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Groupes armés et conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au sud-Kivu.


par Jacques LUTALA KATAMBWE
Université de Lubumbashi - Licence en sciences politiques et administratives 2020
  

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3. ETAT DE LA QUESTION

L'état de la question, qui n'est pas à confondre avec un simple alignement des opinions des auteurs sur un sujet donné, est une synthèse critique des écrits existants(4(*)). Il nous permet non seulement de recenser et de fixer la littérature existante sur la question de recherche en vue d'opérer une rupture démarcative, mais aussi d'ouvrir des nouvelles pistes de réflexions capables d'enrichir et d'élargir l'objet de recherche. Il permet également de retenir ou de capitaliser certains concepts pouvant être mobilisés dans la recherche.

Pour étudier avec objectivité un objet d'étude, le chercheur doit d'abord appréhender ou saisir ce qu'il y a de typique ou de spécifique, ce qui le distingue d'autres objets, mais aussi il doit détacher ce qui le croise avec d'autres objets.

Pour dégager la spécificité de notre recherche, il nous a semblé nécessaire de la situer clairement par rapport aux travaux déjà réalisés d'autant plus qu'il serait, comme le stigmatisent à juste titre R. Quivy et L. Van Campenhoudt(5(*)), « à la fois absurde et présomptueux de croire que nous pouvons nous passer purement et simplement de ces travaux comme si nous étions en mesure de tout réinventer par nous-même ».

La question de groupes armés à l'Est de la République Démocratique du Congo n'est pas nouvelle, elle a déjà fait l'objet de plusieurs recherches depuis un temps. A cet effet, nous n'aurons pas la possibilité d'accorder la lecture à toute la littérature en rapport avec notre étude, néanmoins nous aurons à citer certains auteurs ayant déjà traité cette question, sous différents aspects dont les ouvrages nous ont été accessibles ; à titre indicatif :

Léon De Saint Moulin (6(*)) nous montre que l'année 2008 commence en République Démocratique du Congo dans un climat d'incertitude. L'insécurité créée à l'Est du pays à la suite des affrontements entre les forces armées de la RDC (FARDC) et les troupes du général dissident Laurent Nkunda ne rassure pas quant à l'avenir du pays. De nombreux congolais, en majorité les femmes et les enfants, ont commencé la nouvelle année loin de chez eux, dans des conditions de précarité extrême.

Dans cet article, l'auteur est parti d'une constatation selon laquelle les conflits au Nord - Kivu sont destructeurs de l'ordre social et récurrents. Cette récurrence est imputée pour près de 80% à des causes externes ; c'est ainsi que l'auteur dira que ce qui se passe à l'Est de la RD Congo est inquiétant. Cet état de chose ne pourra changer que si tout le monde : autorités politiques et militaires, membres de la société civile, intellectuels et paysans, s'emploient à rechercher sans complaisance, les causes véritables et y apporter des solutions réalistes et durables.

Dans sa conclusion, l'auteur souligne que la RD Congo n'est pas le premier pays à traverser une crise aussi grave et durable, l'Angola, pour ne citer que ce pays voisin, a connu plusieurs années d'une guerre meurtrière dont les conséquences ont été dramatiques mais, ce même pays est aujourd'hui cité à la surprise de beaucoup, parmi les pays d'Afrique dont les habitants vivent dans la paix qui est la condition sine qua none pour tout développement intégral.

Le mérite de l'auteur avec notre objet d'étude est de considérer que les conflits armés sont destructeurs de l'ordre social. L'analyse de l'auteur sur la détermination de la responsabilité de tous les acteurs sociopolitiques afin de trouver sans complaisance les causes véritables de conflits armés et la mise en oeuvre des solutions réalistes et durables pouvant conduire à un changement positif de conditions socioéconomiques d'un peuple sont les éléments qui nous rapprochent avec l'auteur cité ci - haut.

Au - delà d'un tel mérite, nous soulevons que Léon De Saint Moulin est allé jusqu'à comparer la guerre que connait la RD Congo à celle de pays voisins, notamment celle d'Angola, oubliant que le contexte de l'émergence de la guerre à l'Est de la RD Congo n'est pas le même avec celui des pays voisins auxquels il a fait allusion... En Angola, par exemple, il s'agit d'une guerre par procuration qui a opposé les deux grandes puissances rivales américaine et soviétique pendant la Guerre froide, les États-Unis soutenant les mouvements rebelles alors que l'URSS soutenait les gouvernements marxistes en place. Mais tandis que les guerres qu'a connue la RDC sont fonctions de plusieurs enjeux, notamment les enjeux politiques, économiques, ethniques, etc.

Samuel SOLVIT (7(*)) est parti de l'observation selon laquelle les ressources naturelles jouent un rôle dans les conflits qui minent la République Démocratique du Congo depuis tant d'années. Depuis sa création en 1885, ce pays est en proie à des situations de conflits quasi permanentes. Du caoutchouc dans les années 1890-1900 au coltan-cassitérite, à l'or ou au pétrole dans les années 2000 en passant par le cuivre, l'uranium ou le diamant dans les années 1960, ces ressources sont au coeur des conflits congolais évoluant avec les besoins, les acteurs et les enjeux internationaux. Et il a observé la diversité et la complexité de ce rôle au cours de l'histoire du pays.

A l'époque coloniale, les ressources naturelles ont joué un double rôle dans la dynamique des conflits du pays. Elles ont tout d'abord servi à alimenter les conflits, car les ressources naturelles étaient la finalité principale de l'oppression et de l'exploitation. Les colons et les entreprises ont ainsi exercé ce pouvoir pour ces ressources, mais aussi via ces dernières. Et à plus long terme, elles ont contribué à la création d'une structure politique, étatique, économique et territoriale du pays instable, ce qui fut le terreau de conflits à venir.

Puis il y eut la période de la guerre froide. Protégé par l'affrontement des grands blocs, Mobutu pût tranquillement piller le pays et se servir des ressources naturelles pour s'enrichir. Le résultat fut un régime dictatorial, le délitement et la désorganisation totale de l'Etat et de l'économie ainsi que la création d'une forte instabilité interne. La fin de son régime se termina d'ailleurs par un conflit. D'un côté les ressources naturelles ont été un enjeu capital motivant les intérêts des grands blocs et permettant la domination et la pression. Et de l'autre côté, la guerre froide a limité les conflits internes au sein du Zaïre en étouffant les rébellions et les oppositions.

Avec la fin de la guerre froide et la fin du régime Mobutu, les années 90 ont laissé un vide. Ce vide politique et économique a été propice au développement de la prédation et à l'aboutissement de la désorganisation totale du pays menant à la chute de ce dernier. L'absence de pressions liées à la guerre froide et au pouvoir politique central s'est mêlée au manque de structure étatique. Les ressources naturelles y ont eu un rôle multiple : elles ont stimulé le pillage de l'Etat sous l'ère Mobutu ; ce qui aboutit à la « première guerre du Congo » entre 1996 et 1997, elles ont accentué la chute de l'Etat et le conflit en stimulant les intérêts et la prédation, elles ont financé la guerre et enfin, ajoute l'auteur, elles furent une des finalités de la guerre pour certains acteurs.

L'auteur continue en stigmatisant qu'en 1998 commença une nouvelle ère marquée par une guerre meurtrière. L'économie, par le biais des ressources naturelles, s'est infiltrée partout pour faire évoluer les conflits vers ce qu'il qualifierait de Business Conflits. L'abondance de ressources naturelles du pays dans un contexte mondial changeant - mondialisation, nouveaux acteurs et nouveaux minerais - a fait naître une nouvelle forme de conflits et a stimulé le développement de comportement de prédation. Les trafics de ressources naturelles augmentèrent, se caractérisant par l'afflux de groupes mafieux, de groupes armés et des groupes rebelles, ce qui fut source d'instabilité et contribua à alimenter la présence et la violence de ces groupes. Aussi, ce contexte mondial attira de nombreuses entreprises minières du monde entier qui, défendant leurs intérêts, devinrent des acteurs politiques. La « deuxième Guerre du Congo » fut un théâtre et une conséquence de ces changements. Se développa au cours de cette guerre le « commercialisme militaire » qui se caractérise par une position accrue des ressources naturelles comme finalité du conflit. Par ailleurs, les ressources naturelles ont plus classiquement servi à nourrir de guerre de ce conflit.

Cependant, le rôle des ressources naturelles reste capital et présent à chaque niveau de ces conflits. Elles donnent des moyens pour financer l'effort de guerre, des finalités, des catalyseurs, et indirectement ce sont elles qui permirent de créer un contexte politique et économique plus ou moins propices aux conflits. Elles ont donc agi à la fois au niveau conjoncturel et structurel.

Pour mettre son analyse en perspective, l'auteur rappelle qu'il ne faut oublier deux choses :

- Les ressources naturelles sont au coeur de l'activité économique du pays ;

- La guerre et l'économie sont éternellement liées, pour des raisons évidentes de financement de l'effort de guerre, et par ailleurs pour les liens plus « métaphysiques » qui peuvent exister entre le pouvoir, l'argent et la politique.

Ces deux observations ont amené l'auteur à se demander si ces conflits en RDC sont particuliers : fondement de l'enjeu économique (en RDC, les ressources naturelles) n'est - il pas, dans d'autres conflits, ailleurs ?

Il répond à cette préoccupation en disant que le lien entre les ressources naturelles et les conflits en RDC n'est pas différent du lien qui aurait pu exister entre n'importe quel autre enjeu économique et ces conflits. Cela induit que pour comprendre cette relation, peut-être faudrait-il chercher à comprendre les liens entre l'économie et la guerre de manière plus générale. S'il n'y avait pas de coltan, les armes seraient peut-être financées par autre chose : la drogue, le trafic d'êtres humains, des mouvements terroristes, la religion, les kidnappings, des opposants politiques, des « investisseurs » internationaux, etc.

L'auteur conclut en disant qu'il ne s'agit pas de déduire de ce dernier questionnement que toute la régulation est inutile. La RDC reste un pays instable et en très mauvais état.

Même si le contrôle de l'exploitation, de la gestion et de la commercialisation des ressources naturelles ne peut changer entièrement la dynamique des conflits, ce contrôle doit être exercé d'abord pour la reconstruction du pays et pour écarter toutes les stimulations qu'elles provoquent. Les ressources naturelles sont, comme nous l'avons vu, un facilitateur et un stimulateur de conflit. Elles aiguisent les désirs et nourrissent les appétits des plusieurs acteurs qui s'en intéressent. Pour ces raisons, les ressources naturelles doivent être contrôlées pour la stabilité du pays bien que ce ne soit qu'une étape éternellement perceptible et insuffisante.

Les guerres en RDC proviennent de causes multiples tournant autour de quatre séries de facteurs : économiques, institutionnels, régionaux et géopolitiques mondiaux. Ces facteurs sont intimement liés et ne peuvent être traités isolément pour la compréhension des causes des conflits, l'élaboration des stratégies de règlement des conflits ou le développement économique à l'issue des conflits. La faiblesse générale de l'économie a joué un rôle fondamental dans l'origine des conflits. La guerre contre Mobutu a éclaté dans un environnement propice aux conflits. Plus précisément, l'effondrement de l'ensemble de l'environnement macroéconomique, la mauvaise gestion du secteur public et la détérioration des conditions sociales, en particulier l'explosion du chômage des jeunes, ont sensiblement affaibli la capacité de l'État à pourvoir aux besoins élémentaires du peuple congolais et à assurer sa sécurité, créant ainsi un environnement propice à l'apparition de contestations violentes de l'autorité de l'État causées par le mécontentement et la cupidité.

Même si les guerres en RDC ont été décrites comme étant des « guerres des ressources », les ressources naturelles ne sont pas la cause directe des conflits. Ces derniers peuvent être mieux décrits comme étant principalement « des conflits de répartition », en ce sens qu'ils ont été alimentés par la mauvaise gestion du secteur des ressources naturelles et une répartition inégale des bénéfices provenant de l'exploitation de ces ressources. Le problème n'est donc pas le volume des ressources naturelles, mais l'incapacité de mettre en place des institutions solides et un cadre réglementaire efficace pour leur gestion, qui a rendu le pays vulnérable aux conflits et l'a empêché de tirer pleinement avantage de ses ressources naturelles abondantes. 

Nous sommes d'avis avec l'auteur lorsqu'il considère que ces ressources sont au coeur des conflits congolais évoluant avec les besoins, les acteurs et les enjeux internationaux. Et ensuite, par la considération qu'il donne en ce qui concerne l'absence d'une mise en place des structures solides et réglementaires efficaces pour la gestion de ces ressources par le gouvernement congolais.

Nous nous écartons de l'auteur dans le sens que les ressources naturelles ne sont pas le seul fondement conflictuel en RDC, il existe d'autres facteurs (l'etnicité, la vulnérabilité de la population, l'analphabétisme, les problèmes fonciers,...) qui expliquent la situation de la conflictualité en RD Congo et plus particulièrement à l'Est et dans le territoire de Shabunda ; ensuite, l'auteur n'a pas démontré l'incidence qu'ont ces ressources sur la vie de la population congolaise en général et de l'Est en particulier ; ce qui constitue notre objet d'étude.

Jean-Claude Willame (8(*)), fait état de conflits au Kivu, partant d'une classification qu'il va subdiviser en deux parties :

Dans la première catégorisation, il s'agit des guerres paysannes datant de 1937-1994, qu'il appellera d'une escalade conflictuelle autour d'enjeux fonciers et identitaires. Pour cette période, il partira d'une constatation selon laquelle les cohabitations imposées par les colonisateurs et les tensions politiques baptisées sous l'appellation « trajectoire conflictuelle », pour ainsi dire qu'au Nord-Kivu, les collines fertiles encore boisées et très peuplées au début de ces siècles, ont attiré des flux importants de migrants en provenance du Rwanda. En plus, une autre immigration massive encadrée et organisée par les autorités coloniales entre 1940-50, va inonder la province du Nord-Kivu, car la raison fondamentale de cette organisation est que ces migrants étaient confrontés aux problèmes de famine et aux affrontements politico-ethniques entre Hutu et Tutsi au Rwanda voisin.

Dans la deuxième catégorisation, le constat fait par l'auteur est celui de la guerre régionale et acteurs internationaux autour du Kivu, enjeux politiques en 1995 et 1998. D'après ses analyses, il constate que le génocide Rwandais est la principale conséquence, car l'énorme exode qui en découla, après la victoire du Front Patriotique Rwandais (F.P.R) en Juillet 1994 a représenté incontestablement pour ce qui regarde l'Afrique centrale, un signal fort d'une mutation historique, profonde en termes de mouvement et de déplacement de population, ses répercussions ont même débordé largement, l'Afrique dite des Grands Lacs.

Comme conclusion, l'auteur estime qu'en l'absence d'une capacité affirmée des organisations régionales africaines à prévenir et à gérer des situations de crises et de violences de plus en plus fréquentes, le désinvestissement politique de l'Organisation des Nations - Unies (ONU) et des principaux acteurs de la communauté internationale, risque d'accroitre encore davantage la surcharge humanitaire, car en RDC, il y a véritablement situation de guerre entre Etats, et des négociations internationales sont incontournables au vu du nombre des pays voisins, et même plus les pays lointains impliqués dans ce conflit.

Le débordement de mouvement et déplacement de la population dûs à ce que l'auteur qualifie des guerres paysannes d'une escalade conflictuelle autour d'enjeux fonciers et identitaires a engendré une cohabitation imposée par les colonisateurs. Nous soutenons la considération de l'auteur dans le sens où l'exode rwandais serait aussi un des facteurs d'instabilité de la population dans la partie Est du pays.

Notre démarcation avec l'auteur réside dans le fait que l'auteur n'a pas fait une analyse sur les acteurs locaux impliqués dans les conflits et guerres au Kivu afin de dégager la part de responsabilité de tout un chacun sur la dégradation de la vie de la population.

Ndabereye Nzita P. (9(*)), qui a apporté sa contribution à la reconstruction des Grands Lacs Africains en s'interrogeant sur les conditions de la paix durable, laquelle conditionne le développement de cet espace, démontre qu'aujourd'hui, beaucoup d'observateurs s'interrogent en sens divers sur le destin de l'Afrique des Grands Lacs après le temps des turbulences qu'elle a connu. Les conflits dans cette région n'ont pas été contenus à l'intérieur des frontières du Burundi, de l'Ouganda, de la R.D.C. et du Rwanda ; les pays voisins tels que la Tanzanie, la Zambie,... ont dû en subir considérablement les conséquences.

En effet, les horreurs de l'épuration ethnique du Burundi, du génocide au Rwanda, de la guerre civile en Ouganda et de la coalition ouverte de ces pays contre la RDC, ont mobilisé d'un coup et les belligérants nationaux et internationaux, la communauté internationale et l'Union Africaine à s'investir dans la gestion de la guerre et de l'endiguer.

A cet effet, au fil des années, le dysfonctionnement des politiques des pays de cette partie de l'Afrique risque de faire demeurer les peuples de cette région dans un sous - développement indescriptible. De nos jours, malgré l'intransigeance manifestée par la minorité contrôlant le pouvoir au Rwanda et au Burundi hier, le voeu de la majorité est pour la reconstruction de la région. Or, reconstruire les Grands Lacs, c'est poser d'abord une base solide pour amener une paix durable. Mais comme nous le savons, souligne l'auteur, la paix est un processus et non une fin en soi. Alors, il faudra reconstruire la paix en même temps qu'on intériorise et/ou qu'on déploie des efforts pour le développement de la région des Grands Lacs Africains. Car, la paix est une ressource rare pour arriver au développement. Au fait, c'est dans la quiétude que l'homme travaille. Et ce dernier a besoin à tout prix de la paix pour ses projets et pour son avenir, ajoute l'auteur.

Ainsi donc, si l'homme peut se développer pendant la paix, la réflexion de l'auteur a comme préoccupation de répondre à la question suivante : quels sont les facteurs à la base de la conflictualité dans les pays des Grands Lacs Africains et quelles sont les conditions du retour à la paix face aux impératifs du développement régional ?

A cette question, l'auteur pense que la colonisation serait à la base des foyers de tensions entre les peuples des Grands Lacs. D'abord, du fait du tracé arbitraire des frontières qui n'a pas tenu compte des identités et clivages qui allaient en résulter. Pour ce qui est du deuxième volet de la problématique, l'auteur démontre que la résolution des problèmes internes à chaque Etat de la région parait être une étape nécessaire et une urgence dans la gestion des conflits des Grands lacs.

L'auteur conclut son travail en disant que la démocratisation des institutions, l'instauration d'un Etat de droit pourrait déclencher la spirale de développement de la région des Grands Lacs Africains. La pauvreté, l'analphabétisme, ... sont là les grands obstacles au développement de cette région. L'éradication de ces maux peut être, au dire de l'auteur, possible par les soutiens divers du secteur privé. La démocratisation des institutions pourrait entraîner la restauration de l'autorité de l'Etat, l'Etat de droit, l'alternance au pouvoir, la justice (à tous les niveaux), la jouissance de toutes les libertés, la légitimation du pouvoir, etc. pour éliminer la pauvreté, l'analphabétisme, le parasitisme social, ... L'auteur démontre que cette charge incombe aux pouvoirs publics. La stabilité des régimes pourra attirer des capitaux étrangers qui pourraient, d'une part, combler les déficits budgétaires et, d'autre part, résorber le chômage en créant des emplois rémunérateurs.

Cherchant à comprendre les facteurs à la base de la conflictualité dans les pays des Grands Lacs et les conditions du retour à la paix face aux impératifs du développement régional, nous sommes d'accord avec l'auteur dans la mesure où l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population passe par une stabilité sociale (donc la population doit être en paix). Si l'homme doit être le moteur du développement, il faut qu'il arrive à développer ses capacités mentales et physiques. Seules ces capacités pourraient lui permettre de lancer un défi à toutes les misères qui l'accablent.

Notre démarcation avec l'auteur se situe au niveau où il considère l'impréparation de l'élite africaine des Grands Lacs, la gestion démocratique tenant compte des réalités locales, la redynamisation d'un cadre intégratif et la création d'une banque commune pour les quatre pays de la région, etc... comme les éléments pouvant conduire à une paix durable dans les pays des Grands Lacs sans faire analyse, sans déterminer les cadres pouvant mettre en place et/ou en application toutes ces suggestions, mais dans notre étude, nous voulons démontrer comment les groupes armés impactent négativement et positivement la vie sociale et économique de la population.

Judith Verweijen et Claude Iguma Wakenge(10(*)) développent des considérations selon lesquelles, après la défaite militaire de la rébellion du M23 en novembre 2013, la mobilisation armée s'est poursuivie à un rythme effréné dans l'Est de la République Démocratique du Congo. Malgré un fort retentissement, une première série de redditions n'a pas duré, et elle a surtout concerné des combattants individuels plutôt que des groupes armés entiers. Vers 2014, le paysage des groupes armés a connu une nouvelle fragmentation, les groupes existants se scindant alors qu'en émergent de nouveaux. La plupart de ces groupes, tels que les différentes factions Raïa Mutomboki et Nyatura, ne sont pas des mouvements rebelles de grande envergure, mais regroupent des combattants en nombre limité et variable, souvent inférieur à 300. Ils sont arrivés à se poser les questions de savoir comment expliquer la prolifération des groupes armés de faible envergure dans l'Est du Congo ? Quelles politiques ont été adoptées pour venir à bout de cette problématique ? Et, enfin, quelles en sont les implications pour les efforts de stabilisation et de consolidation de la paix ?

Les auteurs démontrent qu'en raison de la prolifération de petits groupes armés et de la disparition et dispersion des mouvements rebelles de plus grande ampleur, la configuration des groupes armés dans l'Est du Congo est de plus en plus fragmentée.

Cette fragmentation résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs, à savoir l'implication croissante d'acteurs politiques au niveau micro-local dans la politique militarisée, la volatilité de la dynamique des conflits locaux, et le recours à des politiques militaires contre-productives, notamment à des opérations militaires.

Depuis la fin de l'intégration globale des groupes rebelles dans l'armée nationale congolaise, les opérations militaires représentent la stratégie de prédilection pour lutter contre les groupes armés.

Ces opérations militaires ne s'inscrivent pas dans le cadre de démarches politiques plus larges visant à convaincre les groupes armés de déposer les armes.

Ils ont conclu en disant qu'il est impératif de concevoir des politiques axées principalement sur les groupes armés à proprement parler ainsi que sur leurs réseaux de soutien politico-économique, et de compléter ces politiques par une réforme de l'armée et des mesures pour venir à bout de la dynamique des conflits.

Notre travail converge avec ces auteurs dans la mesure où leurs analyses ont expliqué la prolifération des groupes armés de faible envergure à l'Est de la RD Congo et surtout par le fait qu'ils ont cherché à comprendre les politiques adoptées pour mettre fin à la persistance de ces groupes armés. Ces analyses ont une raison d'être quant à ce qui concerne notre étude.

Nous nous démarquons de ces auteurs par le fait d'avoir oublié de dégager l'impact de ces petits groupes armés sur les conditions socioéconomiques de la population, car l'amélioration de conditions sociales et économiques d'un peuple est l'un des facteurs pouvant éradiquer la présence des groupes armés dans cette partie du pays.

Sary Ngoy Blaise (11(*)), estime que deux causes principales peuvent expliquer la crise des Grands Lacs africains. Il s'agit de la pauvreté et de la démocratie. Pour lui, chercher à organiser une conférence régionale sur les Grands Lacs sans avoir résolu les sources internes des conflits dans chaque pays est une entreprise dénudée de sens. Pour l'auteur en effet, aussi bien au Congo qu'au Rwanda, au Burundi et en Ouganda, les racines des conflits futurs sont encore profondes (absence de démocratie, absence de conditions de progrès social et économique, le déséquilibre entre la croissance démographique et la croissance économique, le sous-développement industriel,...).

L'auteur pense aussi que la signature de « l'accord global et inclusif est un ingrédient qui en cache d'autres ». A l'appui de cette thèse, il se demande « si la manière dont les protagonistes ont mis fin à cette guerre autorise d'émettre des avis optimistes quant à l'avenir de la région », car « la guerre s'est achevée (ou pas achevée) par un cri qui en dit plus : ni perdant ni gagnant ». Pour lui, les accords conclus et qui mettent fin à la guerre sont « le fruit des négociations entre protagonistes... De quoi ils ont négocié ? Des terres du Kivu ? Des relations avec les voisins ? De la nationalité des Tutsis du Congo ? De gagne peu ? Des désoeuvrés, des militaires qui espèrent toujours vivre un eldorado ? Non, ils ont négocié le partage du pouvoir entre les composantes durant la transition et la tenue des élections démocratiques ». Il est donc supposé, affirme l'auteur, que les solutions aux autres ingrédients locaux sont renvoyées au second degré par le pouvoir de transition. Ainsi, comme au Congo, la guerre s'est « achevée par « ni victoire ni perte », elle n'est pas totalement achevée. Ses racines demeurent ». La constitution de ces facteurs déclencheurs est repartie à cause du « repeuplement de la région par les rwandophones et l'existence des caches d'armes dans les brousses du Kivu ».

Pour terminer, Blaise SARY, croit que « la paix régionale passe avant tout par la démocratisation réciproque des régimes » qui implique « un pouvoir national rassembleur, légitime et fort dans tous les pays » pouvant ainsi « préfigurer le début d'une stabilité et d'une paix durable dans la région.

L'absence de démocratie, l'absence de conditions de progrès social et économique, le déséquilibre entre la croissance démographique et la croissance économique, dégagés par l'auteur comme causes principales pouvant expliquer la crise des Grands Lacs africains sont des observations qui nous mettent en convergence avec l'auteur, car la mise en oeuvre de toutes ces causes évoquées ne peut pas permettre à un peuple de connaître le bien - être social.

Mais le contraste avec notre étude réside dans le fait que l'auteur considère que « la paix régionale passe avant tout par la démocratisation réciproque des régimes », or notre analyse part de l'observation qui consiste à comprendre l'implication de groupes armés dans la détérioration de conditions socioéconomiques de la population, pas seulement dans son aspect négatif, mais également dans son aspect positif.

TSHIMPANGA Matala Kabangu et GONZALEZ, F.(12(*)), après avoir étudié l'essence des conflits dans les pays de la région des Grands Lacs, notamment au Burundi, en Ouganda, en RD Congo et au Rwanda et leurs conséquences en Afrique Centrale et Australe, montrent que le conflit en RDC revêt une dimension régionale. Les peuples de la région des Grands Lacs sont si étroitement liés les uns aux autres dans les domaines social, économique, culturel et linguistique qu'une instabilité provoquée dans un pays de la même région pour causes internes, peut se propager rapidement jusqu'à créer une nouvelle dynamique de conflit dans toute la région, la porosité des frontières aidant.

Pour ces auteurs, en effet, c'est dans le cadre régional où il convient de trouver des solutions efficaces aux conflits et à l'instabilité qui couvre sur chacun des pays membres. Ces chercheurs ont, après investigations, constaté que « le climat de méfiance entre les gouvernements de la région et les attitudes extrémistes et de rejet affichées par la population face à des groupes ethniques déterminés, ne peuvent pas favoriser la cohabitation, ni la coopération, ni encore moins la réalisation de certains plans de développement régional. Il est fort souhaitable de rétablir la confiance et un dialogue capables de frayer des voies qui mènent vers la paix et la stabilité. Dans ce sens, la conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement revêt tout son sens ». Les chercheurs en question pensent qu'au cours de cette conférence les Etats concernés, notamment le Burundi, l'Ouganda, la R.D. Congo et le Rwanda « doivent ensemble chercher un accord sur des questions bien déterminées qui affectent leurs relations, notamment la restauration des relations de bon voisinage ; la recherche des stratégies qui favorisent un climat de stabilité, de paix et de sécurité ; la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance comme modèle de gestion politique et instrument d'attrait des investissements étrangers favorables à la croissance de l'économie ; la promotion du développement social au profit de tous les peuples de la région. Etant donné que la région a été dévastée, un plan Marshall doit être mis sur pied pour la relever, affirment les auteurs. En dégageant la stratégie de l'instauration d'une conférence internationale sur la paix, la sécurité et la démocratie, le développement revêt tout son sens.

Nous sommes d'avis avec les auteurs surtout lorsqu'ils dégagent les considérations sur les stratégies qui favorisent un climat de stabilité, de paix et de sécurité ; la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance comme modèle de gestion politique et instrument d'attrait des investissements étrangers favorables à la croissance de l'économie, la promotion du développement social au profit de tous les peuples.

La démarcation que nous retrouvons dans notre analyse à celle de ces auteurs réside dans le fait qu'ils n'ont pas dégagé les éléments déclencheurs de l'instabilité qui créent le manque de la paix dans la région et par ricochet, de toute la population de la région. Par contre, notre étude veut comprendre la montée des foyers de tensions des groupes armés qui constituerait un frein au retour de la paix et de la stabilité en causant ainsi une détérioration des conditions existentielles de la population.

* 4 SHOMBA KINYAMBA., S., Méthodologie et épistémologie de la recherche scientifique, Kinshasa, Ed. Presse Universitaire de Kinshasa, 2012, p. 37

* 5 QUIVY, R., et VAN CAMPENHOUDT, L., Méthodes de recherche en Sciences Sociales, Paris, Ed. Dunod, 2006, p.122

* 6 De SAINT MOULIN, L., « La perception des conflits et leur solution à Lemba Sud dans la ville de Kinshasa », In Congo-Africa, n°421, Kinshasa - Gombe, Janvier 2008, pp. 106 - 117

* 7 SOLVIT, S., RDC : REVE OU ILLUSION. Conflits et ressources naturelles en République démocratique du Congo, Paris, L'Harmattan, 2012, p.2

* 8 WILLAME, J.C., Conflits et guerres au Kivu et dans la région des Grands Lacs, Paris, Ed. l'Harmattan, 1999

* 9 NDABEREYE NZITA, P., Les conditions d'une Paix durable dans les pays des Grands Lacs Africains face aux impératifs du développement de la région, Mémoire de D.E.A., UNILU, Lubumbashi, 2005-2006

* 10 VERWEIJEN, J. et IGUMA WAKENGE, C., Comprendre la prolifération des groupes armés dans l'Est du Congo, Nairobi, Institut de la vallée du rift, 2015.

* 11 SARY NGOY, B., « La relecture géopolitique de la crise à l'Est du Congo en marge de la Conférence régionale sur la paix », Institut congolais des relations internationales, in www.congodiplomatica.com, consulté le 22/05/2007

* 12 TSHIMPANGA MATALA KABANGU., et GONZALEZ F., La conférence Internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la Région des Grands Lacs, Madrid, Los éditions, 2004.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld