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Le port de Kribi. Force ou menace pour la proposition d’inscription des chutes de la lobe sur la liste du patrimoine de l’Unesco et pour l’identité des populations riveraines.


par Suzanne Pulcherie NNOMO ELA
Paris 1-Panthéon Sorbonne - Master Erasmus Mundus TPTI 2016
  

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5. Etat de lieu de l'implantation effective du Port de Kribi

Le point de vue actuel des populations

Les chefs du Villages : En juillet 2015, nous avons rencontré les principaux chefs des villages du Paysages culturel de la Lobé et voici l'essentiel de nos entretiens : ils ont tous répondu aux mêmes questions.

Sa Majesté Jean Blaise TSAGA -DI-GUI, Chef du Village Mbeka'a : D'après le chef, son village à l'origine se trouvait par la zone désormais occupée par la SOCAPALM6. Ils ont été obligés de se recaser là où ils sont aujourd'hui.

A votre avis quel est l'impact de la construction du PORT sur l'environnement (fleuve et mer, champs, animaux etc.) ?

L'implantation de la SOCAPALM dans cette zone avant le projet du port, a détruit les forêts, les sites d'initiations, et les vrombissements des engins empêchent le repos paisible de la population. Le tracé de l'autoroute dans un premier temps passait dans la SOCAPALM. Celui-ci a été repris deux fois par la DIPD et l'autoroute qui était prévu passé par la SOCAPALM a été déviée à cause du taux élevé du dédommagement que l'Etat devrait verser à cette société. Conséquence les Mbéka'a sont à nouveau contraints de céder une bonne partie de leurs terres au détriment de l'autoroute. A cet effet, les habitations sont détruites, les cultures, les forêts, la pharmacopée sont en train de disparaitre. Depuis le début des travaux,

5 Idem.

6 Société Camerounaise de Palmeraies

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les animaux de la forêt ont fui. L'apport d'une nouvelle route est certes un plus pour le développement, l'entrée principale des chutes de la lobé a été améliorée, et les travaux sont toujours en cours. Pour le fleuve lobé, les travaux prévus ne sont pas encore réalisés.

Quel est l'impact sur le plan économique (opportunité de travail, de formations, d'études etc.) ?

Les jeunes du village ne sont pas formés pour un quelconque travail important. Ils sont relégués à des tâches minables ne rapportant rien au village. Ils préfèrent vaquer à leurs tâches habituelles.

Les chefs traditionnels ne sont pas au centre du développement. Ils sont assujettis par les autorités de Yaoundé et Kribi. Conséquence le dédommagement n'est pas louable à cause des terrains non titrés. Des textes de lois et décret ou toute autre sont brandis pour prendre en charge seulement les terrains titrés. Et le fameux dédommagement est arbitraire parfois à tête chercheuse car les premières listes de dédommagement ne comportent pas tous les ayants droit. Et depuis le début de ce projet, les populations n'ont pas encore été indemnisées.

Depuis le début de ce projet, le coût de la vie a changé dans cette zone. L'inflation est à la mode sur tous les produits. A titre d'exemple, le poisson qui se vendait en tas se vend désormais en kilos les prix ont doublés voire même triplés.

Quel est l'état actuel du volet traditionnel avec cette proximité ? (Cultes, rites, espaces sacrés, etc.)

La destruction des sites rituels et espaces sacrés a commencé avec l'implantation de la SOCAPALM, et se trouve dans une avancée considérable aujourd'hui avec ce projet. Nous assistons à un déplacement important des populations pygmées de la zone. Les rites ne peuvent plus être accomplis.

S.M. BIKOUO Henri, Chef du Village Ndoumalè :

A votre avis quel est l'impact de la construction du PORT sur l'environnement (fleuve et mer, champs, animaux etc.)

La destruction des sites rituels et espaces sacrés a commencé avec l'implantation de la SOCAPALM, et se trouve dans une avancée considérable aujourd'hui avec ce projet. Nous assistons à un déplacement important des populations pygmées de la zone. Les rites ne peuvent plus être accomplis. La SOCAPALM a été la toute première société à causer un grand désastre dans ces villages. Elle a détruit les ruisseaux, les arbres. Les populations qui vivaient des travaux champêtres ont tout perdu après son installation et les riverains n'ont pas été indemnisés. Les palmiers sont plantés à 1m des fleuves contrairement aux normes

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prévues. Une autre situation assez embarrassante plane sur les riverains. Celle de la non prise en compte des droits fonciers coutumier par l'Etat. Les terres sans titre foncier sont arrachées aux populations qui les détiennent depuis des décennies aujourd'hui. Et tous ceux qui ont entrepris les démarches pour l'établissement des titres fonciers ont été enroulés dans l'étau de la procédure, savamment menée par les responsables de ces services. C'est après plusieurs plaintes portées des chefs traditionnels auprès des autorités compétentes que certaines situations de titres fonciers se sont décantées.

Actuellement les sociétés installées sur ce site sont : HEVECAM, SOCAPALM, Rio Tinto Alcam, EDF Suez (Gaz de France), Une compagnie d'aluminium, une société chinoise qui s'occupent de la construction des points de traitement des eaux pour le ravitaillement du port en eau profonde. Les riverains déplorent le déversement des boues et d'autres produits inconnus dans le fleuve la lobé, rendant ainsi les bains impossibles.

La Scan water (Société Nationale des eaux) ne désert pas la population. Les compagnies chinoises et d'autres sociétés installées dans le coin détruisent plutôt les routes et les buses qu'elles ont trouvées sur le site avec leurs voitures. Il n'y a pas d'assainissement du milieu mais une dégradation assez considérable des infrastructures trouvés avant le lancement des travaux.

Quel est l'impact sur le plan économique (opportunité de travail, de formations, d'études etc.) ?

Sur ce plan le bilan est assez déplorable. Au début du projet, tous les riverains étaient enthousiastes dans l'idée de trouver du travail et de voir leur village se développer. Le sort est mitigé. Les jeunes des villages ne sont pas recrutés et le manque de travail n'a pas changé. Les quelques jeunes (au nombre de 5 maxi) qui sont employés, ne sont pas enregistrés. La main d'oeuvre est chinoise. Tous ceux qui sont partis d'autres régions à la recherche du travail dans cette zone dorment à la belle étoile au risque des piqures de serpent et tout autre accident, pour ne pas se voir employer.

Actuellement, la souffrance grandissante au sein de cette zone a déjà donné naissance à une révolte interne des riverains que les chefs traditionnels essayent tant bien que mal de maitriser mais ils ont peur que leurs populations se retournent contre eux, car taxés de complicité.

Les chefs traditionnels déplorent le manque de collaboration entre les autorités administratives et les riverains. Ces derniers qui signent des documents officiels délimitant ainsi les parcelles de terrains dans cette zone ne connaissent même pas les limites des parcelles. Et ce désordre crée de véritable problème entre les sociétés et les riverains. Le

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tonnage n'est pas respecté, les projets mettent les populations en insécurité, et au finale, les autorités administratives se remplissent les poches en ignorant la réalité que subissent les populations. Et pour couronner, sur ce tronçon de 9 Km, il n'y a pas d'école, pas d'hôpital pour ne citer que ceci.

Quel est l'état actuel du volet traditionnel avec cette proximité ? (Cultes, rites, espaces sacrés, etc.)

Beaucoup de traditions et rites sont en train de disparaitre à cause de l'implantation de ces sociétés. Les lieux sacré et espaces sont détruits et aucune mesure concrète n'est pas visible pour la pérennisation. Les riverains subissent tous la pression des sociétés et cette pression est dictée par les autorités.

S.M EKO Roosevlt, Chef du village Lobé

À votre avis quel est l'impact de la construction du PORT sur l'environnement (fleuve et mer, champs, animaux etc.)

La pollution est inévitable si les pouvoir publics ne prennent pas les mesures à temps. Il est important de veiller sur le recyclage des déchets des sociétés qui vont s'installer sur ces sites ainsi que les bateaux qui vont accoster. Mais comme nos dirigeants sont laxistes, avares et égoïstes, nous sommes très sûres que le chaos est inéluctable.

Les dirigeants et les acteurs économiques de notre pays continuent à prendre les affaires et les investissements publics à la légère, simplement pour satisfaire leurs égoïsmes et intérêts personnels. Le tronçon routier Kribi-port est insignifiant compte tenu du trafic qu'il va supporter. Pour le moment tout va bien mais si nous faisons une projection dans 10 ou 15 ans après, cette route à grand trafic, sera comparée à une route de quartier modernisée.

Nous assistons aujourd'hui à un achat important de terrain. Et ce déferlement est orchestré par les autorités compétentes c'est-à-dire les sous-préfets, les personnels du cadastre et domaine etc. En bref c'est une mafia comme nous avons l'habitude de le voir en occident qui s'est déjà installée ici. Et ce sont les pauvres et les faibles qui subissent. Les autochtones moins avertis et avides d'argent sont trompés dans la vente des terrains. Par exemple, pour une parcelle de 2000 m2, ils peuvent recevoir une somme de 500 000 F CFA (environ 763.36€) et une vieille automobile restaurée à hauteur de 200 000 FCFA (environ 305.34€) dont les pièces de rechange sont rares et chères et qui peut avoir vue l'âge de la voiture, une valeur marchande de 800 000 F CFA(1221.37€). Au final, la voiture roule pendant une ou deux semaines et surviennent les pannes. Tout le reste d'argent quand celui-ci n'a pas servis à

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faire des fêtes, sera encore investis dans ledit véhicule et finalement va être garée dans la cour de ce dernier, signe d'une affaire conclue. Des exemples pareils sont légions.

Quel est l'impact sur le plan économique (opportunité de travail, de formations, d'études etc.)?

Le volet économique est un autre maillon de la chaine qui nous préoccupe. Rien n'a été fait à ce niveau et les résultats que nous avons aujourd'hui ne sont pas surprenants. Aucun jeune d'un village quelconque n'a une formation requise pour les sociétés qui se sont installées ou qui vont s'installer. Les quelques jeunes qui ont été employés dans ces sociétés gagnent des sommes d'argent minable à savoir 35000 F CFA/mois (53.43€). Tous ont préféré abandonner ces emplois pour retrouver leur activité de pêche où un seul tour en mer leur rapporte plus de 35000 F CFA. En faisant un calcul simple c'est-à-dire 35000 F CFA/ jour, et en travaillant pendant 10 jours, ils ont un gain de 350 000 CFA (environ 530.43€). Conclusion ces travaux mal payés ne sont pas importants. Mais il ne se fait pas tard pour qu'on forme les jeunes. C'est pourquoi j'ai pris sur moi de créer un CETIC7 qui va de la 1ere à la 2ème année. Il renferme comme filière, la maçonnerie, la menuiserie, l'électricité, la comptabilité. Les jeunes formés pourront prétendre à des meilleurs emplois et salaire.

Depuis l'installation de ces sociétés, l'on constate une augmentation du cout de vie. Ce sont les nécessiteux qui payent les frais et non les nantis.

Quel est l'état actuel du volet traditionnel avec cette proximité ? (Cultes, rites, espaces sacrés, etc.)

Ce volet est celui qui fait encore le plus mal. Toutes les espaces sacrés sont vendus. Nous pouvons citer l'achat d'un cimetière de à proximité du village Mbéka'a. Les rites qui se pratiquent au niveau des cours d'eau sont menacés de disparition parce que les cours eaux commencent à se polluer. Dans 10 ans ou plus qu'en sera-t-il ? Plusieurs sites de rituels et touristiques ont été détruites au détriment de la construction du port. Si rien n'est fait les traditions, les cultes, les rites et tous les autres espaces sacrés vont totalement disparaitre.

S.M BeundeEvilaLudwing, Chef du Village deBwambè :

A votre avis quel est l'impact de la construction du PORT sur l'environnement (fleuve et mer, champs, animaux etc.)

Les populations autochtones ont salué l'avenu de ce projet en sachant que les villages vont connaitre l'évolution à travers la construction des écoles, hôpitaux, et surtout

7 Collège d'Enseignement Technique, Industriel et Commercial.

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l'amélioration du niveau de vie de chaque famille par le biais des indemnisations des terrains qui vont être faites. Mais aussi que les jeunes vont être formés et trouver des emplois décents. Mais la réalité actuelle a causé un dégout chez les riverains qu'ils auraient souhaité que ce projet n'existât point. Les fleuves sont déviés transformés, nous assistons à un vaste déplacement des animaux, les habitants sont obligés de partir un peu plus loin dans les forêts pour recréer d'autre champs. Les indemnisations sont partielles. Au lieu de venir résoudre un problème, le projet en crée plutôt une multitude. La déforestation déplace les populations de leurs zones d'occupations vers d'autres. Si ce rythme incessant continu, est- ce que le recasement sera possible ? C'est autant de questions que se posent les riverains. Les autorités ont parlé de recasement des populations vers de nouveaux sites, mais c'est un leurre parce que les travaux qui sont envisagés concernent plutôt les futurs employés du port. Les terres sont arrachées, et les populations ne sont pas recasées et seront obligées de se débrouiller comme elles peuvent.

Quel est l'impact sur le plan économique (opportunité de travail, de formations, d'études etc.) ?

Il n'y a pas d'opportunité pour les riverains. Aucune structure de formation n'a été implantée malgré la demande faite par les chefs traditionnels et les populations lors des différentes rencontres avec les autorités avant le lancement du projet.

Les sociétés installées pour l'implantation du port n'emploient pas les riverains. Si on prend le cas de la centrale à Gaz, les noms des ingénieurs camerounais retenus n'ont pas été pris en compte. Tous les travailleurs viennent de la Suisse, du Canada et d'autre pays. La société chinoise CHEK n'emploie aucun jeune du village, RAZEL8 a recruté par village quelques jeunes par rapport à ce projet. Même les sociétés Camerounaise (FNE) n'encouragent pas les jeunes du village. Les travaux et les formations sont faits pour les personnes venant d'ailleurs au détriment des jeunes du village.

Pas de projet d'étude environnemental sur le terrain. Toutes les études se sont faites dans les bureaux ignorant ainsi les réalités du terrain.

Quel est l'état actuel du volet traditionnel avec cette proximité ? (Cultes, rites, espaces sacrés, etc.)

Les chefs traditionnels observent impuissamment comment les sites sacrés, les sites réservés aux rites et lieux de cultes sont en train d'être détruites. Pour le moment l'extension du projet ne touche pas encore tous les sites sacrés. Néanmoins, nous déplorons la destruction

8 Filiale nationale de l'Entreprise française de construction et des travaux publics RAZEL-BEC

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du rocher sacré (le Rocher du Loup) sur lequel le port passe. Et cette situation empêche actuellement toute manifestation culturelle.

Lors de notre dernière visite sur le site, nous avons eu l'opportunité d'assister à la réunion des collectifs de tous les chefs de la région qui sont touchées par le projet du Port. Les chefs déploraient les promesses non tenues et l'indifférence des responsables du port à ce propos, et mettaient en oeuvre les stratégies pour manifester leur colère et indignation auprès du chef de l'Etat, face au pillage et à la destruction du site mais plus encore le Trafic des indemnisations et des titres fonciers orchestré par les autorités administratives.

Les Associations des jeunes (pécheurs et guides) :

La plupart des jeunes de ces villages sont soient pécheurs, soient guides et sont tous regroupées au sein d'un collectif d'association. Ils s'organisent pour l'entretien des plages, notamment celle des Chutes de la Lobé, et s'occupent aussi de la restauration au bord des chutes de la Lobé. Ils assurent aussi en général la sécurité du site ça faut-il le préciser il est encore ouvert. Lors de ma dernière visite sur le site en Avril 2016, j'ai eu l'opportunité de les rencontrer sur la plage au bord des chutes.

Comment appréciez-vous la présence du Port sur votre site ? Quels sont les avantages et les inconvénients ?

Notre site a toujours été convoité par les grands projets, par tous les Ministères qui défilent ici, mais avec le Projet du Port, nous nous sommes dit, nous allons sortir du chômage. Ils nous ont promis du travail, des formations, nous pensions que notre vie allait changer. Mais si vous nous voyez tous réunis ici à la plage pour vaquer à nos occupations, c'est que rien n'a changé.

Les chinois sont racistes et amènent des employés de la Chine. Nous n'avons jusqu'alors bénéficié d'aucune formation. Ils nous utilisent comme manutentionnaires et nous font travailler plus de 15 heures par jour. Nous devons portez des charges lourdes manuellement qui mettent notre santé en péril et pour un salaire dérisoire. Alors nous avons préservé notre santé et préférons nous occuper de la pêche notre activité première.

Quels sont donc en dehors de la pêche vos occupations actuelles ?

Nous avons ici beaucoup de petites associations reconnues par les autorités administratives locales, mais nous sommes tous regroupés au sein d'un collectif d'Association ou nous avons des pécheurs, des restaurateurs, des guides. Avant nous n'étions pas organisés mais nous avons déjà des guides spécialisés pour les chutes, pour le fleuve Lobé et pour tous les autres sites ; Nous nous occupons aussi de la sécurité et de la propreté

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de la plage. Mais nous avons un gros problème de sécurité, car depuis le problème du Port, les gens font main basse sur le site, regardez à titre d'exemple, nous avons vu ici un Monsieur qui a débarqué ici avec des engins et ont commencez à tout couper, à tout défricher, en disant qu'il est envoyé par la Première Dame de la Républiques pour construire un hôtel. Vous vous imaginez, construire un Hôtel à cet endroit c'est détruire la beauté du site ? Nous avons voulu nous y opposer mais il avait une sorte de bandes de « gorilles armés ». Alors nous avons fait appel à l'autorité administrative qui a fait suspendre les travaux. Ce qui devrait être un signe que c'était une arnaque. Nous ne savons comment défendre notre site de ce type d'envahisseurs qui n'hésitant pas à usurper les identités des hautes personnalités de la République pour nous arnaquer. Nous n'avons plus rien à dire sur notre site ? Non nous voulons nous défendre désormais et trouver des bonnes stratégies.

Les représentants des femmes au foyer des villages du site:

En tant que femme autochtones ou vivant sur le site comment apprécier vous la présence du Projet du Port ?

Vous savez que notre principale activité ici est les champs et la pêche des crevettes. Mais depuis la présence de ce projet, nos champs sont détruits et nos terres ne nous appartiennent plus. Alors nous n'avions plus que la pêche des crevettes pour survivre, même ces crevettes-là, nous n'en avons plus, car la plupart meurent à cause de l'eau du fleuve devenue insalubre. Nous aurons voulu que le Port nous aide à moderniser notre pêche jusque-là artisanale, de manière à être plus présente sur la marche dont la demande devient de plus en plus nombreuse avec tous ses étrangers sur le site. Mais rien de tout cela a été faite, au lieu de cela, ils tuent nos crevettes et ne prennent pas aucune protection pour les protéger. Ils nous avaient pourtant promis de préserver nos crevettes et notre poisson, c'est la seule richesse que nous avons de la nature, si tout s'en va, c'est la famine et la mort qui va suivre.

Le conseil exécutif des chefs traditionnels.

Lors de notre séjour sur le site en Avril 2016 nous avons eu l'opportunité de rencontrer quelques chefs traditionnels sur le site à l'issue d'une réunion de crise sur les problèmes dans leur territoire, notamment avec le Projet du Port de Kribi. Nous n'avions pas l'autorisation d'assister à la réunion, mais ils ont accepté de nous accorder un entretien.

Quelles sont l'état des promesses que vous ont fait les responsables du Port et quelle est la situation actuelle sur le site d'après vous ?

Aucune des promesses faites par le Port ou de nos propositions n'ont été tenues. Ils nous ont promis que la tranquillité et la sécurité des populations sur le site serait préservées, mais à ce jour le sommeil est désormais perturbé à cause des camions qui passent en

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permanence et de surcroit à une vitesse dangereuse. D'autre par les signes de la pollution sur le fleuve deviennent évidentes, car l'eau a désormais en couleur jaunâtre. Le projet de l'autoroute empiète sur le développement, il entraine la destruction des terrains et des maisons, ainsi que des cultures champêtres, l'agriculture devient inexistante et la famine s'installe dans les villages.

L'indemnisation promise a été bafouée, et donnée à moitié. Les évaluations y relatives ont été mal faites, elles n'ont pas tenu compte de la valeur sentimentales de nos biens immobiliers et au final, nous nous posons la question de savoir si le développement de la ville de Kribi est pour qui et au profit de qui ?

En parlant de la localisation, délocaliser une population est la tuer, et en plus la non implication des populations elles-mêmes dans ce processus est plus grave encore. Nous déplorons le fait que tout ce qui se passe sur le site se passe sans nous, nous ne sommes impliqués dans aucune décision qui engage nos vies, notre communauté, et l'avenir de nos enfants, il n'existe aucune plateforme de rencontre, ou de dialogue entre nous populations riveraines et les décideurs.

1. La situation en temps réel sur le site

La situation telle que vécue sur le terrain et ainsi évoquée donne un sentiment de perplexité assez poussé. En effet , pour les responsables du Complexe Industrialo Portuaire de Kribi (CIPK), le projet dans ses avantages est indéniablement une opportunité de croissance de l'Economie sur le plan national et sous régional, mais plus encore pour la ville de Kribi et de villages environnants qui devraient être les bénéficiaires directs , en terme de développement, et d'éducation mais également en terme de réduction de la pauvreté en pourvoyant des formations professionnelles et des emplois aux jeunes natifs du site. Mais pour les différents acteurs sur le terrain, la situation est toute autre car il ressort de ces différentes consultations le désespoir, la déception, mais plus encore un sentiment de révolte. Les promesses attendues ne sont pas réalisées, les initiatives futuristes du site sont prises et décidées sans l'implication de la communauté ce qui résultent des solutions non adéquates et inadaptées aux besoins réels des ayants droits ; par exemple, en ce qui concerne la solution trouvée pour la délocalisation, les populations autochtones se reconnaissent pas dans ce nouveau site. En effet, les personnes déplacées sont des peuples du bord de l'eau. L'eau est l'élément vital de leur survie, le support de leur croyances spirituelles, le vivier inestimable et indispensables dont l'attachement indéfectible va bien plus au-delà d'une simple raison de proximité, mais d'un héritage ancestral qui englobe les us et les coutumes transmises de

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génération en génération ,au fil des temps. Ce peuple de pêcheurs peut-il dès lors se transformer en chasseurs, en devenant désormais des délocalisés dans une zone de forêt ? Cette inquiétude rejoint celle de la protection des traditions et des lieux sacrés. Cependant, de notre entretien avec le Responsable de l'Environnement du site, il ressort que le CIPK rassure qu'ils n'aient pris aucune initiative en ce qui concerne ce domaine, laissant toute la responsabilité aux populations riveraines, celles-ci rétorquent que le développement lié au Projet est une nuisance extrême pour leurs lieux de cultes.

Sur le plan socioéconomique, c'est une sourde révolte qui revient dans toutes les consultations, les jeunes ne sont pas formés, ne peuvent prétendre aux emplois qualifiés, ils sont généralement employés comme manoeuvre et sont sous-payés, se sentent exploités et préfèrent rentrer à leurs activités premières qui sont la pêche et le guidage, mais plus encore ils se sentent frustrés de voir des personnes étrangères venir de très loin pour travailler sur le Projet. Mêmes les jeunes diplômés sont délaissés au profit des jeunes non originaires de la région qui arrivent sur recommandations par des pistons. La frustration est d'autant plus grande que les populations se plaignent des manipulations frauduleuses sur le calcul des indemnités d'expropriation et que les listes seraient ne remplies de personnes fictives, inconnues des villageois, détenteurs de titres fonciers faux ou fictifs, et cela se seraient faits avec la complicité des autorités administratives. Ce qui est rejeté en bloc par les responsables du Port qui affirment que les personnes concernées par les premières indemnisations ont utilisé leur argent à d'autres fins, et se voyant démunis, cherchent par ces subterfuges, à extorquer encore de l'argent pour de nouvelles indemnités. De même, d'après le Responsable de l'environnement du CIPK, pour justifier les noms inconnus par les autochtones sur les listes des ayants droits, il est possible que des acquéreurs des terrains ne soient pas tous originaires de la région et bénéficient légalement des indemnisations prévues par la règlementation en vigueur.

Lors de la réunion du collectif des Chefs traditionnels, l'une des recommandations était de multiplier les recours auprès de l'autorité suprême jusqu'à ce que justice soit faite.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984