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Accord cadre d'Addis-Abeba : analyse de l'incidence sur la RDC six ans après.


par Modeste Keta Ibutshi
Université Nationale Pédagogique - Licence en relations internationales  2018
  

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Chapitre III. ANALYSE SUR L'IMPACT DE L'ACCORD CADRE D'ADDIS-ABEBA SUR LA RDC

Pour bien comprendre l'impact de l'accord cadre d'Addis-Abeba sur la RDC, nous allons nous focaliser sur trois éléments principaux, notamment, l'analyse critique sur les différents de l'accord, lecture sur les réalisations des différents engagements pris par les parties concernées, enfin, les défis et perspectives.

Section I. ÉTAT DES LIEUX SUR LES ENGAGEMENTS DES DIFFÉRENTES PARTIES

Les trois textes, Accord-cadre d'Addis-Abeba, Résolution 2098 du Conseil desécurité des Nations-Unies et Ordonnance présidentielle - fixent le cadre dans lequel, laRDC devra dans des délais raisonnables fournir les preuves des efforts qu'elle a réaliséspour réformer en profondeur les six engagements de l'accord qui sont les secteurs suivants :

- Le secteur de la sécurité (armée, police)

- La consolidation de l'autorité de l'État

- La décentralisation

- Le développement et les services sociaux de base

- Les Institutions de l'État et les Finances

- La réconciliation, la tolérance, la démocratisation

Les pages qui suivent donnent un état de lieux, aussi précis et actualisé que possible, des principales réformes concernées dans les principaux points des engagements nationaux.Il est aussi à signaler que nous nous intéressons aux quelques points de six engagements.

III.2.1 Réforme du secteur de sécurité (armée, police)

L'une des tâches principales assignées au nouveau régime issu des élections de 2006/2007 était de s'engager résolument dans une refondation totale de l'armée nationale congolaise qui s'était effondrée face aux rébellions de 1996/1997 et de 1998/2002 ainsi que dans une refonte de la Police nationale dont la structure n'avait pas survécu à la division du pays et à l'intégration constante en son sein d'éléments incontrôlés et sans formation, en provenance des groupes armés qui s'étaient partagé le pays.

Aujourd'hui, de l'aveu de tous, le chantier reste immense. La mutinerie du M-23 dans les Kivu au mois de mai 2012 et finalement la prise de Goma, le 21 novembre, ont mis en lumière de façon dramatique l'inefficacité de l'armée nationale (FARDC), les énormes carences de ses équipements et de sa logistique, l'inexistence d'une chaine de commandement fiable et enfin, le faible moral de la troupe8. Par ailleurs, les opérations de maintien de l'ordre menées au cours de la dernière campagne électorale de novembre 2011 par les forces de police (PNC, PIR)62(*) ont souvent été extrêmement violentes et conduites sans aucun respect des principes et standards internationaux auxquels une partie des effectifs de ces deux corps de policiers ont pourtant été formés dans le cadre de programmes de coopération bi ou multilatérale.

1.Police Nationale Congolaise (PNC)

Contrairement à l'armée dont la réforme a peu bénéficié d'un appui multilatéral, la réforme de la police a, dès 2007, été accompagnée par la MONUC, puis la MONUSCO, même si les effectifs dédiés à ce soutien n'ont cessé de se réduire au sein de la mission onusienne. La réforme de la police a également été soutenue par plusieurs coopérations bilatérales qui ont réussi, dès le départ, à imposer la mise en place d'un Comité de suivi de la réforme de la police (CSRP). Le CSRP est dirigé par un comité politique, présidé par le Ministre de l'Intérieur et composé des Ministres des Finances, du Budget, de la Défense, du Plan, des Droits Humains et de la Fonction publique ainsi que des sept ambassadeurs63(*) dont les pays soutiennent financièrement la réforme. Deux sièges sont également réservés aux représentants de la société civile. Le CSRP dispose d'un secrétariat exécutif qui est chargé de la conceptualisation de la réforme. Au centre de ce dispositif se trouve l'Inspecteur général de la PNC qui siège au comité politique et impulse les travaux du secrétariat.

La nomination en juillet 2007, du général John Numbi comme Inspecteur général de la police nationale, a, malheureusement, mis un coup d'arrêt au démarrage de la réforme et bloqué le processus. John Numbi, homme de confiance du Président de la République, s'est, en effet, très vite détourné des reformes policières pour se consacrer prioritairement aux taches de maintien de l'ordre au Bas-Congo et aux longues négociations, menées, au Nord Kivu, avec Laurent Nkunda, alors chef des rebelles du CNDP64(*). Conséquemment, le comité politique sera quasiment mis en sommeil - il ne tiendra finalement que 8 réunions entre 2008 et 2013 et parallèlement, les tentatives de réformer la police judiciaire et la police des parquets seront stoppées.

Ce n'est qu'après le limogeage de John Numbi12 en juin 2010 que le secrétariat exécutif du Comité de suivi parvient à relancer la réforme et à faire adopter le texte d'orientation indispensable, à savoir : la Loi portant organisation et fonctionnement de la PNC qui est votée par l'Assemblée nationale en décembre 2010 et finalement promulguée par le Président Kabila le 11 aout 2011, soit quelques mois avant l'échéance électorale de novembre 2011. Cette loi fournit enfin une base légale au processus de réforme et de modernisation de la police.

Il faudra l'aggravation de la crise politique et sécuritaire dans le pays, après les élections frauduleuses de 2011 et la reprise des combats dans les Kivu, pour que, sous la pression internationale, le Plan d'action quinquennal de la réforme, approuvé par le Conseil des Ministres le 8 avril 2013, soit endossé par le Comité de suivi, le 26 avril. Le 3 juin, le Président de la République promulgue la loi portant statut du personnel de carrière de l'Accusé d'avoir commandité le meurtre de Floribert Chebeya, président de la Voix des sans Voix et de son chauffeur, le général Numbi a été mis en résidence surveillée dans sa province d'origine, le Katanga, mais n'a jamais été inquiété par la justice. la PNC qui fixe les modalités du recrutement des policiers et les règles disciplinaires qui s'appliquent à eux. Le projet de loi de programmation relatif à la réforme de la police (2014-2017) a été adopté en Conseil des Ministres le 20 aout 2013, mais continue de faire l'objet de discussions et de négociations, sans que l'on sache si son examen sera inscrit à l'ordre du jour de la session d'automne du Parlement.

En 2012, l'Union Européenne, à travers son programme EUPOL, a effectué un recensement biométrique des policiers qui permet aujourd'hui de connaitre enfin les effectifs véritables de la PNC (+ ou - 100 000 hommes) et de disposer d'un profil minimum de chaque policier permettant de passer au crible son passé et d'établir s'il est apte à entrer dans un des corps de la police nationale. Cette procédure de « vetting65(*) » qui seule permettrait d'écarter de la PNC les éléments indésirables ou incompétents, n'a pas encore été approuvée, ni mise en oeuvre. Parallèlement, une bonne coordination de la coopération internationale a permis l'amélioration des équipements (réhabilitation de commissariats par la coopération britannique66(*), construction d'une école supérieure de la police par l'Union

Européenne (UE) et d'un centre de formation par la coopération japonaise) ainsi que la prise en charge de la formation technique de certaines unités : Police d'intervention rapide par l'Angola et la France, Inspection générale d'audit et lutte contre les violences sexuelles par l'UE, etc.). Sur le plan de la régularité et de l'effectivité du paiement des salaires, quelques progrès ont été réalisés puisque la Loi relative au statut du policier a fixé à 40$ le salaire du policier débutant et à 178$ celui de l'officier en début de carrière et qu'une bancarisation partielle des paiements a été amorcée.

2. Les Forces armées de la RD Congo (FARDC)

En ce qui concerne la réforme des FARDC, aucune véritable coordination des aides n'a pu être mise en place. Les perpétuelles réticences du pouvoir et de l'état-major vis-à-vis d'une collaboration avec la MONUC, puis avec la MONUSCO67(*) et la volonté de privilégier la coopération bilatérale ont finalement abouti à des actions disparates, le plus souvent inefficaces.

Bien que la réforme de l'armée nationale soit au coeur du débat politique et institutionnel du pays depuis la signature des accords de paix de Pretoria au début de 2003, les plus hauts responsables politiques, le Ministère de la Défense et l'État-major ne sont toujours pas parvenus à finaliser un document définitif de réflexion et de planification donnant les grandes orientations de l'évolution à long terme de l'armée nationale (missions, effectifs, équipements, formation, coopération internationale, etc.).

Depuis l'élection de Joseph Kabila en 2006, les plans de restructuration des FARDC se sont succédés donnant l'impression d'une reforme chaotique, aux priorités changeantes : Force de réaction rapide en 2007, Forces de couverture en 2008, Priorité au développement de l'homme de troupe et à ses conditions vie en 2009. Au début de 2013, le nouveau Plan Moya parle de revoir complètement les méthodes de recrutement et d'entrainement pour près de 145 000 hommes. Parallèlement à cette planification problématique, certains domaines comme celui des équipements et des achats de matériel ou celui du rôle et de la place de la Garde Républicaine au sein de l'armée nationale restent des tabous intouchables et continuent de ne relever que du Président et de sa « Maison militaire ». Certes, une loi organique sur la réforme de l'armée a été adoptée en 2011, mais ses textes d'application ne sont, à ce jour, pas intervenus, laissant la loi en déshérence.

Face à cette situation, les coopérations bilatérales se sont le plus souvent concentrées sur les programmes de formation et d'équipement (« Train and Kit »). Ainsi, au cours des deux dernières années, EUSEC a tenté d'améliorer la formation des responsables de la chaine logistique et de l'administration et participé à la restructuration de plusieurs écoles : l'académie militaire pour les officiers, l'école des sous-officiers de Kananga, l'école d'infanterie à Kitona. Une école de logistique est en train d'être construite à Kinshasa tandis que l'école d'administration de Kananga a commencé à former ses premières promotions.

Même si ces programmes sont utiles, ils ne sont absolument pas à la dimension du problème, dans un pays qui n'a plus de véritables écoles militaires depuis plus de vingt ans. En outre leur pérennité n'est pas garantie car tout ceci fonctionne aujourd'hui grâce au financement d'EUSEC qui paie les professeurs, les syllabus et tout le processus de recrutement. Qu'en sera-t-il quand EUSEC mettra un terme à sa mission, en septembre 2014 ? L'Etat congolais sera-t-il en mesure de prendre le relais, même si le coût annuel des écoles ne représente qu'environ 600 000 euros ?

L'amélioration du stockage des armes et des munitions dans plusieurs camps militaires à Kinshasa, Bukavu, Lubumbashi, Kananga et Mbanza Ngungu fait également partie du programme EUSEC qui trouve sa justiication dans la protection des populations vivant à proximité et dans la prévention des catastrophes. Mais les travaux réalisés par EUSEC, notamment au Camp Tshatshi ou se trouvent cantonnés les hommes de la Garde Républicaine, peuvent apparaitre, compte tenu de la nature très particulière de cette unité, comme une aide politique directe au régime qui ne répond pas aux critères éthiques de la coopération européenne.

Dans le cadre de l'Accord signé à Addis-Abeba et de l'action militaire conjointe que la MONUSCO mène depuis plusieurs années avec les FARDC dans les Kivu, la Mission de l'ONU s'est engagée à former une brigade d'environ 3 000 hommes destinée à remplacer la Brigade d'Intervention récemment déployée en application de la résolution 2098 du 28 mars 2013 du Conseil de sécurité. Certes utile pour stabiliser cette partie troublée du territoire, cette Force de réaction rapide qui devrait comprendre trois bataillons d'infanterie, une compagnie d'artillerie, une force spéciale et une compagnie de reconnaissance et bénéicier d'une courte formation (3 mois) ne peut, à elle seule, pallier l'absence d'une refonte en profondeur de l'armée de terre dont tous les experts estiment qu'elle devrait, pour être crédible, comporter au moins une vingtaine de bataillons formés et équipés.

Lors de la tripartite qui a réuni, à Luanda, le 23 août 2013, les présidents Dos Santos, Kabila et Zuma, la coopération militaire entre les trois pays a été réactivée par la signature d'un mémorandum Angola-RDC-RSA sur la formation de l'armée et de la police, sans qu'aucun objectif précis ne soit officiellement annoncé. Il semble que la volonté de l'Angola et de l'Afrique du Sud de consolider des « partenariats » économiques très avantageux avec la RDC dans les domaines de l'énergie électrique (Barrage d'Inga) et du pétrole (Bloc 15), constituerait la motivation première de cette réactivation de la coopération militaire.

Dans son dernier discours sur l'état de la Nation prononcé le 23 octobre 2013, à l'issue des « Concertations nationales », le président Kabila s'engage, comme il l'avait déjà fait à maintes reprises dans le passé, à faire de « la réforme du secteur de sécurité la priorité des priorités ». Il réaffirme solennellement les grands principes de la réforme :

« Recrutement de qualité, discipline rigoureuse, formation et équipement conformes aux standards internationaux, organisation interne efficiente et compatible avec le caractère républicain de l'armée, affectation des officiers et hommes de troupes en fonction des besoins opérationnels et dans le strict respect du principe de rotation sur l'ensemble du territoire national ». Il exhorte enfin « le Gouvernement d'opérationnaliser cette granderéforme, d'en accélérer le rythme » et l'appelle « à finaliser le projet de loi de programmationmilitaire et à allouer un budget conséquent à cette réforme ». Nous voici donc revenus, dixans après le début de la Transition, à l'An I de la réforme de l'armée nationale. L'examenpar l'UE des suites à donner aux missions EUPOL et EUSEC permettra de savoir si lesEuropéens qui restent les principaux contributeurs en la matière ont, ou non, été convaincuspar les derniers engagements du Président.

* 62Police nationale congolaise, Police d'intervention rapide.

* 63Union Européenne, Royaume Uni, Japon, France, Belgique, Afrique du Sud et Angola.

* 64Congrès national pour la défense du peuple, rébellion armée initiée par des oficiers Tutsi ayant refusé l'intégration au sein de l'armée nationale (FARDC). Le CNDP se transformera en parti politique après l'accord de mars 2009 signé avec le gouvernement ; il adhère à la Majorité Présidentielle, en décembre 2010.

* 65Il s'agit d'une procédure rigoureuse d'évaluation des candidats à un poste au sein de la police comportant notamment des critères relatifs au respect des droits humains et à la bonne moralité. Le « vetting » a été mis en oeuvre par la MINUSTAH dans le cadre de la réforme de la Police nationale d'Haïti.

* 66Organisme de coopération bilatérale du Royaume Uni.

* 67Interview du 23 aout 2013 de Francis Sonda, responsable SSR, MONUSCO.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote