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L'impact de la numérisation sur la filière audiovisuelle et sur les pratiques des spectateurs. Le cas de Netflix et des séries tv en France

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par Sarra GADIRI
CELSA - Master 2 Professionnel Médias et Numérique 2016
  

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Conclusion de la deuxième partie

L'analyse de la mutation des industries culturelles et des conséquences de délinéarisation des contenus sur ces industries nous a permis de mieux appréhender le contexte qui a donné naissance à un acteur issu d'Internet, comme Netflix. Nous avons vu comment cet acteur a su mettre à profit les évolutions technologiques et s'inspirer de l'évolution des pratiques et des modes de consommation pour construire une offre et un dispositif adapté.

En étudiant son historique, son environnement concurrentiel ainsi que les stratégies qu'il a mis en place, nous sommes à se stade en mesure de confirmer l'intégralité de notre première hypothèse. A savoir que Netflix s'inscrit dans une accélération des mouvements d'hybridation, les mêmes qui ont toujours caractérisé l'évolution de la filière audiovisuelle et que nous avons explicité dans la première partie de ce mémoire. Netflix a su mettre à profit les évolutions technologiques et répondre aux attentes des publics (des publics qui sont aujourd'hui de plus en plus habitués aux interfaces et aux écrans multiples). En s'imposant comme premier service de streaming au monde et l'un des acteurs majeurs du divertissement, Netflix pousse la concurrence à s'aligner sur son modèle.

Par ailleurs, la démocratisation de la télévision connectée et du multi-écrans a mis au centre de l'attention les enjeux d'ergonomie. En effet, la disponibilité multi-supports est au centre de la stratégie de Netflix d'où l'importance d'accorder au dispositif une considération majeure. Dans ce sens, l'analyse sémiotique du dispositif de Netflix et les différents entretiens d'auto-confrontation menés a apparaître l'adaptation du dispositif aux pratiques de visionnage actuelles. Ce qui nous permet de vérifier notre seconde hypothèse.

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Troisième partie

Vers de nouveaux modèles de production et de diffusion
des contenus audiovisuels ?

Avantages et limites

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Chapitre I

Le nouveau business des séries télévisés

Au cours du premier chapitre de la partie précédente, nous avons mis en évidence la croissance du marché de la VOD et plus particulièrement celui de la S-VOD, qui permet aux spectateurs d'avoir le contrôle sur leur budget, contrairement à l'achat ou à la location à l'acte. Compte tenu de l'universalité d'Internet, ce mode de distribution directe des contenus audiovisuels a facilité l'installation sur le marché français d'acteurs internationaux, à l'image de Netflix, dont la stratégie porteuse a poussé les acteurs de la filière à s'aligner, tout en attirant d'autres acteurs sur le secteur, notamment les grandes entreprises technologiques.

Privilégiant une stratégie mondiale, Netflix a choisi de se soustraire à une réglementation française rigide en s'installant à l'étranger et s'est lancé, depuis 2011, dans la production de contenus originaux pour « remonter » la chaîne de valeur et installer sa position de créateur-diffuseur au sein du paysage audiovisuel.

Dans la partie suivante, nous allons nous pencher, à travers un premier chapitre, sur les particularités des contenus produits et diffusés par ces acteurs venus d'Internet, à travers le cas de Netflix et de ses créations originales. Dans le second chapitre, nous tenterons de mettre en exergue les avantages et les limites du modèle de production de Netflix et de sa stratégie de déploiement à l'international, en faisant apparaître les nouveaux enjeux que la politique de cet acteur fait émerger dans le contexte actuel.

1. La data au coeur du savoir-faire

« L'histoire de la production d'une série sera toujours l'histoire de producteurs dépositaires d'un projet culturel et cherchant à le faire reconnaître comme un projet également économique par des diffuseurs et des annonceurs168 ».

En sortant de la grille télévisuelle qui les a vu naître, les séries télévisées produites « hors circuit » ne sont plus soumises à la même logique de production télévisuelle que leur consoeurs issues du circuit traditionnel. En effet, une série télévisée diffusée

168 ESQUENAZI, Jean-Pierre, Les séries télévisées : l'avenir du cinéma ?, Paris Armand Colin, 2010, p.51.

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sur une chaîne de télévision linéaire, ABC, la Fox ou même HBO, implique la rencontre de divers acteurs et de leurs exigences respectives : les studios de production et les chaînes (celles-ci sont soumises à d'autres exigences, celles des annonceurs, qui les financent)169. Et ce n'est qu'après la validation et la production d'un épisode « pilote » que le lancement de la production d'une saison entière peut commencer.

1.1. House of Cards, une série sans « pilote »

En traquant ses millions d'abonnés jusque dans leurs habitudes et préférences de visionnage les plus secrètes, Netflix ne se contente pas seulement de proposer à ses utilisateurs des catégories personnalisées. Ce traitement astronomique de données permet au service de classer les contenus audiovisuels présents sur sa plateforme en catégories finement ciblées : 77 000 genres et sous genres selon une enquête du magazine culturel américain The Atlantic170.

En 2011, Netflix pousse l'expérience plus loin en se lançant dans la production de sa première série originale House of Cards, qui est, selon ses dirigeants une corrélation des données recueillies. Ces corrélations de données auraient fait apparaître que les internautes qui aiment la mini-série britannique House of Cards diffusée sur la BBC en 1990, visionnent des films de Kevin Spacey et sont fans des films de David Fincher. S'appuyant sur ces « résultats mathématiques », Netflix lance la production des premières saisons d'un remake de la mini-série britannique, engageant, sans autre préalable, 100 millions de dollars. Ainsi, les dirigeants de la firme se disent aujourd'hui capables de savoir ce que leurs abonnés veulent regarder171.

En supprimant l'épisode « pilote » et en décidant de produire l'intégralité des deux premières saisons en une fois, Netflix affirme qu'il a trouvé le moyen de faire des

169 La tradition veut que les networks respectent ce que l'on appelle « la saison des pilotes » pour coller aux upfronts avec les annonceurs. Durant l'été, les réseaux reçoivent des centaines de pitchs. Environ 20% sont sélectionnés en automne et seront développés en scripts. En hiver, une vingtaine de pilotes par chaîne sont commandés et sont produits au printemps. Une fois tourné, l'épisode est soumis au visionnage d'un panel-test et la chaîne peut demander des modifications aux studios. A noter que les chaînes du câble ne respectent pas ce « rituel ». N'étant pas dépendantes des annonceurs, elles se permettent de commander à n'importe quelle période de l'année.

170 Source : « How Netflix reverse engenireed hollywood », The Atlantic, [disponible en ligne : http://www.theatlantic.com/technology/archive/2014/01/how-netflix-reverse-engineered-hollywood/282679/], publié le 02 juin 2014, consulté le 15 mars 2015.

171 Source : « Netflix et le culte du big data », France 24, [disponible en ligne : http://www.france24.com/fr/20140521-netflix-france-big-data-house-cards-television-algorithme-recommandation-internet-svod], publié le 21 mai 2014, consulté le 15 mars 2016.

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prévisions dans un secteur pour le moins imprévisible. En effet, la production culturelle, et les films rejoignent les séries sur ce point, est déterminée par une logique de l'offre. Et si le succès a été au rendez-vous pour House of Cards et Orange is the New Black, il ne peut en aucun cas être garanti pour les créations futures de Netflix, comme Marseille par exemple, sa première production française, qui vise un tout autre marché et une toute autre culture. Cependant, la politique de Netflix s'inscrit dans un modèle de production novateur qui est conduit par des paris sur le résultat des données et où la production d'un épisode « pilote » devient obsolète.

La suppression du « pilote » dans les créations originales de Netflix a également un impact sur la narration. En effet, l'un des objectifs du pilote est de convaincre les spectateurs de suivre la série en exposant le plus de facettes de la série (intrigues, personnages). En général, un épisode pilote (qui a été diffusé172) est plus rythmé que les épisodes qui le suivent. Il s'y passe plus de choses. Cependant, cet épisode ne reflète pas nécessairement l'âme de la série et s'il reste un point d'entrée évident pour « présenter » la série, la nature sérielle d'une série (en plus, de sa disponibilité en une fois, dans le cas de Netflix) permet que d'autres épisodes soient utilisés comme point d'entrée. Il est même possible qu'une série gagne en profondeur à ne pas exposer ainsi tous ses personnages dès le début.

1.2. La place des big data dans le processus créatif

« Les machines et les humains ne s'opposent pas ; au contraire, humains et machines se créent mutuellement173 »

« Les machines et les humains ne s'opposent pas ; au contraire, humains et machines se créent mutuellement174 »

172 Il peut arriver que les chaînes décident de tourner un premier épisode au lieu de diffuser le pilote.

173 DE MEYER Thibault, « CARDON Dominique, A quoi rêvent les algorithmes », [Disponible en ligne : http://lectures.revues.org/20554], Les comptes rendus, 2016, disponible le 05 avril 2016.

174 DE MEYER Thibault, « CARDON Dominique, A quoi rêvent les algorithmes », [Disponible en ligne : http://lectures.revues.org/20554], Les comptes rendus, 2016, disponible le 05 avril 2016.

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L'intégration des big data et de l'analyse dans le processus de création ne date pas d'hier. Déjà en 2004, Ryan Kavanaugh, l'un des nombreux milliardaires de Silicon Valley et fondateur de la société de production Relativity Media175 prétend pouvoir calculer la rentabilité d'un film en collectant et en analysant les diverses données qui lui sont liées : le scénario, sa structure, les conditions de réalisation, etc. Et c'est en croisant ces données avec celles de milliers d'autres films que Kavanaugh décide de quel film produire ou encore des adaptations à effectuer avant de produire176.De la même manière, le statisticien Vinny Bruzzese propose aux producteurs d'Hollywood une analyse des scripts sur la base de films à succès similaires et d'enquêtes menées auprès d'un panel de spectateurs potentiels177.

Pour les scénaristes et les auteurs de longs-métrages, ces méthodes sont l'ennemi de la créativité et ils y sont réticents par peur d'une remise en question de la légitimité de leur métier. Cependant, les algorithmes et autres logiciels de calculs ne sont pas prêts de remplacer le facteur humain, ni la dimension artistique et il est aujourd'hui certain que hommes et machines sont amenés à évoluer main dans la main. En effet, les algorithmes sont un bon moyen de faire apparaître la pertinence financière de certains projets ou encore de faire émerger des corrélations intéressantes, donnant ainsi naissance à des histoires qu'on n'aurait pas pensé à développer spontanément, comme dans le cas de Netflix.

Pour Emmanuel Durand, le paysage d'innovation permanente qui caractérise notre époque numérique, demande une meilleure prédisposition au changement178. Aussi, un modèle de production hégémonique, même s'il paraît plus sûr, ne peut prétendre à l'éternité, en témoigne le phénomène d' « uberisation » qui touche de plus en plus de secteurs économiques, par exemple, et qui séduit et consommateurs et entreprises puisqu'il permet de rentabiliser des projets sans investissements importants, grâce à l'utilisation des nouvelles technologies.

175 Relativity Media a été créée en 2004 et compte à son actif près de 200 films. Le dernier film que la société coproduit, The Disappointments Room est prévu pour 2016.

176 DURAND Emmanuel, La menace fantôme : Les industries culturelles face au numérique, Presses de Sciences Po, Paris, 2014, p.86.

177 Ibid. p.87.

178 Ibid. p. 90.

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2. Et si les créations originales de Netflix redéfinissaient le genre sériel ?

Si la firme a misé sur la production des saisons en une fois, elle a également misé sur la diffusion en une fois. En mettant en ligne les 13 épisodes de la première saison de House of Cards au même moment, Netflix engage une petite révolution au sein de la filière audiovisuelle et donne naissance à une forme de diffusion inédite. En agissant de la sorte, Netflix donne au spectateur la liberté de choisir le rythme avec lequel il souhaite visionner sa série et le libère de la frustration hebdomadaire engendrée par le procédé de cliffhanger.

2.1. Le Binge-watching, une marque de fabrique

Comme nous l'avons démontré dans une partie précédente, le visionnage « en ramassé » est un mode de consommation audiovisuelle qui existe depuis l'ère des DVD mais qui s'est amplifié avec la dématérialisation des contenus et la disponibilité de saisons entières sur les plateformes de streaming et de téléchargement illégal.

Nous avons également vu, à travers notre analyse de la plateforme, que le dispositif mis en place par Netflix encourage cette pratique en déclenchant automatiquement l'épisode d'après dans les 15 secondes suivant le visionnage. En effet, le binge-watching est en phase avec la politique de diffusion de Netflix « en une fois » et de nombreuses études menées par le service le confirment et le confortent. En 2013, le service déclare que le binge-watching est la nouvelle norme en se basant sur une étude menée par l'anthropologiste Grant McCracken sur plus de 3000 personnes dont 1496 TV streamers179. En février 2014, une autre étude du service révèle que 2% des 33,4 millions d'abonnés de Netflix à l'époque ont visionné l'intégralité de la deuxième saison de House of Cards le week-end de sa sortie180.

Si Netlfix encourage et dédramatise cette pratique, il est également intéressant de noter comment elle tend à devenir un véritable phénomène culturel ; la popularisation de l'expression Netflix and Chill181 en témoigne. A son apparition, cette expression

179 Source : « Netflix declarees binge-watching is the new normal », PR newswire, [disponible en ligne : http://www.prnewswire.com/news-releases/netflix-declares-binge-watching-is-the-new-normal-235713431.html], publié le 13 décembre 2013, consulté le 15 mars 2016.

180 Soit 670 000 personnes. Source : « House of Cards watching in high defintion », Procera, [disponible en ligne : https://www.proceranetworks.com/blog/house-of-cards-binge-watching-in-high-definition], publié le 20 février 2014, consulté le 15 mars 2016.

181 Littéralement : regarder Netlfix pour se détendre.

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utilisée massivement sur les réseaux sociaux par les jeunes Américains, traduisait l'action de s'enfermer chez soi pour binge-watcher. Aujourd'hui, l'expression, devenue virale en 2015182, s'est popularisée en prenant une légère connotation sexuelle. En effet, proposer une séance Netflix and chill revient à faire des avances, de manière dissimulée à une personne. De quoi s'interroger sur l'impact de la technologie et de Netflix sur la culture amoureuse des jeunes publics.

2.2. Hybridation du cliffhanger

La frustration hebdomadaire engendrée par les cliffhangers peut être incarnée à travers la dernière saison (saison six) de The Walking Dead. De nombreux cliffhangers ont rythmé cette saison au grand désespoir des fans qui n'ont pas hésité à manifester leur mécontentement 183 . Si le cliffhanger continue d'assurer les audiences, il suscite aujourd'hui énormément de colère et de frustration de la part des fans, surtout quand son usage devient systématique et facultatif. Les fans n'ont en effet pas hésité à qualifier l'« overdose de cliffhangers » dans The Walking Dead de manoeuvre commerciale, racoleuse, dont le seul but est de créer un désir nourri de frustration pour garantir l'audience de la série semaine après semaine (figure 6). La clairvoyance des publics n'a jamais été aussi évidente et a, d'ailleurs, poussé la chaîne AMC et le showrunner de la série à prendre la parole plusieurs fois pour apaiser les foules184.

182 Source : « Netflix & Chill », Fusion, [disponible en ligne : http://fusion.net/story/190020/netflix-and-chill/], publié le 28 août 2015, consulté le 11 mars 2016.

183 Pour plus de détails sur l'overdose de cliffhangers de cette saison : « Walking Dead : bilan de la saison 6 », Binge by Konbini, [disponible en ligne : http://biiinge.konbini.com/series/walking-dead-bilan-saison-6/], publié le 21 avril 2016, consulté le 30 avril 2016.

184 Source : « Le showrunner de The Walking Dead revient sur le final controversé », Binge by Konbini [disponible en ligne : http://biiinge.konbini.com/series/showrunner-the-walking-dead-final/], publié le 21 avril 2016, consulté le 30 avril 2016.

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Figure 6 : extrait des commentaires sur une publication de la page Facebook officielle de la série The Walking Dead185

Nous pouvons rapporter cet usage systématique du cliffhanger à une gestion de l'audience et de la satisfaction de publics que Reed Hashtings nomme la managed dissatisfaction186. Emmanuel Durand l'explique de la manière suivante : « ce principe de la managed dissatisfaction est consubstantiel à une certaine conception des

185 Cette publication a généré près de 2000 commentaires dont une bonne partie critique cet usage sytématique et intensif de cliffhangers. Source : « Publication The Walking Dead », Page Facebook The Walking Dead, [disponible en ligne : https://www.facebook.com/TheWalkingDeadAMC/photos/a.169719483054218.51327.1104753889786 28/1471959512830202/?type=3&theater], publié le 04 avril 2016, consulté le 21 avril 2016.

186 Selon Emmanuel Durand, le terme de frustration entretenue a été utilisé par Reed Hashtings pour désigner un système qui se nourrit des attentes du public pour maximiser l'impact commercial.

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rapports entre le public, l'oeuvre et ses créateurs, une conception qui, jouant sur la rareté de l'offre et sur les contraintes d'accès à l'oeuvre, relègue le public dans un rôle secondaire et docile187 ». Nous nous interrogerons sur la pertinence de ce principe dans le second chapitre de ce travail. Car si son usage aujourd'hui systématique dans les séries télévisées témoigne de l'élargissement de l'univers concurrentiel, sa pertinence peut être questionnée au vu de l'abondance de l'offre et de l'exigence des publics.

En sa qualité d'acteur du web, incarné à travers un site de streaming, Netflix n'est pas soumis au même système de rentabilité que les chaînes : financement publicitaires et préoccupation d'audience. Cette liberté, si elle lui a permis de mettre en place un modèle de production et de diffusion en une fois, elle a également eu un impact sur l'architecture narrative et sur les formats de ses créations originales.

Au sein des créations originales Netflix, le procédé du cliffhanger n'intervient plus de la même manière que pour les chaînes. En effet, et comme nous l'avons vu dans la première partie de ce mémoire, le format sériel a été créé en fonction des coupures publicitaire qui rythment la diffusion de l'épisode. Celles-ci étant inexistantes dans le cas de Netflix, les mini-cliffhangers disparaissent des créations Netflix. D'un autre côté, l'absence du rendez-vous hebdomadaire et la tendance actuelle au binge-watching remettent en question l'utilité du cliffhanger de fin d'épisode. Pour autant, ce procédé scénaristique n'a pas disparu des créations de Netflix.

Une logique de « saison »

En étant libéré complétement des contraintes éditoriales, les scénaristes de Netlfix ont adopté une écriture plus progressive où ils prennent davantage le temps d'installer les situations et de révéler les personnages. La série House of Cards a d'ailleurs interpellé la presse au niveau de sa construction188. En effet, dans cette

187 DURAND Emmanuel, La menace fantôme : Les industries culturelles face au numérique, Presses de Sciences Po, Paris, 2014, p.111-112.

188 Sources : « A mi-chemin entre la télévision et le cinéma House of Cards est unique en son genre », L'express, [disponible en ligne : http://www.lexpress.fr/culture/tele/a-mi-chemin-entre-television-et-cinema-house-of-cards-est-unique-en-son-genre_1221144.html], publié le 29 août 2013, consulté le 02 septembre 2015. Et « How Netflix's House of Cards breaks TV », Tested, [disponible en ligne : http://www.tested.com/tech/set-top-boxes/453479-how-netflixs-house-cards-breaks-tv/ ], publié le 12 février 2013, consulté le 03 mars 2016.

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série l'exposition prend du temps et il faut attendre environ la mi- saison pour qu'une véritable action se déclenche. Les personnages sont aussi dévoilés au compte-goutte et les premiers épisodes se contentent de peindre leur environnement, leurs états d'âme et leurs ambitions respectives. De plus, la série emprunte des procédés qui ne sont pas propres au genre, comme la rupture du « quatrième mur », emprunté au théâtre, à travers l'un des personnage principaux, Franck Underwood, qui est, à la fois, narrateur (il s'adresse directement au spectateur en aparté) et objet de narration. Pour Benjamin Fau, écrivain et auteur du dictionnaire des séries télévisées (2011), House of Cards est une oeuvre où les frontières se brouillent : « comme un DVD, comme un film. Comme un livre189 ». L'auteur dénote également la frustration ressentie à la fin de la première saison, une fois le mécanisme dramatique enfin enclenché. De cette frustration, nous pouvons voir émerger une logique de saison à travers un procédé plus ou moins semblable au cliffhanger qui vient s'assurer de l'intérêt du spectateur une fois l'intégralité de la saison consommée et pour entretenir l'attente de la prochaine.

Si nous prenons l'exemple de Narcos, autre série originale à succès de Netflix, nous remarquons que c'est une construction scénaristique fluide, chronologique et axée sur une intrigue principale qui va entretenir l'envie de visionner du spectateur et pas spécialement la présence de cliffhanger à la fin de chaque épisode. Ce biopic qui retrace la vie de Pablo Escobar et qui se veut également réaliste par une narration, en grande partie, en langue espagnole et l'utilisation d'images d'archives, a la particularité de mettre au centre de l'intrigue la vie de Pablo Escobar et ses démêlés avec la justice américaine, qui sont retracés de manière chronologique. Pour le spectateur, cette construction donne un effet long-métrage qui pousse encore une fois à consommer « en ramassé ». Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les créations originales Netflix sont mises en ligne, pour la plupart, le vendredi190.

189 Source : « A mi-chemin entre la télévision et le cinéma House of Cards est unique en son genre », L'express, [disponible en ligne : http://www.lexpress.fr/culture/tele/a-mi-chemin-entre-television-et-cinema-house-of-cards-est-unique-en-son-genre_1221144.html], publié le 29 août 2013, consulté le 02 septembre 2015.

190 Daredevil (vendredi 10 avril), Sense8 (vendredi 5 juin), Orange is the new black (vendredi 12 juin), Narcos (vendredi 28 août).

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2.3. Hybridation des genres fictionnels

Penny : On n'est pas des gens ennuyeux... on peut faire mieux que ça !

Leonard : C'est vrai ! Jusqu'à quelle heure nous sommes restés éveillé hier ?

Penny : Jusqu'à 1 heure du matin presque !

Leonard : Oui ! Jusqu'à une heure du matin, on est resté... et on n'était même pas en train de

regarder la télé. On regardait Netflix comme les jeunes d'aujourd'hui.

Penny : Ben oui. D'ailleurs qu'est ce qu'on a regardé ? Est ce que c'était une comédie ? Un drama ?

Personne ne sait !

Extrait de l'épisode 17, saison 8 de la sitcom The Big Bang Theory diffusée par CBS.

Comme nous l'avons vu dans la première partie de ce mémoire, l'hybridation des genres fictionnels et des formules a rythmé l'évolution des fictions plurielles. Très tôt, créateurs et producteurs ont intégré l'importance du métissage pour innover et se démarquer. Ainsi, cette hybridation des genres fictionnels n'est pas née avec Netflix, néanmoins la philosophie libérale de cet acteur accélère une nouvelle fois ce métissage, favorisant ainsi la mise en place de modèles narratifs plus souples.

Master of None

« Master of None, c'est un peu entre l'espèce de biographie et la comédie. Sauf que ce n'est pas une comédie « grasse » mais c'est une comédie bien fait au niveau de la réalisation et pour moi, c'est un genre « bâtard » quoi ! » Hugo, 27 ans - Consultant.

Diffusée en novembre 2015 sur la plateforme, la première saison de Master of None comporte 10 épisodes de 26 à 31 minutes et s'apparenterait à une comédie, si nous tentions de la classifier. En effet, le format court, quoique un peu plus long que les comédies traditionnelles et les dialogues « travaillés » pour faire rire, ainsi que plusieurs décors récurrents, la font ressembler à une sitcom, cependant, d'autres caractéristiques témoignent d'une hybridation du genre.

Master of None met en scène un humoriste américain, Aziz Ansari qui joue le personnage de Dev. Dev est l'alter-ego fictionnel de Aziz Ansari dans une série qui raconte son quotidien d'acteur pour publicités qui tente de percer dans le cinéma. Il est intéressant de noter que, dans cette série, certains personnages jouent des versions fictives d'eux-mêmes. En effet, les parents de Aziz Ansari jouent les rôles des parents de Dev et l'acteur britannique Colin Salmon fait des apparitions régulières. Ces caractéristiques donnent une dimension autobiographique forte à la série et qui reste nouvelle dans le traitement de la comédie.

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Master of None n'est pas la première série à mettre en scène un humoriste et jouer sur la dimension autobiographique. En 2010, Louis C. K. a créé, réalisé et produit pour la FX la série Louie. Louie ressemble à bien des égards à Master Of None. Elle met en scène Louie, l'alter-ego de l'humoriste Louis C. K et certains personnages y jouent également une version d'eux-mêmes. Dans l'épisode 6 de la saison 3 par exemple, Louie croise un vieil ami qui n'est autre que Robin Williams qui joue son propre rôle.

En plus de ces caractéristiques qui amènent leur lot d'hybridation, entre fiction et réalité, ces deux comédies sont innovantes par leur traitement, car elles ne se contentent pas de l'humour léger et « situationnel191 » des sitcoms traditionnelles. Elles vont chercher à aborder des sujets dramatiques et réalistes sous un angle qui reste comique mais plus subtil, enrichissant ainsi les diverses intrigues. Un traitement atypique qui éloigne encore davantage la comédie de son modèle de base.

2.4. Sommes-nous toujours devant des séries télévisées ?

« Une série télévisée peut être définie de façon générique comme une oeuvre de fiction à épisodes, créée pour la télévision, diffusée sur un rythme quotidien ou hebdomadaire sur une période

indéfinie 192».

Bien que ce soit là une définition générique, il est légitime de s'interroger à l'heure actuelle sur l'appellation « série télévisée ». Comme nous l'avons illustré, au cours de la première partie de ce mémoire, le genre sériel n'est pas un genre figé et ses genres fictionnels et ses formats n'ont cessé d'évoluer et de se métisser au gré des innovations et des transformations qu'ils ont subi. Cependant, si nous prenons en considération l'élargissement considérable de l'univers concurrentiel de la télévision avec l'arrivée de producteurs nouveaux, issus d'Internet et diffusant en streaming, certaines caractéristiques qui définissaient jusqu'à aujourd'hui le genre tendent à

191 Le nom sitcom provient du terme américain situation comedy (comédie de situation) et est assez explicite du contenu diégétique de ce type de série : « faire naître le comique à partir d'une ou plusieurs situations ». Source : SEPULCHRE Sarah, dir., Décoder les séries télévisées, De Boeck, coll. Info Com, 2011, p.99.

192 BOUTET Marjolaine, Soixante ans d'histoire des séries télévisées américaines, Revue de recherche en civilisation américaine, [Disponible en ligne : http:// rrca.revues.org/248], 2010, publié le 29 juin 2010, p.2.

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disparaître. En effet, aujourd'hui, une série n'est plus uniquement télévisée et sa diffusion ne se fait plus par intervalle quotidien ou hebdomadaire. Ce qui demeure de la série télévisée telle que nous la connaissons, c'est son inscription dans l'univers de la fiction, sa construction par épisode, sa durée, qui n'excède pas les 60 minutes et sensiblement la constance des personnages. Car les séries construites en anthologie ne conservent pas les mêmes personnages au fil des saisons.

Au lieu de tenter de classifier vainement ces fictions, qui nous ont prouvé au fil des années et surtout aujourd'hui leur promiscuité avec des domaines et des espaces différents, que ce soit en raison de leur format, de leur structure narrative, de leur réalisation, de leur diffusion ou de leur consommation, nous avons voulu exposer et analyser la vision de Kevin Spacey sur la télévision, lors de son intervention à l'occasion de Edimbourgh International Television Festival en 2013.

« Words like «film» and «television» are signifiers that are useful only to «agents, and managers, and lawyers who use these terms to conduct business deals,» he said. The people, he added, just want stories, and it's their responsibility to give it to them193 ».

En défendant le modèle Netflix au festival d'Edimbourg, Kevin Spacey met en lumière une problématique intéressante, celle de la nécessité pour les acteurs de la filière audiovisuelle de devoir se recentrer sur leur véritable métier au lieu de s'accrocher à une technique, qui détermine leur façon de faire et qui aujourd'hui semble dépassée. L'une des missions des chaînes et des studios de production est de raconter aux publics des histoires au delà des formats, des genres et des espaces qui tendent inexorablement à s'hybrider. L'évolution du genre sériel en témoigne tout comme l'appétence des publics pour les univers fictionnels riches et profonds que permet le storytelling transmedia 194 par exemple. L'évolution des technologies et des modes de consommation fait apparaître la nécessité de se

193 Extrait de l'intervention de Kevin Spacey à Edimbourgh International Television Frestival en 2013 : « Les termes tels que « film » et « télévision » sont des signifiants qui sont uniquement utiles pour les agents, les managers et les avocats qui utilisent ces termes pour signer des contrats. Le publics veulent juste des histoires et notre responsabilité et de leur en raconter ». Source : « Kevin Spacey give an impassioned plea in support of the Netflix model », [disponible en ligne : http://www.ew.com/article/2013/08/28/kevin-spacey-netflix], publié le 28 août 2013, consulté le 05 septembre 2016.

194 Pour Henry Jenkins, le storytelling transmedia est une façon de raconter qui « se déploie sur de multiples plateformes médiatiques, chaque nouveau texte apportant à l'ensemble une contribution différente et précieuse. Dans la conception idéale du storytelling transmedia, chaque média fait ce qu'il sait faire le mieux : un récit peut ainsi être introduit fans un film, puis se développer à travers la télévision, le roman, la bande déssinée ». Source : JENKINS Henry, La culture de la convergence : des médias au transmédia, Paris Editiion Armand Colin, 2013, p. 119.

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réinventer, de prendre acte et de tirer parti de ses évolutions, au lieu de s'accrocher à un modèle de fonctionnement donné sans remettre en question son bien-fondé, et ce, pour l'unique raison que ce modèle est caractéristique des industries de la culture depuis plusieurs décennies. Nous reviendrons sur cette nécessité de se réinventer dans le dernier chapitre de ce travail qui examinera les avantages et les limites du modèle de Netflix.

3. Vers des contenus inédits ?

Comme nous l'avons vu en examinant la concurrence, la course aux contenus originaux est plus que jamais enclenchée. Face aux grands producteurs de contenus, Netflix dépensera en 2016 près de 2,5 milliards de dollars (contre 1,8 milliard pour HBO)195. Et si Netflix réserve une partie considérable de ce budget pour les séries télévisées, la marque investit de plus en plus dans d'autres types de contenus : des longs métrages mais également des contenus prévus initialement pour la télévision196.

3.1. Etude de cas

« Les programmes n'apparaissent pas, comme on veut nous le faire croire, par des ruptures brusques, mais plutôt par des transformations progressives de formats et de dispositifs197 ».

Parmi les contenus produits ou acquis par le diffuseur, nous avons remarqué que Netflix s'intéresse de plus en plus aux talk-shows, aux stands-up et aux documentaires en tout genre, proposant aux spectateurs d'appréhender ce type de contenus d'une manière assez inédite. La partie ci-dessous a pour but d'illustrer ce type de créations originales Netflix à travers deux cas au succès retentissant.

195 Source : « Netflix détrône HBO pour la qualité de ses programme originaux », Media America, [disponible en ligne : http://mediamerica.org/vod/netflix-detrone-hbo-pour-la-qualite-de-ses-programmes-originaux/], publié le 20 avril 2016, consulté le 25 avril 2016.

196 Notons que les créations originales de Netflix sont soit produites effectivement par Netflix soit diffusées exclusivement sur sa plateforme grâce à une acquisition des droits de diffusion.

197 JOST François, Comprendre la télévision et ses programmes, Armand Colin, Paris, 2009, p. 5.

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Original Netflix CHEF'S TABLE

Véritable tendance de société, les émissions de cuisine, du simple documentaire aux jeux de télé-réalité se sont multipliées, que ce soit sur les chaînes françaises ou américaines. Surfant sur la tendance, Netflix propose de plus en plus de contenus originaux autour de la gastronomie ou de la cuisine, à l'image de Cooked et Chef's Table. Le succès de ce dernier lui a valu d'être renouvelé pour trois saisons supplémentaires.

Chaque épisode de Chef's Table se concentre sur un chef de renommée internationale en particulier et met en scène son univers. Ce qui caractérise ce documentaire, c'est l'impression de transparence et d'authenticité qui s'en dégage. D'ailleurs, dans l'ouvrage « Télé-réalité » de François Jost, ce dernier démontre et illustre la contagion stylistique des programmes télévisuels par la télé-réalité et ce goût de la réalité et de l'authentique transparait parfaitement dans Chef's Table.

Le premier épisode commence sur des images d'archives qui sont commentées par le Chef italien Massimo Bottura. Plus tard, dans l'épisode nous apercevons le chef en train de déjeuner avec ses collègues discutant et riant aux éclats, puis nous l'apercevons dans des moments d'intimité en compagnie de sa femme, tous deux discutant et assis par terre, sur le tapis du salon. Le documentaire est raconté à travers de petites anecdotes sur la vie du chef dont il est le narrateur, mais parfois, sa femme ou ses collègues prennent la parole pour parler de lui, de son caractère dans la vie de tous les jours, de ses défauts... et nous retrouvons cet aspect de

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« souveraineté du quotidien des petites gens198 » si caractéristique de la télé-réalité appliqué à une émission de cuisine. Le deuxième épisode conserve le même style et ton ; il s'ouvre sur un deuxième chef en train de faire son jogging matinal en racontant au spectateur son quotidien de chef et l'entrainement que son métier exige.

Figure 7 : Extrait de l'épisode 2 de The Chef's Table

Par ailleurs, il intéressant de relever l'esthétisme et la qualité de ce documentaire à travers des séquences tournées au ralenti, en gros plan, pour une mise en scène artistique des plats et des produits.

Original Netflix MAKING A MURDERER

Making a Murderer est un docu-fiction produit par Netflix et réalisé par Laura Ricciardi et Moira Demos. Les deux réalisatrices ont passé une dizaine d'années à reconstituer l'affaire de Steven Avery, citoyen américaine du comté de Manitowoc dans l'Etat du Winconsin, condamné pour le viol d'une jeune notable de la ville, puis

198 JOST François, Télé-réalité, Collections Myth'O, Editions Cavalier Bleu, 2009, p. 19.

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innocenté et libéré dix-huit ans après son incarcération. Ce qui bouleverse et interpelle le spectateur dans l'histoire de Steven Avery, c'est l'histoire de cet homme qui a perdu dix-huit ans de sa vie pour un crime qu'il n'a pas commis et qui retourne en prison, 2 ans après sa libération pour un second crime, le meurtre d'un photographe.

Il est intéressant d'examiner la manière dont les deux réalisatrices racontent ce qui semble être un acharnement judiciaire au spectateur. En plus, d'utiliser des images d'archives et des interventions de témoins comme dans un véritable documentaire d'investigation, ce docu-fiction brouille les pistes en empruntant certaines particularités à la fiction : notamment une construction narrative hautement dramatique, l'utilisation du procédé du cliffhanger, ainsi qu'un générique élaboré, esthétique et au temps long, propre aux séries télévisées du câble.

En mettant en oeuvre ces procédés au carrefour du réel et du fictif, Making a Murderer a ému l'Amérique au point de pousser des milliers d'Américains à se mobiliser pour dénoncer les failles du système judiciaire et demander la grâce de Steven Avery. Une pétition sur Change.org a d'ailleurs été adressée au président Barack Obama à laquelle il a répondu, affirmant être dans l'incapacité de libérer l'accusé. La pétition continue de réunir des milliers de signatures199.

Making a Murderer est une création hybride, qui, par sa disponibilité internationale, sa facilité d'accès et sa construction narrative, entre authenticité du réel et dramaturgie de la fiction, « communique » avec la société, passionne et mobilise les foules presque davantage qu'une simple série télévisée fictionnelle.

Tout au long de ce chapitre, nous avons examiné le modèle de production de diffusion de Netflix et son impact sur ses créations originales. Nous avons également tenté d'appréhender d'autres types de contenus créés par le diffuseur afin d'examiner de quelles manières ces derniers s'inscrivent dans une transformation des formats.

L'une des missions de Netflix, comme celle de tout autre producteur de contenu, est de produire et raconter des histoires et ce dernier a mis en place des façons inédites

199 Au 04 avril 2016, la pétition réunit 526 790 signatures. Source : « Pétition au président des Etats-Uins pour libérer Steven Avery », Change.org, [disponible en ligne : https://www.change.org/p/president-of-the-united-states-free-steven-avery], mise à jour de la pétition le 21 janvier 2016, consulté le 04 mars 2016.

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de le faire. Au lieu de tenter de classifier ces formats ou de remettre en question sa légitimité créative, nous avons fait émerger la manière dont ses contenus originaux racontent tous une histoire : celle des amoureux de la cuisine, d'un homme accusé à tord ou d'un député démocrate qui devient président. Nous avons aussi tenté de montrer comment son dispositif de diffusion en ligne est adapté au type de contenus qu'il produit en plus d'être en phase avec les modes de consommation actuels.

Par ailleurs, il est intéressant de voir que des contenus autres que les séries télévisées tendent à se sérialiser. Il est vrai que bon nombre de documentaires diffusés sur des chaînes classiques fonctionnent sur une logique d'épisodes mais jamais cette logique de sérialisation (par épisode et par saison) n'a été aussi évidente aux yeux du spectateur. C'est le cas du documentaire The Chief's Table, que nous avons examiné plus haut.

Enfin, si Netflix s'intéresse aujourd'hui à des contenus initialement télévisuels (documentaires, talk-shows, stands-up, etc.), c'est que le créateur-diffuseur a pour ambition de devenir « le premier réseau de télévision mondial200 », ce qui implique de mettre à disposition mondialement des contenus diversifiés et donc produire en interne et acheter les droits. Nous allons nous intéresser à cette ambition, à sa légitimité et à ses limites dans le dernier chapitre de ce mémoire.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon