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Groupes armés et conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au sud-Kivu.


par Jacques LUTALA KATAMBWE
Université de Lubumbashi - Licence en sciences politiques et administratives 2020
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITE DE LUBUMBASHI

    FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES

    Département des Sciences Politiques et Administratives

    B.P. 1825

    LUBUMBASHI

    251659264

    GROUPES ARMES ET CONDITIONSSOCIOECONOMIQUES DE LA POPULATION DE SHABUNDA

    AUSUD - KIVU

    Par

    LUTALA KATAMBWE Jacques

    - Licencié en Sciences Politiques et Administratives

    - Assistant à l'Institut Supérieur de Commerce

    Mémoire présenté et défendu en vue de l'obtention du grade de Diplômé d'Etudes Approfondies en Sciences Politiques et Administratives

    E-mail : katambwejacques@gmail.com

    Octobre 2020UNIVERSITE DE LUBUMBASHI

    FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES

    Département des Sciences Politiques et Administratives

    B.P. 1825

    LUBUMBASHI

    251662336

    GROUPES ARMES ET CONDITIONS SOCIOECONOMIQUES DE LA POPULATION DE SHABUNDA

    AUSUD - KIVU

    Par

    LUTALA KATAMBWE Jacques

    - Licencié en Sciences Politiques et Administratives

    - Assistant à l'Institut Supérieur de Commerce

    Mémoire présenté et défendu en vue de l'obtention du grade de Diplômé d'Etudes Approfondies en Sciences Politiques et Administratives

    Directeur : MUDIMBI KAPILU Jeef

    Professeur

    Co-Directeur : MOLENGA LINGOTO Willy

    Professeur

    E-mail : katambwejacques@gmail.com

    Année Académique 2019- 2020

    DEDICACE

    A toutes les personnes, connues ou non, victimes innocentes des guerres dans le Territoire de Shabunda à l''Est de la République Démocratique du Congo.

    LUTALA KATAMBWE Jacques

    REMERCIEMENTS

    Nous tenons humblement à remercier toutes les personnes qui ont eu l`extrême amabilité de nous manifester leur indéfectible soutien, aussi bien matériel, moral, spirituel qu'intellectuel tout au long de la réalisation de ce travail. Nous leur sommes entièrement gré et leur serons à jamais reconnaissant.

    Ces remerciements vont particulièrement à l'endroit des ProfesseursJeef MUDIMBI KAPILU et Willy MOLENGA LINGOTO, respectivement Directeur et Co-directeur qui ont bien voulu diriger et codiriger ce mémoire. Nous avons beaucoup apprécié la qualité des échanges intellectuels, la justesse et la profondeur de leurs commentaires. Ils nous ont beaucoup aidé en termes de conseils et d'orientations méthodologiques et théoriques. Nous leur sommes profondément gré ;

    Au Professeur KITABA Kya Ghoanys Floribert et Madame son épouse, Professeure KAYIBA BUKASA, pour leur soutien tant moral, matériel, financier que scientifique qui nous a permis de terminer ce mémoire. Qu'ils trouvent ici l'expression de notre reconnaissance à leur égard à travers ce poème de Mahatma Gandhi, cité par Junior MUMBALA ABELUNGU(1(*)) :

    Prends ton sourire, et donne-le à celui qui n'en a jamais eu.
    Prends un rayon de soleil, et fais-lui percer les ténèbres.
    Découvre une source, et purifie celui qui est dans la boue.
    Prends une larme, et dépose-la sur le visage de celui qui ne sait pas pleurer.
    Découvre un sens à la vie, et partage-le avec celui qui ne sait plus où il va.
    Prends dans tes mains l'espérance, et vis dans la lumière de ses rayons.
    Prends la bonté, et donne-la à celui qui ne sait pas donner.
    Découvre l'amour, et fais-le connaître à tous.

    Au feu Professeur MWAMBA SINONDA Jean, lui qui a été le premier à accepter de diriger ce travail, mais arraché à la vie avant que nous ne terminions ce mémoire de DEA. Nous pouvons affirmer que ses compétences, sa simplicité de coeur sont des souvenirs que nous garderons à jamais de lui ;

    Aux Professeurs MBAYA KABAMBA Innocent, NGOY KIMPULWA, ASIPATE SIKITIKO, VYANEY AN'KORO, NTUBUBA BISIMWA Maurice, KEN DIBWE, Sylvie AYIMPAM, KASONGO NKULU ; si nous avons pu mener ce travail à terme, nous le devons en bonne partie à eux. Ils ont manifesté à notre égard, bienveillance, gentillesse, sympathie et disponibilité. Nous avons particulièrement apprécié la qualité des échanges intellectuels. Qu'ils trouvent l'expression de nos sincères remerciements.

    Aupersonnel scientifique de l'ISC/Lubumbashi, nous citons C.T MONGA MUDILO, C.T Etienne KALUMBA, C.T CIKUNG MUKACHUNG, C.T Claude KABWEBU, CT. Benjamin ILUNGA TSHIBUMBU, Ass. MAJENDE KAEMBE, Ass. MPILAKWA LOKUMU, Ass. BANZA PILIPILI, Ass Kelly MUKANYA nous leur sommes vivement reconnaissant pour leursencouragements qui nous ont permis d'arriver à l'achèvement de ces recherches.

    Une place à part entière lors de cette oeuvre a été occupée par notre épouse FAIDA MAPENDO Anne ainsi que nos enfants Bijoux LUTALA KATAMBWE BONGANUMBA, Dieudonné KATAMBWE LUTALA et Marceline NKABAMUSOGA LUTALA. Grâce à leurs sacrifices, nous avons pu arriver là où nous sommes. Nous leur devons plus et ils auront essentiellement une place de choix dans notre coeur.

    Nous disons aussi merci à nos parents MUSOMBWA KATAMBWE Dieudonné et ASHA MPASSA, pour leurs sacrifices et efforts consentis à chaque fois que les besoins se manifestaient.

    Nos remerciements s'adressent également à notre oncle KIBUNDILA KIMINU Sébastien, à Monsieur MWEPA RASHIDI Mweras, au Major BIMPA Evariste, à Papa Gaby KEKWA, à MUTUZA Henri, au Prof OMBENI MONZAT KIKUKAMA, David RAMAZANI, à Maître Fénelon KYANGALUKA WAKENGE, KATI NALWANGO, Docteur Béatrice AMUNAZO, MASANGU PATAULE et son épouse HUBERTINE KAMWANYA, Styno MUNYANGI BILIBILI, Jean MASANGU BWAMPONGA pour leur soutien sans lequel nous ne serions pas ce que nous sommes aujourd'hui.

    Ce travail ne pouvait pas être réalisé sans le sacrifice de notre équipe restreinte qui nous a aidé à récolter les informations (données) de terrain. C'est à ce titre que nous adressons nos remerciements à MUSIGWA BALESSO Wasso, MANGI BANTUBAGENI, Chef de bureau du Territoire de Shabunda, Descartes MPONGE MALASI, expert en Droits de l'homme aux Nations unies et ex-président de la société civile de la Province du Sud-Kivu ; Monsieur KYAMUSOKE NDAYALE Cyprien, membre de la société civile de Shabunda, à l'Assistant Zyzy KUZINDA STEPHANE, président de l'ONG de Droits de l'homme ACADHOSHA à Shabunda, au chef de groupement de Bangoma BENATALI MONGA III, à BUTELEZI BUMBANDE Bartelemie, MUPENDA MONGA David et son épouse Elysée KIKA SIMOKO MUPENDA, Jules KAVALA IKASO, John BWALESO KALUBISA, Florent BYEKA KAMBALA.

    Nous voudrions aussi remercier nos frères, amis et connaissances : C.T BULANGI KAGULUBE Buckas, C.T SENGI KITIBITIBI, C.T DIHUMBA KABWE, C.T Jeef TSHITAMBA KABALA, C.T Bienvenu LUHEMBWE, C.T Jean-Jacques MAKWANGA KALIYA, Assistant Valentin MUKOTA KIMBULU, C.T Djoe GHOANYS KITENGE, CT. MANYONGA Ferdinand, C.T Colonel Patrick KIMBILIKITI MENIMENI, Assistant MWEMA MANGI Dieu aide, Assistant Jean MUKULUMANIA AMUNDALA, Assistant Philippe KWALYA BALOLWA, Assistant Christian MWAMI MIZABA, Assistant Dominique KIWELE KATATO, Joséphine BWAGWA MAPENDO, Denis MULENDA MUKUBI, RASHIDI MUSOMBWA, LUCIEN MUSOMBWA, BUMBA MUSOMBWA, MUTUZA LUTALA, KAMUNGU LUTALA, Sylvain IDOLWA BANANGELA et son épouse Colette KANKU, MUTULWA MASANGU Gaston, MONGA MIGO Paul, MPIMBI MUKELO Chrisostome, Cadet WABALOLWA MAPENDO, Régine BULANGI, Elysée BULANGI, YIMBA KAMUNDALA Léon, KIPUKA KIKUKAMA KEPSON, Jérôme KAMPUNZU MAZOMBO, WABIKA KASILA Kazos, IDUMBO SEKESEKE André, KALAO KIKUNI, KABUKA SEKESEKE Signeur, KIBONGA SHABANI, KYANZA KISALA Norbert, Justin AMURI KILIMO, Pascal KITOGA MBISO MUGALA, Trésor MONGA, Trésor AKILIMALI KAMUNGU, Alexis TABENA KANDOLO, Dieu donné SENGI MASUNGA, Joseph KABONGA BAGUNDA, SWEDI BILIBILI, Carlos MUKAMBA, Guylain KILELEZI KIKUNI, Dominique SUMAILI, Patrick MITIGA ainsi que tous ceux et celles que nous avons rencontrés dans les échanges et qui nous ont ouvert l'esprit à tous les horizons du monde. Nous voudrions leur témoigner notre affection et notre profond respect.

    Le support moral de notre famille est indispensable dans ce genre de recherche. Nous disons merci aux oncles Jacques KATAMBWE LUTALA, BALIMBALA KATAMBWE André, MASANGU BWAMPONGA Jean, aux tantes TCHEUSI Jeanne, LAELI KATAMBWE, Charlotte BANGAMPALA KATAMBWE, Regine KATAMBWE, ZENA, ainsi qu'à tout celui, de près ou de loin, a toujours su nous offrir son soutien, sa compréhension, son encouragement, sa patience et son affection.

    Nous voudrions présenter nos excuses auprès de toutes les personnes que nous avons involontairement oubliées de mentionner dans les balises de remerciements. Qu'elles trouvent ici notre marque de gratitude et de sympathie.

    LISTE DES ABREVIATIONS

    - AAP = Agence d'Achat des Performances

    - ACCORD = Centre Africain pour la Résolution Constructive des Conflits

    - ACTED = Agence d'aide à la Coopération Technique et au Développement

    - ADF/NALU = Allied Democratic Forces(Forces démocratiques alliées / Armée nationale pour la Libération de l'Ouganda

    - AFDL= Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo

    - C.T= Chef de Travaux

    - CI-DDR = Comité Interministériel de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion

    - CGDDR= Comité de Gestion des Fonds de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion

    - CNDD - FDD = Conseil National pour la Défense et la Démocratie - Forces de Défense de la Démocratie

    - CNDP = Congrès National pour la Défense du Peuple

    - CONADER = Commission Nationale de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion

    - CORESHAD = Conférence de Réconciliation des Enfants de Shabunda pour le Développement

    - CTPC = Comité Technique de Planification et de Coordination

    - D.E.A = Diplôme d'Etudes Approfondies

    - DDRR = Désarmement, Démobilisation, Réinsertion et Réintégration

    - DDRRR = Désarmement, Démobilisation, Rapatriement, Réinstallation et Réintégration

    - F.P.R = Front Patriotique Rwandais

    - FAC = Forces Armées Congolaises

    - FAAL : Forces Armées Alléluia

    - FARDC = Forces Armées de la République Démocratique du Congo

    - FNL = Front National de Libération

    - FRF = Front Républicain Fédéraliste

    - GIZ = Deutsche Gesellschaft Internationale Zusammenarbeit

    - GRIP = Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la Sécurité

    - ISC = Institut Supérieur de Commerce

    - J-C = Jésus Christ

    - Km² = Kilomètre carré

    - LRA = Lord Resistance Army

    - M23 = Mouvement du 23 mars

    - MLC = Mouvement de Libération du Congo

    - MONUC = Mission de l'Observation des Nations unies pour le Congo

    - MONUSCO = Mission de l'Organisation des Nations unies pour la Stabilité de la République Démocratique du Congo

    - MSF = Médecin Sans Frontière

    - OCHA = Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires

    - OMS = Organisation Mondiale de la Santé

    - ONG = Organisation Non Gouvernementale

    - ONU = Organisation des Nations Unies

    - PAM = Programme Alimentaire Mondial

    - PARECO = Patriotes Résistants Congolais

    - PIB = Produit Intérieur Brut

    - PNUD = Programme des Nations unies pour le Développement

    - RCD = Rassemblement Congolais pour la Démocratie

    - RDC = République Démocratique du Congo

    - UNHCR = Haut - Commissariat des Nations unies aux Réfugiés

    - UNICEF = Fonds des Nations unies pour l'Enfance

    - UNILU = Université de Lubumbashi

    - UNOPS = Bureau de Nations Unies pour les Services d'Appui aux Projets

    INTRODUCTION GENERALE

    1. Présentation de l'objet d'étude

    Depuis plus d'une décennie, l'Est de la RD Congo est en proie à une instabilité sécuritaire dont les causes seraient à la fois internes et externes. L'ampleur et les effets de cette situation sont différemment vécus d'un Territoire à un autre.

    En ce qui concerne le Territoire de Shabunda dans la Province du Sud - Kivu, l'on sait de mémoire que ce Territoire connaît particulièrement une histoire politique instable marquée par des guerres, des crises politiques multiformes, des rébellions et insurrections, des dissidences, bref la violence entrainant ainsi une détérioration de conditions existentielles de la population.

    Dès lors, des foyers de tensions y ont été régulièrement localisés depuis le mouvement de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo, AFDL, en passant par la guerre du Rassemblement Congolais pour la Démocratie, RCD en sigle, dont l'élan a été fortement bloqué par la résistance des Mai-Mai dans la partie Nord du Territoire de Shabunda, jusqu'au mouvement actuel des Mai-Mai Raïa Mutomboki localisé sur toute l'étendue de ce Territoire.

    Le Territoire de Shabunda est réputé potentiellement riche grâce à la fertilité de son sol et sous-sol au plan géologique. Par contre, les effets des actions des groupes armés ne permettent pas l'exploitation de ces divers atouts en vue de promouvoir le bien-être de la population ; bien au contraire, ils entraînent ce milieu dans l'enclavement moral et matériel qui conduit à une précarité de la vie sociale et économique de la population qui y vit.   

    Le contexte de cette situation est rendu complexe par la multiplicité des enjeux politiques, économiques, géostratégiques ainsi que par la diversité des acteurs aussi bien nationaux qu'étrangers. L'absence de la volonté manifeste des belligérants de se détacher de leurs unités, armes et munitions constituerait une entrave majeure au processus de la pacification et de l'amélioration de conditions sociales et économiques des habitants de ce Territoire. Les caractéristiques géologiques et géoéconomiques que présente ce Territoire sont importantes et constitueraient des opportunités majeures pour l'amélioration de la situation socioéconomique de sa population alors que cette dernière demeure dans une situation de pauvreté occasionnant ainsi sa misère.

    Depuis le déclenchement de la guerre dite de « libération » en R.D Congo, l'on assiste à une partition de fait du territoire national. Une partie est contrôlée par le gouvernement central et une autre est partagée entre diverses factions rebelles et bandes armées. Cela démontre que la guerre de 1998 a entraîné la division du pays en zones gouvernementales et rebelles, division qui est loin aujourd'hui d'être réellement résorbée. Il s'observe un phénomène de développement d'espaces semi-autonomes, particulièrement dans les régions frontalières de l'Est du pays.

    C'est dans ce contexte que les éléments de Raïa Mutomboki, un des groupes armés opérationnel à Shabunda, ont su, par exemple, assurer la gestion de toute l'étendue du Territoire pendant quatre mois et dix - huit jours lorsque les éléments des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, FARDC en sigle, ont abandonné le Territoire, sur ordre du gouvernement congolais, pour se rendre au brassage(2(*)). Pendant cette période, les éléments de Raïa Mutomboki sont arrivés à mettre hors du Territoire, les éléments du groupe armé de Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda, FDLR en sigle, qui commettaient des exactions contre la paisible population.

    Tirant des leçons des anciennes luttes révolutionnaires de l'Est du pays, les combattants des groupes armés de ce Territoire ne sont plus prêts à servir de main d'oeuvre à un ou plusieurs individus recherchant un profit personnel dans l'exploitation des matières précieuses (allusion faite aux dirigeants du maquis de Kabila de 1967-1986). De même, leurs relations avec les populations locales se sont considérablement améliorées : ils se font remarquer de moins en moins dans les vols, viols, pillages et autres mauvais traitements des paysans.

    Le cycle récurrent des guerres et de la violence dans l'histoire passée et présente causée par les groupes armés en République Démocratique du Congo nécessite une approche visant non seulement à mettre fin à la violence, mais également à s'attaquer aux causes profondes de l'émergence de groupes armés pour établir l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population. Les implications majeures des groupes armés sur les conditions socioéconomiques de la population de Shabunda appellent à une plus grande considération de ce mouvement au sein de la province et à l'échelle nationale.

    Dans ce contexte, il est essentiel d'approfondir la compréhension des causes de l'émergence des groupes armés dans le Territoire de Shabunda au Sud-Kivu et leurs implications sur les conditions socioéconomiques de la population dudit Territoire par le biais d'un travail d'analyse approfondie qui stimule les débats autour de la question. Les enseignements tirés du travail d'analyse permettront de mettre en lumière la nature de ces groupes armés et leurs implications sur le bien-être de la population, aidant ainsi à la formulation de décisions politiques éclairées au niveau territorial, provincial et national. L'objectif de la présente étude est de contribuer à cette compréhension et d'orienter les débats sur les stratégies visant à parvenir à une solution durable pour la gestion des groupes armés à Shabunda.

    De tout ce qui vient d'être dit ci - haut, Ernie Regehr3(*), qui s'interroge sur les conditions d'émergence des effets violents des groupes armés, dégage une constante qui peut être isolée : « on peut raisonnablement conclure que les effets des groupes armés sont davantage susceptibles de se produire, lorsque les communautés sont imprégnées de raisons profondes pour rejeter le statu quo, lorsqu'elles ont accès à des ressources matérielles, politiques et sociales de la violence, et lorsqu'elles sont convaincues ou peuvent prétendre de manière crédible que cette violence est leur seul espoir de changement».

    Les considérations ci - haut évoquées montrent que si les groupes armés peuvent être considérés comme cause de la détérioration des conditions socioéconomiques de la population de Shabunda, ils sont également considérés aux yeux de la population, comme un facteur qui contribue à l'amélioration des conditions existentielles de la population et cela dans divers domaines de la vie sociale, économique et politique.

    Le choix de ce sujet a été motivé par le souci de comprendre la montée des foyers de tensions au sein du Territoire de Shabunda et son implication sur les conditions socioéconomiques de ses habitants.

    Voilà pourquoi nous avons intitulé notre sujet : « Groupes armés et conditions socio-économiques de la population de Shabunda au Sud - Kivu ».

    2. INTERET DU SUJET

    Le problème de l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population à l'Est de la République Démocratique du Congo en général et dans le Territoire de Shabunda en particulier occupe une place considérable parmi les exigences sociales.

    C'est pourquoi, aucun pays ne peut prétendre développer toutes ses entités sans que la population ne soit dans des conditions sociales et économiques assez bonnes. Celles - ci peuvent être possible grâce à l'instauration d'une paix durable gage de tout épanouissement sociétal.

    C'est dans cette perspective que nous allons dégager d'une manière succincte l'intérêt que revêt notre travail sous trois rubriques.

    La nature humaine étant incompatible aux souffrances, notre souci permanent est de voir un jour le Territoire de Shabunda à travers ses acteurs, améliorer les conditions socioéconomiques de sa population. C'est pourquoi, il a été indispensable de découvrir par et à travers nos recherches les facteurs qui peuvent favoriser l'amélioration de conditions de vie de la population dans le Territoire de Shabunda, notamment le facteur social, le facteur économique, le facteur politique, etc.

    Eu égard à ce domaine de recherche, l'étude de la paix durable pour les meilleures conditions de la vie de la population ne cesse de susciter des controverses dans les milieux scientifiques, politiques, .... C'est pourquoi, nous voudrions, par et à travers cette étude, pénétrer le fond du problème et apporter une solution favorable à la persistance des groupes armés qui entravent la vie de la population dans cette partie du Sud-Kivu.

    Dans le domaine des Sciences Politiques et Administratives, ce travail cherche à identifier les facteurs justifiant la présence des groupes armés à Shabunda et inventorier quelques effets sociaux et économiques dûs à la présence de groupes armés dans le Territoire.

    Au demeurant, cette étude se situe au carrefour de l'interdisciplinarité des domaines partagés entre la sociologie politique, la polémologie, la géopolitique, la géostratégie, la géographie politique, la gouvernance sécuritaire, l'analyse des politiques publiques, et la prospective politique dans une vision future de la partie Est de la RD Congo en général, et du Territoire de Shabunda en particulier.

    Au niveau sociétal, cette analyse permettra à toute la communauté de Shabunda de découvrir les éléments qui peuvent lui permettre d'accéder aux conditions de vie améliorées pour un développement durable et intégral.

    Parce qu'il s'agit des groupes armés et conditions socioéconomiques, ce travail vient nouer le rapport entre le dirigeant et le dirigé congolais, tout en montrant à chacun ses droits et ses devoirs dans le processus d'amélioration des conditions de vie de la population sous examen. Quant aux membres de groupes armés, ce travail veut leur montrer comment ils peuvent se transformer en groupes actifs capables de booster l'amélioration de la situation sociale et économique de la population de Shabunda en particulier et de la Province du Sud-Kivu en général.

    3. ETAT DE LA QUESTION

    L'état de la question, qui n'est pas à confondre avec un simple alignement des opinions des auteurs sur un sujet donné, est une synthèse critique des écrits existants(4(*)). Il nous permet non seulement de recenser et de fixer la littérature existante sur la question de recherche en vue d'opérer une rupture démarcative, mais aussi d'ouvrir des nouvelles pistes de réflexions capables d'enrichir et d'élargir l'objet de recherche. Il permet également de retenir ou de capitaliser certains concepts pouvant être mobilisés dans la recherche.

    Pour étudier avec objectivité un objet d'étude, le chercheur doit d'abord appréhender ou saisir ce qu'il y a de typique ou de spécifique, ce qui le distingue d'autres objets, mais aussi il doit détacher ce qui le croise avec d'autres objets.

    Pour dégager la spécificité de notre recherche, il nous a semblé nécessaire de la situer clairement par rapport aux travaux déjà réalisés d'autant plus qu'il serait, comme le stigmatisent à juste titre R. Quivy et L. Van Campenhoudt(5(*)), « à la fois absurde et présomptueux de croire que nous pouvons nous passer purement et simplement de ces travaux comme si nous étions en mesure de tout réinventer par nous-même ».

    La question de groupes armés à l'Est de la République Démocratique du Congo n'est pas nouvelle, elle a déjà fait l'objet de plusieurs recherches depuis un temps. A cet effet, nous n'aurons pas la possibilité d'accorder la lecture à toute la littérature en rapport avec notre étude, néanmoins nous aurons à citer certains auteurs ayant déjà traité cette question, sous différents aspects dont les ouvrages nous ont été accessibles ; à titre indicatif :

    Léon De Saint Moulin (6(*)) nous montre que l'année 2008 commence en République Démocratique du Congo dans un climat d'incertitude. L'insécurité créée à l'Est du pays à la suite des affrontements entre les forces armées de la RDC (FARDC) et les troupes du général dissident Laurent Nkunda ne rassure pas quant à l'avenir du pays. De nombreux congolais, en majorité les femmes et les enfants, ont commencé la nouvelle année loin de chez eux, dans des conditions de précarité extrême.

    Dans cet article, l'auteur est parti d'une constatation selon laquelle les conflits au Nord - Kivu sont destructeurs de l'ordre social et récurrents. Cette récurrence est imputée pour près de 80% à des causes externes ; c'est ainsi que l'auteur dira que ce qui se passe à l'Est de la RD Congo est inquiétant. Cet état de chose ne pourra changer que si tout le monde : autorités politiques et militaires, membres de la société civile, intellectuels et paysans, s'emploient à rechercher sans complaisance, les causes véritables et y apporter des solutions réalistes et durables.

    Dans sa conclusion, l'auteur souligne que la RD Congo n'est pas le premier pays à traverser une crise aussi grave et durable, l'Angola, pour ne citer que ce pays voisin, a connu plusieurs années d'une guerre meurtrière dont les conséquences ont été dramatiques mais, ce même pays est aujourd'hui cité à la surprise de beaucoup, parmi les pays d'Afrique dont les habitants vivent dans la paix qui est la condition sine qua none pour tout développement intégral.

    Le mérite de l'auteur avec notre objet d'étude est de considérer que les conflits armés sont destructeurs de l'ordre social. L'analyse de l'auteur sur la détermination de la responsabilité de tous les acteurs sociopolitiques afin de trouver sans complaisance les causes véritables de conflits armés et la mise en oeuvre des solutions réalistes et durables pouvant conduire à un changement positif de conditions socioéconomiques d'un peuple sont les éléments qui nous rapprochent avec l'auteur cité ci - haut.

    Au - delà d'un tel mérite, nous soulevons que Léon De Saint Moulin est allé jusqu'à comparer la guerre que connait la RD Congo à celle de pays voisins, notamment celle d'Angola, oubliant que le contexte de l'émergence de la guerre à l'Est de la RD Congo n'est pas le même avec celui des pays voisins auxquels il a fait allusion... En Angola, par exemple, il s'agit d'une guerre par procuration qui a opposé les deux grandes puissances rivales américaine et soviétique pendant la Guerre froide, les États-Unis soutenant les mouvements rebelles alors que l'URSS soutenait les gouvernements marxistes en place. Mais tandis que les guerres qu'a connue la RDC sont fonctions de plusieurs enjeux, notamment les enjeux politiques, économiques, ethniques, etc.

    Samuel SOLVIT (7(*)) est parti de l'observation selon laquelle les ressources naturelles jouent un rôle dans les conflits qui minent la République Démocratique du Congo depuis tant d'années. Depuis sa création en 1885, ce pays est en proie à des situations de conflits quasi permanentes. Du caoutchouc dans les années 1890-1900 au coltan-cassitérite, à l'or ou au pétrole dans les années 2000 en passant par le cuivre, l'uranium ou le diamant dans les années 1960, ces ressources sont au coeur des conflits congolais évoluant avec les besoins, les acteurs et les enjeux internationaux. Et il a observé la diversité et la complexité de ce rôle au cours de l'histoire du pays.

    A l'époque coloniale, les ressources naturelles ont joué un double rôle dans la dynamique des conflits du pays. Elles ont tout d'abord servi à alimenter les conflits, car les ressources naturelles étaient la finalité principale de l'oppression et de l'exploitation. Les colons et les entreprises ont ainsi exercé ce pouvoir pour ces ressources, mais aussi via ces dernières. Et à plus long terme, elles ont contribué à la création d'une structure politique, étatique, économique et territoriale du pays instable, ce qui fut le terreau de conflits à venir.

    Puis il y eut la période de la guerre froide. Protégé par l'affrontement des grands blocs, Mobutu pût tranquillement piller le pays et se servir des ressources naturelles pour s'enrichir. Le résultat fut un régime dictatorial, le délitement et la désorganisation totale de l'Etat et de l'économie ainsi que la création d'une forte instabilité interne. La fin de son régime se termina d'ailleurs par un conflit. D'un côté les ressources naturelles ont été un enjeu capital motivant les intérêts des grands blocs et permettant la domination et la pression. Et de l'autre côté, la guerre froide a limité les conflits internes au sein du Zaïre en étouffant les rébellions et les oppositions.

    Avec la fin de la guerre froide et la fin du régime Mobutu, les années 90 ont laissé un vide. Ce vide politique et économique a été propice au développement de la prédation et à l'aboutissement de la désorganisation totale du pays menant à la chute de ce dernier. L'absence de pressions liées à la guerre froide et au pouvoir politique central s'est mêlée au manque de structure étatique. Les ressources naturelles y ont eu un rôle multiple : elles ont stimulé le pillage de l'Etat sous l'ère Mobutu ; ce qui aboutit à la « première guerre du Congo » entre 1996 et 1997, elles ont accentué la chute de l'Etat et le conflit en stimulant les intérêts et la prédation, elles ont financé la guerre et enfin, ajoute l'auteur, elles furent une des finalités de la guerre pour certains acteurs.

    L'auteur continue en stigmatisant qu'en 1998 commença une nouvelle ère marquée par une guerre meurtrière. L'économie, par le biais des ressources naturelles, s'est infiltrée partout pour faire évoluer les conflits vers ce qu'il qualifierait de Business Conflits. L'abondance de ressources naturelles du pays dans un contexte mondial changeant - mondialisation, nouveaux acteurs et nouveaux minerais - a fait naître une nouvelle forme de conflits et a stimulé le développement de comportement de prédation. Les trafics de ressources naturelles augmentèrent, se caractérisant par l'afflux de groupes mafieux, de groupes armés et des groupes rebelles, ce qui fut source d'instabilité et contribua à alimenter la présence et la violence de ces groupes. Aussi, ce contexte mondial attira de nombreuses entreprises minières du monde entier qui, défendant leurs intérêts, devinrent des acteurs politiques. La « deuxième Guerre du Congo » fut un théâtre et une conséquence de ces changements. Se développa au cours de cette guerre le « commercialisme militaire » qui se caractérise par une position accrue des ressources naturelles comme finalité du conflit. Par ailleurs, les ressources naturelles ont plus classiquement servi à nourrir de guerre de ce conflit.

    Cependant, le rôle des ressources naturelles reste capital et présent à chaque niveau de ces conflits. Elles donnent des moyens pour financer l'effort de guerre, des finalités, des catalyseurs, et indirectement ce sont elles qui permirent de créer un contexte politique et économique plus ou moins propices aux conflits. Elles ont donc agi à la fois au niveau conjoncturel et structurel.

    Pour mettre son analyse en perspective, l'auteur rappelle qu'il ne faut oublier deux choses :

    - Les ressources naturelles sont au coeur de l'activité économique du pays ;

    - La guerre et l'économie sont éternellement liées, pour des raisons évidentes de financement de l'effort de guerre, et par ailleurs pour les liens plus « métaphysiques » qui peuvent exister entre le pouvoir, l'argent et la politique.

    Ces deux observations ont amené l'auteur à se demander si ces conflits en RDC sont particuliers : fondement de l'enjeu économique (en RDC, les ressources naturelles) n'est - il pas, dans d'autres conflits, ailleurs ?

    Il répond à cette préoccupation en disant que le lien entre les ressources naturelles et les conflits en RDC n'est pas différent du lien qui aurait pu exister entre n'importe quel autre enjeu économique et ces conflits. Cela induit que pour comprendre cette relation, peut-être faudrait-il chercher à comprendre les liens entre l'économie et la guerre de manière plus générale. S'il n'y avait pas de coltan, les armes seraient peut-être financées par autre chose : la drogue, le trafic d'êtres humains, des mouvements terroristes, la religion, les kidnappings, des opposants politiques, des « investisseurs » internationaux, etc.

    L'auteur conclut en disant qu'il ne s'agit pas de déduire de ce dernier questionnement que toute la régulation est inutile. La RDC reste un pays instable et en très mauvais état.

    Même si le contrôle de l'exploitation, de la gestion et de la commercialisation des ressources naturelles ne peut changer entièrement la dynamique des conflits, ce contrôle doit être exercé d'abord pour la reconstruction du pays et pour écarter toutes les stimulations qu'elles provoquent. Les ressources naturelles sont, comme nous l'avons vu, un facilitateur et un stimulateur de conflit. Elles aiguisent les désirs et nourrissent les appétits des plusieurs acteurs qui s'en intéressent. Pour ces raisons, les ressources naturelles doivent être contrôlées pour la stabilité du pays bien que ce ne soit qu'une étape éternellement perceptible et insuffisante.

    Les guerres en RDC proviennent de causes multiples tournant autour de quatre séries de facteurs : économiques, institutionnels, régionaux et géopolitiques mondiaux. Ces facteurs sont intimement liés et ne peuvent être traités isolément pour la compréhension des causes des conflits, l'élaboration des stratégies de règlement des conflits ou le développement économique à l'issue des conflits. La faiblesse générale de l'économie a joué un rôle fondamental dans l'origine des conflits. La guerre contre Mobutu a éclaté dans un environnement propice aux conflits. Plus précisément, l'effondrement de l'ensemble de l'environnement macroéconomique, la mauvaise gestion du secteur public et la détérioration des conditions sociales, en particulier l'explosion du chômage des jeunes, ont sensiblement affaibli la capacité de l'État à pourvoir aux besoins élémentaires du peuple congolais et à assurer sa sécurité, créant ainsi un environnement propice à l'apparition de contestations violentes de l'autorité de l'État causées par le mécontentement et la cupidité.

    Même si les guerres en RDC ont été décrites comme étant des « guerres des ressources », les ressources naturelles ne sont pas la cause directe des conflits. Ces derniers peuvent être mieux décrits comme étant principalement « des conflits de répartition », en ce sens qu'ils ont été alimentés par la mauvaise gestion du secteur des ressources naturelles et une répartition inégale des bénéfices provenant de l'exploitation de ces ressources. Le problème n'est donc pas le volume des ressources naturelles, mais l'incapacité de mettre en place des institutions solides et un cadre réglementaire efficace pour leur gestion, qui a rendu le pays vulnérable aux conflits et l'a empêché de tirer pleinement avantage de ses ressources naturelles abondantes. 

    Nous sommes d'avis avec l'auteur lorsqu'il considère que ces ressources sont au coeur des conflits congolais évoluant avec les besoins, les acteurs et les enjeux internationaux. Et ensuite, par la considération qu'il donne en ce qui concerne l'absence d'une mise en place des structures solides et réglementaires efficaces pour la gestion de ces ressources par le gouvernement congolais.

    Nous nous écartons de l'auteur dans le sens que les ressources naturelles ne sont pas le seul fondement conflictuel en RDC, il existe d'autres facteurs (l'etnicité, la vulnérabilité de la population, l'analphabétisme, les problèmes fonciers,...) qui expliquent la situation de la conflictualité en RD Congo et plus particulièrement à l'Est et dans le territoire de Shabunda ; ensuite, l'auteur n'a pas démontré l'incidence qu'ont ces ressources sur la vie de la population congolaise en général et de l'Est en particulier ; ce qui constitue notre objet d'étude.

    Jean-Claude Willame (8(*)), fait état de conflits au Kivu, partant d'une classification qu'il va subdiviser en deux parties :

    Dans la première catégorisation, il s'agit des guerres paysannes datant de 1937-1994, qu'il appellera d'une escalade conflictuelle autour d'enjeux fonciers et identitaires. Pour cette période, il partira d'une constatation selon laquelle les cohabitations imposées par les colonisateurs et les tensions politiques baptisées sous l'appellation « trajectoire conflictuelle », pour ainsi dire qu'au Nord-Kivu, les collines fertiles encore boisées et très peuplées au début de ces siècles, ont attiré des flux importants de migrants en provenance du Rwanda. En plus, une autre immigration massive encadrée et organisée par les autorités coloniales entre 1940-50, va inonder la province du Nord-Kivu, car la raison fondamentale de cette organisation est que ces migrants étaient confrontés aux problèmes de famine et aux affrontements politico-ethniques entre Hutu et Tutsi au Rwanda voisin.

    Dans la deuxième catégorisation, le constat fait par l'auteur est celui de la guerre régionale et acteurs internationaux autour du Kivu, enjeux politiques en 1995 et 1998. D'après ses analyses, il constate que le génocide Rwandais est la principale conséquence, car l'énorme exode qui en découla, après la victoire du Front Patriotique Rwandais (F.P.R) en Juillet 1994 a représenté incontestablement pour ce qui regarde l'Afrique centrale, un signal fort d'une mutation historique, profonde en termes de mouvement et de déplacement de population, ses répercussions ont même débordé largement, l'Afrique dite des Grands Lacs.

    Comme conclusion, l'auteur estime qu'en l'absence d'une capacité affirmée des organisations régionales africaines à prévenir et à gérer des situations de crises et de violences de plus en plus fréquentes, le désinvestissement politique de l'Organisation des Nations - Unies (ONU) et des principaux acteurs de la communauté internationale, risque d'accroitre encore davantage la surcharge humanitaire, car en RDC, il y a véritablement situation de guerre entre Etats, et des négociations internationales sont incontournables au vu du nombre des pays voisins, et même plus les pays lointains impliqués dans ce conflit.

    Le débordement de mouvement et déplacement de la population dûs à ce que l'auteur qualifie des guerres paysannes d'une escalade conflictuelle autour d'enjeux fonciers et identitaires a engendré une cohabitation imposée par les colonisateurs. Nous soutenons la considération de l'auteur dans le sens où l'exode rwandais serait aussi un des facteurs d'instabilité de la population dans la partie Est du pays.

    Notre démarcation avec l'auteur réside dans le fait que l'auteur n'a pas fait une analyse sur les acteurs locaux impliqués dans les conflits et guerres au Kivu afin de dégager la part de responsabilité de tout un chacun sur la dégradation de la vie de la population.

    Ndabereye Nzita P. (9(*)), qui a apporté sa contribution à la reconstruction des Grands Lacs Africains en s'interrogeant sur les conditions de la paix durable, laquelle conditionne le développement de cet espace, démontre qu'aujourd'hui, beaucoup d'observateurs s'interrogent en sens divers sur le destin de l'Afrique des Grands Lacs après le temps des turbulences qu'elle a connu. Les conflits dans cette région n'ont pas été contenus à l'intérieur des frontières du Burundi, de l'Ouganda, de la R.D.C. et du Rwanda ; les pays voisins tels que la Tanzanie, la Zambie,... ont dû en subir considérablement les conséquences.

    En effet, les horreurs de l'épuration ethnique du Burundi, du génocide au Rwanda, de la guerre civile en Ouganda et de la coalition ouverte de ces pays contre la RDC, ont mobilisé d'un coup et les belligérants nationaux et internationaux, la communauté internationale et l'Union Africaine à s'investir dans la gestion de la guerre et de l'endiguer.

    A cet effet, au fil des années, le dysfonctionnement des politiques des pays de cette partie de l'Afrique risque de faire demeurer les peuples de cette région dans un sous - développement indescriptible. De nos jours, malgré l'intransigeance manifestée par la minorité contrôlant le pouvoir au Rwanda et au Burundi hier, le voeu de la majorité est pour la reconstruction de la région. Or, reconstruire les Grands Lacs, c'est poser d'abord une base solide pour amener une paix durable. Mais comme nous le savons, souligne l'auteur, la paix est un processus et non une fin en soi. Alors, il faudra reconstruire la paix en même temps qu'on intériorise et/ou qu'on déploie des efforts pour le développement de la région des Grands Lacs Africains. Car, la paix est une ressource rare pour arriver au développement. Au fait, c'est dans la quiétude que l'homme travaille. Et ce dernier a besoin à tout prix de la paix pour ses projets et pour son avenir, ajoute l'auteur.

    Ainsi donc, si l'homme peut se développer pendant la paix, la réflexion de l'auteur a comme préoccupation de répondre à la question suivante : quels sont les facteurs à la base de la conflictualité dans les pays des Grands Lacs Africains et quelles sont les conditions du retour à la paix face aux impératifs du développement régional ?

    A cette question, l'auteur pense que la colonisation serait à la base des foyers de tensions entre les peuples des Grands Lacs. D'abord, du fait du tracé arbitraire des frontières qui n'a pas tenu compte des identités et clivages qui allaient en résulter. Pour ce qui est du deuxième volet de la problématique, l'auteur démontre que la résolution des problèmes internes à chaque Etat de la région parait être une étape nécessaire et une urgence dans la gestion des conflits des Grands lacs.

    L'auteur conclut son travail en disant que la démocratisation des institutions, l'instauration d'un Etat de droit pourrait déclencher la spirale de développement de la région des Grands Lacs Africains. La pauvreté, l'analphabétisme, ... sont là les grands obstacles au développement de cette région. L'éradication de ces maux peut être, au dire de l'auteur, possible par les soutiens divers du secteur privé. La démocratisation des institutions pourrait entraîner la restauration de l'autorité de l'Etat, l'Etat de droit, l'alternance au pouvoir, la justice (à tous les niveaux), la jouissance de toutes les libertés, la légitimation du pouvoir, etc. pour éliminer la pauvreté, l'analphabétisme, le parasitisme social, ... L'auteur démontre que cette charge incombe aux pouvoirs publics. La stabilité des régimes pourra attirer des capitaux étrangers qui pourraient, d'une part, combler les déficits budgétaires et, d'autre part, résorber le chômage en créant des emplois rémunérateurs.

    Cherchant à comprendre les facteurs à la base de la conflictualité dans les pays des Grands Lacs et les conditions du retour à la paix face aux impératifs du développement régional, nous sommes d'accord avec l'auteur dans la mesure où l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population passe par une stabilité sociale (donc la population doit être en paix). Si l'homme doit être le moteur du développement, il faut qu'il arrive à développer ses capacités mentales et physiques. Seules ces capacités pourraient lui permettre de lancer un défi à toutes les misères qui l'accablent.

    Notre démarcation avec l'auteur se situe au niveau où il considère l'impréparation de l'élite africaine des Grands Lacs, la gestion démocratique tenant compte des réalités locales, la redynamisation d'un cadre intégratif et la création d'une banque commune pour les quatre pays de la région, etc... comme les éléments pouvant conduire à une paix durable dans les pays des Grands Lacs sans faire analyse, sans déterminer les cadres pouvant mettre en place et/ou en application toutes ces suggestions, mais dans notre étude, nous voulons démontrer comment les groupes armés impactent négativement et positivement la vie sociale et économique de la population.

    Judith Verweijen et Claude Iguma Wakenge(10(*)) développent des considérations selon lesquelles, après la défaite militaire de la rébellion du M23 en novembre 2013, la mobilisation armée s'est poursuivie à un rythme effréné dans l'Est de la République Démocratique du Congo. Malgré un fort retentissement, une première série de redditions n'a pas duré, et elle a surtout concerné des combattants individuels plutôt que des groupes armés entiers. Vers 2014, le paysage des groupes armés a connu une nouvelle fragmentation, les groupes existants se scindant alors qu'en émergent de nouveaux. La plupart de ces groupes, tels que les différentes factions Raïa Mutomboki et Nyatura, ne sont pas des mouvements rebelles de grande envergure, mais regroupent des combattants en nombre limité et variable, souvent inférieur à 300. Ils sont arrivés à se poser les questions de savoir comment expliquer la prolifération des groupes armés de faible envergure dans l'Est du Congo ? Quelles politiques ont été adoptées pour venir à bout de cette problématique ? Et, enfin, quelles en sont les implications pour les efforts de stabilisation et de consolidation de la paix ?

    Les auteurs démontrent qu'en raison de la prolifération de petits groupes armés et de la disparition et dispersion des mouvements rebelles de plus grande ampleur, la configuration des groupes armés dans l'Est du Congo est de plus en plus fragmentée.

    Cette fragmentation résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs, à savoir l'implication croissante d'acteurs politiques au niveau micro-local dans la politique militarisée, la volatilité de la dynamique des conflits locaux, et le recours à des politiques militaires contre-productives, notamment à des opérations militaires.

    Depuis la fin de l'intégration globale des groupes rebelles dans l'armée nationale congolaise, les opérations militaires représentent la stratégie de prédilection pour lutter contre les groupes armés.

    Ces opérations militaires ne s'inscrivent pas dans le cadre de démarches politiques plus larges visant à convaincre les groupes armés de déposer les armes.

    Ils ont conclu en disant qu'il est impératif de concevoir des politiques axées principalement sur les groupes armés à proprement parler ainsi que sur leurs réseaux de soutien politico-économique, et de compléter ces politiques par une réforme de l'armée et des mesures pour venir à bout de la dynamique des conflits.

    Notre travail converge avec ces auteurs dans la mesure où leurs analyses ont expliqué la prolifération des groupes armés de faible envergure à l'Est de la RD Congo et surtout par le fait qu'ils ont cherché à comprendre les politiques adoptées pour mettre fin à la persistance de ces groupes armés. Ces analyses ont une raison d'être quant à ce qui concerne notre étude.

    Nous nous démarquons de ces auteurs par le fait d'avoir oublié de dégager l'impact de ces petits groupes armés sur les conditions socioéconomiques de la population, car l'amélioration de conditions sociales et économiques d'un peuple est l'un des facteurs pouvant éradiquer la présence des groupes armés dans cette partie du pays.

    Sary Ngoy Blaise (11(*)), estime que deux causes principales peuvent expliquer la crise des Grands Lacs africains. Il s'agit de la pauvreté et de la démocratie. Pour lui, chercher à organiser une conférence régionale sur les Grands Lacs sans avoir résolu les sources internes des conflits dans chaque pays est une entreprise dénudée de sens. Pour l'auteur en effet, aussi bien au Congo qu'au Rwanda, au Burundi et en Ouganda, les racines des conflits futurs sont encore profondes (absence de démocratie, absence de conditions de progrès social et économique, le déséquilibre entre la croissance démographique et la croissance économique, le sous-développement industriel,...).

    L'auteur pense aussi que la signature de « l'accord global et inclusif est un ingrédient qui en cache d'autres ». A l'appui de cette thèse, il se demande « si la manière dont les protagonistes ont mis fin à cette guerre autorise d'émettre des avis optimistes quant à l'avenir de la région », car « la guerre s'est achevée (ou pas achevée) par un cri qui en dit plus : ni perdant ni gagnant ». Pour lui, les accords conclus et qui mettent fin à la guerre sont « le fruit des négociations entre protagonistes... De quoi ils ont négocié ? Des terres du Kivu ? Des relations avec les voisins ? De la nationalité des Tutsis du Congo ? De gagne peu ? Des désoeuvrés, des militaires qui espèrent toujours vivre un eldorado ? Non, ils ont négocié le partage du pouvoir entre les composantes durant la transition et la tenue des élections démocratiques ». Il est donc supposé, affirme l'auteur, que les solutions aux autres ingrédients locaux sont renvoyées au second degré par le pouvoir de transition. Ainsi, comme au Congo, la guerre s'est « achevée par « ni victoire ni perte », elle n'est pas totalement achevée. Ses racines demeurent ». La constitution de ces facteurs déclencheurs est repartie à cause du « repeuplement de la région par les rwandophones et l'existence des caches d'armes dans les brousses du Kivu ».

    Pour terminer, Blaise SARY, croit que « la paix régionale passe avant tout par la démocratisation réciproque des régimes » qui implique « un pouvoir national rassembleur, légitime et fort dans tous les pays » pouvant ainsi « préfigurer le début d'une stabilité et d'une paix durable dans la région.

    L'absence de démocratie, l'absence de conditions de progrès social et économique, le déséquilibre entre la croissance démographique et la croissance économique, dégagés par l'auteur comme causes principales pouvant expliquer la crise des Grands Lacs africains sont des observations qui nous mettent en convergence avec l'auteur, car la mise en oeuvre de toutes ces causes évoquées ne peut pas permettre à un peuple de connaître le bien - être social.

    Mais le contraste avec notre étude réside dans le fait que l'auteur considère que « la paix régionale passe avant tout par la démocratisation réciproque des régimes », or notre analyse part de l'observation qui consiste à comprendre l'implication de groupes armés dans la détérioration de conditions socioéconomiques de la population, pas seulement dans son aspect négatif, mais également dans son aspect positif.

    TSHIMPANGA Matala Kabangu et GONZALEZ, F.(12(*)), après avoir étudié l'essence des conflits dans les pays de la région des Grands Lacs, notamment au Burundi, en Ouganda, en RD Congo et au Rwanda et leurs conséquences en Afrique Centrale et Australe, montrent que le conflit en RDC revêt une dimension régionale. Les peuples de la région des Grands Lacs sont si étroitement liés les uns aux autres dans les domaines social, économique, culturel et linguistique qu'une instabilité provoquée dans un pays de la même région pour causes internes, peut se propager rapidement jusqu'à créer une nouvelle dynamique de conflit dans toute la région, la porosité des frontières aidant.

    Pour ces auteurs, en effet, c'est dans le cadre régional où il convient de trouver des solutions efficaces aux conflits et à l'instabilité qui couvre sur chacun des pays membres. Ces chercheurs ont, après investigations, constaté que « le climat de méfiance entre les gouvernements de la région et les attitudes extrémistes et de rejet affichées par la population face à des groupes ethniques déterminés, ne peuvent pas favoriser la cohabitation, ni la coopération, ni encore moins la réalisation de certains plans de développement régional. Il est fort souhaitable de rétablir la confiance et un dialogue capables de frayer des voies qui mènent vers la paix et la stabilité. Dans ce sens, la conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement revêt tout son sens ». Les chercheurs en question pensent qu'au cours de cette conférence les Etats concernés, notamment le Burundi, l'Ouganda, la R.D. Congo et le Rwanda « doivent ensemble chercher un accord sur des questions bien déterminées qui affectent leurs relations, notamment la restauration des relations de bon voisinage ; la recherche des stratégies qui favorisent un climat de stabilité, de paix et de sécurité ; la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance comme modèle de gestion politique et instrument d'attrait des investissements étrangers favorables à la croissance de l'économie ; la promotion du développement social au profit de tous les peuples de la région. Etant donné que la région a été dévastée, un plan Marshall doit être mis sur pied pour la relever, affirment les auteurs. En dégageant la stratégie de l'instauration d'une conférence internationale sur la paix, la sécurité et la démocratie, le développement revêt tout son sens.

    Nous sommes d'avis avec les auteurs surtout lorsqu'ils dégagent les considérations sur les stratégies qui favorisent un climat de stabilité, de paix et de sécurité ; la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance comme modèle de gestion politique et instrument d'attrait des investissements étrangers favorables à la croissance de l'économie, la promotion du développement social au profit de tous les peuples.

    La démarcation que nous retrouvons dans notre analyse à celle de ces auteurs réside dans le fait qu'ils n'ont pas dégagé les éléments déclencheurs de l'instabilité qui créent le manque de la paix dans la région et par ricochet, de toute la population de la région. Par contre, notre étude veut comprendre la montée des foyers de tensions des groupes armés qui constituerait un frein au retour de la paix et de la stabilité en causant ainsi une détérioration des conditions existentielles de la population.

    4 . PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE TRAVAIL

    4.1. Problématique

    Le problème de groupes armés et des conditions socioéconomiques de la population à l'Est de la République Démocratique du Congo reste jusqu'à nos jours un des problèmes majeurs de ce pays.

    Toutefois, depuis la guerre de libération menée par l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo en 1996 et 1997, le Territoire de Shabunda vit dans un état d'enclavement, avec une population fortement paupérisée et devient un foyer par excellence de groupes armés étrangers et locaux. Ce Territoire regorge plusieurs potentialités agricoles, minières et forestières. Un contraste ineffable eu égard aux conditions de vie socioéconomiques actuelles de la population, au lieu d'être une aubaine de croissance socioéconomique, ces potentialités menacent sérieusement l'existence de la population.

    Sur le plan sécuritaire, Shabunda est une zone rouge. La présence de groupes armés qui se battent fréquemment met en danger la sécurité des citoyens et de leurs biens. La plupart de ces groupes, si pas tous, se battent pour le contrôle des carrés miniers. Quelques unités de l'armée congolaise sont là, mais dans des conditions difficiles et inhumaines de travail.

    Sur le plan sanitaire, Shabunda est une zone où la gratuité des soins a été et est encore pratiquée par Médecin Sans Frontière (MSF) Espagne. Cette gratuité s'expliquerait par le degré de vulnérabilité des populations toujours en mouvement à cause des affrontements réguliers entre les groupes armés pour contrôler les sites miniers et la paupérisation avancée de la population. Cette gratuité est totale, mais on ne peut s'en douter, l'Hôpital Général de Référence de Shabunda centre reflète cependant une vétusté et une dégradation avancée, sans entretien ni soins aux alentours. Certes, ceci n'est pas spécifique à cet hôpital, mais il y a lieu de se demander pourquoi les porteurs du système de la gratuité des soins ne songent pas à réhabiliter cette infrastructure (comme cela a été constaté dans le package de gratuité offert dans certaines structures sanitaires ne fût-ce que pour les Hôpitaux Généraux de Référence)?

    Sur le plan des infrastructures, il n'y a pas de route. C'est à peine qu'il y a quelques bâtiments neufs. L'habitation est très rudimentaire, primitive (en chaume). Les routes sont en très mauvais état, quasi impraticables. La piste d'aviation que nous qualifierons de fortune n'est pas en reste. Elle risque à tout moment de causer un crash au décollage ou à l'atterrissage.

    Cet aérodrome est pourtant capital pour l'économie du territoire. C'est par là que toutes les marchandises et produits nécessaires rentrent dans le territoire et c'est par là aussi qu'on évacue presque chaque jour vers Bukavu et Goma une bonne partie des minerais exploités. Quoi de plus normal alors que de mettre en état utile cet outil de développement territorial ? Malheureusement cela semble être le cadet des soucis de ceux qui en ont l'obligation.

    Sur le plan économique, bien que ce territoire possède un sous-sol riche en minerais, mais on observe une absence totale des investisseurs pour exploiter ces minerais afin de permettre à la population de se trouver un travail susceptible permettant d'améliorer sa situation sociale et économique. Toutes les potentialités ne servent pourtant ni au développement ni au bien-être de la Province du Sud-Kivu et moins encore dudit Territoire... Si nous prenons le seul exemple de l'exploitation de l'or par les dragues, il y a lieu de s'indigner et de se révolter, dans la mesure où ces dragues mobilisent chaque jour des milliers de dollars qui ne profitent à rien à la population.

    Ainsi, au regard de ce constat, il y a lieu de nous poser la question de savoir :

    Quelles seraient les implications de la présence des groupes armés sur les conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au Sud-Kivu ?

    L'essentiel pour un chercheur n'est pas seulement de poser sa problématique, mais surtout en donner aussi quelques propositions provisoires en termes d'hypothèses.

    4.2. Hypothèses du travail

    Selon Rezsohazy (13(*)), l'utilité principale des hypothèses est de diriger la recherche. Elles désignent l'information à tirer du document. Tout phénomène social crée toujours une source d'explication dans la société elle - même. Voilà pourquoi, nous dégageons des réponses qui serviront de fil conducteur tout au long de cette étude.

    Les groupes armés seraient l'élément déclencheur, non seulement, de plusieurs effets négatifs entravant l'amélioration du bien-être de cette population longtemps marginalisée, mais aussi, la présence de ces groupes armés présenterait quelques effets positifs qui ont contribué, tant soit peu à l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population de Shabunda.

    Parmi ces effets négatifs, nous pouvons évoquer, à titre d'hypothèses, l'exploitation illégale de ressources, le pillage systématique des richesses naturelles et biens de la population, l'augmentation excessive de prix des produits d'origine alimentaire, le recrutement forcé des jeunes et enfants dans l'armée, la déstabilisation des activités économiques dans le territoire, les assassinats organisés et les meurtres, le règlement des comptes, le déplacement des populations, ....

    En ce qui concerne les effets positifs, nous pouvons évoquer l'auto défense locale (sécurisation de la population) contre les exactions qui proviendraient des FARDC ou des autres groupes armés, l'existence ou la présence des humanitaires ou ONG venus exercées leurs activités dans les différents domaines de l'éducation, santé, de la création de centres de formation professionnelle pour l'encadrement des jeunes, ....

    5. PRESENTATION DE LA THEORIE EXPLICATIVE DE REFERENCE

    Pour saisir à fond la question liée aux groupes armés et conditions socioéconomiques de la population de Shabunda faisant l'objet de cette étude relative à la détérioration de conditions existentielles de ladite population, nous avons estimé opportun de faire recours au fonctionnalisme relativisécomme théorie.

    La fonction est, au sens biologique, considérée comme « la contribution qu'apporte un élément à l'organisation ou à l'action de l'ensemble dont il fait partie» (14(*)).

    Par exemple, la fonction du coeur, du foie, de l'estomac, du rein, etc. L'idée de contribution renvoie elle-même à celle de besoin auquel l'élément répond. C'est ce sens biologique qui a surtout inspiré les théoriciens du fonctionnalisme.

    A partir de différentes critiques, le fonctionnalisme va s'assigner comme but « la totalité ordonnée, passible d'un traitement scientifique. La démarche consiste à replacer dans leur contexte social les faits décrits, afin de les interpréter, puis à expliquer un phénomène social par la totalité dans laquelle il s'inscrit et dans laquelle il est postulé avoir une ou plusieurs fonctions ainsi que des relations avec chacun des éléments de l'ensemble, eux-mêmes agencés en configurations» (15(*)).

    Le fonctionnalisme postule la primauté du système sur l'individu et en définitive s'attachera à découvrir, l'utilité des institutions, leurs fonctions et la manière dont les différences s'agencent pour former le système.

    Ainsi, le fonctionnalisme consiste :

    - À considérer des sociétés comme des entités cohérentes ;

    - À se demander quelle est la fonction de chaque institution et à quels besoins des individus et de la société elle répond. En effet, dans toutes les civilisations, chaque coutume, chaque objet matériel, chaque idée et chaque croyance remplit une fonction vitale, a une tâche à remplir, représente une partie indispensable d'une totalité organique(16(*)). Il n'existe pas d'éléments socioculturels inutiles ou accidentels, ils répondent tous à un besoin que l'analyse sociale doit découvrir. Il sied de signaler que cette considération est fait référence au postulat du fonctionnalisme absolu que Merton à fait usage dans l'analyse du fonctionnalisme qu'il a soutenu.

    - À refuser systématiquement de recourir à l'histoire dont la contribution à l'explication des fonctions des institutions est jugée nulle. Le fonctionnalisme consiste à étudier la société telle qu'elle se présente au moment de l'étude (c'est donc une étude synchronique).

    Le fonctionnalisme, a constitué une véritable révolution dans la mesure où, pour la première fois, l'étude des sociétés primitives se réalisait à travers leur observation directe par le chercheur lui-même afin de saisir le sens des pratiques et des institutions dans leur contexte global et originel.

    En proclamant la société comme une totalité, une globalité, le fonctionnalisme instituait l'holisme, c'est-à-dire, l'étude de la société comme un tout dont les parties sont solidaires. En mettant excessivement l'accent sur l'harmonie, la cohérence et la stabilité de la société au détriment des conflits qui répondent pourtant à des « besoins », en évacuant l'histoire, le fonctionnalisme a fini par s'ériger en idéologie réactionnaire et conservatrice pour qui le changement des sociétés archaïques ne pourrait être que provoqué de l'extérieur.

    Liliane Voyé(17(*)) note que la théorie du fonctionnalisme permet de considérer la société comme une sorte d'organisme total, composée de diverses parties interreliées qui constituent autant de fonctions que l'on peut, par analogie, comparer aux diverses fonctions des organismes vivants : production, consommation, transport, communication. Tout comme les organismes vivants, la vie sociale évolue et c'est cette évolution dont il s'agit d'établir les lois.

    Moyen de parvenir à un aspect de la vérité, de répondre plus particulièrement à la question « Comment », laquelle question est liée au problème d'explication, dans la recherche de l'interprétation des faits que nous analysons, la théorie du fonctionnalisme relativisé défendue par Robert King MERTON nous parait ainsi la plus adaptée.

    Robert King MERTON, représentant éminent du fonctionnalisme et défenseur de l'approche ou la conception relativisée, propose quatre concepts fonctionnels dans son analyse : la dysfonction, l'équivalent ou substitut fonctionnel, la fonction manifeste et celle latente(18(*)).

    - La dysfonction.

    Alors que les fonctions sont, parmi les conséquences observées, celles qui contribuent à l'adaptation ou à l'ajustement d'un système donné, les dysfonctions, par contre, sont celles qui gênent l'adaptation et l'ajustement d'un système. Ramenant cette réflexion à la réalité de Shabunda, nous pouvons dire que les effets de groupes armés dans ce territoire empêchent la population à s'épanouir dans sa vie sociale et économique.

    - L'équivalent ou substitut fonctionnel

    Un élément culturel ou social peut jouer un rôle d'équivalent ou de substitut fonctionnel à un autre pour exercer une activité à sa place. La réalité ne montre-t-elle pas des besoins humains et sociaux, qui peuvent être satisfaits de façons différentes : un seul élément pouvant remplir plusieurs fonctions, de même qu'une seule fonction peut être remplie par les éléments interchangeables.

    En effet, depuis le déclenchement de la seconde guerre dite de « libération » en R.D Congo, l'on assiste à une partition de fait du territoire national. Une partie est contrôlée par le gouvernement central et une autre est partagée entre diverses factions rebelles et bandes armées. Cela implique que les missions de l'Etat jadis remplies par le seul gouvernement central sur tout le territoire national se trouvent ainsi partagées entre eux en vue d'assurer la continuité de l'Etat. Dans ce cas, bien que ces belligérants ne soient pas reconnus comme gouvernements d'Etat, ils ont l'obligation de promouvoir et de respecter les droits de l'homme et d'assurer la sécurité des citoyens Congolais et étrangers des territoires qu'ils administrent au même titre que l'Etat. Ces belligérants remplissent donc le rôle de substitut de l'Etat.

    - Les fonctions manifestes et les fonctions latentes.

    Les fonctions manifestes sont les conséquences objectives qui, contribuant à l'ajustement ou à l'adaptation du système, sont comprises et voulues par les participants du système. En revanche, les fonctions latentes sont essentiellement celles qui ne sont ni comprises, ni voulues mais qui n'en n'existent pas moins. Ces fonctions latentes sont parfois remplies par des rites anciens qui, ne jouant plus leur rôle, substituent leur but initial à une autre fonction.

    Dans le cas d'espèce, disons que les acteurs politiques, en menant les guerres à l'Est de la RD Congo, ont eu pour objectif principal et officiellement défendu, le remplacement des institutions existantes considérées selon eux comme autoritaires et inefficaces par celles qui garantiraient le respect des droits de l'homme, la justice et le bien-être social ainsi que la démocratie sur toute l'étendue du territoire national, ensuite, lutter contre l'occupation étrangère qui menace la partie Est de la RD Congo. Telles ont été la fonction manifeste de la guerre qu'a connue le pays dans les conditions normales.

    Cependant, l'évolution du conflit a démontré une toute autre réalité qui se distancie presque totalement de l'objectif de départ. En effet, les mouvements rebelles, au lieu de garantir la justice sociale et le bien-être du peuple congolais pour lequel ils prétendent se battre, se plaisaient à en violer les droits et libertés les plus fondamentaux. C'est une situation, certes, non voulue, mais qui déforme voire modifie le sens même de l'intérêt que prônaient ces groupes armés. Cette violation des droits humains constitue donc la fonction latente, parmi tant d'autres, de l'état de guerre.

    6. METHODE

    L'adoption d'une méthode de recherche scientifique n'est pas facultative, elle doit être en parfaite corrélation avec l'objet d'étude et partant permettre au chercheur d'atteindre l'objectif qu'il s'est assigné dans son travail. Sans elle, son étude serait gratuite. Partant de cette conception, nous nous proposons de faire recours à la méthode fonctionnelle pour expliquer la réalité qui fait l'objet de notre analyse.

    Cette méthode consiste à analyser les phénomènes sociaux selon le rôle, la fonction qu'ils ont au sein de l'ensemble social dans lequel ils s'insèrent. Autrement dit, la méthode fonctionnelle explique les faits sociaux par leur fonction, puis s'interroge sur les fonctions et les faits sociaux dans un système social toujours rapporté à la façon dont ils sont liés les uns aux autres(19(*)).

    Le mot fonction peut être compris sous plusieurs sens, Il peut désigner un ensemble des tâches exécutées par un acteur social. Il peut également désigner une relation existante entre deux ou plusieurs éléments telle que la modification d'un élément peut entrainer la modification des autres éléments et leur adaptation, c'est dans ce deuxième sens que nous considérons la fonction dans l'analyse fonctionnelle.

    Dans la présente étude, l'utilité de cette méthode est de nous permettre d'apprécier le rôle que devrait jouer ou joue les éléments des groupes armés dans la promotion, l'amélioration et la détérioration des conditions socioéconomiques de la population de Shabunda.

    Dans cette perspective, les groupes armés sont à la fois un instrument de la détérioration de la situation sociale et économique de la population et aussi serait un élément participant à l'amélioration de bien-être de la population sous leur juridiction, comme par exemple, la sécurité des personnes et de leurs biens dans la partie contrôlée par eux ; grâce aux groupes armés, le territoire de Shabunda a connu la présence de plusieurs organisations non gouvernementales de développement qui sont venues oeuvrer dans les différents domaines sociaux (construction d'écoles, centres de santé, centres de formation professionnelle et d'encadrement,...).

    7. TECHNIQUES

    Toute recherche qui est une application de caractère scientifique en sciences sociales comme dans les sciences en général, doit comporter l'utilisation des procédés opératoires, rigoureux, bien définis, transmissibles, susceptibles d'être appliqués à nouveau dans les mêmes conditions adaptées au genre des problèmes et des phénomènes en causes. Le choix de ces techniques de recherche est tributaire de plusieurs paramètres dont la nature du phénomène, les moyens et le temps dont le chercheur peut disposer sans oublier l'objectif poursuivi, lequel est lié lui-même à la méthode de travail.

    Les techniques ne sont donc que des outils, des moyens, des instruments d'aborder les problèmes sous examen, mis à la disposition de la recherche et organisés par la méthode dans ce but(20(*)). Ainsi les techniques qui nous ont permis de récolter les données pour atteindre les vérités scientifiques dans le cadre de ce travail sont les suivantes : la techniques documentaire, l'entretien libre non structuré, l'observation extérieure désengagée, sans oublier la webographie.

    § L'analyse documentaire.

    Elle consiste à étudier et à analyser les documents pour avoir les informations sur les faits que l'on étudie(21(*)). Le chercheur se contente des données existantes dans les documents en rapport avec sa préoccupation. Cette technique a joué un rôle très remarquable, car nous avons eu l'occasion de fouiller, de consulter les rapports annuels officiels, le bulletin officiel, les journaux, les livres, les mémoires, les articles, les différentes lois, les ordonnances et les archives qui traitent de loin ou de près la question. Ces différents documents nous ont été utiles dans la collecte des informations relatives à notre recherche.

    § L'entretien libre non structuré

    A travers cette technique, il a été question d'échanger avec certaines autorités administratives, politico-militaires et des branches ciblées de la population civile, qui vivent au quotidien les réalités de ces conflits. Au cours de ces échanges organisés à choix raisonné, les questions n'ont pas été préparées à l'avance. Elles ont plutôt été données par l'ambiance du débat pour permettre aux enquêtés de répondre librement.

    § L'observation extérieure désengagée

    D'une manière ou d'une autre, nous avons assisté à certains moments de ces conflits qui ont mis à feu et à sang la province du Sud - Kivu en général, et le Territoire de Shabunda en particulier sans nous plonger dans des préjugés prohibés par certaines règles fondamentales de la recherche scientifique pouvant nous guider vers une subjectivité dans un travail à la quête de l'objectivité, minime soit-elle, mais en gardant notre impartialité dans l'analyse du phénomène étudié.

    § La Webographie

    L'usage de l'internet comme outil de collecte des informations, nous a permis d'accéder aux informations dont nous avions besoins dans le cadre de notre étude.

    8. DELIMITATION DU SUJET

    Au regard de la complexité du phénomène à étudier, il nous est difficile de circonscrire notre champ d'investigation sans toutefois dégager au préalable une délimitation dans le temps et dans l'espace ; d'où la raison d'être de la présente délimitation spatio-temporelle. C'est dans ce sens que nous délimitons notre étude, sur le plan spatial, dans le Territoire de Shabunda qui est le milieu où nous avons l'accès facile aux données nécessaires. Il est plus secoué par les guerres et autres mouvements armés qui créent l'insécurité et occasionnent le déplacement massif de la population vers d'autres coins et contrées. Temporairement, nous partirons de 1998 à 2018. L'année 1998 est l'année qui coïncide avec l'apparition de groupes armés dans ce territoire et 2018 est l'année qui correspond avec la fin de la collecte de nos données sur le terrain. Nous ne manquerons pas toutefois de recourir aux données historiques antérieures à cette date en cas de nécessité pour éclairer notre objet d'étude.

    9. PLAN DESCRIPTIF DU TRAVAIL

    Enfin, pour rendre notre réflexion intelligible, l'esprit cartésien exige que les parties soient divisées distinctement.

    Hormis l'introduction générale et la conclusion générale qui situent intelligemment notre production scientifique, cette étude est répartie en trois chapitres.

    Le premier chapitre sera consacré aux considérations générales ; il sera question dans ce chapitre, d'abord, de définir les concepts opératoires et connexes de notre travail qui sont le Groupe armé, conditions sociales, conditions économiques, conditions socioéconomiques, développement, sous-développement, la paix,... ensuite de présenter le milieu d'étude qu'est le Territoire de Shabunda.

    Le deuxième chapitre sera articulé autour des contextes et les causes des groupes armés à l'Est de la RD Congo. Dans ce chapitre, nous allons, premièrement dégager, les contextes et les causes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo ; ensuite, les contextes et les causes de l'émergence des groupes armés à Shabunda selon que ces causes sont internes et externes. Enfin, nous présenterons les groupes armés à Shabunda et les différentes stratégies de leur éradication par les pouvoirs publics.

    Le troisième chapitre portera sur les implications des groupes armés sur les conditions socioéconomiques de la population à Shabunda. Dans cette partie de notre étude, nos analyses tourneront dans un premier temps autour des implications négatives des groupes armés qui sont notamment l'exploitation illégale et pillage des ressources, le déplacement et pillage des biens de la population, la déstabilisation des activités économiques et la flambée des prix des produits alimentaires, sur le recrutement forcé des enfants et jeunes dans l'armée et dans un deuxième temps, nous allons dégager les aspects positifs des implications des groupes armés qui sont entre autres l'autodéfense locale, la promotion des fils de Shabunda dans les hautes fonctions de l'Etat et la promotion des humanitaires et ONGD.

    Chapitre I. CONSIDERATIONS GENERALES

    La production d'une recherche qui se veut scientifique fait l'objet des exigences précises et rigoureuses. Elle requiert, non seulement le respect logique entre expression, démarche méthodologique et théories référentielles, mais recommande aussi l'emploi conséquent et cohérent des concepts y relatifs.

    Dans ce chapitre, il sera question, d'abord de définir les concepts (concepts de base et concepts connexes) de notre thème de recherche, ensuite nous allons présenter notre milieu d'étude, qui est le Territoire de Shabunda qui appartient dans un sous ensemble la Province du Sud - Kivu.

    Section 1. Définition des concepts

    Pour tout travail scientifique, définir les concepts s'avère indispensable en vue d'éviter l'incompréhension et de clarifier ainsi le travail, car certains termes ont souvent un sens ambigu, ou peut-être l'usage vulgaire de ces termes en donne un sens non scientifique.

    En effet, en sciences sociales, chaque chercheur s'efforce de définir un concept selon la formation subie, selon son objet d'études et selon ses convictions personnelles et l'approche de l'investigation. La présente section analyse les concepts clés de notre étude qui sont le groupe armé et les conditions socioéconomiques. Mais, étant donné qu'on ne peut mieux comprendre ces deux concepts sans passer par leurs antipodes qui sont le développement, le sous-développement, la pauvreté et la paix, nous avons préféré réserver à ces derniers une attention particulière pour rendre intelligible cette étude.

    1.1. Groupe armé

    Le groupe armé est un acteur non étatique qui poursuit généralement ou prétend poursuivre des objectifs politiques contre un gouvernement ou pouvoir en recourant à la violence(22(*)). La plupart des groupes armés combattent le pouvoir en place, mais il arrive aussi qu'ils se battent entre eux. Certains groupes armés sont affiliés à des mouvements politiques tandis que d'autres opèrent indépendamment des partis politiques. Ces différentes représentations des groupes armés renvoient à l'idée d'extranéité et à l'individu en tant que combattant.

    De ce fait, on parle de groupe armé étranger qui est un groupe qui réalise ses actions dans un Etat autre que son Etat d'origine. Et le combattant est un individu portant des armes pour le compte d'un groupe armé. Les combattants peuvent soit adhérer aux idéaux politiques ou servir au sein des groupes armés en tant que mercenaires(23(*)).

    Les groupes armés sont ceux dont la rébellion ou la résistance menace explicitement l'autorité de l'Etat. Les groupes armés considèrent que l'action violente est justifiée par des actions de légitime défense contre les violations de leurs droits (24(*)).

    Pour STEARNS, J., VERWEIJEN, J. et BAAZ, E.B., le groupe armé est souvent considéré comme des voyous qui s'en prennent aux civils innocents et sans défense(25(*)). Certains sont toutefois des prédateurs plus avides que d'autres, et certains bénéficient du large soutien des communautés locales dans lesquelles ils sont recrutés.

    Quant à International Council on Human Rights(26(*)), le concept groupe armé désigne un groupe d'individus qui sont armés, faisant usage de la force pour atteindre leurs objectifs tout en échappant au contrôle de l'Etat. En général, il fait allusion à des groupes qui s'opposent au pouvoir en place, mais il est parfois difficile de distinguer clairement les groupes ayant des visées politiques de ceux ayant des objectifs criminels.

    Cependant, les groupes armés, en tant qu'acteurs nouveaux de la géopolitique, ont des formes et des dénominations multiples. Qu'on parle de guérillas, de milices, de mouvements révolutionnaires, leurs objectifs peuvent être différents mais leurs méthodologies souvent semblables. C'est ainsi qu'il est difficile de distinguer leurs motivations réelles et prétendues et cela rend difficile un classement.

    Certains groupes armés prétendent avoir une dimension religieuse. Cette justification peut soit servir à couvrir un intérêt purement personnel soit à légitimer un objectif politique. Cela fait peu de différence. La religion est un argument de recrutement et de légitimité, mais les méthodes sont tout aussi nuisibles aux populations victimes de leurs exactions.

    D'autres groupes sont des bras armés de partis politiques qui, soit n'obtiennent pas la représentativité qu'ils requièrent (parce qu'ils représentent des minorités), soit correspondent à la branche dure, radicale d'un mouvement. Si l'Etat en vient à transiger, le groupe se dissout intégralement ou partiellement. Dans d'autres cas, si le groupe le peut, il renversera le pouvoir. Il peut arriver que le groupe diminue ses actions et se pose comme le justicier lorsque les choses ne vont pas/plus dans son sens. Certains de ces groupes portent des revendications indépendantistes. D'autres agissent comme des « Robin des Bois (Héros) » en reversant aux populations ce qui leur revenait de droit, selon eux et qui leur avait été volé par le pouvoir politique ou économique. Tour à tour considérés comme des héros, des terroristes ou des simples bandits, ils mettent sous pression les Etats et les affaiblissent. Leur terreau de recrutement est parfois l'idéologie, mais plus souvent les frustrations, la pauvreté et le désoeuvrement, quand il ne s'agit pas tout bonnement de l'enlèvement de mineurs.

    Leurs ressources, quelle que soit la nature de leur mouvement, sont assez similaires et comme ils vivent dans la clandestinité, souvent illégales. Ils prélèvent l'impôt révolutionnaire sur l'argument que les populations doivent soutenir l'effort de guerre, procèdent au pillage et organisent la contrebande, enlèvent et demandent des rançons, etc. ils disposent en effet d'une bonne connaissance du terrain et d'une puissance armée. Aussi sont-ils actifs dans la contrebande de produits illicites (comme la drogue) ou licites, mais habituellement contrôlés. On les retrouve dès lors dans les régions riches en ressources naturelles et particulièrement en minerais.

    Ils bénéficient cependant souvent du soutien financier des Etats voisins ou de ceux dont l'objectif géopolitique est servi par la déstabilisation du pays où ils opèrent. Le fait qu'ils soustraient un territoire à l'autorité de l'Etat, qu'ils provoquent l'insécurité résultant du déplacement de populations, de la destruction des structures sociales et de l'appauvrissement de la population, a des implications sur la politique de l'Etat. Perçu comme affaibli, l'Etat n'offrira pas de bonnes perspectives aux investissements. Il devra par contre consacrer une partie de ses efforts à contenir ces groupes et les combattre ou à les démanteler en acceptant parfois la réintégration de leurs membres au sein de l'armée régulière, ce qui risque de faire rentrer le ver dans la pomme à moyen ou à long terme.

    Politique à l'origine, même si elle est parfois menée de manière criminelle, l'action armée est considérée comme un moyen pour parvenir à une fin politique. Une pression militaire ou une action des forces de sécurité peuvent être nécessaires pour la contrecarrer, mais dans la plupart des cas, une résolution durable du conflit dépendra d'un compromis ou d'un accord politique.

    Les groupes armés sont caractérisés par leur très grande diversité et peuvent représenter différents degrés de menace pour un Etat. Les forces rebelles organisées sous la forme d'une armée en mesure de contrôler un territoire, sont différentes de mouvements politico-militaires de résistance. Il existe aussi d'autres groupes de taille plus réduite, organisés en structures cellulaires pour faciliter la planification d'actes de violence ciblés, mais en lien avec des représentants politiques ; la vaste gamme de groupes armés à base ethnique en Afrique et en Asie combattant pour obtenir le contrôle de populations, de territoires et/ou de ressources ; ou encore des groupes liés entre eux comme les militants islamistes actifs. De telles différences accentuent le danger de toute généralisation ou d'énonciation de principes généraux.

    Les groupes armés varient beaucoup comme le soulignait Paul Staniland (27(*)) en 2014. Il peut y avoir des différences spectaculaires entre les groupes armés, même entre ceux qui se battent contre le même gouvernement, pour ce qui est de leurs stratégies, de leurs capacités et de leurs bases sociales. Ainsi, les groupes armés peuvent être considérés comme des acteurs qui :

    1. mettent en question le monopole exercé par l'État sur la force coercitive ;

    2. opèrent en dehors du contrôle effectif de l'État ; ou

    3. sont capables de faciliter ou d'entraver et compromettre des actions humanitaires ou des initiatives de paix.

    Les études de cas présentées dans différentes recherches adoptent une manière de comprendre les groupes armés plus fluide et complexe. Parmi eux, figurent des groupes dotés de liens robustes avec les communautés locales, des groupes qui ont recours à la violence extrême et ont des ordres du jour transnational et des groupes qui ont des ambitions politiques confuses et qui sont les auteurs de violences aveugles à l'encontre de populations civiles.

    Dans le cadre de cette étude, nous considérons les groupes armés comme une organisation politico-militaire et civile qui fonde son discours ou son action sur des motifs multiples, notamment la lutte contre la répression politique ou l'atténuation des injustices socio-économiques.

    Cette considération nous ramène à épouser les idées de Ernie Regehr(28(*)) qui stipule : « on peut raisonnablement conclure que les groupes armés sont davantage susceptibles de se produire, lorsque les communautés sont imprégnées de raisons profondes pour rejeter le statu quo, lorsqu'elles ont accès à des ressources matérielles, politiques et sociales de la violence, et lorsqu'elles sont convaincues ou peuvent prétendre de manière crédible que cette violence est leur seul espoir de changement ».

    Les études de cas examinent l'incidence qu'ont les groupes armés sur la relation entre la communauté locale et le groupe armé les aspects suivants : la nature du conflit, la réponse de l'État, le type et le caractère du groupe armé et l'aptitude de la communauté à se mobiliser. Ainsi, cette observation nous pousse à faire une analyse sur le lien qui existerait entre communautés et groupes armés.

    1.1.1. Communautés et groupes armés

    La relation entre un groupe armé et la population locale est souvent décrite comme soit prédatrice (le groupe armé inflige des violations des droits de l'homme, pille et détruit les biens, et la population locale met au point des mécanismes d'adaptation et des techniques de survie), soit symbiotique (les populations locales laissent les groupes armés commettre des violences et entravent les efforts contre-insurrectionnels).

    Il faudrait faire remarquer que les attitudes des communautés ou des groupes dotés de liens étroits avec un groupe armé peuvent exercer une influence considérable sur ce dernier, en particulier lorsqu'ils ont des connexions familiales, de clan, de tribu ou de classe. Des médiateurs internes peuvent bénéficier d'une « partialité relationnelle » avec un groupe armé ; des liens étroits avec un groupe particulier basés sur des connexions personnelles, politiques ou économiques. Or, jusqu'ici, on ne comprend pas de manière précise quelle est la valeur de la partialité dans des efforts efficaces d'établissement de la paix.

    Les groupes armés jouent par ailleurs des rôles importants sur le plan de la sécurité et du développement. Par exemple, pour ce qui est de la prestation de services quotidiens, les acteurs communautaires doivent établir la confiance avec un groupe armé, exigence souvent mal comprise ou largement ignorée par les acteurs tant nationaux que venus de l'extérieur.

    Même si les acteurs locaux peuvent ne pas identifier immédiatement une fonction d'établissement de la paix dans leur contact avec des groupes armés, la mobilisation communautaire peut contribuer à réduire la violence ou à inciter les groupes armés à prendre part à un dialogue politique dans la recherche d'une paix au milieu de la communauté. C'est pourquoi une analyse particulière mérite d'être faite pour comprendre comment la communauté se mobilise pour le retour de la paix dans les groupes armés.

    1.1.2. Se mobiliser pour la paix

    Il est bon de signaler que ce sont souvent les communautés locales qui peuvent proposer la manière de comprendre les groupes armés la plus nuancée, contextualisée et multidimensionnelle.

    La discussion sur les rôles des médiateurs internes ci-dessous met en relief la complémentarité des efforts fournis par les médiateurs internationaux et locaux, en particulier au moment d'explorer la manière dont les acteurs au niveau national (organisations non gouvernementales, organisations religieuses ou professionnels de la résolution de conflits) ont pu faciliter la médiation avec un groupe armé.

    La manière dont les communautés contactent les groupes armés à des fins humanitaires ou de développement a aussi constitué un domaine commun de recherches.

    Cependant, il y a eu beaucoup moins d'analyses de la manière dont les interactions des communautés avec des groupes armés, avec lesquels elles « vivent, voire mangent », peuvent contribuer à établir la paix. Même si les acteurs locaux peuvent ne pas identifier immédiatement une fonction d'établissement de la paix dans leur contact avec des groupes armés, la mobilisation communautaire peut contribuer à réduire la violence ou à inciter les groupes armés à prendre part à un dialogue politique.

    1.2. CONDITIONS SOCIOECONOMIQUES

    Les conditions socioéconomiques des populations peuvent être perçues au travers d'un certain nombre de facteurs de bien-être qui sont entre autres une alimentation suffisante, de l'eau potable, un abri sûr, de bonnes conditions sociales et un milieu environnemental et social apte à maîtriser les maladies infectieuses.

    Pour mieux cerner la notion du concept « conditions socioéconomiques » utilisé dans notre travail, faisons d'abord une analyse sur le concept développement social, le développement économique, le bien - être économique et le bien- être social.

    1.2.1. Développement social

    Le développement social est défini comme une nouvelle conception d'action publique (décentralisée ou déconcentrée) d'une aspiration volontariste à la reconstruction des liens sociaux. Il est aussi comme une nouvelle pratique d'intervention sociale favorisant l'implication de tous les acteurs locaux dans le développement d'initiatives (culturelles, éducatives, festives, sportives,...) aptes à renforcer la solidarité de droit par une solidarité d'implication, à transformer la citoyenneté passive à une citoyenneté active (29(*)).

    Le développement social fait référence à la mise en place et au renforcement au sein des communautés dans la région et à l'échelle de la collectivité, des conditions requises pour permettre, d'une part, à chaque individu de développer pleinement ses potentiels, de pouvoir participer activement à la vie sociale et, d'autre part, à la collectivité de progresser socialement, culturellement et économiquement dans un contexte où le développement économique s'oriente vers un développement durable soucieux de justice sociale (30(*)).

    Dans le cadre de ce mémoire nous considérons le développement social comme étant l'amélioration de bien-être de chaque personne dans la société qui est le Territoire de Shabunda, pour qu'elle puisse réaliser son plein potentiel. Le succès de Shabunda est lié au bien-être de tous ses habitants.

    Autrement dit, le développement social signifie qu'il faut investir dans la population. Il est nécessaire d'éliminer les obstacles empêchant les citoyens à réaliser leurs rêves avec confiance et dignité. Il ne faut pas se résigner au fait que les gens qui vivent dans la pauvreté seront toujours pauvres. Le développement social, c'est aider la population de Shabunda pour qu'elle puisse progresser sur la voie de l'autosuffisance.

    1.2.2. Développement économique

    Le concept développement économique désigne l'ensemble des transformations des structures mentales et institutionnelles, les modifications dans les habitudes sociales et l'organisation d'ensemble des activités économiques. Il repose sur la croissance et traduit les changements qui se produisent au sein de la société (élévation du niveau d'étude, accès aux loisirs, ...) et qui accompagnent les transformations économiques (régression du chômage, tertiarisation des emplois, urbanisation,...)(31(*)). Ainsi, pour bien cerner la notion du développement économique, il est important d'analyser la notion de la croissance économique et celle des critères du développement économique.

    1.2.2.1. Croissance économique et développement économique

    Il est important de distinguer les termes de croissance et de développement. En effet, la croissance économique est une augmentation soutenue et durable de la production des biens et services, alors que le développement économique traite de l'expansion des activités économiques ayant une incidence sur l'amélioration des conditions de vie de la population.

    La croissance est une des conditions du développement économique d'un pays qui porte son action sur la transformation des structures :

    - économiques : Investissement, recherche et développement, compétitivité ;

    - sociales : Accroissement du pouvoir d'achat, amélioration du niveau de vie ;

    - culturelles : Développement du système éducatif, généralisation de l'accès à la culture ;

    - institutionnelles : Evolution des gouvernances, développement de la démocratie.

    1.2.2.2. Critères du développement économique

    Pour mesurer le développement économique d'une entité, il faut tenir compte d'un ensemble d'indicateurs. Voici les trois principaux critères du développement économique : la richesse, la santé et l'éducation.

    a. La richesse

    Au sens courant, le mot richesse désigne l'opulence, la fortune. La richesse est associée au fait d'avoir beaucoup d'argent, à l'importance des revenus d'une personne ou d'un ménage. Mais lorsqu'on parle de la richesse d'un pays, on fait référence à la capacité qu'il a de satisfaire les besoins de la population.

    On perçoit donc le sens économique du mot richesse : le terme renvoie à la quantité de biens et services dont dispose un pays pour satisfaire les besoins de sa population. Le niveau de richesse est traditionnellement mesuré par le Produit Intérieur Brut : plus le PIB est élevé, plus le pays sera considéré comme riche.

    L'activité économique consiste donc à produire des richesses pour satisfaire des besoins. Plusieurs questions se posent alors :

    -  Que produit-on exactement ?

    - Comment mesure-t-on ce qui est produit ?

    - Et surtout, comment se répartissent les richesses à l'intérieur d'un pays ?

    Ainsi, produire, c'est créer des biens et des services pour satisfaire des besoins individuels ou collectifs. On produit des biens (matériels et stockables) ou des services (biens immatériels et non-stockables dont la consommation et la production se réalise simultanément).

    b. La santé

    L'OMS définit la santé comme un état de bien-être physique, mental et social complet et ne constituant pas seulement en une absence de maladie(32(*)). Toutefois, une définition aussi complexe serait difficile à mesurer et varierait probablement selon les cultures et sur le long terme. Les indicateurs le plus souvent exploités pour exprimer la santé sont ceux qui en décrivent l'absence : les statistiques de mortalité et de morbidité. La mortalité mesure les décès dans une population ; la morbidité mesure les taux de maladie(33(*)).

    Les Objectifs du Millénaire pour le Développement(34(*)) ainsi que les travaux de la commission macroéconomie et Santé 4 ont contribué à ramener la santé au centre du débat sur le développement. En effet, trois des huit objectifs du millénaire concernent directement la santé (l'objectif 4 : réduire la mortalité infantile, l'objectif 5 : améliorer la santé maternelle, l'objectif 6 : lutter contre le SIDA, le paludisme et d'autres maladies).

    Dans une certaine mesure, l'objectif 1 (réduire l'extrême pauvreté et la faim) peut être considéré comme lié à la santé et l'état nutritionnel des individus. La santé constitue aussi un ingrédient central du développement en ce qu'elle peut être considérée comme un investissement en capital humain, qui joue un rôle important aussi bien dans les modèles de croissance endogène que dans les théories néoclassiques appliquées à la santé (35(*)).

    La santé est plus fondamentalement un outil précieux pour améliorer le futur économique et social d'une population. En améliorant les aspirations des individus ainsi que leurs capacités, simultanément, la santé participe au bien-être des individus, ce qui a été traduit par l'inclusion de l'espérance de vie dans le calcul de l'indicateur de développement humain.

    c. L'éducation

    L'idée que l'éducation est un facteur important pour le développement économique n'est pas nouvelle. Au VIIe siècle avant J-C., le philosophe chinois Guan Zhong, écrivait le conseil suivant : « si tu planifies un an à l'avance, plante une graine. Si tu planifies à dix ans, plante un arbre. Si c'est à cent ans, forme les gens. Si tu sèmes une graine, tu feras une récolte unique. Si tu formes les gens, tu feras une centaine de récoltes » (36(*)).

    Des chercheurs contemporains expriment des idées semblables. Dans le discours qu'il prononça en 1960 devant l'American Economics Association, en sa qualité de président de l'association, le prix Nobel Théodore Schultz souligna l'importance que présentait l'investissement dans les gens. Il fera référence à l'acquisition de compétence et de connaissances en les qualifiant d'investissements dans le capital humain(37(*)). Les économistes considèrent que les moyens affectés au capital matériel constituent, non une consommation, mais un investissement rémunéré par un rendement futur. Pour Schultz, il fallait avoir une vision similaire des dépenses consacrées aux humains. Il jugeait que la « croissance impressionnante » des gains des travailleurs des pays industrialisés tenait, pour une large part, à l'essor du capital humain et que l'insuffisance des investissements dans les personnes constituait une entrave au progrès des pays démunis(38(*)).

    Dans le développement économique, malgré les problèmes que pose la faiblesse qualitative de l'éducation, la demande dans ce domaine reste forte dans la majorité des pays. Les parents, qui veulent pour leurs enfants une vie meilleure, voient souvent dans l'accès à l'éducation le moyen d'y parvenir. Sous l'angle du bien - être matériel, la perception des parents est confirmée par les données. En moyenne, les personnes mieux formées gagnent davantage que celles qui le sont moins.

    Bref, le développement économique désigne les évolutions positives dans les changements structurels d'une zone géographique ou d'une population : démographiques, techniques, industriels, sanitaires, culturels, sociaux,... De tels changements engendrent l'enrichissement de la population et l'amélioration des conditions de vie. C'est la raison pour laquelle le développement économique est associé au progrès.

    1.2.3. Bien - être économique

    Le terme bien-être désigne tantôt un certain degré d'aisance, de confort ou de bonheur ; tantôt un ensemble de biens à la jouissance desquels le bien-être est lié. Dans la première optique, le bien-être apparaît comme étant éminemment relatif et peut seulement être apprécié selon les critères subjectifs tandis que dans la seconde optique, il est un phénomène quantitatif qui peut se prêter à la mesure ; il semble fort proche de la notion de richesse.

    En parlant du bien-être économique dans le cadre de ce travail, nous sous-entendons un certain degré de confort à la fois selon les critères subjectifs et objectifs et dont les éléments matériels constitutifs d'un degré de satisfaction des besoins de l'existence constituent d'une manière ou d'une autre le soubassement.

    Le monde moderne qui, face au progrès de la science et de la technique est aujourd'hui confronté à un problème d'ordre général, celui de développement. Celui-ci est un continu de satisfaction des besoins et d'amélioration des conditions de vie des individus et des communautés.

    S'il est vrai que l'amélioration des conditions socioéconomiques est une transformation à la fois qualitative et quantitative de l'homme et de l'environnement, il n'en demeure pas moins que le sous-développement est un état de déséquilibre.

    Ainsi, il serait malaisé de présenter uniquement les considérations sur le développement social et le développement économique sans se soucier de dire un mot sur le sous-développement. Ceci est une évidence car les deux notions sont inséparables. Pour aboutir à l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population, une nation doit s'acharner à éliminer les caractéristiques du sous-développement. Ce fait nous conduit à étudier les concepts connexes.

    1.3. Le sous - développement

    Certains auteurs définissent le sous-développement partant d'un certain nombre de critères. C'est le cas de Henry LEBENSTEIN (39(*)) pour qui, le sous - développement dépend d'un certain nombre de critères suivants : économiques, démographiques, culturels et politiques et les critères techniques... Yves LACOSTE (40(*)), quant à lui, se base sur trois de ces critères : économique, démographique et technique.

    Certains autres aussi voient le sous - développement, en quelque sorte de l'intérieur, et soulignent des causes qui paraissent internes au pays. D'autres appréhendent le sous-développement « de l'extérieur » et donnent un rôle primordial aux effets de domination exercés par les pays impérialistes. A cet effet, le sous-développement est défini en termes de retard de développement. Cette thèse a été amplement vulgarisée par ROSTOW. En effet, ROSTOW et la lignée des auteurs qui constituent l'école de modernisation (HOSELITZ, HAEGEN, BOEKE,...) intègrent les approchent technologiques et capitalistiques du développement dans une perspective linéaire.

    Nous définissons le sous - développement avec Shomba Kinyamba S.(41(*)), comme étant un état de déséquilibre, de carence, de pauvreté, dans lequel se trouve un pays, un peuple. Le sous - développement se remarque dans l'état des infrastructures de base, dans l'état général de l'économie, dans la non maîtrise des rouages de l'organisation sociale, politique, économique. Il s'agit d'un phénomène complexe touchant aux aspects quantitatifs et qualitatifs de la vie d'un peuple.

    Le phénomène du sous-développement n'est pas facile à comprendre. Néanmoins un certain nombre de critères peuvent dégager ses symptômes.

    1.3.1. Facteurs du sous-développement

    Tous les pays n'ont pas le même niveau de développement. C'est la raison pour laquelle il existe des pays riches et des pays pauvres. Daniel COLARD (42(*)) a étudié les facteurs à la base de cette inégalité et est arrivé à dégager un certain nombre des causes et des critères du sous-développement.

    Un certain nombre des facteurs semblent justifier l'inégalité de développement entre les peuples des pays riches et ceux des pays pauvres. Ces facteurs sont liés à la démographie (une population excédentaire par rapport aux ressources, le taux élevé de natalité contrastant avec le taux réduit de mortalité, progrès sanitaire, vaccination, etc.), à la géographie et aux conditions naturelles (le climat, la nature des sols, les ressources brutes), à la technologie (le retard scientifique, l'insuffisance des techniques de production, le sous-développement de la recherche), à la culture (les croyances, les religions, les traditions), à la société (la persistance de structures sociales archaïques, l'absence d'une classe d'entrepreneurs, d'une bourgeoisie, d'une élite), à l'économie (la limitation des disponibilités en capital, l'inexistence de l'épargne, la sous industrialisation, la carence des machines), à la politique (mauvaise gestion, stratégies de développement inadaptées, dictatures militaires),...

    1.3.2. Les critères du sous-développement

    En 1968, un portrait-robot a été élaboré prenant appui sur une douzaine d'études traitant de ce problème. Il en résulte que les indicateurs du sous-développement se ramènent à cinq critères principaux :

    - Faible niveau d'instruction de la population ;

    - Modicité du revenu national par tête (généralement inférieur à 1.000 dollars) ;

    - Sous-alimentation et malnutrition ;

    - Forte natalité et démographique galopante ;

    - Population occupée essentiellement dans le secteur primaire (l'agriculture).

    Il apparaît aujourd'hui que cette tentative de caractérisation du « sous-développement » n'est pas suffisante et qu'elle a plusieurs inconvénients graves. Tout d'abord, si en face de chacun de ces différents points, tous négatifs, on cherche à donner le critère correspondant aux pays développés, on aboutira à la caractérisation d'une situation idéale et naïve qui serait exempte de toute contradiction.

    Par ailleurs, l'énumération de ces critères de sous-développement et la liste des symptômes de développement imposent une présentation d'un monde divisé seulement en deux types de situation. Déjà, même au niveau des pays développés, beaucoup de contrastes naissent.

    De toutes ces considérations ci - haut évoquées, il sied de retenir que l'amélioration des conditions socioéconomiques demande un style de vie, une mentalité, une certaine vision du monde, un ensemble de coutume, bref c'est une question de culture au sens large de ce terme où la population vit dans une quiétude, voilà pourquoi un mot sur le concept paix serait important dans l'analyse de ce travail.

    1.4. Notion de la « paix »

    La paix, un petit mot de quatre lettres si facile à prononcer, mais qui pose pourtant un réel défi aux humains. « Être en paix », « avoir la paix », « faire la paix », les nombreuses expressions qui l'utilisent nous font comprendre à quel point ce mot est riche de sens. Il existe plusieurs façons de définir la paix. D'abord, l'état de calme et d'harmonie que l'on peut ressentir à l'intérieur de soi s'avère certainement un aspect important de la paix. Ensuite, la paix est aussi reliée aux rapports que nous entretenons avec les autres. Enfin, à plus grande échelle, la paix s'applique également à la relation que les nations ont entre elles. On peut donc dire qu'il y a une dimension personnelle, une dimension sociale et une dimension politique à la paix (43(*)).

    La doctrine sociale de l'Eglise condamne « la sauvagerie de la guerre » comme étant « la faillite de tout humanisme authentique » et impose aux Etats l'obligation « de faire tout leur possible pour garantir les conditions de la paix, non seulement sur leur propre territoire, mais partout dans le monde ». Cependant, elle admet qu'« aussi longtemps que le risque de guerre subsistera », le droit de légitime défense ne saurait être dénié, « une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifique ». Dans ce cas, il est également légitime de posséder les moyens adéquats conformes au «principe de suffisance ». L'usage de la force militaire ne peut donc être considéré que comme l'exception à la règle et doit être strictement régi dans le cadre du droit international (44(*)).

    On s'accordera pour dire que la paix n'est pas qu'un simple mot ; c'est un ensemble de bons comportements que l'on cultive. Toute recherche de paix et de stabilité a une dimension culturelle(45(*)).

    Le concept de paix peut être envisagé avec quelques nuances selon que cette paix se réfère à un individu vis-à-vis de lui-même, à un individu vis-à-vis d'un autre ou encore selon qu'elle se réfère à une société, une culture, un Etat, .... le phénomène étant conçu au niveau interne ou alors entre Etats, entre sociétés ou entre cultures différentes. La paix peut être envisagée en termes universels : elle peut toucher en effet l'humanité entière. Il faut même reconnaître que de nos jours, les grandes questions qui intéressent l'homme tendent à être examinées d'une part dans une vision universalisante avec comme conséquence l'opacité touchant les limites entre hommes, sociétés, Etats, cultures et univers, et d'autre part, les analyses causales autour du phénomène paix restent aussi limitées du fait qu'il n'existe pas de solutions définitives applicables en tout temps et en tout lieu.

    Il importe de rappeler que la paix et la guerre fonctionnent comme deux phénomènes intimement liés comme l'endroit et l'envers d'une pièce d'étoffe, la pile ou la face d'une même pièce de monnaie. Ce qui rend malaisée la définition et le contour des acteurs, les mêmes acteurs de la guerre pouvant être les artisans de la paix.

    La paix est considérée, dans le cadre de ce mémoire comme un d'idéal dans lequel l'absence de guerre proviendrait simplement de l'absence de revendications, c'est-à-dire on réussit à supprimer les causes de la guerre. Cela revient à dire que cette louable intention de faire prévaloir la paix ne consiste à vrai dire qu'à réduire les facteurs de conflits ou tout simplement à en faire atténuer les effets. Pour ce faire, il faut tout d'abord essayer d'effacer les causes de ces conflits qui, pour la plupart des cas, sont attisées par une injustice sociale ou par une défaillance économique, d'où une analyse sur le concept pauvreté nous paraît importante.

    1.5. Pauvreté

    La question de la pauvreté est complexe et présente de multiples dimensions. Notion polysémique difficile à saisir, des auteurs s'abstiennent de la définir, alors que d'autres tentent d'en cerner les contours. La littérature offre une diversité d'approches, une variété de définitions et de conceptions, de même qu'une série de mesures destinées à réduire la pauvreté et le nombre de pauvres(46(*)).

    Les signes de pauvreté des individus sont multiples : la mauvaise santé, la faiblesse ou l'absence d'un revenu, une éducation insuffisante, un logement précaire, un travail difficile, la déresponsabilisation politique, la sous-alimentation, un environnement dégradé, l'insécurité physique, etc. Si les poids respectifs et les relations entre ces différents facteurs ne sont pas encore clairement évalués et démontrés, la multidimensionnalité de la pauvreté fait aujourd'hui consensus. Scientifiques, décideurs politiques et professionnels du développement s'accordent sur le fait que la seule dimension monétaire (le manque de revenu) ne suffit pas à représenter la pauvreté(47(*)).

    Section 2. PRESENTATION DU CADRE D'ETUDE

    Dans cette partie, nous allons présenter sommairement la Province du Sud-Kivu ainsi que le Territoire de Shabunda qui est notre milieu d'enquête.

    2.1. Présentation de la Province du Sud Kivu

    Il est indispensable de présenter la Province du Sud- Kivu en dégageant sa localisation, sa situation politico-administrative, son relief, son climat, sa situation hydrographique et pluviométrique ainsi que son état du sol.

    2.1.1. Localisation

    La Province du Sud-Kivu est l'une des 26 provinces qui composent la République Démocratique du Congo, elle a une superficie de 69.130 Km2 soit 2,78% du territoire national et sa population s'élevait à 5 772 000 habitants en 2015, soit une densité moyenne de 83 habitants par Km2. La ville de Bukavu est son Chef-lieu. La Province s'étend entre 28°01' de longitude Est et entre 3°01' de longitude sud.

    La Province est limitée :

    - à l'Est par la République du Rwanda, le Burundi, la Tanzanie ;

    - à l'Ouest la Province du Tanganyika ;

    - au Nord par la Province du Nord-Kivu ;

    - au Sud par la Province de Maniema.

    2.1.2. Aspects administratifs et politiques

    Depuis décembre 2006, la province du Sud Kivu s'est dotée des institutions politiques ci-dessous :

    - Une Assemblée provinciale constituée de 36 membres appelés « députés provinciaux » élus au suffrage universel direct.

    - Un Gouvernement provincial dirigé par Un Gouverneur de province et Un Vice-Gouverneur élus par l'Assemblée Provinciale ; et des ministres provinciaux

    Du point de vue administratif, la Province du Sud-Kivu est subdivisée en neuf entités administratives comprenant huit territoires (Fizi, Idjwi, Kabare, Kalehe, Mwenga, Shabunda, Uvira et Walungu) et la ville de Bukavu. La ville de Bukavu constitue le chef-lieu de la Province du Sud Kivu. Les territoires sont subdivisés en collectivités (secteurs ou chefferies) et la ville en commune.

    Carte de la Province du Sud-Kivu

    2.1.3. Relief

    Le Sud-Kivu est montagneux et occupe une grande partie de la chaîne des monts Mitumba avec comme point culminant le Mont Kahuzi (3.308 m d'altitude). Cette partie occupe également le fossé d'effondrement constitué par la plaine de la Ruzizi, les lacs Kivu et Tanganyika. Dans sa partie occidentale, le Territoire de Shabunda constitue la région de basse altitude prolongeant le plateau du Maniema qui descend insensiblement vers le fleuve Congo.

    2.1.4. Climat

    La Province est située dans la zone équatoriale, mais dans sa partie orientale, les excès de climat sont atténués par l'altitude. La température moyenne annuelle est de 19°C à Bukavu, 16° à Kabare (1.960m d'altitude) et de 10°c sur le Mont Kahuzi. Les Territoires de Shabunda et d'Uvira sont les régions les plus chaudes de la Province avec une température moyenne supérieure à 25°C. La saison sèche débute en mai et se termine en septembre.

    2.1.5. Hydrographie

    Elle est abondante. On y rencontre deux lacs de montagne ; le lac Kivu (1.470 m) qui est le plus profond de l'Afrique et le deuxième du monde après le lac Baïkal (1.741 m) et le lac Tanganyika (773 m). Les deux lacs Kivu et Tanganyika sont reliés par la rivière Ruzizi. Le lac Tanganyika est très poissonneux. Quant au lac Kivu, il est très peu poissonneux suite à la présence des gaz carbonique et méthane.

    Les cours d'eau du Sud-Kivu appartiennent au bassin hydrographique du fleuve Congo. La plupart de ces cours d'eau prennent leur source dans les montagnes de l'Est et coulent pour la plupart vers l'Ouest où ils débouchent dans le fleuve Lualaba, d'autres se jettent dans les lacs.

    2.1.6. Pluviométrie

    Les Territoires de Kabare, Walungu, Kalehe, Idjwi et la ville de Bukavu connaissent deux saisons : la saison sèche qui dure 3 mois de Juin à Septembre et la saison de pluie qui dure 9 mois. La saison sèche connaît une température élevée et une rareté de pluies durant toute cette période. C'est à ce moment qu'on cultive les endroits marécageux.

    La saison de pluie connaît des fortes précipitations, mais ce dernier temps, avec l'abattage désordonné des arbres, la destruction de l'environnement et la surpopulation, les pluies deviennent de plus en plus rares. Dans les Territoires forestiers comme Fizi, Mwenga et Shabunda situés à l'entrée de la forêt équatoriale, il pleut abondamment toute l'année. Quant au territoire d'Uvira, à part les hauts plateaux, la pluie commence à s'y faire aussi rare et la température augmente de plus en plus à cause de la concentration de la population entraînant la destruction de l'environnement.

    2.1.7. Sols

    A Kabare, Idjwi et Walungu, le sol est argileux et de plus en plus pauvre à cause des érosions et de la surpopulation. C'est ainsi qu'il y a beaucoup de conflits de terre dans ce territoire et l'élevage diminue sensiblement par manque de pâturages.

    A Idjwi le sol est encore riche pour l'agriculture, mais le problème de surpopulation rend de plus en plus les espaces cultivables rares.

    A Kalehe, il y a aussi un sol argileux et riche à cause surtout de sa proximité avec la forêt. On y rencontre quelques gisements d'or.

    Les Territoires de Shabunda, Mwenga et Fizi ont un sol sablonneux très riche pour l'agriculture et contenant d'importantes richesses minières (or, cassitérite, Coltan...). Le Territoire d'Uvira a aussi un sol sablonneux favorable à la culture du riz et du coton. Ses hauts plateaux avec son climat très doux sont plutôt favorables à l'élevage.

    2.2. PRESENTATION GEO-HISTORIQUE DU TERRITOIRE DE SHABUNDA

    Il est nécessaire, voire même important de présenter, dans cette section, le champ de nos recherches et analyses afin de permettre à nos lecteurs de saisir la variabilité de la base sur laquelle la réalité de nos résultats a été tirée. Cette section nous aidera également à avoir une vue d'ensemble, du Territoire de Shabunda tant sur le plan géographique, historico-politique et administratif, économique que démographique.

    2.2.1. Situation géographique

    Le Territoire de Shabunda dont le chef -lieu porte le même nom est le plus vaste de la province du Sud - Kivu avec une superficie de 25.216 km² représentant 40% de l'espace provincial. L'un des huit Territoires qui composent la Province du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo, le Territoire de Shabunda n'a aucune ouverture avec l'extérieur, car le milieu étant quasi entièrement enclavé. Il est limité :

    ü A l'Est par les Territoires de PANGI, KASONGO (au Maniema) et de FIZI (au Sud-Kivu) ;

    ü A l'Ouest par les Territoires de KALEHE, KABARE, WALUNGU et MWENGA (au Sud-Kivu) ;

    ü Au Nord par les Territoires de WALIKALE (Nord-Kivu) et PUNIA (au Maniema) ;

    ü Au Sud par les Territoires de FIZI (Sud -Kivu) et KABAMBARE (dans le Maniema).

    Avec un relief dominé par des collines, des montagnes et quelques vallées, le Territoire de Shabunda est traversé par un réseau hydraulique varié et dense, dont les trois principales rivières sont : La Ulindi, la Lugulu et la Elila.

    Dans cette partie de la forêt tropicale, deux climats sont dominants ; le climat équatorial et le climat de montagne. Il y a aussi deux principales saisons : la saison de pluies et saison sèche.

    2.2.2. Situation historico-politique et administrative

    Il sied d'abord de signaler que ce sont les Balega qui forment le peuple majoritaire (plus de 90% de l'ensemble) du Territoire de Shabunda ; que d'autres appellent des BAREGA ou les WAREGA) dont la finesse de l'art est connue dans le monde entier mais malheureusement non exploité suite à l'enclavement du territoire. La minorité est constituée par des Bakwami, Batembo et Batali. Cependant, cette majorité n'avait jamais constitué un motif d'orgueil et d'hégémonie en terme de rendre complexe la cohabitation interne avec les autres.

    Le 17 Janvier 1904, le poste de Shabunda est créé par le commandant CROONE de l'Etat Indépendant du Congo (E.I.C en sigle) et regroupe tous les Lega et autres peuples ayant des affinités culturelles avec eux. Le poste dépendait administrativement du Territoire de LOKANDU, dans le Maniema.

    En 1933, la Province de Costermansville est fondée et elle comprend deux districts : Maniema et Kivu. Le poste de Shabunda est scindé en deux territoires : KIHEMBWE (qui deviendra PANGI) est rattaché au Maniema et Shabunda est envoyé au Kivu(48(*)).

    Comme on peut le constater, le rattachement de Shabunda au district du Kivu a résulté de l'arbitraire du pouvoir colonial dont le souci a été cette fois basé sur le découpage de l'espace et non plus en tenant compte des affinités culturelles.

    En 1947, la Province de Costermansville est divisée en trois districts : le Maniema, le Sud-Kivu et le Nord-Kivu. Le Territoire de Shabunda est rattaché au Sud - Kivu(49(*)).

    L'organisation du territoire en 1947 qui a fait éclater Shabunda est motivée par la création d'emplois pour les chômeurs de la métropole à cause de la crise de l'après-guerre. Ce découpage a été encore une fois arbitraire.

    En 1961, le District d'ELILA est fondé ; il regroupe les Territoires de Mwenga, Pangi et Shabunda avec siège à Shabunda. Les pourparlers envisagent d'y ajouter les territoires de FIZI, PUNIA et WALIKALE. On revient à l'ancienne formule de l'année 1904 de regrouper les Balega. Le choix de Shabunda comme siège résulte de sa position centrale par rapport aux autres territoires.

    En Août 1962 est créée la Province du Kivu-central. Sous la hantise d'hommes politiques de cette Province, on signera pour le Territoire de Shabunda son annexion à la Province du Kivu - central qui deviendra plus tard la Province du Sud-Kivu.

    L'importance des relations économiques et commerciales entre le Maniema et les Balega (du moins les deux zones voisines Pangi et Shabunda) a motivé l'asphaltage de la route Kindu-Shabunda dont les travaux ont été arrêtés au niveau de Kalima (120Km de Shabunda) à cause des troubles des années 1960.

    Du point de vue situation administrative, le Territoire de Shabunda est l'un des huit territoires du Sud-Kivu. Il est composé de 2 collectivités (Bakisi et Wakabango 1er), de 11 groupements et de 833 villages. Le Territoire est chapeauté par un administrateur du territoire, chaque collectivité est dirigée par un chef de collectivité, le groupement par un chef de groupement, le chef de village contrôle le village.

    2.2.4. Situation économique

    Le Territoire de Shabunda regorge des ressources naturelles incommensurables, allant des essences ligneuses et espèces animales, aux ressources agricoles et minières de très grande valeur.

    Les sources majeures de revenus en Territoire de Shabunda sont l'exploitation artisanale des minerais, l'artisanat, l'agriculture, le petit commerce, l'élevage et la pêche.

    · Mines

    Hormis ses richesses naturelles du sol, le Territoire de Shabunda regorge aussi d'immenses ressources du sous - sol : l'or, le colombo-tentalite, la cassitérite, le wolfram, le diamant, le calcaire,... ce qui a justifié la présence de la Sominki (société minière du Kivu) qui est une société à capitaux belges, aujourd'hui en faillite, dans ce territoire. Aujourd'hui aucune société n'oeuvre dans le Territoire, la population s'adonne à l'exploitation artisanale des minerais.

    L'exploitation minière emploie très faiblement la main d'oeuvre active, exclusivement masculine, étant donné que le travail fait appel à la force musculaire faisant défaut à la femme, cette activité procure un petit revenu pour la subsistance de quelques familles (50(*)).

    · Artisanat

    Les activités de menuiserie, de scierie, de tissage, de vannerie, de sculpture sont bien connues dans le territoire et sont exercées avec un goût raffiné (Art Lega). Fort malheureusement, ces activités ne sont pas en pleine expansion par manque d'encadrement des artisans et surtout suite à l'enclavement du territoire.

    L'homme et la femme s'adonnent selon le cas, à des diverses activités. L'on remarque que les hommes s'attèlent à la menuiserie, la scierie, la vannerie, la sculpture, ... tandis que la femme s'emploie davantage dans le tissage.

    L'artisanat est exercé avec finesse et procure un petit revenu de subsistance aux artistes. L'enclavement du Territoire ne permet pas aux producteurs de vendre assez pour ne survivre que cette activité.

    Par ailleurs, l'on constate que l'artisanat, une fois recadrer, redynamiser et restructurer, ouvrirait le Territoire au tourisme et procurerait des ressources considérables aux exploitations d'oeuvres d'art et partant, assurerait un revenu en plus à l'Etat.

    · L'agriculture

    Le Territoire de Shabunda a la vocation agricole et emploie une frange de la population. Il s'agit d'une agriculture de subsistance, donc de type traditionnel (sans machines, matériels aratoires, ni engrais et utilise des techniques et méthodes archaïques de brulis et de jachère).

    L'agriculture est une activité essentiellement réservée à la femme, l'homme se contente de l'abattage de zones forestières.

    Jadis, le Territoire de Shabunda constituait le poumon économique de la Province du Sud - Kivu par sa production agricole excédentaire. Aujourd'hui, cette production a régressé suite à la libéralisation de l'exploitation artisanale de minerais, à la destruction de toutes les unités de production et de transformation des produits agricoles et au manque de matériels aratoires.

    Deux saisons déterminent le calendrier agricole dans le Territoire de Shabunda.

    1èreSaison A

    Elle prend cours à partir du mois de mai et se termine au mois d'octobre, c'est la période de la culture de riz, arachide, maïs, banane, coton, palmier à huile. La période allant d'octobre à décembre correspond à la celle de semer.

    2èmeSaison B

    Elle commence au mois de décembre jusqu'au mois de février. De février à mai correspond à la période de récolte du riz. Les cultures d'arachide, du maïs, du manioc, de l'amarante et le haricot sont développées à cette période. Les denrées alimentaires sont vendues localement et en dehors du territoire. Il s'agit notamment d'huile de palme et d'arachide.

    Il s'avère que la modernisation de l'agriculture, le recyclage et l'encadrement des moniteurs agricoles, le renouvellement des cultures de coton et la réhabilitation des plantations (de café, cacao et palmier à huile) constituent le socle du redécollage économique du Territoire.

    · Commerce

    Le petit commerce, tourné exclusivement vers les produits de première nécessité, est en vogue dans le Territoire de Shabunda. Il permet à certains habitants d'assurer la scolarité de leurs enfants, de se préoccuper de l'habillement de ces derniers, ainsi que de leurs soins de santé. Tout compte fait, cette activité est, dans bien des cas, exercée par les Bashi et autres tribus environnantes. On observe malheureusement la dollarisation du milieu, la flambée des prix due essentiellement à l'enclavement du Territoire de Shabunda. Les articles n'arrivent dans le territoire que par voie aérienne.

    · Elevage

    L'élevage occupe une place de choix dans l'économie du Territoire de Shabunda, en ce sens qu'il est pratiqué presque par tous les villages, un petit cheptel de caprins (chèvres, porcs, moutons) ou d'animaux de basse cours (coqs, pigeons, poules, canards, perdrix) qui vivent en liberté autour des cases. Chaque famille dispose en moyenne de deux ou trois têtes de petit bétail qui se nourrissent sans utilisation de technique d'élevage particulière.

    Le chien, bénéficiaire d'aliment et de soins de la plupart du maître, est principalement élevé pour la chasse, tandis que la poule, la chèvre et le mouton tiennent lieu surtout d'animaux de sacrifice dans de nombreuses circonstances, cérémonies religieuses ou magico-religieuses, rites de guérison, rassemblement des liens, réparation des injures en l'endroit d'un supérieur, ...

    Il est bon de signaler que, suite à la guerre (conflits armés), aujourd'hui dans beaucoup des villages, on ne trouve plus ces bétails, ils sont exterminés par des pillages, l'instabilité de la population et le déplacement de la population d'un endroit à un autre.

    · La chasse

    La chasse fut dans le temps une activité très importante quand les forêts furent encore denses et conservaient beaucoup d'animaux. Elle produisait beaucoup de viande dont une partie était destinée à la vente et une autre à la consommation familiale. Avec l'intensification de la chasse au fusil et l'exploitation abusive des animaux sauvages par la population, beaucoup d'espèces animales ont disparu.

    · La pêche et la pisciculture

    L'Activité de la pêche comble les déficiences alimentaires. La pêche est aussi une activité traditionnelle, sa rentabilité est fonction des périodes. La pêche est facilitée par la présence des rivières Ulindi et Lugulu ainsi que par leurs affluents. La pratique de la pèche se fait sans distinction de sexe, et cela durant la période de crue ou d'étiage. A cela, la saison sèche reste la saison la plus favorable pour la pèche. Durant cette période, les riverains organisent des expéditions de deux à trois mois dans des Lutanda (maquis).

    La carence des poissons à un certain moment a incité les paysans du Territoire de Shabunda à la pratique de la pisciculture et cela a créé une économie familiale pendant une certaine période dans les ménages. Cette pratique de pisciculture vise à élever et à multiplier le nombre des poissons dans un étang. Elle vise d'abord à contrôler où ils habitent pour les exploiter.

    Partout dans le Territoire de Shabunda, la population s'adonne plus au travail d'étangs. Cela est motivé par des grands rendements de leur production et de l'intérêt de chacun à la consommation des poissons frais par rapport aux poissons fumés et salés venant du Maniema et de Bukavu. Il n'existe aucune entreprise, dans le Territoire de Shabunda, qui pratique la pêche industrielle.

    2.2.5. Situation démographique

    Il convient de signaler que le Territoire de Shabunda comptait depuis les années 2016, une population estimée à 1.008.020 habitants, soit une densité de plus ou moins 37 habitants/Km2 (51(*)).

    Cette population de 1.008 020 habitants était repartie de la manière ci-après :

    - 667 541 Habitants dans la chefferie de Bakisi ;

    - 167 739 habitants de la collectivité de Wakabango I ;

    - 171 923 habitants à Shabunda - Centre qui est le chef-lieu de ce territoire ;

    - 817 représentent la population étrangère dans le Territoire (52(*))

    Tableau n°1. : situation démographique de la collectivité/chefferie de BAKISI

    Groupements

    Chef-lieu

    Population

    Total

    Hommes

    Femmes

    Garçons

    Filles

    Bangoma

    Matili

    22 681

    27 754

    29 261

    28 801

    108 497

    Beigala

    Kikamba

    13 062

    14 249

    16 521

    19 563

    63 395

    Bagabo

    Kassa

    14 645

    15 744

    18 309

    20 170

    68 868

    Bakyunga

    Mapimo

    14 802

    15 940

    16 947

    184 481

    66 170

    Bamuguba Nord

    Lulingu

    28 974

    27 838

    35 098

    36 563

    128 473

    Bamuguba Sud

    Kigulube

    29 821

    38 610

    31 379

    34 682

    134 492

    Baliga

    Mulungu

    22 866

    23 652

    24 848

    26 153

    97 519

    TOTAUX

     

    148 943

    163 808

    172 369

    184 421

    667 541

    Source : Bureau de l'État-civil du territoire de Shabunda, rapport annuel 2016.

    Tableau n° 2 : Situation démographique de la collectivité/chefferie de WAKABANGU 1er

    Groupements

    Chef-lieu

    Population

    Total

    Hommes

    Femmes

    Garçons

    Filles

    Ikama kasanza

    Kitandi

    12 457

    10 445

    10 686

    10 369

    43 957

    Basitabiala

    Kalole 3

    5 582

    5 547

    6 632

    6 780

    24 561

    Nkulu

    Mikaba (Kanyombo)

    11 065

    10 954

    12 690

    11 688

    46 397

    Batali

    Mulongo

    14 736

    16 295

    10 300

    11 493

    52 824

    TOTAUX

     

    43 840

    43 241

    40 328

    40 330

    167 739

    Source : Bureau de l'État-civil du territoire de Shabunda, rapport annuel 2016.

    Quartiers

    Population

    Total

    Hommes

    Femmes

    Garçons

    Filles

    Lupimbi

    4 604

    5 097

    5 683

    6 176

    21 560

    Administratif

    8 635

    9 254

    10 168

    11 391

    39 448

    Mankulu

    2 214

    2 336

    2 417

    4 018

    10 985

    Kizikibi

    1 930

    1 762

    3 925

    4 216

    11 833

    Kitete

    1 344

    1 566

    10 661

    7 430

    21 001

    Mbangayo

    7 000

    8 500

    23 955

    25 545

    65 000

    Nyalubwe

    416

    470

    449

    761

    2 096

    TOTAUX

    26 143

    28 985

    57 258

    59 537

    171 923

    Tableau n° 3 : Situation démographique de SHABUNDA - CENTRE


    Tableau n° 4 : Situation démographique de la population étrangère à Shabunda

    Population

     

    Hommes

    Femmes

    Garçons

    Filles

    Total

    327

    179

    147

    164

    817

    Source : Bureau de l'État-civil du territoire de Shabunda, rapport annuel 2016Ø Commentaire des tableaux

    Il ressort de l'interprétation du tableau n°1 que la collectivité de Bakisi a une population évaluée à 667.541 habitants catégorisés de la manière ci - après : 148 943 hommes, 168 808 femmes, 172 369 garçons et 184 421 filles repartis selon les groupements comme suit : 134 492 habitants pour le groupement de Bamuguba Sud, 128 473 habitants pour le groupement de Bamuguba Nord, 108 497 habitants au groupement de Bangoma, 97 519 habitants constituent la population du groupement de Baliga et 68 868, 66 170 et 63 395 habitants respectivement aux groupements de Bagabo, Bakyunga et Beigala.

    En ce qui concerne le tableau n°2 qui reprend la situation démograpique de la collectivité de Wakabango 1er, il s'observe que cette collectivité est constituée de 167 739 habitants reparti de manière ci - après selon les groupements : 52 824 pour le groupement de Batali, 46 397 au groupement de Nkulu, 43 957 et 24 561 respectivement pour le groupement d'Ikama Kasanza et celui de Basitabiala. Ce tableau montre que cette collectivité est composée de 43 840 hommes, 43 241 femmes, 40 328 garçons et 40 330 filles.

    La situation démographique de la population de Shabunda - centre représentée dans le tableau n°3 démontre que 171 923 habitants constituent la population du chef - lieu de ce territoire. Cette population se répartit de la manière suivante selon les quartiers : 65 000 habitants pour le quartier Mbangayo, 39 448 pour le quartier administratif, 21 560 pour celui de Lupimbi, les 21 001 habitants sont du quartier Kitete, 11 833 habitants au quartier Kizikibi, Mankulu en compte 10 985 et enfin 2 096 habitants composent le quartier Nyalubwe.

    Ces habitants sont repartis par catégories selon qu'on est homme, femme, garçon ou fille de la manière ci - après : 59 537 filles, 57 258 garçons, 28 985 femmes et 26 143 hommes.

    Quant à la situation démographique de la population étrangère représentée au tableau n°4, il est important de retenir que le Territoire Shabunda compte 817 habitants étrangers répartis comme suit : 327 hommes, 179 femmes, 164 filles et 147 garçons.

    Chapitre II. CONTEXTES ET LES CAUSES DE L'EMERGENCE DES GROUPES ARMES A L'EST DE LA RD CONGO

    Nous allons épingler, dans ce chapitre, d'abord les contextes et les causes générales liées à la prolifération des groupes armés en RD Congo, surtout dans sa partie Est en les spécifiant selon que ces causes sont internes et externes. Ensuite, nous dégagerons les contextes et les causes spécifiques liées à la prolifération des groupes armés à Shabunda. Enfin, nous présenterons les groupes armés à Shabunda et stratégies de leur éradication par les pouvoirs publics.  

    Section 1. Les contextes et les causes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo.

    Ainsi que l'indique l'intitulé de cette section de notre travail, nous présenterons respectivement les contextes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo et les causes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo, selon qu'elles sont externes et/ou internes.

    1.1. Les contextes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo

    Au-delà de leur diversité et de la singularité de chaque trajectoire, l'émergence des groupes armés reste éminemment liée à la problématique de la fragilité de l'État. La persistance des violences politiques dans le pays traduit indéniablement la faiblesse des mécanismes institutionnels internes de régulation sociale et de redistribution des richesses. En l'absence de jeu démocratique et de mécanismes impartiaux d'arbitrage, les contradictions et les oppositions sociales entrainent dans nombre de cas l'antagonisme armé.

    La présence ancienne de groupes armés au Congo oriental, qui remonte au milieu des années 90 et même avant cette date dans plusieurs régions, a instauré ces groupes en acteurs à part entière d'ententes politiques locales. C'est pourquoi il est important de parler en quelques lignes sur l'éclosion exacerbée des groupuscules à l'Est de la RD Congo.

    Ø L'éclosion exacerbée des groupuscules armés à l'Est de la RDC

    La plupart des groupes armés actuellement présents dans l'Est de la RDC sont le résultat direct des première (1996-1997) et deuxième (1998-2003) guerres du Congo-Kinshasa et de la période de transition qui s'ensuivit (2003-2006), se concluant par les élections de 2006. Cependant, l'origine de nombre des groupes qui se constituèrent pendant ces deux guerres est plus ancienne. Voilà pourquoi il est impératif d'analyser sur le promoteur direct des groupes armés actifs à l'Est de la RD Congo ainsi que sur les guerres du Congo comme matrice de la mobilisation armée à l'Est de la RD Congo.

    a. Promoteur direct des groupes armés actifs à l'Est de la RDC

    Confronté à l'épuisement de ses ressources et à de fortes pressions internationales à la fin de la guerre froide, Mobutu annonça en avril 1990 une transition vers une démocratie multipartite. Toutefois, il chercha subrepticement à faire échouer le nouveau processus de démocratisation en divisant et affaiblissant l'opposition. L'un des moyens qu'il employa consista à entretenir les antagonismes ethniques. Les divisions ethniques furent aggravées par la perspective des élections qui mirent en exergue la question de l'octroi de la citoyenneté aux descendants d'immigrants rwandais.

    Sous Mobutu, l'érosion progressive des services publics et l'interdiction des partis politiques avaient entraîné la prolifération des groupes communautaires dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud - Kivu. Dans les années 1990, ce sont ces groupes d'autodéfense communautaire, appelés « mutuelles », qui furent à l'origine de la mobilisation électorale et de la formation des partis politiques. Plusieurs de ces organisations, notamment la Mutuelle des agriculteurs de Virunga (MAGRIVI), une mutuelle Hutue sous l'égide de Mr Muhozi, lancèrent leurs propres milices, témoignant ainsi de la nature communautaire de ces premiers mouvements de mobilisation(53(*)).

    D'autres groupes furent constitués à la même époque pour remettre en question l'ordre politique existant. Au début des années 1990, les Kasindiens, un groupe armé issu de la communauté Nande, dans la région de Ruwenzori, s'en prirent à l'autorité de chefs coutumiers. Ce phénomène se propagea jusqu'aux régions voisines de Beni et Lubero, où la milice Ngilima du commandant Kaganga, mêlée à des activités de racket de protection locale, décida de contester le pouvoir de Mobutu. Ces groupes influencèrent la formation d'autres milices rurales, notamment les Batiri (dominés par les Hunde de Masisi) et les Katuku, qui oeuvrèrent d'abord dans le sud du Walikale parmi les Nyanga, puis également parmi les Tembo de Bunyakiri54(*). C'est à cette époque que beaucoup de commandants des groupes armés aujourd'hui actifs débutèrent leurs carrières, notamment le général Padiri Bulenda, Bigembe Turinkino, Akilimali Shemongo et Robert Seninga(55(*)).

    Ces milices furent exploitées par les pouvoirs publics et les hommes politiques locaux dans le cadre de conflits anciens relatifs au foncier et à l'autorité coutumière. Ces conflits furent attisés par des développements socioéconomiques de grande ampleur, comme l'intensification des pressions démographiques et foncières, la hausse de la pauvreté et le déclin des infrastructures et des capacités réglementaires de l'Etat.

    En 1993, des dizaines de milliers de réfugiés burundais arrivèrent au Sud-Kivu suite à la guerre civile déclenchée par l'assassinat de Melchior Ndadaye, Président du pays élu démocratiquement, issu de l'ethnie Hutu. Vint ensuite le génocide rwandais de 1994, qui poussa 30.000 à 40.000 miliciens Hutus et soldats des Forces armées rwandaises (FAR), dont la plupart avaient été impliqués dans le génocide, à franchir la frontière, aux côtés d'un million de réfugiés civils. Ils apportaient des armes, un esprit de radicalisme et une mentalité axée sur la polarisation ethnique. Regroupés dans les camps de réfugiés, ces combattants commencèrent à lancer des attaques transfrontalières contre le Rwanda(56(*)). Cette menace sécuritaire poussa le gouvernement nouvellement établi à Kigali, en coordination avec l'Ouganda, l'Angola et d'autres pays de la région, à former une coalition régionale d'insurgés pour dissoudre les camps de réfugiés/garnisons dans le Kivu et renverser le Président Mobutu.

    b. Les guerres du Congo, matrice de la mobilisation armée à l'Est de la RDC

    La première guerre du Congo éclata en 1996 suite à l'insurrection, appuyée par le Rwanda, de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL). Elle déclencha une mobilisation armée dans tout l'Est du pays. Tandis que certains groupes se mobilisèrent contre l'invasion, d'autres se mirent à soutenir la rébellion de l'AFDL. Bien que ces milices aient provoqué une forte insécurité dans les zones rurales et alimenté des tensions constantes au sein des communautés, elles restèrent morcelées, de faible envergure et repliées sur elles-mêmes, incapables d'influencer la situation au-delà de leurs fiefs locaux.

    Ce fut lors de la deuxième guerre du Congo qui éclata lorsque les relations se détériorèrent entre le Président Laurent-Désiré Kabila et ses partisans rwandais, que ces milices se mirent à prospérer, avec le soutien de Kinshasa et des groupes armés étrangers. Le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), soutenu par le Rwanda et l'Ouganda, occupa rapidement des grandes parties de l'Est du pays. La guerre au front se trouvant dans une impasse, Kinshasa envoya des fonds et des armes aux groupes armés qui opéraient dans les zones placées sous le contrôle du RCD, nommant certains leaders Maï-Maï, officiers supérieurs de l'armée nationale. Il forma également des alliances avec les derniers éléments des ex Forces Armées Rwandaises (FAR) et des Interahamwe (Ceux qui attaquent ensemble), une organisation paramilitaire hutue rwandaise arrivée dans l'Est de la RDC en 1994 et connue par la suite sous le nom de Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), ainsi qu'avec le Conseil National Burundais pour la Défense de la Démocratie-Forces de Défense de la Démocratie (CNDD-FDD)(57(*)).

    Petit à petit, les guerres du Congo modifièrent la nature des groupes armés, les milices rurales ancrées au niveau local se retrouvant mêlées à des réseaux dirigés par des élites des secteurs politiques et des affaires. Ces réseaux de milices favorisèrent et, en même temps, furent encouragés par le développement d'une économie de guerre stimulée par la taxation illégale, la contrebande et le racket. Si cette économie permit à certains de s'enrichir rapidement, des millions de civils en dépendirent pour leur survie et n'eurent souvent pas d'autre choix que de collaborer avec les groupes armés(58(*)).

    La montée en puissance des dirigeants militaires, qui s'impliquèrent étroitement dans l'administration locale, affaiblit encore davantage les structures de l'autorité et la cohésion sociale. Alors que, dans les années 1990, les milices s'appuyaient sur le soutien des chefs coutumiers et des communautés locales, ces liens s'affaiblirent lorsque les leaders militaires devinrent autonomes dans leur manière de dégager des revenus et furent aidés par leurs relations à Kinshasa, avec des groupes armés étrangers et des réseaux commerciaux régionaux. En même temps, le vaste recrutement de jeunes fit apparaître une génération militarisée de plus en plus détachée des chefs coutumiers, des anciens des villages et des parents. Etant désormais moins dépendants et moins redevables à l'égard des autorités locales, le comportement des groupes armés envers les civils se détériora, et les exactions physiques, le travail forcé et la taxation illégale devinrent légion(59(*)).

    Dans son rapport Judith Verweijen(60(*)) examine les relations entre la stabilité de l'entente politique nationale et l'instabilité dans l'Est, à travers le prisme de l'évolution et des caractéristiques historiques des ententes politiques à ces deux niveaux. Afin de comprendre les politiques actuelles du gouvernement national, dominé par le réseau clientéliste présidentiel, en réaction à l'activité des groupes armés dans l'Est, il est nécessaire d'identifier les enjeux politiques, socio-économiques et militaro-stratégiques que cette activité représentait pour l'ex - Président Joseph Kabila et ses réseaux de pouvoir. Suivant des patrons de comportements historiques, c'est-à-dire hérités de l'ère coloniale, le réseau clientéliste présidentiel s'efforce d'exercer un contrôle direct sur les principales régions politiques et économiques...(61(*)).

    En conséquence, l'ex-Président précité a pris très peu d'initiatives à l'intention des petits groupes armés situés dans des zones rurales enclavées de l'Est du pays, particulièrement quand ceux-ci ne sont ni puissants militairement, ni importants géopolitiquement. D'ailleurs, ce conflit profitait indirectement à Joseph Kabila, sous forme de ressources clientélistes, y compris celles résultant des opérations militaires et de l'afflux d'aide internationale.

    En raison de la fragmentation profonde du paysage militaire et de la réduction récente de l'ingérence étrangère, la grande majorité des dizaines de bandes armées non étatiques opérant actuellement dans l'Est du Congo ont des effectifs squelettiques.

    C'est là à la fois une cause et un résultat de l'amoindrissement de l'importance des groupes armés dans l'arène politique nationale. Au cours de la période de transition (2003-2006) qui a suivi la seconde guerre du Congo, après l'accord de partage du pouvoir conclu entre les ex-belligérants, la manipulation de groupes armés restait un moyen d'action politique très apprécié. Cela permettait de transmettre des réclamations politiques et d'accéder à des positions de pouvoir importantes dans l'appareil politico-administratif et dans les forces de sécurité.

    1.2. Les causes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo.

    Depuis la conclusion de l'accord politique pour la gestion de la transition en RD Congo, le fait de favoriser des groupes armés rapporte des avantages politiques de moins en moins importants au niveau national. Cependant, l'exploitation de la mobilisation armée a continué à donner accès à des postes et des positions de pouvoir dans les forces armées nationales. Une des raisons de la dévalorisation politique de la mobilisation armée au niveau national est que le réseau clientéliste présidentiel a renforcé son emprise sur l'appareil d'Etat et la société.

    La période de transition (2003 - 2006) n'a pas permis de stopper la prolifération des groupes armés et de rétablir l'autorité de l'Etat. Dans la plupart des cas, les responsables Maï-Maï ne disposaient pas du pouvoir de négociation, de la cohésion interne et de l'accès privilégié aux réseaux clientélistes à Kinshasa nécessaires pour décrocher des postes de responsabilité au sein des forces de sécurité de l'après-guerre. Cela explique en partie pourquoi des îlots de résistance armés sont restés actifs dans plusieurs zones.

    Il en résulte l'apparition de tendances autoritaires et une entente politique moins inclusive, comme le démontrent des restrictions croissantes imposées à des acteurs politiques considérés comme dangereux. La nature plus exclusive et plus répressive de cet accord politique a influencé la mobilisation armée dans l'Est du Congo.

    Des groupes armés sont intégrés dans des réseaux sociaux complexes qui s'étendent du niveau local aux niveaux de la nation, des sous-régions et du monde, et qui font intervenir des acteurs étatiques et non étatiques. Ces groupes entretiennent des liens de nature variable avec les hommes politiques, les milieux d'affaire, les autorités locales et les forces de sécurité du gouvernement opérant parfois comme des mandataires ou des alliés dans certaines opérations militaires. Plusieurs de ces relations peuvent être considérées comme des mécanismes de protection, avec des dimensions à la fois coercitives et non-coercitives.

    D'un côté, les groupes armés imposent des contributions aux populations et aux opérateurs économiques dans le cadre de systèmes de protection mafieux (le racket), mais également dans le cadre de mécanismes plus globaux de gouvernance et de recours à l'autorité. De l'autre côté, les gens peuvent prendre l'initiative de solliciter que ces groupes interviennent pour eux, notamment pour les protéger, mais aussi dans d'autres buts, comme par exemple pour renforcer leur position dans un conflit ou pour protéger leurs marchandises dans des régions peu sûres. En ce qui concerne les autorités locales, la protection des groupes armés est également recherchée pour imposer des décisions administratives et pour obtenir le dessus dans des luttes de pouvoir.

    C'est le mauvais fonctionnement des mécanismes de gouvernance civile et la piètre performance de l'appareil étatique de sécurité qui nourrissent la demande de protection auprès des groupes armés. Cette demande provient également du fait que les gens qui ne sollicitent pas cette protection sont dans une position moins favorable que ceux de leurs concurrents et adversaires qui, eux, ont des protecteurs puissants. En outre, les mécanismes de protection sont devenus, dans une certaine mesure, une pratique normale adoptée par des portions relativement importantes des élites politiques et économiques de l'Est de la RD Congo.

    Une des choses qui prouvent cette normalisation, c'est que de plus en plus de groupes armés sont animés par des entrepreneurs politico-militaires de bas niveau - des chefs coutumiers, des membres des autorités locales, des officiers de second rang - et non pas principalement, comme dans le passé, par des chefs issus des élites nationales et régionales. Ces entrepreneurs politico-militaires de plus bas niveau, soutenant la mobilisation armée, sont en partie mécontents de l'accord politique de la transition, du fait à la fois de leur propre position dans le champ de cette entente et de la nature de l'ordre socio-politique dans son ensemble. Beaucoup de groupes armés expriment des vues anti-establishment, sans pour autant avoir une vision ou des objectifs politiques globaux. Par conséquent, contrairement à l'image de purs criminels qu'on se fait communément des groupes armés, la mobilisation armée continue à avoir une dimension politique claire.

    C'est cela qui explique aussi pourquoi certains groupes armés reçoivent un soutien populaire relativement important : les gens sont, parfois, dégoûtés du régime qui gère le pays et des insuffisances de l'appareil d'Etat et approuvent l'idée de l'autodéfense, particulièrement dans un contexte de conflit intense entre les communautés. Le fait que la mobilisation armée ait une dimension politique n'implique pas nécessairement que les groupes armés devraient être traités comme des acteurs politiques légitimes. Ces groupes ne peuvent pas simplement être pris comme des représentants des communautés qu'ils prétendent défendre.

    Il est difficile de satisfaire nombre de leurs exigences politiques parce que ces dernières semblent être discriminatoires par nature. D'autres de leurs exigences se rapportent à l'accès à l'appareil d'Etat, dans des positions administratives élevées, et à la fourniture de services publics améliorés, par exemple pour les routes et les centres de soins. Satisfaire à de telles exigences risque de créer des motivations pour que d'autres les imitent et se mobilisent militairement pour réclamer des avantages semblables.

    Dans cette veine, beaucoup de politiques gouvernementales passées, élaborées pour contrer les groupes armés - et notamment l'intégration dans l'armée - ont eu des effets contre - productifs, en créant des mécanismes d'incitation faussés. Tous les efforts consentis à l'attention des entrepreneurs politico-militaires devraient éviter de répéter cette erreur, et plutôt chercher à utiliser la carotte et le bâton à parts égales. Il est également nécessaire de trouver le bon équilibre entre traiter la dynamique structurelle qui nourrit la mobilisation armée et s'occuper des groupes armés actifs. Ce dilemme entre une action à long terme et une action à court terme s'applique également à la question de l'inclusion. Cela nous renvoie à faire une analyse sur les causes externes.

    1.2.1. Les causes externes

    Elles peuvent se résumer en trois à savoir la course aux ressources naturelles dont regorgent le Sud-Kivu en général, la faiblesse de la réaction de la communauté internationale face aux crimes graves commis à grande échelle dans cette contrée et le retrait des armées étrangères autrefois présentes en RD Congo.         

    Ainsi, pour ce qui est des causes liées à la course aux matières premières, on peut citer les enjeux économiques fondés essentiellement sur le désir des États voisins et mêmes des grandes puissances occidentales, ainsi que des multinationales d'avoir le contrôle sur les ressources naturelles dont regorgent le pays. C'est ce désir-là qui les pousse à soutenir et au besoin à créer de toutes pièces certains groupes armés en RD Congo, ou des prétendues rébellions qui vont chercher à exploiter quelques causes internes pour avancer leurs revendications politiques, et pourront même être dirigées par un homme de paille pour donner une apparence interne au conflit, mais le vrai but, c'est l'accès aux ressources naturelles existantes.

    Une des illustrations de cette réalité c'est notamment le rapport du groupe d'experts de l'ONU sur le pillage des ressources naturelles de la RD Congo (2002). Dans ce rapport en effet, un lien est établi entre le pillage des ressources naturelles et la poursuite de la guerre en RD Congo. Et dans sa résolution 1457 du 24 janvier 2003, le Conseil de Sécurité a noté avec préoccupation que "le pillage des ressources naturelles et d'autres richesses de la RD Congo se poursuit et constitue l'un des principaux éléments qui entretiennent l'émergence des groupes et conflits armés dans la région et exige donc que tous les États concernés prennent immédiatement des mesures pour mettre fin à ces activités illégales qui perpétuent le conflit et l'émergence des groupes armés, entravent le développement économique de la RD Congo et exacerbent les souffrances de sa population"62(*).

    Dans le rapport précité, les experts de l'ONU avaient établi une liste des personnalités tant congolaises (issues tant du gouvernement que des rébellions et milices) qu'étrangères, dont notamment des Rwandais, des Ougandais et des Burundais occupant des fonctions aussi bien politiques que militaires, qui étaient impliquées dans le trafic d'armes violant ainsi l'embargo sur les armes en RD Congo.

    Pour ce qui est de la faiblesse de la réaction de la communauté internationale face aux crimes graves qui se commettent et continuent à se commettre en RD Congo, les moyens utilisés pour ce pillage sont eux-mêmes hautement criminels. Ainsi pour faciliter le pillage des ressources naturelles en RD Congo, des meurtres à grande échelle sont commis, causant ainsi des déplacements de populations réduites à des conditions de vie pouvant entraîner leur destruction. Face à cette horreur, on constate malheureusement la faiblesse de la réaction de la communauté internationale, tant le Conseil de Sécurité que les autres États qui se montrent réticents à déclencher des poursuites sur la base de la compétence universelle. On constate en outre que, ce sont les mêmes auteurs de la tragédie de l'Est de la RD Congo qui définissent les grandes lignes de la politique sous régionale en Afrique des grands lacs.

    Une autre cause qui nous semble intermédiaire est celle liée à la prolifération des milices à la suite de retrait des armées étrangères en RD Congo en vertu des accords de paix, notamment l'accord dit global et inclusif. Comme le dénonce un des nombreux rapports du Secrétaire Général des Nations-Unies : "Le vide du pouvoir qui a succédé au retrait des forces de défense rwandaises, puis les forces de défense du peuple ougandais et burundais a entrainé la prolifération des milices Maï-Maï. Ces milices ont lutté pour s'assurer le contrôle des zones stratégiques où se trouvent les ressources lucratives et qui étaient précédemment détenues par les forces étrangères"(63(*)).

    Cet extrait du rapport du Secrétaire Général de l'ONU insiste sur le vide créé par le retrait des troupes étrangères. Mais il semble minimiser le fait que c'est souvent ces mêmes armées étrangères qui créent ces milices pour pérenniser leur présence dans le territoire congolais sous une forme moins officielle. Ainsi l'analyse des causes de liées à la prolifération des groupes armés à l'Est de la RD Congo, selon qu'elles sont internes ou externes, mérite bien d'être aborder dans les lignes qui suivent.

    1.2.2. Les causes internes

    Au-delà de multiples causes que nous pouvons avoir, nous les avons résumées en une cause centrale que nous retrouvons dans la démission de l'État à ses missions tant traditionnelles que modernes, notamment son rôle de la défense du territoire, de la sécurité des personnes et de leurs biens, de régulateur des conflits sociaux. Cette démission est manifestement favorisée par la médiocrité de la classe politique congolaise qui ne cesse de s'encanailler à travers les stratégies de conquête et de conservation du pouvoir politique à des fins égoïstes(64(*)).

    Comme nous venons de le dire, lorsque l'État n'affirme son pouvoir ni sur le plan interne ni sur le plan international, il y a d'autres causes ou facteurs qui se développent favorisant la prolifération des groupes armés et qui ne sont pas faciles à éradiquer le jour où il y aura un État de droit.

    En résumé, la cause centrale réside dans la faillite de l'État congolais qu'il faut reconstruire. Cette cause est accompagnée des autres causes que nous pouvons qualifier des causes secondaires qui découlent de la centrale, c'est notamment la vulnérabilité de la population, les problèmes fonciers, le conflit interethnique.... C'est parce que l'État est en panne que les États voisins pillent, violent et font ce qu'ils font. C'est parce que l'État est défaillant qu'il y a prolifération des seigneurs de guerre et la prolifération des armes légères.

    Section 2. Le contexte et les causes d'émergence des groupes armés à Shabunda

    Dans cette partie de notre travail, nous allons dégager les considérations sur le contexte d'une part, et les causes de l'émergence des groupes armés à Shabunda selon qu'il s'agit des groupes armés congolais ou des groupes armés étrangers d'autre part.

    2.1. Le contexte d'émergence des groupes armés à Shabunda

    Ce point va aborder d'abord le contexte d'émergence des groupes armés congolais à Shabunda et ensuite, le contexte des groupes armés étrangers dans cette partie du territoire congolais.

    2.1.1. Le contexte d'émergence des groupes armés congolais à Shabunda

    A l'Est et au Nord de la RD Congo, jusqu'à ce que le front se stabilise, le RCD et le MLC n'ont rencontré qu'une faible opposition des Forces Armées Congolaises. En revanche, dès les premiers mois du déclanchement de la guerre du RCD et MLC, les forces rebelles se heurtent à l'opposition des milices tribales, les Maï-Maï, engagées dans de véritables campagnes de guérilla. Ces Maï-Maï, aujourd'hui majoritairement alliés au gouvernement de Kinshasa, représentent une nébuleuse de milices ethniques où il n'existe aucun mouvement fédérateur, sauf à une échelle infra provinciale où certains chefs de guerre, souvent en marge des autorités locales traditionnelles, sont parvenus à rassembler plusieurs groupes de combattants sous leur autorité(65(*)).

    Les miliciens, eux, sont le plus souvent recrutés dans les rangs d'une jeunesse désoeuvrée, vivant dans des conditions de vulnérabilité qui la poussent à une rébellion vécue comme la seule chance de survie et d'autodéfense contre un ordre politique, économique et social qui l'écrase.

    Des conflits fonciers ont opposé les populations autochtones du territoire. Le but initial d'entraide et de promotion économique s'était transformé en une démarche protectionniste et violente. Ces mouvements armés étaient des forces ethniques d'autodéfense locale. Les mouvements de résistance Maï-Maï sont nés dans le contexte de crise socio-politique caractérisé essentiellement par des rébellions et l'instabilité des institutions politiques avec leurs conséquences  sociales et économiques désastreuses(66(*)).

    L'émergence de mouvement de résistance Maï-Maï est fort dispersée selon les périodes et leurs contextes. Ainsi, selon la périodicité, on a distingué deux catégories de mouvements : les Maï-Maï qui sont liés aux mouvements de résistance nés des rébellions de 1996 et 1998 d'une part et les Raïa mutomboki qui sont liés aux mouvements de résistance nés pendant la transition et la période postélectorale de 2006.

    2.1.2. Le contexte d'émergence des groupes armés étrangers

    On distingue la présence d'un seul groupe armé étranger dans le Territoire de Shabunda, les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR). Le contexte d'émergence de ce groupe armé revêt des facteurs multiples.

    Dans tout le Sud-Kivu en général et le Territoire de Shabunda en particulier, le phénomène d'émergence des groupes armés étrangers est lié à des facteurs complexes : les problèmes politiques, économiques, ethniques, etc.

    Les problèmes politiques sont liés au déversement, en RD Congo, des réfugiés armés et non armés burundais et rwandais depuis les années 1993 et 1994. Les facteurs économiques se résument dans le pillage des ressources naturelles de ce territoire.

    Les facteurs ethniques renseignent sur les ramifications identitaires des problèmes touchant les intérêts des groupes ethniques se trouvant entre deux ou plusieurs États. Tel est le cas d'une collaboration soupçonnée entre les Burundais de la plaine de la Ruzizi et les FNL, groupe armé burundais.

    2.2. Les causes de l'émergence des groupes armés à Shabunda

    La persistance des groupes armés dans la Province du Sud - Kivu se justifie par la désintégration sociale, politique et économique des certaines catégories de la population du Territoire de Shabunda.

    L'usage des armes à Shabunda semble s'inscrire dans le corpus mouvant et sans cesse réinventé des pratiques de débrouille au quotidien en contexte incertain. Cette activité à Shabunda n'est pas conçue selon une logique d'accumulation structurelle. La capacité d'adaptation des groupes armés aux évolutions du paysage social dans le territoire, leurs fréquentes et rapides recompositions et la reproduction constante de certains d'entre eux tiennent sans doute au fait que les membres de ce mouvement considèrent leur participation à la lutte comme une pratique ordinaire de survie.

    Les modes d'entrée dans le mouvement présentent une certaine diversité. Pour certains éléments, c'est le fruit des contingences locales qui résulte d'un désoeuvrement. Les facteurs exerçant le plus d'influence sur l'éclatement des guerres civiles se trouvent dans le coût d'opportunité qui s'appuie sur la prévision des revenus futurs par les individus. Nous avons retenu les indicateurs suivants : le revenu moyen par habitant, le taux d'analphabétisme de la population masculine et le taux de croissance de l'économie.

    Ces indicateurs facilitent le recrutement de la population dans les groupes rebelles. C'est par exemple, lorsque le taux d'éducation secondaire de la population masculine, le revenu par habitant et le taux de croissance augmentent, les risques de conflits diminuent.

    Donc les faibles revenus et un accès difficile à la scolarisation sont fortement susceptibles d'attiser la frustration de la population envers le gouvernement. Là, il est question des griefs réels et légitimes.

    La faillite de l'Etat a poussé la population à créer des groupes d'autodéfenses pour faire face aux attaques des éléments de Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) qui se sont vus être mis hors territoire suite à des opérations lancées par de Raïa Mutomboki lorsque toute l'étendue du Territoire de Shabunda était restée sans force loyaliste pour assurer la sécurité des personnes et des biens.

    L'intégration dans les groupes armés à Shabunda des jeunes est une opportunité d'atteindre un statut social plus élevé, car cela a favorisé plusieurs jeunes Ex-combattants de bénéficier des formations dans les différents centres de formation socioprofessionnelle installés soit à Kitona dans la Province du Kongo - central, soit à Kamina dans la Province du Haut - Lomani.

    Suite aux revendications de l'amélioration du bien - être de la population par les différents éléments des groupes armés, il s'est observé la présence, dans le Territoire de Shabunda, des plusieurs organismes humanitaires oeuvrant dans le domaine social qui sont venus construire et équiper les écoles sur toute l'étendue du territoire.

    Qu'il découle d'une contrainte physique ou d'un impératif social, le recours aux armes à Shabunda n'est conçu ni comme une vocation ni comme un acte exceptionnel. Fruits des contingences, il répond à des considérations s'inscrivant dans le « temps court marqué par l'improvisation »(67(*)), et ce, dans un contexte où « la distinction entre les luttes pour la subsistance proprement dite et les luttes pour la survie tout court s'est estompée » et « où la vie au quotidien est de plus en plus définie à partir du paradigme de la menace, du danger et de l'incertitude ».

    Les groupes armés à Shabunda mettent en oeuvre une action collective violente lorsqu'ils considèrent que la situation d'inégalité horizontale, face à la population ou la société où ils évoluent, est devenue intolérable. C'est pourquoi, plusieurs auteurs perçoivent la défaillance étatique comme le facteur le plus significatif pour expliquer l'éclatement des groupes armés.

    Le terme Etat défaillant est utilisé pour désigner un Etat dont le degré de faiblesse institutionnelle a atteint un point critique. C'est-à-dire lorsqu'il y a une rupture générale du corpus de règles formelles et informelles gouvernant une société, accompagnée d'une disparition ou d'une érosion de l'autorité formelle »(68(*)).

    Les Etats défaillants sont incapables de remplir leurs fonctions traditionnelles. Dans une telle situation, les conditions de vie se détériorent (la réduction des services publics (voir leur disparition), la dégradation des infrastructures physiques, etc.). Par conséquent, ce vide politique mène souvent à l'anarchie et à la formation des différents groupes armés sous prétexte de l'autodéfense.

    Il est remarqué que les groupes armés à Shabunda sont formés de jeunes (la plupart issus des milieux ruraux) qui ont observé que les actions de l'Etat n'ont pas un impact considérable sur les conditions de vie de la population. L'analphabétisme, le manque d'instruction et aussi le manque d'emploi sont autant de facteurs qui contribuent à la persistance des groupes armés.

    Nous sommes sans ignorer que la fréquence des groupes armés est déterminée par des opportunités et des incitations économiques qui agissent en interaction avec des revendications politiques et sociales, des disputes interethniques et des dilemmes sécuritaires.

    Selon nos observations, nous constatons qu'aucune des guerres civiles ne peut éclater à cause de facteurs strictement économiques. Les motivations politiques ont été, et ce dans tous les cas, à l'origine de la création des mouvements de rébellion. Il nous faut insister sur le fait qu'à de multiples reprises, les facteurs économiques se sont combinés à des facteurs politiques. Et cette combinaison a facilité l'éclatement des hostilités.

    Pour de nombreux combattants, la surveillance des axes de communication, l'approvisionnement en vivres, le prélèvement de taxes sur les marchandises et la protection de groupes viennent combler de longues périodes d'oisiveté dans les villages occupés par eux. Certaines de pratiques des groupes armés à Shabunda s'insèrent dans le tissu économique local et associent des acteurs qui leur sont proches sans toutefois faire partie du groupe armé. Ainsi, les combattants arrivent à tirer profit de leur statut et de leurs armes pour protéger le petit commerce de leurs proches, notamment dans les zones d'exploitation minière.

    La protection du commerce, des fermes et des carrés miniers d'opérateurs économiques proches des groupes maï - maï à Shabunda est devenue une activité routinière pour ces derniers qui assurent ainsi une forme de maintien de l'ordre à leur propre bénéfice.

    Section 3. Groupes armés à l'Est de la RD Congo et stratégies de leur éradication par les pouvoirs publics.

    Dans cette section de notre travail, nous allons d'abord présenter les groupes armés opérationnels à l'Est de la RD Congo, ensuite, nous dégagerons les différentes stratégies mises en place par les pouvoirs publics pour leur éradication.

    3.1. Les groupes armés à l'Est de la RD Congo

    Dans ce point, nous allons présenter les groupes armés opérationnel dans la partie Est de la RD Congo selon qu'ils sont congolais ou/et étrangers.

    L'objectif du présent point est de donner un descriptif de la situation des groupes armés actifs à l'Est du Congo, en général, et de celle du Territoire de Shabunda en particulier. Il a également comme ambition de fournir un essai d'analyse de phénomène de ces groupes armés qui sèment l'insécurité et empêchent le relèvement de la situation sociale et économique du Territoire de Shabunda et par ricochet de la Province du Sud-Kivu.

    3.1.1. Les groupes armés congolais

    Au-delà de multiples groupes armés congolais actifs à l'Est de la République Démocratique du Congo, nous avons jugé opportun de sélectionner quelques-uns qui ont de ramifications directes ou indirectes avec notre champ d'étude, notamment : le Raïa Mutomboki, le Maï-Maï Padiri, le Maï - Maï Yakutumba, les Patriotes Résistants du Congo - Nyatura (PARECO-Nyatura).

    3.1.1.1. Le Raïa Mutomboki

    En termes de nombre de combattants, le Raïa Mutomboki « citoyens en colère » en swahili, représentent probablement l'un des groupes armés actif en RDC. Cependant, ce groupe présent dans les trois provinces constituant l'ancien « Grand Kivu » (Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema) apparaît comme extrêmement disparate et éclaté.

    Au cours des dernières années, il a réussi à rallier un grand nombre de Maï-Maï, mais a aussi connu de nombreuses scissions. Les diverses factions, si elles semblent avoir pour point commun la volonté d'éradiquer les FDLR, n'ont pas de commandement central et privilégient parfois des alliés considérés comme des ennemis par d'autres. Aussi, il serait sans doute plus exact de parler d'un conglomérat de groupes armés.

    Nés en 2005 au Sud de Shabunda dans la Province du Sud-Kivu, les Raïa Mutomboki sont apparus, en réaction aux exactions des FDLR. Ces dernières (FDLR) qui étaient alliées aux Maï-Maï Padiri et soutenus par le gouvernement de Kinshasa pendant l'occupation rwandaise, s'étaient senties abandonnées après l'Accord global et inclusif de 2002, prévoyant l'intégration des Maï-Maï dans une nouvelle armée nationale, les FARDC, mais ne concernant pas les groupes armés étrangers. Le départ de ceux-ci vers des centres d'intégration a laissé un vide sécuritaire qu'ont vite comblé les FDLR qui, dans d'autres territoires, étaient la cible d'attaques des FARDC, soutenues par la MONUSCO. Ce sentiment de trahison a alimenté une hargne se traduisant en massacres de civils dans plusieurs localités du Sud-Kivu. Dans le Sud du Territoire de Shabunda, un prêtre kimbanguiste, Jean Musumbu, a prêché l'autodéfense dans les villages, nommant des chefs et mobilisant la jeunesse Lega de la communauté locale. Dotés quasi-exclusivement d'armes blanches, confortés par les « pouvoirs magiques » que leur aurait fournis Musumbu, ces jeunes se sont constitués en milices et ont réussi, en moins de deux ans, à chasser les FDLR, se frottant de temps à autre aux FARDC ou à des groupes armés de territoires voisins.

    Très populaires dans cette région, bien que passés pratiquement inaperçus ailleurs, les Raïa Mutomboki sont entrés, à partir de 2007, dans une période de latence. Cependant, plusieurs individus, non mandatés par Musumbu, se sont approprié le label, que ce soit pour s'en prétendre les représentants (par exemple lors de la conférence de Goma sur les groupes armés de 2008) ou pour créer, avec peu de succès, leur propre milice (Misaba Bwansolo, dit Mwami Alexandre, et Kyatend Dittman). Le 23 mars 2009, les Raïa Mutomboki, ainsi que 21 autres groupes armés dont le CNDP, ont signé l'accord par lequel ils ont intégré dans les FARDC en vue de permettre à ces dernières de concentrer leurs opérations contre les FDLR ; ce qui a également déclenché de sanglantes représailles contre les populations civiles dans les deux Kivus.

    En outre, début 2011, toutes les unités des FARDC ont quitté le Territoire de Shabunda pour y être fondues dans des nouveaux régiments, intégrant notamment les ex-CNDP.

    Profitant à nouveau de l'espace laissé vacant, les FDLR ont refait leur apparition dans le territoire et commis diverses exactions. Et à nouveau, Musumbu a mobilisé les siens pour y résister. Mais, cette fois-ci, la mobilisation a trouvé un large écho également dans le Nord du territoire, où les FDLR avaient pris le contrôle de sites miniers.

    3.1.1.2. Le Maï Maï Padiri

    Le Maï-Maï (littéralement « eau-eau ») se sont imposés progressivement comme un acteur incontournable de la poudrière du Kivu, pour reprendre l'expression de Roland Pourtier(69(*)), au sein des conflits multidimensionnels que connaît la République Démocratique du Congo. Par son contrôle des zones rurales et par un discours rituel attirant, les Maï-Maï réussissent à recruter des centaines de jeunes et d'enfants-soldats : une jeunesse congolaise marginalisée par défaut d'intégration économique et par un contexte permanent d'insécurité. Mais qui sont ces Maï Maï et d'où vient leur importance actuelle sur la scène congolaise ?

    L'expression Maï-Maï, fait référence à des pratiques d'aspersion bénite ou d'absorption d'eau et autres rituels magiques visant à rendre les combattants invulnérables aux balles ennemies. Les rebelles Simbas de Lumumba, dans les années 60, devaient ainsi crier « Maï Maï » pour dévier les projectiles adverses. Dans l'imaginaire de la région, l'eau est en effet l'ultime rempart contre les fétiches et autres sortilèges maléfiques.

    Le Sud - Kivu et Nord - Kivu sont frappés de plein fouet par l'arrivée de plus d'un million de réfugiés hutus qui s'installent dans l'Est du Zaïre après le génocide de 1994, et par l'offensive rwandaise visant à éradiquer les camps de réfugiés en 1996-1997 mettant fin au régime de Mobutu par le soutien apporté à l'AFDL de Laurent-Désiré Kabila. Le Kivu est donc pris au coeur des interventions extérieures et de la régionalisation du conflit de ce qui redevient en 1997 la République Démocratique du Congo.

    Le terme Maï-Maï resurgit en tout cas en 1993. Les Maï Maï opèrent exclusivement dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo, c'est à dire la région qui a connu le plus de troubles depuis l'indépendance jusqu'à aujourd'hui. Ils sont présents essentiellement dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, mais depuis l'installation de Laurent-Désiré Kabila au pouvoir en 1997, le Maniema a lui aussi vu surgir des groupes Maï-Maï. Dans la Province Orientale et le Haut-Katanga, ce phénomène reste épisodique.

    L'émergence de Maï-Maï se fait sans aucun programme véritablement défini. Une idéologie patriotique anti-tutsie et anti-rwandaise est bien présente, mais l'apparition des Maï-Maï relève plutôt de la résurrection d'une forme de banditisme social qui ne saurait être éradiqué seulement par la force militaire. Ce groupe armé Maï-Maï est utilisé par certaines autorités locales voulant prendre leur revanche sur d'autres groupes armés perçus comme les « envahisseurs étrangers », ou bien contre le gouvernement central, adversaire accablé de tous les maux. Il est d'ailleurs significatif qu'au départ, les Maï-Maï recrutent largement dans les campagnes et se méfient beaucoup du monde urbain. Les Maï-Maï ont aussi tendance à se solidifier de plus en plus autour de groupes ethniques, qui fournissent tout l'encadrement de chaque bande, combattants, docteurs, et enfants-soldats « kadogo ».

    Globalement, le phénomène Maï-Maï a resurgi en RDC à la faveur des interventions étrangères provoquées par les deux guerres de 1996-1997 et 1998-2003. Des évolutions importantes pour ces groupes se sont d'ailleurs produites pendant le dernier conflit, en particulier.

    En 2005, la situation était relativement simple au Nord-Kivu : tous les groupes Maï-Maï de cette région, ainsi que ceux de la Province Orientale, reconnaissaient comme chef Padiri Bulenda Kalendo, nommé général de brigade par Laurent Désiré Kabila, et qui avait combattu avec succès l'armée rwandaise et le RCD-Goma (une rébellion de la deuxième guerre congolaise soutenue par les Rwandais) au Nord-Kivu, entre 1998 et 2002.

    Les Maï Maï ont attiré beaucoup de jeunes, voire d'enfants-soldats, car l'intégration dans l'un de ces groupes avaient pour avantage de combler par la violence, une absence de participation politique tout en satisfaisant des mobiles purement matériels. L'AFDL de Laurent-Désiré Kabila, qui a mis à genoux le régime de Mobutu avec l'aide du Rwanda en 1996-1997, avait d'ailleurs beaucoup recruté dans l'Est de la RDC pour les mêmes raisons. Le revirement AFDL-Maï-Maï se produit car Kabila ne se soucie guère de récompenser ces jeunes qui ont assuré, en partie, sa prise du pouvoir.

    Si le groupe Maï-Maï s'est montré si efficaces et résistants sur la longue durée, c'est parce qu'ils ont bénéficié d'un soutien extérieur non négligeable. Les ex-FAR (Forces Armées Rwandaises) et miliciens Interahamwe, autrement dit les Hutus responsables du génocide rwandais et réfugiés ensuite en RDC après 1994, ont ainsi encadré et fourni des armes aux groupes Maï-Maï de Padiri dans le Sud - Kivu en général et à Shabunda en particulier.

    Ce n'est qu'au début de 2002, lorsque le Président Joseph Kabila se rapproche des Maï-Maï, que les Hutus réorganisés alors dans les FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda) s'éloignent des Maï-Maï, voire les affrontent militairement dans les deux Kivus. Le gouvernement central congolais s'intéresse en fait au Maï-Maï Padiri depuis 1998 avec l'émergence de la rébellion du RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie), appuyée en sous-main par le Rwanda et l'Ouganda. Le gouvernement congolais voit dans le Maï-Maï le moyen de contenir la rébellion dans l'Est et de s'opposer aux desseins de Kigali en particulier. Des conseillers militaires de l'armée régulière congolaise sont expédiés dans le Sud-Kivu en passant par Shabunda et permettent au Maï-Maï de mener une guérilla des plus efficaces contre les rebelles parrainés par les rwandais.

    L'armement des Maï-Maï a connu plusieurs sources. D'abord par du troc auprès des populations locales et des différents autres groupes armés présents dans l'Est de la RDC comme les FDLR. Quand les temps sont devenus plus durs, lors de la deuxième guerre du Congo, les Maï-Maï ont commencé à pratiquer l'extorsion et d'autres activités criminelles pour obtenir les moyens d'échange utilisés pour l'achat d'armement. Un commerce fructueux s'était ainsi développé avec le Burundi et des officiers peu regardants de son armée. Mais depuis 2002, c'est Kinshasa qui arme les Maï-Maï, baptisés Forces d'Autodéfense Populaires, une force formée par Laurent Désiré Kabila et entretenue après sa mort par Joseph Kabila. 

    Si on analyse les pratiques, le nom et le programme des Maï-Maï, on peut déduire que ce groupe représente, en quelque sorte, un rejet de toute société et d'un Etat considéré comme défaillant ; une sorte d'enclave à vocation « égalitariste » dans un monde patrimonial, pour reprendre la formule de deux spécialistes de la question.

    Les pratiques rituelles des Maï-Maï structurent aussi le comportement de ces communautés de combattants. Le rituel de l'eau magique est, on l'a dit, souvent administré aux enfants, initiés par des docteurs plus anciens. Placé au milieu d'une hutte, un bac en plastique contient l'eau mélangée à des herbes, des substances organiques, voire des parties du corps humain (testicules écrasées et réduites en cendres, par exemple). Le Maï-Maï est scarifié sur différentes parties du corps. On lui remet une arme (souvent une machette ou autre arme blanche dans les années 90, faute d'armes à feu en nombre suffisant) et au combat il est toujours suivi d'un docteur qui l'asperge d'eau continuellement en hurlant « Maï-Maï », cri également poussé par les combattants. L'invulnérabilité du Maï-Maï dépend de certains interdits à respecter : rapports sexuels, vols, regard du sang, toilette et utilisation du savon, consommation de feuilles de manioc et de viande cuite avec peau et os, contact avec les civils sont prohibés. La mort d'un Maï-Maï est souvent attribuée au non-respect d'une des règles, d'ailleurs souvent peu respectées : les Maï-Maï sont en effet connus pour leur pratique massive d'enlèvement des femmes et les viols qui s'ensuivent régulièrement.

    La faillite de l'Etat congolais est donc bien à l'origine de la montée en puissance des Maï-Maï depuis 1993. Le Sud - Kivu en général et le Territoire de Shabunda en particulier ne répond quasiment plus aux ordres de Kinshasa, et les Maï-Maï servent les desseins de différentes factions politiques, tout en entretenant des activités quasi mafieuses des plus lucratives, à l'image de ce qu'avaient réalisé le Rwanda et l'Ouganda dans l'Est de la RDC pendant la deuxième guerre du Congo.

    3.1.1.3. Le Maï-Maï Yakutumba

    Le Maï-Maï du Général Yakutumba s4EST imposé comme le principal groupe armé dans le sud du Sud-Kivu, autrement dit le Territoire de Fizi. Depuis l'indépendance, ce territoire bordant le lac Tanganyika, à quelques encablures de la Tanzanie, n'a jamais pu être réellement contrôlé par les autorités centrales. C'est là que se développa en 1964 la rébellion des Simba et que Laurent-Désiré Kabila reçut, l'année suivante, Che Guevara. De même, pendant l'occupation rwandaise, Kigali et ses supplétifs du RCD-Goma ne réussirent à assurer leur mainmise que sur quelques centres urbains, sans jamais l'étendre sur la plus grande partie du territoire. Un groupe Maï-Maï, dirigé par un ancien combattant Simba, Dunia Lwendama, s'y est développé, même au-delà du Territoire de Fizi. Par ailleurs, cette occupation a fortement dégradé les relations, déjà tendues, entre les Bembe, l'ethnie majoritaire vivant essentiellement de l'agriculture, et les Banyamulenge, des éleveurs d'expression rwandaise et assimilés aux Tutsi, vivant sur les hauts plateaux surplombant le littoral fizien.

    Après le départ des troupes rwandaises, une partie des Maï-Maï a été démobilisée ou a été intégrée dans les FARDC, tel fut le cas de Dunia, nommé Général. Cependant, certains autres, dont le capitaine William Amuri Yakutumba, un adjoint de Dunia nommé commandant de la brigade basée à Baraka, la principale localité côtière du territoire de Fizi, a refusé d'envoyer ses hommes au centre de « brassage », arguant que les milices banyamulenge (qui allaient devenir les Forces républicaines fédéralistes, FRF, aujourd'hui dissoutes) étaient également réticentes à ce processus.

    En janvier 2007, après avoir rencontré Raphaël Looba Undji, un politicien bembe et futur idéologue de son mouvement, Yakutumba quittait les FARDC, créait les Maï-Maï réformés et s'autoproclamait « Général ». Invité par le Président Joseph Kabila, il arriva à Kinshasa en septembre 2007 en compagnie de Looba Undji, mais dût patienter six mois avant de se voir accorder une audience d'à peine 30 minutes. Il eut cependant largement le temps d'établir des contacts avec des politiciens bembe vivant dans la capitale et de réfléchir à une stratégie, passant notamment par l'établissement d'une branche politique, le Parti pour l'action et la reconstruction du Congo (PARC).

    En 2009, le déploiement de troupes rwandaises au Kivu pour traquer les FDLR, alliées de longue date de Yakutumba, ainsi que, surtout, l'arrivée dans le territoire de nouvelles troupes des FARDC commandées par des officiers provenant du CNDP et du PARECO, c'est-à-dire de groupes armés respectivement tutsi et hutu, mit encore plus d'huile sur le feu. Pour Yakutumba, il s'agissait d'une preuve supplémentaire que le Président Kabila, non content d'accorder la nationalité congolaise aux Banyamulenge, travaillait à l'établissement d'un « empire hima », à la dévotion de Kigali. D'autre part, alors que ses Maï-Maï développaient de plus en plus d'activités lucratives et souvent criminelles (réseau de soutien à Kinshasa et à l'étranger, racket, trafic d'or, piraterie), Yakutumba renforçait son alliance avec les FNL burundaises, dont certains membres rejoignaient son propre groupe. A la fin 2010, il nommait la branche armée de son mouvement « Forces armées alléluia » (FAAL). En 2011, année électorale, Yakutumba a été intensément courtisé par plusieurs hommes politiques bembe, dont un autre point commun était une virulente rhétorique hostile aux Banyamulenge.

    Après les élections et l'intégration des Fronts Répûblicain Fédéraliste (FRF) dans les FARDC, Yakutumba fut soumis à des pressions accrues pour qu'il en fasse de même avec ses combattants. Ces efforts semblent avoir été abandonnés après l'insurrection du M23, les Forces Armées Alléluia (FAAL) profitant en outre des désertions au sein des FARDC pour s'emparer de nouvelles positions. Des négociations en vue d'une alliance se seraient tenues avec le M23, qui aurait transféré des armes aux FAAL.

    A la fin 2012, le départ des Forces Nationalistes de Libération(FNL) vers des zones plus proches du Burundi et la reprise des attaques des FARDC semble avoir affaibli le groupe, qui reprenait des négociations en vue de son intégration dans les FARDC. Malgré l'envoi d'environ 250 hommes, environ la moitié des effectifs estimés, bien que Yakutumba prétend en avoir plus de 10 000, dans un camp d'intégration près de Baraka, le processus échouait à nouveau et, à partir de juillet 2013, des combats avec les FARDC étaient signalés en divers lieux du territoire.

    Signalons enfin que les FAAL sont présentes dans d'autres territoires, notamment celui de Kalemie (Tanganyika) et dans ceux de Shabunda et d'Uvira (Sud-Kivu). Dans ces deux derniers, des alliances ont été forgées avec des groupes armés locaux.

    3.1.1.4. Patriotes Resistants du Congo-Nyatura/Pareco-Nyatura

    Apparue en 2010, la milice des Nyatura est composée des Hutus, dont des anciens membres du groupe des Patriotes résistants congolais (PARECO), intégrés en 2009 dans les FARDC avant d'en déserter rapidement. Dirigée par un « Colonel Kasongo », elle est présente dans les territoires de Kalehe (Sud-Kivu) et dans celui de Masisi (Nord-Kivu), bien qu'elle ait conduit des opérations également plus au Nord, à proximité de Rutshuru et de Kiwanja. Sa motivation première aurait été de protéger les agriculteurs hutus face à l'expansionnisme des éleveurs tutsis. Mais elle semble s'être développée surtout en 2011, en réaction aux attaques anti-hutues des Raïa Mutomboki. Cela l'a également conduit à s'allier à d'autres groupes hutus, comme le Mouvement populaire d'autodéfense (MPA), ainsi qu'aux FDLR et à accueillir des transfuges de ce dernier groupe. En outre, elle ne dispose apparemment pas de commandement central et ses effectifs sont mal connus, mais ils ne dépasseraient pas un millier de combattants.

    Depuis 2011, les Nyatura se sont affrontés à plusieurs autres groupes, dont les Forces de défense du Congo (FDC, branche Hunde-Nyanga des Raïa Mutomboki), les Maï-Maï Shetani (Nande), et l'APCLS (Hunde) faisant craindre, particulièrement au Nord-Kivu, le développement d'une guerre interethnique. Des massacres des civils Nande, Tembo et Hunde par des miliciens Nyatura ont été constatés. Dans le territoire de Kalehe, une alliance éphémère a uni ces derniers au groupe de Kirikicho, un chef maï-maï tembo.

    L'apparition du M23 a fortement influencé les Nyatura. Le redéploiement de troupes des FARDC pour combattre le M23 a permis aux Nyatura d'accroître la zone sous leur contrôle, parfois de connivence avec d'autres groupes armés, avant que les nouveaux maîtres des lieux en décousent entre eux. En outre, apparemment en coalition avec les FDLR, les Nyatura sont partis affronter le M23 dans les territoires de Rutshuru et de Nyiragongo, menant notamment un raid sur la cité de Rutshuru en avril 2013. En juillet, près de Goma, ils ont également tiré sur une patrouille de la MONUSCO qui tentait de protéger des civils fuyant les combats qui les opposaient au M23.

    Comme avec de nombreux autres groupes armés du Kivu, les paradoxes sont nombreux avec les Nyatura. A l'instar des Raïa Mutomboki, les Nyatura sont un groupe extrêmement fragmenté. Ainsi, dans une seule localité du territoire de Masisi, Bashali, située près de la cité de Kitshanga dans le territoire de Masisi, cinq groupes armés, dont trois se revendiquant des Nyatura, y auraient été créés en l'espace d'une année, certains ne comptant que quelques individus.

    3.1.1.5. LE MOUVEMENT DU 23 MARS/M23

    L'accord d'intégration signé le 23 mars 2009 s'effondra début 2012 en raison d'un différend entre Kinshasa et le leadership de l'ex-CNDP, entraînant une énième phase de mobilisation. Alors que les FARDC tentaient depuis 2009 de redéployer le leadership de l'ex-CNDP à l'écart des régions des Kivus, le fiasco électoral 2011 poussa le Président Joseph Kabila à intensifier ces efforts. En partie du fait des pressions internationales, il essaya aussi d'arrêter le général Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale. Cependant, anticipant la situation, certaines parties de l'ex-CNDP se mutinèrent en avril 2012. Cette dissidence se transforma en une nouvelle rébellion, qui prit le nom de M23, conduisant à une fracture au sein du réseau de l'ex-CNDP. Environ la moitié des officiers de l'ex-CNDP ne rejoignirent pas le M23, résistant ainsi aux pressions des autorités rwandaises qui étaient de plus en plus impliquées dans la gestion de la rébellion70(*).

    La crise du M23 se fit sentir dans toute la région, déclenchant la formation ou la consolidation de plusieurs groupes antagonistes dans sa zone de déploiement de Rutshuru, notamment les FDLR-Soki, le Maï-Maï Shetani, le Mouvement populaire d'autodéfense (MPA) et les Forces pour la défense des intérêts du peuple congolais (FDIPC). Cette mobilisation croissante était également le résultat des efforts entrepris par le M23 et ses alliés au Rwanda pour former des alliances ou créer des nouveaux groupes dans tout l'Est de la RDC, tels que l'Alliance pour la libération de l'Est du Congo (ALEC) à Uvira et la Force oecuménique pour la libération du Congo (FOLC) dirigée par le déserteur des FARDC Hilaire Kombi dans la région de Beni, dans la partie nord du Nord-Kivu. Le M23 tenta également d'organiser des coalitions de groupes armés en Ituri, efforts qui pour la plupart furent vains.

    Outre les déserteurs de l'armée comme Kombi, des politiciens marginalisés jouèrent un rôle crucial dans ces efforts de mobilisation. Dans le nord du Nord-Kivu, Antipas Mbusa Nyamwisi, député et ancien ministre des Affaires étrangères, organisa un soutien politique significatif en faveur du groupe de Kombi et lui donna des armes71(*).

    Au Sud-Kivu, le candidat parlementaire malheureux Gustave Bagayamukwe fut l'initiateur d'un nouveau satellite du M23 appelé l'Union des forces révolutionnaires du Congo (UFRC) fin 201272(*). Cependant, la plupart de ces groupes étaient de faible envergure et le M23 ne parvint pas à déstabiliser la région au sens large.

    3.1.2. Groupes armés étrangers

    Les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda, FDLR et les Allied Democratic Forces - National Army of Liberation of Uganda, ADF-NALU (Forces démocratiques alliées - l'Armée Nationale pour la Libération de l'Ouganda) sont les deux grands groupes armés étrangers que nous retrouvons à l'Est de la RD Congo.

    3.1.2.1. Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda, FDLR

    Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR; Urugaga Ruharanira Demokarasi No Kubohoza U Rwanda en kinyarwanda) regroupent essentiellement des Hutu et des soldats des anciennes Forces Armées Rwandaises de Juvénal Habyarimana et des anciennes milices Interahamwe. Elles sont basées dans l'Est de la République démocratique du Congo. Ce groupe a pris cette dénomination en 2000, après s'être appelé Armée de Libération du Rwanda (ALiR).

    Ces forces ont pris forme dans les camps de réfugiés du Zaïre (actuelle RD Congo) en 1994, organisés par l'opération Turquoise de la France au Rwanda du 22 juin au 21 août 1994. Médecin Sans Frontières avait quitté ces camps en novembre 1994 en dénonçant les reconstitutions des forces dans les camps. Le gouvernement de Kigali demande le démantèlement de ces forces depuis 1994. En 1996 lors de la première guerre du Congo, l'armée du régime actuel du Rwanda a poursuivi ces forces à travers les forêts du Congo et massacré plusieurs milliers de leurs membres et des populations réfugiées prises en otage par ces forces génocidaires.

    Ces rebelles ont contribué à la déstabilisation de l'Est de la République Démocratique du Congo. La Commission d'enquête citoyenne française et la journaliste Colette Braekmann, du journal belge Le Soir, ont eu des informations selon lesquelles la France avait contribué à leur armement(73(*)).

    Les FDLR ont annoncé officiellement début avril 2005 qu'elles acceptaient de renoncer aux armes et de rentrer au Rwanda. D'autres membres de FDLR sont déjà rentrés au Rwanda depuis plusieurs années. Mais attention, les rebelles hutus présents en RDC ne sont pas tous d'ex-génocidaires. À l'inverse, tous les exilés rwandais qui ont pris part au génocide ne sont pas établis dans l'Est de la RDC. Ceux qui, en revanche, se trouvent bel et bien sur le théâtre des opérations militaires sont alliés aux rebelles hutus des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) qui, eux, ne peuvent être systématiquement assimilés aux artisans du génocide.

    Les FDLR sont loin d'être homogènes. Elles comprennent essentiellement:

    1. Des membres des ex-FAR et des milices interahamwes qui ont participé au génocide de 1994 ;

    2. Des ex-FAR qui n'ont pas participé aux massacres ;

    3. Des recrues « post-génocide » passées par les camps de réfugiés en Tanzanie et au Zaïre, entre 1994 - 1996, et qui constituent aujourd'hui le gros des troupes.

    Bâties sur les restes de l'armée gouvernementale de l'ancien régime rwandais, les Forces Armées Rwandaises (FAR), et des milices Interahamwe exilées au Congo après le génocide de 1994, les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) ont été fondées en 2000 dans l'Est du Congo. Leurs objectifs principaux sont la protection des réfugiés hutus rwandais disséminés dans cette partie du pays et la lutte contre le gouvernement en place à Kigali.

    Le sigle FDLR fait en réalité référence à la branche politique, implantée en Occident (en Allemagne surtout), tandis que le nom officiel de la branche armée est « Forces Combattantes Abacunguzi (FOCA) ». Cependant, parmi la population et les médias, l'appellation FDLR est de loin la plus courante. Par ailleurs, il faut noter qu'une proportion croissante de combattants est de nationalité congolaise, notamment des Hutus, représentant près de la moitié des effectifs totaux de combattants, estimés actuellement à environ 1 500, répartis dans les deux Kivu.

    En outre, à partir de 2005 dans le Territoire de Shabunda, et depuis 2011 dans plusieurs autres territoires du Sud-Kivu, les Raïa Mutomboki se sont soulevés contre les FDLR et leur cortège de violations des droits des populations locales, s'en prenant violemment à leurs suspectés sympathisants ; ce qui a permis d'éradiquer le groupe de pratiquement tout le Nord de la province. De plus, fin 2011 et début 2012, des tueurs à gages, apparemment commandités par Kigali, ont éliminé plusieurs chefs militaires de la milice, contribuant à l'affaiblissement de son commandement, encore accru par l'arrestation en Tanzanie et l'extradition au Rwanda d'un de ses principaux leaders au début de l'année 2013(74(*)). Enfin, des divisions internes entre « modérés » et « radicaux » et l'éparpillement des cellules encore actives relativisent encore davantage l'ampleur de la menace représentée par les FDLR.

    Actuellement, les FDLR subsistent encore dans une partie du Nord-Kivu, où ils seraient un bon millier de combattants dirigés par le Colonel Pacifique Ntawhunguka alias Omega, et dispersés dans le Nord du Territoire de Walikale, dans le Sud de celui de Lubero et dans ceux de Rutshuru et Masisi. A l'instar du Territoire de Shabunda, on les trouve également dans d'autres Territoires du Sud-Kivu, soit quelques centaines de combattants commandés par le Lieutenant-colonel Hamada Habimana et disséminés dans les Territoires de Mwenga, Uvira et Fizi.

    Leurs ressources proviendraient principalement de financements de la diaspora hutue rwandaise, de l'extorsion de biens sur les routes, des sites miniers et des marchés, et de la culture et la vente de cannabis. Peu de groupes armés s'aventurent encore à s'allier ouvertement aux FDLR. Au Sud-Kivu, elles collaborent avec les Hutus burundais des Forces Nationales de Libération (FNL) pour affronter les FARDC soutenues par divers groupes armés locaux.

    La population congolaise subit encore journellement les exactions de ces combattants déracinés et sans perspective de réintégration dans la vie civile, sinon après passage par les « fourches caudines » de Kigali. D'autre part, les diverses rébellions, comme celle du Rassemblement Congolais pour la Démocratie - Goma (RCD/Goma), soutenues par le Rwanda, et le gouvernement lui-même, ont souvent justifié leur action par le risque de « génocide » que ferait courir à la population tutsi la simple existence des FDLR. L'élimination de cette milice apparaît donc incontournable pour mettre fin à l'ingérence du Rwanda en RDC, elle-même en grande partie à la base de l'instabilité qui gangrène tout l'Est du pays.

    3.1.2.2. Allied Democratic Forces-National Army Of Liberation Of Uganda/ADF-NALU

    A l'origine, deux groupes armés ougandais étaient en lutte contre le pouvoir incarné par le Président Yoweri Museveni, les Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces/ADF) et l'Armée nationale pour la libération de l'Ouganda (National Army of the Liberationof Uganda/NALU) se sont unies en 1995, à l'instigation des services secrets zaïrois et soudanais, soucieux d'affaiblir un adversaire commun. Les ADF/NALU sont composées des groupes suivants, Allied Democratic Movement/ADM, Uganda Muslim Liberation Army/UMLA, et par National Army of Liberation of Uganda/NALU. Installées dans le massif de Ruwenzori, à la frontière entre la RDC et l'Ouganda, elles n'ont jamais réussi à s'implanter dans leur pays d'origine, malgré plusieurs attaques contre des localités frontalières et des attentats à Kampala. Cependant, aucune action d'envergure en sol ougandais ne semble y avoir été enregistrée depuis 2001, bien que les ADF-NALU y recrutent encore régulièrement des combattants, ce qu'elles font également dans d'autres pays d'Afrique orientale.

    C'est donc en territoire congolais, en particulier dans le Nord-est du territoire de Beni (Nord-Kivu), autour des localités d'Eringeti et Oïcha et dans la zone entre cet axe et la frontière ougandaise, que les ADF-NALU concentrent leurs activités. L'occupation ougandaise de la région ne semble guère avoir gêné le développement du groupe. C'est surtout après le retrait des forces ougandaises et le déploiement des FARDC, soutenues par la MONUC, que les ADF-NALU ont essuyé des revers militaires, en particulier entre 2005 et 2007. Suite à ceux-ci et à des négociations, tant avec la MONUC qu'avec le gouvernement ougandais, la branche NALU du groupe a accepté de se dissoudre et de participer à un programme de DDRRR, tandis que Kampala reconnaissait, en 2008, un « Royaume de Rwenzururu » à l'intérieur de ses frontières, la principale revendication à la base de la création de la NALU.

    Quant aux ADF, qui semblent avoir été créées en réaction à la répression des musulmans ougandais entreprise par Museveni après sa prise de pouvoir, elles ne paraissent pas avoir le profil-type d'une organisation terroriste à idéologie islamiste radicale que leur attribue le gouvernement de Kampala. Même si, depuis la disparition de la tendance NALU, tous les combattants des ADF doivent être d'origine musulmane ou se convertir à l'islam, elles n'ont jamais exprimé les objectifs politiques « classiques » des mouvements islamistes (instauration de la charia, d'un califat, etc.).

    Quoi qu'il en soit, les ADF encore fréquemment désignées sous leur ancien sigle ADF-NALU, semblent avoir forgé une alliance durable avec le groupe Al-Shebab « la jeunesse » en arabe, issu des tribunaux islamiques de Somalie et auteur d'attentats sanglants, notamment à Kampala (74 morts en juillet 2010) et à Nairobi (au moins 62 morts en septembre 2013 et plus de 300 en 2014). Des combattants des ADF auraient renforcé Al-Shebab en Somalie, ou se seraient entraînés dans ce pays, et réciproquement des combattants d'Al-Shabab seraient présents en RDC(75(*)). Toujours est-il que cette situation met particulièrement mal à l'aise la petite communauté musulmane du territoire de Beni, soupçonnée d'être complaisante envers les ADF et se plaignant de tensions accrues avec la communauté chrétienne.

    Contrairement à de nombreux groupes congolais, les ADF disposent d'un commandement centralisé. Leur chef, Jamil Mukulu, est à la tête du mouvement depuis 2007, tandis que les opérations militaires sont dirigées par Hood Lukwago. Le taux de désertion serait particulièrement faible, de même que le nombre de candidats à un processus DDRRR. Elles disposent d'une grande variété d'armes antiaériennes, ainsi que d'un important réseau de soutien et de financement, implanté notamment en Ouganda, au Burundi, en Tanzanie, au Kenya et au Royaume-Uni. En outre, elles tirent des revenus en « taxant » les exploitants de mines d'or, la production de bois et les motos-taxis dans leur zone d'activité.

    Selon des estimations minimales, leurs effectifs seraient compris entre 800 et 1 200 combattants, dont de nombreux Congolais d'ethnie Nande76(*), mais pourraient avoir crû récemment en raison d'une campagne de recrutement entamée vers la fin 2012. En tout cas, une recrudescence des activités du groupe a été constatée à partir de juillet 2013 ; outre des combats avec les FARDC et même avec la MONUSCO, des civils ont été victimes de meurtres, d'enlèvements et de pillages, qui ont entraîné la fuite de plusieurs dizaines de milliers de personnes, dont une partie s'est réfugiée du côté ougandais de la frontière.

    3.2. Stratégies d'éradication des groupes armés à Shabunda par les Pouvoirs publics

    La politique de lutte contre la prolifération des groupes armés menée par l'Organisation des Nations unies (ONU) et le gouvernement de la RDC peut se résumer en quatre grands axes :

    1. Désarmement, démobilisation et réinsertion sociale des enfants soldats ;

    2. Désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation et réintégration des combattants étrangers (DDRRR) ;

    3. Désarmement, démobilisation et réintégration des ex-combattants congolais (DDR) ;

    4. Les opérations militaires des FARDC.

    3.2.1. Désarmement, démobilisation et réinsertion sociale des enfants-soldats

    Les Nations unies ont, via l'UNICEF, soutenu dès 1999 les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion sociale d'enfants-soldats. Dans un premier temps, ces programmes de désarmement ont ciblé des enfants ayant appartenu aux Forces Armées Congolaises (FAC). Par la suite, l'UNICEF s'est attaché à assurer la réinsertion sociale et économique de milliers d'enfants ayant appartenu aux groupes armés qui n'avaient pas participé au programme officiel de DDR.

    Le bilan de ce programme est mitigé, dans la mesure où la participation de combattants armés à ce processus d'intégration militaire ou de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) n'a eu qu'un succès limité. Ceux d'entre eux qui se sont réintégrés dans la société locale se sont souvent retrouvés marginalisés et avec peu d'opportunités économiques qui les ont poussés à rejoindre de nouveau la brousse et reprendre avec la vie armée.

    3.2.2. Désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation et réintégration des combattants étrangers (Ddrrr)

    Dès février 2000, la résolution 1291 du Conseil de sécurité donne pour mandat à la MONUSCO, alors MONUC, d'élaborer un plan d'action systématique pour le DDRRR des groupes armés présents dans l'Est du Congo(77(*)). Dans un premier temps, l'avis du Secrétariat général et du Conseil de sécurité est qu'il faut comme préalable « que les groupes armés eux-mêmes acceptent d'être désarmés et démobilisés »(78(*)). En décembre 2000, le Conseil de sécurité « engage » ainsi « les parties, à coopérer pour faire avancer le désarmement, la démobilisation, la réinsertion et le rapatriement et la réinstallation » des groupes armés étrangers(79(*)).

    Le programme DDRRR est pris en charge par la MONUC en collaboration avec les programmes de réintégration des pays d'origine des combattants étrangers. Conformément à l'Accord de Lusaka, il vise les FDLR du Rwanda, les FNL (Forces Nationales de Libération) du Burundi et les ADF/NALU (Forces Démocratiques Alliées / Armée Nationale pour la Libération de l'Ouganda).

    L'accent est mis sur les combattants hutu rwandais et leurs dépendants (en majorité des FDLR) en raison d'une part de leur importance numérique, et d'autre part de leur impact négatif sur la sécurité de la population et sur la stabilité régionale.

    Notons qu'à l'exception notable de la Lord Resistance Army (LRA), la plupart des groupes armés burundais et ougandais ont volontairement quitté le territoire de la RDC après avoir conclu des accords de paix avec leurs gouvernements respectifs(80(*)). Cette politique n'a cependant qu'un succès très relatif.

    Au fil de la lecture des rapports du Secrétaire général sur la MONUC, il apparaît que seul un petit nombre de combattants étrangers et membres de leurs familles ont progressivement intégré les programmes DDRRR mis en place par la MONUC - avec l'aide de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), du Haut-Commissariat des Nations unies aux Réfugiés (UNHCR), du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et du Programme Alimentaire Mondial (PAM) - et consenti à rentrer dans leur pays.

    Aussi, en dépit de ses faibles succès, le DDRRR n'a guère permis de juguler le flot des armes légères dans l'Est du Congo. Considérant que le désarmement, la démobilisation et la cessation de tout soutien aux ex-Forces armées rwandaises et aux forces Interahamwe faciliteraient le règlement du conflit en RDC, le Conseil de sécurité est néanmoins régulièrement revenu à la charge. Tandis que le Gouvernement d'unité nationale et de transition se met en place, le Conseil de sécurité se fait de plus en plus pressant.

    En mars 2005, après que huit casques bleus guatémaltèques aient été tués par des combattants de la LRA dans le Nord-Est du Congo, le Conseil de sécurité demande au gouvernement congolais « d'établir avec la MONUC un concept conjoint d'opérations en vue du désarmement des combattants étrangers ». Le Conseil « insiste sur le fait que la MONUC est autorisée à utiliser tous les moyens nécessaires », et ce, y compris le recours aux « tactiques d'encerclement et de recherche pour prévenir des attaques contre les civils et perturber les capacités militaires des groupes armés illégaux qui continuent de faire usage de la violence dans ces régions »(81(*)).

    Ainsi, tandis que la MONUC affine sa stratégie en matière de DDRRR, la position minimaliste et attentiste de départ cède progressivement le pas à une politique plus proactive, plus offensive, ayant pour objet la traque et le désarmement forcé des combattants étrangers et qui amènera in fine les forces de la MONUC à soutenir les vastes opérations menées par les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) contre les groupes armés étrangers dans l'Est de la RDC.

    Tant et si bien que depuis le début de l'année 2009, les pressions diplomatiques et militaires (opérations « Umoja wetu », « Kimia II » et plus récemment « Amani leo ») exercées sur les groupes armés étrangers ont contribué à l'augmentation spectaculaire du nombre de candidats au désarmement volontaire et au rapatriement. Selon le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, Alan Doss, l'action de la cellule DDRRR de la MONUC a en effet permis, le rapatriement volontaire de plus de 1.500 ex-combattants FDLR et de plus de 2.000 de leurs dépendants en 2009.

    Par ailleurs, au cours de la même période, près de 15.000 civils rwandais ont été rapatriés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR), portant le total à 18.500 le nombre de Rwandais rentrés dans leur pays en 2009(82(*)).

    3.2.3. Désarmement, démobilisation et réintégration des ex-combattants congolais (Ddr)

    Les accords de cessez-le-feu de Lusaka de juillet 1999 ont été les premiers à mettre en place un cadre pour un processus DDR en RDC. Ils stipulaient que les armées étrangères devaient retourner dans leur pays d'origine et que la future force de maintien de la paix des Nations unies aura pour mandat de « traquer et désarmer les groupes armés » et « élaborer toutes les mesures (persuasives ou coercitives) jugées appropriées pour atteindre les objectifs de désarmement, de rassemblement, de rapatriement et de réintégration dans la société des membres des groupes armés »83(*), et ce, y compris les éléments des ex-Forces Armées Rwandaises et des milices interahamwe.

    Il a cependant fallu attendre l'Accord global et inclusif du 17 décembre 2002 dans le cadre du Dialogue inter-congolais pour avoir un cadre consensuel pour les actions de DDR axées sur les forces armées et les combattants congolais.

    L'Accord global et inclusif a confié au Conseil supérieur de la Défense une mission de concertation sur le désarmement des groupes armés et la formation d'une nouvelle armée nationale restructurée et intégrée. Ainsi, le décret présidentiel n°03/027 du 16 septembre 2003 a désigné les ministères de la Défense nationale, des Affaires sociales et de la Solidarité et des Affaires humanitaires pour jouer le rôle de points focaux pour le DDR. Ensuite, l'arrêté du ministre de la Défense nationale n°027/2003 du 18 octobre 2003 a institué le Comité Technique de Planification et de Coordination du DDR (CTPC/DDR), un mécanisme de concertation avec les partenaires internationaux en matière de DDR et d'animation de la phase intérimaire.

    Sa mission a été notamment la préparation d'un programme national et de la gestion des urgences du DDR. Le 18 décembre 2003, le Président de la République a promulgué trois autres décrets (03/041, 03/042, 03/043) instituant les structures de gestion du programme national de DDR : le Comité interministériel chargé de la conception et de l'orientation en matière de DDR (CI-DDR) ; la Commission nationale du DDR (CONADER) ; le Comité de gestion des fonds de DDR (CGDDR) chargé de la gestion financière et de la passation des marchés.

    Ce CGDDR ayant connu de nombreux dysfonctionnements, il a été dissout en avril 2005 et a vu ses missions être confiées à la CONADER. Celle-ci était chargée de mettre en oeuvre le Programme national de DDR (PNDDR) alors que la structure militaire d'intégration, créée par le décret présidentiel n° 04/026 du 26 janvier 2004, devait s'occuper du brassage et de la formation d'une nouvelle armée nationale.

    Les deux structures n'ont été effectivement opérationnelles qu'à partir de la deuxième moitié de 2004. La complexité du DDR congolais, liée notamment à la persistance de divers conflits après la signature de l'Accord de paix global, la multiplication des intervenants, les faiblesses du gouvernement et la diversité des forces et groupes armés concernés, explique les lenteurs de la mise en place du Programme national de DDR.

    3.2.4. Les opérations militaires lancées par les FARDC contre les groupes armés

    Les politiques adoptées jusqu'à présent pour venir à bout des groupes armés n'ont pas réussi à empêcher leur prolifération. Elles ont même été contre-productives. Précédemment, l'un des principaux moyens de convaincre les groupes armés congolais de déposer les armes avait consisté à négocier leur intégration dans les Forces Armées de la République Démocratique du Congo.

    Dans ce cadre, des représentants du gouvernement, souvent des officiers FARDC et des politiciens, ouvraient des négociations secrètes avec les dirigeants des groupes armés concernant les modalités de leur intégration. Ces modalités concernaient, dans la plupart des cas, l'obtention de grades et de postes au sein des FARDC (84(*)), un versement en espèces et d'autres formes de paiement informel et, dans certains cas, une garantie de ne pas redéployer les troupes dans des zones éloignées de leur ancien fief.

    Aux groupes armés qui avaient un agenda politique, on promettait parfois de répondre à leurs revendications politiques, même si celles-ci n'apparaissaient pas forcément dans les accords écrits. Il était d'ailleurs rare que leurs revendications soient écoutées, les différentes parties s'accusant mutuellement d'avoir bafoué les modalités de l'accord.

    Le fait de promettre des grades et des postes élevés aux chefs des groupes armés et de leur conférer une impunité pour leurs crimes passés, a incité d'autres à prendre les armes. En outre, il est arrivé que des officiers intégrés désertent de nouveau s'ils jugeaient que les traitements qu'ils avaient perçus étaient décevants, s'ils craignaient d'être persécutés ou si l'on cherchait finalement à les redéployer loin de leur ancien fief.

    Dans d'autres cas, seuls les principaux chefs des groupes armés ont été intégrés dans l'armée, les troupes continuant d'opérer sous les ordres de différents commandants. Ainsi, la politique axée sur des négociations et une intégration dans l'armée n'a que rarement réussi à éliminer définitivement les groupes armés(85(*)). Elle a plutôt instauré un cercle vicieux, en cela que les dividendes de la paix attendue ont mis en place des structures d'incitation en faveur d'une mobilisation armée.

    Outre l'intégration militaire, l'autre stratégie destinée à venir à bout des groupes armés - de plus en plus répandue depuis 2009, a consisté à lancer des opérations militaires. Bien que ces opérations aient dans certains cas affaibli les différents groupes, elles n'ont guère permis d'endiguer la mobilisation armée générale, comme l'illustrent trois opérations militaires menées successivement de 2009 à 2012 : Umoja Wetu (« Notre unité »), Kimia (« Silence ») II et Amani Leo (« La paix aujourd'hui »). Ces opérations ont permis de déloger et de disperser certains des plus gros mouvements rebelles qui jouaient un rôle dominant au sein de leurs fiefs, notamment les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR). D'autres groupes ont complètement disparu suite à l'intégration de l'armée dont le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) et la Coalition des Patriotes Résistants Congolais (PARECO).

    Les zones précédemment contrôlées par ces groupes ont fait l'objet d'une profonde fragmentation. Les FARDC n'ont pas réussi à occuper et sécuriser ces zones, laissant la population en proie à des attaques de représailles et des actes de pillage. Ce phénomène a d'une part conduit à l'apparition d'un espace permettant à d'autres groupes armés de circuler et, d'autre part, il a été perçu comme justifiant une nouvelle mobilisation à des fins d'« auto-défense », en particulier dans les zones sujettes à une forte dynamique des conflits locaux.

    Malgré le peu de réussite qu'ont connu les opérations militaires dans la lutte contre la mobilisation armée, le gouvernement a continué d'y recourir avec vigueur. Le gouvernement de Kinshasa, face à l'échec de plusieurs processus de négociation et d'intégration menés en 2012 et 2013, a décidé de mettre un terme à l'intégration globale des groupes armés au sein des FARDC.

    Les combattants rebelles peuvent encore aujourd'hui être intégrés dans l'armée, mais à titre individuel et seulement après avoir suivi une formation dans les bases militaires de Kamina ou de Kitona. Ceux qui souhaitent regagner la vie civile peuvent, en théorie, passer par un nouveau programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) annoncé en décembre 2013.

    Entre-temps, les opérations Sokola (« Nettoyer ») I et II, lancées en 2014 et 2015 contre les mouvements rebelles étrangers des FDLR et des Allied Democratic Forces (Forces démocratiques alliées, ADF), ont accentué la volatilité et la fragmentation, d'autant plus que ces groupes sont profondément ancrés dans la politique locale.

    Chapitre III. LES IMPLICATIONS DES GROUPES ARMES SUR LES CONDITIONS SOCIOECONOMIQUES DE LA POPULATION DE SHABUNDA

    Pour comprendre la lecture des conditions socio-économiques de la population de Shabunda, faisons d'abord une analyse sur les guerres à l'Est de la RD Congo et la transformation de la mobilisation armée. La première guerre du Congo éclata en 1996 suite à l'insurrection, appuyée par le Rwanda, de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL). Elle déclencha une mobilisation armée dans tout l'Est du pays. Tandis que certains groupes se mobilisèrent contre l'invasion rwandaise et ougandaise, d'autres se mirent à soutenir la rébellion de l'AFDL. Bien que la milice Maï Maï aie provoqué une forte insécurité dans les zones rurales et alimenté des tensions constantes au sein des communautés, elles restèrent morcelées, de faible envergure et repliées sur elles-mêmes, incapables d'influencer la situation au-delà de leurs fiefs locaux. Ce fut lors de la deuxième guerre du Congo - qui éclata lorsque les relations se détériorèrent entre le Président Laurent-Désiré Kabila et ses partisans rwandais-que ces milices se mirent à prospérer, avec le soutien de Kinshasa et de groupes armés étrangers.

    Petit à petit, les guerres du Congo modifièrent la nature des groupes armés, les milices rurales ancrées au niveau local se retrouvant mêlées à des réseaux dirigés par des élites des secteurs politiques et des affaires. Ces réseaux de milices favorisèrent et, en même temps, furent encouragés par le développement d'une économie de guerre stimulée par la taxation illégale, la contrebande et le racket. Si cette économie permit à certains de s'enrichir rapidement, des millions de civils en dépendirent pour leur survie et n'eurent souvent pas d'autre choix que de collaborer avec les groupes armés(86(*)). La montée en puissance des dirigeants militaires, qui s'impliquèrent étroitement dans l'administration locale, affaiblit encore davantage les structures de l'autorité et la cohésion sociale. Alors que, dans les années 1990, les milices s'appuyaient sur le soutien des chefs coutumiers et des communautés locales, ces liens s'affaiblirent lorsque les leaders militaires devinrent autonomes dans leur manière de dégager des revenus et furent aidés par leurs relations à Kinshasa, avec des groupes armés étrangers et des réseaux commerciaux régionaux. En même temps, le vaste recrutement de jeunes fit apparaître une génération militarisée de plus en plus détachée des chefs coutumiers, des anciens des villages et des parents. Étant désormais moins dépendants, et moins redevables, à l'égard des autorités locales, le comportement des groupes armés envers les civils se détériora, et les exactions physiques, le travail forcé et la taxation illégale devinrent légion.

    Pour sa part, le groupe Maï-Maï rencontrera différents défis lors de la transition politique de pouvoir de 2003 - 2006 en RD Congo, qui inciterait beaucoup à reprendre les armes. Le gouvernement et les forces armées étaient en grande partie dirigés par le biais de réseaux clientélistes : pour obtenir une promotion ou accéder à des sources informelles de revenus, il était primordial d'avoir des connaissances parmi les leaders militaires ou politiques influents. Or, les différents commandants Maï-Maï qui se braquèrent contre l'intégration ne jouissaient souvent pas de telles relations d'élite. Un grand nombre d'entre eux n'avait reçu qu'une formation militaire rudimentaire ; certains n'avaient pas bénéficié d'une instruction de base ; ce qui réduisait leurs chances de promotion.

    Par ailleurs, certains hésitaient à quitter leur secteur vu les problèmes de sécurité causés par d'anciens adversaires qui refusaient de démanteler leurs groupes armés(87(*)). Les rares commandants Maï-Maï qui obtinrent des postes importants, comme le général Padiri Bulenda, se servirent de leur nomination pour récompenser des membres de leur propre famille ou communauté ethnique, écartant ainsi un grand nombre de leurs anciens collègues commandants. Parmi les délégués Maï-Maï qui participèrent aux pourparlers de paix en Afrique du Sud, les deux qui représentèrent les groupes les plus importants, Anselme Enerunga, du mouvement de Padiri, et Kosco Swedy, du groupe de Dunia, finirent par être excommuniés par leurs commandants sur le terrain. La marginalisation des réseaux Maï-Maï coïncida avec l'accélération de leur fragmentation, qui les rendit vulnérables à toute tentative de manipulation de la part du gouvernement de Kinshasa, lequel chercha à contrôler ces groupes en cooptant certains de leurs leaders. En tout, les groupes armés de tout l'Est du Congo reçurent 13 des 620 sièges au parlement de transition, quatre des 63 postes ministériels, et un des 11 postes de gouvernements provinciaux. Mais cette manière de distribuer les postes à compte-gouttes fit de nombreux mécontents. Un officier Maï-Maï a ainsi expliqué : « Nos délégués sont arrivés à Kinshasa puis se sont mis à vendre les postes auxquels nous pouvions prétendre. Des gens qui n'avaient rien à voir avec les Maï-Maï ont ainsi pu acheter un des postes militaires ou politiques qui nous revenaient. C'est notre propre faiblesse interne qui a permis de tels agissements. »(88(*)). Du fait de ces différents développements, des dizaines de commandants Maï-Maï dissidents regagnèrent le maquis entre 2007 et 2009. L'insécurité permanente, due en partie aux groupes armés étrangers comme les FDLR, et la perpétuation des conflits locaux firent qu'ils n'eurent aucun problème à attirer des recrues et à mobiliser un soutien. En l'absence d'une armée solide et impartiale, le sentiment selon lequel l'autodéfense communale était justifiée et nécessaire fut encore renforcé.

    La compréhension des conditions d'émergence des conflits, dans leurs contextes spécifiques peut devenir un précieux outil pour l'élaboration d'initiatives préventives ou des réponses ajustées lorsqu'une situation est en passe de se dégrader(89(*)).

    L'analyse des implications des groupes armés sur les conditions socioéconomiques de la population de Shabunda porte sur deux aspects. Le premier aspect analyse ces implications du point de vu négatif et l'autre du point de vu positif.

    Section 1. Les implications négatives des groupes armés

    Le développement de toute entité administrative, grande ou petite soit-elle, repose sur la paix. Il n'y a donc pas de progrès sans la sécurité que SPINOZA(90(*)) perçoit comme un premier besoin d'un État. C'est pourquoi les pouvoirs publics doivent être capables de créer et de maintenir un environnement stable. La longue instabilité que le Territoire de Shabunda a connue et continue de connaître explique, dans une large mesure, son sous-développement. A ce point, il importe de présenter ces implications négatives dans les lignes qui suivent et cela de la manière ci - après : groupes armés et exploitation illégale et pillages des ressources, groupes et déplacement et pillage des biens de la population, groupes armés et déstabilisation des activités économiques et flambée des prix des produits alimentaires, enfin, groupes armés et recrutement forcé des enfants et jeunes dans l'armée.

    1.1. Groupes armés et exploitation illégale et pillage des ressources

    Shabunda, à l'instar de l'ensemble des autres territoires du Sud - Kivu, est l'illustration exemplaire de la « malédiction des matières premières » dénoncée par maintes ONG. La guerre, l'exploitation des ressources naturelles et la corruption s'auto entretiennent.

    Les activités d'exploitation et de commercialisation des ressources de Shabunda sont situées principalement dans le secteur informel qui ne respecte pas le droit congolais. Le contexte de Shabunda est hautement criminalisé et les groupes armés locaux, étrangers ainsi que les entreprises et les particuliers trouvent un intérêt à la perpétuation de la guerre. En situation de déclin économique, l'exploitation et l'exportation des ressources minières sont souvent illégales. Il y a pillage plus ou moins important.

    La valeur des gisements d'or que regorge le sous-sol de l'Est de la RD Congo est estimée à 28 milliards de dollars. Mais les richesses aurifères du pays, dont la majeure partie est exploitée artisanalement, sont depuis longtemps mal utilisées. Convoités par des groupes armés et des élites corrompues, les revenus générés par le secteur aurifère artisanal de l'Est du Congo ont trop souvent financé la corruption ou alimenté les exactions et les conflits violents plutôt que de contribuer à atténuer la pauvreté qui touche la région(91(*)).

    L'enquête de Global Witness sur la récente ruée vers l'or le long de la rivière Ulindi, dans le Territoire de Shabunda, révèle l'ampleur des problèmes qui rongent le secteur aurifère artisanal de la région. Le boom d'Ulindi a débouché sur la production de plus d'une tonne d'or par an, d'une valeur approximative de 38 millions de dollars, dont ont notamment bénéficié des groupes armés et une société chinoise aux pratiques prédatrices, Kun Hou Mining, en lieu et place de la population locale.

    Les recherches de Global Witness révèlent que Kun Hou Mining a versé 4.000$ au groupe armé Raïa Mutomboki opérant sur les rives de la Ulindi et leur a donné deux fusils d'assaut AK-47 pour s'assurer l'accès aux riches gisements aurifères présents dans le lit de la rivière. Kun Hou Mining a opéré quatre dragues semi-industrielles le long de la Ulindi durant le boom. Les membres de ce groupe armé ont aussi gagné jusqu'à 25.000$ par mois en prélevant régulièrement des taxes auprès des travailleurs des dragues de fabrication locale qui effectuaient la dangereuse tâche d'aspirer manuellement l'or du lit de la rivière.

    Les dragues opérées manuellement le long de la rivière ont atteint le nombre de 150 au plus fort de la ruée vers l'or. Les autorités du Sud-Kivu chargées de superviser le secteur aurifère artisanal de la province ont semblé défendre Kun Hou Mining plutôt que de faire appliquer la loi et de réclamer des comptes à la compagnie pour ses activités illégales.

    Dans certains cas, ces mêmes autorités ont oeuvré de pair avec des hommes et femmes en armes appartenant au groupe armé Raïa Mutomboki pour taxer illégalement les creuseurs artisanaux, en violation de la loi congolaise. Les autorités du ministère des mines à Bukavu, la capitale régionale, ont falsifié des déclarations d'origine pour les petites quantités d'or artisanal de Shabunda qui ont été officiellement exportées afin de masquer leur origine, laquelle est considérée « à haut risque » au regard des normes internationales(92(*)).

    D'après nos investigations, au moins 12kg d'or de la Ulindi ayant bénéficié à des groupes armés ont été exportés par un comptoir d'achat d'or du Sud-Kivu avec comme destination Dubaï. Mais la majeure partie de l'or extrait lors du boom, ainsi que les taxes prélevées sur cet or, se sont volatilisées, ayant presque certainement été sorties du pays clandestinement.

    Dans les comptes provinciaux du Sud-Kivu pour 2014 et 2015, aucun signe de ruée vers l'or n'apparaît. Le boom aurifère a laissé la ville de Shabunda pratiquement dans l'état où il l'avait trouvée : celui d'une enclave défavorisée, sans routes, sans eau courante ni électricité, avec une population vivant dans une extrême pauvreté.

    Une lettre datant de février 2015 et émanant du groupe maï maï Raïa Mutomboki confirme que ce dernier a réçu 4000 USD et deux fusils d'assaut AK-47 de KUN HOU MINING pour « collaboration et installation de leurs machines (dragues) ». La lettre, adressée à Franck de Kun Hou, indique également que les hommes armés ont reçu 24 Motorola et quatre cartons de biscuits.

    Il sied de signaler que les groupes armés ont impacté négativement sur l'économie du pays en ce sens que le respect de normes établies sur la réglementation de l'exploitation et l'exportation des ressources minières au Sud - Kivu et à Shabunda particulièrement n'a pas été observé.

    A cet effet, un programme régional a été mis en place par la RD Congo et les États voisins pour lutter contre le commerce nuisible de minerais et faciliter l'accès des opérateurs responsables au marché, mais il doit encore faire la preuve de son utilité. La législation congolaise dispose que l'or ne peut être exporté du pays que s'il est accompagné d'un certificat délivré par le Centre d'Évaluation, d'Expertise et de Certification (CEEC). Le certificat du CEEC est censé confirmer que l'or provient d'une mine qui satisfait aux exigences énoncées par le Mécanisme Régional de Certification (MRC), un système de devoir de diligence établi par une organisation intergouvernementale de 11 États de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL).

    Les richesses minières de Shabunda ont la capacité de générer des recettes dont la Province du Sud - Kivu et le Territoire de Shabunda ont cruellement besoin. Un secteur aurifère artisanal géré de façon responsable pourrait bénéficier aux communautés locales pendant les décennies à venir. Mais aussi longtemps que le secteur aurifère artisanal sera manipulé par des sociétés aux pratiques prédatrices, par des groupes armés, ces richesses minérales finiront dans de mauvaises mains.

    1.2. Groupes armés et déplacement et pillage des biens de la population

    De tout temps, des gens ont été contraints à quitter leur maison, leur terre et leur village. Dans certains conflits, le transfert forcé des populations civiles est une arme de guerre et un moyen de créer des sociétés homogènes culturellement, politiquement, nationalement ou ethniquement. Le transfert forcé des populations diminue les chances de paix, déstabilise le territoire, la province voire le pays tout entier et constitue souvent un crime de guerre, voire un crime contre l'humanité.

    Le déplacement est un terme qui caractérise principalement les mouvements forcés des populations civiles en temps de guerre. Il inclut les mouvements de populations illicites, pour des raisons ayant trait au conflit, et licites, soit l'évacuation de la population si la sécurité de la population ou si d'impérieuses raisons de sécurité l'exigent. Le transfert forcé de population est une des formes illicites du déplacement.

    La dégradation de la situation sécuritaire dans le Territoire de Shabunda est une source principale de déplacement et la cause de pillage des biens de la population.

    Beaucoup de familles ont fui leur lieu d'habitation, perdant par là-même leur source de revenus. Ceci est particulièrement vrai pour les agriculteurs qui, quittant leurs terres, perdent en même temps leur moyen de subsistance.

    Selon les différents rapports du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA)93(*), de la société civile, parfois confirmés par l'administration territoriale, plusieurs milliers de personnes se sont déplacées dans un court intervalle et cette situation est motivée par la morosité de la situation sécuritaire due souvent à la présence des forces négatives dans le territoire.

    Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), plusieurs milliers de personnes se seraient déplacées entre le 16 et le 18 avril 2018 dans le groupement Baliga en raison d'incursions de groupe armé Raï Mutomboki dans un village appelé Parking.

    Drid Bampa, notable de Shabunda a déclaré que les populations du village de Parking s'étaient déplacées suite à l'incursion d'une faction de Raia Mutomboki appelée « Kokodikoko » qui a violé, pillé et volé les biens des populations. Pour l'instant, les populations se sont réfugiées dans les villages de Bulungu et Kigulube dans le groupement Bamuguba-sud(94(*)).

    Deux jours après, la localité de Bimpanga à une dizaine de kilomètres de Kigulube a elle aussi été victime d'une attaque d'un groupe armé dans la nuit du 19 au 20 avril 2018. Des cas des violences sexuelles et des pillages ont été également signalés. L'accès des populations à leurs champs est rendu difficile par cette insécurité grandissante.

    Beaucoup de familles ont quitté leur maison et leurs terres pour fuir les combats. Dans les camps de réfugiés par exemple, le rythme de vie et les occupations de tous les membres de la famille sont différents de ce à quoi ils étaient habitués : pas de champ à cultiver, pas de travail pour les adultes, pas d'école pour les enfants. Dans ces situations de rupture avec l'environnement familier, les relations entre adultes et enfants changent. C'est parfois la mort ou le départ du père ou du grand frère qui vient bouleverser la famille, laissant à la mère seule la responsabilité matérielle et morale d'élever les enfants.

    Le déplacement causé par les actions des groupes armés pousse les parents et les enfants à se retrouver séparer par des centaines de kilomètres et l'enfant n'a donc plus de contact avec sa famille. Dans les zones de conflit, une proportion importante d'enfants se retrouvent seuls, ne pouvant compter que sur leurs propres moyens pour survivre.

    1.3. Groupes armés et déstabilisation des activités économiques et flambée des prix des produits alimentaires

    La République Démocratique du Congo connait de nombreux surnoms. Deux d'entre eux sont particulièrement évocateurs : le « scandale géologique » et la « gâchette » de l'Afrique. L'un a été donné par les colonisateurs belges et l'autre par l'écrivain Frantz Fanon. Dans les deux cas, ils soulignent l'importance stratégique du pays. Qui est extrêmement riche en ressources naturelles et connu en tant que tel, est aussi tristement fameux pour son instabilité et ses conflits(95(*)).

    La RDC est dotée des richesses naturelles immenses, extraordinaires, mais que sa population ne profite pas comme il se doit. Nombreuses guerres qui s'y sont déroulées ont été alimentées pour l'essentiel par l'exploitation illicite des ressources naturelles. Pendant la guerre, de nombreux groupes rebelles ont financé leurs activités par l'exploitation des minerais. Le rapport n°213 des experts des Nations Unies du 12 avril 2001 affirme que les principaux motifs du conflit en RDC sont devenus l'accès, le contrôle ainsi que la commercialisation de cinq ressources minérales de première importance qui sont le Colombo-tantalite, le diamant, le cuivre, le cobalt et l'or. Nombreux penseurs ont qualifié le secteur minier d'« épine dorsale du développement économique de la RDC ».

    Depuis plus d'une décennie, le Territoire de Shabunda fait face à des conflits armés. Les conséquences énormes des conflits armés ne sont pas uniquement d'ordre sécuritaire, politique et social. Elles sont aussi d'ordre économique et consistent notamment dans la destruction des infrastructures de base : marchés, champs,... ayant pour conséquence la baisse de la production, de la commercialisation, de la circulation des personnes et de leurs biens. A titre illustratif, nous pouvons parler de la destruction du marché de Langalanga à plus ou moins 45Km de Shabunda - centre, chef du Territoire qui a été brulé par les rebelles maï maï en mai 2004. Ce lieu de négoce facilitait la transaction commerciale entre quatre de sept groupements qui composent la collectivité de Bakisi. Les champs de la population se voient détruit chaque fois que le milieu est occupé par soit les éléments des groupes armés, soit par les éléments de forces loyalistes qui viennent l'occuper après avoir délocalisé les milices, cela avec comme conséquence la flambée des prix des produits de première nécessité.  

    Le tissu économique en a été lamentablement détruit. Autrefois, le Territoire de Shabunda, grâce à l'agriculture et à l'élevage, était classé parmi les greniers du Sud-Kivu. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, les populations de ce territoire où sévit l'insécurité sont devenues presque dépendantes des territoires et pays voisins, surtout sur le plan alimentaire. On peut cependant noter qu'à présent, une relance se fait observer notamment à travers les investissements privés dans les secteurs agricole et minier et dans le petit commerce.

    Lorsque les bandes armées s'affrontent à Shabunda, les soldats tuent, violent les femmes, détruisent les récoltes, emportent les bétails, brulent les maisons, etc., les champs sont abandonnés, les récoltes qui échappent à la destruction sont confisquées par les seigneurs de guerre. Cela entraine la baisse du niveau des revenus de la population avec toutes les conséquences y afférentes, notamment la pauvreté de masse et surtout dans les villages sous contrôle des bandes et groupes armés.

    Il sied de signaler aussi que dans cette partie de la Province du Sud-Kivu, plusieurs fois la société civile locale a lancé une campagne de sensibilisation pour la désobéissance fiscale en refusant de payer toute taxe ou impôt suite à la persistance de l'insécurité et le délabrement très avancé des infrastructures suite aux multiples guerres et insécurités que connait ce territoire. Cette état de chose arrive à créer un ralentissement et une paralysie des activités économiques dans cette contrée.

    1.4. Groupes armés et recrutement forcé des enfants et jeunes dans l'armée

    Des groupes armés s'opposent pour des raisons politiques, économiques ou ethniques. Pour augmenter leurs effectifs et légitimer leurs actions, ces groupes se lancent dans des actions de propagande auprès de la population. Le premier leitmotiv est de parler du danger que représente l'ennemi. Sur ce discours, se greffe l'appel à la résistance et à la protection des proches. L'argumentaire présente alors l'engagement comme un devoir moral vis-à-vis de la communauté.

    Il n'y a plus qu'un pas à franchir pour qualifier de traîtres ceux qui ne prennent pas les armes. La pression exercée sur la population s'intensifie et il devient de plus en plus difficile de ne pas répondre à l'appel.

    La République Démocratique du Congo connaît une suite de guerres pratiquement sans interruption depuis le milieu des années 1990. Les conflits armés de 1994, 1997, 1998/1999 et 2000/2002 se sont succédé, passant d'une zone à l'autre du pays. Or, plus les guerres s'enlisent, plus le risque de recruter des soldats de plus en plus jeunes s'accroît.

    En effet, le « réservoir » d'hommes adultes s'amenuise et il faut bien puiser là où les « réserves » sont disponibles et abondantes. Ainsi, même si les enfants de moins de 18 ans ne sont pas spécifiquement recherchés par les militaires, ceux-ci auront tendance à faire quelques entorses aux procédures et recruter des mineurs si l'occasion se présente pour renflouer leurs rangs.

    A Shabunda par exemple, les éléments de groupes armés, ici considérés comme les recruteurs avancent multiples raisons pour procéder au recrutement des enfants dans leur groupe. Parmi ces raisons nous pouvons citez les suivantes :

    - Les enfants sont courageux, ils n'ont pas conscience de la mort. Au nom de cette inconscience, les adultes vont envoyer les enfants dans les situations les plus risquées ;

    - Ils sont dociles, facilement manipulables ;

    - Ils sont compétents ;

    - Ils sont résistants, dynamiques ;

    - Ils sont une main-d'oeuvre, bon marché.

    Tous ces arguments avancés par les recruteurs peuvent aisément être dévoilés : le « courage » des enfants est souvent le résultat d'un dopage physique et moral des enfants. La « docilité » est facilement obtenue grâce aux nombreuses et cruelles punitions que subissent les enfants en cas de désobéissance. Les prétendues résistance, compétence, efficacité des enfants font partie du discours flatteur par lequel les responsables des groupes armés « tiennent » aux jeunes. Quant à l'affirmation sur le faible coût des enfants, cela tient tout simplement aux promesses non tenues des recruteurs. Ils promettent aux enfants qu'ils seront payés comme les adultes et n'en font rien.

    Groupes armés qui ont besoins des combattants, avec une préférence pour les enfants

    251654144

    Enfants en situation précaire :

    · Economique

    · Sociale

    · Familiale

    · Psychologique

    251653120Modèle de recrutement des enfants dans les groupes armés

    251655168 Enrôlement volontaire

    251656192

    Enlèvement, Conscription,

    Recrutement quasi-forcé

    Source : Bureau International du Travail

    Il nous parait important de commenter ce modèle de recrutement des enfants dans les groupes armés qui passe par l'enfant en situation précaire qui cohabitent avec les groupes armés et se recherchent, le recrutement, et l'enlèvement.

    a. Enfants en situation précaire et groupes armés cohabitent et se recherchent

    On se retrouve donc dans une situation explosive où les enfants doivent trouver une solution pour assurer leur survie et côtoient des groupes armés qui sont à la recherche de combattants. Ce contexte, combiné à la pression ambiante, agit comme un véritable « champ magnétique » où les deux groupes s'attirent et conduit de nombreux jeunes à demander leur enrôlement.

    Selon l'observation du terrain, les enfants «volontaires » représentent la majorité des enfants membres des groupes armés. Cependant, tous les enrôlements ne sont pas aussi « naturels » et il existe des enfants qui ont été recrutés de force par les groupes armés. Bien sûr, la large proportion d'enfants qui s'enrôlent de leur propre gré peut faire croire à une situation où les enfants s'enrôlent librement.

    L'observation de terrain montre que ce n'est pas le cas. Dans un premier temps, il apparaît que les frontières entre ces différents modes de recrutement sont loin d'être étanches, perméables. D'autre part, l'analyse des décisions personnelles prouve que dans la plupart des cas, il s'agit d'un choix fait sous de nombreuses pressions et dans l'ignorance des conséquences. Cette ambiguïté sur le « volontariat » est illustrée par la différence d'appréciation sur les conditions de recrutement entre les jeunes toujours engagés au moment de l'enquête et ceux qui sont sortis des groupes armés.

    b. Le recrutement

    Les rebelles viennent à la maison pour recruter les jeunes et les menacent si une fois ils refusaient de les suivre. Ces jeunes finissent par accepter parce que même si les rebelles ne les tuaient pas, ce peut - être ils peuvent être victimes des militaires qui pourraient le faire de toute façon.

    Néanmoins, la pression exercée dans certaines zones par les autorités militaires pour inciter les jeunes à rejoindre les rangs de l'armée peut être assimilée à un recrutement forcé.

    Dans le cadre de cette étude, nous avons distingué deux types de recrutement en fonction de l'observation de terrain :

    - Le recrutement forcé s'applique à tous les cas où l'enfant n'a pas eu le choix de refuser. Il peut s'agir de pressions morales ou d'obligation de se présenter ;

    - Enfin, la décision personnelle concerne les situations dans lesquelles l'enfant a fait lui-même la démarche d'aller vers le groupe armé.

    c. L'enlèvement

    L'enlèvement recouvre les situations dans lesquelles les enfants ont été pris de force, sous la menace d'armes. Plusieurs enfants ont été enlevés ou ont subi des menaces les forçant à s'enrôler. D'après tous les témoignages sur ce sujet, les groupes armés qui pratiquent l'enlèvement choisissent un moment favorable pendant lequel il y a peu ou pas d'adultes autour des enfants. Il peut s'agir d'enlèvements collectifs ou individuels.

    Nous pouvons déjà signaler que les enlèvements sont suivis de conditions plus difficiles que, dans les autres cas de recrutement, les enfants subissent des violences plus grandes et qu'ils sont envoyés au combat plus rapidement.

    Section 2. Les conséquences positives des groupes armés à Shabunda

    Les considérations ci - haut évoquées montrent que les groupes armés à Shabunda ont des implications négatives sur la population, mais au-delà de tous ces aspects, les groupes armés ont aussi contribué à l'amélioration des conditions existentielles de la population et cela dans divers domaines de la vie sociale, économique et politique.

    Les conflits armés sont perçus comme des phénomènes irrationnels. Qu'elle que soit la nature des motivations justifiant l'éruption des conflits armés, la violence, sur le plan individuel et collectif, ces motivations exercent de multiples fonctions(96(*)).

    Ainsi, un individu qui décide de s'engager dans une activité sociale violente telle que la rébellion, laisse tomber sa fonction productive au détriment d'une fonction d'appropriation. Il est évident que son choix s'inscrit dans un contexte précis puisque les individus évoluent dans un environnement contraignant.

    Ils (les individus) choisissent une activité dans le but d'assouvir leur désir de prédation, d'assurer leur survie physique et économique ou de défendre une cause en laquelle ils croient. Ainsi, il semble évident que les facteurs économiques influencent la stratégie et le comportement des acteurs participants aux activités des groupes armés. Cela favorise souvent l'émergence d'une économie de guerre et d'une dynamique conflictuelle

    La nature et l'intensité des griefs sociaux, économiques et politiques présents à Shabunda constitueraient un contexte propice à l'émergence d'un mouvement des groupes armés.

    La décennie de guerre et conflits violents qu'a connus Shabunda n'a pas seulement engendré morts d'hommes, réfugiés et destructions, mais aussi d'importants changements sociaux et économiques. Au lieu de conduire à un effondrement, l'activité des groupes armés à Shabunda semble avoir la potentialité de créer un système alternatif de profit, de pouvoir et de protection qui aboutit à l'existence de diverses structures informelles de gouvernance.

    Ainsi, groupes armés et autodéfense locale, groupes armés et promotion des originaires de Shabunda dans les hautes fonctions de l'Etat, groupes armés et promotion des humanitaires et ONG tels sont les points qui feront l'objet de l'analyse de cette section.

    2.1. Groupes armés et autodéfense locale

    Les populations locales ne sont pas seulement des acteurs passifs dans les zones en conflit, ni simplement soumises à la coercition d'acteurs armés. De même, les acteurs armés ne font pas qu'exploiter ou maltraiter les communautés des zones dans lesquels ils opèrent(97(*)).

    Les seigneurs de guerre ne sont pas seulement des agents de violence et de destruction, comme on peut le croire, mais procurent à la population une relative sécurité.

    La RD Congo peine, en effet, à assurer son autorité sur l'ensemble de son territoire et à garantir à la fois les services de base, la sécurité humaine et la sécurité territoriale.

    Shabunda est reconnu pour ses énormes richesses en ressources minières, notamment en or, cassitérite, Coltan et wolframite. Cette manne a naturellement attiré les rebelles des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) qui y sont installés en maîtres, tirant leurs revenus de ces richesses, et par la même occasion, terrorisant les populations locales.

    Depuis le départ d'une trentaine de compagnies des Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC) en formation, les FDLR se sont incrustées dans le vide ainsi créé de quatre mois et dix-huit jours, occupant les sites stratégiques de Kabulu, Misima, Katombi, Biangama, Gombo, Mulungu, Nianzi, Ngoma, Kashei, tous situés à Shabunda. Dans cette zone dont ils ont le quasi-monopole des richesses, il règne une insécurité évidente caractérisée par des prises d'otages pour transporter les biens pillés ou demander des rançons, mais également des attaques à mains armées sur les populations, ainsi que des viols et autres types de violence.

    Désespérés et seuls face à leur sort, les habitants de Shabunda ont décidé de prendre en main leur propre sécurité. C'est ainsi que certains notables et leaders d'opinion ont suscité la résurgence du groupe d'auto-défense Maï Maï (Raïa Mutomboki) pour protéger les populations contre les rebelles rwandais. Ces éléments de Raïa Mutomboki, sont arrivés à mettre hors du territoire, les éléments du groupe armé de Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda, FDLR en sigle, qui commettaient des exactions contre la population.

    2.2. Groupes armés et promotion des originaires de Shabunda dans les hautes fonctions de l'Etat

    Pour les acteurs politiques, l'instauration de liens avec les groupes armés présente de nombreux avantages. Premièrement, elle renforce leur pouvoir au sein de leur circonscription. Elle leur permet d'accroître leur influence sur les autorités locales, mais elle leur confère aussi un avantage dans les conflits et dans le cadre de la compétition électorale et économique. En outre, l'établissement de liens avec des groupes armés permet aux acteurs politiques d'accroître leur soutien populaire, surtout lorsque ces groupes armés sont perçus comme protégeant les intérêts et la sécurité des communautés.

    Une position de pouvoir renforcée au niveau local peut ainsi se traduire par un accès accru aux cercles du pouvoir provinciaux et nationaux. Grâce à l'influence qu'ils exercent sur les groupes armés et à leur capacité à mobiliser des partisans à l'échelon local, les politiciens et les hommes d'affaires deviennent des personnalités avec lesquelles il faut compter.

    Les individus au pouvoir se retrouvent donc contraints de s'assurer du concours de ces groupes pour éviter qu'ils ne provoquent une insécurité et qu'ils n'agissent contre leurs intérêts.

    Les groupes armés en tant qu'organisation politique, fondent leurs discours ou leurs actions sur des motifs multiples, notamment la lutte contre la répression politique ou l'atténuation des injustices socioéconomiques.

    Parlant des groupes armés à Shabunda, nous observons que ces mouvements luttent pour l'atténuation des injustices socioéconomiques auxquelles la population de cette entité fait face. Cet acte pousse le pouvoir public à prendre des mesures pouvant arriver à mettre fin à l'injustice que la population dénonce par et à travers les groupes armés.

    Au niveau politique, il existe deux grandes théories qui entrainent l'éclatement des groupes armés(98(*)). Il s'agit de la théorie des inégalités horizontales et la théorie des Etats défaillants défendues par plusieurs auteurs en science politique.

    Les inégalités horizontales sont des inégalités parmi des groupes de personnes. Elles contrastent avec les inégalités verticales, qui sont des inégalités entre tous les individus d'une société(99(*)). Les inégalités horizontales sont avant tout importantes en raison de leurs répercussions sur la justice et la stabilité sociales. En outre, les importantes inégalités horizontales dans une société sont susceptibles de nuire au pluralisme, car elles engendrent des griefs entre les groupes et une insatisfaction dans la société.

    Les inégalités horizontales sont multidimensionnelles. D'importantes dimensions incluent les inégalités de statut économique, social et politique et de reconnaissance culturelle. Chaque dimension inclut un certain nombre d'éléments : les inégalités économiques englobent les inégalités en matière de revenu, d'actifs, d'emploi, ..., les inégalités sociales sont les inégalités dans les réseaux sociaux et dans l'accès aux services de base. La dimension politique comprend la représentation dans le gouvernement central et local, dans la bureaucratie, dans l'armée et dans les partis politiques(100(*)).

    Une bonne raison de se préoccuper des inégalités horizontales est qu'elles sont injustes. Aucune raison ne saurait justifier que des personnes reçoivent une rémunération inégale ou qu'elles aient un pouvoir politique inégal simplement parce qu'elles sont noires et non blanches, des femmes et non des hommes, d'une ethnie plutôt que d'une autre. Le bien-être et le respect de soi souffrent lorsque les gens font partie d'un groupe défavorisé et victime de discrimination.

    La population de Shabunda perçoit des inégalités horizontales dans la gestion des affaires publiques. Cette frustration l'amène à utiliser la violence afin d'obtenir ou de maintenir son contrôle sur les institutions étatiques. Il existe quatre sources de différenciation entre la société : la participation politique, les actifs économiques, les revenus et l'accès à l'emploi ainsi que la situation sociale. Ainsi, une perception collective de disparités entre la société face à une ou plusieurs de ces sources produit un phénomène d'inégalité horizontale.

    La cooptation de certains fils originaires du territoire issus des groupes pour les hautes fonctions au niveau national, provincial et du territoire, est aussi l'un des aspects positifs que nous ne pouvons pas ignorer dans l'analyse de cette étude. Nous avons trouvé qu'il y a eu ceux qui sont nommés ministres au niveau national parce qu'ils étaient membres des groupes armés et après les négociations entre le gouvernement et le groupe Maï-Maï, il y a certains éléments qui ont été élevés au plus haut rang dans la gestion du pays.

    Grâce aux mouvements de groupes armés, il existe un nombre important des originaires du territoire dans le haut commandement de l'armée nationale et de la police nationale, où nous pouvons trouver les Lieutenants, les Capitaines, les Majors, les Colonels, les Généraux, tous issus des groupes armés ; aspect qui ne s'est jamais observé depuis plusieurs décennies à Shabunda.

    2.3. Groupes armés et promotion des humanitaires et ONGD

    Au cours des vingt dernières années, un nouveau type d'acteur a connu un essor spectaculaire : les ONG. Celles-ci se présentent comme humanitaires et apolitiques et ont pour objectif de promouvoir des actions décentralisées, adaptées aux conditions locales et appelant à la participation active des intéressés. Dans la mesure où elles entretiennent des relations étroites avec la population cible, et en raison du caractère social plus que technique de leur préoccupation, les ONG semblent occuper une position particulière favorable pour aborder les problèmes socio-sanitaires dans toute leur complexité.

    La détérioration des conditions existentielles de la population due à la présence des groupes armés dans la partie Est de la République Démocratique du Congo a suscité la multiplicité de la présence des organisations humanitaires et associatives oeuvrant dans plusieurs secteurs de la vie sociale et économique dans la partie impliquée par ces conflits armés.

    Ainsi plusieurs actions, notamment le financement des projets, l'assistance médicale et éducative, l'appui technique aux petites entreprises, l'adduction d'eau, etc. ont-ils vu le jour pour aider la population économiquement faible en vue de réduire la pauvreté.

    Le Territoire de Shabunda ne reste pas en marge de ce triste ballet. En effet avec l'enclavement du territoire, la crise socioéconomique, les conditions de vie des populations n'ont fait que se détériorer. Compte tenu de ce qui précède, plusieurs humanitaires se sont installés dans ce Territoire pour pallier ces fléaux. Tel est le cas des ONG Internationales et des Agences du système des Nations Unies à l'occurrence le MSF- Espagne, MSF-Hollande, ACTED, AAP, UNOPS, GIZ, OCHA, et autres ONG nationales et locales oeuvrant chacune dans son secteur selon son projet.

    Ainsi, il est important de dégager les considérations sur les ONG sur le plan éducatif, sur la santé et sur la formation professionnelle à Shabunda.

    2.3.1. ONG et éducation à Shabunda

    En 2007, l'éducation a été reconnue par les Nations Unies comme un domaine à part entière de l'aide d'urgence dans le cadre de la réforme plus globale du secteur de l'humanitaire.

    Un conflit armé détruit non seulement les infrastructures scolaires, mais aussi les espoirs et les ambitions d'une génération entière d'enfants.

    La formation scolaire demeure un investissement privé et social de valeur. Dans chaque pays, en moyenne, celui qui a bénéficié d'un plus grand nombre d'années d'étude gagne davantage que celui dont la formation est moindre. Les taux de rendement estimés, qui prennent en compte à la fois les avantages et les coûts des études, indiquent que l'éducation donne des rendements intéressants quand on les compare à d'autres investissements(101(*)).

    Les pays touchés par un conflit sont fortement concentrés au mauvais bout de l'échelle mondiale de mesure des résultats éducatifs(102(*)). Les plus pauvres d'entre eux comptent une part disproportionnée des enfants du monde qui ne sont pas scolarisés.

    Il s'observe à Shabunda que les indicateurs de nutrition, d'alphabétisation et d'égalité entre les sexes sont, marqués négativement par le théâtre des groupes armés, parmi les plus bas de la province voir même du pays.

    Ces résultats sont étroitement liés aux types de violences manifestes dans ce territoire. Les acteurs étatiques et non étatiques font de moins en moins la distinction entre combattants et civils et, dans bien des cas, ciblent délibérément les enfants, les enseignants et les infrastructures scolaires. Les viols et les violences sexuelles massifs et systématiques, de même que les déplacements de masses de population, sont des manifestations particulièrement atroces des formes que prend la violence.

    Au-delà des coûts humains et de la destruction des infrastructures scolaires, les activités de groupes armés tarissent les ressources financières des habitants de ce territoire condamnés à une pauvreté sans précédent.

    Il s'observe que les pauvres ne sont pas les seuls à devoir repenser leurs priorités ; les donateurs d'aide dépensent eux aussi beaucoup en aide au développement destinée à l'éducation.

    La déperdition scolaire qu'a connu les écoles de Shabunda était due à des multiples raisons, parmi lesquelles nous pouvons citer la résurgence des groupes armés.

    Le faible niveau d'accès à l'école, l'insuffisance d'infrastructures scolaires, le délabrement d'infrastructures scolaires, le non-respect de la carte scolaire, la coutume qui ne facilite pas les filles à étudier, etc sont là les défis que les humanitaires et ONG sont venus relever à Shabunda.

    Nous pouvons affirmer avec force que, la présence des ONG oeuvrant dans le cluster(103(*)) éducation dans le Territoire de Shabunda ont intervenu en construisant, en équipant les écoles que nous pouvons qualifier des écoles modernes, sur toute l'étendue du territoire et au-delà de la construction et de l'équipement en fourniture scolaire, ces ONG ont pris en charge, financièrement et par le renforcement de capacité, le personnel enseignant de ces écoles qui ont bénéficié de leur financement. Cela a favorisé une forte présence des enfants à l'école, car estimant étudier dans des conditions acceptables et normales. Ensuite, cette prise en charge des enseignants par ces organisations a favorisé, tant soit peu, une amélioration de conditions non seulement du travail d'enseignants, mais aussi des revenus de ces enseignants.

    C'est dans ce cadre que l'ONG Agence d'Achat de Performances, AAP, a construit plus de 100 écoles dans les villages et localités du Territoire de Shabunda et ensuite cette ONG a pris en charge le personnel enseignant de ces écoles. L'ONG SAVE THE CHILDREN a procédé, de 2005 à 2009 par la distribution des kits scolaires aux enfants/élèves des écoles primaires dans le territoire.

    2.3.2. ONG et santé à Shabunda

    On a pu dire de la guerre que c'est « le développement en marche arrière»(104(*)). Un épisode même bref de conflit armé peut interrompre les progrès ou effacer des gains obtenus au fil des générations, compromettant la croissance économique et l'amélioration de la santé, de l'alimentation et de l'emploi.

    Le non accès à toute forme de soins de santé, l'abandon des zones de santé nouvellement découpées dans le territoire, l'insuffisance d'infrastructures sanitaires (car certains groupements n'avaient ni hôpital, ni centre de santé, ni poste de santé,...), la couverture sanitaire très faible, le délabrement d'infrastructures sanitaires sont là les domaines du secteur sanitaire qui se sont vus être améliorés par les actions des humanitaires et ONG dans le Territoire de Shabunda.

    Comme signalé ci-haut, la santé est plus fondamentalement un outil précieux pour améliorer le futur économique et social d'une population. En améliorant les aspirations des individus ainsi que leurs capacités, la santé participe au bien-être des individus ; ce qui a été traduit par l'inclusion de l'espérance de vie dans le calcul de l'indicateur de développement humain.

    C'est dans cette perspective que Shabunda a connu des ONG humanitaires oeuvrant dans le domaine sanitaire. Parmi ces organisations, nous pouvons citer MSF - Hollande, MSF-Espagne, AAP, ACTED, qui s'occupent de la construction, de la réhabilitation, de l'équipement des hôpitaux, des centres de santé et la prise en charge du personnel soignant de trois zones de santé.

    C'est grâce aux interventions de ces ONG que l'hôpital général de référence de Shabunda centre a été réhabilité, d'abord par MSF-Hollande depuis 2006, et ensuite par MSF-Espagne qui continue à exercer ses activités dans les zones de santé de Shabunda et celle de Mulungu jusqu'à ces jours.

    Le personnel médical et paramédical s'est vu pris en charge par ces ONG avec un salaire plus ou moins décent qui lui permet d'améliorer, d'une manière ou d'une autre, son mode de vie.

    L'ONG, Médecins Sans Frontières intervient en cas d'épidémies dans les zones de conflits ou d'autres situations de crise. La médecine en contexte précaire est au coeur de son activité. C'est dans ce contexte que cette ONG a mis en oeuvre, à Shabunda, un large éventail de soins qui passe par la consultation, l'hospitalisation, les interventions chirurgicales, la nutrition, les soins psychologiques, etc.

    Les activités médicales déployées sur les terrains d'intervention dépendent de l'évaluation, par les équipes, des conséquences de la crise sur la population.

    Du choléra à la tuberculose, en passant par la rougeole ou la méningite, les équipes de Médecins Sans Frontières soignent des patients touchés par de nombreuses pathologies sans aucun frais.

    De plus, MSF a apporté et apporte encore des secours matériels, nutritionnels et sanitaires pour améliorer les conditions de vie de personnes affectées par une crise en distribution d'abris et de matériel de premier secours, distribution de nourriture, ou approvisionnement en eau potable.

    2.3.3. ONG et formation professionnelle à Shabunda

    Au-delà de la création/construction des écoles, hôpitaux et centres de santé, les actions des groupes armés ont favorisé aussi l'ouverture des centres de formations professionnelles pour les jeunes par plusieurs ONG locales.

    C'est dans cette perspective que l'ATTELIER KWETU et le centre de formation professionnelle MWANA BUATO apprennent aux jeunes la maçonnerie, la menuiserie, la coupe et couture, etc. qui sont autant des métiers pouvant leur permettre d'être utiles à la société et de s'auto créer de l'emploi.

    Dans cette même optique, La MONUSCO a officiellement remis, le vendredi 17 avril 2015, aux autorités de Shabunda, un nouveau centre de formation et d'apprentissage des métiers et de réinsertion communautaire. Ce centre, situé dans la Chefferie de Bakisi, a été réalisé dans le cadre du projet de réduction de la violence communautaire et de stabilisation. Les 389 premiers bénéficiaires disposent de locaux et de kits de réinsertion, ce qui devrait leur permettre d'être immédiatement opérationnels. Le centre est pourvu d'un atelier de menuiserie, d'une salle de coupe et couture et une salle de cours.

    En outre, ce centre a été doté de 11 lots de près de deux tonnes de kits pour les 389 bénéficiaires, dont 230 hommes et 159 femmes. Ces bénéficiaires sont regroupés en quatre associations de coupe et couture, quatre associations de maçonnerie et trois de menuiserie. Quatre salles ont aussi été louées pour accueillir certains bénéficiaires. Une large consultation avait en effet été menée auprès des communautés pour identifier les besoins prioritaires en termes d'actions à mettre en place pour réduire la violence communautaire.

    Rappelons que c'est dans le cadre de projet de réduction de la violence communautaire que ce centre a été mis en oeuvre pour soulager les populations en proie à cette violence, réduire la précarité de leurs conditions de vie et leur proposer un autre moyen de survie que le recours aux armes.

    C'est ainsi que la section de Désarmement, Démobilisation, Rapatriement, Réintégration et Réinstallation (DDRRR) de la MONUSCO, en synergie avec le gouvernement provincial, a initié une série de concertations communautaires dans certains territoires ciblés, lesquelles ont abouti au financement par la MONUSCO, de 4 projets à Shabunda, qui devraient attirer, entre autres, des ex-combattants réfractaires ou non éligibles au processus DDRIII, les femmes et les filles vulnérables ainsi que les jeunes désoeuvrés.

    CONCLUSION GENERALE

    Nous voici au terme de cette étude qui a porté sur « Groupes armés et conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au Sud-Kivu ». Nous sommes parti, de l'observation selon laquelle le Territoire de Shabunda connaît une histoire politique instable marquée par des guerres, des crises politiques multiformes, des rébellions et insurrections, des dissidences, bref la violence entrainant ainsi une détérioration de conditions sociales et économiques de la population depuis plus d'une décennie.

    Ce territoire réputé riche géologiquement et géoéconomiquement, a par contre une population qui vit dans une situation de pauvreté occasionnant une précarité de la vie sociale et économique.

    Sur le plan sécuritaire, le Territoire de Shabunda est considéré comme une zone rouge. La présence de groupes armés qui se battent fréquemment met en danger la sécurité des citoyens et de leurs biens. La plupart de ces groupes, si pas tous, se battent pour le contrôle des carrés miniers.

    L'aspect sanitaire dans ce territoire montre que Shabunda est une zone où la gratuité des soins a été et est encore pratiquée par Médecin Sans Frontière (MSF) Espagne. Cette gratuité s'expliquerait par le degré de vulnérabilité des populations toujours en mouvement à cause des affrontements réguliers entre les groupes armés pour contrôler les sites miniers et la paupérisation avancée de la population.

    Au plan infrastructurel, le territoire est enclavé avec une habitation très rudimentaire. Les routes sont en très mauvais état, quasi impraticables.

    Economiquement, bien que ce territoire possède un sous-sol riche en minerais, mais on observe une absence totale des investisseurs pour exploiter ces minerais afin de permettre à la population de se trouver un travail lui permettant d'améliorer sa situation sociale et économique. Toutes les potentialités ne servent pourtant ni au développement ni au bien-être de la Province du Sud-Kivu et moins encore dudit territoire.

    Cette étude a répondu à une question de la problématique qui consistait à savoir : Quelles seraient les implications de la présence des groupes armés sur les conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au Sud-Kivu ?

    De cette question, nous avons répondu, à titre d'hypothèses que les groupes armés seraient l'élément déclencheur, non seulement, de plusieurs effets négatifs entravant l'amélioration du bien-être de cette population longtemps marginalisée, mais aussi la présence de ces groupes armés a présenté quelques effets positifs qui ont contribué, d'une manière ou d'une autre à l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population de Shabunda.

    Parmi ces effets négatifs, nous avons épinglé, l'exploitation illégale de ressources, le pillage systématique des richesses naturelles et biens de la population, l'augmentation excessive de prix des produits d'origine alimentaire, le recrutement forcé des jeunes et enfants dans l'armée, la déstabilisation des activités économiques dans le territoire, le déplacement des populations.

    En ce qui concerne les effets positifs, nous avons évoqué l'autodéfense locale (sécurisation de la population) contre les exactions qui proviendraient des FARDC ou des autres groupes armés, l'existence ou la présence des humanitaires ou ONG venus exercer leurs activités dans différents domaines comme l'éducation, la santé, la création de centres de formation professionnelle pour l'encadrement des jeunes, ....

    Le fonctionnalisme, dans son aspect relativisé comme théorie, nous a été utile pour saisir à fond notre objet d'étude. Il a été complété par la méthode fonctionnelle. Les techniques documentaire, l'entretien libre non structuré, l'observation extérieure désengagée, sans oublier la webographie nous ont servi à récolter les données sur le terrain.

    Pour arriver aux résultats de notre étude, hormis l'introduction générale et la conclusion générale, nous avons divisé ce travail en trois chapitres. Le premier est axé sur les considérations générales. Ce chapitre a, d'abord, défini les concepts groupes armés, développement social, développement économique, conditions socioéconomiques et ensuite ce chapitre a donné le panorama du Territoire de Shabunda et de la Province du Sud-Kivu.

    Le deuxième chapitre a analysé des groupes armés dans le Territoire de Shabunda. Nous avons épinglé, dans ce chapitre, d'abord les contextes et les causes générales, en les spécifiant selon qu'elles sont internes et externes, liées à la prolifération des groupes armés en RD Congo, surtout dans sa partie Est. Ensuite, nous avons dégagé les contextes et les causes spécifiques liées à la prolifération des groupes armés à Shabunda. Enfin, nous avons présenté quelques groupes armés actifs à Shabunda et stratégies de leur éradication par les pouvoirs publics.  

    Le troisième chapitre, quant à lui, a porté sur les implications des groupes armés et conditions socioéconomiques de la population de Shabunda. Ce chapitre a consisté à épingler successivement les implications négatives des groupes armés et leurs implications positives.

    Quant aux résultats obtenus, après investigations, nos hypothèses sont confirmées. Il ressort de ces analyses que les actions menées par les groupes armés pour leurs intérêts produisent des effets grandement néfastes sur tous les plans de la vie socioéconomique de la population civile du Territoire de Shabunda, notamment, l'insécurité généralisée dans plusieurs localités du territoire, le pillage et la destruction des infrastructures sociales, le déplacement de la population, le viol, le recrutement des enfants dans les groupes armés, la destruction des infrastructures économiques de base, baisse de niveau de revenu de la population, l'exploitation et le commerce illicite des minerais.

    Au-delà de ces multiples conséquences négatives qu'ont présenté les groupes armés sur la population de Shabunda, il y a lieu de signaler que la décennie de guerre et conflits violents qu'a connue Shabunda n'a pas seulement engendré morts d'hommes, réfugiés et destructions, mais aussi d'importants changements sociaux et économiques.

    En effet, les groupes armés ont joué le rôle d'autodéfense de l'entité sous leurs contrôles, ils ont facilité, d'une manière ou d'une autre, la promotion des fils et filles de Shabunda dans les hautes fonctions de l'Etat. A cause de la vulnérabilité de la population, les groupes armés à Shabunda ont engendré la promotion des humanitaires et Organisations Non Gouvernementales de Développement qui sont venus oeuvrer dans différents secteurs de la vie éducative, sanitaire et la formation professionnelle.

    Notre souci en élaborant ce mémoire est de permettre à la population de Shabunda d'accéder aux conditions de vie améliorées et, à ce titre, promouvoir le développement intégral et durable de cette entité. L'amélioration des conditions de vie de la population dans le Territoire de Shabunda passe impérativement par un certain nombre des préalables dont l'important serait le retour à la paix qui ne pourrait être possible que lorsque les groupes armés sont éradiqués.

    Pour éradiquer ainsi les groupes armés à Shabunda en vue d'un retour à la paix durable, il parait important qu'une stratégie de développement et de sécurité soit mise en oeuvre. Voilà pourquoi nous avons proposé quelques facteurs d'attractivité pouvant permettre aux groupes armés de se désengager à leur activité que voici :

    - La restauration de l'autorité de l'Etat ;

    - La création de centre de démobilisation et insertion sociale local ;

    - La mise en place de mesure mettant fin à l'exploitation artisanales des minerais ;

    - La mise en place et l'application d'une loi d'amnistie en faveur des éléments des groupes armés démobilisés ;

    - La mise en place de la stratégie de la politique de l'arme contre argent ;

    L'ancien diplomate et secrétaire générale de l'ONU affirmait que « la paix, la tolérance, le respect mutuel, les droits de l'homme, l'état de droit et l'économie mondiale ont tous également souffert des actes terroristes ». Il aurait ajouté, pensons-nous, que sa puissance mérite d'être restaurée après toute période de crise. Après toute période de crise, l'autorité de l'Etat est mise à l'épreuve. Alors, la restauration de cette autorité de l'Etat passe par l'installation des services publics, administratifs et sécuritaires efficaces.

    Certes, nous n'allons pas ignorer que la restauration de l'autorité de l'Etat se veut une condition sine qua non pour arriver à mettre fin aux activités des groupes armés dans le Territoire de Shabunda. Cette restauration de l'autorité de l'Etat doit influencer l'ouverture sur le renforcement de la gouvernance locale y compris communautaire dans la prise en charge des questions de sécurité et de développement intégral dans cette partie de la RD Congo. Elle doit mettre un accent sur le renforcement des capacités institutionnelles, techniques et organisationnelles incluant l'appui au développement local.

    Plus concrètement, il est important de noter qu'après la guerre, les écoles et tant d'autres établissements sont pillés, vandalisés et réduits en miette. De ce fait, la réfection de locaux administratifs ; la réhabilitation des écoles, des hôpitaux ; l'installation des commissariats de police et autres bases de l'armée régulière sont là des actes efficaces de la restauration de l'autorité de l'Etat. Autrement dit, il est important de pouvoir privilégier la construction d'un environnement paisible, sécurisé et stable de développement et d'épanouissement individuel et collectif des populations sur l'ensemble du territoire national.

    Au-delà des multiples politiques de lutte contre la prolifération des groupes armés menée par l'Organisation des Nations unies (ONU) et le gouvernement de la RDC que nous qualifions d'impuissantes, il paraît important de mettre des nouvelles stratégies pouvant aider les pouvoirs publics à éradiquer les groupes armés à Shabunda, c'est notamment la création de centre de démobilisation et insertion sociale locale.

    L'existence de ce centre dans le Territoire de Shabunda pourrait non seulement permettre à éradiquer les groupes armés, mais aussi aider les éléments des mouvements armés de retourner à la vie sociale normale (vie civile) ; car, par exemple, le fait qu'un milicien soit sensibilisé pour déposer son arme et être intégré soit dans l'armée républicaine, soit dans la vie civile après avoir subi une formation en dehors de son milieu habituel, cela crée, dans le chef de ce milicien, un sentiment de peur d'être dénaturer de son milieu habituel et de sa famille. Cette situation amène plusieurs éléments membres des groupes armés à avoir de résistances à venir déposer leurs armes et continuent à se cacher dans la forêt pour ne pas quitter son environnement opérationnel.

    En tout cas la création d'un pareil centre permettra également (au-delà de bon retour à la vie sociale), une bonne réinsertion sociale des anciens éléments militaires. C'est vrai qu'il faut tenir aussi compte de l'aspect stigmatisation sociale que peut subir ces anciens militaires. Mais notons tout de même que nous proposons des stratégies diamétralement élaborée pour un bon fonctionnement de ces centres.

    L'interdiction drastique de l'exploitation artisanale des minerais pourrait s'avérer importante dans le processus d'éradication des groupes armés à Shabunda en ce sens que les sites d'exploitation de ces minerais constituent le centre d'intérêt le plus prononcé pour ces groupes armés. Le secteur minier à l'Est de la RD Congo a une réputation sanglante. D'une part, l'exploitation des minerais serait, sinon la source, du moins dans le prolongement des conflits, tandis que des groupes armés y retireraient d'intérêts qui ne profitent ni au développement national, ni à l'amélioration des conditions de vie au niveau local. Depuis le début de la deuxième guerre du Congo en 1998, cette analyse a amené différentes propositions de solutions, comme un embargo, des sanctions, de la diligence raisonnable et de la formalisation. Jusqu'à maintenant, toutes ces solutions se sont heurtées à des problèmes d'implémentation.

    Le philosophe Baruch Spinoza (1632-1677), affirme que la paix n'est pas l'absence de guerre, c'est une vertu, un état d'esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de justice. Un document de la MONUSCO sur la justice note que la loi portant amnisties en République Démocratique du Congo aurait pour objectif de réaliser la réconciliationnationale dans le but d'achever une paix durable. Mais parfois la question de l'amnistie pourrait revêtir pour les communs de mortel, le sens d'une sorte d'impunité pour les gens qui ont perpétré des crimes de droits humains pendant des périodes de guerre. Nous par ailleurs ne pensons pas ainsi. En revanche nous pensons que l'emprisonnement des éléments issus des groupes armés après leur démobilisation ou réinsertion s'avère d'avantage cultiver un sentiment de peur et de résistance dans le chef de ces éléments armés.

    Nous comprenons en effet que la loi sur l'amnistie ne vient pas favoriser l'impunité. Elle vise en revanche le bien-être de procédure de paix et de démobilisation et réinsertion des éléments militaires. Mais cela, tout en tenant compte des principes légaux du droit national et international comme susmentionné.

    Puisque la plupart de temps, l'enrôlement des éléments dans les groupes armés est motivé par un désir de s'enrichir, et aussi parce qu'il ne suffit pas seulement de démobiliser ou de réinsérer la personne sans savoir les conséquences sourdes qui résulteraient de la non récupération de son arme, la politique dite ici « d'arme contre argent » pourrait susciter de l'intérêt et de l'attention aux éléments des groupes armés, et par conséquent une garantie d'un succès pour le centre chargé de démobilisation et de la réinsertion sociale et économique. Car il n'est pas important de pouvoir démobiliser un individu qui a vécu pendant plusieurs d'années avec son arme mais qui la laisse cacher intentionnellement dans la brousse.

    Nous pensons, à ce sujet, que si dans le Territoire de Shabunda on peut arriver à l'applicabilité de ces facteurs précités, la population arrivera à connaître l'amélioration de ses conditions de vie sociale et économique.

    Ainsi, une nouvelle orientation s'impose pour continuer cette étude considérant qu'il n'y a pas de paix sans développement, par ricochet sans amélioration des conditions socioéconomiques de la population et il n'y a pas non plus de développement sans la paix : faut-il éradiquer les groupes armés pour développer ce territoire ou le développer pour éradiquer les groupes armés ?

    Nos investigations restent ouvertes à toute critique, car il est difficile de définir définitivement l'objet d'une science, il change avec l'évolution d'une société ou selon le contexte dans lequel on se retrouve.

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    28. WILLAME, J.C., Conflits et guerres au Kivu et dans la région des Grands Lacs, Paris, Ed. l'Harmattan, 1999.

    II. ARTICLES

    1. AÏSSATOU LABO, T., « La paix : fondement d'un développement durable », In Echos de la MONUSCO, Volume VIII, N°61, Septembre 2016

    2. Comité de Solidarité/Trois-Rivières, « Comprendre pour agir : Pour une culture de la paix » , In-Terre-Actif, Québec, 2015.

    3. De SAINT MOULIN, L., « La perception des conflits et leur solution à Lemba Sud dans la ville de Kinshasa », In Congo-Africa, n°421, Kinshasa - Gombe, Janvier 2008

    4. MEHDI BELAID, « La paix au service de la guerre » à l'Est de la République Démocratique du Congo : réflexions sur les mécanismes de reproduction de la conflictualité », in Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM), n°21, Décembre 2012.

    5. MEHDI BELAID, « Les mobilisations armées à l'Est de la République Démocratique du Congo : Dynamiques sociales d'une pratique ordinaire », in Cairn. Info, Presses de sciences Po/Critique internationale, n°82, 2019.

    6. MEHDI BELAID, « Prendre les armes en République Démocratique du Congo, de la réalité d'un engagement à sa légitimation », in Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM), n°22, Décembre 2012.

    7. SANCHEZ J-L., « Pouvoirs locaux : vers une nouvelle réponse sociale », in Les Cahiers de l'ODAS (Observatoire national de l'action sociale, s.n, Paris - Octobre 1997.

    8. STEWART F., Les inégalités horizontales : Des obstacles au pluralisme, In Centre mondial du Pluralisme, Université d'Oxford, s.n., Mars 2017.

    III. MEMOIRES DE DEA et THESE

    1. KAGANDA MULUME-ODERHWA, Mouvement Maï-Maï et participation politique au Sud-Kivu. Contribution à la critique de la sociologie de la paix en société post-conflit, Thèse de doctorat, UOB, FSSPA, Inédit, 2012-2013.

    2. MUMBALA ABELUNGU J., Le droit international humanitaire et la protection des enfants en situation de conflits armés. (Etude de cas de la République Démocratique du Congo), Thèse de doctorat, Université de Gand, 2016 - 2017.

    3. MPANGE KIHASULA., la prise de décision administrative et l'éradication des marchés flottants à Lubumbashi, mémoire de D.E.A en S.P.A, UNILU, 2007-2008

    4. NDABEREYE NZITA, P., Les conditions d'une Paix durable dans les pays des Grands Lacs Africains face aux impératifs du développement de la région, Mémoire de D.E.A., UNILU, Lubumbashi, 2005-2006

    IV. WEBOGRAPHIE

    1. SARY NGOY, B., « La relecture géopolitique de la crise à l'Est du Congo en marge de la Conférence régionale sur la paix », Institut congolais des relations internationales, in www.congodiplomatica.com.

    2. Haspeslagh, S., et Zahbia Yousuf, « Dialogue local avec les groupes armés, Au milieu de la violence », dans Conciliation Ressources, Londres, 2015, www.c-r.org.

    3. Consortium en développement social de la Maurice, in www.consortium-mauricie.or.

    4. Le développement économique, in htt//e-classeroom.over-blog.com/le-developpement-economique.html.

    5. MERCIER, L., « La pauvreté : Phénomène complexe et multidimensionnel », Service social, 44(3), 7-27. Htpps : doi.org/10.7202/70.

    6. MARTIN, B., "Quelles « mesures » pour quantifier la pauvreté ? Les indicateurs produits par les organisations internationales", CERISCOPE Pauvreté, 2012, [en ligne], http://ceriscope.sciencespo.fr/pauvrete/content/part1/quelles-mesures-pour quantifier-la-pauvreté.

    7. Consortium en développement social de la Maurice, in www.consortium-mauricie.or.

    8. Le développement économique, in http://e-classeroom.overblog.com/le-developpement-economique consulté mercredi.

    9. DE VILIERS, G., « La guerre dans les évolutions du Congo - Kinshasa », htps://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2005-3page-47.htm.

    10. http://www.grip.org/fr/siteweb/images/NOTESANALYSE/2011/NA/2012 01-21FRM-LUNTUMBWE.pdf

    11. BERTHELEMY, J-C., et THUILLIEZ, J., santé et développement : une causalité circulaire, In cairn.info, Revue d'économie du développement, Vol 21, 2013. www.cairn.info/revue-d-economie-du-developpement-2013-2-page-119.htm.

    12. « Les groupes armés et la position géopolitique de la République Démocratique du Congo dans la Région des Grands Lacs », www.mémoireonline.com.

    13. POURTIER, R., « Le Kivu dans la guerre : acteur et enjeux »,in EchoGéo

    URL : http://journals.openedition.org/echogeo/10793 www.lecarnetdecoletteBraeckman.blog.lesoir.be.

    14. www.banquemondiale.org/fr/results/2013/04/14/soocial-development-results-profile.

    15. www.banquemondiale.org/fr/results/2013/04/14/soocial-development-results-profile.

    16. www.un.org/fr/millenniumgoals/juin 2013.

    17. http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=21031&Cr=RDC&Cr1=Doss.

    18. https://www.un.org/fr/sc/repertoire/2000-2003/00-03_5_French.pdf

    V. AUTRES DOCUMENTS

    1. Annexe « A ». Modalités de mise en oeuvre de l'Accord cessez-le-feu en République Démocratique du Congo, article 8.8.2, alinéas a & e, Lusaka, 10 juillet 1999.

    2. Dialogue local avec les groupes armés. Au milieu de la violence, publié par CONCILIATION RESSOURCES

    3. DSRP-Territoire de Shabunda, 2004

    4. Promouvoir la paix dans le monde, vocation de l'Europe contribution des évêques de la Commission des Episcopats de la Communauté Européenne (COMECE) en vue de la future stratégie globale de l'UE sur la politique étrangère et de sécurité, Bruxelles, Avril 2016

    5. Promouvoir la paix dans le monde, vocation de l'Europe, contribution des évêques de la Commission des Episcopats de la Communauté Européenne (COMECE) en vue de la future stratégie globale de l'UE sur la politique étrangère et de sécurité, Bruxelles, Avril 2016

    6. Rapport de Global Witnes, LA RIVIERE D'OR. Comment l'Etat s'est retrouvé perdant lors de la ruée vers l'or dans l'Est du Congo tandis que des groupes armés, un société minière étrangère et les autorités provinciales ont empoché des millions., publié en Juillet 2016

    7. Rapport du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires de l'ONU, 2010.

    8. Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations unies en République démocratique duCongo, 17 janvier 2000, S/2000/30.

    9. Rapport mondial sur l'éducation pour tous, l'éducation dans les conflits armés : La spirale meurtrière., 2011

    10. Rapport n°213 des experts des Nations Unies du 12 avril 2001

    11. Résolution 1332 du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies du 14 décembre 2000, s/REs/1332 (2000).

    TABLE DES MATIERES

    DEDICACE I

    REMERCIEMENTS II

    LISTE DES ABREVIATIONS VII

    INTRODUCTION GENERALE 1

    1. Présentation de l'objet d'étude 1

    2. INTERET DU SUJET 5

    3. ETAT DE LA QUESTION 7

    4. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE TRAVAIL 24

    4.1. Problématique 24

    4.2. Hypothèses du travail 26

    5. PRESENTATION DE LA THEORIE EXPLICATIVE DE REFERENCE 27

    6. METHODE 32

    7. TECHNIQUES 33

    8. DELIMITATION DU SUJET 35

    9. PLAN DESCRIPTIF DU TRAVAIL 35

    Chapitre I. CONSIDERATIONS GENERALES 37

    Section 1. Définition des concepts 37

    1.1. Groupe armé 38

    1.2. CONDITIONS SOCIOECONOMIQUES 45

    3.1.1. Facteurs du sous-développement 53

    3.1.2. Les critères du sous-développement 54

    3.2. Notion de la « paix » 55

    3.3. Pauvreté 57

    Section 2. PRESENTATION DU CADRE D'ETUDE 58

    2.1. Présentation de la Province du Sud Kivu 58

    2.2. PRESENTATION GEO-HISTORIQUE DU TERRITOIRE DE SHABUNDA 63

    Chapitre II. CONTEXTES ET LES CAUSES DE L'EMERGENCE DES GROUPES ARMES A L'EST DE LA RD CONGO 79

    Section 1. Les contextes et les causes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo. 79

    1.1. Les contextes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo 79

    a. Promoteur direct des groupes armés actifs à l'Est de la RDC 80

    b. Les guerres du Congo, matrice de la mobilisation armée à l'Est de la RDC 82

    1.2. Les causes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo. 86

    1.2.1. Les causes externes 89

    1.2.2. Les causes internes 91

    Section 2. Le contexte et les causes d'émergence des groupes armés à Shabunda 92

    2.1. Le contexte d'émergence des groupes armés à Shabunda 93

    2.1.1 Le contexte d'émergence des groupes armés congolais à Shabunda 93

    2.1.2. Le contexte d'émergence des groupes armés étrangers 94

    2.2. Les causes de l'émergence des groupes armés à Shabunda 95

    3.2. Stratégies d'éradication des groupes armés à Shabunda par les Pouvoirs publics 118

    3.2.1. Désarmement, démobilisation et réinsertion sociale des enfants-soldats 119

    3.2.2. Désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation et réintégration des combattants étrangers (Ddrrr) 119

    3.2.3. Désarmement, démobilisation et réintégration des ex-combattants congolais (Ddr) 122

    3.2.4. Les opérations militaires lancées par les FARDC contre les groupes armés 124

    Chapitre III. LES IMPLICATIONS DES GROUPES ARMES SUR LES CONDITIONS SOCIOECONOMIQUES DE LA POPULATION DE SHABUNDA 127

    Section 1. Les implications négatives des groupes armés 130

    1.1. Groupes armés et exploitation illégale et pillage des ressources 131

    1.2. Groupes armés et déplacement et pillage des biens de la population 135

    1.3. Groupes armés et déstabilisation des activités économiques et flambée des prix des produits alimentaires 137

    1.4. Groupes armés et recrutement forcé des enfants et jeunes dans l'armée 140

    Section 2. Les conséquences positives des groupes armés à Shabunda 144

    2.1. Groupes armés et autodéfense locale 145

    2.2. Groupes armés et promotion des originaires de Shabunda dans les hautes fonctions de l'Etat 146

    2.1. Groupes armés et promotion des humanitaires et ONGD 149

    2.3.1. ONG et éducation à Shabunda 150

    2.1.2. ONG et santé à Shabunda 153

    2.1.3. ONG et formation professionnelle à Shabunda 155

    CONCLUSION GENERALE 157

    BIBLIOGRAPHIE 166

    TABLE DES MATIERES 173

    * 1 MUMBALA ABELUNGU J., Le droit international humanitaire et la protection des enfants ensituation de conflits armés. (Etude de cas de la République Démocratique du Congo), Université de Gand, 2016 - 2017, p.II

    * 2 Entretien avec l'ex-président de la société civile du Sud-Kivu, Monsieur Descartes MPONGE MALASI, aujourd'hui expert des Nations Unies aux Droits de l'homme, le 03/04/2019 à 18h20'

    * 3 REGEHR, E., cité par LUNTUMBUE, M., Comprendre la dynamique des conflits. Une lecture synthétique des facteurs de conflits en Afrique de l'Ouest, note d'analyse du Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP), Bruxelles, 14 Janvier 2014, p.4

    * 4 SHOMBA KINYAMBA., S., Méthodologie et épistémologie de la recherche scientifique, Kinshasa, Ed. Presse Universitaire de Kinshasa, 2012, p. 37

    * 5 QUIVY, R., et VAN CAMPENHOUDT, L., Méthodes de recherche en Sciences Sociales, Paris, Ed. Dunod, 2006, p.122

    * 6 De SAINT MOULIN, L., « La perception des conflits et leur solution à Lemba Sud dans la ville de Kinshasa », In Congo-Africa, n°421, Kinshasa - Gombe, Janvier 2008, pp. 106 - 117

    * 7 SOLVIT, S., RDC : REVE OU ILLUSION. Conflits et ressources naturelles en République démocratique du Congo, Paris, L'Harmattan, 2012, p.2

    * 8 WILLAME, J.C., Conflits et guerres au Kivu et dans la région des Grands Lacs, Paris, Ed. l'Harmattan, 1999

    * 9 NDABEREYE NZITA, P., Les conditions d'une Paix durable dans les pays des Grands Lacs Africains face aux impératifs du développement de la région, Mémoire de D.E.A., UNILU, Lubumbashi, 2005-2006

    * 10 VERWEIJEN, J. et IGUMA WAKENGE, C., Comprendre la prolifération des groupes armés dans l'Est du Congo, Nairobi, Institut de la vallée du rift, 2015.

    * 11 SARY NGOY, B., « La relecture géopolitique de la crise à l'Est du Congo en marge de la Conférence régionale sur la paix », Institut congolais des relations internationales, in www.congodiplomatica.com, consulté le 22/05/2007

    * 12 TSHIMPANGA MATALA KABANGU., et GONZALEZ F., La conférence Internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la Région des Grands Lacs, Madrid, Los éditions, 2004.

    * 13REZSOHAZY cité par MPANGE KIHASULA, la prise de décision administrative et l'éradication des marchés flottants à Lubumbashi, mémoire de D.E.A en S.P.A, UNILU, 2007-2008, p. 43.

    * 14ROCHER, G., Introduction à la sociologie générale., T2, l'organisation sociale, Paris, Ed. HMH, 1968, p.169

    * 15Idem

    * 16ROCHER, G., Op. cit, p.169

    * 17 VOYE, L., Sociologie. Construction d'un monde, construction d'une discipline, Bruxelles, Ed. De Boeck Université, 1998, p.171.

    * 18MERTON, R., K.,Eléments de méthode sociologique, Paris,Ed. Plon, 1953, p. 89

    * 19 MERTON K., R., Op. cit, p. 87

    * 20 ROCHER, G., Introduction à la sociologie générale, tome III, Paris, Ed. P.U.F, 1968, p.201.

    * 21Idem

    * 22 HUGO, P., Géopolitique de l'Afrique, Paris, Ed. SEDES, 2007, p.130

    * 23 ROMME, H., Opportunité et contrainte relatives au désarmement et au rapatriement des groupes armés étrangers en RDC. Cas de FDLR, FNL et ADF/NALU, Washington, MDRA, 2007, p.4

    * 24WHITFIED, T., « Pratique de la médiation. Entrer en contact avec les groupes armés. Défis & options pour les médiateurs », Centre pour le Dialogue Humanitaire (hd centre), 2012, p. 17

    * 25 STEARNS, J., et alii, Armée nationale et groupes armés dans l'Est du Congo : Trancher le noeud gordien de l'insécurité, RVI Projet Usalama, 2014, p.14

    * 26 International Council on Human Rights, « les fins et les moyens, agir pour les droits de l'homme auprès des groupes armés », in ICHR, juin 2014, p.14.

    * 27 STANILAND, P., cité parHASPESLAGH, S. et ZAHBIA, Y., « Dialogue local avec les groupes armés. Au milieu de la violence », in Accord Insight 2, Londres, 2015, p. 13

    * 28REGEHR, E., cité par LUNTUMBWE, M., Op. cit, p. 4

    * 29 SANCHEZ, J-L., « Pouvoirs locaux : vers une nouvelle réponse sociale », in Les Cahiers de l'ODAS (Observatoire national de l'action sociale), Paris, Octobre 1997, p.7

    * 30 Consortium en développement social de la Maurice, in www.consortium-mauricie.or vu le 26/12/2018

    * 31 Le développement économique, in htt//e-classeroom.over-blog.com/le-developpement-economique.html. Consulté le Mercredi, 26/12/2018

    * 32 DWIGHT, H., et alii, Economie du développement, 3e édition, Bruxelles, Ed. De Boeck, 2008, p. 372

    * 33 Idem

    * 34 www.un.org/fr/millenniumgoals/, juin 2013, consulté le 11/01/2019

    * 35 BERTHELEMY, J-C., et THUILLIEZ, J., « Santé et Développement : une causalité circulaire », In cairn.info, Revue d'économie du développement, Vol 21, 2013, pp. 119-147. www.cairn.info/revue-d-economie-du-developpement-2013-2-page-119.htm, Consulté le 23/11/2019

    * 36 GUAN ZHONG, cité par DWIGHT, H., et alii, Op. cit, p.322

    * 37Idem

    * 38 GUAN ZHONG, cité par DWIGHT, H., et alii, Op. cit, p.322

    * 39 LERBESTEIN, H., cité par AUSTRUY, J., Le scandale du développement, Paris, Ed. Rivières, 1968, p.p. 92-96

    * 40 LACOSTE, Y., Les pays sous-développés, 7e édition refondue, Paris, PUF,1984, p.3

    * 41SHOMBA KINYAMBA, S., Méthodologie et épistémologie de la recherche scientifique, Kinshasa, PUK, 2013, p. 212

    * 42 COLARD, D., Les relations internationales, Paris, Ed. Masson, 1987, p.246

    * 43Dans L'album thématique « Comprendre pour agir : Pour une culture de la paix » produit en 2015 par le Réseau In-Terre-Actif du Comité de Solidarité/ Trois-Rivières à Québec.

    * 44 Promouvoir la paix dans le monde, vocation de l'Europe contribution des évêques de la Commission des Episcopats de la Communauté Européenne (COMECE) en vue de la future stratégie globale de l'UE sur la politique étrangère et de sécurité, Bruxelles, Avril 2016, p.43

    * 45 AÏSSATOU LABO, T., La paix : fondement d'un développement durable, Journée Internationale de la Paix, In Echos de la MONUSCO, Volume VIII, N°61, Septembre 2016, p.3.

    * 46 MERCIER, L., « La pauvreté : Phénomène complexe et multidimensionnel », Service social, 44(3), 7-27. Htpps : doi.org/10.7202/70 consulté le 29/12/2018

    * 47BENOIS M.,"Quelles « mesures » pour quantifier la pauvreté ? Les indicateurs produits par les organisations internationales", CERISCOPE Pauvreté, 2012, [en ligne], consulté le 29/12/2018, URL http://ceriscope.sciences-po.fr/pauvrete/content/part1/quelles-mesures-pour-quantifier-la-pauvrete

    * 48 Ordonnance 43/Aimo du 15 Mars 1935

    * 49 Ordonnance 43/Aimo du 15 Mars 1935

    * 50 DSRP-Territoire de Shabunda, 2004, p. 26

    * 51Bureau de l'État-civil du territoire de Shabunda, rapport annuel 2016.

    * 52 Idem

    * 53WILLAME,J-C., Banyarwanda et Banyamulenge. Violences ethniques et Gestion de l'identitaire au Kivu, Paris, L'Harmattan, 1997, p. 64.

    * 54VLASSENROOT, K., Violence et constitution de milices dans l'Est du Congo : le Cas des Maï-Maï, Paris, L'Harmattan, 2002, p. 115

    * 55Padiri devint le leader du plus grand groupe Maï-Maï de Bunyakiri et se retrouva à la tête d'un organisme de coordination des Maï-Maï au Sud-Kivu. Bigembe fut le leader d'un groupe armé Hutu au Sud-Masisi où il était chef du secteur de Katoyi. Akilimali était un Nyanga Maï-Maï, il a rejoint Padiri et est aujourd'hui colonel dans l'armée. Robert Seninga était en 1993 l'un des plus importants commandants Hutus. Député provincial, il participe à la politique des milices.

    * 56PRUNIER, G., Guerre mondiale africaine : Congo, Génocide rwandais et la catastrophe continentale, Oxford, Presse universitaire d'Oxford, 2009, pp. 24-29

    * 57Le CNDD-FDD était un mouvement politico-militaire dominé par les Hutu et dirigé par Léonard Nyangoma. Peu après sa création en 1994, son aile armée passa dans les territoires d'Uvira et de Fizi au Sud-Kivu, un mouvement actuellement au pouvoir au Burundi.

    * 58VLASSENROOT, K., Op. cit, p. 33

    * 59VLASSENROOT, K., Op. cit, p. 33

    * 60VERWEIJEN, J., Une instabilité stable Ententes politiques et groupes armés au Congo, Londres, Valley Institute | projet usalama, 2016, pp. 8-9

    * 61Idem

    * 62 https://www.un.org/fr/sc/repertoire/2000-2003/00-03_5_French.pdf, consulté le 26/06/2018

    * 63 Résolution 1457du Conseil de sécurité des Nations Unies

    * 64 MUTOMBO MUKENDI, F., Du mirage nationaliste à l'utopie en action-au-messie collectif : cas du Congo - Kinshasa, Paris,L'Harmattan, 2005, p.3

    * 65 HUGO,J-F., La RDC : Une guerre inconnue, Paris, Ed. MICHALON, 2006, pp. 36-37

    * 66KAGANDA MULUME-ODERHWA, Mouvement Maï-Maï et participation politique au Sud-Kivu. Contribution à la critique de la sociologie de la paix en société post-conflit, Thèse de doctorat, UOB, FSSPA, Inédit, 2012-2013.

    * 67 MBEMBE, A., Sortir de la grande nuit. Essai sur l'Afrique décolonisée, Paris, La Découverte, 2010, p.194

    * 68 FOREST, D., Op. Cit, p.8

    * 69POURTIER, R., « Le Kivu dans la guerre : acteurs et enjeux », EchoGéo [En ligne], Sur le Vif, mis en
    ligne le 21 janvier 2009, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/

    * 70ONU, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2012/348/Add.1, Additif au rapport d'étape du Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo, 27 juin 2012, pp. 11-12.

    * 71ONU, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2012/843, pp. 19-27.

    * 72ONU, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2013/433, Rapport de mi-mandat du Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo, 19 juillet 2013, pp. 13-15.

    * 73 http://blog.lesoir.be/colette-braeckman?s=fdlr, consulté le 4/07/2017

    * 74BERGHEZAN, G., « Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand Kivu », in GRIP, n°11, 2013, p.18

    * 75Rapport du GRIP Georges BERGHEZAN, Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand Kivu au 2ème semestre 2013, p. 20.

    * 76Rapport du GRIP Georges BERGHEZAN, Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand Kivu au 2ème semestre 2013, p. 20.

    * 77Résolution 1291 (2000) du Conseil de sécurité, 24 février 2000, S/RES/1291 (2000).

    * 78Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations unies en République démocratique du
    Congo, 17 janvier 2000, S/2000/30.

    * 79Résolution 1332 (2000) du Conseil de sécurité, 14 décembre 2000, S/RES/1332 (2000).

    * 80CARAMÉS, A. et SANZ, E., DDR 2008 : Analysis of Disarmament, Demobilisation and Reintegration (DDR) programmes in
    the World during 2007, Barcelone : Escola de Cultura de Pau, 2008, p. 82.

    * 81Résolution 1592 (2005) du Conseil de sécurité, 30 mars 2001, S/RES/1592 (2005).

    * 82« RDC : Le chef de la MONUC rencontre des ex-combattants rwandais », Centre de documentation des Nations unies, 19 janvier 2010, http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=21031&Cr=RDC&Cr1=Doss, consulté le 01/02/2020

    * 83Annexe « A ». Modalités de mise en oeuvre de l'Accord cessez-le-feu en République démocratique du Congo, article 8.8.2, alinéas a & e, Lusaka, 10 juillet 1999.

    * 84VERWEIJEN, J., et IGUMA WAKENGE, C., Op. cit, p. 3

    * 85VERWEIJEN, J., et IGUMA WAKENGE, C., Op. cit, p. 3

    * 86VLASSENROOT, K. et RAEYMAEKERS, T. cité par STEARNS, J., VERWEIJEN, J., et BAAZ, M.,E., Armée nationale et groupes armés dans l'Est du Congo. Trancher le noeud gordien de l'insécurité, Londres, Institut de la Vallée du Rift/Projet USALAMA, 2013, p. 24

    * 87VLASSENROOT, K.,et RAEYMAEKERS, T., cité par STEARNS, J., VERWEIJEN, J., et BAAZ, M.E., Op. cit, p. 27

    * 88VERWEIJEN, J., op.cit, p.23

    * 89 LUTUMBWE Michel, Comprendre la dynamique des conflits. Une lecture synthétique des facteurs de conflits en Afrique de l'Ouest. Note d'Analyse du GRIP, 14 Janvier 2014, Bruxelles, http//www.grip.org/fr/node/1176, consulté le 27/05/2020

    * 90 NDABEREYE NZITA, P., Op. cit. p. 67

    * 91 Rapport de Global witnes, LA RIVIERE D'OR. Comment l'Etat s'est retrouvé perdant lors de la ruée vers l'or dans l'Est du Congo tandis que des groupes armés, un société minière étrangère et les autorités provinciales ont empoché des millions, publié en Juillet 2016, p.8

    * 92 Rapport de Global witnes, op.cit, p.15

    * 93 Rapport du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires de l'ONU, 2010, p.8

    * 94 Entretien téléphonique avec Kabongi Ramazani depuis la cité de Kigulube, en date du 22/04/2018

    * 95SOLVIT, S.,RDC : REVE OU ILLUSION ? Conflits et ressources naturelles en République Démocratique du Congo, Paris, l'Harmattan, 2009, p.15

    * 96 FOREST, D. Causes et motivations de la guerre civile au Libéria (1989 - 1997), Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval, le 13/Avril/2004, p.9

    * 97HASPESLAGH, S., et ZAHBIA,Y., « Dialogue local avec les groupes armés, Au milieu de la violence », dans Conciliation Ressources, Londres, 2015, www.c-r.org. Consulté le 25/05/2018

    * 98 STEWART, F., « Les inégalités horizontales : Des obstacles au pluralisme », In Centre mondial du Pluralisme, Université d'Oxford, Mars 2017, p.1

    * 99Idem

    * 100 STEWART Frances, Op. cit, p. 2

    * 101 DWIGTH, H., et alii, op. cit, p. 363

    * 102 Rapport mondial sur l'éducation pour tous, L'éducation dans les conflits armés : La spirale meurtrière, 2011, p.34

    * 103 Dans le monde humanitaire, le concept cluster signifie répartition des ONG selon leur domaine d'intervention.

    * 104Rapport mondial sur l'éducation pour tous, L'éducation dans les conflits armés : La spirale meurtrière, 2011, p.34






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius