A.Sorrentino, Euroméditerranée est un projet qui poursuit des objectifs d'ordre micro : ils concernent les relations ville-port, l'urbanisme et l'aménagement de l'espace ; et d'autre part des objectifs d'ordre macro qui s'intéressent à une grande échelle : le territoire métropolitain et la méditerranéenne dans un contexte de concurrence internationale des villes.

Si les attentes sont grandes, il faut aussi savoir que « Euromed est l'opération de la dernière chance pour Marseille » 30, car « en 1990 la situation de Marseille est grave, ce qui lui arrive est triste, la ville a raté plusieurs virages, elle se meurt. ». Les objectifs de l'opération sont certes non complets au regard des problématiques sociales de la ville, mais ceux-ci doivent permettre de redynamiser Marseille pour que la ville ne sombre pas dans le chaos.

Ayant désormais analysé les grands objectifs premiers d'Euroméditerranée, et ayant pu observer son envergure métropolitaine, nous allons voir comment ces objectifs se mettent en oeuvre à travers différentes opérations

30 entretien avec A.Sorrentino, le 27 novembre 2014.

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B. Un projet urbain segmenté en opérations

Comme nous l'avons dit précédemment le projet Euroméditerranée, qui est une opération d'intérêt national, concerne un périmètre qui est sorti des emprises de la commune de Marseille.

Par ailleurs le projet est composé de plusieurs opérations répondant à des objectifs divers. Ces différentes opérations se perçoivent par la création de ZAC et par la mise en place d'OPAH. Permettant à l'EPAEM de réaliser ou de faire réaliser de nombreux équipements et de maitriser la forme urbaine, tout en centralisant les financements, la segmentation du projet en diverses opérations nous montre aussi que celles-ci répondent à des vocations différentes. Nous allons nous pencher sur cinq opérations phares d'Euroméditerranée : la ZAC de la Joliette, la ZAC St-Charles, la ZAC de la Cité de la Méditerranée, le pôle de la Belle-de-Mai et la rue de la République ; et sur l'extension d'Euroméditerranée. Nous percevrons mieux les détails et objectifs principaux de chaque opérations.

Figure 12 : Carte des différentes ZAC et opérations d'Euroméditerranée

Source : EPAEM

- La ZAC de la Joliette :

Située en façade maritime, la ZAC de la Joliette possède de nombreux atouts : un positionnement stratégique entre port maritime et centre ville, une accessibilité remarquable et une bonne desserte par le réseau de transports en commun. De plus c'est ici qu'est situé le bâtiments des Docks, l'élément déclencheur de l'opération Euroméditerranée.

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Figure 13 : Le bâtiment des Docks de Marseille

Source : Denis Chauvet

Avec une programmation largement composée d'immeubles tertiaires, la ZAC Joliette couvre une superficie de 22 hectares, et sur les 300 000 m2 constructibles plus de la moitié, 180 000 m2 sont destinés aux bureaux, et plus particulièrement aux bureaux de classe A. Sensé « accueillir le quartier d'affaires du Sud de l'Europe au coeur de la Méditerranée » 31, le quartier de la Joliette, bien que diversifié répond aux objectifs d'implantation d'un centre décisionnel et directionnel à Marseille.

Devant rassembler une partie des immeubles de bureaux, la ZAC a accueilli ces dernières années de nombreuses entreprises, 800 au total, dont de nombreux sièges régionaux ou des agences nouvellement créées. Les nouveaux immeubles ont accentué ce caractère de bureaux et entrainent les entreprises à venir s'installer.

La ZAC Joliette est d'envergure métropolitaine car elle permet à Marseille de diriger un large territoire allant de Toulon à Nîmes et de rivaliser avec d'autres grandes villes, au niveau national ou méditerranéen. Ceci est rendu possible grâce à la centralisation des organes décisionnels et par l'implantation de sièges sociaux de la ville et de la métropole qui permet de créer un CBD.

- La ZAC St-Charles :

L'objectif principal de cette ZAC fut de réhabiliter cette partie de la ville, terminus de la nouvelle ligne TGV Paris-Marseille, tout en améliorant l'accessibilité du quartier.

Au coeur de la ville, dotée d'une nouvelle gare TGV et en connexion directe avec les grands systèmes de circulation (autoroute, TER, métro bus), le quartier s'est vite imposé comme étant le centre névralgique des transports de la ville et de l'aire urbaine. S'étirant sur 16 ha, la ZAC St-Charles, englobe la nouvelle gare TGV et des grands équipements tels que l'Hôtel de Région et la faculté des Sciences de l'Université de Provence, lui conférant une certaine importance au niveau de la ville et de l'aire urbaine.

31 Plaquette de publicité de l'EPAEM.

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Bien que dotée d'une programmation de 120 000 m2 constructible de SHON, la vocation principale de la ZAC fut de faciliter la fluidité et l'intermodalité du quartier et de facto de faciliter les connexions au coeur de la métropole. Ceci se perçoit à travers la réhabilitation des abords de la gare, qui devient un pôle d'échange multimodal entre le ferroviaire, la gare routière, les bus urbains, le métro et les voitures. Le percement d'un tunnel sous la gare et la réalisation d'un parvis place Victor Hugo relié à l'Université de Provence ont permis de pacifier un peu le quartier et s'inscrivent pleinement dans la volonté de rendre accessible et plus fluide la ZAC St-Charles.

Le recul de l'autoroute A7, au niveau de la porte d'Aix est aussi un projet phare de cette ZAC. Se traduisant par la libération sur cette zone de toute circulation routière, ce quartier a pu renaître avec une résidence étudiante déjà existante, bientôt suivie de logements, commerces, espaces verts et équipements publics. Une réelle volonté de pacifier l'espace public a été mise en oeuvre, ce qui se perçoit de plus en plus.

La réhabilitation des espaces publics et l'amélioration de l'accessibilité du quartier a donc été la vocation principale de cette ZAC. Cependant le quartier de la ZAC St-Charles est aussi métropolitain car les actions et les projets ont eu des impacts sur l'aire urbaine en impactant directement le centre névralgique des mobilités.

- La ZAC de la cité de la Méditerranée :

Ayant pour ambition d'implanter sur le front de mer de grands équipements culturels et commerciaux, la cité de la Méditerranée représente une surface de 60 ha.

Réinventant l'interface et les liens entre la ville et le port, la ZAC couvre deux secteurs distincts : l'un au Sud du secteur de la Joliette rassemblant principalement des grands équipements culturels et commerciaux ; l'autre au Nord plus mixte et permettant le développement d'un véritable quartier urbain.

Regroupant plusieurs éléments du renouveau Marseillais, la ZAC de la « Cimed », est pensée dans le but d'accroitre le rayonnement de la ville et de doter le quartier d'équipements métropolitains : musées, centre de congrès, centre commerciaux de dernière génération, tours de grande hauteur. Cependant la dimension paysagère a été prise en compte tout comme le cadre de vie des futurs habitants et usagers du lieu. Ainsi un travail d'ensemble a été réalisé sur l'ensemble du front de mer.

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Figure 14 : Plan de la ZAC de la Cité de la Méditerranée

Source : EPAEM

Véritable vitrine sur le front de mer, ce quartier est pour les nombreux croisiéristes la première image qu'il verront de la ville et de la métropole. Ce quartier est donc un espace stratégique au regard des relations entre la ville et le port, mais il est aussi doté d'une dimension métropolitaine au vue des fonctions qu'il regroupe. Nous traiterons plus en détail la Cité de la Méditerranée dans les parties qui suivront.

- Le pôle de la Belle de Mai :

Cette quatrième opération ne constitue pas une ZAC à proprement parler, mais résulte d'une volonté de l'EPAEM de valorisation de l'existant et d'intégration d'un élément phare de l'offre culturelle marseillaise. Centré autour d'anciennes manufactures de tabac, appelé aussi « la friche », ce pôle est principalement culturel.

Déjà transformée en lieu culturel des arts du spectacle en 1992 32, la friche a été confortée dans sa mission notamment avec l'implantation, par l'EPAEM, d'autres activités culturelles dans le but de donner une visibilité régionale et nationale à Marseille dans ce domaine.

Composé de trois ensembles bien distincts (un patrimonial, un média, un spectacle vivant), le pôle de la Belle de Mai ne s'est au début que très peu intéressé au quartier dans lequel celui-ci s'implantait, pourtant sujet à de grandes difÞcultés sociales et économiques. Ce n'est que tardivement que des ateliers socio-culturels à destination des habitants ont été montés. La vocation de la friche était d'être un lieu culturel emblématique des arts du spectacle, il a donc fallu viser un territoire plus large que le simple quartier.

Là encore, la vocation de cet ensemble est d'ordre métropolitain, car les objectifs sont de doter le quartier d'un rayonnement sur une grande échelle, et non d'améliorer les conditions de vies de habitants des quartiers voisins.

32 B. Grésillon, La reconversion d'un espace productif au coeur d'une métropole : l'exemple de la Friche de la Belle de Mai à Marseille.

- La rue de la République :

Montée en parallèle de la politique de requaliÞcation du centre-ville, l'OPAH de la rue de la République est une opération qui s'intéresse principalement à l'amélioration des logements existants. Pilotée par la SEM de la ville, l'OPAH de la rue de la République a donc pour objectif de réhabiliter les logements et les immeubles, mais cet axe poursuit aussi d'autres objectifs.

Lien direct entre la place de la Joliette et le Vieux-Port, cette rue permet de relier le centre historique au nouveau quartier. Traversée par le tramway cette rue est un lien majeur entre le nouveau et l'ancien Marseille ; elle témoigne aussi d'un renouveau et d'une volonté de lier le vieux et le nouveau port.

L'opération a par ailleurs été au centre des contestations et les moyens utilisés pour « inciter » les gens à réhabiliter leurs logements restent douteux. Avec un passé chargé d'histoire, cette rue est aussi un symbole de la contestation à Marseille, mais ne relève pas d'une échelle plus grande. Elle est symbolique des liens entre Euroméditerranée et le reste de la ville.

- Une extension pour mailler le projet au territoire :

S'étalant sur plus de 170 hectares en direction du Nord, l'extension d'Euroméditerranée est décidé en mars 2007 par le conseil d'administration de l'EPAEM.

Figure 15 : Euroméditerranée 2

Source : Agence Rio

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Justifiée par la crainte de voir le développement du quartier freiné par le manque d'offre en immobilier de bureaux, l'extension doit poursuivre la construction de bureaux, pour arriver au seuil critique de 1 million de mètres carrés de bureaux. Tout en apportant aussi des logements, l'extension doit permettre à Euroméditerranée de confirmer le rayonnement économique de la cité phocéenne ; mais celle-ci s'intéresse aussi plus aux habitants et aux liens du quartier avec les territoires voisins.

Encourageant les liaisons, et suivant une volonté de recoudre la ville, l'un des objectifs de l'extension est de relier le nouveau quartier du front de mer et d'anciens quartiers parmi les plus pauvres et tristement célèbres : les quartiers Nord. Cette volonté de créer du lien se perçoit à travers la création d'un parc urbain, mais aussi par la volonté de traiter les grandes infrastructures de transport et les zones de friches industrielles.

Le lien avec les quartiers Nord est aussi pensé en terme de mixité fonctionnelle. Avec une volonté de mixer les fonctions, l'extension concentrera moins de mètres carrées de bureaux, l'ambiance de quartier d'affaires sera donc moins importante. Une volonté de créer un lien entre deux ensembles totalement différents est louable, néanmoins il ne faudra pas que le quartier repousse encore plus loin les classes sociales les plus pauvres.

Là encore les objectifs sont de deux ordres : locaux avec une dimension de quartier ; et métropolitains avec la volonté de faire évoluer et monter en gamme le territoire concerné.

Euroméditerranée est, à travers les différentes opérations que nous venons de présenter, un projet qui répond à deux logiques et deux types d'objectifs. Des objectifs d'aménagement de l'espace et d'amélioration du cadre de vie, et des objectifs destinés à affirmer la construction d'une ville moderne dirigeant une large aire urbaine, des objectifs destinés donc à favoriser la construction métropolitaine.

C. Des espaces publics réaménagés

Comme nous avons pu le voir, Euroméditerranée est un projet urbain s'intéressant à plusieurs échelles : d'ordre macro et d'envergure métropolitaine, le projet s'intéresse aussi à une échelle plus micro en traitant de l'aménagement urbain. Le projet a permis de rénover un quartier en déshérence notamment par la réhabilitation du bâti et par le réaménagement de l'espace public.

Dans une volonté d'amélioration du cadre de vie des habitants, une large place du projet a été laissée à l'aménagement urbain, aux espaces publics et aux espaces verts car 30 hectares leurs sont dédié dans l'opération 33 . Plusieurs exemples d'aménagement peuvent être cités pour montrer le travail effectué, néanmoins l'exemple le plus parlant est sans doute le Boulevard du Littoral.

Aménagé à la place de l'ancienne passerelle autoroutière, maintenant enfouie, le Boulevard de Littoral est une vaste promenade de 2,7 km, reliant l'esplanade du J4 (nouvel espace public majeur), au quai d'Arenc (espace tertiaire en devenir du projet). Ponctué de places, placettes et d'espaces verts, ce boulevard a permis de réinventer l'interface ville-port, notamment par les nombreuses ouvertures et vues sur la mer, mais aussi par les nouveaux usages que celui-ci implique. Cet aménagement a donc permis un

33 Site officiel de l'EPAEM.

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changement des pratiques. Remplaçant une autoroute qui marquait et coupait la ville de son port, le Boulevard du Littoral amène désormais les citadins à venir se promener sur de vastes espaces agréables et dégagés.

Figure 16 : Le Boulevard du Littoral

Source : Atelier Lion

Mettant en valeur le patrimoine historique du quartier, le Boulevard du Littoral change l'identité du lieu : d'un ancien espace portuaire coupé par une autoroute urbaine, celle-ci devient un lien « naturel » entre la ville et le nouveau quartier. Liant les nouveaux espaces culturels et commerciaux le Boulevard du Littoral change complètement l'identité et l'image du quartier.

Ce changement d'identité peut être porté à l'échelle de l'opération toute entière : d'un espace arrière-portuaire en crise industrielle, marqué par des friches et des entrepôts, le quartier est devenu un espace économique de modernité, répondant au standard de la ville nord-européenne : composé d'espaces publics aérés, de pistes cyclables et d'espaces dédiés pour les transports en communs (BHNS), d'immeubles design de grande hauteur, É., à l'opposée de l'image que l'on peut avoir d'une ville méditerranéenne, et que Braudel a souvent décrite.

Les changements induits par Euroméditerranée ont des impacts sur l'extérieur lointain, mais aussi sur l'intérieur et l'extérieur proche : si le quartier a pu encourager ou attirer certains nouveaux habitants et touristes, les habitants du quartier, mais aussi et surtout les voisins du quartier, ne se sont pas reconnus dans le nouveau quartier. L'absence de concertation et de sensibilisation a contribué à les éloigner de l'opération. « Ne se reconnaissant pas dans le nouveaux quartier, les habitants des quartiers voisins se disent que le projet ne leur est pas destiné » 34 .

34 entretien avec A.Kurta, le 26 novembre 2014.

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Anna Kurta, résume bien la situation et la vision qu'ont les spécialistes étrangers sur Euroméditerranée : « Bien que personne, parmi les professionnels ou universitaires étrangers, ne remettent en cause le projet urbain et la nécessité de celui-ci pour Marseille, beaucoup s'interrogent sur les moyens et les idées avec lesquels il est porté ».

Pour d'autres, Euroméditerranée n'est pas en contradiction avec le reste de la ville : l'élue et adjointe au maire en charge de l'urbanisme, Laure Agnès Caradec, voit dans Marseille « un beau fouille urbain » et trouve qu' « Euroméditerranée ne tranche pas avec le reste et s'intègre bien à la ville ». Si Euroméditerranée apporte certes son style, dans une ville hétéroclite, nous pouvons regretter que le style proposé ne soit que trop peu personnalisé. Pouvant s'adapter et être transposés dans d'autres projets de Waterfront, les espaces publics d'Euroméditerranée sont pour l'instant pacifiés et aseptisés. Présentant tous les aspects de la ville moderne, Euroméditerranée doit s'intégrer au reste de la ville et se faire accepter par ses habitants, l'enjeux est de taille et il sera l'un des marqueurs de réussite de l'opération.

Nous avons pu voir tout au long de cette partie les différentes dimensions du projet Euroméditerranée et les différentes opérations de celui-ci. Pensé pour être un accélérateur de métropole, avec la mise en place d'un quartier d'affaires permettant à Marseille de se spécialiser et de diriger un vaste territoire, le projet poursuit aussi des objectifs plus locaux et concernant l'interface ville-port. Alliant amélioration du cadre de vie et redynamisation économique, Euroméditerranée est un projet qui a relancé la ville de Marseille et a des impacts sur l'ensemble du territoire métropolitain.

En réinventant l'interface ville-port, le projet induit une nouvelle relation entre ces deux ensembles, et questionne le rôle du port dans un ensemble urbain. Nous allons donc nous pencher sur cette nouvelle relation que met en place le projet en étudiant plus en détail la ZAC de la Cité de la Méditerranée.

C. Une vitrine métropolitaine en front de mer : la ZAC de la Cité de la Méditerranée

Comme nous l'avons vu précédemment la ZAC de la Cité de la Méditerranée, ou Cimed pour les professionnels, est une opération phare d'Euroméditerranée. Nous allons voir comment celle-ci réinvente et fait renaître le front de mer, puis nous étudierons plus en détails le nouvel espace public et culturel d'envergure métropolitaine : le J4.

Désignant à la fois un lieu, un programme et une méthode, l'appellation cité de la méditerranée renvoie à un lieu « qui n'est plus simplement une interface urbano-portuaire dans un quartier mais un espace de projection de Marseille dans une région mythifiée et pacifiée » 35.

A. Importance des activités de loisirs

Nous avons pu le voir précédemment les relations ville-port et l'interface entre ces deux entités sont réinventées par de nombreux aménagements, notamment par le boulevard de la Méditerranée. Par ailleurs un important travail a été fait pour préserver des vues et des dégagements sur le port et la mer ; ceci permet donc de réinventer les liens entre la mer et ce morceau de ville.

Figure 17 : Point de vue et percées sur le front de mer

Source : EPAEM

35 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille Euroméditerranée accélérateur de Métropole, p.119.

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Cependant les relations entre la ville et le port sont aussi modifiées dans ce secteur par d'autres éléments : l'implantation de fonctions urbaines sur d'anciennes emprises portuaires, mais aussi le changement d'usage de certains bâtiments dans le domaine portuaire sont à la base des nouvelles relations ville-port. Ceci a été rendu possible par la convention passée entre le port et la ville en 1999. Cette convention, la charte ville-port, a permis et encouragé de nombreux efforts consentis par le port, notamment le retrait de ses emprises sur une bande de 45 mètres, ce qui a entrainé l'implantation de nouvelles fonctions urbaines. L'exemple du nouveau centre commercial des Terrasses du port est très parlant, tout comme celui du Silo.

Toujours situé dans le domaine portuaire mais construit sur pilotis, le centre commercial des Terrasses du port « offrent aux marseillais une nouvelle ouverture sur la mer au coeur d'un quartier en plein renouvellement » 36 . Le Silo est quand à lui un ancien lieu de stockage des céréales reconverti en salle de spectacles auquel s'ajoutent des bureaux. Cependant lors des appels à projets et des concours de ces deux bâtiments, plusieurs conditions ont montré les volontés du port. En effet il a été question de « rentabilité économique », de « non-cessions des emprises au sous-sol du bâtiment », tout en mettant en valeur les qualités patrimoniales du bâtiments pour le Silo 37 . Il convient donc de s'intéresser aux types de fonctions urbaines qui ont étés implantées sur le front de mer. Si l'on met de coté le môle du J-4 que nous traiterons dans la suite de la partie, il est facile de se rendre compte que la majeure partie des activités implantées en front de mer sont des activités concernant principalement les loisirs. Que ce soit des bâtiments culturels ou commerciaux le front de mer est très fortement marqué par ses fonctions, ce qui contrebalance avec les années 1970/80 où les activités industrielles étaient omniprésentes.

La volonté de faire revenir les marseillais dans cet espace reconquis est très forte et montre un nouvel aspect de la maritimité. Une maritimité réinventée non pas au profit des activités portuaires, mais plutôt pour le loisir et la détente, mais à un certain prix. En effet ces nouvelles activités sensées être destinées à tous, sont fréquentées principalement par des populations ayant un certain capital culturel et économique. La maritimité mise en avant n'étant pas celle du plus grand nombre, la question de l'intérêt général se pose alors. A qui est destiné cet espace, l'est-il pour l'ensemble des habitants ou seulement pour certaines classes sociales ? L'abondance de centres commerciaux n'éloigne-t-elle pas les populations n'ayant que peu de ressources ?

Par ailleurs l'objectif de vendre le quartier est très important ; Euroméditerranée en se vendant comme une vitrine métropolitaine représente-t-il la métropole dans son ensemble ? Ces questions doivent être posées, tout comme celle de la création d'un nouvel espace et de nouvelles pratiques. Pour l'instant Euroméditerranée présente une image moderne et dynamique de la métropole ; cependant il ne représente pas la métropole dans son ensemble. L'action publique à Marseille est aujourd'hui destinée à une certaine population, qui ne concerne pas l'ensemble des marseillais ; ceci va à l'encontre de la notion d'intérêt général car elle ne profite pas au plus grand nombre.

Intéressons nous désormais à l'image et au rayonnement qu'induit la Cité de la Méditerranée, pour mieux voir comment la stratégie d'attractivité de la ville se met en place sur le front de mer.

36 Site officiel de l'EPAEM

37 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille Euroméditerranée accélérateur de Métropole, p.121.

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38 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille Euroméditerranée accélérateur de Métropole, p.122.

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B. Une nouvelle skyline composée d'objets monde pour rayonner

Un autre aspect important de la Cimed est l'image qu'elle renvoie. En effet la nouvelle, ou future, skyline que propose la Cité de la Méditerranée et plus largement Euroméditerranée est un élément fort dans la stratégie de la ville et pour le rayonnement de la métropole. En 2005, les modifications de la forme urbaine de Marseille sont rentrées dans une nouvelle phase avec la conception de la tour CMA-CGM.

Forte de symboles et conçues par Zaha Hadid, cette nouvelle et première tour tertiaire de bureaux à Marseille a montré la voie à suivre : désormais il faut s'élever pour diriger la métropole depuis le port et faire appel à un grands architectes.

La tour du troisième plus gros armateur mondial rentre donc dans le modèle de la starchitecture, selon lequel il convient de faire appel à un grand nom de l'architecture pour que le résultat soit garanti. Certes visible et haute, mais moins que Notre Dame de la Garde, la tour CMA-CGM est-elle du goût de tous les Marseillais ? Correspond-t-elle vraiment aux attentes des employés, ou ne satisfait-t-elle que les grands dirigeants du haut de leur dernier étage ?

Au vue des nouvelles tours prévues ou en construction, ces questions semblent avoir trouvé une réponse. Néanmoins la tour symbolise aussi le renouveau du port, la relance de son activité et la possibilité de faire des affaires à Marseille. Elle a permis de faire rayonner la ville et de débloquer d'autres projets d'envergure. Il suffit de voir la skyline attendue pour se rendre compte que d'ici quelques années l'image de Marseille aura totalement changé : composé de plusieurs immeubles de grande hauteur, le front de mer sera aussi doté de grands noms de l'architecture, comme Jean Nouvel, ou Soto de Mura. « L'appel aux architectes de renom semble fonctionner comme une caution du bon goût et d'une médiatisation assurée des réalisations » 38 .

Figure 18 : Image de synthèse de la future skyline de Marseille

Source : Marseille Euroméditerranée accélérateur de métropole

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La skyline marquera bien sur les esprits, et sera reconnue. Le pari de rayonnement du quartier est donc il me semble atteins car actuellement la spirale est placée sous le signe de la réussite. Cependant est-ce si important d'avoir des Pritzkers, comme le relève Madame Caradec ? Ne vaut-il pas mieux s'intéresser à la cohésion d'ensemble et à l'unité de cette future skyline ? L'avenir le dira, mais dans une époque où les tours sont de plus en plus remises en questions tant pour leur résultat mitigé en terme de densité et sur le plan écologique, est-il bien utile d'en construire et d'en prévoir encore d'autres ?

La réalisation du MuCEM, qui s'inscrit aussi dans la nouvelle skyline de Marseille est à l'inverse du modèle de l'architecture iconique : bien qu'ayant fait appel à un architecte de renom Rudi Ricioti, le bâtiment est une non-expression architecturale. Néanmoins, il a été à lui seul un événement, le concours d'architectes a permis de mettre Marseille sur le devant de la scène internationale. Cependant et contrairement au Guggenheim de Bilbao, le bâtiment ne présente aucune forme exceptionnelle mais se contente de mettre en valeur l'exceptionnalité du site. Très innovant au niveau technique, et présentant des méthodes novatrices au niveau de la conception du bâtiment, le MuCEM par sa forme permet de mettre en valeur l'architecture du fort St-Jean et marque cependant les imaginaires marseillais. Doté d'une passerelle reliant le fort, la ville et le musée, celui-ci pourrait aussi servir d'exemple pour d'autres conceptions selon Madame Caradec.

Marseille est en train de se doter d'une skyline digne d'une ville moderne du XXI° siècle ; bien que cette stratégie ait été actée de longue date, la construction de celle-ci s'est accélérée avec l'obtention du label Capitale Européenne de la Culture. La Cité de la Méditerranée est l'opération qui sera le socle de cette skyline. Penchons nous désormais sur un autre élément de la Cimed permettant à Marseille de rayonner : le J4.

C. Le J4 un objet culturel qui manquait à la métropole.

L'élément phare de la Cité de la Méditerranée, et de l'ensemble du renouveau marseillais est sans doute le môle du J4. Déclassé du domaine portuaire en faveur de l'EPAEM lors des accords de 1999 et découlant directement d'un arbitrage de Matignon, le môle du J4 à permis à Marseille de se doter d'un objet culturel qui lui faisait défaut.

Très vite identifié, selon Philippe Challende chargé de mission à MPM, comme un espace pouvant accueillir un équipement culturel majeur à proximité du vieux-port, le J4 est alors destiné à être un symbole de Marseille et d'Euroméditerranée. Bien que le port soit propriétaire du terrain, le financement des aménagements a été assuré par l'EPAEM, la maîtrise d'ouvrage par le port et le directeur du jury du concours d'architecture fut le directeur de l'EPAEM. Très vite les propositions de Yves Lion ont permis de résoudre trois problèmes : le dialogue avec le port ; le fort St Jean (transfert des pierre plates) et la restauration du caractère maritime du fort ; et le lien entre J4 et Major. C'est donc lui et son équipe qui sont retenus pour assurer la conception du J4.

La question se pose alors du devenir de cet espace public. Dans le contexte de réussite qu'a connue Bilbao, l'implantation d'un objet musée monde s'introduit : « Mais le site même du J4 est le geste architectural, le geste architectural doit donc respecter le site » 39 . L'idée de base qui revient est que cet espace doit être conçu comme public et pour tous les marseillais.

39 entretien avec P.Challende, le 21 novembre 2014.

L'EPAEM, dans ce contexte, va donc reprendre une ancienne idée de l'État : délocaliser le musée national des rapatriés/immigrés en changeant toutefois le contenu du projet pour en faire le Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée. Le MuCEM est le premier musée national d'envergure à ouvrir hors de Paris ; il est donc novateur de fait.

Bien que non pensée au début, la concentration d'équipements culturels sur cet espace s'est faite progressivement sous l'influence du MuCEM. Selon Alexandre Sorrentino le MuCEM a happé et attiré les différents équipements. Ceci montre deux choses : d'une part une volonté de tous les acteurs et collectivités territoriales d'investir culturellement ce lieu, mais aussi de reconquérir un espace hautement symbolique, anciennement portuaire et désormais urbain. L'implantation de la Villa Méditerranée, lieu culturel et d'échanges méditerranéens de la région PACA, et du musée Regards de Provence montre bien la volonté des différents acteurs publics d'être présents sur cet espace.

De plus pour la plupart des acteurs rencontrés la concentration des équipements culturels majeurs ne semble pas poser de problème, mais est plutôt perçue comme une chance pour la ville. Ceci permettant au contraire d'attirer plus facilement des touristes, tout en rayonnant sur l'ensemble de la ville. De plus la concentration des équipements dans un périmètre restreint rend sa sécurisation plus facile, ce qui à Marseille n'est pas une question négligeable. Comme dans beaucoup de villes, touristiques ou non, l'enjeu sécuritaire est désormais non pas une priorité mais un élément important à intégrer et à prendre en compte.

Néanmoins bien que la culture soit présente sous sa forme la plus honorable, elle l'est aussi sous sa forme la plus marchande ; et bien des questions commencent à se poser quant à la viabilité de certains bâtiments culturels, notamment la Villa Méditerranée. La concentration des équipements en est peut-être à l'origine, à moins que cela soit dû au concept et à la fonction du bâtiment.

Le J4 peut cependant se féliciter d'être un espace public pour tous les marseillais. Bien que pris d'assaut par les touristes, le J4 reste cependant fréquenté, selon Anna Kurta, par les habitants du Panier généralement issus de classes modestes. Toutefois la culture et le MuCEM ne sont pas le motif de leur présence, car ceux-ci viennent profiter de l'accès à la mer qu'offre le nouvel espace public et les enfants pour se baigner.

Figure 19 : La darse du J4 : le MuCEM et le Fort St-Jean

Source : architecture-urbanisme.fr

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Réussite sans conteste, le J4 a permis de donner aux marseillais un objet culturel d'envergure métropolitaine ; la tenue de la Biennale du Cirque dans cet espace montre bien l'importance de ce site dans la stratégie culturelle de la ville.

La vitrine urbaine de Marseille qui est déjà bien avancée, a permis à la ville de se doter d'équipements culturels de grande importance, mais aussi de rayonner sur un vaste territoire. Rentrant directement dans une logique et une stratégie d'attractivité, la Cité de la Méditerranée cherche à vendre une image flatteuse de la ville. En modifiant complètement le territoire sur lequel elle s'implante, la Cité de la Méditerranée a favorisé l'implantation de fonction urbaine dans un quartier qui n'en comprenait pas.

Néanmoins si l'on peut se réjouir des nouvelles pratiques qu'a entrainées cette diversification fonctionnelle, il faut s'attarder sur la faible diversité de celles-ci et l'omniprésence du caractère marchand dans les activités de loisirs proposées. Le public visé et la notion d'intérêt général peuvent alors être remis en question.

Par ailleurs il faut relever que la Cité de la Méditerranée est une formidable vitrine urbaine. Donnant sur le port cette opération est aussi un magnifique outil pour promouvoir la ville et marquer les touristes et croisiéristes ne connaissant pas Marseille. La skyline rentre dans cette stratégie touristique que prône la ville de Marseille ; néanmoins cette stratégie ne doit pas remplacer une politique de développement pour tous.

Nous allons voir dans la dernière partie comment est organisé l'EPAEM, comment s'établit la gouvernance et quels sont les liens entre acteurs publics et privés.

D. L'EPAEM : un jeu d'acteurs complexe dans une métropole complexe

Marseille est une ville qui suite aux délocalisations d'une partie du port, a connu de nombreux problèmes notamment sociaux. Aggravée en parallèle par un désengagement des politiques sur certains territoires, la situation marseillaise est problématique au début des années 1990. Néanmoins, l'État se décide pour intervenir ; nous allons donc plus précisément nous intéresser à la manière dont celui-ci intervient en étudiant le mode de gouvernance de l'EPAEM, puis nous verrons quels sont les autres acteurs publics et privés qui sont associés.

A. Mode de Gouvernance de l'EPAEM

Comme nous l'avons vu dans la première partie, l'Établissement Public d'Aménagement EuroMéditerranée fut créé le 13 octobre 1995, suite aux rapports Masson et Weiss. Bien que le projet ne soit pas encore bien défini, l'établissement public est tout de même mis en place et s'appuie sur une logique partenariale, suivant un schéma novateur.

Mobilisant très fortement sur les collectivités, l'EPAEM associe l'État, la région PACA, le département des Bouches-du-Rhône, MPM et la ville de Marseille. Si l'on s'intéresse aux financements de l'établissement public, il est prévu que l'État apporte 50 % de ceux-ci, que 25 % des financements soient soutenus par la ville de Marseille, et que le département et la région contribuent à hauteur de 10 % chacun au financement de l'EPAEM. MPM complète le financement avec un apport de 5 % du total. Bien qu'étant une opération d'intérêt national, la répartition du capital témoigne de la volonté d'État de ne pas assumer seul la responsabilité financière et politique du projet.

Figure 20 : Schéma de répartition des financements de L'EPAEM

10 %

25 %

10 %

5 %

50 %

État Ville Région Département MPM

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En associant ainsi les différentes collectivités au projet, l'État a souhaité engager une nouvelle forme de coopération entre acteurs locaux, en créant par là de nouvelles dynamiques. Ainsi dans un contexte post-décentralisation, l'État n'a pas offert un projet urbain totalement finalisé à la ville, mais il a permis d'instaurer un cadre institutionnel pouvant servir de bases pour une discussion entre les grands acteurs de l'aménagement.

« L'étude du jeu des acteurs tendrait ainsi à confirmer l'hypothèse d'une tentative de l'État de placer aujourd'hui Marseille dans une situation de non-retour qui obligerait, par la suite, les acteurs locaux à porter le projet à son terme » 40.

L'État instaure donc à travers Euroméditerranée un projet et une méthode. Tout en donnant les grandes lignes directrices, celui-ci se pose en coordinateur à travers l'EPAEM. Ce rôle de coordinateur est par ailleurs inscrit à l'article 3 du protocole de partenariat d'Euroméditerranée :

« La mission de l'EPAEM est de veiller à la cohérence du projet en liaison avec les différents maîtres d'ouvrage publics et privés et de réaliser sous sa propre maîtrise d'ouvrage les opérations d'aménagements visées dans le présent protocole » 4 1 .

Ainsi l'exemple de Marseille illustre bien les changements de l'action publique. Il met en avant le poids des dispositifs de coordination d'une action procédurale dans laquelle la mise en cohérence prend beaucoup d'énergie.

« La logique de partenariat dans les opérations d'aménagement ne modifie pas seulement les relations entre les acteurs, mais les acteurs eux-mêmes. Désormais chacun est centré sur la relation avec les autres avant de l'être sur sa propre tâche » 42.

Bien que plus long à mettre en oeuvre, le projet est cependant mieux accepté par les différents acteurs publics, car ceux-ci vont être impliqués dans le Conseil d'Administration de l'EPAEM. Avec une répartition proportionnelle au financement des sièges au conseil d'administration, les collectivités sont les vraies garantes de l'opération. Comptabilisant au total 20 membres, le CA de l'EPAEM compte 9 représentants de l'État, relevant de 6 ministères différents, 3 représentants de la ville de Marseille, et deux sièges pour les collectivités restantes. Un représentant du GPMM et une personnalité qualifiée nommée par le Premier Ministre siègent également au Conseil d'Administration de l'EPAEM.

Outil institutionnel dans lequel se prennent les décisions, le CA se réunit deux à trois fois par an, et est préparé par de nombreuses réunions des services techniques des différentes collectivités. C'est dans ces réunions entre services techniques que sont préparées les délibérations et décisions du Conseil d'Administration. De fait les réunions du CA sont souvent consensuelles et enregistrent des décisions et des accords pris en amont.

« Ainsi, théoriquement maître du processus décisionnel, l'EPAEM est en pratique tenu de composer avec ses partenaires locaux, tout en étant jugé seul responsable des transformations engagées sur le site. La situation est d'autant plus complexe que l'EPAEM est contraint, dans son fonctionnement quotidien, de s'appuyer sur des procédures - ZPPAU, OPAH, PRIÉ - dont il n'a pas la

40 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille Euroméditerranée accélérateur de Métropole, p.168.

41 Protocole de partenariat d'Euroméditerranée pour la période 2006-2012, p.6.

42A. Bourdin, L'émergence d'une nouvelle figure de l'aménagement.

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maîtrise, soit parce qu'elles échappent à ses compétences, soit parce qu'elles débordent de son périmètre » 43.

Les collectivités territoriales sont donc les vraies garantes de l'opération. De plus le consensus est obligatoire pour que l'opération suive son cours. La figure d'une maîtrise d'ouvrage forte est aussi remise en cause car l'EPAEM doit ainsi assurer la coordination d'une maîtrise d'ouvrage diversifiée. Il se doit de composer et de coopérer avec les autres acteurs publics. Bien qu'il s'agisse d'une OIN, l'État ne s'est pas comporté en « maître des lieux », mais a favorisé le discours et le consensus. Après plus de 20 ans, ce système a fait ses preuves : il a permis à chaque acteur de dépasser son champ de compétences en décloisonnant celles-ci, et a permis de monter un projet urbain ambitieux dans la cité phocéenne.

Par ailleurs, il faut remarquer que le mode de gouvernance de l'EPAEM a su résister aux aléas politiques. Ayant vu plusieurs gouvernements de bords opposés se succéder, et rassemblant des collectivités territoriales ne partageant pas toujours les mêmes idées politiques, l'EPAEM a su rassembler.

« Le consensus est solide parce que nous sommes partis d'une stratégie générale, fruit de longue discussions, et que nous avons recherché ensuite des solutions adaptées aux solutions particulières des partenaires mais toujours en nous référant à la stratégie définie collégialement » 44.

De plus, le projet urbain contrairement à d'autres villes françaises n'est pas personnalisé en la présence d'un maire ; ceci le renforce sans aucun doute. Le pilotage partenarial droite-gauche annihile toute tentative d'un élu de s'approprier le projet, et comme le confie A.Sorrentino : « L'EPAEM doit rester une structure indépendante de la ville, condition pour que la région et le département reste partenaires ». Contrairement à d'autres villes comme Lyon ou Bordeaux, le maire ne s'est pas identifié au projet urbain, et ne l'a jamais repris à son compte.

Cependant, si jusqu'à maintenant le consensus s'est bien passé, une élue de la ville de Marseille avoue qu' « aujourd'hui les financements ont changé, il faudrait aussi que la répartition au CA change » 45 . Bien que l'opération suive son cours, les rapports de force sont permanents au sein de l'EPAEM. L'État et la ville se confrontent sur le sujet de l'attribution des sièges du CA, ce qui montre aussi une volonté de la ville de s'impliquer plus dans le projet.

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43 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille Euroméditerranée accélérateur de Métropole, p.162.

44 Marseille Euromediterranée, la consultation pour Euromed Center,

45 entretien avec L. Caradec, le 28 novembre 2014.

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B. Liens avec les autres acteurs publics et privés

Penchons-nous à présent sur les relations et les rapports entre l'EPAEM et les autres acteurs, privés ou publics, d'Euroméditerranée.

Un des acteurs influents est bien sur le GPMM. Ancien maître des lieux, le port a vu, depuis les années 1995, l'espace qui le jouxtait fortement se modifier. Établissement public d'État, le GPMM est un acteur influent car il doit organiser et gérer l'ensemble du port de Marseille.

Néanmoins avec le recul de ses activités dans les bassins Est, combinée à la crise sociale et urbaine qu'a connue l'espace arrière-portuaire, l'opération Euroméditerranée s'imposait, mais celle-ci se juxtaposait avec le périmètre du port. Dès le début des réflexions de 1992/95, le port consacre une mission pour s'intégrer au projet de rénovation urbaine. Bien que de nombreux débats houleux aient tourné autour de la frontière entre les périmètres et les emprises du port 46, une convention va organiser le statu quo en 1999. Celle-ci va aboutir à l'accord du retrait du port sur une bande de 45 mètres et au déclassement du môle du J4. « La crainte de l'époque était de perdre toutes les emprises foncières du port et d'entraver l'activité du port » confie Régine Vinson, actuelle responsable de la mission Ville-Port pour le GPMM.

Un travail en collaboration sur les études de définition, notamment celle de la Cité de la Méditerranée, a alors été réalisé. Concrètement les rapports entre l'EPAEM ou la ville et le port sont réinventés par le recul du port, le changement de destination des môles qui s'inscrit dans une logique gagnant-gagnant : le port continue ses activités alors que d'autres se développent au-dessus. Mais aussi par des occupations urbaines dans des bâtiments et espaces qui étaient à la base dévolus au port, le Silo et les Terrasses du port illustrent ce changement.

Ceci témoigne d'une volonté de coopération des différents acteurs et prouve la bonne volonté du port, car souvent ceux-ci n'ont pas les mêmes intérêts. Intérêt économique pour les acteurs portuaires contre intérêt citoyen pour les collectivités, Euroméditerranée semble montrer qu'il est possible de faire coïncider les deux.

« Bien qu'il soit facile de taper sur le port, nous voulons la même chose. (É) Une grande différence existe entre les annonces médiatiques des politiques et les relations entre les services techniques de la ville et ceux du port. Les politiques sont parfois trop dans leur rôle et tapent facilement sur le port » 47.

Aujourd'hui les débats entre le port et la ville de Marseille se portent sur le J1 et son avenir. Utilisé en 2013 comme lieu d'exposition, la ville de Marseille et l'EPAEM souhaiteraient le déclasser pour en faire un lieu symbolique d'Euroméditerranée. Sa position centrale, sur le front de mer entre le J4 et les tours d'Arenc le rend important. Mais le port ne semble pas prêt à céder encore son foncier ; celui-ci revendique la maîtrise du choix des projets réalisés sur le domaine public maritime que ce soit par l'exercice de la maîtrise d'ouvrage ou d'une délégation conventionnelle de maîtrise d'ouvrage avec la constitution éventuelle de droits réels.

46 entretien avec R.Vinson, le 28 novembre 2014.

47 entretien avec R.Vinson, le 28 novembre 2014.

Alors que certains acteurs, comme la ville de Marseille, souhaite aller encore plus loin dans le déclassement des emprises portuaires, d'autres comme l'EPAEM estiment que les relations avec le port sont bonnes et que les négociations foncières sont en bonne voie. Il ne faut pas oublier qu'il est un acteur économique très important de l'aire urbaine ; « il ne doit pas disparaitre, mais il doit s'adapter pour qu'une meilleure relation urbaine, portuaire, économique s'installe » 48.

Intéressons nous désormais aux relations qu'entretient l'EPAEM avec le monde privé. Acteurs incontournables de l'aménagement d'Euroméditerranée, les acteurs privés, promoteurs ou grands groupes mondiaux, sont les bâtisseurs du nouveau quartier.

Il a toutefois fallu les rassurer pour que ceux-ci investissent dans Euroméditerranée. Le rôle de l'EPAEM a été primordial sur ce point, car ce dernier a donné les garanties de l'investissement public. En s'engageant fortement pour des aménagements urbains, l'EPAEM a permis d'impulser les investissements privés. Car ce sont eux qui réalisent les immeubles de bureaux, les logements et les grands projets d'investissements comme les Terrasses du port ou l'Euromed Center.

Entre 2004-1995, les pouvoirs publics ont investi 244 millions d'euros ; ceci a été suivi d'environ 600 millions d'euros d'investissements pour le privé principalement pour les immeubles de bureaux de la Joliette. Les principaux investisseurs privés sont Axa Reim, Difa, Oppenheim, Vassale, BNP Paribas, Starwood, ING, la Caisse d'épargne et le Crédit Agricole 49 . Salué par la presse spécialisé, ce montant d'investissement public ne prend néanmoins pas en considération les projets entrepris par les collectivités. Le prolongement du tramway 2, traversant Euroméditerranée, le futur hôpital Paré-Desbief dans le périmètre et d'autres investissements publics comme les équipements de proximité ne sont pas comptabilisés dans les 244 millions d'euros. Il convient donc de relativiser le ratio avancé par l'EPAEM d'un euro public investi entrainant 3 euros d'investissements privés. Cependant l'investissement privé est très important sur ce périmètre réduit. La classification en OIN a joué un rôle important pour rassurer les investisseurs privés.

Par ailleurs il faut relever qu'aucune ZAC d'Euroméditerranée ne s'équilibre financièrement en raison des montants de travaux d'infrastructures publiques à construire. L'intervention publique de l'EPAEM s'est donc attachée à équilibrer les différentes opérations avec des subventions publiques. Cela a été réalisé afin de pouvoir vendre des droits à bâtir à un coût raisonnable ; sans cela aucun privé n'aurait investi dans le projet.

L'investissement privé dans le projet montre un intérêt, ou un regain d'intérêt, pour la cité phocéenne et lui confère une place de métropole où il faut investir. Là encore le changement d'image est important, et celui-ci a été permis par l'EPAEM et par la fiabilité que la structure présente.

48 entretien avec A.Sorrentino, le 27 novembre 2014.

49 B. Bertoncello, J.Dubois, Marseille Euroméditerranée accélérateur de Métropole, p.182.

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Nous l'avons vu Euroméditerranée est un énorme projet de redynamisation économique et urbain d'un territoire arriéro-portuaire en forte crise. Impulsé par l'État dans les années 1995, les premières retombées sont aujourd'hui visibles et une vie commence à s'installer dans ce nouveau quartier.

En réaménagement différents espaces, autrefois sous l'emprise du port, le projet urbain a réinventé les relations ville-port et les usages du territoire. Le récent prix d'urbanisme, décerné par l'École d'Urbanisme de Londres pour les aménagements réalisés sur le front de mer, montre qu'aujourd'hui le projet est reconnu et approuvé par une majorité d'acteurs de l'urbanisme.

S'appuyant sur un marketing urbain soigneusement étudié, Euroméditerranée met en valeur le littoral et s'inscrit dans une stratégie de reconquête du front de mer au Nord. Cette stratégie s'appuie tout principalement sur l'attractivité et le rayonnement du nouveau quartier. Composé d'objet architecturaux remarquables, Euroméditerranée réinvente la maritimité en vendant une image très flatteuse de Marseille, mais qui correspond plus au modèle de la ville nord-européenne qu'à la ville méditerranéenne. Le projet s'inscrit par ailleurs pleinement dans les opérations de waterfront que connait l'Europe méditerranéenne ces dernières années.

Se vendant comme un accélérateur de métropole, le projet urbain est aujourd'hui au coeur du système métropolitain de l'aire urbaine de Marseille. Situé sur une seule commune, Euroméditerranée est néanmoins un projet d'envergure métropolitaine. En réunissant les différentes collectivités autour de la table, en répondant à des problèmes de transport au coeur de métropole et en installant un quartier d'affaires permettant de diriger l'ensemble d'un territoire métropolitain, le projet montre qu'il peut être qualifié de métropolitain. La deuxième ville de France avait besoin d'un projet de cette envergure pour changer et sortir de son statut de ville portuaire. Pourtant de nombreuses questions, comme la place des habitants, où la mixité sociale et fonctionnelle n'est pas encore résolue.

Bien que non parfait, Euroméditerranée a cependant une belle réussite à afficher : la réunion des acteurs publics. En effet dans une ville qui était dans les années 1980/90 en proie à une profonde crise sociale, économique et urbaine et tétanisée par un immobilisme des politiques locales, le projet les a réunis et a permis de montrer que Marseille était une ville dynamique. Avec un territoire marqué par la présence de l'État et par une OIN, l'EPAEM a réussi à mettre autour de la table les différentes collectivités pour que celles-ci se saisissent du projet, instaurant ainsi un nouveau modèle à Marseille, un modèle basé sur le partenariat et qui pourrait servir pour la gouvernance de la future institution métropolitaine.

Néanmoins si le projet permet une modification structurelle du territoire, il convient de ne pas le glorifier au vu des nombreuses problématiques qu'il soulèvent et auxquelles il n'a pas répondu. La comparaison avec les autres villes étudiées nous montre cependant que ce genre de projet peut faire émerger une métropole, comme ce fut le cas pour Bilbao, ou faire plonger un territoire, comme pour Valence.

Les prochaines années nous diront si Euroméditerranée est réellement de dimension métropolitaine, et si celui-ci a encouragé la métropole. La réussite d'Euroméditerranée se jugera aussi sur l'élargissement du périmètre et de la prise en compte des habitants. Si le quartier devient vivant et pratiqué par les habitants du territoire métropolitain, celui-ci aura alors réussi son pari, tout comme si le dynamisme issu du projet dépasse les limites du périmètre.

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3. MP 2013 : un événement culturel rassemblant la métropole et rendant le territoire attractif

Après avoir vu dans quelle mesure le projet Euroméditerranée est un projet d'envergure métropolitaine, penchons nous sur un autre projet qu'a connu le territoire ces dernières années : Marseille Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture.

Avant de nous intéresser au projet développement par le territoire, revenons rapidement sur le titre de CEC. Créé le 13 juin 1985 par le Conseil des Ministres de l'Union Européenne, sous le nom de Ville Européenne de la Culture, ce titre est conçu pour «contribuer au rapprochement des peuples européens » et promouvoir la culture dans les pays et villes européens. Renommé Capitale Européenne de la Culture en 1999, ce titre se base sur les richesses patrimoniales et culturelles des villes. Jusqu'en 2004, les Capitales Européennes de la Culture étaient sélectionnées à l'unanimité par les états membres. La Commission Européenne accordait chaque année une subvention à la ville sélectionnée. Dorénavant, la Capitale Européenne de la Culture est désignée chaque année par le Conseil des Ministres de l'Union Européenne sur recommandation de la Commission Européenne, laquelle tient compte de l'avis du Parlement Européen et d'un jury composé de sept hautes personnalités du secteur culturel.

Au départ simple festival pour des villes possédant déjà un fort rayonnement culturel, l'événement est progressivement devenu un levier de développement économique, social et culturel pour des villes en changement. Voyons donc comment Marseille a accueilli ce titre.

Toujours dans une perspective métropolitaine, nous chercherons à savoir comment le projet MP 2013 a permis au territoire de l'aire urbaine marseillaise de rentrer dans une dimension métropolitaine.

Nous définirons dans un premier temps le projet ; nous verrons ensuite comment cet événement public s'est inscrit dans un cadre de vie rénové, comment le projet a permis de changer l'image du territoire et quels sont les suites et les moyens de pérennisation du projet.

A. Un projet culturel de territoire

Nous allons dans un premier temps nous pencher sur le projet MP 2013 et les différents buts que celui-ci poursuit, puis nous verrons dans quelle mesure le projet est un projet de territoire.

A. Grands objectifs et buts poursuivis par le projet

Débuté en 2004, par le vote du Conseil Municipal de Marseille en faveur de la candidature de la ville au titre de Capitale Européenne de la Culture, le projet de MP 2013 répond à un double volonté : « Faire de Marseille un pôle de coopération artistique et culturel entre l'Europe et tous les pays de la Méditerranée » et « Développer la vie culturelle comme levier de la rénovation de la cité, de la qualité de vie partagée et du mieux vivre ensemble » 50.

Les buts du projet peuvent donc se distinguer en deux catégories complémentaires : ceux d'ordre culturel s'inscrivant dans le processus de Barcelone (1995) et la Politique Européenne de Voisinage ; et ceux s'inscrivant dans une stratégie d'amélioration du cadre de vie et d'aménagement de la ville. Le premier but cherche à « constituer à Marseille une plateforme permanente et pérenne du dialogue interculturel euro-méditerranéen » 51 . Le deuxième conjugue quatre dimensions : « la qualité de l'espace public, l'irrigation du territoire, la participation citoyenne, et l'attractivité de la métropole. »52

Ces deux buts se déclinent, selon le rapport d'évaluation de MP 2013, en divers objectifs qu'il convient de rappeler. Dans un premier temps le projet devait soutenir la création et la diffusion d'oeuvres ambitieuses en travaillant avec les artistes issus des pays de la Méditerranée et de l'Europe ; ensuite MP 2013 devait valoriser le potentiel culturel et artistique du territoire ; l'innovation en matière d'intégration de la culture dans l'espace public et de relations entre culture et société composait le troisième objectif. Le quatrième objectif était d'impliquer les citoyens du territoire de MP 2013 à travers une approche participative et par un accès favorisé aux événements ; la création d'un événement exemplaire en matière de gouvernance collective, et l'augmentation de la fréquentation touristique du territoire étaient aussi des objectifs du projet. Le dernier objectif était de donner au territoire de la capitale une image internationale, créative et innovante.

Tous ces objectifs se traduisent dans le concept des Ateliers de l'EuroMéditerranée (AEM), qui est l'essence même du projet. Les AEM aussi ont fortement marqué le dossier de candidature de Marseille Provence 2013. Ils permettent aux différents objectifs de se mettre en application à travers les différentes missions qu'ils poursuivent : accueillir, transmettre, articuler transmission et création, contribuer au renouveau de la cité, et conjuguer les travaux artistiques et scientifiques. Entretenant des liens forts avec le milieu économique, les Ateliers de l'EuroMéditerranée ont aussi permis la réalisation de nombreuses oeuvres présentées durant l'année 2013. Ils permettent donc de remplir principalement les buts d'ordre culturel, bien que d'autres projets complètent ce volet.

50 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier de candidature de 2007, p.5.

51 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier de candidature de 2007, p.78.

52 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier de candidature de 2007, p.78.

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Au total se sont plus de 600 projets qui ont été cofinancés par l'association MP 2013 et 400 labellisés sans financement. Ce nombre de projets fait de Marseille l'une des plus grosse CEC en terme de projets. Le nombre de candidatures (2 500) avait déjà donné un aperçu de l'étendue de la CEC MP 2013. Le travail de sélection des projets, qui s'est effectué jusqu'en 2010, a constitué une part importante du travail de l'association. En accord avec la stratégie développée par MP 2013 et avec les objectifs que fixe l'Union Européenne, ce travail de sélection a été suivi par une phase d'accompagnement des porteurs de projets. Cette seconde phase a permis une adaptation des projets, et une implication de l'association dans certains de ceux-ci mais elle a aussi été une phase où il a fallu prioriser les projets. L'association a du étudier les projets afin de voir lesquels étaient intéressants et nécessaire à financer.

« La coopération a été de deux ordres : financière bien sur pour les projets le nécessitant, mais aussi de soutien technique à certains projets. Une équipe technique d'une vingtaine de personnes était mobilisée et répartie dans les différents projets devant être accompagnés. » 53

Transhumance par exemple était un projet porté par un petit théâtre ; très vite l'association a perçu ce projet avec beaucoup de potentiel. L'association a donc mis à disposition du personnel en charge du projet pour aider le théâtre dans le développement et la réalisation de son idée ; au final ce projet fut l'un des huit grands événements de l'année ; de plus celui-ci s'est déroulé sur l'ensemble du territoire métropolitain.

MP 2013 a bien sûr favorisé les projets culturels au sein du territoire, mais l'année Capitale a aussi permis une rénovation de la ville. Le projet s'est inscrit dès ses débuts dans une stratégie de développement et d'aménagement du territoire. Pensée comme un but à atteindre dans l'élaboration de la candidature, « la rénovation de la cité » 54 , a bien eu lieu sur le territoire de MP 2013. Abordée et traitée par les AEM, ceux-ci « seront

ouverts sur la ville. Ils aborderont les thèmes de la requalification des espaces publics et de la place de l'art dans ces espaces » 55 . La rénovation de la ville s'est aussi perçue à travers l'avancement et la mise en chantier de certains projets.

S'étant opérée sous plusieurs formes comme l'extension d'Euroméditerranée, la poursuite du GPV, la poursuite des travaux du Plan de Déplacement Urbain, et à travers d'autres chantiers d'équipements, d'infrastructures ou d'aménagements, Marseille s'est métamorphosée en quelques années. C'est dans le cadre de cette politique de rénovation urbaine que prennent place les chantiers d'équipements culturels nouveaux pour 2013. S'appuyant sur l'existant, le titre de CEC est vu comme un moyen de faire évoluer la ville, de la doter d'équipements culturels majeurs (MuCEM, Villa méditerranée, Silo, É), mais aussi pour renforcer ses infrastructures de transports. Les aménageurs publics, notamment l'EPAEM ont vu d'un très bon oeil la candidature et l'obtention de la CEC, car celle-ci a permis de faire avancer les choses. Pour certains projets l'EPAEM était le principal maître d'oeuvre de MP 2013. La Cité de la Méditerranée est par ailleurs un élément fort du dossier de candidature. Ce nouvel espace fut un élément prédominant lors de la phase de candidature ; il a donc fallu mettre rapidement en oeuvre les différents projets.

53 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014

54 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier de candidature de 2007, p.5.

55 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier de candidature de 2007, p.5.

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Nous verrons par la suite plus en détails les différents chantiers entrainés dans le giron de l'année capitale. Néanmoins plusieurs choses peuvent être affirmées. La CEC a permis une amélioration durable du cadre de vie des habitants de Marseille et de l'aire urbaine ; elle a entrainé une valorisation du patrimoine naturel avec notamment l'ouverture du parc des Calanques et des projets comme le GR 2013. Et enfin l'année Capitale a fait évoluer l'offre de transports du territoire, qui était pourtant un problème majeur dans l'aire urbaine.

B. Marseille-Provence, une candidature nécessaire suivie par l'ensemble du territoire

L'autre élément fort de la candidature et, qui selon différents acteurs rencontrés, va être très vite mis en avant, est la candidature d'un territoire dépassant les limites de la ville. Contrairement à ce que pourrait dire Boris Grésillon 56, l'idée d'une candidature au territoire élargi n'est pas née avec la CCI, mais avec la coopération métropolitaine.

«La coopération métropolitaine s'intéresse aux transports, à l'emploi, aux services publics qui concernent la jeunesse, à l'attractivité économique. L'idée du volet culturel émerge ensuite. L'idée d'une candidature large est alors née et a fait son chemin. Différemment de ce que pense B. Grésillon, la CCI n'est pas l'instigateur de la candidature élargie, mais elle a porté la candidature métropolitaine. » 57

S'inspirant de Lille 2004, la candidature de Marseille va rassembler l'ensemble du territoire métropolitain et proposer un réel projet culturel de territoire. La candidature du territoire est alors portée à l'échelle métropolitaine pour que les autres villes profitent de la Capitale Européenne de la Culture et de ses retombées, mais aussi pour qu'elles y contribuent. Significatif d'un réel effort, le projet de MP 2013 est une vraie réussite en terme de coopération territoriale dans une aire métropolitaine où celle-ci n'est pas évidente.

« Par ailleurs le dossier de candidature était d'une très grande qualité et il a visé juste en réunissant les territoires. Le parti pris est excellent car la ville qui a « pris » le plus, Marseille, est celle qui a le moins à mettre en avant, hormis la réunion des territoire et des identités. » 58

56 B.Grésillon, Un enjeu « capitale » : Marseille Provence 2013.

57 entretien avec P. Challende, le 21 novembre 2014.

58 entretien avec A. Sorrentino, le 27 novembre 2014.

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Figure 21 : Territoire de Marseille-Provence 2013

Source : Dossier de sélection 2008

Cette coopération territoriale et le projet ont aussi été fortement encouragés et portés par les discours des acteurs locaux. Adoptant un ton et un langage appropriés, les responsables politiques vont montrer lors de la candidature, une certaine unité autour du projet et une nécessité concernant l'accueil de cet événement. Il faut bien comprendre que le titre de Capitale Européenne de la Culture n'est pas vu comme une récompense pour le territoire, mais est là pour l'encourager. Jean-Claude Gaudin, député-maire de Marseille, après avoir vanté les mérites de sa ville, insiste sur l'apport positif que pourrait avoir le titre de Capitale Européenne de la Culture.

« Cependant, de nombreux handicaps restent à combler et la richesse constituée par les espaces, les hommes et femmes du territoire est encore contrastée: la relative pauvreté du territoire (économie, chômage...), le manque d'animation nocturne des villes, les difficultés dans l'organisation des transports collectifs, la propreté, la fragile attractivité internationale, la faible reconnaissance et le manque de rayonnement au-delà de certaines frontières... sont les défis à relever pour les années à venir. Pour y parvenir, le titre de Capitale Européenne de la Culture serait à la fois un irremplaçable encouragement et la juste reconnaissance d'efforts déjà accomplis. » 59

59 MP 2013, Capitale Européenne de la Culture Dossier de candidature de 2007, p.5.

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Même B.Latarjet, directeur de l'association MP 2013 jusqu'en 2010, souligne le fait que la candidature de Marseille a « habilement défendu l'argument qu'il fallait nous sélectionner parce que nous étions les plus mauvais (É) par rapport aux trois autres villes finalistes, que nous avions le plus besoin du titre de capitale culturelle » 60.

Contrairement à Essen, Capitale Européenne de la Culture en 2010, le titre n'est donc pas venu pour récompenser le territoire et la construction métropolitaine, mais pour l'encourager. Ulrich Fuchs, directeur adjoint de MP 2013 à partir de 2010 résume et confirme ceci très simplement : « C'est le projet culturel qui a lancé la métropole ». La CEC a permis de faire discuter, échanger et travailler ensemble des villes et des communautés urbaines qui n'avaient avant que très peu de rapports. L'adhésion au projet ne s'est pas faite sans de nombreux débats et discussions parfois houleuses entre responsables politiques. Bien que certaines collectivités, comme Toulon, soient sorties du projet MP 2013, le projet de territoire a été une réussite et il constituait un vrai défi lors de la candidature en 2007.

La multi-territorialité de la programmation et son ancrage sur les différents territoires de la capitale ont permis de réaliser un réel projet culturel de territoire. Par ailleurs la tenue de projet de MP 2013 se déroulant dans différents lieux a favorisé la coopération territoriale et l'émergence d'un projet commun là où ceci était impensable.

MP 2013 est donc à plusieurs égards un projet réussi, tant au niveau culturel, qu'au niveau territorial. Au niveau culturel le projet a proposé une programmation variée et s'est inscrit dans le processus de Barcelone, à travers une mise en avant de l'échange et de l'interculturalité ; au niveau territorial le projet en réunissant les différentes collectivités à permis de produire un réel projet commun ; il a ainsi entrainé une coopération territoriale et a amorcé le projet métropolitain.

Nous allons désormais voir comment le projet MP 2013 s'est inscrit dans l'espace public et quels ont été les grands moments de l'année capitale.

60 B. Grésillon, Un enjeu « capitale » : Marseille-Provence 2013,

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B. Un événement public, qui s'inscrit dans un cadre de vie amélioré

Nous l'avons vu le projet MP 2013 a permis de réunir les différentes collectivités territoriales, dans une aire métropolitaine souvent conflictuelle et a remporté une réelle victoire au niveau de la coopération territoriale.

Mais intéressons nous au déroulement du projet dans l'espace urbain, et sur la réussite qu'il a rencontrée auprès de ses habitants. Regardons de plus près, dans un premier temps, ce qu'a produit, encouragé, favorisé, accéléré, le titre de Capitale Européenne de la Culture pour les aménagements d'espaces publics sur le territoire, puis comment ont été utilisés ces espaces publics pendant l'année 2013.

A. Des événements publics s'inscrivant dans des espaces rénovés

Bien qu'ils soient compliqués à appréhender, et que cela ne soit pas le but de ce travail universitaire, penchons nous sur les impacts urbains de la CEC.

Compliquée à percevoir, la victoire du titre de CEC a permis au territoire concerné, et encore plus à la ville de Marseille, de transformer son espace public. C'est pourquoi et dans le cadre de cette partie, je me pencherai exclusivement sur Marseille et plus particulièrement sur ses deux principaux espaces publics de l'année 2013, à savoir le J4 et le Vieux-Port.

Figure 22 : Un nouvel espace public attractif

Source : Rapport MAGE

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Bien qu'il ne soit pas possible de conclure que ces réaménagements d'espaces publics aient été produits par MP 2013, le J4, nous l'avons vu auparavant était identifié de longue date par l'EPAEM pour devenir un pôle culturel majeur de la métropole ; alors que le Vieux-Port était lui aussi un espace de projet, pour MPM depuis 2000 61, nous pouvons affirmer que le projet MP 2013 et le titre de Capitale Européenne de la Culture ont grandement favorisé le réaménagement de ces espaces publics.

Dans un premier temps l'acquisition du titre de CEC a, il faut bien le comprendre, fixé un calendrier et donné un coup d'accélérateur aux divers projets en cours. La volonté de redévelopper le front de mer au Nord avec Euroméditerranée et ses divers projets, s'est vu propulsée par la culture. Le J4, par exemple, connu des marseillais, existait déjà en 1997. Mais si cette grande esplanade était surtout vouée à accueillir les cirques et des événements, elle a changé de vocation avec le titre de CEC. Il a été décidé, comme nous l'avons évoqué précédemment, que cet espace reste public mais soit aussi le réceptacle de deux grands édifices culturels encouragés par la CEC : le MuCEM et la Villa Méditerranée. Les discussions ont donc été accélérées, et les décisions aussi. Comme le dit très bien Alexandre Sorrentino : « Au final l'année capitale a permis de faire gagner 5 / 10 ans à Marseille (É), de plus il a fallu rénover les espaces publics. ». Le J4 devait être fini en 2013, pour l'année capitale, cela était impensable autrement. Car il faut savoir que le projet MP 2013, s'appuyait grandement sur ces espaces publics rénovés pour utiliser leurs potentiels en matière d'accueil de grandes manifestations.

En 2008, date d'acquisition du titre, Marseille ne dispose pas d'espace public de grande ampleur en centre ville. Il faut donc créer ou réaménager ces espaces et les faire vivre. C'est le cas pour le Vieux-Port : les acteurs publics n'ont pas eu le choix que de réaliser pour 2013 le projet d'amélioration et de requalification, afin que celui-ci serve d'agora pour la ville. Et bien que certains retards soient à déplorer, les réaménagements ont tous abouti et ont permis la tenue de grandes manifestations se déroulant dans l'espace public. MP 2013 a donc contribué aux évolutions de l'espace public en tant que fournisseur d'un calendrier.

La tenue de ces grandes manifestations était l'une des composantes principales du projet. Basée sur une prédominance des actions publiques et gratuites, qui plus est de grande ampleur, la volonté du projet MP 2013 a été de faire revenir les habitants dans les nouveaux espaces publics, et que ceux-ci se les approprient ou se les réapproprient. Il est donc prévu tout au long de l'année 7 grands événements dans les espaces publics marseillais (voir graphique complémentaire n°6 placé annexe).

Destinés à tous, ceux-ci sont pensés pour que les habitants réoccupent l'espace public. Difficile encore à analyser, nous pouvons toutefois nous baser sur le rapport MAGE, produit par MPM, la ville de Marseille, MP 2013 et l'AGAM, pour mieux comprendre comment se sont déroulés les grands événements dans l'espace public. Que ce soit la fête d'ouverture, l'arrivée de la Transhumance à Marseille, le Vieux-Port entre flamme et flots, ou encore la dernière grande manifestation Révélation « 8 », tous ces événements ont pu se dérouler ainsi car la ville s'est dotée d'un vaste espace public en centre ville.

Élaborés en collaboration avec les différents services concernés ces événements ont permis une redécouverte du territoire par ses habitants, ce que nous allons voir désormais.

61 AGAM, Étude de préfigurant pour le projet du vieux-port.

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B. La redécouverte du territoire et du centre ville par ses habitants

Si l'on s'intéresse désormais aux effets de MP 2013 sur les habitants et sur le succès qu'a rencontré le projet auprès de ceux-ci, deux choses sont à relever : d'une part l'événement a été largement suivi par la population, et dans un deuxième temps il a encouragé les habitants de l'aire métropolitaine à revenir dans la ville centre.

L'année 2013 a donc été suivie d'un fort engouement. Les chiffres, bien qu'ils restent des chiffres établis selon une méthode de comptage qui est à prendre en compte, montrent que durant l'année 2013, 11 millions de visites ont eu lieu sur le territoire de MP 2013.

MP 2013 est donc un succès de fréquentation comparable aux autres CEC. Pour autant si l'on s'intéresse plus en détail aux statistiques de fréquentation, plusieurs chiffres attirent l'attention : « la fréquentation est très ramassée sur une douzaine d'événements réunissant 50% des visites » 62 . Le MuCEM à lui seul représente plus de 15 % des visites de l'année et est un événement à part entière. Le week-end d'ouverture compte pour 5,4% des 11 millions de visites.

Si les grands événements ont été des moments marquants de l'année capitale, il faut relever que le Pavillon M, véritable centre d'information de MP 2013 pour les touristes, a été largement visité car 11 % des visites de l'année ont été faites dans cet équipement éphémère.

Figure 23 : Fréquentation touristique de l'année 2013

(nombre de visites gratuites et payantes : un même visiteur peut faire plusieurs visites)

Type de visite

Nombres de visite

Part sur le nombre total
de visites

Grands événements

1 815 000

16,5 %

Week-end d'ouverture

600 000

5,4 %

Entre flammes et flots

420 000

3,8 %

Révélation « 8 »

266 000

2,4 %

Autres

529 000

4,8 %

Expositions

6 050 000

54,9 %

MuCEM

1 824 000

17 %

Grand atelier du midi

462 000

4,2 %

J1

307000

2,8 %

Villa Méditerranée

256 000

2,3 %

Autres

3201000

29,1 %

Autres manifestations

1 940 000

17,6 %

Friche de la Belle de Mai

380 000

3,4 %

Festival d'été

285 000

2,6 %

GR 2013

120 000

1,1 %

Autres

1 155 000

10,5 %

Pavillon M

1 210 000

11,0 %

Total

11 015 000

100 %

L'année 2013 a donc été un succès mais celle-ci s'appuie principalement sur des grands événements, des expositions dans les nouveaux équipements culturels et des lieux phares.

62 Euréval, MP 2013 : L'évaluation, p.34.

Par ailleurs, le rapport d'évaluation de MP 2013 montre que 74 % des habitants du territoire se sont rendus à au moins un événement 63, les trois-quart de la population ont donc suivi le projet et participé à MP 2013. A titre de comparaison, l'année 2013 a Marseille a été proportionnellement plus suivie par ses habitants que celle de 2008 à Liverpool : 66% des Liverpudliens se sont rendus au moins à un événement lors de la CEC de 2008. L'adhésion de la population au projet s'explique sans doute par le fait que 40% des projets ont eu lieu dans l'espace public et étaient donc gratuits et accessibles. Par ailleurs 70 % des projets se sont tenus dans un établissement recevant habituellement du public (il faut savoir que les projets pouvaient se dérouler dans plusieurs espaces). Parmi ces projets, les grands événements tiennent une place capitale comme nous l'avons vu. Mais de nombreux autres projets ou lieux culturels de taille plus petite ont permis cette forte fréquentation. Il a très vite été décidé par MP 2013 de favoriser l'accès à la culture en la développant gratuitement au coeur des espaces publics.

L'investissement de l'espace public a d'ailleurs dés le début de l'année 2013 été suivi par l'adhésion de la population : l'inauguration sur le Vieux-Port en est l'exemple (400 000 participants principalement des habitants du territoire). De plus le fait que cet événement se déroule sans aucun incident majeur a envoyé un signal fort de réussite pour l'année capitale. L'inauguration est par ailleurs d'autant plus symbolique car elle a débuté dans les quartiers Nord et a abouti au Vieux-Port.

Après avoir vu voir le succès qu'a été MP 2013, intéressons nous plus en détail à ces chiffres ; il convient de voir quel type de population l'année capitale a attiré et quels sont les publics qui y ont participé. Pensé pour être public et destiné à tous le projet, MP 2013 a-t-il touché un public large ? La question peut être posée, et elle l'a été aux acteurs culturels. Bien qu'il n'existe pas de statistiques sur ce sujet et sur l'origine sociale des populations ayant participé aux projets, la moitié des acteurs culturels interrogés pensent que le public était plus diversifié durant l'année 2013. Ces acteurs culturels ont aussi estimé (il s'agit donc bien de ressenti et non de preuve factuelle) que le public était plus largement composé de public pas habituellement présent dans les lieux culturels de la ville. La chercheuse Sylvia Girel qui a coordonné des études de terrain sur les publics et les événements livre sa vision :

« Si l'on prend l'ensemble des lieux et des événements de l'année 2013, on retrouve toutes les catégories de public analysées par les sociologues : les publics des habitués, (É) des publics spécifiques, scolaires, touristes, comité d'entreprises, etc É qui viennent chacun avec des motifs et attentes différentes; des publics inattendus, qui ont découvert et se sont reconvertis à certaines formes de créations ; on pourra citer des bénévoles de MP 2013, des familles découvrant la diversité du cirque actuel. Il y a aussi eu des publics résistants ou réfractaires ; des indifférents, etc É » 64.

Que dire ou penser alors du manque d'études (fiables ou réalisées) sur la participation des habitants des quartiers relégués, si ce n'est qu'une fois encore ces citoyens ne sont pas la préoccupation première des dirigeants. L'absence de rapports sur les retombées d'une année capitale sur ces quartiers et ses habitants nous montre que ceux-ci ne sont pas une priorité, contrairement aux effets d'images escomptés par MP 2013. Le rapport

63 Euréval, MP 2013 : L'évaluation, p.34.

64 Marsactu, Une forme d'appropriation de MP2013, 30 décembre 2013.

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d'évaluation commandé par l'association à Euréval et qui a été fortement influencé par la CCIMP, s'intéresse principalement à deux grandes questions : le changement dans la pratique des acteurs culturels induit par MP 2013 ; et l'influence de la CEC sur l'attractivité et l'image du territoire. Les questions importantes sont donc la culture et l'image que la CEC a induites.

La participation du public est certes abordée, mais elle ne constitue pas le sujet central du rapport. Ce thème est bien moins important, pour ceux qui ont commandé ce rapport, que le rayonnement procuré à la ville. Afin de nuancer mon propos nous pouvons retenir l'analyse d'Ulrich Fuchs qui au titre de son expérience au sein de l'association nous livre ceci :

« L'association a beaucoup investi humainement et dans des projets dans les quartiers Nord. Une programmation développée avec et pour les habitants a été mise en place, et même s'il a été plus difficile de communiquer dessus, car moins rayonnante, la CEC s'est aussi déroulée dans les quartier Nord. Les habitants y ont participé en tant qu'acteurs et comme visiteurs » 65 .

L'adhésion des habitants se serait par ailleurs manifestée et accentuée tout au long de l'année ; et une population de plus en plus mixte aurait été présente. Si MP 2013 n'a pas réussi à toucher toute la population du territoire elle ne s'est pas contentée d'être élitiste mais a réuni une part importante des habitants. L'invitation d'artistes locaux est, selon U.Fuchs, ce qui a permis de montrer aux habitants que cette année capitale était la leur.

Attendons donc que les premières études sur la participation des habitants des quartiers relégués paraissent afin de pouvoir approfondir ce sujet. Toutefois il est regrettable que les premières études s'intéressent presque exclusivement aux impacts et retombées économiques de l'année 2013. Dans un modèle de plus en plus concurrentiel, la rentabilité d'un événement culturel intéresse plus que ses externalités positives sur la société.

Cependant l'un des effets produits par 2013 concerne l'identité métropolitaine et le sentiment de fierté et d'appartenance qu'ont ses habitants. Cette notion d'appartenance métropolitaine est très importante dans la construction d'un système métropolitain. Des divers entretiens réalisés, plusieurs propos ont convergé dans le même sens pour affirmer que l'année 2013 a permis aux habitants de l'aire métropolitaine de redécouvrir Marseille, et de faire revenir les métropolitains dans la ville centre.

« Même les riches locaux, qui étaient partis de Marseille après la décolonisation et la fin de la guerre d'Algérie, ont redécouvert la ville. 2013 a permis de faire redécouvrir la ville aux métropolitains. L'année capitale de la culture est donc un énorme succès sur ce point là. Elle a permis de les rendre fiers à nouveau de leur ville mère » 66.

Là encore peu d'études traitent le sujet, mais le sentiment de fierté est quelque chose de complexe à analyser. Le rapport d'évaluation estimait cependant que 2/3 des habitants du territoire avait une meilleure image de celui-ci.

65 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.

66 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.

« Très majoritairement les Marseillais expriment une certaine fierté de disposer désormais d'un centre ville attractif et séduisant. Un sentiment également partagé par les habitants de l'agglomération qui ont assisté aux événements et qui ont recréé un lien - distendu jusqu'alors - avec la cité phocéenne » 67.

En effet (sur une base de 505 participants), 76% des répondants à un questionnaire disaient que MP 2013 les a rendus fiers d'habiter Marseille Provence. Plus de 70 % ont découvert des richesses culturelles patrimoniales ou naturelles du territoire qui n'étaient pas connues jusqu'alors ; et 46 % ont découvert des quartiers ou des communes qu'ils ne connaissaient pas ou peu.

Le sondage conduit en automne 2014 par BVA pour Bouches du Rhône Tourisme montre que près de 60 % des habitants du département (presque tout le territoire de MP 2013 et de la future métropole) indiquaient avoir modifié positivement l'image qu'ils avaient de Marseille, et 82% estimaient que la ville a changé de registre. Plus important encore les habitants recommandent leur ville et deviennent des ambassadeurs de celle-ci car plus de 70% des interrogés recommandaient de visiter Marseille et la Provence durant l'année 2013.

L'année 2013 aura donc permis de faire découvrir le territoire métropolitain à ses habitants, et de les rendre fiers de celui-ci. Parmi les projets ayant participé à ce changement, celui du GR 2013 est exemplaire. En effet ce sentier métropolitain de 365 km a permis de révéler le territoire de Marseille-Provence sous un nouveau jour. Fruit d'une collaboration entre de nombreuses collectivités et acteurs publics, ce projet culturel, artistique, et touristique invite les marcheurs à découvrir la singularité et la diversité du territoire.

Figure 24 : Tracé du GR 2013

Source : Site MP 2013

67 Euréval, MP 2013 : L'évaluation, p.84.

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MP 2013 s'est inscrit pleinement dans les attentes de l'Union européenne ; le projet a par ailleurs permis une accélération des chantiers en prenant pour objectif principal la rénovation de la cité. En s'inscrivant dans l'espace public à travers de grands événements le projet a aussi permis une découverte ou redécouverte du territoire par ses habitants. Mettant en lumière et en valeur les différents aménagements réalisés les dernières années, MP 2013 a aussi changé la perception des habitants.

Modifiant positivement l'image du territoire pour les habitants, MP 2013 a aussi réussi à réconcilier les habitants de l'aire urbaine avec la ville centre. Souligné par de nombreux acteurs ce changement de perception à l'égard de Marseille est un premier pas dans l'élaboration d'une identité métropolitaine.

Mais analysons désormais les changements d'images qu'a induits l'année capitale pour le territoire et focalisons nous sur les touristes et les effets d'attractivité qu'a entrainés MP 2013.

C. Une image changée et une attractivité retrouvée

Nous allons désormais observer les impacts induits par MP 2013 sur l'image de Marseille et sur son attractivité.

Dans un premier temps nous verrons comment s'est opéré et traduit ce changement d'image pour les touristes ; puis nous verrons quelles stratégies sont mises en place pour s'adapter à cette nouvelle image.

Il convient tout d'abord de s'accorder sur le concept d'attractivité, qui peut être défini ainsi : « l'attractivité d'un territoire est sa capacité à attirer à un moment donné des ressources spécifiques provenants de l'extérieur » 68 . Ceci peut se traduire par l'implantation de facteurs de production, d'habitants ou de touristes.

A. Changement de l'image de Marseille pour les touristes

Le projet MP 2013 et l'année CEC ont eu plusieurs impacts pour Marseille, l'impact sur le tourisme est sûrement l'un des plus importants.

Bien que le territoire de MP 2013 soit déjà un territoire à forte activité touristique, contrairement à d'autres CEC comme Lille ou Liverpool, l'année 2013 a été particulièrement bénéfique pour celui-ci et lui a apporté une hausse de la fréquentation touristique : au total ce sont près de 2 millions de touristes supplémentaires qui ont été accueillis sur le territoire.

Cette hausse du nombre de touristes, Anna Kurta, salariée et fondatrice de Cap Cult, entreprise spécialisée dans le champ de la médiation culturelle et s'occupant de faire les liens entre les CEC et les touristes étrangers, l'explique par deux raisons :

« Marseille est une ville qui fascine par son côté populaire et méditerranéen. La diversité culturelle, bien que peu mise en avant par le projet, est un élément culturel fort qui attire les touristes (étrangers). Ce coté rebelle est l'un des atouts qui fait le charme de Marseille ; il doit être préservé et être mis en avantd» 69 .

Loin des problèmes sociaux que connait la ville, Marseille serait désormais une ville à la mode où il ferait bon venir en vacances pour trouver, ou retrouver, une authenticité perdue. Les touristes Nord-Européens, ou simplement venant du Nord de la France et plus particulièrement de Paris, viendraient chercher dans la cité phocéenne ce côté rebelle qu'ils ne trouvent plus dans leurs villes de plus en plus aseptisées 70 .

Néanmoins la CEC a impliqué un changement dans la démarche de séjour des touristes.

68

INSEE

69 entretien avec A. Kurta, le 26 novembre 2014.

70 J. Viard, Marseille le réveil violent d'une ville impossible.

86

« Maintenant Marseille est reconnue pour son patrimoine culturel et plus uniquement grâce à son patrimoine naturel. Un vrai changement s'est opéré dans les séjours touristiques, et ça c'est grâce à l'année Capitale » 71 .

Les touristes ne viendraient désormais plus uniquement pour le patrimoine naturel, mais aussi et surtout pour le patrimoine culturel et architectural de la ville. La CEC a permis à Marseille de mettre en avant son patrimoine urbain et de le valoriser. Un changement d'image s'est produit en 2013. Si l'on s'intéresse aux motivations qui ont guidé le séjour dans la cité phocéenne, en 2013 81 % 72 des sondés répondaient que la dimension culturelle et architecturale était la motivation première, devançant le patrimoine naturel, alors qu'en 2012 les motivations liées au cadre naturel (79 %) étaient plus importantes que celles ayant attrait aux caractéristiques culturelles et architecturales (69 %).

L'augmentation de la fréquentation touristique peut donc être rattachée aux transformations qu'a connues Marseille, à l'événement qui s'est déroulé en 2013, mais aussi aux médias. Le rôle des médias et le travail de marketing territorial a en effet eu son importance, pour l'image de la ville et la perception qu'en ont les touristes.

Très critique sur les médias français, qui sont « trop souvent parisiens » et vendent une image peu flatteuse de Marseille, Maxime Tissot, directeur de l'Office du Tourisme de Marseille, vante les médias étrangers qui font « un vrai travail journalistique avec des articles de fond ». S'il est en effet vrai que la presse française a trouvé ses dernières années dans la ville de Marseille sa « tête de turc », il suffit de lire les dossiers récurrents des hebdomadaires sur les problèmes que rencontre la ville pour se rendre compte du Marseille-bashing. Les médias étrangers sont eux moins virulents à l'égard de Marseille et vantent les mérites de la ville. Le NewYork Times plaçait Marseille en deuxième position dans les villes à visiter d'urgence en 2013 73 . Les médias locaux et internationaux ont été très positifs à l'égard de Marseille et de MP 2013, contrairement aux médias français qui ont été plus réticents à vanter les mérites de Marseille durant l'année 2013. Toutefois l'attention donnée par l'association à ses relations presse a porté ses fruits : de nombreux médias nationaux ont changé d'avis sur Marseille et ont eu un traitement différent de la ville à partir du printemps. L'ouverture du MuCEM et l'événement « Entre flamme et flots » ont marqué un tournant dans le traitement de ceux-ci.

Le traitement médiatique est, même si cela n'est pas démontrable, influent sur les potentiels touristes et leur venue. Les médias sont l'un des principaux relais d'information pour un territoire ; Marseille a bien sur profité du traitement favorable des médias, mais l'association MP 2013 l'a aussi influencé. En multipliant le nombre d'accueil des journalistes, MP 2013 a profité de plus de 10 500 retombées médias.

71 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.

72AGAM, Marseille Provence 2013 un effet de levier pour le tourisme, p.1.

73 The New York Times, The 46 places to go in 2013, 11 Janvier 2013.

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Figure 25 : Les retombées médiatiques de MP 2013

Source : Rapport d'évaluation MP 2013

Lancée en avril, « Marseille, right now », la campagne de promotion du territoire, qui a réuni la CCI Marseille Provence, la Ville de Marseille le Consortium Fly Provence (regroupant l'Office de Tourisme et des Congrès de Marseille, Marseille Provence 2013, l'Aéroport Marseille Provence, Bouches-du-Rhône Tourisme) a aussi joué un rôle. Cette campagne de promotion a vendue le territoire aux internautes étrangers. Cela a été, selon M. Tissot le réel départ de l'année 2013, et a permis une mise en avant de Marseille par les médias nationaux. Ces éléments peuvent expliquer la hausse de la fréquentation à partir d'avril.

L'augmentation de la fréquentation touristique par rapport à l'année 2012 s'est perçue dès le début de l'année Capitale, s'est accrue à partir de mai, s'est poursuivie jusqu'en octobre et jusqu'à la fin de l'année. Ceci peut se percevoir à travers l'évolution des taux d'occupation mensuels dans l'hôtellerie de chaine. Bien que ne représentant pas tous les touristes, ce type d'information donne une tendance générale sur la fréquentation touristique tout au long de l'année et sur la hausse sensible du taux d'occupation entre mars et octobre.

Figure 26 : Taux d'occupation mensuel dans l'hôtellerie en 2012 et 2013 (en %)

Source : Observatoire local du tourisme, Chiffre-clés 2013

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Parmi les 1,9 millions de visiteurs supplémentaires qui ont été accueillis en 2013, il faut noter que la moitié étaient des excursionnistes (des habitants de départements limitrophes ne dormant pas sur le territoire), mais que beaucoup venaient aussi d'autres pays. La fréquentation touristique s'est illustrée par une part importante de touristes étrangers : 30% des touristes de l'année 2013 étaient étrangers.

La hausse est d'ailleurs notable pour ce type de touristes, car ils étaient pour l'année 2013, 23% de plus qu'en 2012. Il faut aussi relever, bien qu'ils ne représentent que 7% des touristes, que cette augmentation est d'autant plus forte chez les touristes extra européens : une augmentation de 35% est à relever pour les touristes américains et de plus de 60% pour les touristes asiatiques. Les touristes français restent les plus nombreux et leur nombre est en augmentation par rapport à 2012, mais dans une moindre mesure car l'évolution entre 2012 et 2013 n'est que de 4%.

Après avoir analysé les enquêtes et études commandées par MP 2013 et BdR Tourisme, plusieurs faits peuvent êtres ressortis. Un grand nombre de touristes venaient pour la première fois sur le territoire, car 35% des touristes ne connaissaient pas le territoire. Par ailleurs la quasi-totalité des touristes étaient satisfaits de leur séjour ; l'analyse que l'Office de Tourisme et des Congrès de Marseille a réalisée (via la Ville) montre que plus de 95 % des visiteurs sont satisfaits de leur séjour à Marseille et 96 % sont prêts à revenir et à la recommander à leurs amis. Le fait que cette étude ait été réalisée par la ville, invite à prendre ces chiffres avec précaution ; néanmoins le résultat est plus que satisfaisant pour la ville de Marseille

Enfin il faut aussi noter que les touristes étaient certes plus nombreux, mais que ceux-ci restaient moins longtemps qu'auparavant. Avec une durée moyenne de 5,6 jours entre mai et octobre, et de 4,6 jours pour le reste de l'année, 2013 semble confirmer la tendance sur laquelle Marseille a su surfer, celle des « city trip ». Apparu avec l'essor des moyens de transport, le tourisme urbain est caractérisé par de courts séjours et se singularise par des pratiques de consommations de produits urbains. Visites culturelles et balades urbaines sont caractéristiques de ce type de tourisme.

Cette augmentation de touristes a entrainé des retombées économiques pour le territoire de MP 2013. L'estimation des rétombées liées aux touristes et excursionnistes supplémentaires est d'environ 428 millions d'euros 74.

Figure 27 : Calcul de l'impact économique indirect de MP 2013

Source : Bouches-du-Rhône Tourisme ; CCIMP

74 Euréval, MP 2013 : L'évaluation, p.81.

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L'afßuence s'est dans un premier temps ressentie sur le nombre de nuitées dans les hôtels du territoires. L'année 2013 a permis aux hôtels du territoire d'enregistrer une hausse de 9% du nombre de nuitées, ce qui est exceptionnel surtout quand le reste de la région accuse une baisse de 3%.

L'année 2013 aura donc été déterminante pour l'image de Marseille. Le territoire a grâce au titre de Capitale Européenne de la Culture été beaucoup plus visité et plus en vue que les années précédentes. Néanmoins si MP 2013 a été l'élément déclencheur, la hausse de la fréquentation touristique résulte d'une stratégie touristique mise en place depuis plusieurs années sur ce territoire.

B. Une stratégie et une offre touristique adaptées et revues en profondeur

Si l'augmentation du nombre de touristes est bien liée à la CEC, l'accueil d'un tel nombre de touristes a été possible grâce à une stratégie mise en place par les pouvoirs publics depuis quelques années. Nous allons donc nous intéresser à celle-ci et aux éléments sur lesquels le territoire compte miser pour pérenniser les effets positifs de MP 2013.

Dans un premier temps il faut bien voir que Marseille s'est dotée depuis plusieurs années d'infrastructures de transports permettant une augmentation de l'afßuence touristique. L'arrivée du TGV à St-Charles en 2002 a montré la voie. La desserte ferroviaire de la ville phocéenne a en effet eu de nombreux effets sur les connexions établies avec le reste de la France et de l'Europe. La future connexion avec Londres semble poursuivre ce chemin et permettra à Marseille d'être encore plus reliée au reste de l'Europe.

Cependant le réel changement et les avancées en terme de desserte se sont opérés avec « l'ouverture d'un terminal low-cost à Marignagne. Cela a permis de connecter Marseille au reste de l'Europe » 75 . Lors de son ouverture en 2007, 1,5 millions de passagers supplémentaires étaient recensés dans ce hub, qui au fil des années est devenu de plus en plus important sans que pour autant le trafic des compagnies régulières diminue. L'ouverture de ce terminal low-cost est pour le directeur de l'Office du Tourisme, l'un des éléments qui a permis de faire évoluer l'offre de la ville. Facile d'accès, Marseille est devenue une ville touristique favorable aux courts séjours.

Figure 28 : Passagers accueillis à l'aéroport de Marseille Provence de 1998 à 2013

Source : Observatoire local du tourisme, Chiffre-clés 2013

75 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.

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Le troisième moyen de transport influent dans cette ville portuaire est bien sûr le transport maritime. Depuis quelques années le port de Marseille accueille de plus en plus de bateaux de croisière, et celui-ci semble être bien positionné dans la concurrence que se livrent les ports européens. Avec 1,4 millions de croisiéristes en 2013, les activités de croisières ont pu se développer ces dernières années notamment grâce aux efforts réalisés par le port de Marseille. La capacité d'accueil permettant à 9 bateaux de mouiller dans le port, les profondeurs de ses eaux et le déplacement d'une partie des activités industrielles vers Fos ont permis un développement des activités de croisières. Ainsi, aujourd'hui 40 % des têtes de lignes se feraient à Marseille pour les croisières sur la Méditerranée. Maxime Tissot le confie, ceci est très important pour le nombre de touristes accueillis, mais aussi pour les dépenses de ces derniers dans la ville. Le départ de 311 croisières du port confirme cette tendance et l'ouverture de 17 nouvelles lignes en 2013 au départ de Marseille est le signe d'un regain d'intérêt des compagnies pour ce lieu. Là encore une stratégie a été mise en place pour permettre aux touristes et aux croisiéristes de se rendre en nombre à Marseille.

Les infrastructures de transport et l'amélioration des connexions avec le reste de la France et de l'Europe ont permis à la ville d'augmenter sa fréquentation touristique. Cependant ce n'est pas le seul facteur ; les investissements réalisés dans l'offre hôtelière ont aussi rendu possible la hausse du nombre de touristes. Moins liée à la CEC, l'évolution de l'offre hôtelière semble plus motivée par la volonté de rattraper le retard de la ville dans ce domaine. Cette évolution de l'offre hôtelière a concerné tous les types d'offres, allant du bas de gamme à l'hôtellerie de luxe, et a porté le nombre de chambres à plus de 3 000 pour la ville de Marseille. En 2013 l'hôtellerie marseillaise avait achevé sa mutation avec la quasi totalité de ses équipements réhabilitée. De plus la ville s'est dotée à travers l'ouverture de l'hôtel Intercontinental dans l'Hôtel-Dieu, d'une offre haut de gamme qui lui manquait. Désormais Marseille est capable d'accueillir tout type de touristes et en nombre important. Si cette offre nouvelle touche que peu les habitants du territoire, elle est très influente pour les entreprises.

Marseille est devenue une ville importante dans le tourisme d'affaires. Profitant de l'effet comète de 2013, Marseille est devenue en 2013 la deuxième ville d'accueil de congrès de France, devant Lyon et derrière Paris. Bien que ceci soit fortement corrélé à la CEC, « de nombreuses sociétés ont choisi d'organiser leur séminaire annuel ou événement à Marseille, profitant de l'opportunité de la CEC » 76 ; ce changement résulte aussi d'une stratégie enclenchée de longue date. « Certains chantiers comme le palais du Pharo, ou le parc Chabot, ont permis de changer l'image de la ville et de reprendre des parts de marché » 77. La rénovation ou la création d'équipements destinés à accueillir ce type d'activités, notamment dans le périmètre d'Euroméditerranée, a permis à Marseille de se démarquer des autres villes.

Il ressort donc après cette année 2013, un fort dynamisme au niveau touristique. Ceci a été rendu possible grâce à des efforts entrepris de longue date, mais a aussi été influencé par la CEC.

L'année 2013 a par ailleurs eu des répercussions sur la mise en réseau des professionnels du tourisme. Selon M.Tissot, la mise en relation des offices du tourisme et la création d'une direction de l'attractivité par la ville de Marseille, sont l'un des apports de

76 Euréval, MP 2013: L'évaluation, p.65.

77 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.

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l'année 2013. Souhaitant mieux réfléchir à sa programmation événementielle, la ville de Marseille s'est associée à l'OfÞce du Tourisme pour mettre en place une réelle stratégie touristique, stratégie qui se base principalement sur l'accueil de grands événements. La mise en relation des acteurs du tourisme a d'ailleurs permis à Marseille de changer d'image :

« La ville n'est désormais plus un point de passage, mais un média permettant de communiquer et de vendre la Provence déjà reconnue pour ses qualités touristique » 78.

Désormais au centre de l'échiquier, Marseille se doit de rassembler et de diffuser sur l'ensemble du territoire métropolitain. Une des clés de la métropole est aussi dans les mains des touristes et dans les demandes de ceux-ci. Les mobilités touristiques en 2013 montrent que ces derniers ont bougé sur le territoire de la Capitale Européenne de la Culture ; une adaptation des moyens de transport au sein du territoire est donc à prévoir pour satisfaire leurs attentes.

Figure 29 : Les mobilités touristiques en 2013

Source : Rapport d'évaluation de MP 2013

Au vu des résultats de l'année 2013, la ville semble avoir opté pour une stratégie favorisant l'accueil de grands événements : en 2016 l'Euro de Football, en 2017 la Capitale du sport. La ville souhaite poursuivre sur ce phénomène d'année capitale dans une volonté d'attirer toujours plus de touristes. Cependant bien qu'une telle stratégie soit pertinente pour accueillir des touristes, l'est-elle pour les habitants et la poursuite des efforts réalisés dans la culture ?

78 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.

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Le travail des acteurs culturels ne va-t-il pas s'effacer si les moyens investis sont réduits ? C'est en tout cas la crainte de nombreux acteurs culturels qui voient la stratégie mise en place par Marseille d'un mauvais oeil.

« La volonté de miser sur d'autres grands événements n'est pas optimale : elle résulte d'une façon obsolète de comprendre la culture qui n'est pas un événement marqué dans le temps, mais un projet à poursuivre. Le risque de MP 2017 Capitale du sport est que les efforts faits en faveur de la culture ne soient pas poursuivis, et que les décideurs politiques laissent la culture de côté en estimant qu'il ont déjà répondu à la question » 79.

Comment ne pas donner raison à ces discours, quand l'adjointe au maire de Marseille pense la stratégie de la ville de cette manière :

« La culture : on a eu le projecteur sur 2013, on continue à surfer là dessus en 2014, mais cela va forcement s'étioler ; il faut de nouveaux éléments déclencheurs. » 80

Il faut donc s'intéresser aux réelles motivations de la ville et du territoire à la sortie d'une année capitale de la culture : sont-elles de porter la dimension patrimoniale et culturelle comme fer de lance de l'attractivité du territoire ; ou l'accueil de grands événements attirant un nombre important de visiteurs sur le territoire est-il plus important ? La ville semble avoir fait son choix, l'avenir dira si celui-ci est judicieux. La création d'une Biennale des Arts du cirque montre cependant une forme de pérennisation d'un élément fort de l'année Capitale. Il faudra tout de même attendre de voir ci celle-ci reprend bien l'esprit de MP 2013 et si elle touche l'ensemble du territoire.

Modifiant l'image du territoire, MP 2013 a été suivi d'une augmentation de l'afßuence touristique. S'inscrivant pleinement dans une stratégie touristique basée sur l'événementiel, MP 2013 a permis de révéler le potentiel et le capital culturel de la ville et de la métropole.

Ce genre de stratégie est pourtant risqué, l'exemple de Valence semble le montrer. Ne dénigrant pas ce type de politique, il ne faut pas pour autant que Marseille oublie ses habitants en mettant en place des actions courtes uniquement basées sur l'accueil de touristes et d'événements.

Dynamisant l'attractivité de la ville et favorisant son rayonnement, voyons comment MP 2013 a été un événement catalyseur qui a été suivi par le monde économique et qui a rassemblé les acteurs publics.

79 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.

80 entretien avec L. Caradec, le 28 novembre 2014.

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D. Un événement catalyseur...

Nous allons maintenant nous intéresser à ce qu'a entrainé MP 2013 au niveau des relations institutionnelles, et nous verrons comment le projet a été un événement catalyseur, a été suivi par le monde économique et les pouvoirs publics et comment celui-ci a favorisé la construction métropolitaine.

Avant tout il convient de préciser que le budget de MP 2013 était de 102,1 millions d'euros pour la durée du projet (2008-2013), auquel il convient d'ajouter les 4,75 millions d'euros correspondant à la phase de candidature.

A. É Suivi par le monde économique

Tout d'abord, nous l'avons évoqué, mais il est bon de le rappeler, le projet MP 2013 a été largement suivi et porté par le monde économique.

Dès 2003 des chefs d'entreprises, à travers le groupe des « Mécènes du Sud », avaient mis la culture au coeur de leur préoccupations et souhaitaient investir dans celle-ci. Soucieux de l'environnement dans lequel évoluaient les entreprises et leurs employés, Mécènes Sud a très tôt soutenu la création artistique liée au territoire Marseille-Provence. En parallèle la CCIMP menait depuis plusieurs années des études stratégiques sur le rayonnement et l'attractivité du territoire. La culture avait été identifiée comme un levier à renforcer pour attirer touristes et investisseurs. La perspective d'une Capitale Européenne de la Culture en France en 2013 est donc apparue comme une opportunité pour les acteurs économiques. De plus ce projet pouvait s'inscrire dans les réflexions des acteurs publics, et répondait à des intérêts partagés par le monde institutionnel et le monde économique.

Bien que la CCIMP ne soit pas l'instigateur du projet MP 2013, elle s'est beaucoup impliquée dans la candidature de Marseille et a produit de nombreuses études pour mieux définir le projet. L'étude « Que pourrait faire le monde économique dans une perspective d'une Capitale Européenne de la Culture », a par exemple abouti et débouché sur la proposition « 1 000 entreprises, 1 000 talents », qui s'est transformée et est devenue in fine « les ateliers de l'Euroméditerranée ».

Par ailleurs en confiant à Jacques Pfister, président de la CCIMP, le pilotage du projet de CEC, le maire de Marseille va envoyer un signal fort. Dans un premier temps il permet de réunir le monde économique, mais aussi de réunir les responsables politiques des différents territoires :

« J.Pifster est sollicité par le maire de Marseille car il rassemble, et peut rallier un territoire métropolitain. De plus J.Piefster n'est pas un politique, il n'est donc pas clivant et peut réunir le monde économique » 81 .

Les acteurs économiques vont alors fortement s'impliquer dans la candidature puis pendant la phase de conception du projet. Certains accompagneront même l'équipe de MP 2013 lors de déplacements dans des villes ayant été capitale, afin de capitaliser sur les expériences antérieures.

81 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.

En 2008, à l'annonce de la désignation de Marseille-Provence comme CEC, le monde économique va renforcer sa mobilisation, notamment au niveau financier. Après 3 années de prospection, MP 2013 a pu compter sur l'engagement de 207 entreprises. Impliquées à tous les niveaux du dispositif de partenariat mis en place, ces entreprises ont apporté une contribution de plus de 16,5 millions d'euros.

Ces apports représentent 16% du budget de la CEC et sont supérieures aux 14,7 millions espérés. Par ailleurs ce montant intégre des contributions financières, des apports en nature, mais aussi en compétences. Une part non négligeable des contributions en nature, 2 millions d'euros, ne correspondait pas à des postes de dépenses prévus par l'association mais ont participé à la mise en oeuvre et à la promotion de la Capitale 82 .

Parmi les entreprises qui se sont mobilisées, il faut noter que les grandes entreprises locales se sont particulièrement investies car 8 des 12 premières entreprises du département, en termes de chiffre d'affaires, étaient partenaires de MP 2013. Il faut aussi noter que 14 entreprises ont apporté plus des 3/4 des recettes de mécénat et parrainages à elles seules.

Figure 30 : Ventilation des recettes de mécénats par niveau de partenariat

Source : Bilan Mécénat de MP 2013

Pour autant le système mis en place par l'association a aussi permis aux PME de s'investir dans le projet. Avec un « ticket d'entrée » de 1 000 euros pour rentrer dans le club, MP 2013 a permis de mobiliser largement les entreprises et plus que lors des précédentes CEC. En effet Lille 2004 s'était appuyé sur, seulement, 82 entreprises partenaires qui lui avaient apporté 13 millions d'euros.

Néanmoins le soutien des entreprises à la CEC ne s'est pas arrêté là car 30% des entreprises ont communiqué autour de la CEC, qu'elles soient impliquées ou non dans la préparation et la mise en oeuvre de la CEC. Les PME ont par ailleurs été plus de 25% à développer de nouveaux produits ou services en 2013. Cependant tous les secteurs ne se sont pas mobilisés de la même manière autour du projet ; c'est le cas des commerces. Bien que supportant la CEC au court de l'année 2013, 94 % d'entre eux n'avaient pas proposé d'actions spécifiques le week end d'ouverture.

82 MP 2013, Bilan du mécénat de Marseille-Provence.

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Enfin il faut noter que le monde économique a aussi eu une participation aux projets culturels. Grandes comme petites entreprises ont participé de façon renforcée à l'activité culturelle du territoire. Ceci a pu s'effectuer de deux manières : à travers l'engagement direct auprès des acteurs culturels et par la communication sur les projets culturels. Les Ateliers de l'Euroméditerranée ont montré que les entreprises se mobilisaient en faveur de la culture, car plus de 60 résidences de créations artistiques se sont déroulées dans des lieux non dédiés à l'art. D'autres part de nombreuses entreprises ont affiché leur soutien au projet à travers l'habillage de leurs agences, la création de dispositifs favorables à la culture comme par exemple la distribution de places aux employés.

Tous ces investissements n'ont bien sur pas été faits sans but. La CCIMP avait identifié depuis longtemps les bénéfices et les externalités positives d'un tel événement. Pour autant, le fait que le projet ait été suivi par le monde économique a permis d'envoyer un signal fort. Ceci a montré que l'ensemble du territoire était capable de se réunir autour d'un projet commun. La majorité des acteurs rencontrés est d'ailleurs satisfaite de cette union autour d'un projet commun, et trouvait la mobilisation des acteurs économiques exemplaire.

« On a besoin d'attractivité, il faut mailler toutes les forces vives de la ville, il faut donner une image générale de dynamique de la ville. » 83

La CEC a permis de montrer qu'aujourd'hui le territoire est l'un des plus dynamiques de France. De nombreuses entreprises s'installent sur celui-ci et Marseille devient une alternative à Paris ou Lyon. A grand renfort de campagnes et de spots publicitaires, la CCIMP vante les mérites de la ville et du territoire, pour montrer le dynamisme issu de l'année Capitale. Cherchant à « rester capitale », le territoire souhaite aujourd'hui et demain attirer plus d'entreprises ; ainsi ce dernier mise sur les entreprises pour encourager son développement. Devenant ainsi une métropole attractive sur le plan national mais aussi international, le monde économique a su tirer profit de 2013 en communiquant sur les externalités du territoire.

B. ...Déclencheur d'investissements publics

Si la CEC a mobilisé les acteurs économiques, elle a aussi été largement suivie par les acteurs publics. Participant au budget de l'association, les acteurs publics ont par ailleurs beaucoup investi dans des projets d'investissements qui ont compté dans le succès de l'année Capitale.

Les acteurs publics ont en effet beaucoup investi dans le budget de l'association et dans les projets culturels qu'elle portait, car les subventions publiques à Marseille Provence 2013, hors Europe, étaient de 74,89 millions d'euros.

83 entretien avec M. Tissot, le 20 novembre 2014.

Figure 31 : Les subventions publiques à Marseille Provence 2013

Source : Rapport d'évaluation MP 2013

Témoignant d'une réelle coopération financière, l'analyse du schéma ci-dessus, montre aussi qu'il y a eu une réelle solidarité entre les différents acteurs publics. Celle-ci peut s'expliquer par la centralisation du financement à l'association MP 2013. Consacré par la Charte des membres fondateurs et fondateurs associés annexée au dossier de candidature, le principe de centralisation recouvre trois grandes dispositions précisées dans la Charte.

« En premier lieu, le projet de budget, définissant la répartition de l'effort financier entre les membres, a été élaboré par l'association et validé par son Conseil d'Administration. En deuxième lieu, les subventions allouées par les collectivités ont abondé un budget global géré par l'association, excluant ainsi le fléchage d'un financement sur une ou plusieurs manifestations spécifiques. En troisième lieu, la programmation de la CEC MP 2013, la répartition des manifestations sur le territoire et leur transcription budgétaire relevaient de la compétence de l'association et étaient soumises pour validation au Conseil d'Administration après avis du comité de pilotage » 84.

Cela a permis à l'association d'établir une réelle dynamique de solidarité entre ses membres, mais a aussi encouragé la tenue de projets dit « transversaux », que l'on pourrait qualifier de projets trans-territoriaux. Ne pouvant être affectés à un territoire en particulier, ces projets incarnent tout particulièrement la dimension territoriale de la CEC MP 2013 en fédérant plusieurs entités du territoire autour d'une proposition culturelle. Loin d'être anecdotique, ces projets représentaient 27,1% du montant total des projets (évalué à 52,7 millions d'euros), et étaient représentatifs de la logique de solidarité qui s'est mise en place pour le projet CEC MP 2013.

Constituant l'un des plus gros budgets des CEC, MP 2013 est révélateur de l'effort consenti par ses différents membres. D'autant plus que les subventions allouées correspondaient à de nouveaux projets. Le rapport de l'INET montre ceci :

84 INET, Marseille-Provence 2013 : leçons d'une expérience, p.23.

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« Cette somme représente un effort d'autant plus important pour les membres que celle-ci ne devait permettre, conformément à la Charte des fondateurs et des fondateurs associés, de financer que des mesures nouvelles, « sans réduction des budgets structurels préexistants et sans valorisation de l'ordre de marché des équipements culturels ni des apports en industrie des différents partenaires (communication, police, nettoiement, services techniques, ...). Ces dernières dépenses, inhérentes à la tenue des manifestations organisées dans le cadre de la CEC MP 2013, ont pourtant représenté des sommes importantes pour les différentes collectivités ainsi que pour l'État, même si elles restent difficiles à évaluer précisément » 85.

Ainsi, l'apport des collectivités est remarquable et ne constitue pas un financement fléché. Cependant il faut noter que l'apport financier de la ville centre, Marseille, est relativement limité au regard des expériences passées. Habituellement le financement de la ville principale représente 1/3 voire la moitié de l'apport en subventions, comme c'était le cas pour Lille et Liverpool. Pour la CEC de 2013, l'apport en subventions de Marseille, qui était de 15 millions représentait seulement 20,6% des subventions publiques totales, hors subventions Europe.

Pour autant le retour sur investissement des collectivités est positif. La mise en parallèle du montant de la subvention allouée par chaque collectivité avec le montant des projets soutenus sur leur territoire, sans prise en compte des frais liés au personnel de MP 2013 et sans re-ventilation des projets transversaux, aboutit à un taux de retour médian pour les huit premières collectivités financeurs égal à 96 % et à un taux moyen de 101 %. Ces résultats témoignent de l'attention portée par chaque collectivité à ce que leurs contributions apportées à l'association MP 2013 se traduisent par un soutien aux projets de leur territoire en proportion.

Figure 32 : Taux de retour par collectivités membres

Source : Rapport INET

85 INET, Marseille-Provence 2013 : leçons d'une expérience, p.25.

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Au-delà du financement de l'association et des projets soutenus, les collectivités territoriales et l'État ont choisi d'investir de façon importante dans de nombreux projets connexes et notamment des projets d'équipements structurants. Ces investissements ont participé à « l'effet 2013 » surtout sur le long terme. Bien que des équipements soient issus d'une réflexion de longue date souvent antérieure à l'obtention du label, l'événement de 2013 a permis de cristalliser et d'accélérer des prises de décisions d'investissements. Ainsi des projets d'investissements programmés pour 2014 ou 2015 ont été anticipés et certains projets d'investissements ont pu être relancés. Au total 665 millions d'euros ont été investis dans plus de 40 chantiers culturels emblématiques. Le détail des chantiers culturels emblématiques (graphique complémentaire n°7 placé en annexe) nous montre que c'est l'épisode 2 qui a le plus concentré d'investissements. L'après 2013 montre que par ailleurs le territoire va bénéficier de près de 200 millions d'euros d'investissements sur la période 2014-2020.

C. É Créateurs de synergies et pérennisation

Le dernier effet de la CEC que nous analyserons est la création de synergies que l'événement a produites pour l'ensemble du territoire. La CEC et MP 2013 ont en effet eu un impact très influent sur la mise en réseau des différents acteurs du territoire.

Cette mise en réseau a touché, dans un premier temps, les acteurs culturels. Le rapport d'évaluation de MP 2013 et le rapport de l'INET montrent que la CEC MP 2013 a été l'occasion pour différents acteurs culturels de nouer des coopérations entre eux. Bien que de nombreux acteurs culturels pratiquaient déjà des partenariats, 73 % 86 des acteurs culturels indiquaient avoir construit de nouveaux partenariats lors de l'année 2013, ceux-ci pouvant être d'ordre financier (39%) et/ou pour la conception et la réalisation de projets (51%). Parmi ces nouveaux partenariats, les coopérateurs sont divers et variés : les opérateurs culturels occupent bien sûr une place importante, mais on compte aussi des associations, des collectivités et des acteurs sociaux.

De multiples exemples peuvent être cités. Cependant attardons nous sur les coopérations qu'on pu développer les acteurs culturels entre eux. La constitution d'un « club Joliette 4 (J4) », par exemple, réunissant les institutions muséales du périmètre de l'Opération d'Intérêt National Euroméditerranée (le MuCEM, la Villa Méditerranée, le Centre International du Verre et des Arts Plastiques, le Fond Régional d'Art Contemporain et la Fondation Regard de Provence -initiative privée) représente une avancée notable. Ce club s'appuie sur une charte de signalétique commune et de tarification coordonnée, met en place des opérations de « co-valorisation » du site et réfléchit à un système de billet combiné. La CEC a encouragé ces nouveaux acteurs culturels à coopérer. D'autres acteurs culturels ont noué des partenariats nouveaux : le théâtre de la Criée a ainsi développé les Folles journées de la Criée avec le Festival de la Roque d'Anthéron (territoire de la CPA) ; le Festival International d'Art Lyrique d'Aix-en-Provence a co-produit une création avec MP2013 et le théâtre des Salins à Martigues, renforçant ainsi sa dynamique locale. La coopération entre acteurs culturels ne s'est donc pas limitée aux frontières territoriales mais elles les a dépassées, ce qui est sans doute l'un des grands succès de l'année capitale.

86 Euréval : MP 2013 : L'évaluation, p.92.

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Les synergies crées par la CEC ont aussi concerné les collectivités de deux manières : en interne, et pour les relations entre elles.

La CEC MP2013 a favorisé un dialogue interservices, essentiellement à l'intérieur des frontières communales et intercommunales. En effet la CEC MP 2013 a permis à certaines collectivités de mieux coordonner leurs services, c'est le cas pour Marseille. En créant la mission 2013, la ville de Marseille a souhaité faire le lien entre le projet culturel et ses différents services. Cherchant à coordonner les différents services, la mission 2013 a été créée en 2007 et a tout au long du projet accompagné l'association et les différents services de la ville pour que ceux-ci collaborent et prennent conscience de l'enjeu de 2013. Jouant un rôle de coordinateur, la mission 2013 a, selon Sthephane Bassile directeur de la Mission 2013, facilité la relation entre les services de la ville et les autres collectivités. Bien qu'aucun blocage n'ait eu lieu en raison de l'entente politique autour du projet, « la répartition des compétences entre échelons territoriaux n'est pas optimale pour l'accueil d'un grand événement, la mission avait alors tout son intérêt » 87.

Les effets de la CEC se sont aussi ressentis dans les relations entre les collectivités ; celles-ci ont en effet créé des relations formelles ou informelles reconÞgurant ainsi la cartographie des coopérations sur le territoire. En permettant la création d'outils de gouvernance métropolitaine appelés les comité territoriaux de programmation, MP 2013 a fait discuter les différents territoires et a enclenché un débat métropolitain. Cette tâche n'a pas été facile car il a fallu inventer cette coopération territoriale, mais elle constitue la réelle avancée politique du projet :

« L'objectif politique du projet MP 2013 était la réussite d'un dialogue et d'un projet commun entre les différents territoires, et cet objectif a été atteint. Nous l'avons vu, bien que certains aient été réticents ou aient bloqué à certains moments le projet, les acteurs politiques se sont réunis autour de MP 2013. Je ne crois qu'un projet commun entre Aix et Marseille aurait été possible sans la CEC » 88.

Le meilleur exemple de cette coopération territoriale est sans aucun doute la mise en place d'un « Pass transport » à l'échelle du territoire. La signature d'une convention par les 6 EPCI du territoire montre bien que celles-ci ont coopéré pour une plus grande efÞcience des transports. La Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole a joué un rôle important dans le pilotage de la thématique transports, en réunissant l'ensemble des acteurs concernés : MP 2013, la ville de Marseille, le Conseil Général, le Conseil Régional, l'Agence d'urbanisme de l'agglomération de Marseille (AGAM), le Syndicat Mixte de Transport des Bouches-du-Rhône (SMT), la Régie des transports de Marseille (RTM) et l'Etablissement Public Euroméditerranée (EPAEM), ainsi que des collectivités qui pouvaient être invitées ponctuellement.

Cependant aujourd'hui la question se pose vis-à-vis des restes de la coopération et des synergies créées. Bien que les personnels de l'association, mis à disposition par les différentes collectivités soient retournés dans leurs services et que ceux-ci coopèrent de fait, la question se pose de la coopération ofÞcielle entre les collectivités, et notamment entre les 6 EPCI.

87 entretien avec S. Bassille, le 28 novembre 2014.

88 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.

Aujourd'hui fortement entravés par la loi MAPTAM et ses détracteurs, les liens entre collectivités sont au points mort ; pourtant selon Ulrich Fuchs ceci est ce que pouvait apporter de mieux la CEC :

« La pérennisation de l'événement dépend des acteurs locaux qui doivent se saisir de la formidable occasion qu'a été l'année Capitale. Bien que l'association ait encore des responsabilités, les acteurs des territoires qu'ils émanent de la sphère publique ou de la société civile, doivent prendre les leurs pour coopérer » 89.

Il est donc essentiel de ne pas laisser retomber les efforts consentis et de monter d'autres projets réunissant le territoire car celui-ci, uni est capable de porter de belles réussites. Allant dans ce sens, la récente obtention du label French Tech, semble montrer que les liens créés entre les territoires se sont pérennisés et que la coopération territoriale est possible autour d'un projet commun.

Néanmoins lorsque l'on s'intéresse à d'autres thématiques, comme les transports ou la préservation de la bio-diversité et des sols, il faut se rendre à l'évidence : les communautés urbaines ne travaillent pas ensemble, chacune reste dans son territoire et aucune, mis à part MPM ne souhaite porter des projets de territoire d'envergure métropolitaine.

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89 entretien avec U. Fuchs, le 24 novembre 2014.

Nous avons pu le voir tout au long de cette partie, MP 2013 a été un projet culturel de territoire. Réunissant différentes intercommunalités autour d'une volonté commune, développer et montrer la culture du territoire, la CEC a aussi permis de « rénover la cité ». En fournissant un calendrier, le titre de CEC a encouragé les acteurs publics a accélérer les chantiers et projets en cours pour que tout soit prêt pour l'année 2013. Catalysant les investissements publics, la CEC a fortement modifié l'image de sa ville centre : Marseille. Ce changement de perception s'est produit chez les touristes mais aussi, et cela est certainement plus important, chez les habitants du territoire.

En appliquant une stratégie touristique recherchée, l'événement a été une énorme réussite pour le territoire qui n'avait « rien gagné depuis un demi-siècle » 90 . Néanmoins aujourd'hui la question se pose de la pérennisation de cet événement. Au niveau de la stratégie touristique, la ville de Marseille semble avoir opté pour un politique d'accueil de grands événements. Si au niveau culturel les suites de MP 2013 peuvent se ressentir avec l'instauration d'une Biennale des Arts de la rue, de nombreux acteurs culturels sont méfiants vis à vis de cette stratégie et ont peur d'être délaissés.

C'est au niveau de la coopération territoriale que les doutes persistent. Ayant travaillé « main dans la main » pour la préparation du projet, les rapports entre les différents EPCI sont aujourd'hui au point mort. La nouvelle loi a en effet eu pour effet de rompre tout contact entre les différents territoires. Alors que l'année capitale et la réussite d'un projet commun ont montré les bienfaits de la coopération territoriale, les acteurs sont fortement opposés à la création de la métropole. MP 2013 a donc encouragé la future métropole, mais celle-ci reste entre les mains des élus locaux et de la mise en application de la loi. Aujourd'hui bien que des services techniques coopèrent et perçoivent l'intérêt de la construction métropolitaine les élus campent sur leurs positions et ne veulent en aucun cas s'intéresser aux solutions que la métropole pourrait apporter. Afin de clore ce mémoire nous allons, en nous basant sur les travaux de la mission interministérielle, nous pencher sur les solutions et les projets que pourrait entrainer la métropole d'Aix-Marseille.

90 J. Viard, Marseille, le réveil violent d'une ville impossible.

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Conclusion et pistes pour le projet métropolitain

Nous avons pu le voir, Euroméditerranée et MP 2013 sont deux projets de dimension métropolitaine. Que cela soit par la dimension et les problématiques traitées pour Euroméditerranée, ou à travers la coopération territoriale et la mise en place d'un projet commun pour MP 2013, ces deux projets ont transformé le territoire. Ils ont permis à ce dernier de rayonner et d'améliorer l'attractivité de Marseille et de son aire métropolitaine. Néanmoins si ces deux projets ont encouragé la construction métropolitaine, aujourd'hui les discussions et les débats autour de la future métropole Aix-Marseille-Provence sont centré sur sa forme institutionnelle.

En effet, nous l'avions déjà évoqué en introduction, les anti-métropolitains sont farouchement opposées à la construction d'une métropole telle que le propose la loi MAPTAM. En cause, la gouvernance institutionnelle du futur Conseil métropolitain et l'absence de personnalité juridique des territoires. La loi prévoit actuellement que la composition du Conseil métropolitain soit distribuée au prorata de la population. « Ce qui est inadmissible » selon Gérard Brainmoulé, vice-président de la Communauté du Pays d'Aix et maire-adjoint chargé des finances. Proposant de prendre en considération la taille des territoires, en justifiant que la métropole aura pour principale compétence l'aménagement du territoire, l'élu du Pays d'Aix ne souhaite pas voir un conseil métropolitain composé par une majorité d'élus marseillais. L'autre point de discorde est l'identité des territoires ; ne prévoyant pas ceci, les opposants craignent la mise en place d'un monstre administratif trop lointain des citoyens, et ne comprennent pas que cela ait été accordé à la future métropole du Grand Paris.

Le dernier point problématique que nous évoquerons ici concerne les ressources et les finances de la future métropole. Fortement opposés à la mise en place d'une fiscalité unique sur le territoire métropolitain, les anti-métropolitains ne souhaitent pas voir leur bonne gestion de la ville disparaitre au profit d'une fiscalité unique. Dénonçant « un véritable hold-up », et ne souhaitant « pas payer pour les marseillais », M.Brainmoulé craint une baisse des investissements de son intercommunalité. Pour contrer ce point de vue la mission métropolitaine, en charge de la mise en place du projet métropolitain, avance l'argument qu'aujourd'hui celle-ci est une nécessité.

« Marseille qui est une ville pauvre, compte de nombreux équipements majeurs de pointe qui profitent à toute l'aire urbaine. Ce patrimoine commun est partagé, il est normal que les coûts le soient aussi » 91 .

Aujourd'hui une grande opposition existe donc vis à vis de la métropole, mais celle-ci n'est pas portée contre le projet, mais plutôt contre le cadre juridique et les dispositions que prévoit la loi. Intéressons nous donc au projet porté par la mission interministérielle et aux thèmes structurants du projet métropolitain.

Présentés lors de la troisième conférence métropolitaine en décembre 2014, au palais du Pharo à Marseille, les travaux de cette équipe se sont focalisés sur quatre thèmes structurants du projet métropolitain. Principal problème de l'aire urbaine, la mission métropole a bien évidemment réfléchi à la question des transports, mais elle a aussi travaillé sur la mise en adéquation des pôles économiques et territoriaux, sur la cohésion sociale du territoire et sur le rapport entre ville et nature. Nous allons donc nous intéresser

91 entretien avec V. Fouchier, le 14 janvier 2014.

plus en détails à ces thèmes et aux travaux de la mission métropole pour voir comment la future métropole pourrait répondre à ces enjeux.

Identifiés comme l'une des principales entraves au développement de la métropole Aix-Marseille, les freins à la mobilité sont aujourd'hui de plus en plus importants sur le territoire de l'aire urbaine. Si la contrainte géographique liée au relief particulier du territoire explique une part de la mobilité métropolitaine, les caractéristiques de l'urbanisation des dernières décennies sont venues fortement l'influencer au profit des déplacements en voiture. En effet le développement territorial ne s'est pas assez articulé autour du réseau de transports existant : sur les quinze dernières années seuls 50 % des constructions de surfaces de bureaux se sont faites dans des communes reliées au réseau de transports, contre 70 % dans la métropole lyonnaise 92 . Par ailleurs « Le « futur engagé », tel que le préparent les documents de planification des intercommunalités de la métropole, laisse présager une aggravation de l'écart entre dynamiques territoriales et offre de mobilité » 93.

Face à ce constat alarmant, la mission métropole a fait différentes propositions pour améliorer la mobilité au sein de la future métropole. En s'appuyant sur le réseau existant et à travers une optimisation de services, les travaux de la mission métropole proposent de combiner vitesse et desserte fine du territoire afin de cibler les pôles de développement à soutenir par l'offre de transport. En reliant les polarités métropolitaines, notamment par la création de liaisons métropolitaines transversales, deux schémas se dessinent.

Élaborée en collaboration avec des partenaires de poids dans le domaine des transports, la mission métropolitaine dans la poursuite du chantier « mobilité et accessibilité » a ainsi proposé un livre blanc des transports, composé de deux scénarios. Piloté par Vincent Fouchier et répondant tous les deux à une ambition multimodale au niveau métropolitain, ces scénarios doivent désormais recevoir l'adhésion des intercommunalités pour que l'un de ceux-ci soit optimal, et mis en oeuvre.

Figure 33 : Scénarios proposés par le Livre Blanc des transports

Scénario Inter-pôles Scénario Ring

Source : Livre Blanc des Transports

92 Mission interministérielle, La métropole en projets : intentions d'étape, p.40.

93 Mission interministérielle, La métropole en projets : intentions d'étape, p.41.

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En parallèle de ces travaux sur les mobilités, la mission métropole a aussi réfléchi à l'articulation et à la complémentarité des pôles économiques et des territoires composant l'aire métropolitaine. Euroméditerranée joue par ailleurs un rôle primordial dans l'articulation des pôles économiques. Plus vaste métropole de France, le défi et la difficulté du projet métropolitain ne viennent pas de l'extérieur, mais bien de l'intérieur. « De par sa taille et sa diversité, le sens même du projet métropolitain d'Aix-Marseille-Provence, c'est de concourir à la métropole des liens » 94 .

Basés sur la notion d'archipel, afin d'induire une nouvelle lecture du système métropolitain, les travaux de la mission interministérielle proposent trois interpellations stratégiques pour contribuer au débat métropolitain. La première interpellation concerne le pôle Vitrolles - Marignane, et la promotion de la fonction d'articulation interne et externe de ce territoire central qui actuellement ne tire pas parti de sa position de carrefour. La seconde interpellation s'intéresse aux territoires de l'Étang de Berre. Pôle majeur et essentiel à la puissance économique et au rayonnement de l'ensemble métropolitain, ce territoire doit se doter d'une ambition urbaine pour q'un rééquilibrage entre territoire de production et de consommation se produise et s'opère au sein du système métropolitain. La troisième interpellation que fait la mission métropole est d'étendre les avantages métropolitains au-delà des coeurs urbains qui en bénéficient actuellement.

Dans ce cadre là et afin de promouvoir le rayonnement et l'attractivité du territoire métropolitain, les travaux de l'équipe de Vincent Fouchier proposent de s'appuyer sur un triptyque économie, culture et ville. Proposant dans un premier temps une valorisation du port, dans le cadre de la création d'un hub portuaire international, la mission métropole a aussi engagé d'autres pistes de réflexions pour promouvoir le territoire. S'appuyant fortement sur le projet MP 2013, la revendication d'une ambition culturelle et urbaine est perçue comme un marqueur international pouvant distinguer la métropole. En encourageant les démarches « d'innovation d'usage », la mission interministérielle pense pouvoir renforcer les liens entre citoyens, entreprises, chercheurs et doter la métropole d'une réelle plue-value.

En lien avec la complémentarité des pôles économiques et territoriaux, la mission métropole s'est penchée sur la cohésion territoriale d'un point de vue social. Diversifié, multiculturel et pluriel, ce qui constitue la richesse de la métropole a aussi été pointé par l'OCDE comme l'une de ses principales faiblesse.

« Les défis les plus importants pour l'aire métropolitaine Aix-Marseille-Provence ne viennent pas tant de l'extérieur, dans la concurrence avec les autres métropoles européennes et mondiales, que de l'intérieur comme frein à une croissance inclusive et soutenable du territoire » 95 .

Les questions de cohésion sociale et territoriale concernent l'ensemble de l'aire métropolitaine ; en outre la solidarité territoriale à inventer sera un enjeu capital dans la réussite du projet métropolitain. Cherchant à trouver un développement plus inclusif tant à l'échelle locale, mais aussi métropolitaine les réponses données par la mission métropole suggère de penser la cohésion territoriale selon deux registres distincts mais

94 Mission Interministérielle, La métropoles des archipels, p.1

95 OCDE, Vers une croissance plus inclusive de la métropole Aix-Marseille,

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interdépendants : les hommes et les territoires. Proposant ainsi d'ouvrir les capacités d'actions de tous les habitants par un accès facilité aux ressources métropolitaines, la mission métropole souhaitent que les futurs décideurs, en lien avec les habitants élaborent une stratégie volontariste, partagée et durable. En complément, l'équipe en charge du projet métropolitain travaille sur une adaptabilité des politiques de cohésion en fonction des territoires et des situations. Une contextualisation des politiques sociales est donc appelée et encouragée par les équipes travaillant sur le projet métropolitain.

Le dernier thème sur lequel s'est penchée la mission métropole, est le rapport entre ville et nature. Plus vaste métropole prévue par la loi, Aix-Marseille-Provence est composée d'une diversité de paysages riches et possède des ressources naturelles qui lui confèrent une biodiversité remarquable et un fort potentiel en production d'énergie renouvelable. Néanmoins, non épargné par l'étalement urbain, l'espace métropolitain perd 900 hectares par an de foncier agricole et est confronté à de nombreux conflits d'usage des sols.

Décidée à agir, la mission métropole s'est attelée à ce thème et souhaite promouvoir un nouveau mode de production de la ville afin de concilier développement et protection.

En proposant de mieux prendre en considération le rapport ville-nature dans les phases de planification stratégique et dans le projet urbain de la métropole, la mission métropole espère changer les visions sur l'espace naturel. La mise en place et en projet d'un système paysager métropolitain va dans ce sens, et tend à réinventer le développement territorial d'une manière contextuelle. Enfin les équipes ayant travaillé sur cette thématique proposent de ne pas voir ceci comme une contrainte, mais comme une force à valoriser, en faisant de l'économie des ressources un moteur du développement métropolitain.

Force de propositions donc, la mission métropole travaille sur les thèmes qui pourraient forger le projet métropolitain. Néanmoins comme nous l'avons évoqué précédemment, la réussite du projet métropolitain dépendra de sa mise en application par les maires des communes composant la métropole Aix-Marseille. Si la mise en place de projets et de politiques peut encourager la création de la métropole, il est aussi essentiel de l'expliquer et de faciliter la compréhension des citoyens pour que ceux-ci perçoivent les avantages de ce type d'organisation territoriale.

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- CIQ : http://www.confederationciq.fr

- Euroméditerranée : http://www.euromediterranee.fr

- Mairie de Marseille : http://www.mairie-marseille.fr

- Mouvement Métropole : http://www.mouvement-metropole.fr

- Mucem : http://www.mucem.org

- Port Autonome de Marseille : http://www.marseille-port.fr

- Ria 2000 : http://www.bilbaoria2000.org/ria2000/index.aspx

- Si tout les ports du monde : http://www.sitouslesportsdumonde.com/fr/sites-portuaires/

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Liste des personnes rencontrées

Jean Picon :

Responsable du pôle Ressources et données Urbaines au sein de l'AGAM. Jean Picon est démographe et a récemment travaillé sur le rapport MAGE.

Philippe Challende :

Chargé de mission au sein de MPM, Philippe Challende est en charge des dossiers concernant Euroméditerranée et ceux ayant eu attrait à MP 2013. Il a lui aussi co-écrit le rapport MAGE.

Alexandre Sorrentino :

Directeur du pôle projet de territoire au sein de l'EPAEM, Alexandre Sorrentino est en charge de la mise en lumière des avancées du projet. Il travaille aussi sur la présentation du projet à des partenaires étrangers.

Laure-Agnès Caradec :

Adjointe à l'urbanisme au Maire de Marseille, Laure-Agnès Caradec est une élue de la ville de Marseille. Elle est aussi en charge du projet métropolitain, du patrimoine municipal et du foncier.

Stéphane Basille :

Dans les services techniques de la ville de Marseille, Stéphane Basille a piloté la mission 2013 de 2008 à fin 2013. Cette mission devait faire le lien entre le projet culturel de MP 2013 et les dispositifs et services de la ville en matière de transport, logement, économie, É

Régine Vinson :

Responsable de la mission Ville-Port, Régine Vinson travaille pour le GPMM et est en charge de la mise en place de la charte ville-port. Elle veille au dialogue entre le GPMM et les services de la ville ou autres acteurs publics type l'EPAEM.

Anna Kurta :

Fondatrice de Cap Cult, Anna Kurta, via son entreprise, s'occupe de faire le relais entre les différentes CEC et les touristes. Proposant des ateliers à des professionnels et des groupes universitaires, ou des jeunes, ainsi que des balades urbaines, Cap Cult cherche à expliquer et à faire comprendre les villes ayant reçu le titre de CEC dans leurs globalité.

Gérard Brainmoulé :

Adjoint aux finances de la ville d'Aix-en-Provence, Gérard Brainmoulé est aussi Vice-président du Conseil communautaire de la Communauté d'Agglomération du Pays d'Aix.

Vincent Fouchier :

Directeur du projet métropolitain au sein de la mission interministérielle pour le projet métropolitain Aix-Marseille-Provence. Vincent Fouchier travaille à « scénariser » le contenu du projet stratégique de la future institution métropolitaine. Il a notamment piloté le livre blanc des transports.

Maxime Tissot :

Directeur de l'Office du Tourisme et des Congrès de Marseille.

Ulrich Fuchs :

Responsable de la candidature de Brême au titre de Capitale Européenne de la Culture en 2003, il est nommé en 2005 directeur adjoint et directeur du programme de Linz Capitale Européenne de la Culture 2009. Lorsque M.Latarjet s'intéresse à l'expérience de Linz il recrute Monsieur Fuchs pour qu'il fasse partie de l'association MP 2013 ; celui-ci l'intègre en mai 2010 en tant que Directeur Général Adjoint.

111

Liste des abréviations

ACM : Appel à Coopération Métropolitaine

AEM : Atelier de l'EuroMéditerranée

AGAM : Agence d'urbanisme de l'Agglomération Marseillaise

ATR : Administration Territoriale de la République

BdR : Bouches-du-Rhône

CA : Conseil d'Administration

CBD : Central Business District

CCI(MP) : Chambre de Commerce et de l'Industrie (de Marseille Provence)

CEC : Capitale Européenne de la Culture

CIAT : Comité Interministérielle pour l'Aménagement du Territoire

CMA-CGM : Compagnie Maritime d'Affrètement - Compagnie Générale Maritime

DAU : Document Administratif Unique

DATAR : Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité

Régionale

EPAEM : Établissement Public d'Aménagement EuroMéditerranée

EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunal

GPMM : Grand Port Maritime de Marseille

GPV : Grand Projet de Ville

INET : Institut National des Etudes Territoriales

IRSIT : Institut de Recherche Scientifique en Industrie et Transport

MAGE : Marseille-Provence 2013 Analyse des Grands Evénements en espaces publics

MAPTAM : Modernisation de l'Action Publique Territoriale et d'Affirmation des Métropoles

MP 2013 : Marseille Provence 2013

MPM : Marseille Provence Métropole

MuCEM : Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée

OIN : Opération d'Intérêt National

OREAM : Organisation Régionale d'Etudes et d'Aménagement d'aire Métropolitaine

OPAH : Opération Programmée d'Amélioration de l'Habitat

PACA : Provence Alpes Côte d'Azur

PAM : Port Autonome de Marseille

PDU : Plan de Déplacement Urbain

PME : Petites et Moyennes Entreprises

POPSU : Plate-forme d'Observation des Projets et Stratégies Urbaines

RTM : Régie desTransports de Marseille

SEM : Société d'Économie Mixte

SHON : Surface Hors Oeuvre Nette

SMT : Syndicat Mixte de Transport

ZAC : Zone d'Aménagement Concerté

ZIP : Zone Industrielle Portuaire

ZPPAUP : Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager

112

Listes des figures, tableaux et cartes

Figure 1 : Le périmètre de la métropole Aix-Marseille-Provence et les 6 EPCI concernés 9

Figure 2 : Plan du centre ville de Barcelone 17

Figure 3 : Évolution démographique dans les villes méditerranéennes 18

Figure 4 : Les espaces d'aménagement portuaire et le projet de tunnel autoroutier de Gênes 22

Figure 5 : L'aménagement du site d'Abandoibarra 25

Figure 6 : Le Musée Guggenheim à Bilbao de Frank Gehry 29

Figure 7 : Évolution de la façade maritime marseillaise 42

Figure 8 : Aménagement du littoral Nord de Marseille au XX° siècle 43

Figure 9 : Croissance de la population de l'aire urbaine d'Aix-Marseille entre 1968 et 2010 45

Figure 10 : Périmètre d'Euroméditerranée 47

Figure 11 : Les différentes façades littorales 51

Figure 12 : Carte des différentes ZAC et opérations d'Euroméditerranée 52

Figure 13 : Le bâtiment des Docks de Marseille 53

Figure 14 : Plan de la ZAC de la Cité de la Méditerranée 55

Figure 15 : Euroméditerranée 2 56

Figure 16 : Le Boulevard du Littoral 58

Figure 17 : Point de vue et percées sur le front de mer 60

Figure 18 : Image de synthèse de la future skyline de Marseille 62

Figure 19 : La darse du J4 : le MuCEM et le Fort St-Jean 64

Figure 20 : Schéma de répartition des financements de L'EPAEM 66

Figure 21 : Territoire de Marseille-Provence 2013 77

Figure 22 : Un nouvel espace public attractif 79

Figure 23 : Fréquentation touristique de l'année 2013 81

Figure 24 : Tracé du GR 2013 84

Figure 25 : Les retombées médiatiques de MP 2013 88

Figure 26 : Taux d'occupation mensuel dans l'hôtellerie en 2012 et 2013 (en %) 88

Figure 27 : Calcul de l'impact économique indirect de MP 2013 89

Figure 28 : Passagers accueillis à l'aéroport de Marseille Provence de 1998 à 2013 90

Figure 29 : Les mobilités touristiques en 2013 92

Figure 30 : Ventilation des recettes de mécénats par niveau de partenariat 95

Figure 31 : Les subventions publiques à Marseille Provence 2013 97

Figure 32 : Taux de retours par collectivités membres 98

Figure 33 : Scénarios proposés par le Livre Blanc des transports 104

ANNEXES :

113

Listes des annexes

I. L'évolution de l'interface ville-port

II. Diffusion globale de la revitalisation du waterfront

III. Les événements urbains de Gènes au sein de la commune et au centre

IV. Les bassins du port de Marseille

V. Composition socio-démographie des quartiers de Marseille en 1990

VI. Les événements de la CEC au cours de l'année 2013 à Marseille

VII. Détails des grands chantiers culturels emblématique mis en place pour l'année 2013

I. L'évolution de l'interface ville-port

Source : Gravari-Barbas, 1996

II. Diffusion globale de la revitalisation du waterfront

Source : Hoyle, 2000

114

115

III. Les événements urbains de Gènes au sein de la commune et au centre

Source : Maria Gravari-Barbas et Sébastien Jacquot, 2007

116

IV. Les bassins du port de Marseille

A. Bassins Est et Ouest :

B. Bassins Est

Source : GPMM

V. Composition socio-démographie des quartiers de Marseille en 1990

117

Source : Donzel, 1998

118

VI. Les événements de la CEC au cours de l'année 2013 à Marseille

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Lig EHRONOLOGIE DES EVÈNENIENTS SUR MARSEILLE

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Nouveaux traGrner115 L#h+elliss MP 2013

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ÉVÉNEMENTS MP 2013 COUVERTS PAR LE DISPDSFT

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· Le Vieux-Port orltr' Flarilrn9S 8 FI9tS

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(l'aniviHA Mar59ill'

· Fk9 de IaMusique 113 Euripride

· La Grande Parade Mari1irne

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MelairrbrpluoSOS

Iuauguralkn iiu rnuSEe d'hiSLoire de Marseie

Nouveaux evaceS 1 la Friche du la Belle de Md

Exposition "id 9l aiielrs', In iuguralioii THur-Patlotima

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Exposi[ion MedikarraeeS

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FLi36LauraLnn des places

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Source : MP 2013

VII. Détails des grands chantiers culturels emblématique mis en place pour l'année 2013

119

Source : MP 2013






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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus