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Urbanisme et santé


par ERIC Omar MOUSTAQIL
Institut d'urbanisme de Lyon - Master 2 Urbanisme et aménagement 2020
  

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Comment l'urbanisme peut-il s'inscrire dans une démarche préventionnelle pour limiter le tout-médical ? 4 5 | 1 4 8

IV- Évolutions des approches de la santé

IV.1- L'essor du modèle biomédical : une approche curative et

réductionniste

La résolution des problématiques de santé invite directement à réfléchir à la définition de celle-ci. Cette tâche est complexe et il nous importe de l'aborder par une approche historique qui confronte les différentes conceptions existantes.

Le modèle biomédical a une approche de la santé uniquement biologique axée sur le corps humain. Les caractéristiques biologiques sont donc les facteurs déterminants dans la définition de la santé. Rapportée à cette approche, la santé peut être définie comme l'absence de maladie et le traitement est réservé uniquement au corps médical.

Ce modèle se développe depuis la révolution pasteurienne139 avec les vaccins contre les maladies. Il a dominé toutes les époques jusqu'à notre ère. En effet, les trente glorieuses ont appuyé ce modèle en investissant massivement dans l'industrie pharmaceutique et dans la technologie médicale.

Pourtant, cette approche est critiquée dès l'Antiquité par les enseignements d'Hippocrate qui lie la santé à la place de l'humain dans l'environnement. Dans son Traité des airs, des eaux, des lieux140, Hippocrate invite les médecins de son temps à s'intéresser aux causes environnementales (saisons, vents etc.) dans les villes, aux comportements particuliers, afin de déterminer les déclenchements possibles de maladie.

Impulsé par le progrès technique et les trente glorieuses, l'essor de ce modèle a axé sa stratégie sur le développement de nouveaux processus et établissements à finalité curative. Ce développement, qui est toujours en vigueur, s'articule par d'importantes dépenses pour investir dans le tout-médical. Son approche privilégie la pathogénèse (recherche sur les maladies) ou le corps humain et ses organes en négligeant la doctrine Hippocratique. Ce modèle ne considère pas les aspects extérieurs et ignore les facteurs clés qui déterminent la santé. Il est confronté, à l'échelle mondiale, et notamment dans les pays développés, à une

139 Blanc, « Albert Lévy (coord.), Ville, urbanisme et santé. Les trois révolutions ».

140 « HIPPOCRATE : Traité des Airs, des Eaux et des Lieux. », art. déjà cité. http://remacle.org/bloodwolf/erudits/Hippocrate/eaux1.htm.

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profonde mutation de la nature des problèmes de santé, ce que de nombreux chercheurs et scientifiques ont qualifié de transition épidémiologique.141 Par ailleurs, cette approche est critiquée par le plus grand nombre, notamment sur son aspect très réducteur142.

Aujourd'hui, malgré les critiques du modèle biomédical qui n'est plus pris stricto sensus, les pratiques médicales et politiques se poursuivent pourtant selon celui-ci. En effet, nous constatons qu'en général, une ordonnance médicale contient en moyenne 3,4 lignes de médicaments143. La pratique médicale s'appuyant sur cette approche exclut donc généralement les causes environnementales et sociales comme facteurs déterminants de la santé. « En France, 90 % des consultations de médecine générale aboutissent à une prescription médicamenteuse, versus 83 % en Espagne, 72 % en Allemagne et 43 % aux Pays-Bas»144.

L'usage du médicament conséquent à cette approche implique plusieurs problèmes. Une contradiction existe, le médicament monopole pour « faire santé » est également une source polluante. En effet, premièrement, l'industrie pharmaceutique est un maillon dans la chaîne de production de la pollution. Selon Chahnez Antri-Bouzar (Antri-Bouzar, 2017)145, diverses analyses à proximité des établissements industriels pharmaceutiques ont révélé la présence de substances chimiques médicamenteuses dans l'environnement. Deuxièmement, il existe également une pollution à la consommation. Lorsqu'un médicament est administré à un individu, le corps humain ne l'absorbe pas entièrement et des substances peuvent se retrouver dans les eaux usées. De plus, les stations d'épuration chargées de les traiter ne peuvent faire disparaître entièrement les substances médicamenteuses. De ce fait, elles se retrouvent dans les eaux de surface et plus tard dans les eaux potables146.

141 Henri Leridon, « La prévention dans la transition épidémiologique », in La prévention du risque en médecine: D'une approche populationnelle à une approche personnalisée, éd. par Pierre Corvol, Conférences (Paris: Collège de France, 2013), http://books.openedition.org/cdf/1665.

142 Laurent Chambaud, « Territoires, incubateurs de santé ? Les Cahiers de l'IAU îdF n° 170-171 - septembre 2014 », s. d., https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1101/C_170-171_web.pdf.

143 Laurence Auvray et Catherine Sermet, « Consommations et prescriptions pharmaceutiques chez les personnes âgées: Un état des lieux », Gérontologie et société 25 / n° 103, no 4 (2002): 13, https://doi.org/10.3917/gs.103.0013.

144 David Darmon et al., « Facteurs associés à la prescription médicamenteuse en médecine générale : une étude transversale multicentrique », Santé Publique 27, no 3 (2015): 353, https://doi.org/10.3917/spub.153.0353.

145 Chahnez Antri-Bouzar, « La gestion des risques liés à la pollution médicamenteuse » (Université Côte d'Azur, 2017).

146 Idem

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Aujourd'hui, plusieurs études contradictoires sur les effets de la pollution médicamenteuse existent. Certaines indiquent que les effets sur le corps humain sont faibles. En revanche, d'autres remettent en cause la méthodologie de telles études car plusieurs points de méthodologie sont critiquables car elle ne prend pas en compte des populations à risque (personnes âgées, enfants, diabétiques etc.).

Enfin, le médicament visant à guérir peut-être également facteur de dégradation de santé au sens où un médicament est iatrogène (possède des effets secondaires néfastes sur le corps). Or, la prise de médicaments devient un fait de plus en plus commun, que ce soit par prescription ou par automédication. Par exemple, en France, en 2021, selon un article d'une revue mutualiste, Viva Magazine147, « 13.4% de la population a déjà consommé au moins une fois des benzodiazépines de la classe des anxiolytiques ». Cette classe de médicaments comporte de nombreux effets secondaires graves comme diverses réactions psychiatriques, des amnésies, des somnolences voire même des comas. Elles sont donc responsables de nombreux accidents de la route. Une réponse du Ministère de la Santé et des Sports à un sénateur indiquait : « Les résultats, communiqués par l'AFSSAPS au mois de septembre 2008, sont très proches de ceux de 1998, soit un taux d'incidence de 3,60 %, entraînant en moyenne 10,29 jours d'hospitalisation et, toujours par extrapolation, au niveau national, 143 915 hospitalisations liées à un effet indésirable médicamenteux par an » (souligné par nous).148 Nous pouvons alors nous interroger sur la raison de la surconsommation de médicaments. L'article cité de Viva Magazine149 indique que selon plusieurs experts, la prise en charge des médicaments par l'Assurance Maladie, et non celle de traitements alternatifs, incite à l'achat puis la consommation de médicaments, notamment pour les maladies évitables.

Cette approche repose sur cette hyperconsommation des soins primaires, dont les coûts sont exorbitants, comme nous l'avons indiqué précédemment pour les soins relatifs à la sédentarité. Bien évidemment, des coûts qui peuvent être évités en agissant sur leurs causes par une approche préventionnelle.

147 Anne-Marie Thomazeau, « Les Français consomment-ils trop de médicaments ? », Viva Magazine (blog), 11 janvier 2021, https://www.vivamagazine.fr/les-francais-consomment-ils-trop-de-medicaments/.

148 « La surconsommation de médicaments, un problème de santé publique - Sénat », consulté le 1 novembre 2021, https://www.senat.fr/questions/base/2009/qSEQ090709333.html.

149 Thomazeau, « Les Français consomment-ils trop de médicaments ? »

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IV.2- La santé et le développement durable : approche

environnementaliste de la santé

Le concept de développement durable naît formellement avec le rapport Brundtland150 en 1987 à la suite de la prise en compte des effets du modèle de production sur l'environnement. Avec la première révolution industrielle et les évolutions politiques151 152, l'humanité entre dans une ère de domination avancée de la nature. De fait, la maîtrise progressive des énergies et des ressources par l'industrie, combinée à des rapports de production capitalistes recherchant le profit, amène à une production intense paraissant illimitée aux acteurs. Or, ceci est une vision réductrice de l'économie. Il est impossible de penser l'économie et la production, c'est-à-dire une activité humaine, hors de l'environnement qu'elle transforme et qui la transforme à son tour. Par exemple, l'activité humaine est un facteur de réchauffement climatique153, ce même réchauffement climatique oblige à la résilience. L'activité humaine, conduite par le prisme économique, a amené à diverses conséquences écologiques (pollution, épuisement des ressources, dérèglement climatique etc.). La prise de conscience de ce rapport entre production et environnement a amené l'ONU en 1972, à Stockholm, à tenir une conférence sur l'Homme et son milieu. Cette conférence voit la naissance du Programme des Nations Unies pour l'Environnement. En 1983, l'Assemblée des Nations Unies crée la Commission Mondiale pour l'Environnement et le Développement, présidée par Mme Gro Harlem Brundtland, premier ministre de Norvège. Cette dernière remettra, en 1987, un rapport intitulé, Notre avenir à tous, aussi appelé rapport Brundtland154. Ce rapport définira alors le concept de développement durable qui prendra toute son ampleur pendant le Sommet de la Terre de Rio en 1992. Trois piliers composent alors le concept de développement durable : le social, l'économie et l'environnement dans l'objectif de gérer aujourd'hui les

150 Office fédéral du développement territorial ARE, « 1987: Le Rapport Brundtland », consulté le 25 octobre 2021, https://www.are.admin.ch/are/fr/home/medien-und-publikationen/publikationen/nachhaltige-entwicklung/brundtland-report.html.

151 René Passet, « Chapitre II. La réduction du champ de la pensée économique », in L'Économique et Le Vivant, Hors collection (Paris: Economica, 1996), 27-49, https://www.cairn.info/l-economique-et-le-vivant--9782717831047-p-27.htm.

152 Eric J. Hobsbawm et Eric J. Hobsbawm, L' ère des révolutions, Historiques 40 (Bruxelles: Éd. Complexe, 1988).

153 Sans discuter de l'importance de ce facteur, question que nous laissons aux experts.

154 ARE, « 1987 ». (rapport Brundtland) art. déjà cité.

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ressources en répondant «aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »155.

Pendant ce Sommet, la question des villes et du développement durable se posera. En conséquence, le concept de ville durable va apparaître. Haughton et Hunter définissent la ville durable comme « Une ville durable est une ville dans laquelle les habitants et les activités économiques s'efforcent continuellement d'améliorer leur environnement naturel, bâti et culturel au niveau du voisinage et au niveau régional, tout en travaillant de manière à défendre toujours l'objectif d'un développement durable global» (Haughton & Hunter, 2016)156.

En 1994, la charte d'Aalborg157 , en opposition avec la Chartes d'Athènes158, défend une gestion de la densité et des fonctions urbaines en relation avec le développement durable. La ville durable comme concept remet en cause la vision fonctionnaliste de l'urbanisme moderne. La critique de l'urbanisme moderne élaborée par Françoise Choay dans son parcours universitaire a été reprise politiquement par le Livre vert sur l'environnement urbain159 de la Commission des Communautés Européennes, (1990).

Ce livre est un témoin de ce que nous pouvons appeler une approche environnementaliste de la santé. La question de la santé est posée uniquement comme conséquence de considérations environnementales. Par exemple, dans le Livre vert sur l'environnement urbain, chapitre premier, section 2, des paragraphes sont centrés sur les effets de la pollution sur la santé. On y retrouve également en Annexe I des articles du Traité relatif à l'environnement, notamment l'article 130R 160:

« 1. L'action de la communauté en matière d'environnement a pour objet

· de préserver, de protéger et d'améliorer la qualité de I 'environnement;

· de contribuer à la protection de la santé des personnes;

155 ARE. (rapport Brundtland) art. déjà cité.

156 Graham Haughton et Colin Hunter, Sustainable Cities, First issued in hardback, Regional Development and Public Policy (London New York: Routledge, Taylor & Francis Group, 2016).

157 « Charte des villes européennes pour la durabilité : Charte d'Aalborg (27 mai 1994) », consulté le 25 octobre 2021, http://i.ville.gouv.fr/index.php/sfPropelFileAssoc/download/file_id/250.

158 « Et si on relisait vraiment la Charte d'Athènes? », Chroniques d`architecture, 31 mars 2020, https://chroniques-architecture.com/et-si-on-lisait-vraiment-la-charte-dathenes/.

159 Commision des communautés européennes, Livre vert sur l'environnement urbain, 1990.

160 Idem, art. déjà cité

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? d'assurer une utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles 161»

Nous avons donc une démonstration, qu'implicitement les politiques mises en oeuvre en termes de développement durable tendent à considérer les problématiques de santé comme liées à celles environnementales. Nous précisons qu'il s'agit d'une tendance implicite et non d'une volonté marquée. Cette approche limitée néglige donc d'autres aspects sociaux, économiques, et urbains. Il semble pour autant qu'il faille nuancer le propos. L'objectif 3 du développement durable (Cf. figure n°8), promulgué par l'ONU162 prend en compte une notion plus large que la santé : le bien-être. Dès lors, il semble que l'ONU fasse siennes des conclusions de l'OMS. En revanche, les cibles des politiques liées à ces objectifs relèvent principalement de considérations physiques (lutte anti-tabac ; accès aux services de soins, réduire la pollution etc.). Dès lors, les limites de l'approche ne sont pas réellement dépassées et il semble alors opportun de s'intéresser aux définitions et préconisations de l'OMS en termes de santé.

161 Idem, art déjà cité

162 Sophie Farigoul, « Objectif 3 : Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge », Développement durable (blog), consulté le 16 septembre 2021, https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/health/.

Figure n° 8: 17 objectifs ont été adoptés fin 2015 par l'ensemble des États réunis au sein de l'ONU

Source : Les Objectifs de développement durable - Développement durable ( un.org)

IV.3- Une approche globale et positive : L'OMS vers un nouveau

paradigme

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery