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Partir ou rester ? Intention d’émigration secondaire des migrants africains vivant en Belgique.


par Josue Begu Mbolipay
Université catholique de Louvain - Master 2 en Sciences de la population et du développement 2018
  

Disponible en mode multipage

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Faculté des sciences économiques,

sociales, politiques et de communication

École des sciences politiques et sociales (PSAD)

INTENTION D'EMIGRATION SECONDAIRE DES MIGRANTS AFRICAINS VIVANT EN BELGIQUE

Mémoire réalisé par

Josue Begu Mbolipay

Promoteur : Prof. Bruno SCHOUMAKER Lecteur : Prof. Philippe BOCQUIER

Année académique 2018-2019

Master 120 en sciences de la population et du développement,
finalité spécialisée, orientation démographie

1

Déclaration de déontologie

Je déclare sur l'honneur que ce mémoire a été écrit de ma plume, sans avoir sollicité d'aide extérieure illicite, qu'il n'est pas la reprise d'un travail présenté dans une autre institution pour évaluation, et qu'il n'a jamais été publié, en tout ou en partie. Toutes les informations (idées, phrases, graphes, cartes, tableaux ...) empruntées ou faisant référence à des sources primaires ou secondaires sont référencées adéquatement selon la méthode universitaire en vigueur.

Je déclare avoir pris connaissance et adhérer au Code de déontologie pour les étudiants en matière d'emprunts, de citations et d'exploitation de sources diverses et savoir que le plagiat constitue une faute grave

2

Avant-propos

La rédaction et la finalisation de ce mémoire est pour moi un aboutissement heureux de mes deux années d'études de master à l'Université Catholique de Louvain. Cet aboutissement heureux est le fruit des conseils, des suggestions et d'un accompagnement de la part de mes encadreurs.

J'exprime d'abord toute ma gratitude au Professeur Bruno Schoumaker, mon promoteur, pour sa confiance, ses pertinentes suggestions et son suivi rigoureux tout au long de la rédaction de ce travail nonobstant ses multiples occupations. Ensuite, je tiens à remercier Marie-Laurence Flahaux, mon maitre de Stage, pour m'avoir permis de réaliser un stage attrayant au laboratoire de Population-Environnement et Développement (LPED en sigle) de l'Institut de recherche pour le Développement (IRD en sigle, ex-ORSTOM) et pour son sens critique, sa rigueur et son accompagnement durant mon court séjour à Marseille. Par ce stage de dix semaines, j'ai non seulement travaillé sur un projet de recherche mais aussi participé à des formations, séminaires et journées scientifiques. J'ai apprécié à sa juste valeur les apports considérables de ce stage sur le plan méthodologique, scientifique et professionnel. Aussi, merci pour toutes les discussions éclairées en rapport avec mon mémoire qui n'ont fait qu'améliorer mes connaissances sur les questions relatives à la mobilité et du rôle des politiques migratoires sur les aspirations migratoires d'une part et sur l'émigration secondaire effective d'autre part. Que tout le LPED, cadre très convivial à la recherche, trouve ici l'expression de mes sincères remerciements.

Je remercie tout le corps professoral du centre de Recherche de Démographie pour son soutien, son implication, son expérience et pour le partage de la passion de l'enseignement que j'ai particulièrement apprécié tout au long de ces deux dernières années.

Qu'il me soit permis d'exprimer ma profonde reconnaissance à mon épouse Elysée Mayola et à nos enfants Olivia et Chloé pour tant de sacrifices consentis durant ces deux dernières années.

Enfin, j'adresse mes remerciements aux familles Nappa, Pongi, Kinziunga et Mazanza pour l'accueil, les conseils et l'accompagnement depuis mon arrivée à Louvvain-la-Neuve. A tous mes collègues de la promotion j'exprime mon amitié.

3

Table des matières

Déclaration de déontologie 1

Avant-propos 2

Table des matières 3

Liste des tableaux 4

Liste des figures 5

Liste des annexes 6

Introduction Générale 7

Chapitre 1. Mise en contexte et problématique 10

1.1 De l'émergence des études sur l'émigration secondaire 10

1.2 Orientation du travail et objectifs de l'étude 12

Chapitre 2. Revue de littérature théorique et empirique de l'émigration secondaire 15

2.1 Immigration aux Etats-Unis et au Canada 15

2.1.1 Caractéristiques sociodémographiques et économique des immigrants au Canada 17

2.1.2 Caractéristiques sociodémographiques et économique des immigrants aux Etats-Unis 21

2.2 Migration secondaire africaine vers les Etats-Unis et le Canada 24

2.2.1 Méthodes de mesure de la migration secondaire 24

2.2.2 Définition de concepts de base relatifs à l'analyse de la migration secondaire 25

2.2.3 Migration secondaire africaine vers les Etats-Unis 27

2.2.3.1 Ampleur et évolution des immigrations africaines aux États-Unis 29

2.2.3.2 Migrations secondaires des africains aux Etats-Unis 30

2.2.3.3 Principaux pays Européens de transit des migrants secondaires africains aux Etats-

Unis 32

2.2.3.4 Principales caractéristiques des migrants secondaires africains aux Etats-Unis 33

2.2.3.5 Emigrations secondaires des Nigérians, Ethiopiens, Ghanéens, Sud-africains et

Kenyans aux Etats-Unis 36

2.2.4 Migration secondaire africaine vers le Canada 38

2.2.4.1 Ampleur et évolution des immigrations africaines au Canada 38

2.2.4.2 De la migration secondaire africaine en général à la migration secondaire spécifique

de quelques pays africains vers Canada 41
2.2.5 Principales limites à la documentation de l'émigration secondaire aux Etats-Unis et au

Canada et synthèse de résultats 44

Chapitre 3. Cadre théorique : Intention de migration secondaire et migration secondaire effective 47

3.1 De la définition 47

3.2 De la mesure et de facteurs 48

3.3 Facteurs explicatifs des aspirations migratoires 51

3.3.1 Impact du contexte sur les aspirations migratoires 51

3.3.1.1 Approche théorique : théorie Push-pull 51

3.3.1.2 Résultats empiriques : la non-intégration socio-économique influe positivement sur les

aspirations migratoires 52

3.3.1.3 Etat de l'intégration des migrants africains en Belgique 53

3.3.2 Impact des réseaux familiaux et personnels sur les aspirations migratoires 55

3.3.2.1 Approche théorique : théorie des réseaux et du capital social 55

3.3.2.2 Résultats empiriques : Les réseaux sociaux expliquent les aspirations migratoires 56

4

3.3.3 Influence de politiques migratoires du Canada et des Etats-Unis sur les migrations

secondaires 57
3.4 Facteurs explicatifs de la capacité de migrants à concrétiser leurs aspirations en migration

secondaire effective 59

3.4.1 Approches théoriques 60

3.4.1.1 La théorie du capital humain et la théorie néoclassique 60

3.4.1.2 La théorie de l'action raisonnée et la théorie du comportement planifié 61

3.4.1.3 La théorie du choix rationnel et la théorie de la rationalité limitée 61

3.4.2 Résultats empiriques : plus haut niveau d'éducation et de revenu influent positivement sur

la capacité à migrer 62

3.5 Facteurs liés à la mobilité en générale : âge, sexe, état matrimonial et taille de famille 63

3.5.1 Approche théorique: théorie de cycle de vie 63

3.5.2 Résultats empiriques : Le cycle de vie influence la propension à la mobilité 63

3.6 Hypothèses de l'étude 64

Chapitre 4 : Approche méthodologique : Données et méthodes 70

4.1 Source de données 70

4.2 Données de l'étude 71

4.3 Modèle de régression logistique 74

Chapitre 5. Déterminants de l'intention de l'émigration secondaire : Présentations des résultats 76

5.1 Rappel des résultats attendus 76

5.2 Description de l'échantillon : Population africaine vivant en Belgique 77

5.3 Intention d'émigration selon les caractéristiques sociodémographiques et économiques des

migrants africains vivant en Belgique 80

5.3.1 L'intention d'une émigration secondaire et principales motivations 81

5.3.2 Analyse bivariée de l'intention d'une émigration secondaire 82

5.4 Déterminants de l'intention de migration secondaire chez les africains vivant en Belgique 85

5.4.1 Facteurs explicatifs de l'intention de quitter la Belgique 85

5.4.2 Facteurs explicatifs de l'intention d'émigration secondaire selon les destinations 87

Chapitre 6. Discussion des principaux résultats 96

Conclusion générale 101

Bibliographie 105

Annexes 111

Liste des tableaux

Tableau 1. Stocks de migrants, propension à l'émigration et politique de migration aux Etats-Unis

et au Canada en 2017 16
Tableau 2. Résidents permanents selon l'âge, le sexe et le statut matrimonial en 2017 aux Etats-

Unis 22

Tableau 3. Résumé de la compréhension des concepts 26

Tableau 4. Déduction des immigrations africaines aux Etats-Unis des personnes dont le dernier

pays de résidence n'est pas un pays africain de 2010 à 2017 27
Tableau 5. Ampleur et évolution des immigrants africains aux Etats-Unis résidant dans un autre

pays, 5 ans et 12 mois avant les recensements et par année de collecte de données 30

Tableau 6. Répartition de migrants secondaires africains aux Etats-Unis en 2010 34

Tableau 7. Caractéristiques sociodémographiques des immigrants africains au Canada en 2011 40

5

Tableau 8. Catégorisation en fonction des aspirations migratoires et disponibilité des ressources

permettant de convertir les aspirations migratoires en migration effective 50

Tableau 9. Synthèse des hypothèses, des justifications et des méthodes d'analyses envisagées 68

Tableau 10. Description des variables de l'étude 71

Tableau 11. Caractéristiques sociodémographiques des immigrants africains vivant en Belgique 79

Tableau 12. Motivations principales des migrants africains pour quitter la Belgique 82
Tableau 13. Répartition des enquêtés selon l'intention d'une émigration secondaire et les

caractéristiques sociodémographiques et économiques 84
Tableau 14. Tableau synthèse des déterminants de l'intention de quitter la Belgique et de

migration secondaire en fonction de destination envisagée 92
Tableau 15. Catégorisation des migrants africains vivant en Belgique en fonction de leurs

aspirations et ressources inspirée de Carling (2002) 94

Liste des figures

Figure 1. Evolution de flux des résidents permanents selon la région de naissance de 2006 à 2015

au Canada 18
Figure 2. Flux de résidents permanents selon l'âge et la région de naissance en 2015 au Canada 19 Figure 3. Résidents permanents de 15 ans et plus selon le sexe et l'état matrimonial en 2015 au

Canada 19

Figure 4. Résidents permanents selon la catégorie et la région d'origine en 2015 au Canada 20

Figure 5. Résidents permanents selon la province ou territoire de la région de résidence au Canada

et la région d'origine en 2015 21

Figure 6. Flux de résidents permanents légaux aux États-Unis entre 1900-2017 21

Figure 7. Proportion par année de nouveaux résidents permanents légaux sur l'ensemble de la

population immigrante par région de naissance entre 1960 et 2017 aux Etats-Unis 23

Figure 8. Répartition géographique des Africains vivant aux Etats-Unis 23

Figure 9. Evolution de la proportion des immigrants africains dans l'ensemble des immigrations

aux Etats-Unis de 1970 à 2010 29
Figure 10. Proportion de la migration secondaire africaine parmi les immigrants africains ayant

résidé dans un autre pays que les pays africains 31
Figure 11. Proportion des immigrants africains aux Etats-Unis ayant transité dans un pays

Européens par de 1970 à 2010 33
Figure 12. Répartition des migrants africains ayant un niveau d'éducation universitaire aux États-

Unis de 1970 à 2010 35
Figure 13. Emigrations secondaires des quelques pays africains en fonction de pays /région de

dernière résidence entre 2005 et 2010. 36
Figure 14. Emigrations secondaires des quelques pays africains en fonction de pays /région de

dernière résidence entre 1970 et 2000 37

Figure 15. Evolution de la population immigrante au Canada de 1981 à 2011 38

Figure 16. Proportion des immigrants par origine et par année au Canada 39

Figure 17. Flux des immigrations africaines et migrations secondaires africaines au Canada 42

Figure 18. Evolution des migrations secondaires de quatre flux par nationalité au Canada 43

Figure 19. Schéma théorique de l'intention d'émigration secondaire et de la capacité de

transformer les aspirations migratoires en migrations secondaires effectives 65

6

20. Schéma empirique de l'intention de l'émigration secondaire en fonction de destination

envisagée par les migrants 67
Figure 21. Opinions des migrants africains vivant en Belgique sur les chances d'obtenir un

emploi, logement, réussir ses études et projets par rapport à un Belge. 80

Figure 22. Niveau de l'intention d'une émigration secondaire 81

Figure 23. Répartition des migrants secondaires africains en fonction de destination envisagée 88

Figure 24. Principales motivations de l'intention d'une émigration secondaire aux Etats-Unis et au

Canada 88

Figure 25. Principales motivations de l'intention d'une émigration secondaire vers l'Europe 90

Liste des annexes

Annexe 1. Intention de migrer selon la situation financière 111

Annexe 2. Sentiment d'appartenance par rapport à la durée d'installation en Belgique 111

Annexe 3. Reconnaissance du diplôme ou difficulté dans la recherche d'un emploi en fonction de

la situation dans l'emploi 111
Annexe 4. Déterminants de l'intention de migration secondaire chez les migrants africains vivant

en Belgique en 2016 112
Annexe 5. Déterminants de l'intention de migration secondaire vers les Etats-Unis et Canada chez

les migrants africains en Belgique en 2016 113
Annexe 6. Déterminants de l'intention de migration secondaire vers d'autres destinations chez

les migrants africains en Belgique en 2016 114
Annexe 7. Déterminants des aspirations migratoires en fonction de choix de destination avec effet

d'interaction (effets bruts) 115
Annexe 8. Comparatif des motivations des migrants qui aspirent à l'émigration secondaire en

fonction de choix de destination 116

7

Introduction Générale

Les questions sur la migration aujourd'hui dans toutes leurs formes sont importantes parce qu'elles permettent de comprendre la dynamique démographique et la mobilité des personnes dans un contexte de mondialisation ou d'un monde en perpétuel changement. Ces questions sur la migration ont été plus focalisées sur les migrations internes parce que la logique de la migration internationale a été pendant longtemps une logique de l'installation. Ce n'est qu'après une longue période, que les chercheurs ont commencé à s'intéresser à l'émigration des immigrants et encore plus à partir des années 2000 avec l'émergence de la terminologie "fuite des cerveaux". Les récentes études sur les migrations abordent notamment les questions relatives aux aspirations migratoires et l'implication des politiques migratoires dans la mobilité des personnes. Cette étude s'inscrit dans cette logique. Elle s'intéresse aux intentions d'émigration secondaire des migrants africains vivant en Belgique vers d'autres destinations, et principalement vers les Etats-Unis et le Canada.

Cette étude vise à documenter l'émigration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada, à identifier les facteurs explicatifs de l'intention d'émigration secondaire auprès des migrants africains vivant en Belgique vers les Etats-Unis et le Canada simultanément, et analyser dans quelle mesure ces facteurs diffèrent en fonction du choix de la destination envisagée par les migrants.

En vue d'atteindre ces objectifs, ce mémoire se subdivise en six chapitres. Le premier chapitre est une mise en contexte qui retrace l'émergence des études sur l'émigration secondaire, relève les problèmes liés aux données individuelles sur l'émigration secondaire effective et donne un éclairage sur l'orientation de l'étude.

Le deuxième chapitre est une revue de littérature théorique et empirique sur l'émigration secondaire aux Etats-Unis et au Canada. Cette revue est consacrée d'abord à la documentation de l'immigration en générale du point de vue de de son l'ampleur et des caractéristiques sociodémographiques des immigrants et ensuite à la documentation de l'émigration secondaire africaine. Cette partie de la documentation aborde les méthodes de mesure de la migration secondaire dans toute sa complexité, définit les concepts de base relatifs à la migration secondaire, développe tour à tour la migration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada et enfin synthétise les principales limites à la documentation de la migration secondaire africaine en particulier dans les deux pays susmentionnés.

8

Le troisième chapitre résume le cadre théorique de l'intention d'émigration secondaire et de la capacité des migrants à convertir leurs aspirations migratoires en migrations secondaires effectives. Ce chapitre aborde tour à tour les questions relatives aux définitions, à la mesure et aux facteurs explicatifs. La question des facteurs explicatifs est traitée en trois temps. Dans un premier temps, elle met en exergue le rôle du contexte dans lequel vivent les migrants et l'apport des réseaux familiaux et communautaires dans la définition et la redéfinition de nouvelles aspirations migratoires. Dans un deuxième temps, elle examine l'impact des facteurs culturels et économiques sur de la capacité des migrants à convertir les aspirations migratoires en migration effective. Et en troisièmes temps, elle résume les facteurs démographiques qui expliquent à la fois les aspirations migratoires et la propension à migrer. Sachant que les aspirations migratoires et la propension à migrer sont notamment liées aux caractéristiques des migrants et aux politiques migratoires de pays de destination, la question de l'influence de politiques migratoires aux Etats-Unis et au Canada sur les aspirations migratoires et la sélectivité qui en découle en termes de profil des migrants sont égalent traitées. Ce chapitre se clôture par la formulation des hypothèses de l'étude qui découlent de l'ensemble de la littérature sur les intentions d'émigration secondaire et sur la capacité des migrants à transformer les aspirations en migrations effectives.

Le quatrième chapitre sur l'approche méthodologique met en évidence toutes les sources de données exploitées, décrit toutes les variables et les méthodes utilisées afin d'atteindre les objectifs de l'étude et de vérifier les hypothèses émises à la lumière de la littérature. Les sources exploitées sont administratives et font appel aux données de recensement et d'enquête. Les variables concernées par l'étude sont groupées en fonction de leur type mais aussi en fonction des hypothèses de l'étude. La méthode de régression logistique est appliquée pour saisir les différences de facteurs explicatifs des intentions d'émigration secondaire en fonction du choix de destination des migrants.

Le cinquième chapitre présente les principaux résultats. Il commence d'abord par le rappel des résultats attendus et, ensuite, décrit l'échantillon de la population étudiée, identifie les relations statistiquement significatives entre l'intention de l'émigration secondaire et les caractéristiques sociodémographiques des migrants africains vivant en Belgique et, enfin, résume le profil des migrants africains qui aspirent à une émigration secondaire en fonction de deux principales destinations, les Etats-Unis et le Canada d'une part et l'Europe d'autre part.

9

Le sixième chapitre, avant la conclusion générale qui résume l'essentiel à retenir de cette étude, discute des résultats obtenus à la lumière des études antérieures. Cette discussion se fait premièrement du point de vue de l'ampleur de l'émigration secondaire aux Etats-Unis et au Canada et deuxièmement du point de vue des facteurs explicatifs de l'intention d'émigration secondaire.

10

Chapitre 1. Mise en contexte et problématique

1.1 De l'émergence des études sur l'émigration secondaire

L'émigration secondaire internationale est une migration des personnes vivant dans un pays autre que leur pays de naissance, vers un autre pays. Ainsi, divers termes ont été utilisés par les chercheurs qui s'y sont intéressés : migration secondaire, migration tertiaire, migration par étapes, migration en série, migration multiple, migration en plusieurs étapes, migration triangulaire, ré-migration et migration indirecte. (Nekby, 2006; Sorana et al, 2015; Oishi, sd; Larramona, 2013; Anju, 2011; DeVoretz and Ma, 2002; Aydemir et Robinson 2008; Lam, 1996; Ossman, 2013; Greenwood & Young, 1997). Tous ces termes font référence au même processus de migrants entreprenant des étapes1 de durée substantielle dans plusieurs pays de destination (Anju, 2012).

Les questions en rapport avec cette forme de migration sont récentes parce que la migration internationale a été pendant longtemps analysée comme un mouvement unique et unidirectionnel d'un pays d'origine vers un pays de destination (Oichi, 2012). Pourtant, les trajectoires migratoires peuvent s'avérer plus complexes ; les migrants peuvent notamment s'installer successivement dans plusieurs pays en adoptant soit une migration de transit soit se retrouver dans un schéma de mobilité circulaire (Oichi, 2012 ; Sorana et Eleonora, 2015 :69).

Peu d'études ont mesuré l'intensité de l'émigration secondaire parce que sa mesure n'est pas aisée. Deux de ces études, menées à des périodes différentes combinant les données administratives, des enquêtes et de recensement, ont approximé l'émigration secondaire aux Etats-Unis et au Canada. Aux Etats-Unis, l'étude de Takenaka (2007) combinant les données de recensement (US Census 2000), l'enquête sur les nouveaux immigrants (NIS) de l'Université de Princeton (2003), les statistiques d'immigration recueillies par les services de citoyenneté et d'immigration des États-Unis (USCIS, 2000), et les statistiques de visa (Plusieurs années), a trouvé que 12,5% de tous les immigrants admis aux États-Unis en 2000 venaient de pays autres que ceux dans lesquels ils étaient nés. Cette proportion se chiffre à 16% au Canada, estimation obtenue grâce aux dossiers tenus par Emploi et Immigration Canada sur chaque immigrant admis légalement au cours de la période 1968-1988 (Greenwood et Young, 1997).

1 Ces termes sont par conséquent interchangeables et sont utilisés comme tels dans la suite du texte selon que les auteurs consultés en font références.

11

Actuellement, à peine, quelques études empiriques ont été menées pour expliquer pourquoi certains immigrants partent dans d'autres pays au lieu de rester dans le premier pays dans lequel ils ont migré. (Takenaka, 2007 ; Larramona, 2013 ; Kelly 2013, Triandafyllidou, 2013, Sorana et Eleonora, 2015). Ces études montrent que les facteurs qui expliquent les trajectoires de migrations multiples ou de l'émigration secondaire internationale dépendent aussi bien des caractéristiques individuelles des candidats potentiels à l'émigration secondaire que des réalités socio-économiques et politiques des pays de destination et d'origine. Ces études sont qualitatives et quantitatives et menées dans des contextes différents.

Les études qualitatives révèlent que la multiplication des mouvements internationaux est devenue une stratégie de mobilité récurrente adoptée notamment lors des périodes de crise économique, crise politique et échec d'intégration (Anju, 2011 ; Schapendonk, 2012, Benton & Petrovic, 2013, Beenstock, 1996, Humphries et al, 2009). C'est le cas, en particulier, de certains travailleurs semi-qualifiés et non qualifiés aux Philippines qui accumulaient stratégiquement des expériences de travail ailleurs avant de postuler à des postes d'aides-soignants des personnes âgées au Canada où ils finissaient par s'installer et regrouper leurs familles (Oichi, 2008).

Les études quantitatives mettent en exergue d'une part, les caractéristiques individuelles des candidats potentiels à l'émigration secondaire qui sont d'ordre social, économique et culturel (Greenwood et al. 1997; Nekby, 2006) et d'autre part, révèlent l'importance notamment de réseaux familiaux et personnels voire transnationaux et de facteurs institutionnels dont les politiques migratoires et le processus d'intégration (Boyd, 1989 ; Touré, 2015 ; Van Liempt, 2011 ; Beenstock, 1996).

Parmi les facteurs socio-économiques, Nekby (2006) a mis en exergue le niveau d'éducation et de revenu. S'intéressant à la migration secondaire et de retour en Suède, à l'aide de données de Statistics Sweden (SCB), Nekby (2006) est arrivé à la conclusion selon laquelle les immigrants qui quittaient la Suède pour d'autres pays avaient un niveau d'éducation et de revenu plus élevés que ceux qui s'installaient en Suède. Au niveau d'instruction et de revenu s'ajoute d'autres caractéristiques individuelles telles que l'âge et les aptitudes ou capacités linguistiques. Greenwood et Young, (1997), à l'aide des dossiers conservés par Emploi et Immigration Canada sur chaque immigrant légalement admis au cours de la période 19681989, ont trouvé que les migrants secondaires -qu'ils qualifient des immigrants géographiquement indirects- ont tendance à être plus âgés, plus scolarisés et plus qualifiés par

12

rapport aux migrants directs (immigrants géographiquement directs). Ces auteurs renchérissent, que s'ils ne sont pas nés dans un pays anglophone ou francophone, les immigrants indirects ont plus de chances de parler couramment le français et l'anglais que les migrants directs nés dans ces pays.

S'agissant de l'importance de réseaux, l'étude de Boyd, (1989) a montré que les liens avec des migrants à l'étranger encouragent les individus à migrer en diminuant les risques et les couts et en augmentant les bénéfices liés au mouvement. Ces liens aident les migrants pendant leur voyage, en leur évitant notamment d'être exploités ou de subir des mauvais traitements, mais aussi contribuent à alimenter les aspirations pour des nouvelles destinations à travers le partage d'information (Bang Nielsen, 2004). Ainsi, la présence de membres de la famille ou d'amis dans le pays de destination constitue un tremplin vers une migration multiple (Van Liempt, 2011) jouant ainsi le rôle de facilitation et de motivation (Schapendonk, 2012).

Pour ce qui est des facteurs institutionnels, Beenstock (1996) a abordé la question de la migration secondaire sous l'angle de l'intégration :"Failure to Absorb: Remigration by Immigrants into Israël". Il s'est proposé d'analyser dans quelle mesure l'échec de l'intégration -prenant en compte l'Emploi et le logement comme variables d'intérêt- est-il lié à la migration secondaire en Israël. Son étude a révélé que la migration des immigrants vers un pays tiers n'était pas nécessairement due au chômage mais plutôt à des difficultés d'intégration sociale telle que la langue et le logement. Ainsi, la propension à la migration augmente si l'immigré n'a pas obtenu un logement permanent. Au logement permanent s'ajoute la problématique liée à la citoyenneté comme l'un des facteurs explicatifs de l'émigration secondaire. A ce sujet, l'étude de Humphries et al (2009), sur l'intention de partir au Canada, aux États-Unis et en Australie auprès des infirmières philippines et indiennes en Irlande, a montré que l'incertitude quant aux droits de résidence et à citoyenneté (en particulier pour les enfants) influence positivement la décision des infirmières migrantes de quitter l'Irlande.

1.2 Orientation du travail et objectifs de l'étude

De ce qui précède, il convient de noter que la plupart des auteurs qui ont analysé l'émigration secondaire, n'ont pas pu analyser son ampleur et ses tendances vers les Etats-Unis et le Canada, en considérant uniquement la population africaine, et presque pas à partir de la Belgique. La contribution de cette étude s'inscrit dans cette logique. Celle de documenter l'émigration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada d'une part et d'analyser les facteurs explicatifs de l'émigration secondaire auprès des migrants africains vivant en

13

Belgique vers les Etats-Unis et le Canada simultanément d'autre part. Faute des données individuelles sur la migration secondaire effective vers ces deux destinations, nous nous rabattons, à l'aide de données de l'enquête Pombe (2016), sur les aspirations de l'émigration secondaire africaine à partir de Belgique. Ainsi, cette étude s'interroge sur les motivations relatives au choix des Etats-Unis et du Canada comme principales destinations, sur les facteurs qui déterminent l'intention d'une émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada et analyse dans quelle mesure ces facteurs explicatifs diffèrent des autres destinations.

Les réponses à ces questions permettront de cerner le pourquoi du choix des Etats-Unis et du Canada comme principales destinations de l'émigration secondaire à partir de la Belgique en analysant l'état de l'intégration des migrants africains vivant en Belgique en amont et en décrivant les politiques migratoires de ces deux principales destinations en aval.

Plus spécifiquement, les objectifs de cette recherche se résument à : (i) décrire les politiques migratoires de principales destinations ; (ii) faire un état de lieux de l'intégration des migrants africains en Belgique (ii) analyser les motivations contextuelles et individuelles des migrants qui ont l'intention de migrer vers les Etats-Unis et ailleurs et (iv) identifier le profil de ces migrants en fonction de choix de destination en dehors de la Belgique afin de contribuer à l'acquisition des nouvelles connaissances en matière de l'intégration de migrants africains en Belgique et de l'émigration secondaire des Africains vers les Etats-Unis et le Canada à partir de la Belgique en particulier. Avant d'y arriver et par souci de documenter l'émigration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada, une esquisse sur : (i) l'ampleur de l'immigration et de l'émigration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada, (ii) les principales caractéristiques des migrants secondaires africains et (iii) les principaux pays de transit avant d'atterrir aux Etats-Unis et au Canada est produite. A ce sujet, notons néanmoins, qu'il est difficile de se concentrer sur la Belgique, petit pays de l'Europe, comme principal pays de transit des migrants africains vers les Etats-Unis et le Canada suite au nombre de cas insuffisant dans les bases de données. Le champ d'observation de pays de transit est ainsi élargi à l'ensemble des pays européens.

L'hypothèse centrale que nous testerons dans cette recherche est que la non-intégration économique des migrants africains vivant en Belgique joue un rôle prépondérant dans la l'explication de l'intention d'émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada. Cette hypothèse implique que les personnes les moins intégrés seraient attirées par les politiques d'immigration et d'intégration vers les Etats-Unis et le Canada. La deuxième hypothèse est

que cette attractivité -des migrants non-intégrés-, s'explique dans la perspective de trouver des meilleures opportunités d'emploi et ou d'amélioration des conditions de vie. La troisième hypothèse se réfère à la différence de profil des migrants en fonction des pays de destination. Elle postule que les aspirations de l'émigration secondaire vers l'Europe seraient élevées pour les personnes hautement qualifiées2.

In fine, notons que le choix de la population africaine et de ces deux pays de destination, qui sont les Etats-Unis et le Canada, est lié à la disponibilité de données et à la rareté des études portant sur cette catégorie de population d'une part et aussi aux résultats de l'enquête Pombe, données sur lesquelles notre recherche se focalise principalement, qui a révélé que l'installation des migrants africains en Belgique n'est pas nécessairement envisagée comme définitive et que les Etats-Unis et le Canada sont précisément cités comme principales destinations (Demart et al., 2017 :192).

Pour répondre à nos objectifs et vérifier nos hypothèses, plusieurs sources des données à la fois administratives, provenant de grandes bases des données sur les migrations internationales (IPIUMS, U.S. Department of Homeland Security, Yearbook of Immigration Statistics, Migration data portal, Government of Canada, IRCC, 2015, Nations Unies, New immigration Survey, Immigrations OCDE, Demig Country to Country) et d'une enquête menée en Belgique (Enquête Pombe, 2016) seront exploitées.

Après cette mise en contexte, particulièrement en rapport avec l'orientation de cette étude, le chapitre 2 qui suit se consacre à la documentation de l'immigration aux États-Unis et au Canada et de là découle l'ampleur de l'émigration secondaire africaine dans ces deux pays précités.

14

2 Le point 3.4 justifie toutes ces hypothèses à la lumière de la littérature.

15

Chapitre 2. Revue de littérature théorique et empirique de l'émigration secondaire

Ce chapitre est consacré à la documentation de l'émigration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada. Les migrants secondaires africains faisant partie de l'ensemble des immigrants, ce chapitre commence par un résumé de l'immigration aux Etats-Unis et au Canada. Ce résumé aborde l'immigration en générale et les caractéristiques sociodémographiques des immigrants aux Etats-Unis. La suite est consacrée à l'émigration secondaire africaine. Cette partie de la revue évoque les méthodes de mesure de la migration secondaire dans toute sa complexité, définit les concepts de base relatifs à la migration secondaire, développe tour à tour la migration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada et enfin synthétise les principales limites à la documentation de la migration secondaire africaine dans les deux pays susmentionnés.

2.1 Immigration aux Etats-Unis et au Canada

Le nombre de migrants internationaux dans le monde a continué de croître rapidement ces dernières années, atteignant 258 millions en 2017, contre 220 millions en 2010 et 173 millions en 2000 (Nations Unies, 2017 :4). Plus de 60% des migrants internationaux vivent en Asie (80 millions) ou en Europe (78 millions). L'Amérique du Nord a accueilli le troisième plus grand nombre de migrants internationaux (58 millions), suivie de l'Afrique (25 millions), de l'Amérique latine et des Caraïbes (10 millions) et de l'Océanie (8 millions) (Nations Unies, 2017).

L'analyse par pays révèle que les Etats-Unis d'Amérique sont le premier pays au monde en termes de stocks des migrants en 2017. Le nombre de ces migrants se chiffre à 49.8 millions, soit plus de 9 fois la population de la Norvège (Nations Unies, 2017 :6). Ils sont suivis en deuxième position dans toute la région d'Amérique par le Canada avec environ 8 millions de migrants d'après la même source.

16

Tableau 1. Stocks de migrants, propension à l'émigration et politique de migration aux Etats-Unis et

au Canada en 2017

Indicateurs

Le nombre total de migrants internationaux

Stock de migrants internationaux en pourcentage de la population totale Proportion de femmes migrantes dans le stock d'immigrés internationaux Nombre total d'émigrants

Indice de stratégie de contrôle de la migration '(0 "le moins restrictif" 1 "le plus restrictif")3 Indice de politique de migration du travail '(0 "le moins restrictif" 1 "le plus restrictif")

Etats-Unis 49.8 million 15.3 % 51.4 % 3 million

0,8

0,3

Canada 7.9 million 21.5 % 52.1 % 1,4 million

0,7

0,5

Source : Migration data portal, 2017, https://migrationdataportal.org/?i=stock_abs_&t=2017&cm49=840

Par conséquent, les Etats-Unis et le Canada font partie des pays où le nombre des personnes qui émigrent est de loin inférieur au nombre des immigrants4, même si l'indice de contrôle de politique des migrations est relativement restrictif (>=0,7) (Scipioni, et Urso, G., 2017). L'une des explications à l'afflux des migrants, notamment aux Etats-Unis, est que la politique en matière de travail des migrants semble être moins restrictive (0,3) qu'en Belgique (0.5) (IMPIC5, 2010).

Les États-Unis et le Canada sont, en effet, les deux pays qui sont reconnus non seulement d'immigration mais aussi bénéficiaires des migrants internationaux hautement qualifiés (Defoort, 2008). La migration de ces personnes hautement qualifiées (PHQ) vers le Canada passe principalement par trois canaux distincts mais liés : les immigrants permanents admis dans le cadre du programme axé sur les travailleurs qualifiés, les migrants temporaires avec visas de permis de travail et étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur (APIC, 2004). De même aux Etats-Unis, outre ces trois principaux canaux, -l'octroi de titre de séjour permanent (carte verte ou green card), l'accès au travail (visas de type L-1). ; poursuivre des études ou faire un stage (visa de type F et J respectivement) -les Etats-unis accueillent les entrepreneurs et devraient créer un VISA spécifique dédié aux Startups6.

A titre d'exemple, en 2002, 123 379 personnes ont bénéficié d'une immigration de travailleurs qualifiés et 11 041 personnes admises en tant qu'immigrés d'affaires au Canada

3 Les indices de contrôle de migration et de politique de migration de travail sont plus restrictifs lorsqu'ils s'approchent de 1. Ces indices définissent les politiques de migration de pays en prenant en compte l'admission des migrants (ouverture des frontières), des mesures d'intégration (la résidence, la citoyenneté ou l'accès aux avantages sociaux,...) et de sortie (expulsion ou le retour volontaire), (Scipioni, et Urso, G., 2017).

4 Il y a plus des immigrants que d'émigrants dans ces deux pays. Aux Etats-Unis, les immigrants représentent environ 16.6 fois plus le nombre des américains qui migrent vers un autre pays (49.8/3]. Au Canada, la proportion est d'environ 5.6 fois plus (7.9/1.4]

5 Immigration Policies in Comparison

6 https://www.developpez.com/actu/149195/Trump-s-attaque-au-visa-des-startups-favorisant-la-creation-d-entreprises-technologiques-etrangeres-aux-USA-decision-condamnee-par-la-Silicon-Valley/

17

représentant ainsi plus de 60 pourcent du nombre total d'immigrants permanents admis au cours de l'année (CIC, 2002 ; APIC, 2004).

Aux Etats-Unis, la loi sur l'immigration de 1990 et d'autres textes législatifs adoptés au cours des deux dernières décennies ont facilité l'immigration de diplômés de l'enseignement supérieur en créant des programmes de visas temporaires pour les travailleurs hautement qualifiés et en attirant les étudiants étrangers dans les établissements d'enseignement supérieur, notamment ceux en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STEM). Ainsi, Entre 1990 et 2000, la population immigrante diplômée d'université a augmenté de 89%, passant de 3,1 millions à 5,9 millions, et de 78% supplémentaire entre 2000 et 2014, soit de 5,9 millions à 10,5 millions (Migration Policy Institute, 2016)7.

Ces immigrants hyper-qualifiés proviennent aussi des pays en voie de développement mais aussi des pays européens. Ces derniers sont en quête des facilités croissantes accordées dans les pays d'immigration dont les Etats-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande et Australie. C'est ce que Docquier & Marfouk (2006 :1) qualifient de "out-selection8". Selon Lowell et Findlay (2019), le taux élevé de migration de personnes qualifiées -ayant une éducation "tertiaire"-vers les pays les plus développés constitue une perte pour les pays en développement. Les pays les plus touchés sont habituellement des pays exportateurs de migrants vers les Etats-Unis principalement. Le cas du Ghana est un exemple parfait pour avoir perdu 60% de ses médecins partis au Canada, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis depuis le début des années 1990 (Aderanti, 2007 :3).

Il ressort clairement que les immigrations africaines des personnes hautement qualifiées aux Etats-Unis et au Canada spécifiquement sont non négligeables. Ainsi, les pages qui suivent documentent l'immigration en général aux Etats-Unis et au Canada avec un accent particulier sur l'immigration africaine d'une part et sur la migration secondaire africaine dans ces deux pays respectifs d'autre part.

2.1.1 Caractéristiques sociodémographiques et économique des immigrants au Canada

Cette section traite du profil des migrants au Canada, du poids que représente la migration africaine, de la catégorisation de ces migrants et de leur distribution géographique au Canada.

7 https://www.migrationpolicy.org/article/college-educated-immigrants-united-states

8 Reconnaissance de compétences des migrants hyper-qualifiés dans les pays d'immigration.

Pour ce faire, les données sur Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ( 2015) sur le portail du gouvernement Canadien sont non seulement accessibles mais fiables9.

La notion de résident permanent est celle qui sera utilisée dans les lignes qui suivent pour le canada et les Etats-Unis. Il s'agit d'un qualificatif qui désigne tout individu n'ayant pas la citoyenneté ou la nationalité de ces deux pays respectifs mais qui a reçu la permission d'y vivre, étudier et travailler de façon permanente (Evra et Prokopenko, 2015). Cette notion désigne concrètement la population des immigrés résidents10. Elle diffère de la notion de résidents temporaires qui désigne les personnes (Visiteur, étudiant ou travailleur temporaire,...) ayant reçu l'autorisation de résider pour une période de temps limitée, souvent de 6 mois renouvelables. Cette catégorie n'est pas prise en compte dans les résultats présentés ci-dessous. Le fait de ne pas prendre en compte les résidents temporaires a pour conséquence la sous-estimation du nombre exact de la population des immigrés au cours d'une période de temps donnée.

Figure 1. Evolution de flux des résidents permanents selon la région de naissance de 2006 à 2015 au

Canada

18

Source: Auteur à partir de Government of Canada, IRCC, 2015.

Cette population des immigrés au Canada est fortement représentée par les Asiatiques, les Africains et les habitants du Moyen-Orient comme l'illustre bien la figure 1. Les migrants de ces régions ne feront qu'augmenter car la tendance est à la hausse. Le flux de résidents permanents des autres régions du monde ne dépassent pas la barre de 5500 personnes depuis 2013.

9 Facts & Figures 2015: Immigration Overview - Permanent Residents - Annual IRCC Update. https://open.canada.ca/data/en/dataset/2fbb56bd-eae7-4582-af7d-a197d185fc93

10 Il s'agit d'un stock des migrants : Nombre annuel de résidents permanents qui sont venus au Canada entre 1990 et 2015. https://ouvert.canada.ca/data/fr/dataset/2fbb56bd-eae7-4582-af7d-a197d185fc93

19

La figure 2 montre que ces résidents permanents au Canada sont majoritairement jeunes dont l'âge varie entre 25 et 44 ans et cela quelle que soit la région d'origine.

Figure 2. Flux de résidents permanents selon l'âge et la région de naissance en 2015 au Canada

Source: Government of Canada, IRCC, 2015.

En considérant la population âgée de 15 ans et plus en 2015, la majorité des résidents permanents sont mariés avec une différence d'environ 10.000 mariages en faveur des femmes. Par conséquent, Il y a plus de célibataires hommes comparativement aux femmes et plus de femmes séparées, divorcées et veuves que d'hommes de la même catégorie.

Figure 3. Résidents permanents de 15 ans et plus selon le sexe et l'état matrimonial en 2015 au Canada

Source: Government of Canada, IRCC, 2015

S'agissant de la catégorisation de ces résidents permanents, il se dégage de la figure 3 que dans toutes les régions, sauf pour la région de l'Amérique en général et des Etats-Unis en

20

particulier où les résidents permanents ont été parrainés dans certaines familles11, les raisons économiques sont prépondérantes par rapport aux autres motifs d'immigrations. Par ailleurs, la région d'Afrique et le Moyen Orient sont deux régions où le nombre de réfugiés réinstallés et personnes protégées au Canada est très élevé, dépassant la barre de 20.000 personnes en 2015. Ce chiffre pourrait s'expliquer par la multiplication de zones de conflits armés dans lesdites régions.

Figure 4. Résidents permanents selon la catégorie et la région d'origine en 2015 au Canada

 
 

Source: Government of Canada, IRCC, 2015.

 

Outre les raisons pour lesquelles ces résidents permanents se trouvent au Canada, ils sont repartis sur l'ensemble du territoire avec une grande préférence du Québec pour les africains et les habitants du Moyen Orient. Les asiatiques sont majoritaires et repartis en grand nombre sur tout le Canada sauf au Québec. Cette faible communauté des asiatiques au Québec peut s'expliquer par des raisons culturelles, notamment linguistique.

11 Le parrainage prend en compte des membres de la famille proche des citoyens canadiens ou résidents permanents du Canada. Qu'il s'agisse de parrainer son conjoint, de parrainer ses enfants (regroupement familial] ou de parrainer d'autres membres de sa famille proche.

21

Figure 5. Résidents permanents selon la province ou territoire de la région de résidence au Canada et
la région d'origine en 2015

Source: Government of Canada, IRCC, 2015.

2.1.2 Caractéristiques sociodémographiques et économique des immigrants aux Etats-Unis

Comme pour le Canada, la source principale de données relatives aux résidents permanents aux Etats-Unis est l'annuaire des statistiques de l'immigration ; un recueil de tableaux contenant des données sur les ressortissants étrangers qui se sont vu octroyer la résidence permanente légale, qui ont été admis aux États-Unis à titre temporaire, demandé l'asile ou le statut de réfugié, ou ont été naturalisés12.

L'histoire documentée de l'immigration aux Etats-Unis remonte aux années 1820. La figure 6 retrace l'évolution de nombre des résidents permanents légaux par année de 1900 à 2017.

Figure 6. Flux de résidents permanents légaux aux États-Unis entre 1900-2017

2 000 000

1 800 000

1 600 000

1 400 000

1 200 000

Effectifs

1 000 000

800 000

600 000

400 000

200 000

0

1900 1909 1918 1927 1936 1945 1954 1963 1972 1981 1990 1999 2008 2017

Année

Source: Auteur à partir de U.S. Department of Homeland Security, 2017

12 https://www.dhs.gov/immigration-statistics/yearbook

22

Le nombre de personnes qui se voient attribuer chaque année la résidence permanente légale a évolué en dents de scie avec des périodes de très forte augmentation. Même si la tendance est à la baisse, les Etats-Unis restent le premier pays en termes de nombre des immigrants en 2017 (Nations Unies, 2017).

Ces immigrants sont, comme ceux du Canada, jeunes. Un peu plus de deux immigrants sur cinq, soit 43%, sont âgés de 25 à 44 ans avec une relative féminisation car plus d'un migrant sur deux, soit 54%, est une femme. Les mariés sont majoritaires et représentent près de six personnes sur dix soit 58%.

Tableau 2. Résidents permanents selon l'âge, le sexe et le statut matrimonial en 2017 aux Etats-Unis

Groupes d'âge

Effectifs

%

0-14 15-24 25-44 45-64 65 et + Total

165 539 180 320 488 164 231 584 61 560 1 127 167

15

16 43 21 5 100

Sexe

 
 

Femme

605 911

54

Homme

521 242

46

Ne sait pas

14

0

Total

1 127 167

100

Etat matrimonial

 
 

Marié(e)

656 878

58

Célibataire

405 916

36

Veuf (ve)

27 429

2

Divorce (e)/séparé(e)

30 758

3

Ne sait pas

6 186

1

Total

1 127 167

100

Source: Auteur à partir de U.S. Department of Homeland Security, 2017

Ces résidents permanents aux Etats-Unis ont évolué, chaque année, en termes du poids de régions et/ou principales nationalités. Les américains ont connu une augmentation en nombre de façon fulgurante aux Etats-Unis et l'Amérique est devenue la région la plus représentée en 2017 alors qu'elle représentait près de 20% en 1960 contre près de 75% des européens. En plus de 50 ans, les Européens ne représentent que moins de 10%. En outre, la tendance actuelle est marquée par une augmentation du nombre des Asiatiques et Africains dans la population des immigrants aux Etats-Unis.

23

Figure 7. Proportion par année de nouveaux résidents permanents légaux sur l'ensemble de la
population immigrante par région de naissance entre 1960 et 2017 aux Etats-Unis

Source: U.S. Department of Homeland Security, 2017, MPI, 2017

Ces changements auront un impact significatif sur la démographie et les résultats futurs de la population immigrée du pays en matière d'intégration sachant que les nouveaux immigrants ont tendance à avoir un niveau d'instruction supérieur à ceux qui sont arrivés au cours de périodes précédentes (MPI, 2017)13.

S'agissant des immigrants/résidents permanents africains aux Etats-Unis, cinq pays africains représentent à eux seuls plus de 43% de l'ensemble de ces résidents permanents en 2017 (118,824). Il s'agit de l'Ethiopie (14,637), le Nigeria (13,539), la RDC (8,709), la Somalie (7,704) et du Kenya (6,957). Ces africains sont principalement représentés avec au moins 4000 habitants dans 10 Etats. Ils sont majoritaires au Texas et à New York avec au moins 10.000 habitants africains (Yearbook of Immigration Statistics 2017, table 3).

Figure 8. Répartition géographique des Africains vivant aux Etats-Unis

Source: Auteur à partir de U.S. Department of Homeland Security, 2017

13 https://www.migrationpolicy.org/article/immigrants-new-origin-countries-united-states

24

Par ailleurs, l'identification des caractéristiques des immigrants aux Etats-Unis et au Canada ci-haut développée et l'évolution annuelle du nombre des migrants par région révèlent que les immigrations africaines dans ces deux pays représentent une part non négligeable et les tendances actuelles, à en croire les figures 1 et 8, laissent entrevoir une évolution à la hausse de nombre des Africains dans le futur. Ainsi, il nous paraît intéressant, conformément à nos objectifs, de saisir lesquels de ces immigrants sont des migrants indirects ou secondaires.

2.2 Migration secondaire africaine vers les Etats-Unis et le Canada

2.2.1 Méthodes de mesure de la migration secondaire

La littérature sur la mesure de la migration distingue deux principales méthodes qui permettent de saisir les migrations internes, internationales et multiples (Tabah, 1970). La première méthode consiste à faire de l'analyse des migrations en utilisant les données des registres de population14. Le registre de population fournit généralement d'excellentes données sur les migrations et est considéré en théorie comme l'outil idéal pour la mesure des migrations. Cependant, très peu de pays disposent d'un registre qui soit tenu à jour de façon à refléter fidèlement la réalité migratoire. Il reste néanmoins un instrument administratif qui pour la plupart de temps n'est pas informatisé et centralisé pour garantir la fiabilité du système (Poulain & Herm, 2013). Sous d'autres cieux, bien que le système est informatisé et centralisé, le caractère obligatoire de déclaration est très respecté sur les déclarations des décès et naissances, mais n'est pas effectif en matière de déclarations relatives aux mouvements de population en interne comme en international. A ceci s'ajoute les débats sur la confidentialité des données et le respect de la vie privée15. C'est à ce juste titre que plusieurs pays dont les Etats-Unis, le Canada, etc. n'en disposent pas. Les limites sus évoquées justifient le faible taux d'utilisation de registres de population pour les études sur les migrations internationales notamment et encore moins pour saisir les migrations multiples faute de sous-estimation du phénomène car plusieurs cas ne sont pas déclarés.

Par ailleurs, plusieurs chercheurs recourent à la deuxième méthode pour analyser les migrations internationales et multiples. Cette méthode mesure la migration à partir des

14Système de collecte des données par les services publics selon lequel les caractères démographiques et socioéconomiques de l'ensemble d'une population ou d'une partie de la population font l'objet d'un enregistrement continu. https://www.ined.fr/fr/lexique/registre-de-population/.

15 Bocquier et Eggerickx (2019], Note de cours d'Urbanisation, migrations internes et migrations internationales (LSPED2015). SPED2M, Université catholique de Louvain. Inédit.

25

recensements ou des enquêtes par sondage. C'est ce que Picouet (1977 :14) appelle méthode d'enregistrement discontinu par opposition aux registres de population. La mesure de la migration à partir des recensements se fait par la combinaison des questions relatives au lieu de naissance (LN), au lieu de dernière résidence ou résidence antérieure (LDR), à la durée de résidence (DR) au lieu de recensement, et au lieu de résidence à une date donnée antérieure au recensement (LDA) ou à une date bien déterminée. A ces questions s'ajoutent celles relatives à la nationalité et à la durée de résidence dans la dernière résidence. (UN, 1998 : 101 ; Camilleri, 2006; Dureau 2014). Ainsi, le type de migration à mesurer -interne, internationale, multiple- est saisi en fonction de la combinaison de ces questions posées dans le questionnaire du recensement/enquête.

Les questions sur le lieu de naissance (LN) permettent de saisir les migrants durée de vie16 en interne ou en international. Cette question ne permet pas de saisir les migrations multiples et mélange les migrants récents et anciens faute de la délimitation des questions dans le temps. La dimension temporelle est résolue par la question sur le lieu de dernière résidence (LDR) ou résidence antérieure. Cette question est souvent couplée à la question de la durée de résidence au lieu de dénombrement (DR) afin de catégoriser les migrants suivant l'ordre d'arrivée ou l'année d'installation au lieu du recensement. La question sur le lieu de résidence à une date de référence antérieure, permet en fonction de la période de référence de limiter les risques d'erreur (si la période est courte, moins de perte de mémoire et d'oubli) d'une part et fournir un nombre suffisant de migrants (si la période est suffisamment longue) d'autre part. Nombre de pays utilisent les 12 derniers mois et/ou les 5 dernières années ayant précédé le recensement. C'est le cas des Etats-Unis en particulier. Les études sur la migration totale font usage de toutes ces questions afin de mesurer toutes les catégories de migrants : les migrants durée de vie, les migrants récents et anciens, les migrants de retour et les migrants multiples. Ainsi, est qualifiée de migrant international toute personne qui, à une date donnée, réside dans un autre pays que celui de sa naissance. Le migrant international indirect/secondaire est un migrant résidant au pays C, mais dont le pays de dernière résidence (B), est diffèrent de son pays de naissance (A) ; c'est ce que Dureau (2014 : 9) qualifie de "migrant multiple".

2.2.2 Définition de concepts de base relatifs à l'analyse de la migration secondaire

Dans cette étude, les migrants secondaires africains qui résident aux Etats-Unis sont mesurés par la combinaison des questions sur le lieu de résidence actuelle et le lieu de dernière

16 Tout individu dont le lieu de résidence à une date de référence donnée est différent de son lieu de naissance.

26

résidence d'il y a 12 mois ou 5 ans avant le recensement. Ceci s'explique par le fait qu'ils sont déjà immigrants et résident dans un autre pays diffèrent de leurs pays naissance. La bonne question pour mesurer la migration secondaire est de savoir si ces migrants sont tous des migrants directs ou sont-ils passés par un autre pays avant d'atterrir aux Etats-Unis ? Si oui, quels en sont les principaux pays de transit ?

Pour y arriver, trois concepts méritent d'être bien élucidés. Il s'agit de : (i) migration secondaire africaine incomplète; (ii) migration secondaire africaine complète et (iii) migration secondaire effective. Ces trois concepts expliquent mieux la complexité derrière le souci de documenter les migrations secondaires africaines aux Etats-Unis et au Canada en particulier et les limites de sources de données exploitées.

Le tableau 3 résume la compréhension de ces trois concepts longuement utilisés par la suite.

Tableau 3. Résumé de la compréhension des concepts

 

LRA (Lieu de résidence actuelle)

LN (Lieu de naissance)

LDR (dernier lieu de résidence)

Source de données

Période

d'observation

Migration secondaire africaine incomplète

Etats-Unis

Afrique

En dehors de l'Afrique : pas connu (LDR = ?)

Yearbook of Immigration Statistics

Annuelle (Compilation du 01 janvier ou 31 décembre de chaque année)

Migration secondaire africaine complète

Etats-Unis

Afrique

En dehors de l'Afrique : connu (LDR =1)

IPUMS

12 mois ou 5 ans avant le

recensement

Migration secondaire effective

Etats-Unis

Pays concerné

N'importe lequel sauf son pays

IPUMS

12 mois ou 5 ans avant le

recensement

LRA # LN, LDR =? = Migrant secondaire africain incomplet, Unité d'analyse est régionale (Afrique) LRA # LN, LDR = 1= Migrant secondaire africain complet, Unité d'analyse est régionale (Afrique) LRA # LDR # LN = Migrant secondaire effectif, Unité d'analyse est le pays de naissance

Le concept "Migration secondaire africaine incomplète" renvoie aux immigrants africains aux Etats-Unis qui ont résidé dans un pays tiers, autre que les pays africains, 12 mois ou 5 ans avant le recensement, dont la région/pays de dernière résidence n'est pas connu(e). Ces données proviennent de l'annuaire statistique sur l'immigration aux Etats-Unis (Yearbook of Immigration Statistics, 2017). Certes, ces immigrants ont résidé en dehors de la région africaine et par conséquent en dehors de leurs pays de naissance, mais on ne sait pas identifier les pays de leur dernière résidence. Le "Migrant secondaire africain complet", par contre, est tout immigrant aux Etats-Unis d'origine africaine, né en Afrique, qui, 12 mois ou 5 ans avant le recensement résidait dans un pays tiers, autre que les pays africains, bien identifié. Les

27

données en rapport avec ce type de migrants proviennent d'IPUMS (2018)17 et permettent - puisque les pays de dernière résidence sont connus- d'identifier les principaux pays de transit en dehors de l'Afrique. Enfin, un "migrant secondaire effectif" est tout immigrant aux Etats-Unis, d'origine africaine, né en Afrique, qui, 12 mois ou 5 ans avant le recensement résidait dans un pays tiers, autre que son pays de naissance.

Nous documentons dans les lignes qui suivent le cas des migrants africains qui sont résidents permanents aux Etats-Unis et au Canada. Les deux principales sources de données susmentionnées sont exploitées simultanément en fonction des informations disponibles et les limites qui nécessitent, d'une part, le recours à une autre source de données et d'autre part, le recours à une autre approche de mesure du phénomène. Cette analyse prend en compte toute la population africaine, le Maghreb y compris.

2.2.3 Migration secondaire africaine vers les Etats-Unis

Les données de l'annuaire montrent que, depuis 2010, le nombre migrations secondaires africaines dont on ne connait le dernier pays de résidence en dehors de l'Afrique ne cesse de diminuer. En termes de proportion, moins de 2% (soit 1.82%) des migrants secondaires africains en 2017 ont résidé dans un autre pays que les pays africains (tab.4). Il apparait évident que les migrations secondaires africaines "incomplètes" sont faibles comparativement aux immigrations africaines directes aux Etats-Unis.

Tableau 4. Déduction des immigrations africaines aux Etats-Unis des personnes dont le dernier pays
de résidence n'est pas un pays africain de 2010 à 2017

Année

Nombre des immigrants aux Etats-Unis qui sont nés en Afrique (A)

Nombre des immigrants aux Etats-Unis qui sont nés en Afrique dont le pays de dernière résidence est quelque part en Afrique (B)

Nombre des immigrants aux Etats-Unis qui sont nés en Afrique dont le pays de dernière résidence est hors Afrique mais pas connu (A-B)

Proportion des immigrants secondaires africains aux Etats-Unis dont on ne sait le dernier pays de résidence (A-B)/A*100)

2010

101 355

98 246

3 109

3,07

2011

100 374

97 429

2 945

2,93

2012

107 241

103 685

3 556

3,32

2013

98 304

94 589

3 715

3,78

2014

98 413

94 834

3 579

3,64

2015

101 415

98 677

2 738

2,70

2016

113 426

110 754

2 672

2,36

2017

118 824

116 667

2 157

1,82

Source : Déduction de l'auteur faite à partir de Yearbook of Immigration Statistics 2017, table 2 et 3

17 IPUMS-International se consacre à la collecte et à la diffusion de données de recensement du monde entier. Les objectifs du projet sont axés sur la collecte et la conservation des données d'une part et faire de la documentation et la diffusion de ces données harmonisées gratuitement d'autre part.

28

Ces données présentent quelques limites et un avantage : (i) Déjà, on ne peut pas savoir, avec précision, les pays/régions de dernière résidence de ces immigrants africains aux Etats-Unis ;(ii) Les données ne peuvent remonter plus loin que l'année 2010 parce que le nombre des immigrants nés en Afrique bien que disponible à partir de 2008, celui en rapport avec le nombre des immigrants africains en fonction du dernier pays de résidence n'est disponible qu'à partir de 2010, du moins pour les années non groupées. Ainsi, il est profitable de n'utiliser que les données aux années comparables, à partir de 2010 dans le cas d'espèce ; (iii) En outre, les résultats obtenus au tableau 4, bien qu'ils ne renseignent pas sur les migrations secondaires effectives à proprement parler, ils sont un pas vers ces dernières. Ils renseignent uniquement sur la proportion des immigrants africains qui ont résidé dans un pays tiers que les Etats-Unis, en dehors de l'Afrique. Mais les pays et ou région de dernière résidence n'étant pas connu, il est difficile d'affirmer avec certitude que 3.07% des immigrants africains aux Etats-Unis en 2010 sont des migrants secondaires. Ainsi, les migrations secondaires depuis l'Afrique ne sont pas identifiées.

Pour suppléer à ce déficit d'information dans l'annuaire statistique sur l'immigration aux Etats-Unis (Yearbook of Immigration Statistics 2017 : table 2&3), nous avons recouru aux microdonnées extraites d'IPUMS-international (2018) ; données internationales harmonisées des recensements qui sont fournies par les Offices nationaux de statistique des pays depuis 1960. Les données de cette source présentent l'avantage d'approcher la réalité de l'émigration secondaire car elles regroupent outre le statut à la naissance, les pays d'origine des immigrants, le statut de migration et le pays de dernière résidence, 12 mois avant la collecte de données des recensements de 1970 et 2000 d'une part et 5 ans avant la collecte de données des recensements de 2005 et 2010 d'autre part.

Ainsi, ces données nous permettent, de façon général, de saisir l'ampleur et l'évolution des immigrations africaines aux Etats-Unis ; de déduire la migration secondaire africaine "complète" qui est la part des immigrants africains aux Etats-Unis dont le dernier pays de résidence, d'il y a 12 mois ou 5 ans selon le cas, est différent des pays africains et bien identifié ; de saisir les principaux pays de transit en Afrique et en dehors de l'Afrique (principalement en Europe) et d'identifier les principales caractéristiques de ces migrants secondaires africains aux Etats-Unis et au Canada. En particulier, les cas de cinq principaux pays africains sub-sahariens ayant les plus grand nombre des immigrants comparativement aux autres seront développés.

29

Pour des raisons de comparabilité, fonction des années de collecte et de la période d'observation, les résultats seront présentés séparément car les données de 2010 et celles de 2005 se réfèrent aux 12 mois avant la collecte contrairement à celles de 2000 et de 1970 qui se réfèrent aux cinq dernières années avant la collecte. Le choix porté sur ces années, contrairement aux autres, se justifie par la disponibilité de données relatives au statut à la naissance, au statut de migration, 1 an ou 5 ans avant la collecte et au pays de la dernière migration ou dernière résidence.

2.2.3.1 Ampleur et évolution des immigrations africaines aux États-Unis

L'analyse de ces microdonnées montre que sur l'ensemble de données collectées de 1970 à 2010, la proportion des immigrants aux Etats-Unis a augmenté de 5,85% en 1970 à 12.62 % en 2010. La proportion des immigrants africains (Toute l'Afrique, Maghreb y compris) sur l'ensemble de tous les immigrants aux Etats-Unis a aussi augmenté, bien que faible comparativement aux immigrants Européens et Asiatiques en particulier. De moins de 1% en 1970, la proportion des immigrants africains sur l'ensemble des immigrants aux Etats-Unis se chiffre à 3,5% en 2010.

Figure 9. Evolution de la proportion des immigrants africains dans l'ensemble des immigrations aux
Etats-Unis de 1970 à 2010

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

Parmi ces immigrants africains, quelles que soient l'année de collecte et la période couverte par l'observation, plus de trois quart ont résidé dans des pays africains -y compris les pays de naissance de certains migrants probablement- avant d'atterrir aux Etats-Unis (Tableau. 5). Les pays européens viennent en deuxième position. Sa proportion la plus haute remonte à l'année

30

1970 (13,36%). L'Océanie reste la région la moins attractive des immigrants africains aux Etats-Unis.

Tableau 5. Ampleur et évolution des immigrants africains aux Etats-Unis résidant dans un autre pays,
5 ans et 12 mois avant les recensements et par année de collecte de données

Continent

Nombre des immigrants africains aux Etats-Unis ayant résidé dans un autre pays, 5 ans auparavant, par continent

Nombre des immigrants africains aux Etats-Unis ayant résidé dans un autre pays, 12 mois auparavant par continent

 

1970

 

2000

2005

 

2010

 

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Afrique

214

77,26

9825

86,18

436

82,58

379

85,94

Amérique

14

5,05

450

3,95

29

5,49

14

3,17

Asie

12

4,33

325

2,85

25

4,73

10

2,27

Europe

37

13,36

773

6,78

37

7,01

35

7,94

Océanie

0

0,00

27

0,24

1

0,19

3

0,68

Total

277

100

11400

100

528

100

441

100

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

Par ailleurs, mieux que les résultats du tableau 4, ceux du tableau 5 présentent un grand avantage ; celui de déduire les migrations secondaires africaines "complètes" parmi tous les immigrants africains aux Etats-Unis qui ont résidé dans un pays tiers, en dehors de pays africains, les 12 mois ou les 5 années précédant la collecte de données du recensement. Mais ils présentent aussi une limite, celle de sous-estimer les migrations secondaires "effectives". Cette sous-estimation est liée à l'unité d'analyse considérée : Afrique en lieu et place du pays. La sous-estimation s'explique concrètement par le fait de ne pas considérer dans les migrations secondaires africaines, les immigrants africains de chaque pays qui n'ont pas résidé dans leurs pays respectifs. Pour pallier à cette limite, nous développons, plus loin, la migration secondaire africaine des immigrants africains de cinq pays majoritaires aux Etats-Unis, considérant ainsi le pays comme unité d'analyse. Avant d'y arriver, la fig.10 retrace l'évolution de migrations secondaires africaines déduite du tableau 5.

2.2.3.2 Migrations secondaires des africains aux Etats-Unis

Les migrants secondaires africains sont ceux parmi tous les immigrants africains aux Etats-Unis ayant résidé en dehors des Etats-Unis et en dehors de l'Afrique, 5 ans et 12 mois avant le recensement par année de collecte considérée, soit de 1970 à 2010.

Dans l'ensemble, l'émigration secondaire existe mais ses proportions sont relativement faibles comparativement aux migrations directes car la majorité des immigrants africains aux

31

Etats-Unis n'est pas très mobile en dehors du pays18. Mais parmi ceux qui ont résidé à l'étranger, un peu plus de quatre personnes sur cinq, soit environ 86%, ont résidé en Afrique au cours de 12 derniers mois ayant précédé le recensement de 2010. Ainsi, 14% sont des migrants secondaires africains.

La différence flagrante de la proportion des migrations secondaires africaines entre le tableau

4 et 5 (3.07% contre 14% en 2010) serait probablement due à la différence des sources de données utilisées et du degré de précision qui découle de chacune de ces sources. Les résultats du tableau 4 proviennent d'une source administrative et ne permet pas d'identifier les pays de dernière résidence des immigrants africains aux Etats-Unis. Par contre, les résultats du tableau

5 proviennent du recensement de 2010, qui du reste est représentatif de la population totale des Etats-Unis et permettent d'identifier les pays de dernière résidence des immigrants africains aux Etats-Unis. De ce fait, ce grand écart de la proportion des migrations secondaires africaines serait lié à la sous-estimation qui caractérise la source administrative. Cette source tient uniquement compte des résidents permanents. Les résidents temporaires ne sont pas comptabilisés, voire même les migrants africains en situation irrégulière.

Figure 10. Proportion de la migration secondaire africaine parmi les immigrants africains ayant résidé dans un autre pays que les pays africains

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

De ce fait, il sied de noter qu'en termes de proportion, l'émigration secondaire africaine (14%) est relativement élevée comparativement à l'émigration secondaire en général aux

18 L'analyse de données relative au statut de migration d'il y a 12 mois montre que les immigrants africains sont mobiles à l'intérieur des Etats-Unis. Ceux qui ont résidé d'il y a 12 mois à l'étranger représentent 2.5% en 2010.

32

Etats-Unis en 2000. Selon USCIS19 (2000), l'émigration secondaire se chiffrait à 12,5% de tous les immigrants admis aux États-Unis (Takenaka, 2007). Il est clair qu'après l'année 2000 jusqu'à ce jour que cette proportion ait baissé davantage car la tendance est à la baisse mais aussi parce que l'Afrique devient de plus en plus un continent principal de transit vers les Etats-Unis. Les grandes différences dans les estimations de la proportion de la migration secondaire entre les tableaux 10a et 10b sont liées à la méthode utilisée -période d'observation- mais aussi à de différences des effectifs dans les sous-échantillons (Afrique) par année de recensement (tableau.5). Par conséquent, les résultats de ces deux tableaux ne sont pas comparables même si la tendance est en baisse quelles que soient l'année de collecte et la période d'observation.

Par ailleurs, nous nous sommes interrogés sur les principaux pays Européens de transit de migrants secondaires africains aux États-Unis. Ce questionnement a trouvé son sens dans les résultats de Takenaka (2007 :2) :

"While secondary migration mostly involves poorer countries both at origins and intermediary points, secondary migrants usually come from poorer countries and migrate first to richer countries before migrating further to the United States ".

Par conséquent, nous essayons, dans les lignes qui suivent, non seulement de trouver les principaux pays européens de transit mais aussi de répertorier la préférence de certains pays africains envers un pays européen spécifique par rapport aux autres et d'en élucider les facteurs explicatifs.

2.2.3.3 Principaux pays Européens de transit des migrants secondaires africains aux Etats-Unis

Les résultats de notre analyse (fig.11) montrent que quelles que soient l'année de collecte et la période de collecte/d'observation considérées -12 mois ou 5 ans avant le recensement- les principaux pays de transit en Europe sont le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie. Considérant les périodes récentes, 2005 et 2010, les tendances montrent que la situation de l'Italie et du reste de l'Europe est statique au moment où la proportion de migrants africains en transition de l'Europe vers les Etats-Unis diminue au Royaume-Uni et en Allemagne au profit de la France.

19 U.S. Citizenship and Immigration Services

Figure 11. Proportion des immigrants africains aux Etats-Unis ayant transité dans un pays Européens

par de 1970 à 2010

33

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

Ces quatre pays Européens représentent en moyenne quatre personnes sur cinq, soit 80,2%, des tous les transits des immigrants africains aux Etats-Unis en Europe quelles que soient l'année de collecte et la période d'observation.

S'agissant de la tendance dans la préférence de certains pays Européens de transit, aucune tendance ne se dégage pour l'Italie. De même pour l'Allemagne avec une légère prédominance de Camerounais. Mais pour la France en particulier, la majorité des migrants secondaires africains qui y ont résidé avant d'atterrir aux Etas-Unis sont Marocains et Algériens. Pour le Royaume-Uni par contre, ce sont les Nigérians, sud-africains et Kenyans. Ces tendances s'expliquent par des facteurs politiques d'une part et culturels d'autre part. Sur le plan politique, l'histoire du Maroc et de l'Algérie sont scellées à celle de la France par le fait que ces deux pays ont été colonisés par la France, même si une petite partie du Maroc était sous contrôle Espagnol. Il en est de même pour le Nigéria, l'Afrique du sud et le Kenya qui ont été colonisés par le Royaume-Uni. A cette raison politique s'ajoute la dimension linguistique qui n'est pas négligeable car la langue est un facteur d'intégration sociale (Nutefe, 2014).

2.2.3.4 Principales caractéristiques des migrants secondaires africains aux Etats-Unis

Les principales caractéristiques de ces migrants secondaires africains se rapportent à l'année 2010 ; la plus récente dont la période d'observation se limite aux douze mois ayant précédé le recensement.

34

Tableau 6. Répartition de migrants secondaires africains aux Etats-Unis en 2010

 
 

Migrants secondaires

 

Migrants directs

Migrants

secondaires âgés de 20 ans et plus

Variables

Catégories

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Sexe

Masculin

279

50,84

6,769

52,2

185

50,2

 

Féminin

269

49,16

6,195

47,8

183

49,8

 

Moins de 20

164

29,9

1,696

13,1

 
 
 

20-39

283

51,6

5,277

40,7

271

73,7

Age

40-59

69

12,6

4,67

36

66

18,0

 

60 et plus

32

5,9

1,321

10,2

30

8,3

 

Primaire incomplet

142

25,95

1,212

9,4

25

6,8

Niveau

Primaire complet

60

11,1

1,313

10,1

30

8,0

d'éducation

Secondaire complet

205

37,4

6,117

47,2

179

48,7

 

Universitaire

140

25,6

4,319

33,3

134

36,5

 

Célibataire

295

53,8

4,583

35,6

127

34,5

Statut

Marié

218

39,9

6,432

49,6

208

56,6

matrimonial

Séparé/divorcé

17

3,2

1,49

11,5

16

4,5

 

Veuf (ve)

16

3,1

458

3,5

16

4,4

Période

2000 et moins

28

5,1

7,465

57,6

25

7,0

d'immigration Après 2000

520

94,9

5,499

42,4

342

93,0

Total

548

100

12,964

100

368

100,0

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

Ces migrants secondaires africains aux Etats-Unis sont presque qu'à égalité proportionnelle du point de vue "genre" comparativement aux migrants directs où les hommes représentent plus de la moitié, soit 52.2%. Du point de vue de l'âge, les migrants secondaires africains sont majoritairement jeunes car plus de cinq personnes sur dix, soit 51,6%, sont âgés de 20 à 39 ans. Dans cette tranche d'âge (20-39 ans), les migrants directs représentent 40%. Sur le plan éducationnel, plus de six personnes sur dix migrants secondaires africains, soit 63%, ont au moins un niveau secondaire. Les plus instruits représentent le quart de tous les migrants secondaires africains aux Etats-Unis, soit 26%, contre 33% pour les migrants directs. Quant à l'état matrimonial, la majorité de migrants secondaires africains sont célibataires (53,8%) alors que les migrants directs sont nombreux à être mariés (49,6%). En outre, dans 95% de cas, les migrants secondaires sont arrivés aux Etats-Unis après les années 2000 contrairement aux migrants directs qui sont arrivés, dans 57% de cas, aux Etats-Unis avant l'an 2000, du moins jusqu'à l'année 2000.

Ces résultats en rapport avec l'année d'arrivé aux Etats-Unis montrent qu'il n'est pas facile de comparer les migrants secondaires -qui sont très jeunes puisque arrivés récemment- aux migrants directs qui sont arrivés il y a fort longtemps. L'idéal aurait été de faire cette comparaison en tenant compte, par exemple, de l'âge et du niveau d'instruction des migrants

35

directs à l'arrivée. Ne disposant pas ces données, nous contrôlant l'âge des migrants secondaires en ne prenant en compte que les migrants secondaires âgés de 20 ans et plus pour les comparer aux migrants directs. De cette comparaison ressort que, les migrants secondaires, âgés de 20 ans et plus, sont très jeunes -soit âgés de moins de 40 ans dans 73,7%-et plus instruits (36.5%) que les migrants directs aux Etats-Unis.

Notons par ailleurs que, parmi ces migrants secondaires africains aux Etats-Unis, la proportion de plus instruits, ceux du niveau universitaire, ne fait qu'augmenter depuis l'année 200520 (fig. 12).

Figure 12. Répartition des migrants africains ayant un niveau d'éducation universitaire aux États-Unis

de 1970 à 2010

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

Comme souligné précédemment (tableau 5), les résultats présentés en rapport avec la migration secondaire des africains sous-estiment le nombre des migrations secondaires africaines effectives aux Etats-Unis. Cette sous-estimation s'explique par le fait qu'un immigrant africain aux Etats-Unis qui a résidé dans un autre pays africain que son pays de naissance, 12 mois ou 5 ans précédant la collecte de données, avant d'atterrir aux Etats-Unis n'est pas comptabilisé comme migrant secondaire (fig.10). Seuls les immigrants qui ont résidé dans un pays en dehors de l'Afrique sont comptabilisés comme migrants secondaires. C'est donc à ce titre qu'ils sont qualifiés dans cette étude comme "migrants secondaires africains". Ainsi, pour pallier à cette sous-estimation, la section suivante développe le cas des cinq principaux pays de l'Afrique sub-saharienne majoritaires aux Etats-Unis, considérant

20 Il est aberrant de comparer cette proportion avec les autres années, outré l'année 2005, parce que la période d'observation n'est pas la même.

effectivement de "migrant secondaire effectif "aux Etats-Unis, tout immigrant ayant résidé dans un autre pays que son pays de naissance au cours de 12 derniers mois (pour les recensements de 1970 et 2000) ou 5 dernières années (pour les recensements de 2005 et 2010) ayant précédé la collecte de données avant d'atterrir aux Etats-Unis.

Ces principaux pays sont le Nigeria, l'Ethiopie, le Ghana, l'Afrique du sud, et le Kenya. Ces pays représentent à eux seuls plus de 43% de l'ensemble de la population des immigrants africains aux Etats-Unis (IPIUMS, 2018).

2.2.3.5 Emigrations secondaires des Nigérians, Ethiopiens, Ghanéens, Sud-africains et Kenyans aux Etats-Unis

Les résultats de la figure 13 montrent qu'au cours de 12 derniers mois ayant précédé la collecte de données en 2005 et 2010, les immigrants Nigérians, Ethiopiens, Ghanéens, Sud-africains et Kenyans aux Etats-Unis ont résidé dans un autre pays africain différent de leur pays de naissance. Les pays Européens viennent en deuxième position comme pays de transit sauf pour les Sud-africains. Ces derniers ont résidé en majorité dans les pays Asiatiques, notamment en Chine et au Japon. Entre 2005 et 2010, la proportion des Nigérians et Sud-africains ayant résidé les 12 derniers mois en Asie a baissé au profit des pays africains contrairement aux Ghanéens et kenyans dont la diversification des pays de dernière résidence intègre les pays asiatiques.

Figure 13. Emigrations secondaires des quelques pays africains en fonction de pays /région de dernière

résidence entre 2005 et 2010

%

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10

0

 

Europe Asie Amerique Afrique

Nigeria

2005

Nigeria

2010

Ethiopie Afrique

2005 2010 du Sud

2005

Afrique du Sud

2010

Ghana

2005

Ghana

2010

Ethiopie

Kenya Kenya

2005 2010

36

Pays et années

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

37

L'analyse de la situation de 2000 et plus loin celle de 1970 marque une diversité du point de vue de derniers pays ou région de résidence mais aussi des immigrants africains majoritaires aux Etats-Unis. En 2000, La population immigrante d'origine Nigériane, Ethiopienne, Sud-africaine, Ghanéenne et Kenyanes étaient déjà majoritaires comme pour les récentes périodes, 2005 et 2010. Par contre, l'histoire de l'immigration africaine aux Etats-Unis révèle que seuls les Sud-africains et Egyptiens étaient déjà majoritaires en 1970 (fig.14). L'augmentation de nombre des immigrants des autres pays d'Afrique sub-saharienne majoritaires ci-haut énumérés serait la résultante d'une politique migratoire attractive et sélective des Etats-Unis vers les années 2000, outre les raisons culturelles (Defoort, 2008 ; Nutefe, 2014).

L'Afrique du sud reste le pays le plus diversifié en rapport avec les pays /régions de dernières résidences en 2000. Il est le seul pays où les migrants secondaires aux Etats-Unis viennent de toutes les régions du monde. En 1970, contrairement à la tendance récente depuis 2000 sauf pour le cas de l'Afrique du sud, la majorité des migrants secondaires Sud-africains et Égyptiens résidaient les cinq dernières années ayant précédé le recensement de 1970 en Europe. Les pays Asiatiques viennent en deuxième position pour les Egyptiens ; ce qui pourrait s'expliquer par la proximité culturelle et géographique. Il s'agit principalement de l'Israël et du Liban (fig.14).

Figure 14. Emigrations secondaires des quelques pays africains en fonction de pays /région de dernière résidence entre 1970 et 2000

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

38

2.2.4 Migration secondaire africaine vers le Canada

2.2.4.1 Ampleur et évolution des immigrations africaines au Canada

Le Canada est parmi les pays qui disposent de données statistiques fiables. Il organise de façon régulière un recensement tous les 5 ans21. Le tout dernier recensement date de 2016. Nous analysons dans les lignes qui suivent les microdonnées de quatre recensements disponibles, soit de 1981, 1991,2001 et 2011 (IPUMS, 2018). Contrairement aux Etats-Unis, le recensement Canadien ne collecte pas les données sur les pays de dernière résidence mais plutôt sur la province de dernière résidence d'il y a 1 an ou 5 ans en fonction du statut de migration correspondant à la période d'observation. Mais les données relatives aux pays de naissance, le statut à la naissance, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, l'année d'immigration, etc. sont collectées.

Figure 15. Evolution de la population immigrante au Canada de 1981 à 2011

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

L'analyse de ces microdonnées révèle qu'en termes de proportion, la population des immigrants au Canada représente près de 22,7% de l'ensemble de la population canadienne en 2011, soit une augmentation de plus de 6 % comparativement à la situation de 1981.

La grande majorité de ces immigrants, personnes nés en dehors du sol canadien, sont originaires de l'Europe. En 1981, ils représentaient 66,7% de l'ensemble des immigrants au Canada. En 1991, les pays de l'Asie et de l'Amérique venaient en deuxième et troisième position représentant 24,87 et 16, 95% respectivement. La tendance récente, à partir de 2001

21 Statistics Canada: https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/index-fra.cfm?MM=1.

révèle que la proportion des Européens diminue au profit des immigrants d'origine asiatique. Ces derniers se classent en première position en 2011, représentant plus de deux immigrants sur cinq au Canada, soit 45,71%.

Les immigrants africains sont faiblement représentés mais sont en progression. De moins de 3% en 1981, les immigrants africains représentent environ 7,3% de l'ensemble des immigrants au Canada en 2011 (fig. 16). La tendance étant à la hausse, le recensement de 2021 pourrait enregistrer une proportion des immigrants africains supérieure à 8% pendant que celle des Européens serait en baisse constante.

Figure 16. Proportion des immigrants par origine et par année au Canada

39

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

En 2011, la proportion des hommes sur l'ensemble des immigrants africains s'évalue à 51%. Plus de sept sur dix (72%) d'entre eux étaient âgés de 20 à 59 ans. Cette forte proportion de la population active s'explique par le fait que la majorité des immigrants africains au Canada sont des migrants économiques.

Pour ce qui est du statut matrimonial et de la période d'installation au Canada, les mariés représentaient à eux seuls plus de 55% de l'ensemble de la population des immigrants et près d'un immigrant sur deux, soit 48,25%, est arrivé après l'année 2000 (Tableau 7). L'augmentation de nombre des immigrants après les années 2000 pourrait avoir un lien étroit avec la sélectivité des migrants hyper-qualifiés et une grande ouverture aux migrations économiques de la population active.

40

Tableau 7. Caractéristiques sociodémographiques des immigrants africains au Canada en 2011

Variables

Catégories

Effectif

%

Sexe

Masculin

7,859

51,1

 

Féminin

7,532

48,9

Age

Moins de 20

2,343

15,2

 

20-39

5,815

37,8

 

40-59

5,274

34,3

 

60 et plus

1,951

12,7

Statut matrimonial

Célibataire

5,209

33,9

 

Marié

8,435

55,0

 

Séparé/divorcé

1,313

8,5

 

Veuf (ve)

427

2,8

Période d'immigration Enfants nés au

Canada

941

6,1

2000 et moins

7,063

45,9

Après 2000

7,377

47,9

Total

15,383

100,0

Source : Auteur à partir des données IPUMS, 2018.

Comme pour les Etats-Unis, il était cohérent de s'interroger sur la part de migrants secondaires sur l'ensemble de la population des immigrants africains au Canada. Pour ce faire, les pays de dernière résidence des immigrants africains les 5 dernières années ayant précédé le recensement de 2011 s'avèrent important. Malheureusement, non seulement que la constitution de la base de données d'Ipums-Canada ne permet pas d'identifier spécifiquement les origines de ces immigrants africains, elle ne permet pas non plus de savoir dans quels pays ont résidé ces immigrants africains en dehors du Canada au cours de 12 mois ou 5 dernières années ayant précédé le recensement et encore moins de savoir si lesdits pays de dernière résidence étaient différents de leur pays de naissance. Ce qui s'explique par le fait que dans les données relatives à la mobilité au Canada, les pays de dernière résidence, quelle que soit la période d'observation, ne sont pas pris en compte et par conséquent ne sont pas collectés.

Pour pallier à cette insuffisance, nous avons fait appel à la base de données de The DEMIG C (country-to-country).22 Cette base de données regroupe les données de 34 pays, dont le Canada, sur les flux des immigrants en fonction de trois principaux critères : Pays de naissance (Country of Born, COB en sigle); pays de citoyenneté (Country of Citizen, COC en sigle) et pays de dernière résidence (Country of last Residence, COR en sigle). La migration

22

La base de données DEMIG C (country-to-country) contient des données sur les flux de migration bilatéraux pour 34 pays déclarants et jusqu'à 236 pays pour la période allant de 1946 à 2011. Il comprend des données sur les entrées, les sorties et les flux nets, respectivement pour les citoyens, les étrangers et / ou les citoyens et les étrangers combinés, selon les pays déclarants. La base de données DEMIG C a été compilée grâce à une vaste collecte de données et à la numérisation de statistiques nationales historiques ainsi que de sources électroniques actuelles. Il offre une opportunité unique de construire des flux migratoires de nombreux pays d'origine vers les 34 pays déclarants, ainsi que des flux de retour.

41

secondaire africaine en général et de quelques pays africains (y compris de Maghreb) en particulier déduite de la différence des effectifs de flux des immigrants en fonction de leur pays de naissance et de leur pays de dernière résidence est développée dans la section suivante.

2.2.4.2 De la migration secondaire africaine en général à la migration secondaire spécifique de quelques pays africains vers Canada

Les immigrants au Canada sont des étrangers à qui le statut de résident permanent a été accordé (DEMIG ,2015). Les flux de ces immigrants se catégorisent en flux entrants et flux sortants. Les données présentées ici ne concernent que les flux entrants car les flux sortants ne sont pas disponibles. Partant de ces flux entrants, la figure 17 nous permet de saisir lesquels des immigrants africains au Canada sont effectivement nés en Afrique, lesquels sont venus de l'Afrique vers le Canada et enfin lesquels gardent encore la nationalité d'un pays africain.

De ce fait, les migrants africains directs sont ceux qui sont nés en Afrique et dont le dernier pays de résidence se trouve en Afrique. Les migrants africains indirects ou migrants secondaires africains sont ceux qui sont nés en Afrique mais qui ont résidé dans un pays autre que les pays Africains, 12 mois avant la collecte de données, avant d'atterrir au Canada. Comme pour les Etats-Unis, ces migrations secondaires africaines au Canada sont "incomplètes" parce qu'on ne sait pas identifier les pays de dernière résidence avec les données Demig (2015). Ces migrants secondaires africains sont déduits de la différence entre ceux qui sont nés en Afrique et ceux qui viennent de l'Afrique, d'il y a 12 mois avant la collecte de données. Soulignons que la fiabilité de ces données est liée à la qualité des instituts / bureaux de statistiques des pays et à la méthode de collecte utilisée -prise en compte ou non des résidents temporaires et les demandes d'asile à certaines périodes outre les résidents permanents - (Demig, 2015).

Pour l'estimation de la migration secondaire africaine, les données aberrantes23 après 1965 ne sont pas prises en compte. Les données sur la citoyenneté ne sont disponibles qu'après 1974. Ces résultats ne sont que des estimations et méritent d'être pris avec beaucoup des pincettes.

23 Il n'est pas logique que les immigrants africains qui ont résidé dans un autre pays que les pays africains soient plus nombreux que ceux qui sont nés en Afrique et qui résident au Canada. Il y a sans doute quelques erreurs de déclarations de la part des instituts de statistiques ou erreurs occasionnées par le changement de la méthode de mesure utilisée avec le temps ; ce qui rend impossible la comparaison entre pays.

42

Il ressort de la figure 17 deux réalités différentes, celle d'avant et d'après 1963. Avant 1963, le nombre des migrants secondaires africains était très faible parce que l'intensité de la migration directe entre l'Afrique et le Canada était forte. Cette intensité peut s'expliquer par les troubles politiques, crises humanitaires/économiques qui ont émaillées les pays africains en quête de souveraineté / indépendance. Les années d'après 1963 se caractérisent par une augmentation spectaculaire du nombre des migrants secondaires africains au Canada, conséquence d'une augmentation, par année, du nombre des immigrants au Canada qui ont résidé dans un pays autre que les pays africains avant d'atterrir au Canada. Cette augmentation des migrants africains en général (COB) et migrants secondaires africains en particulier (COB-COR) au Canada seraient probablement liée à un fort besoin de la main d'oeuvre, à une forte demande d'asile et à la mobilité de plus instruits et aisés en termes de revenus.

En outre, l'évolution décroissante du nombre des migrants africains qui gardent leur nationalité de naissance avec le temps pourrait s'expliquer par la naturalisation de plusieurs d'entre-deux des suites de la durée de résidence sur le sol Canadien.

Figure 17. Flux des immigrations africaines et migrations secondaires africaines au Canada

 

? COR Africa représente les immigrants africains qui ont résidé en Afrique avant d'arriver au Canada.

? COC Africa représente les immigrants africains au Canada qui gardent encore leur nationalité d'origine

? et COB Africa, les migrants africains au Canada, nés en Afrique.

Source: Auteur à partir de données Demig , 2015.

 

Par ailleurs, la fig. 17 identifie les migrants secondaires africains mais ne saisit pas la migration secondaire effective par nationalité au Canada. Pour la migration secondaire effective par nationalité au Canada, nous présentons par la suite les quatre figures (fig.18) correspondant aux quatre flux des immigrations africaines spécifiques au Canada. Il s'agit explicitement des immigrations Sud-africaines, Ghanéennes, Egyptiennes et Marocaines. Le choix porté sur ces quatre pays se justifie par la qualité de leurs données. Ces données

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couvrent la période de 1956 à 1979 en général même si pour chaque pays, les données ne sont pas disponibles à toutes les dates. Nous présentons les données uniquement à des périodes où les informations sur les pays de naissances (COB) et les pays de dernière résidence (COR) ont été collectées afin de déduire les migrations secondaires effectives par nationalité.

L'analyse de ces figures révèle une tendance presque similaire dans tous ces quatre pays et ne se dissocie pas de la réalité africaine sus-évoquée (fig.17). Il ressort clairement qu'avant 1963, peut-être parce que les données relatives à la dernière résidence n'étaient pas collectées -sauf en Afrique du Sud-, la logique de la migration était directe. Après 1963, le nombre des migrations directes et indirectes dans ces quatre pays n'a fait qu'augmenter des suites de l'augmentation de la mobilité en générale. Les proportions des migrations secondaires par nationalité au Canada ont atteint de pic d'intensité différente, à des périodes différentes (1969-70 pour les sud-africains, 1976 pour les ghanéens, 1967-68 pour les Egyptiens et Marocains) même si la tendance à la fin de l'année 1979 était soit stationnaire soit à la baisse.

Figure 18. Evolution des migrations secondaires de quatre flux par nationalité au Canada

44

Legende

COB: Country of Birth (Pays de naissance) COC: Country of Citizenship (Pays de citoyenneté) COR: Country of Residence (Pays de residence) Migrations secondaires (différence entre COB et COR)

Pour ce qui est de la citoyenneté, il se dégage qu'avec le temps, les immigrants originaires de ces quatre pays sont de moins en moins nombreux à garder leur nationalité à la naissance/citoyenneté. Il me paraît intéressant de dire : Ils sont nombreux ceux qui sont nés dans ces pays-là (COB) mais moins sont encore citoyens de ces pays-là (COC). Ces écarts peuvent s'expliquer par la naturalisation de ces migrants au Canada - pour les migrants directs- ou ailleurs avant d'atterrir au Canada - pour les migrants secondaires-.

2.2.5 Principales limites à la documentation de l'émigration secondaire aux Etats-Unis et au Canada et synthèse de résultats

L'émigration secondaire ou indirecte est un phénomène relativement complexe comparativement à la migration directe. Sa mesure nécessite un effort supplémentaire dans ce sens qu'il ne se limite pas à identifier le pays d'origine d'un immigrant mais s'intéresse aussi à son pays de transit ou à sa dernière résidence, au cours d'une période bien déterminée, qui doit forcément être différent (e) de son pays de naissance.

La documentation de ce phénomène est fonction de la qualité des informations par sources de données exploitées. Les principales sources de données exploitées sont : (i) Yearbook of Immigration Statistics (2017), (ii) Les microdonnées d'IPUMS-International (Minnesota Population Center, 2018) et (iii) The DEMIG c2c (2015).

Les données de l'annuaire sont intéressantes pour retracer l'intensité de l'immigration en générale et africaine en particulier aux Etats-Unis. Elles permettent par déduction de saisir les migrations secondaires africaines incomplètes, mais elles ne permettent pas d'identifier la dernière résidence des immigrants africains aux Etats-Unis. Ce besoin de saisir la dernière de résidence des immigrants africains aux Etats-Unis a trouvé satisfaction grâce aux données d'Ipums-Etats-Unis.

Pour les Etats-Unis, même si les données sur la dernière résidence ont été collectées, elles ne sont pas disponibles pour toutes les années et moins encore pour toutes les périodes d'observation (au cours de 1 an ou 5 dernières ayant précédé le recensement). Ainsi, par souci de comparabilité, seules les années où les données ont été collectées et pour les mêmes

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périodes d'observations ont été prises en compte dans notre analyse. Ce qui justifie les années 1970 et 2000 puis 2005 et 2010. Ces données ont permis de saisir l'émigration secondaire africaine en général et de quelques pays africains en particulier sélectionnés en termes de leur proportion sur l'ensemble des immigrations africaines aux Etats-Unis en 2010.

S'agissant du Canada, les données d'Ipums ont permis de saisir l'immigration africaine au Canada en termes de son ampleur pour les périodes correspondantes aux quatre recensements, soit de 1981, 1991,2001et 2011, mais aussi de la mobilité de ces immigrants africains au Canada au cours de 1 an ou 5 années ayant précédé le recensement. Les questions en rapport avec les périodes d'observation n'étant pas systématiquement collectées à chaque recensement, seules les années où ces informations sont collectées ont été prises en compte. Cependant, l'émigration secondaire africaine en général et de quelques pays africains en particulier au Canada a été saisie grâce aux données The Demig C (2015) car les recensements Canadiens ne collectent pas les données sur le pays de dernière résidence mais sur la dernière province de résidence. Ce qui justifie l'abondance de la littérature sur la migration interne au Canada (Rene, 2007 ; Newbold, 1996; Nogle, 1994 ; Newbold & Bell, 2006).

Les données de Demig bien qu'elles permettent d'appréhender l'émigration secondaire par la différence des immigrants en fonction de leurs pays de naissance (COB) et pays de dernière résidence (COR), elles ne permettent pas d'identifier clairement, comme pour les données de Ipums Etats-Unis, les pays de transit des immigrants africains, voire non africains, au Canada.

Par ailleurs, la combinaison de toutes ces sources de données montre que l'émigration secondaire africaine est effective aux Etats-Unis et au Canada. Ces deux pays sont les premiers pays au monde en termes de stocks des migrants en 2017.

Aux Etats-Unis, la lecture de l'évolution de flux des résidents permanents selon la région de naissance montre que la proportion des immigrants africains (Toute l'Afrique, Maghreb y compris) sur l'ensemble de tous les immigrants aux Etats-Unis ne fait qu'augmenter. Bien que faible comparativement aux immigrants Européens et Asiatiques, elle représente environ 3.5 % de l'ensemble des immigrations en 2010 contre 0.7 % en 1970. En 2010, la migration secondaire africaine représente 14% de l'ensemble des immigrations africaines aux USA. (fig 10). Ces migrants secondaires africains, très jeunes (51%), célibataires (53.8%), instruits (25%) et arrivés après l'année 2000 (95%), proviennent principalement du Royaume-Uni, de la France, de l'Allemagne et de l'Italie.

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Au Canada, par contre, la population des immigrants représente environ 23% sur l'ensemble de la population canadienne en 2011 (fig.15). Parmi ces immigrants, les immigrations africaines représentent 7,3% en 2011 (fig. 16). La tendance révèle une évolution positive des immigrations africaines car elle était estimée à 2.5% en 1981. En termes de proportion, par rapport aux migrations directes (COB), on estime les migrations secondaires spécifiques à environ 14,4% des sud-africains au Canada en 1972, 7,9 % des ghanéens au Canada en 1978, 21,6 % et 51% des Egyptiens et Marocains respectivement au Canada en 1979. Nombre de ces immigrants sont de moins en moins nombreux à garder leur nationalité d'origine des suites de leur naturalisation.

Cette documentation met en exergue l'existence de la migration secondaire africaine eux Etats-Unis et au Canada. Elle permet de découvrir l'importance de caractéristiques individuelles (Age, sexe, état matrimonial, instruction) et contextuelles (naturalisation) dans l'analyse des migrations secondaires africaines. Elle permet aussi d'identifier les pays de transit qui montrent combien certaines migrations de transit peuvent faire l'objet d'une stratégie de migration multiple. Ainsi, le chapitre suivant sur le cadre théorique s'attardera autour de cet ensemble de facteurs et tant d'autres qui sous-tendent les aspirations migratoires d'une part et expliquent les migrations secondaires effectives d'autre part.

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Chapitre 3. Cadre théorique : Intention de migration secondaire et migration secondaire

effective

Ce chapitre aborde les questions relatives aux définitions, à la mesure et aux facteurs explicatifs des intentions de migration. La question des facteurs explicatifs est traitée différemment. Premièrement, elle est traitée pour mettre en exergue le rôle du contexte dans lequel vivent les migrants et l'apport des réseaux familiaux et communautaires dans l'explication des aspirations migratoires. Cette partie questionne également l'état de l'intégration des migrants africains en Belgique. Deuxièmement, les facteurs explicatifs de la capacité à convertir les aspirations migratoires en migrations effectives sont examinés à la lumière du rôle positif des facteurs culturels et économiques. Enfin les facteurs démographiques sont traités à part, parce qu'ils expliquent implicitement, à la fois, les aspirations migratoires et la propension à migrer. Enfin, l'influence de politiques migratoires sur les aspirations migratoires et la sélectivité en termes de profil de migrants qui en découlent clôture ce chapitre.

3.1 De la définition

L'intention de migration internationale ou l'"aspiration migratoire internationale" est la volonté de vivre à l'étranger. Cette volonté est exprimée en termes de souhait, de planification et de préparation à la migration internationale (Migali et Scipioni, 2018). Le terme d'"aspiration migratoire" est davantage utilisé pour décrire la conviction qu'il serait préférable de partir (Carling et Collins, 2018). D'autres termes, outre intention (De Jong, 1986), sont utilisés comme synonyme à l'aspiration migratoire tels que : désir (Collins, 2018) et projet migratoire (De Gourcy, 2013). Le terme "désir", en particulier, renvoie généralement à l'envie d'obtenir un objet connu ou imaginé. C'est à ce titre que Ray (2006) considère l'intention de migrer comme le fondement du désir lorsqu'elle provient des réalisations de pairs en le qualifiant de "Fenêtre d'aspiration". Pour sa part, De Gourcy (2013) insère l'intention de migrer ou de ré-migrer dans un projet plus ou moins long où sa manifestation est liée à une phase de maturation24. De ce fait, le projet migratoire est souvent la résultante d'une comparaison entre ce que les migrants imaginent de l'ailleurs ou avaient imaginé et le vécu sur place. Tous ces termes (intention, désir et projet migratoire) sont parfois

24 La phase qui précède le départ, phase consacrée à sa préparation. C'est lors de cette étape que le candidat formalise son projet, l'annonce à ses proches, engage les formalités nécessaires sur le plan matériel, administratif, etc. Cette phase est précédée par la phase de définition du projet ou le migrant -l'aspirant au départ- inscrit la migration dans un projet révélateur d'un désir porté par un imaginaire de l'ailleurs (De Gourcy, 2013 :6-7).

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indissociablement liés. Ils relient le présent au futur et sont associés aux mots : espoir, risque et attente (Carling et Collins, 2018). Ces termes et mots sont englobés dans l'aspiration migratoire en tant que terme "générique" dans ce sens qu'elle est la manifestation plus spécifique d'idées et de sentiments sur la mobilité potentielle selon Carling & Collins (2018).

3.2 De la mesure et de facteurs

De ce qui précède, la question de savoir comment mesurer les intentions de migrer peut s'avérer complexe en fonction de ce que l'on souhaite saisir. Plusieurs questions méritent d'être posées pour saisir tout le processus, de la conception aux démarches entreprises pour effectuer la migration ou l'émigration secondaire. Carling (2002) pense qu'il est pratique de poser simplement la question de savoir si les gens veulent migrer ou pas car il n'est pas facile de tracer la ligne à un point raisonnable du continuum. Il l'exprime en ces termes:

"There are clearly different degrees of aspiration to migrate. Some people apply for visas or actively enquire about employment opportunities, others believe that they would like to emigrate, but do not make any effort to realise this wish, others again have a firm conviction that they do not want to work abroad. To some extent, the problem is drawing the line at a reasonable point in the continuum. In the context of quantitative data collection, simply asking people if they wish to emigrate or not will often be a good option" (Carling, 2002:12).

Il reconnait, par ailleurs, que le choix de concepts théoriques (aspiration, intention, désir ou projet) mais aussi de mots utilisés pour décrire l'action en elle-même (migrer, partir ou quitter, déménager, vivre ailleurs) peuvent biaiser les réponses. Chaque type de question ayant ses avantages et ses inconvénients, nous nous focalisons sur les questions relatives à l'intention d'émigration secondaire que nous exploitons dans cette étude. Par exemple: Avez-vous l'intention / pensez-vous aller vous installer ailleurs ? Si oui où et pourquoi ?. Ces genres de questions font référence à la fois au projet migratoire et à la préférence des pays de destination. Elles présentent l'avantage de réduire l'écart entre préférence et comportement (Carling et Schewel, 2018). C'est à ce niveau que la force du désir (intention) de migrer recoupe une autre dimension, celle du réalisme. C'est la capacité de convertir ledit désir/intention en migration effective (Caling, 2014). Cette capacité dépend à son tour des caractéristiques de l'individu (personnalité, ressources, compétences,...), de son environnement (réseaux, engagements familiaux,...) et du contexte macro-structurel qui prend en compte notamment la réglementation de l'immigration et les possibilités sur le marché du travail (Caling, 2014). A ces facteurs explicatifs de l'intention de migrer et de la capacité à

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transformer l'intention en une migration effective (Van Hear et al. 2018 ; De Jong, et al. 1986) s'ajoutent, pour De Jong, et al. (1986), l'expérience de migration antérieure et le stade du cycle de vie (état matrimonial et âge). Parlant de l'expérience migratoire antérieure, Scheibelhofer (2018) estime que répondre aux exigences du nouvel environnement peut conduire à une migration accrue ou à la révision des aspirations. Ainsi, tous ces facteurs sont donc à la fois les forces qui conduisent à la conception du projet migratoire, à sa réalisation et à la perpétuation de la mobilité (Van Hear et al, 2018).

De l'ensemble de ces facteurs, découle deux catégories des migrants en fonction des aspirations et ressources que l'on dispose pour concrétiser ou non une intention de migration : les immobiles et les mobiles.

S'agissant de l'immobilité, - c'est à ce stade que se posent les questions relatives au pourquoi certaines aspirations migratoires ne se traduisent pas en migration effective-, elle est soit involontaire soit d'acquiescement. L'immobilité involontaire regroupe les migrants ou les candidats potentiels à la migration qui aspirent mais qui ne disposent pas de ressources nécessaires pour effectuer la migration ou concrétiser leurs rêves. L'immobilité d'acquiescement, par contre, regroupe les personnes qui n'aspirent pas à la migration et qui ne disposent pas non plus des moyens nécessaires pour supporter les coûts liés à la migration (Carling, 2018). L'une des explications possibles à l'immobilité d'acquiescement est que, lorsque la migration est difficile, les gens peuvent -consciemment ou inconsciemment-s'abstenir de s'engager dans des ambitions irréalistes (Carling, 2002 ; 2018). Le caractère difficile de la migration ne s'explique pas uniquement par les coûts prohibitifs de la migration mais aussi par les politiques migratoires restrictives. Pour Carling (2002), le nombre considérable de personnes souhaitant émigrer mais ne pouvant le faire indique que la migration doit être analysée à la lumière de politiques d'immigration restrictives car ces politiques sont le pilier des obstacles à la mobilité internationale. A ce sujet, autant que ces politiques restrictives d'immigration influent sur la capacité des personnes à migrer, autant la répression et la pauvreté nuisent à leurs aspirations (de Haas, 2011).

En ce qui concerne la mobilité, Carling et Schewel (2018), évoquent quelques concepts importants notamment "capability", "capacities" et "Aspiration/ability" pour différencier la liberté des mouvements à tout moment pour certains et la prise en compte de la mobilité dans un processus plus ou moins long pour d'autres. Pour ces auteurs, "capability" est synonyme de l'aptitude ou de la prédisposition à migrer qu'ont ceux qui aspirent et ceux qui n'aspirent

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pas à la migration tandis que le concept "capacities" (désigne les capacités) couvre divers aspects du bien-être. Il prend en compte les capacités des personnes au sens large par le biais de flux de capital financier, humain et social. Cette approche considère la capacité de migrer comme une liberté précieuse indépendamment des préférences des gens en matière de séjour ou de départ. Au nom de cette liberté, migrer n'est pas un projet et par conséquent ne s'inscrit pas dans la durée. Contrairement aux deux précédents concepts, le modèle "Aspiration/ability" s'intéresse uniquement à la capacité à migrer de personnes qui aspirent à la migration. Ce modèle est un cadre permettant d'expliquer les résultats de la migration et sa composante "ability" indique la probabilité des migrants potentiels à transformer leurs aspirations migratoires en migration réelle. Cette probabilité dépend des caractéristiques de l'individu (dont le cycle de vie), de son environnement, du contexte macro-structurel et de l'expérience de migration antérieure comme souligné précédent (Carling, 2014, Van Hear et al, 2018 ; De Jong, et al, 1986, Scheibelhofer, 2018).

Le tableau 8 ci-après résume les quatre concepts développés ci-haut pour différencier les migrants immobiles et mobiles selon qu'ils aspirent ou pas à une migration secondaire et selon qu'ils disposent ou pas des ressources nécessaires -ou ont un profil spécifique- leur permettant de convertir leurs aspirations migratoires en migration effective. Ce tableau sera exploité par la suite à la lumière des résultats de nos analyses.

De ce qui précède, il est important de souligner que certains facteurs agissent plus sur la définition ou la redéfinition des aspirations migratoires et d'autres sur la capacité des migrants à convertir lesdites aspirations en une migration secondaire effective. Les pages qui suivent séparent l'influence des facteurs selon qu'ils expliquent plus les aspirations ou la capacité à concrétiser lesdites aspirations en une migration effective.

Tableau 8. Catégorisation en fonction des aspirations migratoires et disponibilité des ressources
permettant de convertir les aspirations migratoires en migration effective

Variables

Disponibilité des ressources

 

Modalités

En disposent

N'en disposent

Aspiration de migrer

Aspire

Aspiration/ability

Immobilité involontaire

N'aspire pas

Capacities :

Immobilité volontaire

Immobilité d'acquiescement

Source : Auteur, inspiré de Carling (2002)

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3.3 Facteurs explicatifs des aspirations migratoires

La définition ou la redéfinition d'un projet migratoire est liée à un contexte et aux objectifs fixés par les candidats à la migration ou les migrants (De Gourcy, 2013, Carling et Collins, 2018, de Haas, 2011). La prise en compte de ces deux éléments -contexte et objectifs-implique que l'aspiration migratoire n'est plus uniquement la relation entre un sujet avec les possibilités de migration, mais aussi avec d'éventuelles transformations dans le contexte de la migration (Carling, 2014). A ce point, la migration ne résulte pas d'une démarche spontanée ou improvisée, car le départ vient ponctuer un processus souvent long de préparation (De Gourcy, 2013). Ce processus de migration est lié à la fois au devenir pour les migrants eux-mêmes et à une transformation de la subjectivité qui implique les lieux où ils se déplacent et les personnes avec lesquelles ils se déplacent (Collins, 2018). Durant ce processus les migrants prennent des décisions actives en fonction de leurs aspirations et préférences subjectives (de Haas, 2011 :17). Ces préférences intègrent forcement les principales destinations qui constituent une partie importante de l'environnement d'émigration.

Les pages qui suivent développent l'impact du contexte dans le pays de destination sur l'apparition des nouvelles aspirations migratoires -dans la logique de la théorie Push-pull- en mettant un accent particulier sur le contexte belge (1), synthétisent l'apport des réseaux familiaux, communautaires, voire ethniques dans l'explication des aspirations migratoires (2) et (3) résument l'influence de politiques migratoires du Canada et des Etats-Unis sur les migrations secondaires.

3.3.1 Impact du contexte sur les aspirations migratoires

3.3.1.1 Approche théorique : théorie Push-pull

La théorie Push-pull se fonde sur les caractéristiques individuelles pour expliquer le volume, ainsi que les courants et contre-courants migratoires (Lee, 1966). Elle part du postulat que la migration est le résultat d'un calcul individuel fondé sur les facteurs d'attraction (lieu de destination) et les facteurs de répulsion (lieu d'origine) (Lee, 1966). Et entre ces deux facteurs d'attraction dans le lieu de destination et de répulsion dans le lieu d'origine, et outre les caractéristiques individuelles, se trouvent les facteurs dits intermédiaires. Il s'agit de facteurs qui contribuent à la prise de décision des migrants - ou non-migrants- qui aspirent à la première migration ou à la énième migration. Parmi ces facteurs intermédiaires, Lee fait allusion notamment à la notion de spécialisation dans les qualifications et dans les emplois et

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aborde la question de la discrimination (Piché, 2013). Il va sans dire que la propension à l'émigration secondaire serait très élevée lorsque la prochaine destination envisagée offre plus d'avantages aux migrants comparativement au premier pays de destination (ou à la destination x-1).

3.3.1.2 Résultats empiriques : la non-intégration socio-économique influe positivement sur les aspirations migratoires

Le contexte du pays d'origine et celui dans lequel se trouve le migrant dans le pays de destination sont les deux grands facteurs qui entrent en jeu dans la décision de migration et le processus qui en résulte (Lee, 1966 :50). L'émigration secondaire est forcément liée au contexte dans lequel se trouve le migrant dans le pays de destination. En d'autres termes, lorsque les objectifs pour lesquels la migration a été envisagée ne sont pas atteints dans le premier pays de destination, les aspirations migratoires naissent et l'émigration secondaire devient une alternative.

Par ailleurs, l'intégration des migrants dans les pays d'accueil relève d'un processus multidimensionnel. Ce processus est à la fois politique, socio-culturel et économique. Les migrants qui s'intègrent facilement du point de vue socio-culturel et ou économique dans leurs premières destinations sont moins enclins à envisager une émigration secondaire (Toma et Castagnane, 2015).

Parlant de l'intégration sociale, Beenstock (1996) a confirmé dans son étude sur les immigrants en Israël que l'émigration secondaire n'est pas nécessairement due au chômage mais plutôt à des facteurs d'intégration sociale tels que la langue et le logement. De même, Humphries et al. (2009) ont trouvé que l'intention d'une émigration secondaire des infirmières philippines et indiennes d'Irlande vers le Canada, les États-Unis et l'Australie s'expliquait par l'accès à la résidence permanente et à la citoyenneté.

Outre l'intégration sociale, l'intégration économique, sur le marché de l'emploi, est la plus envisagée par les migrants à court terme ; l'émigration étant dans la majorité des cas une décision personnelle ou familiale prise pour un motif économique (Drechsler et Gagnon, 2008). Mais cette intégration sur le marché de l'emploi est, pour les migrants, tout un processus parsemé d'obstacles relatifs aux discriminations, à la reconnaissance de diplôme et au déclassement professionnel.

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L'accès à l'emploi, au Canada par exemple, est fonction de générations (Boudarbat & Ebrahimi, 2016). Les jeunes immigrés qui sont arrivés après l'âge de 10 ans (Génération 1) ou au plus 10 ans (Génération 1.5) sont les plus défavorisés par rapport à ceux qui sont nés au Canada avec au moins un parent canadien (Génération 2) ou de deux parents canadiens (Génération 3). En Europe par contre, Flahaux (2013 :45) constate que l'intégration des migrants sur le marché de travail européen a connu des variations considérables non pas seulement en fonction des pays de destination et d'origine, de la période mais aussi de la qualification des migrants, eux-mêmes au-delà des discriminations, de problème de reconnaissance des diplômes et les barrières de la langue.

De ce qui précède, il apparait important de noter que l'intégration économique des migrants dans les pays de destination s'inscrit dans un modèle de société. Celle-ci peut être égalitaire ou discriminatoire, à des niveaux différents. Les migrants rencontrent moins de difficultés dans le processus de leur intégration lorsque la société est relativement égalitaire parce qu'ils bénéficient de la reconnaissance de leur qualification, s'insèrent dans le marché de l'emploi et développent un sentiment d'appartenance, garantie de leur installation presque définitive dans le pays de destination. Cette situation est loin d'être aisée dans une société discriminatoire où le déclassement professionnel et un taux de chômage se posent avec intensité. Dans un tel contexte -d'échec d'intégration économique-, les migrants aspirent à trouver mieux ailleurs et l'émigration secondaire trouve tout son sens. De plus, il apparait important de savoir: qu'en est-il de l'intégration socio-économique des migrants d'origine africaine en particulier en Belgique ?

3.3.1.3 Etat de l'intégration des migrants africains en Belgique

La population étrangère à la naissance en Belgique, au 1er janvier 2015 représentait 20% (2.264.594 personnes sur 11.267.910 d'habitants en Belgique) de la population belge. Parmi l'ensemble de cette population étrangère à la naissance, plus de la moitié (52%) sont issues d'un pays de l'UE-28 (Myria, 2017). L'analyse faite par Delhez et al. (2014) sur les données de la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale, s'est limitée à la population d'origine étrangère née en dehors de l'union européenne et âgée de 20 à 64 ans. Cette analyse chiffre à 12% la population étrangère née en dehors de l'UE dont la moitié provenait de l'Afrique, soit 27% du Maghreb et 23% de l'Afrique Subsaharienne. Ces statistiques confirment une présence non négligeable des migrants africains en Belgique. Ces derniers sont arrivés à différents moments de l'histoire de l'immigration de la Belgique et pour des raisons diverses. Certains sont

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arrivés pour le besoin de la main-d'oeuvre après la première et la deuxième guerre mondiale et d'autres au fil des années avec les changements de lois relatives au regroupement familial et pour des raisons humanitaires avec les crises de réfugiés liés à des instabilités politiques au monde.

Parmi ces migrants africains, plusieurs ont acquis la nationalité. En 2018, par exemple, 35.068 personnes dont plusieurs d'origine africaine ont acquis la nationalité belge (Statistics Belgium, 2019). Cette naturalisation est un élément important dans l'intégration sociale des migrants africains en Belgique dans ce sens qu'elle leur accorde quelques droits et avantages. D'après le rapport du Conseil supérieur de l'emploi (2018), l'acquisition de la nationalité augmente les chances de trouver un emploi car l'écart de taux d'emploi selon le pays de naissance est estimé à 19% en faveur des Belges comparativement aux migrants non-européens (SPFE CTC, 2017)25. De ce fait, la naturalisation dans le contexte belge est un moyen pour échapper au chômage.

En outre, le faible taux d'emploi de personnes d'origine étrangère26 s'explique par la fait que la Belgique accueille plus de migrants non-UE dans le cadre du regroupement familial ou pour des raisons humanitaires et de protection internationale et moins pour le travail ou les études (OCDE, 2015: 68). Ainsi, la proportion de personnes faiblement scolarisées parmi ces migrants est plus élevée en Belgique (45%) comparativement à la moyenne européenne (38%) d'après le Conseil supérieur de l'emploi (2018). Aussi, à compétences égales, la probabilité d'emploi des immigrés non-UE est réduite de 22% chez les personnes âgées de 30 à 64 ans (Conseil supérieur de l'emploi, 2018). Ces différences trouvent leur explication dans les règles selon le motif de séjour pour les ressortissants hors Espace Schengen et hors Espace Economique européen qui accorde la priorité d'abord aux Belges et ensuite aux migrants des pays dont un accord a été signé. Il s'agit principalement de ressortissants de l'Algérie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, la Macédoine, le Maroc, la Monténégro, la Serbie, la Tunisie et la Turquie.

A cette faible probabilité de trouver un emploi s'ajoute une inadéquation entre les qualifications exigées pour l'emploi et le niveau de scolarisation des migrants africains. Cette inadéquation en particulier et le faible taux d'emploi des migrants africains en général s'explique aussi par la discrimination dans la société belge (Martens et al, 2005 ; Flahaux,

25 SPF Emploi, travail et concertation nationale. http://www.emploi.belgique.be/moduleDefault.aspx?id=23910

26 Depuis plus de 10 ans, le taux d'emploi des migrants non-UE se situe autour de 50%, soit 20 points de pourcent de moins que celui des personnes nées en Belgique (le taux d'emploi le plus bas de l'UE).

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2013 :45 et Unia, 2017). A ce sujet, 40% de la population belge estiment que les personnes d'origine étrangère exercent un impact négatif sur le marché de l'emploi et souhaitent qu'elles soient renvoyées dans leur pays si le nombre d'emplois diminue (Conseil supérieur de l'emploi, 2018 :82). Ces citoyens belges voient dans l'immigration une concurrence sur le marché de l'emploi et dans le secteur du logement, ainsi qu'une détérioration du système d'éducation et de sécurité sociale (Altay & Saïd, 2017).

En somme, la société belge, selon les statistiques de l'OCDE (2015), du Service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale (2018) et du rapport du Conseil supérieur de l'emploi (2018), est à la traîne sur l'intégration de la population non-UE dans le marché d'emploi par rapport aux autres pays membres de l'UE. C'est donc à ce titre que les Belges d'origine étrangère comme les étrangers font l'objet d'un certain nombre de politiques visant à favoriser leur intégration, mais aussi à lutter contre les discriminations dont ils font l'objet du fait de leur origine (Perrin, 2007a), même en matière de logement (Unia, 2017).

Ce contexte belge tel que résumé est sans doute propice, pour les migrants les moins intégrés ou non intégrés du tout sur le plan socio-économique, à la manifestation des nouvelles aspirations migratoires dans l'optique de trouver mieux ailleurs. Cette réalité socio-économique est soutenue par la théorie Push-pull de Lee (1966). Certains facteurs sont répulsifs pour le migrants dans le pays de destination et d'autres ailleurs les attirent. Ainsi, nombre de migrants dans le choix de leur nouvelle destination, optent pour les pays où résident un membre des familles ou une connaissance.

La section suivante développe l'effet positif des réseaux familiaux et communautaires sur les intentions /aspirations de migration.

3.3.2 Impact des réseaux familiaux et personnels sur les aspirations migratoires

3.3.2.1 Approche théorique : théorie des réseaux et du capital social

Les réseaux ou la focale sur les acteurs intermédiaires de la migration est l'une des approches explicatives des aspirations migratoires et de la migration effective (Touré, 2015). Cette approche connaît son essor à partir des années 1980 et 1990 à travers les études pionnières de Boyd (1989) et Massey (1990). Chacun de ces chercheurs a montré que les réseaux sociaux et/ou communautaires sont des facteurs qui se situent à mi-chemin entre les structures

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migratoires et les décisions individuelles des migrants (Piché, 2013). Il s'agit là de la théorie des "réseaux et du capital social".

Cette théorie postule que l'individu confronté à la décision de migrer est considéré comme relié à une structure sociale constituée par la famille proche et élargie, par les personnes originaires de la même région, du même groupe culturel ou plus largement par des amis et connaissances. Ces réseaux sont à la fois des sources d'informations et des fournisseurs d'aides et d'appui pour le voyage et l'installation dans un pays de destination (Piguet, 2016). La migration est ainsi considérée comme relevant d'actions collectives et familiales qui relient des migrants et des non-migrants dans un ensemble de relations qui facilite la migration et réduit les coûts et les incertitudes liés à l'hostilité des pays de destination (Drechsler et Gagnon, 2008).

3.3.2.2 Résultats empiriques : Les réseaux sociaux expliquent les aspirations migratoires

Les réseaux sociaux fonctionnent comme un facilitateur des migrations secondaires et multiples. Les migrants, qualifiés ou non, ont tendance à se déplacer vers des pays où les membres de leur famille et / ou leurs amis sont déjà installés (Van Liempt ,2011). Ainsi, avoir un parent ou un ami vivant dans une destination donnée augmente l'attractivité de ce pays pour les migrants potentiels (Bertoli et Ruyssen, 2016 ; Migali et Scipioni, 2018). A cet effet, les réseaux jouent un grand rôle dans le transfert de fonds. Ces fonds sont souvent utilisés soit pour supporter une partie des coûts de la migration, soit pour signaler la possibilité d'obtenir de bons salaires à l'étranger (Manchin et Orazbayev, 2016 ; Migali et Scipioni, 2018). Cet état de choses est en grande partie explicatif de la définition de nouvelles aspirations migratoires des migrants.

De plus, outre l'explication des aspirations migratoires par le contexte dans lequel vivent les migrants dans les pays d'accueil -ou de première destination- et par l'existence des réseaux familiaux et communautaires dans la prochaine destination envisagée par les migrants, il y a lieu de noter que le choix de destination par les migrants est aussi en partie lié aux politiques migratoires des pays de destination que ces derniers envisagent. Ainsi, nombre de migrants pensent trouver mieux aux Etats-Unis et au Canada. Cette opinion se justifie par un nombre important des immigrants dans ces deux pays de l'Amérique du Nord (Nations Unies, 2017:6). De ce fait la dernière section de ce chapitre se consacre sur l'historique des

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politiques migratoires des Etats-Unis et du Canada et de leurs impacts sur la sélectivité des migrants et par conséquent de leur ouverture, à ce jour, aux migrations secondaires.

3.3.3 Influence de politiques migratoires du Canada et des Etats-Unis sur les migrations secondaires

Pour Boussichas (2009), le terme politique migratoire fait référence à l'ensemble des actions des autorités publiques d'un pays en matière de gestion des individus n'ayant pas la nationalité de ce pays et qui sont soit présents sur son sol, soit désireux de s'y rendre. Le caractère restrictif ou non de ces actions politiques évoluent dans le temps et dans l'espace.

Dans l'une de ses communications sur l'efficacité des politiques d'immigration et d'intégration comparant l`Amérique du Nord et l'Europe occidentale, Termote (sd) regroupe en quatre objectifs toute politique d'immigration, quel que soit leur objectif (démographique, économique, humanitaire et politique). L'auteur reconnait cependant que, en réalité, tous les pays d'immigration poursuivent, plus ou moins explicitement, à la fois des objectifs économiques, démographiques, humanitaires et politiques, même si le poids relatif de chacun de ces objectifs varie dans le temps, tout comme d'un pays à l'autre en fonction de contexte particulier.

Le contexte économique, démographique et sociopolitique variant dans le temps entre les deux principaux pays d'immigration nord-américains -les Etats-Unis et le Canada-, il n'est pas surprenant que les objectifs des politiques d'immigration puissent varier également. Les Etats-Unis avec un niveau de fécondité proche du seuil de remplacement mettent tout naturellement plus l'accent sur les objectifs économiques que sur les objectifs démographiques, contrairement au Canada qui est confronté à la perspective d'une décroissance démographique à plus ou moins long terme (Termote, sd).

Ainsi, toute politique d'immigration, quels que soient ses objectifs, implique nécessairement une politique d'intégration des immigrants. La définition de cette politique d'intégration est en quelque sorte le corollaire de la politique d'immigration adoptée. Les pays qui accordent une priorité élevée aux objectifs démographiques seront portés à privilégier une politique d'intégration multidimensionnelle (c'est-à-dire couvrant les diverses dimensions de la vie sociale), ce qui peut d'ailleurs éventuellement se manifester sous la forme d'une politique d'assimilation, alors que les pays dont la politique d'immigration consiste essentiellement à faire venir des travailleurs chargés de combler les pénuries sur le marché de l'emploi seront

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sans doute enclins à limiter leur politique d'intégration à la seule intégration de leurs immigrants sur le marché du travail (Termote, Op.cit :3).

Aux Etats-Unis, la législation contemporaine trouve ses origines dans une loi d'immigration votée en 1965 -Immigration Act de 1965- qui a fait de la réunification familiale la pierre angulaire de la politique d'immigration (Daniel, 2003). Il s'agit d'un avantage accordé à deux catégories, "sans quotas " et "avec quotas". La première catégorie était réservée aux enfants mineurs et les parents de personnes détenant la citoyenneté des Etats-Unis et la deuxième catégorie aux enfants adultes, frères et soeurs de personnes détenant la citoyenneté des États-Unis. L'évolution de la loi de 1965, du moins jusqu'à 1990 a occasionné un essor spectaculaire de l'immigration asiatique et au détriment des Européens qui occupait la part la plus importante de l'immigration aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale (Sabbagh, 2003 ; Anderson, 2008).

Après 1990, dans le but de maintenir la structure par origine géographique et ethnique héritée du passé, le système de sélection privilégiant la réunion des familles a été associé à la sélection des migrants sur la base de la qualification et de la profession. Ce système a été complété par une loterie, la Green Card Lottery, en 1994. Seuls les attentats terroristes du 11 septembre 2001 vinrent bouleverser la dynamique politique des années 1990. Ainsi, fut voté en 2001 le "USA PATRIOT Act"27 qui a eu une influence sur les immigrations légale et illégale. C'est pourquoi, en 2010, le "DREAM Act"28 venant en aide aux mineurs étrangers n'a pas été voté au motif qu'elle récompenserait l'immigration illégale. A ces jours, les exigences économiques montrent que les Etats-Unis sont ouverts à l'hyper-qualification des migrants et par conséquent aux émigrations secondaires (Defoort, 2008).

Au Canada, le système de sélection basé sur le pays d'origine, avec cependant une dimension discriminatoire assez évidente distinguant les pays préférés tels que le "Royaume-Uni, les États-Unis, la France et certains pays du Commonwealth" et le reste du monde était effectif jusqu'en 1967(Termote, sd). C'est donc à cette date, 1967, que le système canadien de sélection a été complètement revu, en éliminant le critère de préférence du pays d'origine et en introduisant une sélection basée sur une pondération quantitative d'un ensemble de critères relativement objectifs distinguant trois catégories d'immigrants : les immigrants admis dans le cadre de la réunion des familles, les immigrants parrainés et les immigrants indépendants

27 Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act.

28 Development, Relief, and Education for Alien Minors

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(Termote,sd :4). Ce système n'a pas changé mais a connu certaines modifications. La modification majeure a été introduite en 1978, lorsqu'une quatrième catégorie d'immigrants a été ajoutée, celle des réfugiés. Outre ces quatre catégories, une cinquième, la moins éthique et discutable, selon Termote (sd), qui n'est pas fondée sur le système de point comme les autres mais sur la capacité de migrants à investir au Canada. Le plafond minimal du compte bancaire étant de 800 000 $, à condition que le migrant soit disposé à investir au moins 400 000 $. Cette dernière catégorie ouvre une brèche aux personnes les plus instruites, qualifiées et aisées, qui ne sont généralement pas à leur première tentative d'immigration. Depuis 2008, les instructions ministérielles au Canada ont changé le processus de sélection des immigrants économiques relative à la LIPR29par l'élaboration d'un cadre national de reconnaissance des titres de compétences des étrangers. Cette politique, comme d'ailleurs aux Etats-Unis, est plus ouverte aux migrants multiples, investisseurs, plutôt qu'aux migrants directs.

In fine, toutes les politiques migratoires adoptées par ces deux pays à des moments précis de leurs histoires jusqu'à ce jour tiennent compte des exigences à la fois démographiques, économiques, humanitaires et politiques. Ces politiques, une fois mise en place, déterminent la nature de l'accompagnement de ces migrants qualifiée de "politique d'intégration". Cette politique d'intégration est différente selon que la politique d'immigration porte essentiellement sur l'admission de travailleurs chargés de combler les pénuries sur le marché de l'emploi30 ou sur des objectifs démographiques ou humanitaires31. Qu'il s'agisse de l'intégration économique, sociale, linguistique, culturelle, résidentielle, politique, civique (acquisition de la citoyenneté), toutes ces dimensions sont interreliées (Termote, sd).

3.4 Facteurs explicatifs de la capacité de migrants à concrétiser leurs aspirations en migration secondaire effective

Outre l'impact du contexte (Beenstock, 1996 ; Humphries et al. 2009 ; Toma et castagnone, 2015) et des réseaux familiaux et communautaires (Boyd, 1989 ; Massey, 1990 ; Van Liempt , 2011 et Migali et Scipioni, 2018) sur la définition ou l'apparition des aspirations migratoires, cette partie se consacre sur les caractéristiques individuelles qui confèrent aux migrants la capacité de convertir leur intention en une migration effective (Carling, 2014) et les théories qui les sous-tendent.

29 Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) entre en vigueur le 28 juin 2002

30 Se préoccupera principalement de l'intégration économique des immigrants

31 Devra accorder une importance considérable aux diverses dimensions du processus d'intégration

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En effet, cette capacité de convertir les aspirations migratoires en migration effective est étroitement liée au niveau d'éducation, à la situation dans l'emploi et au revenu des migrants. Ces caractéristiques trouvent leur sens dans plusieurs théories développées ci-dessous et sont confirmées par quelques études empiriques menées dans des contextes différents.

3.4.1 Approches théoriques

3.4.1.1 La théorie du capital humain et la théorie néoclassique

Le capital humain est l'ensemble des compétences, des expériences et des savoirs qui permettent à l'individu d'acquérir un certain revenu par son travail (Piguet, 2013). Le capital humain véhicule deux idées importantes. Premièrement, le niveau et les caractéristiques du capital humain ont intrinsèquement une influence sur la propension à migrer. Deuxièmement, la migration peut, en elle-même, constituer une stratégie d'accroissement du capital humain. En d'autres termes, la probabilité de migrer et très élevée pour les plus qualifiés et la migration en elle-même peut permettre d'acquérir des nouvelles compétences (un diplôme) et expériences valorisables. Et plus une personne est formée, plus grande est sa propension à prendre des risques, et donc à migrer et par conséquent améliorer son revenu et son niveau de vie. Ainsi, la théorie du "capital humain" est explicative, à la fois, des aspirations migratoires et de la capacité des migrants à convertir leurs aspirations en migration secondaire effective.

La "théorie néoclassique" quant à elle, apporte, sur le plan économique, des éléments qui permettent de mieux comprendre le comportement des candidats potentiels à l'émigration secondaire. Cette théorie se fonde sur l'hypothèse de rationalité et d'homo economicus à laquelle sont apportées progressivement des complexifications (Piguet, 2013 :142). Elle considère la migration comme une action rationnelle qui amène à maximiser l'utilité. Ainsi, les candidats potentiels à la migration comparent la satisfaction qu'ils retirent de leur localisation actuelle avec celle qu'ils pourraient retirer après une migration. Par conséquent, une insatisfaction32 résidentielle engendre une forte propension à la migration (Rossi, 1955). En ce sens, la migration apparaît comme une stratégie permettant à l'individu de réagir à une insatisfaction (Leslie et Richardson, 1961). Les mouvements migratoires sont dès lors expliqués par une agrégation des décisions individuelles qui tiennent compte des avantages et désavantages entre la zone de départ (A) et d'arrivée (B). La migration devient ainsi un facteur d'équilibrage des différences géographiques puisque les migrants vont se diriger des

32 Le fait de ne pas être satisfait ou de ne pas avoir ce que l'on a souhaité

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zones à bas salaires vers les zones à hauts salaires et vont dès lors modifier l'offre et la demande de travail.

3.4.1.2 La théorie de l'action raisonnée et la théorie du comportement planifié

La théorie de l'action raisonnée a été développée pour définir les liens entre les valeurs sociales, les attitudes, les intentions et les comportements des individus. Elle stipule que « l'intention est le déterminant immédiat du comportement. Lorsqu'une mesure appropriée de l'intention est obtenue, elle fournira la plus précise prédiction du comportement » (Ajzen et al., 1980 ; Nappa, 2017 ; Carling & Schewel, 2018). La théorie du comportement planifié est une variante de la théorie de l'action raisonnée. Elle a été approfondie par l'ajout des contraintes de divers ordres sur l'adoption du comportement (Ajzen, 1985 ; Nappa, 2017). Elle réduit la volonté subjective de l'individu qui est au centre de la décision par diverses contraintes qui sont notamment économiques et politiques. De ce fait, la réalisation ou la non-réalisation d'un comportement est étroitement liée aux facteurs externes ou aux contraintes de l'environnement. Ces théories sont intimement liées à l'immobilité involontaire et à l'immobilité d'acquiescement et expliquent bien pourquoi toutes les aspirations migratoires ne se concrétisent pas.

3.4.1.3 La théorie du choix rationnel et la théorie de la rationalité limitée

La théorie du choix rationnel (TCR33) en tant que théorie de l'action, considère les individus comme des acteurs qui choisissent au mieux de leurs intérêts entre des alternatives, même si des contraintes et des structures restreignent les choix possibles (Haug, 2008 ; Piguet, 2013). Et entre plusieurs alternatives et compte tenu des contraintes, l'acteur cherchera à « satisfaire » un besoin et ne cherchera pas à tout prix à le « maximiser » (Wolpert, 1965 ; Piguet, 2013). Ainsi, la recherche d'une destination migratoire prendrait ainsi fin une fois une destination acceptable est trouvée, sans nécessairement que l'ensemble des destinations possibles soient examinées. C'est à ce niveau qu'émerge la théorie de « rationalité limitée » qui ouvre la voie à la prise en compte de nombreux facteurs non directement liés au salaire dans la théorie des migrations et à l'idée d'un processus de prise de décision qui s'étale sur une certaine durée et implique un certain nombre d'étapes (Piguet, 2013).

33 a été développée dans le cadre de l'économie puis reprise par des sociologues. Son pionnier fut George Homans (1961) (Piguet, 2013)

62

3.4.2 Résultats empiriques : plus haut niveau d'éducation et de revenu influent positivement sur la capacité à migrer

Plusieurs études empiriques, menées dans de contextes différents, confirment que l'hypothèse selon laquelle les migrants les plus mobiles sont pour la plupart qualifiés et plus instruits par rapport au reste de la population (Docquier & Marfouk, 2006 ; Nekby, 2006 ; Sorana et Eleonora, 2015). Ils sont susceptibles d'effectuer autant de migrations pour améliorer leurs conditions de vie. Ces multiples migrations s'expliquent par le choix rationnel formalisé de Harris et Todaro (1970). Ces économistes sont arrivés à la conclusion selon laquelle :

" Ce n'est pas uniquement la différence de salaire entre deux espaces qui amène les personnes à migrer, mais le salaire espéré par le migrant potentiel, compte tenu de son `profil' et des `coûts' liés au déplacement ".

Ainsi, confrontés à une disparité entre aspiration et réalité, les migrants n'hésitent pas à effectuer une migration secondaire. Dans son étude menée en Suède, Nekby (2006) a trouvé que les migrants hautement qualifiés ne s'installent pas nécessairement au même endroit ; ils émigrent ailleurs si les opportunités de carrière sont limitées dans leur premier pays de destination. Au canada, l'étude de Greenwood et Young (1997) a révélé que les migrants secondaires (16% de son échantillon) avaient un niveau de scolarité plus élevé, plus de compétences et une plus grande capacité linguistique que les migrants réguliers/directs. Ce qui montre que l'émigration secondaire/indirecte est très sélective comparativement à la migration directe. De même, en utilisant les informations sur les migrants potentiels des enquêtes World Gallup et sur les migrants réels des recensements nationaux pour 138 pays d'origine et 30 destinations principales entre 2000 et 2010, Docquier et al. (2014), ont trouvé que les migrations potentielles ont plus de chances de se traduire par des migrations effectives pour les personnes ayant fait des études supérieures et lorsque les perspectives de croissance dans le pays de destination souhaité sont favorables.

Par ailleurs, la langue est un facteur important d'intégration sociale. La préférence des pays de destination des candidats potentiels à la migration est aussi liée à l'histoire et à la culture linguistique de leur pays. Ainsi, il n'est pas étonnant que les migrants africains des pays anglophones aient une préférence de migrer vers les Etats-Unis, le Canada ou le Royaume-Uni. De même, ceux des pays africains francophones migrent davantage vers la France et la

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Belgique. A ce sujet, plusieurs auteurs affirment que la connaissance et l'usage de la langue du pays d'accueil constituent le premier facteur non seulement d'intégration mais d'insertion sociale (Castellotti et Robillard, 2001 ; Adami & André, 2012 ; Nutefe, 2015).

En somme, les migrants les plus qualifiés ont une grande capacité à convertir leurs aspirations migratoires en migration effective parce qu'ils disposent suffisamment de ressources pour faire face à plusieurs contraintes dont les coûts prohibitifs liés à la énième migration et parce qu'ils ont des aptitudes linguistiques développées pour bien s'intégrer dans le nouveau pays de destination. Cette catégorie des migrants bénéficie des plusieurs avantages.

Il sied de noter, qu'en dehors des facteurs explicatifs des aspirations migratoires et ceux liées à la capacité des migrants à concrétiser leurs aspirations en migration effective, la section suivante traite des caractéristiques démographique qui agissent à la fois sur les aspirations migratoires et sur la migration effective ; et par conséquent sur la mobilité en générale.

3.5 Facteurs liés à la mobilité en générale : âge, sexe, état matrimonial et taille de famille

3.5.1 Approche théorique: théorie de cycle de vie

L'influence des caractéristiques démographiques sur la migration est bien appréhendée notamment par la "théorie du cycle de vie", aussi appelée "parcours de vie". Cette théorie véhicule l'importance des caractéristiques démographiques individuelles dans l'analyse de la mobilité (Piguet, 2016 :143). Elle postule que tout individu, suivant l'étape à laquelle il se trouve dans son cycle de vie, a une propension plus ou moins élevée à migrer (Rossi, 1955). Ainsi, des personnes en début de carrière professionnelle, célibataires, sans charge familiale et jeunes sont plus mobiles. De même, une famille a une plus forte propension à migrer avant la scolarisation des enfants (Rossi, 1955 ; Rogers and Castro, 1981 ; Lee, 1966 ; Leslie & Richardson, 1961).

3.5.2 Résultats empiriques : Le cycle de vie influence la propension à la mobilité

Nombre d'études empiriques en révélé l'importance des caractéristiques démographique dans l'explication de la mobilité (Lee, 1966 ; Castro and Rogers, 1981 ; Toma et Castagnone, 2015). A ce sujet, Lee (1966 :57) pense que, dans une certaine mesure, la migration fait partie des rites de passage. Les personnes qui se marient ont tendance à quitter leur domicile parental, tandis que les personnes divorcées ou veuves ont également tendance à s'éloigner.

64

L'état matrimonial, le sexe et l'âge sont de facteurs non négligeables dans l'explication de la migration et aussi des migrations multiples. Les hommes sont relativement plus mobiles que les femmes (Castro and Rogers,1981). Les jeunes et les célibataires, au nom de la recherche de meilleures opportunités d'emploi et/ou l'amélioration des conditions de vie, ont une forte propension à l'émigration secondaire (Toma et Castagnone, 2015). De même, pour le mariage, plusieurs femmes par le biais de regroupement familial effectuent une émigration secondaire car le fait d'avoir un partenaire ailleurs a un impact positif et significatif sur les taux de ré-migration par rapport au fait d'avoir un partenaire à destination (Toma et Castagnone, 2015).

En fin de compte, de l'ensemble de ces facteurs qui expliquent d'une part, l'intention d'émigration secondaire et d'autre part, la capacité des migrants à convertir leurs aspirations en migrations secondaires découlent les hypothèses de l'étude.

3.6 Hypothèses de l'étude

Dans la littérature, l'intention d'émigration secondaire est étroitement liée au contexte dans lequel vivent les migrants dans les pays d'accueil -ou premier pays de destination avant d'envisager une autre destination-. Ces intentions sont aussi liées à l'existence des réseaux familiaux et ou communautaires mais aussi et surtout par l'attractivité de politiques migratoires en termes des opportunités d'emploi et d'intégration sociale dans les prochaines destinations envisagées. Par ailleurs, toutes les aspirations migratoires ne se transforment pas forcément en migration effective. La capacité de transformer les aspirations migratoire en migration secondaire effective est déterminée par les facteurs culturels et économiques dont le niveau d'éducation et de revenu (fig.19).

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Figure 19. Schéma théorique de l'intention d'émigration secondaire et de la capacité de
transformer les aspirations migratoires en migrations secondaires effectives

Contexte dans le pays de destination

(1) Echec de l'intégration socio-économique) :

- Pas d'emploi ou emploi précaire - Problème de la langue

- Accès au logement

- Accès à la nationalité, etc.

(2) Réseaux dans la nouvelle

destination envisagée

Facteurs institutionnels dans la nouvelle destination :

- Attractivité des politiques migratoires

- Meilleure éducation des enfants;

- Système fiscal attractif

- Système de sécurité social attractif

- Meilleures opportunités d'emploi et de carrière

Facteurs démographiques : - Age - Sexe - Etat matrimonial

Aspirations des
migrations
secondaires

Facteurs culturels et économiques :

Niveau d'éducation des

- Niveau de revenu/Profession

migrants

Capacité de transformer
les aspirations
migratoires en migration
secondaire effective

Migration
secondaire
effective

En outre, la propension à migrer étant différente en fonction de l'étape à laquelle se trouve le candidat potentiel à la migration secondaire dans son cycle de vie, elle influence par conséquent différemment les aspirations migratoires. Dans l'optique de la théorie du capital humain, les facteurs culturels et économiques influent sur la capacité de transformer les aspirations migrations en migration secondaire effective en aval et sur les aspirations migratoires en elles-mêmes en amont. La migration secondaire effective est, en effet, la dernière étape de l'ensemble de ce mécanisme.

Notons que dans le cadre de cette étude et compte tenu des données disponibles, nous nous focalisons uniquement sur la première partie du cadre théorique colorée en bleue. Ainsi, trois hypothèses à tester découlent de cette première partie du cadre théorique.

La première hypothèse -centrale- est que la non-intégration économique des migrants africains vivant en Belgique joue un rôle prépondérant dans l'intention d'effectuer une émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada. Cette hypothèse repose sur la théorie

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Push-Pull de Lee (1966) mais met un accent particulier sur la non-intégration socio-économique en postulant que les candidats à une émigration secondaire migrent plus parce qu'ils ne sont pas satisfaits de leur situation dans le pays d'accueil que pour des politiques migratoires attractives dans un pays de destination spécifique envisagé. Les données dont nous disposons ne nous permettent pas de saisir les politiques migratoires attractives en tant que telles. Nous utilisons un proxy pour les capter indirectement par les motivations exprimées par les migrants qui aspirent à une émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada en particulier. De là découle notre deuxième hypothèse. Elle postule que l'attractivité des migrants africains non-intégrés en Belgique vers les Etats-Unis et le Canada s'explique dans la perspective de trouver de meilleures opportunités d'emploi et ou d'amélioration des conditions de vie comparativement aux migrants qui sont intégrés sur le plan socio-économique. La troisième hypothèse se réfère à la différence de profil des migrants en fonction des pays de destination. Elle postule que la probabilité d'émigration secondaire vers d'autres destinations, essentiellement en Europe, serait plus élevée chez les personnes hautement qualifiées. Cette hypothèse se justifie par les résultats des études -relatives à la migration secondaire- menées dans un contexte européen (Danemark, Suède) qui montrent que la probabilité d'émigration secondaire est plus élevée chez les migrants qui ont un plus haut niveau d'instruction, de compétences et de revenus (Nekby, 2006; Schroll, 2009).

De ces hypothèses découle notre schéma empirique ci-dessous (fig.20) qui résume la logique des hypothèses à vérifier dans nos analyses. Ce schéma met en évidence l'impact de l'état de l'intégration socio-économique des migrants africains vivant en Belgique sur l'intention de quitter la Belgique d'une part et sur l'intention d'émigration secondaire en fonction de la destination envisagée d'autre part. La non-intégration socio-économique des migrants africains vivant en Belgique a une incidence directe sur l'intention, non seulement de quitter la Belgique mais aussi d'émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada. Les plus intégrés, par contre, ont une forte probabilité d'effectuer une émigration secondaire vers d'autres destinations, essentiellement en Europe pour de raisons différentes de celles qui motivent l'émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada. Les moins intégrés, seraient plus attirés par les politiques d'immigration et d'intégration développées par les Etats-Unis et le Canada en rapport avec le recrutement de la main d'oeuvre afin de maximiser les chances de trouver un emploi et d'améliorer leurs conditions de vie. Les plus intégrés, probablement les plus instruits, -disposant déjà d'un emploi-, seraient à la recherche de meilleures opportunités de carrières.

67

Comme avec le niveau d'instruction, l'effet de l'intégration socio-économique sur l'intention d'émigration secondaire en fonction de choix de destination sera examiné en contrôlant l'âge, le genre et de l'état matrimonial. Le choix de ces variables s'explique par le fait que la propension à l'émigration dépend de l'âge et les hommes sont relativement plus mobiles que les femmes. De même, les célibataires ont une forte probabilité d'effectuer une émigration secondaire comparativement aux mariés ou ceux qui sont en couple.

De plus, nous vérifierons dans nos analyses, l'idée selon laquelle : "quel que soit le degré de la non-intégration socio-économiques, l'intention de migration secondaire est fonction de sentiment d'appartenance ou de l'identification du migrant par rapport à la Belgique ". Ceux qui ont un lien fort d'appartenance à la Belgique auront de moins en moins l'intention de migrer.

20. Schéma empirique de l'intention de l'émigration secondaire en fonction de destination
envisagée par les migrants

Vers les USA et le Canada

Raisons professionnelles
et amélioration des
conditions de vie

Moins intégrés

Hypothèse 1

Intention de quitter la Belgique

Choix de destination

Etat de l'intégration socio-économique

Motivations

Hypothèse 2

Meilleures opportunités de carrières

Vers l'Europe

Plus intégrés

Hypothèse 3

Le tableau 9 ci-dessous justifie les hypothèses à la lumière de la littérature et présente les méthodes d'analyse susceptibles de les vérifier.

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Tableau 9. Synthèse des hypothèses, des justifications et des méthodes d'analyses envisagées

Questions

Hypothèses

Justification

Données

Méthodes d'analyse

 

a. Intention d'émigration secondaire : Quitter la Belgique

Quels sont les facteurs qui déterminent l'intention d'émigration secondaire : (Quitter la Belgique).

La non-intégration économique des migrants africains vivant en Belgique joue un rôle prépondérant dans la décision d'effectuer une émigration secondaire, quelle que soit la destination.

La situation dans l'emploi est un facteur majeur dans l'explication de l'intention d'émigration secondaire. Cette intention de migrer serait forte pour les moins intégrés. Ces derniers qui veulent migrer à nouveau considèrent, conformément à la théorie néoclassique, la migration comme une action rationnelle qui amène à maximiser l'utilité (Piguet, 2013) et comme une stratégie permettant à l'individu de réagir à une insatisfaction (Leslie et Richardson, 1961). En outre, plusieurs études empiriques dont celle menée par Toma & Castagnone (2015) confirme nt que la probabilité de ré-migration est faible si le candidat à la migration à un emploi qualifié ou semi-qualifié contrairement à ceux qui n'ont pas d'emploi ou ont un statut plus précaire. On s'attend à ce que les moins intégrés soient plus nombreux à espérer trouver mieux ailleurs.

Enquête Pombe, 2016

Analyse descriptive de l'intention de migrer selon la situation dans l'emploi.

Régression logistique de l'intention d'émigration secondaire en fonction de destination.

 

b. Motifs d'émigration secondaire vers les Etats-Unis et Canada

 

Motivations intrinsèques de l'intention de l'émigration secondaire vers les Etats- Unis et le Canada: (Pour quelles raisons envisagez- vous aller vivre dans ce/s pays ?).

L'attractivité des migrants africains non-intégrés en Belgique vers les Etats-Unis et le Canada s'explique dans la perspective de trouver de meilleures opportunités d'emploi et ou d'amélioration des conditions de vie

Les motivations relatives à l'intention d'émigration secondaire sont multiples (Myria, 2018 :38) même si l'émigration est dans la majorité des cas une décision personnelle ou familiale prise pour un motif économique (Drechsler et Gagnon, 2008). Et entre ces décisions individuelles et ou familiales et les structures migratoires se situent à mi-chemin les réseaux sociaux et/ou communautaires comme facteurs explicatifs de la mobilité (Piché, 2013), réduisant, ainsi, les coûts et les incertitudes liés au contexte des pays de destination (Drechsler et Gagnon, 2008; Van Liempt, 2011). Par ailleurs, dans un contexte d'échec d'intégration économique, on s'attend à ce que les motivations de migrer vers les Etats-Unis et le Canada soient plus liées aux raisons professionnelles et d'amélioration des conditions de vie.

Enquête Pombe, 2016

Analyse descriptive des motivations liées au choix des Etats-Unis et le Canada comme principale destination envisagée et en fonction de la situation dans l'emploi

69

Les facteurs explicatifs de l'intention d'émigration secondaire diffèrent-ils en fonction de choix de destination ?

 

c. Quitter la Belgique pour les Etats-Unis et le Canada

 

Cette hypothèse peut se résumer par la théorie néoclassique du point de vue de la rationalité du migrant (Piguet, 2013). On s'attend à ce que les migrants qui veulent quitter la Belgique pour les Etats-Unis et le Canada soient les moins intégrés. Et que ces personnes soient plus attirées vers les Etats-Unis et le Canada dans l'optique de trouver de meilleures opportunités d'emploi et ou améliorer leurs conditions de vie comparativement à ceux qui sont bien intégrés en Belgique (Toma & Castagnone, 2015).

Pombe, 2016

Analyse descriptive de l'intention de migrer vers les Etats-Unis et le Canada selon la situation dans l'emploi.

Régression logistique de l'intention de quitter la Belgique pour les Etats-Unis et le Canada.

 
 

La probabilité d'émigration secondaire vers d'autres destinations, essentiellement en Europe, serait plus élevée chez les personnes hautement qualifiées.

Plusieurs études mettent en évidence la sélectivité des migrants en termes de capital humain et financier dans l'explication de la mobilité et ou émigration secondaire notamment en Europe (Nekby, 2006; Schroll, 2009), Ces études menées dans un contexte européens (Danemark, Suède) montrent que la probabilité d'émigration secondaire est plus élevée chez les migrants hyper-qualifiés. Ces migrants ont un plus haut niveau d'instruction et de compétence (Schroll, 2009) et aussi de revenus (Nekby, 2006).

Cette hypothèse permet de confirmer le modèle Aspiration/Ability de Carling et Schewel (2018) sur la capacité des migrants à transformer leurs aspirations en migration effective avec un avantage particulier de proximité de frontières car Schroll (2009) montre que les migrants des pays voisins ont un taux d'émigration secondaire plus élevé que les autres. Il convient de vérifier cette hypothèse chez les migrants africains vivant en Belgique par rapport à l'émigration secondaire dans la zone Européenne.

Nous nous attendons à ce que la probabilité de migrer vers l'Europe soit très élevée chez les plus intégrés (emploi en CDI et niveau d'instruction élevé).

Pombe, 2016

Analyse descriptive de l'intention de migrer vers l'Europe selon la situation financière et le niveau d'instruction

Régression logistique de l'intention de quitter la Belgique pour l'Europe sous contrôle des autres variables.

70

Chapitre 4 : Approche méthodologique : Données et méthodes

Ce chapitre met en évidence toutes les sources de données exploitées, les données et les méthodes utilisées afin d'atteindre les objectifs de l'étude et de vérifier les hypothèses émises à la lumière de la littérature.

4.1 Source de données

Les principales données que nous analysons dans le cadre de notre recherche proviennent d'une enquête quantitative réalisée en 2016 auprès de 805 personnes d'origine africaine âgées de 18 ans et plus en Belgique par le Centre de recherche en démographie de l'UCLouvain en collaboration avec l'Université de Liège et la Vrije Universiteit Brussel et financée par la Fondation Roi Baudouin (Demart et al. 2017).

L'étude était menée dans le but de répondre à la question de savoir dans quelle mesure l'histoire partagée entre d'une part, la RD Congo, le Rwanda et le Burundi, et d'autre part, la Belgique, constitue une variable différenciant ce sous-groupe au sein de la population des Afro-descendant.e.s originaires d'autres pays d'Afrique francophone. L'originalité de cette étude se résume par la nature même de cette question mais aussi par le fait que jamais auparavant en Belgique cette thématique n'a été abordée en ce sens au sein de la population d'origine africaine en Belgique.

Ainsi, en adéquation à cette question, l'objectif était d'analyser comment ces Afro-descendant.e.s d'origines RD. Congolaises, Rwandaises et Burundaises et autres pays d'Afrique francophone se définissent tant sur des réalités objectives, comme le taux d'emploi, le niveau d'éducation ou la participation politique, que sur des éléments subjectifs, comme les valeurs, les questions éthiques ou les constructions identitaires. La finalité étant de relever l'incidence du passé colonial sur l'intégration, la participation et la citoyenneté.

Dans le questionnaire de cette enquête, toute une section (11) était consacrée aux projets de départ et retour pour cerner les intentions de ces Afro-descendant.e.s sur leur installation ou leur départ de la Belgique. Ces données sont par conséquent appropriées pour être analysées dans une étude sur les intentions de l'émigration secondaire des migrants africains vivant en Belgique.

Une taille d'échantillon de 805 personnes a été déterminée au départ en fonction de contraintes budgétaires et de la précision nécessaire afin de garantir la précision dans le calcul

71

des principaux indicateurs. Les données de cette enquête sont représentatives de toute la population d'origine africaine francophone vivant en Belgique. Elle est une combinaison d'une sélection aléatoire au premier degré et la méthode des quotas au deuxième degré en intégrant les communes de toutes les trois régions de la Belgique. Les pondérations ont été utilisées suite à la surreprésentation de certaines catégories par rapport à d'autres au moment de l'enquête afin de garantir le caractère représentatif des résultats (Demart et al. 2017).

Les sections ci-dessous présentent l'ensemble des variables qui seront analysées par l'étude et les méthodes d'analyse statistiques appropriées que j'envisage utiliser pour tester mes hypothèses et répondre à mes questions de recherches.

4.2 Données de l'étude

Le tableau 10 résume les caractéristiques de la variable dépendante, des variables indépendantes d'intérêt en fonction de mes trois hypothèses. Les variables de contrôle qui peuvent éventuellement influencer, positivement ou négativement, la décision de quitter la Belgique pour s'établir ailleurs sont prises en compte.

Tableau 10. Description des variables de l'étude

Hypothèses

Variables

Variable dépendante

L6 Pensez-vous un jour aller vous installer dans un autre pays que la Belgique

L7 Pour aller dans quel pays

Variables indépendantes d'intérêt

H1 & 3: L'effet de l'intégration socio-économique des migrants africains vivant en Belgique sur la décision de quitter la Belgique et d'effectuer une émigration secondaire en fonction de choix de destination.

Situation dans l'emploi : Emploi (F6), Type de contrat (F8) et

correspondances emploi-formation (F10)

F14: Situation financière (niveau de vie subjectif)

F15 : Statut de logement

B4 : Nationalité

Génération : Année d'arrivée (C1) et Année de naissance (B2)

L8 Pour quelles raisons envisagez-vous de quitter la Belgique ?

H2 : L'attractivité des migrants africains non-intégrés en Belgique vers les Etats-Unis et le Canada s'explique dans la perspective de trouver de meilleures opportunités d'emploi et ou d'amélioration des conditions de vie

L9 Pour quelles raisons envisagez-vous aller vivre dans ce/s pays ? (Etats-Unis et Canada)

Possible effet des facteurs démographiques et identitaires sur l'intention de quitter la Belgique et d'effectuer une émigration secondaire en fonction de choix de destination.

Variables de contrôle

B2 Age

B1 Sexe

E1 Quelle est votre situation maritale

F1 Quel est le plus haut niveau d'étude que vous avez terminé avec

succès ?

Variable intermédiaire

G3 Dans quelle mesure vous sentez-vous Belge ?

72

La variable dépendante de cette étude est "l'intention d'émigration secondaire". L'intention d'émigration secondaire est une variable binaire avec comme modalités : "Oui" et "Non". Cette variable est issue du recodage de la question qualitative ordinale "L6" à cinq modalités. La modalité "Oui" prend en compte les trois premières modalités de la question "L6" dont "Oui, très certainement", "Oui, si c'est possible" et "Peut-être".

De cette intention d'émigration secondaire découlent les préférences en termes de destination. La question "L7" accordait plus d'une possibilité en termes de pays de destination envisageable. Ainsi, deux modalités ont été créées. La première modalité regroupe les personnes qui expriment l'intention d'émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada et la deuxième modalité regroupe les personnes qui expriment l'intention d'émigration secondaire vers l'Europe essentiellement.

Pour saisir l'intégration socio-économique des migrants africains vivant en Belgique, une série de six variables a été prise en compte à la lumière de la littérature. Il s'agit de la situation dans l'emploi, la situation financière, le statut de logement, la nationalité, la génération et les raisons évoquées par les migrants pour aller voir ailleurs.

La situation dans l'emploi est une combinaison de trois variables relatives à l'emploi. Elle prend en compte le fait d'avoir ou pas un emploi, le type de contrat pour ceux qui ont un emploi et enfin la correspondance entre l'emploi et les qualifications. De ce recodage est créée une variable à cinq modalités. La première regroupe les migrants sans emploi, la deuxième regroupe les étudiants, la troisième regroupe les migrants qui ont un emploi précaire, la quatrième regroupe les migrants qui ont un emploi durable et correspondant à leur qualification et enfin la cinquième regroupe les cas manquants. Cette variable oppose ceux qui n'ont pas d'emploi ou ont un emploi précaire notamment un contrat à durée déterminée, un travail occasionnel sans contrat formel ou un contrat d'intérimaire à ceux qui ont un emploi durable, contrat à durée indéterminée, par rapport à l'intention d'émigration secondaire.

La situation financière est une variable ordinale qui indique le niveau de vie subjectif des migrants. Les migrants devraient répondre à la question de savoir si la situation financière de leur ménage leur permettait de faire face aux besoins quotidiens dans l'achat des biens de première nécessité. Ces derniers devraient se situer sur l'échelle de Likert en precisant si la situation financière de ménage est "Plus que suffisante" "Suffisante" "Tout juste suffisante "

73

ou "Insuffisante". Cette variable est recodée en trois modalités : suffisante -en regroupant les deux premières modalités-, tout juste suffisante et insuffisante.

La situation de logement et la nationalité sont prises en compte dans cette étude pour examiner dans quelle mesure l'intention d'émigration secondaire serait fonction du statut de migrant, selon qu'il est ou pas propriétaire d'un logement ou selon qu'il est naturalisé belge ou pas. Ainsi, dans cette même logique, l'appartenance à une génération a été saisit. Cette variable, génération, est une combinaison de l'année de naissance et de l'année d'arrivée en Belgique. Elle regroupe trois modalités : première génération, génération 1.5 et deuxième génération (2.0). La première génération regroupe les migrants qui sont nés en Afrique et sont arrivés en Belgique en étant majeurs, soit âgés de plus de 18 ans. La génération 1.5 est constituée des migrants africains nés en Afrique mais qui sont arrivés en Belgique avant l'âge de 18 ans. In fine, la génération 2.0 est constituée des enfants des migrants nés et socialisés en Belgique.

S'agissant de raisons évoquées par les migrants pour quitter la Belgique -question ouverte :QL8-, comme pour le choix de pays de destination -semi-ouverte : QL9-, les répondants avaient plus d'une possibilité de réponses. Cette question "filtre" ne concernait que les migrants qui avaient l'intention de migrer à nouveau en dehors de la Belgique. Les raisons avancées ont été regroupées en type de raisons allant des raisons familiales, d'études, professionnelles aux autres types de raisons. La constitution de cette variable permet de cerner les motivations du nouveau projet migratoire liées à la non-intégration socio-économique en Belgique.

Par ailleurs, la question relative aux motivations a été également utilisée pour comprendre le choix des migrants qui ont l'intention de quitter la Belgique en fonction de pays de destination envisagée. Cette question est prise en compte dans nos analyses comme un proxy des politiques migratoires des Etats-Unis et du Canada en particulier. Elle nous permet d'appréhender dans quelle mesure l'attractivité des politiques d'immigration et d'intégration aux Etats-Unis et au Canada sont liées à l'émigration secondaire des migrants africains vivant en Belgique.

En outre, l'âge, le genre, l'état matrimonial et le niveau d'éducation sont utilisés pour contrôler les effets de toutes les variables relatives à l'intégration socio-économique décrites ci-haut sur l'intention de quitter la Belgique d'une part et sur l'intention d'émigration secondaire en fonction de choix des pays de destination d'autre part. Le sentiment

74

d'appartenance à la Belgique est considéré dans notre analyse comme une variable intermédiaire dans la mesure où l'intention de quitter la Belgique par les migrants les moins intégrés, en particulier, serait liée à leur sentiment d'appartenance ou non à la Belgique.

La méthode d'analyse de ces données est liée à la nature de la variable dépendante. Celle-ci est binaire et le modèle de régression logistique s'y prête bien. La section suivante développe brièvement ledit modèle.

4.3 Modèle de régression logistique

La régression logistique est une technique de modélisation qui vise à prédire et à expliquer les valeurs d'une variable binaire Y à partir d'une série de variables explicatives (Rakotomalala, 2015) qui peuvent être qualitatives ou quantitatives.

En d'autres termes, la régression logistique permet d'estimer l'effet spécifique de chaque variable indépendante sur le risque étudié et en contrôlant les autres variables.

Le modèle de la régression logistique s'exprime selon la formule suivante : Logit P=ln (P/ (1-P))=30+ 31X1+ 32X2+ 33X3+...+ 3kXk.

Où :

? P = la probabilité que l'événement survienne ;

? 1-P = la probabilité que l'événement ne survienne pas ;

? Xi (allant de i à k) est la valeur de chacune des k variables explicatives ;

? 30 est une constante représentant l'ordonnée à l'origine ;

? 3i (allant de i à k) est le coefficient de régression qui mesure l'effet net de la variable i sur la côte

de l'événement considéré après ajustement sur toutes les autres.

Les coefficients 3i sont estimés par la méthode de maximum de vraisemblance. L'exponentiel de ces coefficients 3i dans une régression logistique est appelé rapports de cotes (odds ratios, OR en sigle) en anglais (Masuy-Stroobant et Costa, 2013 ; Rizzi, sd : 15).

L'examen de différents rapports de cotes permettra d'identifier à la fin de l'analyse les catégories les plus exposées au risque ou les déterminants. Ce rapport s'interprète en termes d'écart par rapport à une modalité de référence. Un OR inférieur à l signifie que la probabilité de l'événement étudié dans la catégorie i est inférieure à celle de la catégorie de référence. Un OR supérieur à 1 signifie que cette probabilité est supérieure par rapport à la catégorie de

75

référence. Un OR égal à 1 traduit l'absence d'effet de la catégorie considérée sur la variable expliquée au seuil de signification spécifique par rapport à la catégorie de référence.

La significativité statistique des différents coefficients sera mesurée à l'aide de la valeur de p. La valeur de p est une valeur critique utilisée pour quantifier la significativité statistique d'un résultat dans le cadre d'une hypothèse nulle - hypothèse postulant l'égalité entre des paramètres statistiques-. Ainsi, à cette valeur de p est associé un seuil de significativité au-dessus duquel le résultat observé serait réellement improbable. Le seuil de significativité utilisé est celui des sciences sociales ; inférieur ou égal à 5% (Berkson, 2003).

Dans la présentation des résultats, ce modèle explicatif est précédé de l'analyse descriptive par distribution de fréquences et du test de chi2. La description par distribution de fréquences permet d'identifier le profil et de caractériser les migrants africains vivant en Belgique. Le test de chi2 permet de déceler lesquelles des variables explicatives ont une relation statistiquement significative avec l'intention d'émigration secondaire.

Le chapitre 5 ci-dessous présente les principaux résultats obtenus par les analyses descriptives et les différents modèles de régression logistique.

76

Chapitre 5. Déterminants de l'intention de l'émigration secondaire : Présentations des

résultats

Ce chapitre se subdivise en quatre grands points. Le premier rappelle les résultats attendus, le deuxième décrit l'échantillon de la population étudiée, le troisième identifie les relations statistiquement significatives entre l'intention de l'émigration secondaire et les caractéristiques sociodémographiques des migrants africains vivant en Belgique et enfin le quatrième point s'appesantit sur les facteurs explicatifs de l'intention de quitter la Belgique d'une part et de l'intention de migration secondaire en fonction de deux principales destinations, Etats-Unis et le Canada et en dehors des Etats-Unis et le Canada, principalement l'Europe d'autre part.

5.1 Rappel des résultats attendus

Trois principaux résultats sont attendus à l'issue de cette analyse. Ces résultats se rapportent à : (i) l'intention de quitter la Belgique, (ii) l'intention de migrer aux Etats-Unis et au Canada et (iii) l'intention de migrer vers les pays européens essentiellement.

L'intention de quitter la Belgique repose essentiellement sur la théorie Push-Pull. La migration étant une stratégie permettant à l'individu de réagir à une insatisfaction, on s'attend à ce que les migrants qui veulent quitter la Belgique soient ceux qui sont moins intégrés ou ceux qui disposent de peu de ressources.

Nous faisons l'hypothèse que le projet de migrer vers les Etats-Unis et le Canada repose sur l'attractivité des politiques d'immigration et d'intégration dans ces deux pays. On s'attend à ce que les migrants les moins intégrés soient plus attirés vers les Etats-Unis et le Canada dans l'optique de trouver de meilleures opportunités d'emploi et ou d'améliorer leurs conditions de vie. Ceci s'explique par le fait que la politique d'immigration et d'intégration des Etats-Unis et du Canada a consisté à faire venir, depuis plusieurs années, des travailleurs chargés de combler les pénuries sur les marchés de l'emploi. De ce fait, nous nous attendons à ce que les motivations des migrants qui veulent migrer vers ces deux pays soient essentiellement d'ordre professionnel et d'amélioration des conditions de vie.

Dans l'hypothèse que le contexte américain diffère de celui de l'Europe, il nous semble logique que les déterminants de l'intention de l'émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada soient différents de déterminants de l'intention de l'émigration secondaire vers

77

l'Europe. La sélectivité en termes de capacité de migrer vers l'Europe est un bon proxy pour saisir les politiques migratoires européennes. Lesquelles, politiques migratoires, s'appliquent inégalement à des différents groupes d'individus (Carling & Schewel, 2018). On s'attend, concrètement, à ce que l'intention de migrer vers l'Europe soit forte pour les migrants les plus qualifiés en termes de compétences et ressources.

5.2 Description de l'échantillon : Population africaine vivant en Belgique

Les migrants d'origine africaine vivant en Belgique sont la cible de notre étude. Huit cent et cinq personnes (805) ont répondu à l'enquête Pombe menée en 2016, notre principale source de données. Parmi eux, les femmes représentent plus de la moitié, soit 54% (tableau 11). Plus de deux migrants africains sur cinq (49%) sont âgés entre 31 et 49 ans et une (1) personne sur cinq (21%) est âgée de 50 ans et plus.

Ces migrants sont en majorité en union. Certains d'entre eux sont mariés et d'autres en union de fait. Cette catégorie représente 45% de l'échantillon. Elle est suivie par les célibataires qui représentent près de 44% de l'ensemble de personnes enquêtées.

S'agissant du niveau d'éducation, ils sont nombreux à avoir achevé le niveau secondaire (39.4%). Les plus instruits, ceux qui ont achevé le niveau supérieur long, représentent environ 32% de l'échantillon dont 5% ont obtenu un doctorat. N'ayant pas tous suivi leur cursus universitaire en Belgique, du moins pour ceux qui sont du niveau universitaire, la majorité34 a un diplôme non reconnu en Belgique. Cette non reconnaissance du diplôme explique en grande partie les difficultés liées à l'obtention d'un emploi d'une part et l'obtention d'un emploi correspondant à ses qualifications d'autre part. Plus de trois personnes sur cinq (63.4%) déclarent avoir rencontré des difficultés dans la recherche d'un emploi.35

Par conséquent, pour cerner la situation dans l'emploi, une variable a été créée par la combinaison de trois variables relatives à l'emploi, au type de contrat pour ceux qui ont un emploi et la correspondance entre l'emploi et les qualifications. De cette variable découle les informations suivantes : (i) Environ 33% des migrants d'origine africaine n'ont pas d'emploi ; (ii) plus d'un sur cinq enquêtés (23%) est encore étudiant ; (iii) pour ceux qui ont un travail, environ 29% ont un contrat à durée indéterminée qui correspond à leur qualification et 14% se retrouvent dans une situation d'un contrat à durée déterminée, d'un contrat d'intérimaire, ou

34 De ceux qui ont répondu à la question. Celle-ci était destinée uniquement à ceux qui avaient au moins le niveau secondaire. Mais un grand nombre de personnes n'y a pas répondu

35 Parmi ceux qui ont un emploi, 25% ont éprouvé des difficultés pour en trouver.

78

d'un travail occasionnel sans contrat formel. La catégorie de ceux qui ont un CDI est formée en majorité de migrants les plus instruits. Nous considérons dans le cadre de cette étude de "non-intégrés" dans les marché de l'emploi ceux qui n'ont pas d'emploi, de "moins intégrés" ceux qui ont un emploi précaire - les sans contrat formel, intérimaires et ceux qui ont un CDD- et de "plus intégrés" ceux qui disposent un emploi en CDI correspondant à leurs qualifications.

En ce qui concerne le niveau de vie subjectif, saisit par la question relative à la situation financière pour l'achat des biens de première nécessité, la majorité des enquêtés (56.5%) sont satisfaits de leur situation financière. Ceux qui se trouvent en situation financière insuffisante représentent environ 13% de l'échantillon.

Les résultats sur le statut de logement révèlent que près de trois quart (74%) des migrants d'origine africaine sont encore locataires et 2.5% d'entre eux sont notamment logés en colocation, auprès de parents, sans domicile ou encore hébergés par la communauté d'une église.

Par ailleurs, plus de la moitié des enquêtés sont Belges, soit 56.5%. Ce qui peut s'expliquer par le fait que 8.28% (19% non pondérés) des enquêtés sont nés en Belgique et ceux qui sont nés et venus des pays africains après l'âge de 18 ans (76%) se sont installés en Belgique, dans 56,3% de cas, depuis plus de 10 ans et partagent un sentiment d'appartenance assez fort à a Belgique (60%). La majorité de ceux qui se sentent peu ou pas du tout belge sont les moins intégrés sur le plan économique: les sans emploi et les étudiants.

79

Tableau 11. Caractéristiques sociodémographiques des immigrants africains vivant en Belgique

Variables

Modalités

Effectifs

%

pondérés

Sexe

Homme

423

46,4

 

Femme

382

53,6

 

18-30

266

30,4

Age

31-49

395

48,9

 

50 et +

144

20,7

 

Célibataire

369

43,8

Etat matrimonial

Marié

362

45,3

 

Séparé/Divorcé/veuf (ve)

71

10,8

 

Non réponse

3

0,2

 

Au plus secondaire

309

39,4

Niveau d'instruction

Supérieur court

232

28,3

 

Supérieur long/doctorat

259

31,6

 

Non réponse

5

0,69

 

Oui/en partie

130

36,1

Reconnaissance de

Non

182

54,0

diplôme

Non réponse (ou non applicable)

28

9,9

 

Oui

508

63,4

Difficulté dans la recherche d'emploi

Non

209

26,6

 

Jamais cherché de l'emploi

87

10,0

 

Pas d'emploi

222

32,7

 

Etudiant

218

23,2

Situation dans l'emploi

CDD/ Travail intérimaire

102

13,6

 

CDI/corresp

246

28,7

 

Non réponse

17

1,8

 

Suffisante

476

56,5

Situation financière

Tout juste suffisante

227

30,3

 

Insuffisante

102

13,5

 

Locataire

585

74,4

 

Propriétaire

191

23,0

Statut de logement

 
 
 
 

Autres

25

2,5

 

Non réponse

4

0,16

 

Moins de 5

127

21,01

Durée d'installation en

 
 
 

Belgique

5-9 ans

141

22,7

 

10 et +

383

56,3

 

Belge

508

56,5

Nationalité

Non belge

297

43,5

 

Faible

92

14,4

Sentiment d'appartenance

Moyen

184

24,8

 

Fort

528

60,8

 

Né en Afrique

542

75,9

Génération

Né en Belgique

153

8,3

 

Génération 1.5

110

15,8

Source : Données Enquête Pombe, 2016

80

Pour ce qui est des chances d'obtenir un emploi et/ou un logement désiré (s) et de réussir ses études et/ou ses projets, les migrants africains ont donné leurs opinions en comparant leur situation par rapport à un Belge. Ils sont au moins quatre sur cinq, soit 80%, à déclarer que les africains vivant en Belgique n'ont pas les mêmes chances que les Belges pour obtenir un emploi et un logement désirés. Ils sont par contre optimistes quant à réussir ses études ou ses projets. Ils estiment respectivement dans 57% et 42% de cas, que les africains ont les mêmes chances que les Belges pour réussir leurs études et leurs projets.

Figure 21. Opinions des migrants africains vivant en Belgique sur les chances d'obtenir un emploi,
logement, réussir ses études et projets par rapport à un Belge.

90

80

70

60

%

50

40

30

20

10

0

Non Oui

Non Oui

Non Oui

Non Oui

Même chance qu'un

Même chance qu'un

Même chance qu'un

Même chance qu'un

Belge pour obtenir un

Belge pour louer un

Belge pour reussir ses

Belge pour reussir ses

emploi desiré

logement desiré

études

projets

Opinions

Source : Calculs de l'auteur à partir de l'enquête Pombe, 2016

5.3 Intention d'émigration selon les caractéristiques sociodémographiques et économiques des migrants africains vivant en Belgique

La description faite ci-avant a permis de caractériser la population sous étude. Ainsi cette section a pour objectif de déceler lesquelles de ces caractéristiques sociodémographiques et économiques décrites sont statistiquement liées à l'intention d'une émigration secondaire. Nous faisons recours à l'analyse bivariée à l'aide du test de chi-carré pour déceler ces liens statistiquement significatifs en vue d'avoir une idée générale sur le degré d'association entre les différentes variables indépendantes utilisées dans la description de l'échantillon et l'intention de migration secondaire. A l'issue de cette étape, seules les variables d'intérêt qui

81

nous permettent de vérifier nos hypothèses seront utilisées dans les modèles explicatifs36. La multicolinéarité est aussi l'une des raisons pour laquelle certaines variables ont été écartées des modèles explicatifs.

Cette section se résume en deux parties. La première présente le niveau de l'intention d'une émigration secondaire dans la population enquêtée et les principales motivations y relatives. La deuxième se consacre au test de chi-carré.

5.3.1 L'intention d'une émigration secondaire et principales motivations

Les résultats présentés dans la figure 22 montrent que parmi les migrants africains vivant en Belgique, 42,46%37 (soit 275) ont l'intention de quitter la Belgique pour aller s'installer dans un autre pays que leur pays de naissance. Les résultats présentés au tableau 10 résument les motivations principales qui justifient leur intention de quitter la Belgique.

Figure 22. Niveau de l'intention d'une émigration secondaire

Source : Enquête Pombe, 2016

Les raisons évoquées par ces migrants diffèrent du point de vue du contexte et de l'intensité. Ces raisons sont différentes lorsqu'elles sont évoquées pour quitter le pays d'accueil, la Belgique, d'une part et lorsqu'elles sont évoquées en rapport avec le (s) pays de destination envisagé (s) par les migrants. Les motivations évoquées en fonction de pays de destination envisagés par les migrants sont développées plus loin dans le texte.

S'agissant de l'intention de quitter la Belgique, les principales motivations sont d'ordre professionnel et d'amélioration des conditions de vie. Ces motivations sont évoquées à 30,6% et 35,9% respectivement. Dans 21,5% de cas, les migrants ont évoqué comme motivations

36 Il n'est pas commode statistiquement d'utiliser un modèle avec plus de 10 variables

37 Ne tient pas compte migrants africains nés en Belgique car pour ceux-ci, il s'agit simplement de l'intention de quitter la Belgique et non d'émigration secondaire.

82

principales, l'envie de voyager simplement, la curiosité, les vacances, le fait que la Belgique ne soit pas un pays favorables aux étrangers, etc. Les raisons familiales ou d'études sont faiblement évoquées.

Tableau 12. Motivations principales des migrants africains pour quitter la Belgique

Pour quelles raisons envisagez-vous de quitter la

Belgique ?

Raisons professionnelles

Meilleures conditions de vie

Autres raisons

Raisons familiales

Raisons d'études

Invitation/Accompagnement

Transit

Raisons politiques

Réseau social

Total

Effectifs

112 132 79 13 11

8

6

4

2

367

%

30,6 35,9 21,5 3,5 3 2,2 1,6 1,1 0,5 100

Par ailleurs, en vue de présenter le modèle de régression qui soit explicatif de l'intention de l'émigration secondaire, nous procédons par une analyse de Chi-carré, test d'indépendance, pour identifier les variables qui sont significativement liées à l'intention de quitter la Belgique.

5.3.2 Analyse bivariée de l'intention d'une émigration secondaire

Il se dégage de nos analyses que la situation dans la profession, le niveau de vie subjectif, l'âge et l'état matrimonial sont les variables les plus significativement liées à l'intention de quitter la Belgique. Les migrants africains étudiants et ceux qui vivent en Belgique mais qui ont un emploi non stable sont plus nombreux à exprimer leur intention de quitter la Belgique. Ces emplois non stables correspondent à un contrat étudiant, stage d'apprentissage, travail intérimaire ou occasionnel sans contrat formel et un contrat à durée déterminée.

S'agissant du niveau de vie subjectif, ceux qui déclarent plus que satisfaisante leur situation financière ont dans 58.5% de cas l'intention de quitter la Belgique. Ils sont proportionnellement plus nombreux par rapport à ceux qui ont l'intention de quitter la Belgique mais qui se trouvent en situation financière insuffisante (Annexe 1). Une fois recodée, cette variable n'est plus significative, probablement parce que l'intention de migrer n'est pas statistiquement différente entre les personnes dont la situation financière est satisfaisante comparativement à celles dont la situation financière est tout juste suffisant.

83

Bien que le sexe et le niveau d'instruction ne soient pas statistiquement liés à l'intention de quitter la Belgique, l'âge y est très significatif. Dans plus de 55% de cas, les plus jeunes (1830) expriment l'intention de quitter la Belgique. De même pour l'état matrimonial où 49,1% de célibataires expriment l'intention de quitter la Belgique.

L'effet de génération est perceptible. Les Africains qui sont venus en Belgique avant d'atteindre l'âge de 18 ans (génération1.5) sont nombreux à avoir l'intention de quitter la Belgique. Ils représentent environ 64% d'intention de vouloir partir de la Belgique sur l'ensemble de personnes de cette génération.

La situation financière (niveau de vie subjectif), le statut de logement, la nationalité et le sentiment d'appartenance sont des variables d'intérêt au même titre que la situation dans l'emploi et le fait d'appartenir à une génération sur lesquelles reposent les hypothèses à tester. Ainsi, bien que non significativement liées à l'intention de quitter la Belgique, sont utilisées dans les modèles explicatifs en contrôlant leurs effets sur l'intention de quitter la Belgique ou de migrer vers les destinations envisagées par le sexe, l'âge, l'état matrimonial et le niveau d'instruction.

Par contre, la durée de résidence, la reconnaissance du diplôme et la difficulté dans la recherche de l'emploi ne seront pas utilisés dans nos modèles explicatifs non pas seulement parce qu'ils sont statistiquement non significatifs mais pour des raisons de multicolinéarité. C'est le cas de la durée de la résidence avec le sentiment d'appartenance (Annexe 2) et la reconnaissance du diplôme ou la difficulté dans la recherche de l'emploi par rapport à la situation dans l'emploi (Annexe 3). Les variables sur les opinions, par contre (fig.21), ne sont pas présentées par la suite puisque non seulement elles ne sont pas statistiquement liées à l'intention de migrer, elles ne sont pas non plus explicatives de l'intention de quitter la Belgique et encore moins de l'intention de migrer en fonction du choix de destination.

84

Tableau 13. Répartition des enquêtés selon l'intention d'une émigration secondaire et les
caractéristiques sociodémographiques et économiques

Variables

Modalités

Intention d'une
émigration
secondaire (% par
catégorie)

N=805

chi2

 

Pas d'emploi

35,8

263

 
 

CDD/ Travail intérimaire

54,7

110

 

Situation dans

CDI/corresp

40,6

231

16,86**

l'emploi

Etudiant

50,6

187

 
 

Non réponse

43,2

14

 
 

Suffisante

42,5

454

 

Situation financière

Tout juste suffisant

46,8

243

2,65

 

Insuffisante

37,8

107

 
 

Locataire

43,4

598

 

Statut de logement

Propriétaire Autres

42,3

66,9

185

20

4,73

 

Non réponse

47,1

1

 
 

Moins de 5

42,7

137

 

Durée d'installation

5-9 ans

43,2

148

0,06

en Belgique

10 et +

42,1

367

 

Nationalité

Belge

Non belge

46,0

39,5

454

350

3,4

 

Né en Afrique

38,0

610

 

Génération

Né en Belgique

51,2

67

30***

 

Génération 1.5

63,6

127

 
 

Faible

44,7

116

 

Sentiment

Moyen

40,5

199

0,77

d'appartenance

Fort

43,9

489

 
 

Oui/en partie

43,9

123

 

Reconnaissance de

Non

33,8

184

4,12

diplôme

Non réponse

46,5

34

 
 

Oui

43,6

510

 

Difficulté dans la

Non

43,4

214

0,39

recherche d'emploi

Jamais cherché de l'emploi

39,9

81

 

Sexe

Homme Femme

45,4

41,2

373

431

1,42

 

Moins de 30

55,3

244

 

Age

30-49

39,3

393

21,9***

 

50 et +

34,7

167

 
 

Célibataire

49,1

352

 

Etat matrimonial

Marié

Séparé/Divorcé/veuf (ve)

36,4

48,2

364

87

13,70**

 

Non réponse

0

1

 
 

Au plus secondaire

40,4

317

 

Niveau d'instruction

Supérieur court Supérieur long

48,5

42,9

228

254

7,78

 

Non réponse

0.0

6

 

Légende : *** : p<0,01 ; ** : p<=0,05 ; * : p<0,10

85

5.4 Déterminants de l'intention de migration secondaire chez les africains vivant en Belgique

5.4.1 Facteurs explicatifs de l'intention de quitter la Belgique

L'objet principal de ce modèle explicatif de l'intention de quitter la Belgique est de répondre à la première partie de notre hypothèse, celle de trouver dans quelle mesure la non-intégration économique et sociale expliqueraient la probabilité d'exprimer le souhait ou l'intention de quitter la Belgique. Cette hypothèse oppose par conséquent les migrants africains les plus intégrés aux moins intégrés.

Il ressort du tableau 14 que la situation dans l'emploi, le statut de logement, le fait d'avoir la nationalité belge, le fait d'appartenir à une génération, le sexe, l'âge, l'état matrimonial et le niveau d'éducation déterminent l'intention de quitter le Belgique.

Pour ce qui est de la situation dans l'emploi, les migrants africains ayant un travail d'intérimaire ou un contrat à durée déterminée sont plus favorables à l'idée de quitter la Belgique comparativement aux migrants africains vivant en Belgique qui disposent d'un travail à durée indéterminée correspondant /ou approchant (à) leurs qualifications. Il s'agit probablement en majorité de migrants qui évoquent les raisons relatives à l'amélioration de conditions de vie pour quitter la Belgique. Ces derniers ont 1,77 fois plus de chances d'avoir l'intention de quitter la Belgique comparativement à ceux qui, sur le plan économique, sont relativement stables. Bien qu'instables, compte tenu de type de contrat qu'ils possèdent, ceux qui expriment l'intention de quitter la Belgique sont dans une situation financière tout juste suffisante. Ces derniers ont 45% plus de chances d'exprimer l'intention de quitter la Belgique comparativement à ceux dont la situation financière est suffisante ou plus que suffisante (Annexe 4 : modèles 5,6 et 7). Il en est de même pour ceux qui se trouvent dans la catégorie "Autres " sur le plan de logement. Il s'agit des migrants qui sont hébergés ou encore logés chez leurs parents. Dans cette catégorie, les chances d'exprimer l'intention de quitter la Belgique sont multipliées par 2,63 par rapport aux migrants africains qui sont propriétaires de leur logement.

Ces résultats peuvent s'expliquer par le fait que nombre des migrants qui aspirent à une migration secondaire sont ceux qui sont les moins intégrés sur le plan socio-économique. La probabilité de ré-migration est ainsi, très élevée si le migrant se trouve dans un contexte de

86

précarité sur le plan de l'emploi ou dispose d'un emploi instable -travail sans contrat formel par exemple-. Il en est de même pour ceux qui ne sont pas autonomes sur le plan de logement probablement des suites de problèmes financiers. Ces migrants justifieraient leurs aspirations par la possibilité de trouver mieux ailleurs. Ainsi, les motivations d'ordre professionnel et d'amélioration des conditions de vie sont généralement mises en avant pour expliquer l'intention d'une émigration secondaire.

S'agissant du fait d'appartenir à une génération, il s'avère que les migrants africains qui sont nés en Afrique mais qui sont arrivés avant l'âge de 18 ans (génération 1.5) sont nombreux à exprimer leur projet de quitter la Belgique. La probabilité d'exprimer l'intention de migrer dans cette catégorie est deux fois plus élevée comparativement à ceux qui sont nés en Afrique et qui sont arrivés après l'âge de 18 ans en Belgique. Deux réalités socio-économiques peuvent expliquer ce résultat. Premièrement, le contexte européen en rapport avec la liberté de mouvement peut expliquer ce résultat étant donné que cette catégorie de la population y est en partie socialisée. Deuxièmement, la probabilité de trouver un emploi est généralement faible dans cette catégorie des migrants comparativement aux africains qui sont nés en Belgique (Génération 2.0) et encore moins par rapport aux Belges. De ce fait, le taux de chômage dans cette catégorie peut expliquer cette forte intensité de l'intention de quitter la Belgique.

Pour ce qui est de l'âge, de l'état matrimonial et du genre, la propension à avoir l'intention de quitter la Belgique est très élevée chez les plus jeunes (18-30), chez les célibataires et chez les hommes. Les plus jeunes ont environ 2,3 fois plus de chances d'avoir l'intention de quitter la Belgique comparativement aux personnes âgées de 50 ans et plus. Les célibataires voient leurs chances être multipliées par 1.69 par rapport aux mariés. Et les hommes sont nombreux à avoir le projet de quitter la Belgique comparativement aux femmes. Dans environ 40% de cas, les hommes sont favorables à l'idée d'aller voir ailleurs.

Par ailleurs, les migrants africains les plus instruits ont plus de chances d'exprimer l'intention de quitter la Belgique comparativement aux moins instruits, soit ceux qui ont au plus un niveau secondaire (tableau 14, effet net).

Ces résultats confirment, de façon générale, le caractère très mobile des jeunes comparativement aux personnes âgées mais aussi de célibataires par rapport aux mariées et surtout si ces derniers ont déjà des enfants d'une part et le lien étroit entre l'instabilité économique ou la non-intégration économique et l'intention d'émigration secondaire d'autre

87

part. Ceux qui disposent de moyens limités ou qui ont un travail instable ne correspondant pas à leurs qualifications sont prédisposés et exposés à aller voir ailleurs.

En outre, l'influence de toutes les variables d'intérêt sous contrôle du sexe, de l'âge, de l'état matrimonial et du niveau d'éducation révèle que le fait de posséder ou pas la nationalité belge comme déterminant de l'intention de migration secondaire. Ceux qui ont la nationalité belge ont plus de chances d'exprimer l'intention de quitter la Belgique. Les chances dans cette catégorie sont multipliées par 1,51 par rapport à ceux qui n'ont pas la nationalité belge. Ce résultat révèle une forme de protection et une marge de manoeuvre que possèdent ceux qui ont déjà acquis la nationalité belge. Ces derniers ont la possibilité de tenter l'aventure ailleurs sachant qu'ils peuvent revenir à tout moment si jamais l'expérience s'avérait non concluante. Le statut de logement et l'état matrimonial, par contre, perdent leur pouvoir explicatif, une fois que leurs effets sont contrôlés (tableau 14, effet net).

5.4.2 Facteurs explicatifs de l'intention d'émigration secondaire selon les destinations

Cette section, comparativement à la section précédente, se concentre sur les principales destinations envisagées par les migrants ayant l'intention de quitter la Belgique. Elle a pour objectif de comparer les déterminants de l'intention de l'émigration secondaire des migrants africains vivant en Belgique en fonction de destinations envisagées. Cet exercice répond à la deuxième partie de notre hypothèse en rapport avec l'attractivité des politiques d'immigration et d'intégration des Etats-Unis et le Canada et /ou la sélectivité en termes de compétences et ressources des migrants qui souhaitent migrer vers l'Europe.

Pour ce faire, nous avons exploité la question qui accordait la possibilité aux migrants qui avaient l'intention de quitter la Belgique de citer toutes les destinations possibles envisagées. Il s'agissait donc d'une question à réponse multiple sur les préférences de destination. Parmi ceux qui ont exprimé l'intention de quitter la Belgique, la majorité a cité au moins les Etats-Unis ou le Canada. Ces deux pays couvrent environ 44% de l'intention d'une émigration secondaire à partir de la Belgique38.

38 Ne prend en compte que ceux qui ont l'intention de migrer et qui ne sont pas nés en Belgique.

88

Figure 23. Répartition des migrants secondaires africains en fonction de destination envisagée

Source : Enquête Pombe, 2016

La catégorie "Autres" regroupe essentiellement les pays européens avec en tête de fil le Royaume-Uni. L'intention en faveur des pays africains dont le Sénégal, le Mali, le Benin et le Burkina-Faso représente moins de 5%. Ces pays africains sont différents de pays de naissance de migrants qui les envisagent. Ce qui exclut automatiquement le biais de considérer une migration de retour en lieu et place d'une émigration secondaire.

S'agissant des Etats-Unis et le Canada, les migrants qui envisagent s'y rendre justifient leur choix principalement par la plus grande ouverture aux personnes d'origine africaine. Cette motivation est citée par trois migrants africains sur dix vivant en Belgique, soit 30%. Les motivations relatives à l'amélioration des conditions de vie et aux meilleures opportunités de carrières viennent respectivement en dixième et troisième position.

Figure 24. Principales motivations de l'intention d'une émigration secondaire aux Etats-Unis et au

Canada

 
 

Source : Enquête Pombe, 2016

 

89

Ces motivations traduisent à la fois un problème d'intégration économique en Belgique en amont et le souci de mieux-être et des meilleures opportunités de carrières auxquels les migrants aspirent en aval. Afin de tester l'hypothèse d'attractivité des politiques d'immigration et d'intégration des migrants qui sont mises en exergue par les raisons sus-évoquées, nous présentons dans le tableau synthèse (14) un deuxième modèle consacré à l'intention d'une émigration secondaire vers Etats-Unis et le Canada.

Il ressort du tableau 14 (deuxième modèle : colonnes 3 et 4), que cinq (5) variables dont la situation dans l'emploi, le statut de logement, le fait d'appartenir à une génération, l'âge et l'état matrimonial sont déterminants de l'intention d'une émigration secondaire vers les Etats-Unis et la Canada.

S'agissant de la situation dans l'emploi, les chances de vouloir quitter la Belgique au profit des Etats-Unis et du Canada sont trois fois plus élevées chez les migrants qui ont un travail instable, soit d'intérimaire ou sans contrat formel, soit à durée déterminée comparativement à ceux qui ont un contrat à durée indéterminée (3.20). Il en est de même pour les étudiants dont les chances sont multipliées par 2.61 comparativement à ceux qui ont un contrat à durée indéterminée.

Pour ce qui est du statut de logement, la probabilité de quitter la Belgique au profit des Etats-Unis et du Canada est cinq fois plus élevée chez les hébergés ou ceux qui habitent encore chez leurs parents comparativement aux migrants africains propriétaires (5,3).

Quant au fait d'appartenir à une génération, les migrants africains qui sont nés en Afrique mais qui sont arrivés avant l'âge de 18 ans (Génération 1.5) sont nombreux à exprimer leur projet de migrer vers les Etats-Unis ou le Canada. Les chances de ceux qui sont arrivés avant l'âge de 18 ans sont deux fois plus élevées comparativement à ceux qui sont arrivés après 18 ans en Belgique (2,49).

Les plus jeunes (18-30) sont plus exposés à vouloir se rendre aux Etats-Unis et au Canada comparativement aux personnes âgées de 50 ans et plus. Ces jeunes ont plus de deux fois plus (2.77) de chances d'avoir l'intention de se rendre aux Etats-Unis et au Canada comparativement aux personnes âgées de 50 ans et plus. Il en est de même pour les célibataires qui voient leurs chances multipliées par 1.85 comparativement aux migrants africains qui sont mariés.

90

Comme pour l'intention de quitter la Belgique, le sentiment d'appartenance n'est pas significatif de l'intention de migration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada. Le sexe et le niveau d'instruction significatifs pour l'intention de quitter la Belgique ne déterminent aucunement l'intention de migrer vers les Etats-Unis et le Canada, seuls comme en présence des autres variables.

Ces résultats montrent que les migrants africains les moins intégrés sur le plan socio-économique en Belgique sont ceux qui sont les plus attirés par les politiques d'immigration et d'intégration de des Etats-Unis et du Canada. Il s'agit principalement de personnes qui ont des emplois qui ne correspondent pas à leurs qualifications ou les étudiants d'une part et ceux qui ne sont pas encore autonomes du point de vue de logement d'autre part. Ces derniers évoquent la plus grande ouverture aux personnes d'origine africaine comme principale motivation de leur intention de migrer vers les Etats-Unis et le Canada.

Pour répondre à la question de savoir en quoi les déterminants de l'intention d'émigrer vers les Etats-Unis et le Canada diffèrent de ceux relatifs à l'intention d'émigrer ailleurs, principalement en Europe, le tableau 13 (colonnes 5 et 6) ci-dessous présente le troisième modèle explicatif qui ne tient compte que des migrants qui envisagent d'autres destinations, différentes des Etats-Unis et du Canada afin de comparer et ressortir la convergence et la divergence des facteurs explicatifs en fonction de destination.

Avant d'y arriver, la figure 25 ci-dessous présente les principales motivations qui justifient le projet de migration vers l'Europe. Contrairement aux motivations qui justifient l'intention de migrer vers les Etats-Unis et le Canada, la recherche des meilleures opportunités de carrières est la motivation principale pour les migrants africains qui envisagent de migrer à nouveau vers l'Europe (21%). L'amélioration des conditions de vie vient en deuxième position (18%).

Figure 25. Principales motivations de l'intention d'une émigration secondaire vers l'Europe

 
 

Source : Enquête Pombe, 2016

 

91

Les motivations restent différentes en fonction de destination envisagée. De même, les résultats de nos analyses explicatives confirment que les effets de facteurs explicatifs varient également en fonction de la destination. Les migrants africains qui veulent se rendre en Europe présentent des caractéristiques différentes de ceux qui ont l'intention de se rendre aux Etats-Unis et au Canada.

Les résultats de nos analyses montrent que les migrants africains les plus intégrés sur le plan économique en Belgique, ceux qui ont un travail à durée indéterminée qui correspondent à leurs qualifications (CDI en sigle) et/ou propriétaires de leur maison, ont plus de chances de vouloir migrer essentiellement vers l'Europe. Ces chances sont trois fois plus élevées chez ceux qui ont un CDI comparativement à ceux qui ont un CDD ou un autre emploi qui ne correspond pas à leurs qualifications (effet brut). Il en est de même pour les étudiants qui ont moins de chances de vouloir quitter la Belgique au profit d'autres pays européens (Annexe 6). Les résultats du tableau 14 montrent que les migrants qui ont un travail qui correspond à leurs qualifications ont 61% plus de chances d'avoir un projet de migration secondaire vers l'Europe comparativement à ceux qui n'ont pas d'emploi.

Quant au statut de logement, les personnes hébergées ou qui habitent chez leurs parents sont loin de s'imaginer quitter la Belgique au profit des autres pays européens. Cette catégorie a cinq fois moins de chances d'avoir l'intention d'émigrer en Europe comparativement aux migrants africains qui sont propriétaires de leur maison en Belgique (Annexe 6).

Les migrants africains qui sont devenus belges ont plus de chances d'exprimer l'intention de quitter la Belgique au profit des autres pays européens comparativement à ceux qui n'ont pas la nationalité Belge. Ces chances sont exprimées dans 62% de cas par les migrants africains qui sont venus en Belgique avant l'âge de 18 ans comparativement à ceux qui sont venus après l'âge de 18 ans (tab, 14 : effet brut).

La catégorie de ceux qui aspirent à la migration dans l'un des pays européens est formée majoritairement des hommes. Ces derniers ont environ deux fois plus de chances d'avoir l'intention de quitter la Belgique au profit d'un autre pays européen. Il s'agit là des hommes qui sont non seulement dans une situation économique satisfaisante, mais qui seraient aussi à la recherche de meilleures opportunités de carrières et d'une meilleure qualité de vie à en croire les principales motivations évoquées (fig.25).

92

Tableau 14. Tableau synthèse des déterminants de l'intention de quitter la Belgique et de migration
secondaire en fonction de destination envisagée

Variables

Modalités

Quitter la Belgique

Migration secondaire
vers Etats-Unis et
Canada

Migration secondaire vers Europe

Effet brut

Effet net

Effet brut

Effet net

Effet brut

Effet net

 

Pas d'emploi

0,82

0,92

1,37

1,24

0,62*

0,8

 

Etudiant

1,49*

1,16

2,61***

1,73

0,8

0,81

Situation dans l'emploi

CDD /Intérimaire

1,77**

1,80*

3,20***

2,58***

0,8

0,94

 

Non réponse

0,81

1,01

1,36

1,37

0,62

0,97

 

CDI/Corresp (réf)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

 

Insuffisante

0,82

0,99

1,22

1,33

0,63

0,78

Situation financière

Tout juste suffisant

1,19

1,38

1,32

1,34

0,99

1,2

 

Suffisante (réf)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

 

Locataire

0,95

0,91

1,35

1,15

0,75

0,79

Statut de

Autres

2,63*

2,01

5,3***

3,72**

0,57

0,51

logement

Non réponse

1,16

1,68

0,28

0,28

1,84

2,8

 

Propriétaire (réf)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

 

Non belge

0,76

0,66**

1,02

0,81

0,62*

0,71

Nationalité

 
 
 
 
 
 
 
 

Belge (réf)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

 

Faible

0,87

1,22

1,55

1,5

0,67

0,87

Sentiment d'appartenance

Moyen

1,03

1,06

0,92

0,96

0,89

1,11

 

Fort (réf)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

 

Né en Belgique

1,70**

1,03

1,59*

1,15

1,62

1

Génération

Génération 1.5

2,85***

2,20**

2,49***

2,17**

1,62*

1,35

 

Né en Afrique (réf)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

 

Femme

0,84

0,71*

1,26

1,15

0,65**

0,58*

Sexe

Homme (réf)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

 

31-49

0,52***

0,66*

0,47***

0,75

0,82

0,75

Age

50 et +

0,42***

0,45**

0,36***

0,66

0,76

0,51

 

18-30 (réf)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

 

Marié

0,59***

0,83

0,54***

0,84

0,83

0,88

Etat matrimonial

Séparé / Divorcé / veuf (ve)

0,96

1,62

0,57

0,93

1,46

1,87

 

Non réponse

1

1

1

1

1

1

 

Célibataire (réf)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

 

Au plus secondaire

0,9

0,66*

0,97

0,69

0,88

0,77

Niveau

Supérieur court

1,25

1,16

1,08

1,04

1,24

1,14

d'instruction

Non réponse

1

1

 

1

1

1

 

Supérieur long (réf)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

Constant

 

1,34

 

0,14***

 

0,81

Nombre d'observations

 

797

 

798

 

798

Prob >chi2

 

0,0004

 

0,0084

 

0,1411

Pseudo R2

 

0,0668

 

0,0705

 

0,0393

Légende : *** : p<0,01 ; ** : p<=0,05 ; * : p<0,10

93

Ces résultats montrent que ceux qui ont l'intention de quitter la Belgique au profit de pays européens sont ceux qui sont stables sur le plan économique. Il s'agit là d'une catégorie de plus aisés, de ceux qui ont plus de ressources et qui, au-delà des intentions, peuvent effectivement se permettre de migrer car la migration en elle-même engage un coût que les plus démunis ou ceux qui n'ont pas d'emploi ne peuvent se permettre. On peut en déduire que c'est le groupe de personnes sur lequel repose la théorie de Aspiration/ability de Carling et Schewel (2018) : à savoir, les personnes qui sont à mesure de transformer leurs projets migratoires en une migration effective. Cette catégorie s'oppose à la notion de l'immobilité involontaire qui accable les personnes qui aspirent à migrer mais qui ne disposent pas des ressources nécessaires à la migration. C'est le cas des migrants africains les moins intégrés sur le plan économique et social vivant en Belgique qui ont peu de ressources et qui envisagent migrer vers les Etats-Unis et le Canada pour des raisons relatives à la plus grande ouverture aux personnes d'origine africaine d'une part et d'ordre professionnel et d'amélioration des conditions de vie d'autre part. Il s'agit ici, de la catégorie de migrants qui, en dépit qu'ils ont un emploi -précaire : intérimaires ou un CDD-, sont moins satisfaits de leur situation ou condition de vie en Belgique et espèrent trouver mieux ailleurs, notamment aux Etats-Unis et au Canada (tableau 15).

Entre ces deux catégories, les plus aisées (Aspiration/ability) et ceux qui ont peu des ressources (Immobilité involontaire), se trouvent les personnes qui disposent des ressources nécessaires pour migrer mais qui n'aspirent pas à la migration secondaire (Capacities) et ceux qui n'ont pas des ressources et n'ont pas non plus l'intention de migrer (Immobilité d'acquiescement).

Le concept capacities renvoie à l'approche la plus large de la capacité/aptitude à migrer. Elle est une forme de liberté indépendante des préférences de gens en matière de migration alors que l'immobilité d'acquiescement nourrit la controverse de la théorie Push-Pull qui suppose que l'aspiration de migrer est linéairement corrélée au niveau de pauvreté (Carling & Schewel, 2018). En ce sens, l'immobilité d'acquiescement est considérée en partie comme une conséquence de l'immobilité "involontaire ". En d'autres termes, on finit par ne plus avoir d'aspirations lorsque les ressources ne permettent pas de les concrétiser.

Enfin, il convient de souligner que les migrants qui se trouvent dans l'immobilité involontaire sont généralement ceux qui ont développé un fort sentiment d'appartenance à la Belgique, conséquence d'une longue période d'installation en Belgique et de leur naturalisation. Ils sont

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généralement mariés avec enfants et par conséquent moins enclins à l'idée de quitter la Belgique probablement pour des raisons liées à la vie familiale et à la scolarisation des enfants (Annexe 7). A ce sujet, l'étude de Toma & Castagnone (2015) a montré que le fait pour les migrants d'avoir leurs conjoints ou leurs enfants dans le pays de destination a un effet négatif sur l'émigration secondaire.

Tableau 15. Catégorisation des migrants africains vivant en Belgique en fonction de leurs aspirations
et ressources inspirée de Carling (2002)

Variables

Disponibilité des ressources

 

Modalités

En disposent

N'en disposent

Aspiration de migrer

Aspire

Aspiration/ability :

- Migrants les plus aisés (CDI, propriétaire,...) ;

- ont la nationalité Belge ;

- Probablement plus âgés qui veulent migrer vers l'Europe - Hommes en majorité

- Plus instruits

Immobilité involontaire : Migrants qui disposent peu de ressources

- Migrants les moins intégrés ou ayant un emploi précaire (Sans contrat, Intérimaire ou CDD...) ;

- Autres (Hébergés et ceux qui habitent encore chez les parents) ;

- Femmes en majorité

- Jeunes et Célibataires qui veulent migrer vers les Etats-Unis et le Canada.

N'aspire pas

Capacities: Certains migrants qui disposent les ressources mais n'aspirent pas à une émigration secondaire =

Immobilité volontaire

- Migrants plus aisés ;

- Ont la nationalité Belge

- Fort sentiment d'appartenance à la Belgique ;

- Longue durée d'installation en Belgique probablement ;

- Mariés avec famille en Belgique.

Immobilité d'acquiescement: Migrants qui n'ont pas de ressources et n'aspirent pas non plus à une émigration secondaire.

- Les non-intégrés ou les démunis (Pas d'emploi et pas d'autonomie sur le plan de logement) ;

- Probablement plus jeunes ; - Courte durée d'installation ; - Ne sont pas encore Belge.

Notons que la catégorisation faite (tableau 15) tire sa substance dans l'ensemble des résultats de nos analyses tels que synthétisés au tableau 14 mais aussi de l'analyse des interactions (Annexe 7). Cette analyse des interactions justifie le fait que la situation dans l'emploi influe sur les aspirations migratoires en fonction de choix de destination différemment selon le sexe et selon l'âge. Il en est de même pour la nationalité et le statut de logement qui agissent sur les aspirations migratoires, différemment selon le sexe, l'état matrimonial et le sentiment d'appartenance.

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L'ensemble des résultats dans le tableau Annexe 7, bien qu'il justifie en grande partie la catégorisation faite au tableau 15, ouvre d'autres pistes de réflexion dont les réponses ne seront pas données dans le cadre de cette étude. C'est le cas, par exemple, de migrants africains belges qui ont une probabilité de loin inferieure à vouloir quitter la Belgique des suites d'un fort sentiment d'appartenance à la Belgique comparativement à ceux qui sont Belges mais qui ont un faible sentiment d'appartenance à la Belgique (4.99***).

Les quelques questions auxquelles, nous n'avons pas de réponses toutes faites sont celles de savoir : qui sont ces Belges qui ont un faible sentiment d'appartenance à la Belgique ? et qui sont ces migrants non-intégrés, qui n'ont pas d'emploi ?

En guise de conclusion, la catégorisation telle que construite mérite une formulation des hypothèses propres à chacune des interactions possibles afin que ces dernières soient testées de façon approfondie étant donné que les résultats de l'étude portent essentiellement sur les aspirations migratoires et non explicitement sur la migration secondaire effective.

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Chapitre 6. Discussion des principaux résultats

Cette discussion se fait premièrement du point de vue de l'ampleur de l'émigration secondaire aux Etats-Unis et au Canada et deuxièmement du point de vue des facteurs explicatifs de l'intention d'émigration secondaire des migrants africains vivant en Belgique vers ces deux destinations et vers l'Europe.

Du point de vue de l'ampleur, les résultats de cette étude réaffirment l'importance de l'immigration africaine aux Etats-Unis et au Canada et montrent que l'émigration secondaire africaine, bien que faible, existe mais les données qui permettent de la saisir se font de plus en plus rares. Certaines bases de données permettent de la saisir uniquement par déduction. De même, les bases de données individuelles sur la migration secondaire africaine effective notamment aux Etats-Unis et au Canada sont inexistantes39. Les bases de données exploitées pour le compte de cette étude ont permis, outre les caractéristiques des immigrants africains, d'identifier le profil des migrants secondaires africains aux Etats-Unis et au Canada. Ces migrants sont les plus qualifiés en termes de compétences ou niveau d'éducation et de revenus.

Ces résultats corroborent ceux trouvés par Takenaka (2007) et Greenwood & Young (1997) qui montrent clairement que bon nombre des immigrants admis aux Etats-Unis (12.5%) et au Canada (16%) venaient des pays autres que ceux dans lesquels ils sont nés. Ces migrants secondaires africains, aux Etats-Unis, sont arrivés dans 92% de cas après l'année 2000 (IPums, 2018) en provenance principalement du Royaume-Uni, de la France, de l'Allemagne et de l'Italie. De ce constat découlent deux informations pertinentes. Premièrement, il révèle que l'émigration secondaire est un phénomène ancien -même si sa mesure pose problème dans nombre des pays- mais le plus grand intérêt que les chercheurs y ont accordé ces dernières années s'explique par la mondialisation et l'émergence des personnes hautement qualifiées (africaines en particulier) à la recherche de meilleures opportunités de carrières dans les pays les plus développés. Deuxièmement, il confirme le fait que les migrants secondaires viennent généralement des pays les plus pauvres et migrent d'abord vers les pays les plus riches avant de migrer davantage vers les États-Unis (Takenaka, 2007). Dans le cas d'espèce, l'Europe est le principal continent de transit des migrants secondaires africains vers les Etats-Unis et le Canada.

39 D'ailleurs, le recensement au Canada ne tient pas compte de la dernière résidence des migrants

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Il faut néanmoins signaler que le résultat en rapport avec les pays de transit est obtenu en isolant les autres continents dont l'Afrique dans l'analyse afin d'identifier les principaux pays européens de transit vers les Etats-Unis et le Canada dans la logique de Takenaka (2007). Notons, par ailleurs, que l'analyse fine et globale, intégrant tous les continents, sur quelques pays africains à l'aide de données de Ipums (2018) pour les Etats-Unis et Demig C (2015) pour le Canada, révèle que l'Afrique reste le premier continent de transit des Africains avant d'atterrir aux Etats-Unis et au Canada (fig.13 et 18). Ceci est valable aussi pour les migrants secondaires d'origine africaine, c'est-à-dire ceux qui sont nés en Afrique comme ailleurs.

Du point de vue des facteurs explicatifs, la non-intégration socio-économique explique mieux l'intention de quitter la Belgique. Cette non-intégration se manifeste par l'intention de quitter la Belgique à un nombre important des migrants africains, soit 42,46%, pour aller s'installer dans un autre pays que leur pays de naissance. Cette intention de quitter la Belgique est soutenue par des motivations qui sont d'ordre professionnel (30,6%) et d'amélioration des conditions de vie (35,9%). Ces résultats reflètent la réalité de la société Belge car le rapport de Service public fédéral Emploi, travail et concertation sociale chiffre à 19% l'écart de taux d'emploi en faveur des Belges comparativement aux migrants non-européens (SPFE, CTC, 2017). Cet écart s'explique notamment par la non-qualification, la non-reconnaissance des diplômes et les discriminations auxquelles font face les migrants non-UE (Martens et al, 2005 ; Flahaux, 2013 :45 et Unia, 2017). Au-delà de cet écart, qui est une réalité dans la société belge, il convient de noter que, dans la zone européenne, le taux d'emploi des migrants non-UE reste faible en Belgique comparativement aux autres pays de l'Union européenne (OCDE, 2015).

Par ailleurs, à la situation dans d'emploi, s'ajoutent notamment la nationalité et le statut de logement comme facteurs majeurs dans l'explication de l'intention de quitter la Belgique, d'émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada et aussi vers l'Europe.

S'agissant de la situation dans l'emploi, il ressort de nos analyses que les chances de vouloir quitter la Belgique au profit des Etats-Unis et du Canada sont d'environ trois fois plus élevées chez les migrants qui sont moins intégrés, c'est-à-dire qui ont un travail instable, soit d'intérimaire ou sans contrat formel, soit à durée déterminée comparativement à ceux qui ont un contrat à durée indéterminée. Ces migrants moins intégrés justifient leur choix principalement par la plus grande ouverture aux personnes d'origine africaine et par les motivations relatives à l'amélioration des conditions de vie. Cette évidence montre que les

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moins intégrés sur le plan professionnel sont plus nombreux à espérer trouver mieux aux Etats-Unis et au Canada comparativement aux plus intégrés en Belgique. Ces résultats corroborent ceux trouvés par Toma & Castagnone (2015). Ces dernières soulignent que la probabilité de ré-migration est faible si le candidat à la migration a un emploi qualifié ou semi-qualifié contrairement à ceux qui n'ont pas d'emploi ou ont un statut plus précaire. Il en est de même pour l'étude menée par de Hoon et al (2019) auprès de réfugiés au Pays-Bas. Ces derniers trouvent à leur tour que la probabilité d'une émigration secondaire est très élevée chez les réfugiés sans emploi ou sans revenus comparativement à ceux qui ont un emploi. Il s'agit ici du contexte ou de l'environnement dans lequel se trouvent les migrants et de leurs conditions socio-économiques dans cet environnement qui déterminent leurs nouvelles aspirations. Il y a là nécessité de reconnaitre l'importance de l'expérience migratoire antérieure dans l'explication d'une mobilité continue ou de migrations multiples (Scheibelhofer, 2018) et du caractère économique intrinsèquement lié à la migration (Piguet, 2013 ; Leslie et Richardson, 1961 ; Drechsler et Gagnon, 2008).

Pour ce qui de la nationalité, la naturalisation des migrants africains vivant en Belgique s'avère une variable importante dans l'explication de l'intégration socio-économique et de l'émigration secondaire. La naturalisation est un élément important dans l'intégration sociale des migrants dans ce sens qu'elle les accorde les avantages inhérents à la citoyenneté belge. Parmi ces avantages, les deux principaux sont la réduction des obstacles pour obtenir un emploi et la liberté de mouvement. De ce fait, ne pas détenir la nationalité belge est un frein à l'emploi mais son acquisition augmente les chances de trouver un emploi de 14% selon le Conseil supérieur de l'emploi (2018) en Belgique. L'engouement à la recherche de la naturalisation dont fait montre les migrants non-UE et africains en particulier est l'une des explications possibles. Quant à la liberté de mouvement, les résultats de notre étude montrent que l'intention d'une émigration secondaire vers l'Europe est très élevée chez ceux qui ont la nationalité belge comparativement à ceux qui n'en ont pas. Toma et Castagnone (2015) rappellent à ce sujet que la naturalisation facilite le mouvement intra union-européenne en particulier dans ce sens que les directives de l'UE sur l'immigration permettent d'octroyer les droits d'entrée et de séjour au sein de l'UE qu'à certaines catégories de migrants tels que les étudiants, les résidents de longue durée et les travailleurs hautement qualifiés. Ainsi, les migrants ne faisant pas tous partie de catégories susmentionnées, avoir la nationalité belge ne fait que faciliter davantage leur mobilité. A ce sujet, l'étude menée par de Hoon et al (2019) sur les réfugiés au Pays-Bas montre que la naturalisation entraîne un taux d'émigration

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secondaire plus élevé parmi les réfugiés qui ont bénéficié d'aides sociales et parmi ceux qui étaient en possession d'un «passeport faible40» avant la naturalisation. Ce résultat révèle une forme de protection et une marge de manoeuvre que possèdent ceux qui ont déjà acquis la nationalité belge. La protection est assurée par la facilité de mouvement en tant que citoyen belge et la marge de manoeuvre s'appréhende par la possibilité de rentrer en Belgique même si l'émigration secondaire se soldait à nouveau par un échec ou par le fait de ne pas réaliser les aspirations inhérentes à la énième mobilité.

En ce qui concerne le statut de logement, la probabilité de quitter la Belgique au profit des Etats-Unis et du Canada est largement plus élevée (5,3) chez les hebergés comparativement aux migrants africains propriétaires. Etant un facteur d'intégration sociale41 à part entière, le statut de logement est significativement lié à l'intention d'une émigration secondaire et à la migration secondaire effective. L'étude menée par Beenstock (1996) en l'Israël a révélé que la migration des immigrants vers d'autres destinations n'était pas nécessairement expliquée par le chômage mais par des facteurs d'intégration sociale tels que la langue et le logement. De même, l'étude de Humphries et al. (2009), menée dans un contexte diffèrent de celui de Beenstock (1996) -avait pour objectif d'éclairer les décideurs dans la prise de décisions en rapport avec le besoins en main d'oeuvre infirmière migrante dans le cadre du projet "The Nurse Migration Project"- ont trouvé que l'intention d'une émigration secondaire des infirmières philippines et indiennes d'Irlande vers le Canada, les États-Unis et l'Australie s'expliquait par l'accès à la résidence permanente et à la citoyenneté. Ces études corroborent nos résultats et confirment le pouvoir explicatif du statut de logement ou de l'accès au logement sur non seulement l'intention d'émigration secondaire mais aussi sur l'émigration secondaire effective.

Enfin, pour ceux qui ont exprimé l'intention d'émigration secondaire vers l'Europe, leur choix s'explique principalement par la recherche de meilleures opportunités de carrières. Cette catégorie des migrants est constituée essentiellement des migrants africains les plus intégrés sur le plan socio-économique en Belgique : ceux qui ont un travail à durée indéterminée qui correspondent à leurs qualifications et qui sont propriétaires de leur maison. Contrairement aux moins intégrés qui n'ont pas souvent les ressources nécessaires et disponibles pour concrétiser leurs aspirations, -comme c'est le cas de ceux qui ont l'intention

40 En termes de droits de mobilité et de possibilités de voyager sans visa.

41 Certains considèrent l'accès à la propriété immobilière comme une variable purement économique et d'autres par contre comme une variable sociale ou socio-économique.

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de migrer vers les Etats-Unis et le Canada-, ceux-ci sont pour la plupart hyper qualifiés, disposent plus de ressources par rapport au reste de la population (Docquier & Marfouk, 2006 ; Nekby, 2006 ; Sorana et Eleonora, 2015) et peuvent effectuer autant de migrations possibles à la recherche de mieux-être. En effet, la poursuite de la mobilité permet une meilleure valorisation du capital humain des migrants, tout en étant facilitée par leur niveau de compétence (Kelly, 2012).

C'est à ce titre que nous avons développé à l'aide du modèle de Carling (2002) une catégorisation nous permettant de différencier la capacité des migrants à convertir leurs aspirations en migration effective en fonction de leurs ressources car l'intention et le comportement sont intimement liés (Carling & Schewel, 2018). Une autre explication possible à cette catégorisation est que lorsque les individus développent le désir de migrer ou de ré-migrer, le résultat dépend de leur capacité à le concrétiser, compte tenu des obstacles et des opportunités propres au contexte. Pour Carling (2002), les obstacles les plus importants à la migration sont souvent les politiques d'immigration restrictives. Mais ces politiques s'appliquent inégalement à différents groupes sociaux (Van Hear, 2014). Elles ont tendance à faciliter le mouvement des personnes hautement qualifiées tout en le restreignant aux migrants peu qualifiés (Carling & Schewel, 2018 :12).

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Conclusion générale

Dans ce mémoire, nous avons abordé la question de l'intégration et des facteurs explicatifs des aspirations de migrations secondaires des migrants africains vivant en Belgique en fonction de destination envisagée. L'originalité de cette étude se résume en ce sens qu'elle aborde la question des intentions d'émigration secondaire auprès des migrants africains dans le contexte de la Belgique et par là, catégorise les migrants en fonction de leur capacité à transformer les aspirations en une migration effective.

Cette étude avait un double objectif, celui de documenter l'émigration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada et d'analyser les facteurs explicatifs de l'émigration secondaire. Plus spécifiquement l'étude a permis de résumer l'ampleur de l'immigration et de l'émigration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada, à caractériser les migrants secondaires africains et à identifier les principaux pays de transit, à faire un état de lieux de l'intégration des migrants africains en Belgique, à analyser les motivations contextuelles et individuelles des migrants qui ont l'intention de migrer vers les Etats-Unis et ailleurs et enfin identifier le profil de ces migrants en fonction de choix de destination en dehors de la Belgique. L'hypothèse centrale que nous avons testée dans cette recherche est que la non-intégration économique des migrants africains vivant en Belgique joue un rôle prépondérant dans la décision d'émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada.

Pour répondre à nos objectifs et vérifier notre hypothèse centrale, plusieurs sources des données à la fois administratives, provenant de grandes bases des données sur les migrations internationales (IPIUMS, U.S. Department of Homeland Security, Yearbook of Immigration Statistics, Migration data portal, Government of Canada, IRCC, 2015, Nations Unies, New immigration Survey, Immigrations OCDE, Demig Country to country) et d'enquête (Enquête Pombe, 2016) ont été exploitées.

L'analyse descriptive de l'ampleur de la migration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada a révélé que l'émigration secondaire est une affaire des plus nantis à priori. Ceux qui sont plus instruits et disposent de plus de ressources ont plus de chances d'effectuer une émigration secondaire mais aussi de rester dans un schéma de mobilité continue. L'Afrique reste le continent de transit par excellence de migrants africains vers les Etats-Unis et le Canada. L'Europe est le deuxième continent de transit après l'Afrique. Le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie sont les 4 principaux pays de transit en Europe.

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S'agissant des facteurs explicatifs de l'intention d'émigration secondaire, l'état de l'intégration des migrants africains vivant en Belgique est plus que significatif. Ceux qui sont moins intégrés veulent quitter la Belgique au profit des Etats-Unis et du Canada principalement. Ces derniers justifient leur choix principalement par la plus grande ouverture aux personnes d'origine africaine et par les motivations relatives à l'amélioration de leurs conditions de vie. Par contre, ceux qui veulent migrer vers l'Europe essentiellement se recrutent parmi les plus qualifiés, qui ont un travail à durée indéterminée qui correspondent à leurs qualifications, qui sont propriétaires de leur maison et en grande majorité naturalisés belges. Le choix de l'Europe pour cette catégorie des migrants s'explique principalement par la recherche de meilleures opportunités de carrières.

Les résultats de cette étude mettent en exergue le lien étroit entre l'état de l'intégration des migrants et les aspirations migratoires de ces derniers en fonction de choix de destination envisagée. Cet état d'intégration est manifeste dans le cadre de cette étude notamment par la situation dans l'emploi, la nationalité et le statut de logement.

La situation dans l'emploi est, en quelque sorte, le miroir de l'intégration économique des migrants africains vivant en Belgique. Ces derniers sont nombreux à ne pas avoir un emploi durable ou stable en Belgique. L'écart de taux d'emploi en faveur des Belges comparativement aux migrants non-européens est grand (19%) et même le plus élevé dans toute la zone européenne. Cet état de choses est non seulement explicatif de nouvelles aspirations migratoires chez les migrants africains mais montre combien la rétention des migrants ne pourrait passer, outre la souplesse des politiques d'immigrations en générales, que par les politiques d'intégration. Mais alors, la préférence de l'Europe par les migrants les plus qualifiés révèle que l'analyse des aspirations migratoires mérite d'être faite pas uniquement sous l'angle de la non-intégration mais que l'on doit considérer qu'elles sont aussi liées, tout simplement, à la recherche de meilleures opportunités de carrières.

La nationalité, quant à elle, est explicative de l'émigration secondaire vers l'Europe principalement. Elle incarne un triple rôle. Premièrement, elle vient en appui à la probabilité de trouver un emploi car les migrants africains naturalisés belges ont plus de chances de trouver un emploi comparativement à ceux qui n'ont pas la nationalité belge. Deuxièmement, elle est une forme de protection car elle assure aux migrants la facilité de mouvement en tant que citoyen belge, principalement dans la zone Euro. Et troisièmement, elle accorde une marge de manoeuvre aux migrants naturalisés qui aspirent à une migration secondaire dans ce

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sens que ces derniers ont la possibilité de rentrer en Belgique en tant que citoyen belge en cas d'échec ou de non réalisation des objectifs inhérents à ladite migration secondaire.

Le statut de logement s'est avéré très significatif de l'intention d'émigration secondaire vers l'Amérique du Nord pour ceux qui sont hébergés ou qui vivent chez leurs parents. Ce résultat montre, comme pour ceux qui ont un travail instable, combien la précarité est répulsive et est un cadre propice à la définition ou la redéfinition de nouvelles aspirations migratoires des migrants. C'est dans pareilles circonstances que les politiques d'immigration et d'intégration des Etats-Unis et du Canada notamment par la loterie font surface dans les discours de ceux - migrants ou non-migrants- qui y sont attirés.

Outre l'influence remarquable de l'état de l'intégration des migrants en Belgique sur les perspectives migratoires vers l'Amérique du Nord pour les moins intégrés et vers l'Europe pour les plus intégrés, cette étude réaffirme la relation significative entre la migration et le cycle de vie. Les célibataires et les jeunes ont plus de chances de vouloir migrer que les personnes en couple et trop âgées respectivement. A ces résultats s'ajoute l'explication de l'intention d'émigration secondaire en fonction du genre. Les hommes sont majoritaires à vouloir quitter la Belgique et à envisager l'émigration secondaire vers l'Europe essentiellement. Alors que la probabilité d'envisager l'émigration secondaire vers les Etats-Unis et le Canada est très élevée chez les femmes comparativement aux hommes. Ces résultats font penser que les hommes seraient plus intégrés en Belgique par rapport aux femmes. Il est aussi envisageable, sans être affirmé dans le cas d'espèce, que les aspirations migratoires féminines vers les Etats-Unis et le Canada seraient liées aux raisons familiales.

En somme, la réalisation de ce mémoire a été confrontée à plusieurs limites qu'il convient de souligner. Sur le plan de la mesure de la migration secondaire africaine aux Etats-Unis et au Canada, les bases de données administratives sont limitées. Une seule source, faisant référence aux données de recensements, a permis de saisir l'émigration secondaire africaine aux Etats-Unis (Ipums). Dans cette source les données relatives au Canada ne disposant pas les variables relatives à la migration internationale et aux dernières résidences des migrants. Chose qui nous a rendu la tâche difficile et a éloigné l'idée d'une comparaison entre les deux pays. Pour contourner cette limite, les données Demig C ont été utilisées. Ces données nous ont permis de faire une déduction de l'émigration secondaire africaine sans pour autant identifier les pays de dernière résidence. Sur le plan terminologique, le terme "émigration secondaire" pourrait paraitre un peu abusif dans ce sens où certains migrants africains en

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Belgique ont sans doute migré dans d'autres pays avant de venir en Belgique. Pour eux, le fait de penser d'aller aux USA ou au Canada en particulier ne peut être considéré comme une migration secondaire, mais une énième migration. Malheureusement, les données analysées ne permettent pas de différencier les intentions d'émigration secondaire des intentions de migration multiple.

En outre, les motivations d'émigration secondaire vers Etats-Unis et le Canada ont été utilisées dans cette étude comme un proxy de l'attractivité de politiques d'immigration et d'intégration aux Etats-Unis et au Canada. Ce choix s'explique par le fait que les données de l'enquête analysées ne disposent pas des variables qui permettent de mieux saisir l'attractivité des politiques d'immigration et d'intégration aux Etats-Unis et au Canada.

Ce mémoire ouvre, ainsi, d'autres pistes de recherche pour approfondir la question de l'impact réel de politiques d'immigration et d'intégration dans les pays de destination sur les aspirations migratoires des migrants en général et sur les migrants africains vivant en Belgique en particulier. Pour ce faire, les variables permettant de mesurer l'impact réel de politiques d'immigration et d'intégration sur les aspirations migratoires des migrants doivent être intégrées dans les enquêtes ultérieures. Aussi, la différence de l'effet du genre sur les aspirations migratoires en fonction de choix de destination mérite d'être creusée afin de cerner la convergence et/ou la divergence des facteurs explicatifs des aspirations d'émigration secondaire en fonction de choix de destination chez les hommes et chez les femmes. Il serait également souhaitable d'intégrer le statut juridique et les réseaux familiaux et communautaires des migrants dans les études ultérieures sur les aspirations migratoires. Ces variables permettront de comprendre, d'une part, l'immobilité d'acquiescement en fonction du statut juridique et d'autre part, le choix de certaines destinations par rapport à d'autres en fonction de liens familiaux, d'amitiés, communautaires voire ethniques. En outre, une analyse en fonction du degré de certitude des intentions est à envisager. A ce sujet, l'analyse de régression avec probit ordonné est l'une des méthodes recommandées afin de cerner les différences dans les facteurs explicatifs selon le degré de l'intention d'émigration secondaire. Enfin, faire une étude biographique serait l'idéal pour bien apprécier l'antériorité des évènements sur l'occurrence des aspirations ou les nouvelles aspirations migratoires. Cette étude permettra de distinguer les aspirations migratoires qui s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie de mobilité de celles qui sont liées à la non-intégration économique en particulier.

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111

Annexes

Annexe 1. Intention de migrer selon la situation financière

Variables

Modalités

Intention de migrer

chi2

p-value

 

Plus que suffisante

58,55

 
 
 

Suffisante

39,98

 
 

Situation

Tout juste suffisante

46,84

12,5**

0,052

financière

Insuffisante

36,22

 
 
 

Ne sait pas

72,78

 
 

Annexe 2. Sentiment d'appartenance par rapport à la durée d'installation en Belgique

Variables

Sentiment d'appartenance

chi2

p-value

 
 
 
 
 
 

Modalités

Faible

Moyen

Fort

 
 

Durée

Moins de 5

32,5

38,8

28,7

 
 

d'installation en Belgique

5-9 ans 10 et +

16,3

8,5

35,8

17,5

47,8

73,9

100,11***

0,0000

 

total

15,3

26,2

58,5

 
 

Annexe 3. Reconnaissance du diplôme ou difficulté dans la recherche d'un emploi en fonction

de la situation dans l'emploi

Variables

Reconnaissance du diplôme

chi2

p-value

 

Modalités

Oui ou s'en
approche

Non

Ne sait pas

 

Pas d'emploi

28,8

56,3

14,8

 
 

Situation dans

Etudiant

60,1

33,5

6,3

 
 

l'emploi

CDD /Intérimaire CDI/Corresp

29,4

33,2

66,2

59,5

4,4

7,3

29***

0,0035

 

Non réponse

13,2

74,84

11,99

 
 
 

Total

36,1

54

9,94

 
 
 

Difficulté pour trouver un emploi

 
 

Oui

Non

N'a jamais cherché

 
 

Pas d'emploi

69,2

17,0

13,9

 
 
 

Etudiant

60,8

20,2

19,0

 
 

Situation dans l'emploi

CDD /Intérimaire CDI/Corresp

69,8

56,4

27,0

42,9

3,2

0,8

86,6***

0,0000

 

Non réponse

55,9

19,05

25,04

 
 
 

Total

63,4

26,55

10,04

 
 

112

Annexe 4. Déterminants de l'intention de migration secondaire chez les migrants africains vivant en Belgique en 2016

Variables

Modalités

Effet brut

Modèle 1

Modèle 2

Modèle 3

Modèle 4

Modèle 5

Modèle 6

Modèle 7

Modèle 8

Effet net

 

CDI/Corresp (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Pas d'emploi

0,82

0,85

0,87

0,89

0,95

0,79

0,81

0,83

0,84

0,92

Situation dans l'emploi

Etudiant

1,49*

1,01

1,07

1,05

1,16

1,33

1,36

1,22

1,14

1,16

 

CDD /Intérimaire

1,77**

1,66*

1,68*

1,78**

1,88**

1,66*

1,74*

1,69*

1,75*

1,80*

 

Non réponse

0,81

0,9

0,98

0,79

1,04

0,88

0,82

0,81

0,8

1,01

 

Suffisante (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Situation financière

Tout juste suffisante

1,19

 

0,85

0,87

1,31

1,45*

1,47*

1,45*

1,42

1,38

 

Insuffisante

0,82

 

1,16

1,19

0,96

0,99

1

1

0,98

0,99

 

Propriétaire (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Locataire

0,95

 
 

0,8

0,87

1,02

0,98

0,95

0,89

0,91

Statut de logement

Autres

2,63*

 
 

1,83

1,83

2,51

2,51

2,27

2,09

2,01

 

Non réponse

1,16

 
 

1,45

1,46

1,45

1,45

1,61

1,74

1,68

 

Belge (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nationalité

Non belge

0,76

 
 
 

0,61***

0,79

0,79

0,71

0,71

0,66**

 

Fort (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sentiment d'appartenance

Faible

0,87

 
 
 
 

1,17

1,18

1,18

1,21

1,22

 

Moyen

1,03

 
 
 
 

1,02

1,05

1,02

1,03

1,06

 

Né en Afrique (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Génération

Né en Belgique

1,70**

 
 
 
 

1,37

1,37

1,06

1,03

1,03

 

Génération 1.5

2,85***

 
 
 
 

2,66***

2,75***

2,17

2,09**

2,20**

 

Homme (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sexe

Femme

0,84

0,72*

0,73*

0,71*

0,72*

 

0,75

0,72*

0,69*

0,71*

 

18-30 (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Age

31-49

0,52***

0,49***

0,52***

0,52**

0,53**

 
 

0,71

0,7

0,66*

 

50 et +

0,42***

0,37***

0,40***

0,37***

0,33***

 
 

0,57*

0,50**

0,45**

 

Célibataire (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Marié

0,59***

0,82

0,81

0,81

0,8

 
 
 

0,81

0,83

Etat matrimonial

Séparé / Divorcé / veuf (ve)

0,96

1,68

1,68

1,668

1,6

 
 
 

1,56

1,62

 

Non réponse

1

1

1

1

1

 
 
 

1

1

 

Supérieur long (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Niveau d'instruction

Au plus secondaire

0,9

0,8

0,83

0,79

0,72

 
 
 
 

0,66*

 

Supérieur court

1,25

1,26

1,29

1,24

1,18

 
 
 
 

1,16

 

Non réponse

1

1

1

1

1

 
 
 
 

1

Constant

 

1,6

2,42**

1,78

1,95*

0,54

0,62**

0,99

1,17

1,34

Nombre d'observations

 

797

797

797

797

803

803

803

801

797

Prob >chi2

 

0,0021

0,0011

0,0023

0,0002

0,0014

0,0018

0,0018

0,0011

0,0004

Pseudo R2

 

0,0451

0,0504

0,0489

0,056

0,0469

0,05

0,0538

0,0599

0,0668

Annexe 5. Déterminants de l'intention de migration secondaire vers les Etats-Unis et Canada chez les migrants africains en Belgique en 2016

113

Variables

 

Modalités

Effet brut

Modèle 1

Modèle 2

Modèle 3

Modèle 4

Modèle 5

Modèle 6

Modèle 7

Modèle 8

Effet net

 

CDI/Corresp (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Pas d'emploi

1,87*

1,79

1,54

1,41

1,4

1,5

1,44

1,4

1,32

1,31

Situation dans

Etudiant

2,56***

2,41**

2,30**

2,15*

2,13*

1,92*

2,16*

2,09*

1,99*

1,95

l'emploi

CDD /Intérimaire

2,96***

2,60**

2,55**

2,45**

2,44**

2,40**

2,35**

2,27*

2,10*

2,07*

 

Non réponse

1,85

1,91

1,44

1,37

1,35

1,26

1,36

1,33

1,16

1,16

 

Suffisante (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Situation financière

Tout juste suffisant

1,26

 

1,48

1,35

1,35

1,31

1,38

1,37

1,41

1,41

 

Insuffisante

1,68

 

1,91

1,82

1,81

1,71

1,87

1,9

1,96

1,96

 

Propriétaire (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Statut de

Locataire

1,58

 
 

1,28

1,27

1,14

1,23

1,25

1,32

1,32

logement

Autres

4,92**

 
 

3,25

3,25

3,47*

3,67*

3,56*

3,60*

3,62*

 

Non réponse

0,21

 
 

0,1

0,1

0,18

0,13

0,13

0,14

0,14

 

Belge (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nationalité

Non belge

1,36

 
 
 

1,03

1,11

1,01

1,01

0,99

0,99

 

Fort (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sentiment d'appartenance

Faible

1,9*

 
 
 
 

1,73

1,73

1,73

1,76

1,77

 

Moyen

1,02

 
 
 
 

0,98

0,9

0,88

0,9

0,88

 

Né en Afrique (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Génération

Né en Belgique

1,14

 
 
 
 

1,08

0,97

0,9

0,88

0,89

 

Génération 1.5

1,41

 
 
 
 

1,5

1,4

1,32

1,33

1,35

 

Homme (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sexe

Femme

1,66**

1,73**

1,81**

1,87**

1,87**

 

1,86**

1,88**

1,91**

1,91**

 

18-30 (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Age

31-49

0,64

0,87

0,83

0,88

0,88

 
 

0,85

0,89

0,88

 

50 et +

0,54

0,98

0,98

1,11

1,12

 
 

0,98

1,19

1,15

 

Célibataire (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Marié

0,69

0,83

0,85

0,9

0,9

 
 
 

0,9

0,9

Etat matrimonial

Séparé/Divorcé/veuf (vé)

0,48

0,67

0,61

0,62

0,62

 
 
 

0,59

0,6

 

Non réponse

 
 

1

1

1

 
 
 

1

1

 

Supérieur long (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Niveau

Au plus secondaire

1,07

0,96

1,01

0,99

1,01

 
 
 
 

0,92

d'instruction

Supérieur court

0,9

1,01

1,01

0,98

0,98

 
 
 
 

0,91

 

Non réponse

1

1

1

1

1

 
 
 
 

1

Constant

 

0,39

0,33

0,27

0,26

0,29**

0,20***

0,23

0,23**

0,25**

Nombre d'observations

 

364

364

364

364

364

364

364

364

364

Prob >chi2

 

0,2436

0,2091

0,1443

0,1814

0,1308

0,0678

0,122

0,1617

0,2489

Pseudo R2

 

0,0448

0,0535

0,0611

0,0611

0,052

0,0668

0,0676

0,0706

0,0708

114

Annexe 6. Déterminants de l'intention de migration secondaire vers d'autres destinations chez les migrants africains en Belgique en 2016

Variables

Modalités

Effet brut

Modèle 1

Modèle 2

Modèle 3

Modèle 4

Modèle 5

Modèle 6

Modèle 7

Modèle 8

Effet net

 

CDI/Corresp (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Pas d'emploi

0,53*

0,55

0,64

0,7

0,71

0,66

0,69

0,71

0,75

0,76

Situation dans l'emploi

Etudiant

0,38***

0,41**

0,43**

0,46*

0,46*

0,51*

0,46*

0,47*

0,50*

0,51

 

CDD /Intérimaire

0,33***

0,38**

0,39**

0,40**

0,40**

0,41**

0,42**

0,43*

0,47*

0,48*

 

Non réponse

0,53

0,52

0,69

0,72

0,73

0,79

0,73

0,75

0,85

0,86

 

Suffisante (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Situation financière

Tout juste suffisant

0,79

 

0,67

0,73

0,73

0,75

0,72

0,72

0,7

0,7

 

Insuffisante

0,59

 

0,52

0,54

0,55

0,58

0,53

0,52

0,5

0,5

 

Propriétaire (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Statut de

Locataire

0,63

 
 

0,77

0,78

0,87

0,81

0,79

0,75

0,75

logement

Autres

0,20**

 
 

0,31

0,31

0,28*

0,27*

0,28*

0,27*

0,27*

 

Non réponse

4,65

 
 

9,58

9,53

5,45

7,27

7,35

1,1

7,07

 

Belge (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nationalité

Non belge

0,73

 
 
 

0,97

0,89

0,99

0,98

1

1,002

 

Fort (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sentiment

Faible

0,52*

 
 
 
 

0,57

0,57

0,57

0,56

0,56

d'appartenance

Moyen

0,98

 
 
 
 

1,01

1,1

1,12

1,1

1,12

 

Né en Afrique (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Génération

Né en Belgique

0,87

 
 
 
 

0,91

1,02

1,1

1,13

1,11

 

Génération 1.5

0,7

 
 
 
 

0,66

0,71

0,75

0,74

0,73

 

Homme (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sexe

Femme

0,60**

0,57**

0,55**

0,53**

0,53**

 

0,53**

0,53**

0,52**

0,52**

 

18-30 (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Age

31-49

1,54

1,13

1,2

1,13

1,13

 
 

1,17

1,11

1,13

 

50 et +

1,82

1,01

1,01

0,89

0,88

 
 

1,02

0,83

0,86

 

Célibataire (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Marié

1,42

1,19

1,17

1,1

1,1

 
 
 

1,11

1,09

Etat matrimonial

Séparé/Divorcé/veuf (ve)

2,05

1,47

1,61

1,6

1,6

 
 
 

1,67

1,64

 

Non réponse

1

1

1

1

1

 
 
 

1

1

 

Supérieur long (réf)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Au plus secondaire

0,92

1,04

0,99

1,01

0,99

 
 
 
 

1,1

Niveau d'instruction

Supérieur court

1,1

0,98

0,99

1,01

1,01

 
 
 
 

1,09

 

Non réponse

1

1

1

1

1

 
 
 
 

1

Constant

 

2,54

2,97**

3,69**

3,70**

3,40***

4,79***

4,30**

4,19**

3,9**

Nombre d'observations

 

364

364

364

364

364

364

364

364

364

Prob >chi2

 

0,2436

0,2091

0,1443

0,1814

0,1308

0,044

0,122

0,1617

0,2489

Pseudo R2

 

0,0448

0,0535

0,0611

0,0611

0,052

0,078

0,0676

0,0706

0,0708

115

Annexe 7. Propension à l'émigration et déterminants des aspirations migratoires en fonction de choix
de destination avec effet d'interaction (effets bruts)

Variables

Modalités

Quitter la Belgique

Migration secondaire vers Etats-Unis et Canada

Migration secondaire vers
Europe

Proportion x2

odds ratio

Proportion x2

odds ratio

Proportion x2

odds ratio

 

Pas d'emploi Homme

 
 

11,99***

1,11

 
 
 

Pas d'emploi Femme

 
 

18,64*

1,87

 
 
 

Etudiant Homme

 
 

31,79***

3,8***

 
 
 

Etudiant Femme

 
 

21,48*

2,24**

 
 

Situation dans l'emploi

CDD Homme

 
 

23,24***

2,47*

 
 

selon le sexe

CDD Femme

 
 

34,35*

4,28***

 
 
 

CDI Femme

 
 

12,92*

1,21

 
 
 

Non reponse Homme

 
 

5,61

0,25

 
 
 

Non reponse Femme

 
 

3,05***

10,47*

 
 
 

CDI Homme (réf)

 
 

10,88***

1,00

 
 
 

Pas d'emploi 18-30

45,96**

0,86

19,58***

1,19

 
 
 

Pas d'emploi 31-49

33,61

0,51

13,96

0,79

 
 
 

Pas d'emploi 50-75

33,18

0,50

15,82

0,92

 
 
 

Etudiant 18-30

53,77**

1,18

26,24***

1,75

 
 
 

Etudiant 31-49

47,58

0,92

28,23

1,93

 
 
 

Etudiant 50-75

16,27

0,19

0,00

1,00

 
 
 

CDD 18-30

82,13**

4,66**

58,03***

6,8***

 
 

Situation dans l'emploi

CDD 31-49

43,46

0,78

18,68

1,13

 
 

selon l'âge

CDD 50-75

30,36

0,44

5,63

0,29

 
 
 

CDI 31-49

38,58

0,63

10,75***

0,59

 
 
 

CDI 50-75

40,46

0,69

11,80

0,65

 
 
 

Non reponse 18-30

10,34**

0,11*

10,34***

0,56

 
 
 

Non reponse 31-49

49,91

1,01

26,24

1,75

 
 
 

Non reponse 50-75

37,16

0,60

0,00

1,00

 
 
 

CDI 18-30 (réf)

49,61**

1,00

16,88***

1,00

 
 
 

Belge Femme

 
 
 
 

22,09

0,57**

 

Non Belge Homme

 
 
 
 

22,2**

0,57**

Nationalité selon le sexe

Non Belge Femme

 
 
 
 

18,75

0,46***

 

Belge Homme (réf)

 
 
 
 

33,00

1,00

 

Belge du niveau secondaire et moins

 
 
 
 

26,39**

1,02

 

Belge du niveau supérieur court

 
 
 
 

30,25

1,23

 

Belge Non reponse

 
 
 
 

0

1,00

Nationalité selon le niveau

Non Belge du niveau secondaire et moins

 
 
 
 

14,27**

0,47**

d'éducation

Non Belge du niveau supérieur court

 
 
 
 

25,4

0,97

 

Non Belge du niveau supérieur long

 
 
 
 

22,4

0,82

 

Non Belge Non reponse

 
 
 
 

0

1,00

 

Belge du niveau supérieur long (réf)

 
 
 
 

25,95

1,00

 

Belge marié

34,42

0,31***

19,99

0,44***

 
 
 

Belge separé_divorcé

46,51

0,52*

31,34

0,81

 
 
 

Belge Non reponse

0,00

1,00

0,00

1,00

 
 

Nationalité en fonction de

Non Belge célibataire

37,70***

0,36***

15,39***

0,32***

 
 

l'etat matrimonial

Non Belge marié

39,73

0,39***

24,4

0,57*

 
 
 

Non Belge separé_divorcé

52,56

0,66

36,22

1,00

 
 
 

Non Belge Non reponse

0,00

1,00

0,00

1,00

 
 
 

Belge célibataire (réf)

62,35***

1,00

35,89***

1,00

 
 
 

Proprietaire Femme

 
 

16,61

1,37

 
 
 

Locataire Homme

 
 

17,19*

1,43

 
 
 

Locataire Femme

 
 

21,13

1,85

 
 

Statut de logement selon

Autres Homme

 
 

48,4*

6,48**

 
 

le sexe

Autres Femme

 
 

48,20

6,43**

 
 
 

Non reponse Homme

 
 

1,00

1,00

 
 
 

Non Reponse Femme

 
 

10,16

0,78

 
 
 

Proprietaire Homme (réf)

 
 

12,64*

1,00

 
 
 

Belge Faible

78,58***

4,49***

 
 
 
 
 

Belge Moyen

41,89

0,88

 
 
 
 

Nationalité en fonction du

Non Belge Faible

36,97***

0,71

 
 
 
 

sentiment d'appartenance

Non Belge Moyen

39,75

0,8

 
 
 
 
 

Non Belge Fort

41,08

0,85

 
 
 
 
 

Belge Fort (réf)

44,93

1,00

 
 
 
 

116

Annexe 8. Comparatif des motivations des migrants qui aspirent à l'émigration secondaire en fonction de choix de destination

Amérique du Nord Europe

35,0

 

30,9

J'ai des Meilleures Meilleures Plus grandes Raisons Autres raisons

connaissances opportunités de conditions de vie ouverture aux familiales

qui y sont partis carrières et vie paisible personnes

d'origine Africaine

0/c

30,0

25,0

20,0

15,0

10,0

5,0

0,0

21,4

Motivations






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