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La fermeture des maternités en Basse-Normandie: état des lieux et causes des fermetures

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par Amélie Lamotte
Université de Caen Normandie  - Maîtrise de géographie 2017
  

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c. Une ressource humaine médicale insuffisante

Comme je l'ai évoqué précédemment, l'insuffisance de médecins tels que les anesthésistes et les gynécologues est à origine de nombreuses fermetures des maternités. Ce manque de médecin peut s'expliquer par plusieurs faits : les jeunes médecins préfèrent travailler en équipe dans des grandes structures, mais également car le numerus clausus est jugé trop faible, le nombre de départ en retraite élevé, les risques médico-légaux très élevés dans des professions comme les anesthésistes, et les espaces dits de « campagnes » qui n'attirent pas de médecins.

La difficulté pour recruter des professionnels de la santé a été plusieurs fois évoquée dans mes entretiens. D'après un gynécologue48, les petites maternités n'arrivent pas à recruter des praticiens qui aient le niveau de compétence suffisant pour les faire tourner. Selon lui, c'est parce que les professions les plus difficiles à recruter sont les « pédiatres et surtout des anesthésistes » et une maternité ne peut pas tourner sans ces médecins. Cette pénurie serait due au « numerus clausus qui n'a pas était anticipé concernant le recrutement à la fac de médecine, et c'est un métier qui fait peur ». Ces métiers font peur car le métier de gynécologue et d'anesthésiste sont des métiers où les risques médicaux-légaux sont très élevés comme je l'ai évoqué précédemment. Ces « deux choses-là ont probablement participé à la situation de pénurie » d'après la sage-femme du CPP de Vire, Madame Anfray.

L'autre difficulté pour recruter, est que les villes de taille moyenne n'arrivent pas à attirer les médecins. En effet, le maire de Falaise explique que les praticiens « vont plutôt s'installer sur la ville de Caen, et dans le privé, que dans le public, là où ça bouge ». Cela s'explique par « l'attractivité, on va dire géographique » selon une sage-femme de Falaise,

48 Entretien avec le Docteur Labbé, gynécologue à la Clinique de Vire.

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« les jeunes ne sont pas tellement intéressés par les hôpitaux de petites villes et c'est devenu problématique ». Pour le maire de Vire c'est seulement « là où il y'a des grosses structures qu'on arrive à avoir plus de professionnels parce qu'ils travaillent en équipe, il y a une dynamique qui se créée, avec un certain nombre de médecins », et dans les grandes structures les gardes sont moins fréquentes étant donné le nombre de médecin présent.

Enfin, le maire de Falaise évoque une difficulté liée à la médecine actuelle. Car avec les nouvelles techniques de soins « la médecine ne s'exerce plus comme elle s'exerçait avant, et il y a moins de médecins, donc il faut trouver le juste-milieu dans l'adaptation de l'offre de soins aux territoires ». Mais pour d'autres, le problème vient de l'absence de volonté des chefs de service pour recruter des praticiens : « on a absolument rien fait pour recruter des gynécologues. On a même peut-être même orchestré le fait de les faire fuir » selon Madame Anfray, sage-femme du CPP de Vire. Le discours de la présidente du collectif de Vire indique également que lorsqu'on « ne veut pas qu'un service vive et bien il coule ». Au final, selon ces acteurs, le manque de médecins et le manque de volonté de la direction n'a pas facilité le recrutement des praticiens à la maternité de Vire nottament, et l'a vouée à la fermeture.

L'insuffisance de ressources humaines médicales complétée par une baisse de la démographie et le déficit des hôpitaux ont eu raison des fermetures des petites maternités. Ces situations fonctionnent comme un `cercle vicieux'. De plus, la fermeture d'une maternité est un service en moins, une offre de service en moins sur le territoire (Eric Macé, le maire de Falaise). Au final, les problèmes s'enchaînent, Emmanuel Labbé (gynécologue à Vire) note qu'à « partir du moment où vous avez une pénurie de médecins, ce n'est pas forcément très bon, les gens vont imposer un peu leurs règles », comme le salaire ou le choix des patientes. En effet, les gynécologues de Flers n'acceptent de consulter au CPP de Vire exclusivement les femmes qui accoucheront à Flers. Les femmes

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qui souhaitent accoucher autre part se redirigent donc vers le gynécologue libéral de Vire, ou des sages-femmes libérales, voire les gynécologues des maternités de leurs choix. La pénurie de gynécologues a eu comme conséquence « l'élargissement des compétences » des sages-femmes selon Madame Lefebvre, sage-femme de Falaise, tel que je l'ai expliqué auparavant dans mon mémoire.

Les usagers des CPP (Centre Périnatal de Proximité) sont des populations « intermédiaires » selon Madame Anfray, sage-femme au CPP de Vire. Elle explique que la population venant au CPP est située entre «une population qui dans ses automatismes, se dirige vers le libéral », et l'autre population, en « grande difficulté sociale, accompagnée par les services de protection maternelle et infantile (PMI), le Conseil Général ». Ils ont « une population militante et qui défend les services publics, donc ils viennent spontanément à l'hôpital ». Mais leurs usagers sont également « des populations qui naturellement, à partir du moment où elles a des besoins, sollicitent l'hôpital de droit ». Au final, elle explique que le CPP est un intermédiaire entre les maternités privées et les maternités publiques » mais également un intermédiaire entre la maternité à laquelle la femme se rendra pour son accouchement et son domicile.

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Figure 20: les hôpitaux et le taux de vacances des praticiens

Ainsi, la carte ci-dessus, réalisé par Emmanuel Vigneron (professeur de Géographie à l'Université de Montpellier), met en évidence que la Basse-Normandie attire difficilement les médecins. 37,1% des postes sont non pourvus dans les hôpitaux publics en Basse-Normandie, contre 26,3% pour la moyenne nationale. En résulte cette carte, la région Basse-Normandie est la région ayant le plus haut taux de vacances de praticiens hospitaliers de France Métropolitaine. Elle se situe au même niveau que la Martinique et Mayotte, le « record » est détenu par la Guyane avec 54,8%. Selon E. Vigneron, nous assistons à une « désertification de vastes pans de territoire » et parallèlement, « l'offre

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de soins dans les métropoles se renforce et se densifie ». C'est ce qu'il nomme la « France à deux vitesses », une France ayant l'accès aux soins car elle se situe près des grands pôles, et une France isolée. De plus, la proximité avec la région Ile-de-France fait que la Basse-Normandie fonctionne comme une périphérie, elle se trouve à l'écart et est délaissée car elle n'est pas loin de la région parisienne. Ce n'est pas tant le nombre de médecins qui est problématique, mais l'attractivité d'une région pour l'installation des médecins, spécialistes ou généralistes.

En Basse-Normandie, selon la journaliste de Valognes Sylviane Luc, le manque de médecin fait que les hôpitaux doivent prendre des intérimaires payés très cher : « mille euros pour vingt-quatre heures ou des médecins avec des diplômes étrangers». C'est cette pénurie de médecin, ce manque d'attractivité et de volonté politique qui a fermé les urgences de Valognes en 2015 d'après elle.

Enfin, les causes développées ci-dessus ne sont pas exhaustives, cependant, elles reflètent les principales causes de fermetures des maternités en Basse-Normandie ces dix dernières années. Les problèmes budgétaires des hôpitaux majoritairement déficitaires en Basse-Normandie, additionnés aux problèmes de sécurité des actes médicaux, ainsi que la pénurie de médecins sont autant d'occasions qui ont conduit à fermer les petites maternités. Ces fermetures de maternités peuvent entraîner la fermeture d'autres services. À Falaise par exemple, le service de chirurgie (chirurgie générale, digestive, et la chirurgie orthopédique et traumatique) fermait quelques semaines en été, aujourd'hui l'avenir du bloc n'est pas certain, notamment à cause de l'arrêt des accouchements. Le bloc n'est plus autant actif qu'avant et il devient moins rentable. Le scénario possible pour les hôpitaux où les maternités ont fermé peut-être le même que celui de Valognes ou

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d'Aunay-Sur-Odon ; la fermeture de maternité a entraîné la fermeture du bloc opératoire, puis la fermeture des urgences 24/24h. Désormais, à Aunay-sur-Odon et Valognes par exemple, les urgences sont devenus des centres de premiers soins, c'est-à-dire qu'elles sont ouvertes de 8h30 à 19h30 seulement. La nuit la population doit se déplacer dans les plus grandes villes pour accéder aux urgences.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius