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Groupes armés et conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au sud-Kivu.


par Jacques LUTALA KATAMBWE
Université de Lubumbashi - Licence en sciences politiques et administratives 2020
  

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CONCLUSION GENERALE

Nous voici au terme de cette étude qui a porté sur « Groupes armés et conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au Sud-Kivu ». Nous sommes parti, de l'observation selon laquelle le Territoire de Shabunda connaît une histoire politique instable marquée par des guerres, des crises politiques multiformes, des rébellions et insurrections, des dissidences, bref la violence entrainant ainsi une détérioration de conditions sociales et économiques de la population depuis plus d'une décennie.

Ce territoire réputé riche géologiquement et géoéconomiquement, a par contre une population qui vit dans une situation de pauvreté occasionnant une précarité de la vie sociale et économique.

Sur le plan sécuritaire, le Territoire de Shabunda est considéré comme une zone rouge. La présence de groupes armés qui se battent fréquemment met en danger la sécurité des citoyens et de leurs biens. La plupart de ces groupes, si pas tous, se battent pour le contrôle des carrés miniers.

L'aspect sanitaire dans ce territoire montre que Shabunda est une zone où la gratuité des soins a été et est encore pratiquée par Médecin Sans Frontière (MSF) Espagne. Cette gratuité s'expliquerait par le degré de vulnérabilité des populations toujours en mouvement à cause des affrontements réguliers entre les groupes armés pour contrôler les sites miniers et la paupérisation avancée de la population.

Au plan infrastructurel, le territoire est enclavé avec une habitation très rudimentaire. Les routes sont en très mauvais état, quasi impraticables.

Economiquement, bien que ce territoire possède un sous-sol riche en minerais, mais on observe une absence totale des investisseurs pour exploiter ces minerais afin de permettre à la population de se trouver un travail lui permettant d'améliorer sa situation sociale et économique. Toutes les potentialités ne servent pourtant ni au développement ni au bien-être de la Province du Sud-Kivu et moins encore dudit territoire.

Cette étude a répondu à une question de la problématique qui consistait à savoir : Quelles seraient les implications de la présence des groupes armés sur les conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au Sud-Kivu ?

De cette question, nous avons répondu, à titre d'hypothèses que les groupes armés seraient l'élément déclencheur, non seulement, de plusieurs effets négatifs entravant l'amélioration du bien-être de cette population longtemps marginalisée, mais aussi la présence de ces groupes armés a présenté quelques effets positifs qui ont contribué, d'une manière ou d'une autre à l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population de Shabunda.

Parmi ces effets négatifs, nous avons épinglé, l'exploitation illégale de ressources, le pillage systématique des richesses naturelles et biens de la population, l'augmentation excessive de prix des produits d'origine alimentaire, le recrutement forcé des jeunes et enfants dans l'armée, la déstabilisation des activités économiques dans le territoire, le déplacement des populations.

En ce qui concerne les effets positifs, nous avons évoqué l'autodéfense locale (sécurisation de la population) contre les exactions qui proviendraient des FARDC ou des autres groupes armés, l'existence ou la présence des humanitaires ou ONG venus exercer leurs activités dans différents domaines comme l'éducation, la santé, la création de centres de formation professionnelle pour l'encadrement des jeunes, ....

Le fonctionnalisme, dans son aspect relativisé comme théorie, nous a été utile pour saisir à fond notre objet d'étude. Il a été complété par la méthode fonctionnelle. Les techniques documentaire, l'entretien libre non structuré, l'observation extérieure désengagée, sans oublier la webographie nous ont servi à récolter les données sur le terrain.

Pour arriver aux résultats de notre étude, hormis l'introduction générale et la conclusion générale, nous avons divisé ce travail en trois chapitres. Le premier est axé sur les considérations générales. Ce chapitre a, d'abord, défini les concepts groupes armés, développement social, développement économique, conditions socioéconomiques et ensuite ce chapitre a donné le panorama du Territoire de Shabunda et de la Province du Sud-Kivu.

Le deuxième chapitre a analysé des groupes armés dans le Territoire de Shabunda. Nous avons épinglé, dans ce chapitre, d'abord les contextes et les causes générales, en les spécifiant selon qu'elles sont internes et externes, liées à la prolifération des groupes armés en RD Congo, surtout dans sa partie Est. Ensuite, nous avons dégagé les contextes et les causes spécifiques liées à la prolifération des groupes armés à Shabunda. Enfin, nous avons présenté quelques groupes armés actifs à Shabunda et stratégies de leur éradication par les pouvoirs publics.  

Le troisième chapitre, quant à lui, a porté sur les implications des groupes armés et conditions socioéconomiques de la population de Shabunda. Ce chapitre a consisté à épingler successivement les implications négatives des groupes armés et leurs implications positives.

Quant aux résultats obtenus, après investigations, nos hypothèses sont confirmées. Il ressort de ces analyses que les actions menées par les groupes armés pour leurs intérêts produisent des effets grandement néfastes sur tous les plans de la vie socioéconomique de la population civile du Territoire de Shabunda, notamment, l'insécurité généralisée dans plusieurs localités du territoire, le pillage et la destruction des infrastructures sociales, le déplacement de la population, le viol, le recrutement des enfants dans les groupes armés, la destruction des infrastructures économiques de base, baisse de niveau de revenu de la population, l'exploitation et le commerce illicite des minerais.

Au-delà de ces multiples conséquences négatives qu'ont présenté les groupes armés sur la population de Shabunda, il y a lieu de signaler que la décennie de guerre et conflits violents qu'a connue Shabunda n'a pas seulement engendré morts d'hommes, réfugiés et destructions, mais aussi d'importants changements sociaux et économiques.

En effet, les groupes armés ont joué le rôle d'autodéfense de l'entité sous leurs contrôles, ils ont facilité, d'une manière ou d'une autre, la promotion des fils et filles de Shabunda dans les hautes fonctions de l'Etat. A cause de la vulnérabilité de la population, les groupes armés à Shabunda ont engendré la promotion des humanitaires et Organisations Non Gouvernementales de Développement qui sont venus oeuvrer dans différents secteurs de la vie éducative, sanitaire et la formation professionnelle.

Notre souci en élaborant ce mémoire est de permettre à la population de Shabunda d'accéder aux conditions de vie améliorées et, à ce titre, promouvoir le développement intégral et durable de cette entité. L'amélioration des conditions de vie de la population dans le Territoire de Shabunda passe impérativement par un certain nombre des préalables dont l'important serait le retour à la paix qui ne pourrait être possible que lorsque les groupes armés sont éradiqués.

Pour éradiquer ainsi les groupes armés à Shabunda en vue d'un retour à la paix durable, il parait important qu'une stratégie de développement et de sécurité soit mise en oeuvre. Voilà pourquoi nous avons proposé quelques facteurs d'attractivité pouvant permettre aux groupes armés de se désengager à leur activité que voici :

- La restauration de l'autorité de l'Etat ;

- La création de centre de démobilisation et insertion sociale local ;

- La mise en place de mesure mettant fin à l'exploitation artisanales des minerais ;

- La mise en place et l'application d'une loi d'amnistie en faveur des éléments des groupes armés démobilisés ;

- La mise en place de la stratégie de la politique de l'arme contre argent ;

L'ancien diplomate et secrétaire générale de l'ONU affirmait que « la paix, la tolérance, le respect mutuel, les droits de l'homme, l'état de droit et l'économie mondiale ont tous également souffert des actes terroristes ». Il aurait ajouté, pensons-nous, que sa puissance mérite d'être restaurée après toute période de crise. Après toute période de crise, l'autorité de l'Etat est mise à l'épreuve. Alors, la restauration de cette autorité de l'Etat passe par l'installation des services publics, administratifs et sécuritaires efficaces.

Certes, nous n'allons pas ignorer que la restauration de l'autorité de l'Etat se veut une condition sine qua non pour arriver à mettre fin aux activités des groupes armés dans le Territoire de Shabunda. Cette restauration de l'autorité de l'Etat doit influencer l'ouverture sur le renforcement de la gouvernance locale y compris communautaire dans la prise en charge des questions de sécurité et de développement intégral dans cette partie de la RD Congo. Elle doit mettre un accent sur le renforcement des capacités institutionnelles, techniques et organisationnelles incluant l'appui au développement local.

Plus concrètement, il est important de noter qu'après la guerre, les écoles et tant d'autres établissements sont pillés, vandalisés et réduits en miette. De ce fait, la réfection de locaux administratifs ; la réhabilitation des écoles, des hôpitaux ; l'installation des commissariats de police et autres bases de l'armée régulière sont là des actes efficaces de la restauration de l'autorité de l'Etat. Autrement dit, il est important de pouvoir privilégier la construction d'un environnement paisible, sécurisé et stable de développement et d'épanouissement individuel et collectif des populations sur l'ensemble du territoire national.

Au-delà des multiples politiques de lutte contre la prolifération des groupes armés menée par l'Organisation des Nations unies (ONU) et le gouvernement de la RDC que nous qualifions d'impuissantes, il paraît important de mettre des nouvelles stratégies pouvant aider les pouvoirs publics à éradiquer les groupes armés à Shabunda, c'est notamment la création de centre de démobilisation et insertion sociale locale.

L'existence de ce centre dans le Territoire de Shabunda pourrait non seulement permettre à éradiquer les groupes armés, mais aussi aider les éléments des mouvements armés de retourner à la vie sociale normale (vie civile) ; car, par exemple, le fait qu'un milicien soit sensibilisé pour déposer son arme et être intégré soit dans l'armée républicaine, soit dans la vie civile après avoir subi une formation en dehors de son milieu habituel, cela crée, dans le chef de ce milicien, un sentiment de peur d'être dénaturer de son milieu habituel et de sa famille. Cette situation amène plusieurs éléments membres des groupes armés à avoir de résistances à venir déposer leurs armes et continuent à se cacher dans la forêt pour ne pas quitter son environnement opérationnel.

En tout cas la création d'un pareil centre permettra également (au-delà de bon retour à la vie sociale), une bonne réinsertion sociale des anciens éléments militaires. C'est vrai qu'il faut tenir aussi compte de l'aspect stigmatisation sociale que peut subir ces anciens militaires. Mais notons tout de même que nous proposons des stratégies diamétralement élaborée pour un bon fonctionnement de ces centres.

L'interdiction drastique de l'exploitation artisanale des minerais pourrait s'avérer importante dans le processus d'éradication des groupes armés à Shabunda en ce sens que les sites d'exploitation de ces minerais constituent le centre d'intérêt le plus prononcé pour ces groupes armés. Le secteur minier à l'Est de la RD Congo a une réputation sanglante. D'une part, l'exploitation des minerais serait, sinon la source, du moins dans le prolongement des conflits, tandis que des groupes armés y retireraient d'intérêts qui ne profitent ni au développement national, ni à l'amélioration des conditions de vie au niveau local. Depuis le début de la deuxième guerre du Congo en 1998, cette analyse a amené différentes propositions de solutions, comme un embargo, des sanctions, de la diligence raisonnable et de la formalisation. Jusqu'à maintenant, toutes ces solutions se sont heurtées à des problèmes d'implémentation.

Le philosophe Baruch Spinoza (1632-1677), affirme que la paix n'est pas l'absence de guerre, c'est une vertu, un état d'esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de justice. Un document de la MONUSCO sur la justice note que la loi portant amnisties en République Démocratique du Congo aurait pour objectif de réaliser la réconciliationnationale dans le but d'achever une paix durable. Mais parfois la question de l'amnistie pourrait revêtir pour les communs de mortel, le sens d'une sorte d'impunité pour les gens qui ont perpétré des crimes de droits humains pendant des périodes de guerre. Nous par ailleurs ne pensons pas ainsi. En revanche nous pensons que l'emprisonnement des éléments issus des groupes armés après leur démobilisation ou réinsertion s'avère d'avantage cultiver un sentiment de peur et de résistance dans le chef de ces éléments armés.

Nous comprenons en effet que la loi sur l'amnistie ne vient pas favoriser l'impunité. Elle vise en revanche le bien-être de procédure de paix et de démobilisation et réinsertion des éléments militaires. Mais cela, tout en tenant compte des principes légaux du droit national et international comme susmentionné.

Puisque la plupart de temps, l'enrôlement des éléments dans les groupes armés est motivé par un désir de s'enrichir, et aussi parce qu'il ne suffit pas seulement de démobiliser ou de réinsérer la personne sans savoir les conséquences sourdes qui résulteraient de la non récupération de son arme, la politique dite ici « d'arme contre argent » pourrait susciter de l'intérêt et de l'attention aux éléments des groupes armés, et par conséquent une garantie d'un succès pour le centre chargé de démobilisation et de la réinsertion sociale et économique. Car il n'est pas important de pouvoir démobiliser un individu qui a vécu pendant plusieurs d'années avec son arme mais qui la laisse cacher intentionnellement dans la brousse.

Nous pensons, à ce sujet, que si dans le Territoire de Shabunda on peut arriver à l'applicabilité de ces facteurs précités, la population arrivera à connaître l'amélioration de ses conditions de vie sociale et économique.

Ainsi, une nouvelle orientation s'impose pour continuer cette étude considérant qu'il n'y a pas de paix sans développement, par ricochet sans amélioration des conditions socioéconomiques de la population et il n'y a pas non plus de développement sans la paix : faut-il éradiquer les groupes armés pour développer ce territoire ou le développer pour éradiquer les groupes armés ?

Nos investigations restent ouvertes à toute critique, car il est difficile de définir définitivement l'objet d'une science, il change avec l'évolution d'une société ou selon le contexte dans lequel on se retrouve.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci