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Accès à  la terre et conflit au tchad: cas du <> (XXe au XXIe siècle).


par Dieudonné Kingué Kampété
Université de Maroua - Master II en Histoire Politique et des Relations Internationales  2016
  

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1- Conflits inter-claniques

Les formes et modes de propriété des terres sont souvent la source de conflits. La gestion des terres ancestrales chez les Massa constitue une source d'incompréhension majeure entre villages. En effet, ce conflit est l'un des plus meurtriers de la région. La problématique du droit d'accès à la terre se pose avec acuité dans un contexte où le nombre de la population va de manière croissante. Depuis plus d'une décennie, le canton Koumi, connaît des situations dramatiques. Ce Canton se compose principalement de trois entités claniques : le groupe Beiga dans le nord, les Rigaza et Nollaye dans le sud. Il faut signaler que ces trois entités claniques vivent en harmonie depuis des siècles. Au départ, le village de Biliam-oursi I et Biliam-oursi II vivaient en harmonie. Les conflits les opposaient au clan Koumi. Les antagonismes commencent quand un des Biliam-oursi II rend l'âme suite à une bagarre entre ces derniers et un fils de Biliam-oursi I. cette situation interrompt les relations qui existaient entre ces deux clans. À partir de cet instant, les Biliam-oursi se rallient au Koumi, clan qui, au départ était leur ennemi.

Les premiers heurts commencèrent en 1998, quand les paysans de Dongui-Baha, village voisin de biliam-oursi I, investissent un terrain de 10 hectares exploité depuis fort longtemps par le village de Biliam-oursi I. Ils prétextent que ce Champ leur appartient. À la suite de cette revendication, une bataille éclate et se solde par deux morts dans le camp biliam-oursi I. Après jugement39 en faveur de biliam-oursi I, le verdict est contesté par le village de Dongui-Baha et ce, jusqu'aujourd'hui bien que le champ appartient juridiquement au village biliam-oursi I40.

De ce qui précède, un décret présidentiel érige les cantons Toura, Magoua et Koumi en sous-préfecture dénommé Rigaza41. Avec une Sous-préfecture portant le nom de leur ancêtre, les Rigaza commencent par imposer leur dicta. À partir de ce moment la question d'autochtonie se pose. En d'autres termes, qui n'est pas Rigaza n'est pas de Koumi, et par conséquent n'a pas accès à la terre. C'est dans ce contexte

39 Entretien avec le chef de canton Sampil Dapsia, le vendredi 23 juin 2017 à Nolay.

40 Ibid.

41 Cf. Décret n°354/PR/MISD/99 du premier septembre 1999 portant création de la sous-préfecture de Rigaza

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que le clan Rigaza interdit les biliam-oursi I de labourer 34 hectares de riz. Alors que ce champ est la propriété de biliam-oursi I bien avant sa mise en valeur en 1953, date de la création du casier A de Biliam-oursi42. Suite à ces événements, le tribunal de 1re Instance de Bongor a rendu un jugement en faveur de Biliam-oursi I43. Ce jugement est mal accepté par le clan Rigaza qui attaque les forces de l'ordre, blessant un gendarme grièvement. Les gendarmes ripostent en blessant plusieurs personnes dans le camp Rigaza dont un mortellement. Pour se venger, les Rigaza s'abattent sur Biliam-oursi I. Ils détruisirent les habitations et pillèrent le village ennemi44.

Dans un contexte de rixe violent, en juin 2014, les membres du clan Rigaza du Canton Magao, sous-préfecture de Moulkou empêchent le village de Biliam-oursi Beiga d'exploiter un champ appartenant à ce dernier. Ils arrachent les plants, s'en prennent violemment aux cultivateurs. Quelques bottes sont amenées comme preuves par les gendarmes de Bongor. Quelques mois après, de la même année, les exploitants agricoles de la rizière de Biliam-oursi I sont attaqués par quelques individus du Clan Rigaza. Il s'agit cette fois-ci de tous les villages de Rigaza du Canton Koumi et de quelques villages du Canton Magao, sous-préfecture de Moulkou45. Ils investissent tous les villages Biliam-beiga. Les hostilités durent trois jours et le bilan est de 12 morts, soit 9 du côté des Beiga et 4 du côté Rigaza. Ce conflit voit dans le cadre de sa résolution la présence de l'ex premier Ministre Tchadien et du gouverneur, accompagné des forces de l'ordre. Ainsi, 54 personnes sont arrêtées par les forces de l'ordre. Elles se trouvaient soit au lieu de deuil, soit au champ du mil, soit au sortie d'une église46, transférées à N'djaména et après à Korotoro, une prison située dans le djourab47.

42 Entretien avec Malamssou, cultivateur, le 23 juin 2017 à Ours I.

43 Cf. pièce n°3 : extrait du jugement civil du 27 avril 2011.

44 Entretien avec Malamssou, cultivateur, le jeudi 23 juin 2017 à Oursi I.

45 Entretien avec le sous-préfet Moussa Kallibokori le 24 juin 2017 à Oursi I.

46 Entretien avec Dom Djaldi, cultivateur, le vendredi 23 juin 2017 à Oursi I.

47 Désert dans la partie nord-est du Tchad.

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Aujourd'hui, ces conflits se manifestent chaque année à l'approche de la saison de pluie mais souvent latents. Ayant pris une connotation politique48, il ressort des analyses sur le terrain que le fait que les biliam-béiga soient reconnus comme propriétaires dudit terrain faisant l'objet de tensions, et de tous les conflits futurs. Ainsi la « Rigazatitude49 » prônée par les Rigaza, apparaît comme une idéologie dont il faut se prévaloir pour exclure certains groupes.

Il convient de souligner que les tensions violentes et souvent moins violentes dans le Canton Koumi s'explique par une croissance démographique rapide ; un camp voulant s'accaparer d'autres espaces pour assurer la survie de son village. L'autre camp moins peuplé revendique la propriété des champs, arguant qu'il l'exploitait avant sa mise en valeur par le casier A à Biliam-oursi.

Outre ces conflits violents dans le Canton Koumi, il existe des conflits moins sanglants souvent tranchés sur le coup. Il s'agit par exemple du litige qui oppose le village Kouhlou au village Malam50. Ce dernier voudrait mettre en valeur un espace de plusieurs hectares sous pression d'une démographie galopante. Ce différend fut réglé à l'amiable par les chefs de village et de canton.

Contrairement au Canton Koumi où l'on enregistre le plus des conflits ouverts et souvent violents entre les différents clans, le Canton Bongor fait l'objet des conflits latents et quelques fois ouverts. C'est ainsi qu'un litige opposa en 2015 le village de Djarabou, situé à 15km de Bongor, aux villages Tchinvogo et Gollo. Ces deux villages se disputaient un terrain de plusieurs hectares à la frontière qui les sépare. Toutefois, il n'y pas eu d'affrontement direct. Le litige a été tranché à l'amiable, le chef de village ayant été l'arbitre : « En principe la norme voudrait à ce qu'ils me consultent avant de labourer sur mon territoire »51.

48 Nous parlons de la connotation politique ici parce que la notion de Rigazatitude est soulevée afin de bannir certains groupes de la société.

49 Nom qui renvoie à l'ancêtre Rigaza qui est pour le clan une fierté.

50 Entretien avec le chef de village Kouhlou Issa Kampété le samedi 24 juin à Beiga-kouhlou.

51 Entretien avec la Chef de village Djarabou Oumar Mahamat, le mardi 27 juin 2017 à Djarabou.

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Les autorités administratives signalent aussi les conflits domaniaux dans les villages Goum-Bougoudan et Malam-Wayanga : « C'est une population tellement violente, une erreur pouvant dans ces sociétés vous conduire à la mort. C'est généralement les parents qui, arrivés à un certain niveau croient pouvoir dompter les autres, incitent les enfants à occuper les champs d'autres personnes ».52 Cette occupation illégale des terrains est mal acceptée par les propriétaires qui revendique leurs terrains y compris par la force. C'est ainsi que l'on enregistre chaque année des cas de conflit sur l'ensemble du territoire massa.

Aujourd'hui, le dans le canton Koumi, la majorité des conflits inter-clans ou familles quels qu'ils soient, sont des conflits dont le fondement est lié au sol. Les conflits éclatent quasiment chaque année entre les différents groupes avec des conséquences fâcheuses.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille