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L'impact de la numérisation sur la filière audiovisuelle et sur les pratiques des spectateurs. Le cas de Netflix et des séries tv en France

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par Sarra GADIRI
CELSA - Master 2 Professionnel Médias et Numérique 2016
  

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Chapitre I

Les rouages de la filière audiovisuelle américaine et les secrets de fabrication des séries TV à succès

1. Les enjeux socio-économiques

C'est d'abord aux Etats-Unis, dans les années 1950, que la télévision devient un média de masse6. En 1954, 60% des foyers américains possèdent une télévision et voient rapidement apparaître les premières fictions sérielles sur leur petit écran. Quelle a été l'origine de ces premières séries télévisées ? Pour quelles raisons se sont-elles développées à l'écran ? Et quelles sont les particularités du contexte américain qui les a vu naître ?

Aux Etats-Unis, la télévision est, depuis son origine, privée et a pour mode de financement unique : la publicité. Les premières chaînes de télévision sont, donc, des entreprises privées. Elles sont également, pour la plupart, des réseaux radiophoniques qui ont choisi de diversifier leur service en proposant de l'image en plus du son. Ce n'est donc pas surprenant que la télévision naissante reprenne les dispositifs qui avaient été popularisés sans l'image et que les premiers programmes télévisuels soient inspirés d'émissions radiophoniques. Ces premières « compagnies » de télévision, que l'on appelle plus communément les networks sont au nombre de trois : ABC, CBS et NBC7 et proposent, dans un premier temps la retransmission télévisée de rencontres sportives, de pièces de théâtre ou encore d'émissions de variétés, comme la très regardée The Texaco Star Theater, animée par Milton Bearle et qui alternait sketches, chansons et invités. Au cours des années 1950, ce type d'émission et autres programmes « unitaires » vont progressivement disparaitre de la grille de prime-time au profit des fictions dites plurielles8. En effet, les networks prennent rapidement conscience de l'intérêt économique de ces fictions

6 SEPULCHRE Sarah, dir., Décoder les séries télévisées, De Boeck, coll. Info Com, 2011, p.12.

7 Les networks étaient à l'origine au nombre de quatre. Entre 1946 et 1956, on retrouve également la chaîne de télévision DuMont (non issue d'une station de radio) mais qui ne survit à la concurrence acharnée des trois chaînes citées.

8 SEPULCHRE Sarah, dir., Décoder les séries télévisées, De Boeck, coll. Info Com, 2011, p.14.

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pour les annonceurs : en créant un rendez-vous à une heure précise (de jour en jour ou de semaine en semaine), les « séries » fidélisent le téléspectateur et permettent aux chaînes de garantir aux annonceurs une audience quasi-certaine, ce qui est essentiel pour fixer le tarif de la publicité à l'avance9.

Les historiens parlent de premier âge d'or de la télévision américaine pour qualifier cette décennie qui marque l'apparition de contenus spécifiques pour la télévision, où les programmes télévisés se sont réellement détachés des programmes radiophoniques. C'est également au cours de cette période où sont mis en place les codes et les canons de la fiction télévisée. Nous pouvons, à titre d'exemple, citer L'extravagante Lucy, premier sitcom de l'histoire, qui a été tourné à Hollywood et filmé sur pellicule. Cette technique nouvelle pour l'époque permet la conservation des épisodes pour leur revente ou leur rediffusion10.

1.1. De l'importance des annonceurs dans la définition du format sériel

Pour Jean-Pierre Esquenazi, ce premier âge d'or se recoupe également avec ce qu'il appelle « l'ère de domination des annonceurs ». Ces derniers sont en première ligne des négociations avec les networks pour pouvoir situer leurs programmes au sein de la grille de programmation et ne tardent pas à monopoliser la production télévisuelle au point de la rendre « commerciale ». Possédant leurs propres studios, les annonceurs ne se contentent pas de sponsoriser des programmes mais les produisent entièrement. A titre d'exemple, nous pouvons citer des programmes comme General Electric Theater, Goodyear TV Playhouse ou encore Colgate Comedy Hour et auxquels s'ajoutaient des programmes sponsorisés qui débutaient avec une annonce du type : « The Quaker Oats Company presents...». Ce n'est qu'après la découverte de jeux télévisés truqués que la Federal Communications Commission (FCC), 11 se rend compte du type de dégâts que peut causer le

9 Les mécanismes derrière l'achat d'espaces publicitaires seront détaillés par la suite.

10 SEPULCHRE Sarah, dir., Décoder les séries télévisées, De Boeck, coll. Info Com, 2011, p.16.

11 La Commission fédérale des communications est une agence indépendante du gouvernement des États-Unis créée par le Congrès américain en 1934. Elle est chargée de réguler les télécommunications ainsi que les contenus des émissions de radio, télévision et Internet. C'est L'équivalent américain du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA). Source : « Federal Communications Commission », Wikipédia, [disponible en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Federal_Communications_Commission],consulté le 15 septembre 2015

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monopole des annonceurs sur la production télévisuelle. Elle décide, alors, de remettre la maîtrise de la production des programmes aux mains des networks.

Bien que les annonceurs se soient retirés de la production télévisuelle, il sont restés très présents lors des négociations, passant du placement de programmes sponsorisés dans la grille de programmation au placement de coupures publicitaires au sein même des programmes. Comme nous l'avons précédemment mentionné, le prix de la majorité des espaces publicitaires est déterminé à l'avance lors de ce que l'on appelle les upfronts. C'est au cours de cette période que débutent les négociations entre les networks et les annonceurs pour fixer le prix des espaces publicitaires en fonction des programmes et des résultats d'audience de la saison passée12.

S'il nous paraît important de mettre en évidence le rôle des annonceurs dans ce travail, c'est qu'en plus d'être le financement principal de la télévision américaine, la publicité est intrinsèquement liée à l'écriture scénaristique et à la durée de vie des séries télévisées. Une série qui a du mal à décoller se verra supprimer de la programmation pour éviter aux chaînes de perdre de l'argent et de devoir dédommager les annonceurs en leur offrant des espaces publicitaires dans d'autres émissions. Une série qui ne remplit pas ce critère d'audience a peu de chance de perdurer sauf si elle rencontre une critique favorable. Dans ce cas, la chaîne peut songer à la maintenir pour d'autres raisons : si elle attire un public spécifique qui intéresse les annonceurs ou si elle contribue à donner une certaine « image » à la chaîne qui la diffuse. Ce fut le cas de séries comme St Elsewhere et Twin Peaks13.

Le format sériel a été conçu de façon à permettre un placement optimal du contenu publicitaire, d'une manière telle que, malgré la coupure, le téléspectateur ait encore envie de voir la suite de la série télévisée : « pour qu'il reste sur la même chaîne et regarde les messages des annonceurs14 ». C'est également de la nécessité pour les chaînes de garantir une audience régulière aux annonceurs qu'est né le cliffhanger. Ce procédé d'écriture scénaristique permet de clore un épisode sur une fin ouverte afin de créer une forte attente chez les téléspectateurs et leur donner envie de revenir la semaine prochaine pour voir la suite de la série.

13SEPULCHRE Sarah, dir., Décoder les séries télévisées, De Boeck, coll. Info Com, 2011, p.60.

14 BOUTET Marjolaine, Soixante ans d'histoire des séries télévisées américaines, Revue de recherche en civilisation américaine, [Disponible en ligne : http:// rrca.revues.org/248], 2010, publié le 29 juin 2010, p.4

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Ainsi, le format de découpage de l'épisode en « en 5 actes » a été installé dès les années 1960. Rythmé par des coupures publicitaires, ce format permet de distiller le suspens par des mini-cliffhangers. Ce type de découpage, détaillé dans la figure suivante15, est encore d'actualité dans des séries comme 24 heures Chrono par exemple, dont la production s'est arrêtée en 2014. Notons que ce type de structuration en actes est propre aux séries diffusées par les networks car les chaînes du câble premium16 (qui n'apparaitront que plus tard dans le paysage audiovisuel américain) n'intercalent pas de réclame au sein de leurs programmes : l'écriture scénaristique des séries produites pour ces chaînes est donc sensiblement

différente.

Si la logique publicitaire a joué un rôle primordial dans la définition et le découpage des formats, les avancées techniques et l'évolution du contexte socio-économique ont également contribué à faire évoluer les séries télévisées, accroissant leur distinction et leur sophistication.

15 Source : « Comment fonctionne la TV américaine », Mes séries TV, [disponible en ligne : http://www.messeriestv.fr/2012/04/23/comment-fonctionne-la-tv-americaine-2/], publié le 23 avril 2012, consulté le 15 septembre 2015.

16 En plus des networks, les chaînes câblées américaines sont créées à partir des années 1970 et se divisent en catégories : les chaînes du basic cable financées par leur nombre d'abonnés et les recettes publicitaires et les chaînes du premium cable qui dépendent uniquement de leurs parcs d'abonnés respectifs. Source : « La logique de spécialisation des chaînes américaines », Industrie culturelle, [disponible en ligne : http://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/la-logique-de-specialisation-des-chaines-americaines-jerome-david/], publié le 26 février 2013, consulté le 06 octobre 2015.

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1.2. L'apparition de la Fox et des chaînes du câble

L'entrée dans les 1980 modifie le rapport entretenu avec la télévision et ses programmes. L'apparition des chaînes du câble permet aux téléspectateurs de ne plus rester captifs des trois traditionnels networks et d'avoir accès à d'autres chaînes. En 1985, un foyer américain sur deux est abonné au câble17. D'un autre côté, l'invention du magnétoscope et de la télécommande modifie l'expérience spectarorielle. En donnant aux téléspectateurs la possibilité de zapper, l'usage de la télécommande accroit leurs exigences et leur donne la liberté de changer de chaînes dès qu'un programme n'est pas jugé à la hauteur. Quant au magnétoscope, nous percevons son utilisation comme un signe avant-coureur de la diversification des pratiques de visionnage. En plus de favoriser un visionnage plus individuel que le direct, le magnétoscope permet au téléspectateur d'enregistrer les épisodes de ses séries préférées. Il lui donne ainsi la possibilité de revoir et d'analyser les différentes scènes : le fan devient alors critique, connaisseur du genre et ses attentes s'en trouvent augmentées.

Ces évolutions techniques, qui amorcent le passage à un deuxième âge d'or de la télévision américaine, ont pour conséquence directe d'accroitre la compétition entre les diverses chaînes. Networks et chaînes du câble prennent, en effet, rapidement conscience de la nécessité de proposer une offre originale, dissociable de la concurrence pour séduire des publics plus exigeants et volatiles.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard