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Joseph-Félix Le Blanc de La Combe (1790-1862), collectionneur tourangeau


par Brice Langlois
Université François-Rabelais de Tours - Master I Histoire de l'art 2016
  

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C. La vente aux enchères de la collection de La Combe, un événement pour les collectionneurs

« Il pourra vous arriver, si c'est le jour de vente et surtout d'exposition réservée d'une galerie, d'un cabinet célèbre, de coudoyer, comme à une première représentation, l'élite de la société intelligente de Paris : des ministres du dernier règne, des critiques d'art et de théâtre, des financiers bilionnaires, des chanteurs en disponibilité, des dames du meilleur monde et de l'autre aussi, des marchands arrivés tout exprès de Londres, d'Amsterdam, de Vienne, des amateurs à qui vous offririez une de vos vieilles redingotes et possèdent pour un million de tableaux, des lords du Parlement et des princes allemands médiatisés tout de frais, des membres de l'Institut et des peintres de toutes écoles »148.

L'ambiance décrite par Philippe Burty dans son article sur l'hôtel des ventes parisien semble pouvoir s'appliquer à la vente de la collection du colonel de La Combe en 1863. Et pour cause, cette dispersion est un événement pour le marché de l'art. En effet, 1025 lots de tableaux, aquarelles, dessins, estampes et livres sont proposés à cette vente qui se déroule sur cinq jours, du lundi 2 au vendredi 6 février 1863, à l'hôtel Drouot.

La vente est confiée à des personnalités dominantes du marché de l'art par les héritiers du colonel de La Combe. Me Delbergue-Cormont « qui a une réputation de probité »149 est missionné à partir du 23 juillet 1862150. Ce commissaire-priseur organise assez régulièrement de prestigieuses ventes d'estampes, à l'instar de la vente de la collection Parguez en 1861151. L'arrangement du 31 janvier 1863 mentionne l'expertise de Francis Petit et Louis Clément. Delbergue-Cormont s'entoure ainsi des meilleurs spécialistes, ce qui confirme le prestige de la collection et la qualité des oeuvres proposées à la vente. Le trio est rejoint par Philippe Burty à qui le commissaire-priseur confie la rédaction de la préface du catalogue de vente. Cet ouvrage répertorie l'ensemble des oeuvres mises en vente. S'il renseigne les collectionneurs, il a aussi pour fonction de faire la promotion de la vente. Il est distribué en effet à l'occasion de l'exposition qui se déroule le dimanche 1er février à l'hôtel Drouot. Ami du colonel de La Combe, Burty est connu comme le spécialiste du marché de l'art de l'époque. Sa présence ajoute

148 BURTY, Philippe, « L'hôtel des ventes et le commerce des tableaux », op. cit., p. 954.

149 ROCHEFORT, Henri, op. cit., p. 14.

150 Vente de tableaux, aquarelles, litho à l'hôtel après le décès de M le colonel de La Combe, Minute de Me Delbergue-Cormont, Paris, Archives municipales, cote D60E311.

151 DELBERGUE-CORMONT, Victorien Louis Jean-Baptiste, VIGNIÈRES, Jean-Eugène, Collection Parguez, lithographies, oeuvres complets de Géricault, Charlet, et H. Vernet, Paris, Bonaventure et Ducessois, 1861.

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à la forte médiatisation de la vente. En effet, Burty tient depuis 1861 la Chronique des arts et de la curiosité dans laquelle il publie et analyse les résultats des ventes, signe de l'importance qu'elles ont pris sur le marché de l'art. À l'évidence, c'est par lui que passe le battage médiatique fait sur la collection de La Combe dans ce journal. Pendant deux semaines à partir du 11 janvier 1863, la vente de la collection est en effet annoncée dans les ventes à venir152. Cette publication relativement précoce est le signe d'une vente remarquable. De surcroît, Burty fait paraître le texte de la préface du catalogue de vente dans le numéro du 25 janvier 1863153. La promotion de la vente de La Combe passe également dans un quotidien non spécialisé dans le domaine artistique. En effet, Burty relaie dans la Presse le déroulement et les résultats des oeuvres phares de la vente, tout en faisant la promotion des vacations à venir.

La vacation d'hier, qui ne renfermait que des aquarelles, a été plus brillante encore que la précédente. Les deux vacations réunies ont produit au delà de 22 000 fr. Voici quelques-uns des principaux prix atteints : Louis Canon, le curé de Meudon, 110fr [É] Aujourd'hui, demain et après-demain, les lithographies154.

La vente profite également d'une publicité visuelle. Le commissaire-priseur fait en effet éditer des affiches pour les placarder sur les portes de l'hôtel Drouot (fig. 4). Le nom de la collection est indiqué par des caractères gras surlignés. Les divers médiums réunis dans cette vente sont tous mentionnés suivant l'ordre des vacations : tableaux et dessins modernes, tableaux anciens, aquarelles, eaux-fortes, lithographies, oeuvre complet de Charlet, livres à figures. Cette affiche semble insister sur la vente des tableaux, des aquarelles puis des lithographies. Effectivement, les caractères en gras accentuent leur visibilité. L'information paraît suivre la hiérarchie des genres toujours d'actualité, ainsi que l'intérêt et le goût des collectionneurs. En sus, il faut noter que la vente de l'oeuvre de Charlet est désignée, ce qui indique que la dispersion de cette partie de la collection est l'une des forces et attractions de la vente.

La vente semble intéresser un large éventail de collectionneurs. En effet, ils sont nombreux à faire le déplacement depuis la province, à l'instar des notables tourangeaux Alfred

152 [ANONYME], « Ventes prochaines », La Chronique des Arts et de la Curiosité, t. I, n°8, 11 janvier 1863, p. 80.

Ibid, 18 janvier 1863, p. 88.

153 BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la Curiosité. Vente de la collection de feu le colonel de la Combe de Tours », op. cit., p. 93-95.

154 BURTY, Philippe, « Beaux-Arts », La Presse, 5 février 1863, p. 2.

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et Paul Mame (1833-1903) ainsi que Charles de Langalerie (1806-1870), grand collectionneur orléanais et directeur du musée d'Orléans155. Les Mame achètent en plus du Déluge de Géricault et de la Voiture du cantinier de Charlet, les Deux convalescents pour 410 francs, et L'autoportrait de Charlet dans son atelier (fig. 5) pour 82 francs156. Langalerie achète quant à lui pour sa collection personnelle la Mort du cuirassier de Charlet (fig. 6) pour 520 francs157 et Napoléon en campagne aussi de Charlet pour 500 francs158, dont une lithographie (fig. 7) conservée au château de Malmaison semble donner l'illustration au vu de la description proposée dans le catalogue de vente de la collection de La Combe159.

Les experts de la vente achètent aussi. Philippe Burty achète par exemple les Ânes sous le toit de Decamps pour 26,5 francs, la lithographie de deux prêtres causant dans un jardin de Bonington pour 5,50 francs et des lithographies de Francia pour 3,50 francs160. Francis Petit acquiert par exemple Les petits orphelins Cathelineau161. Quant à Louis Clément, il est l'expert qui achète le plus d'oeuvres à cette vente. Il acquiert notamment l'intégralité des eaux-fortes de Delacroix et une grande partie des lithographies de ce même artiste162. S'il est possible qu'ils achètent pour enrichir leurs propres collections, il est également probable qu'ils acquièrent pour revendre. En effet, nous n'avons pas retrouvé les oeuvres provenant de la collection de La Combe achetées par Burty dans les multiples catalogues de vente de sa collection.

Les artistes ayant partagé l'intimité du colonel de La Combe assiste aussi à la vente. Bellangé achète la Maîtresse d'école de Charlet pour 300 francs et un dessin d'un officier supérieur également de Charlet pour 100 francs. Pierre-Jules Mêne (1810-1879) fait quant à lui l'acquisition de la copie de l'Entrée d'Adelphi (fig. 8) de Géricault par Léon Cogniet (1794-

155 Catalogue des livres, tableaux, estampes, dessins, tableaux et objets de curiosité composant la bibliothèque et le cabinet de feu M. Charles de Langalerie, Orléans, Herluisson, 1870, f 1.

156 Procès-verbal de la vente de La Combe, Paris, Archives municipales, cote cote D60E311.

157 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 12. Exemplaire de la BnF.

158 Procès-verbal de la vente de La Combe, op. cit.

159 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 4.

160 Ibid., p. 83. Exemplaire de la BnF.

161 Procès-verbal de la vente de La Combe, op. cit., f 13.

162 Ibid., f 20-21.

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1880) pour 7 francs et le premier état du Combat du Giaour et du Pacha (fig. 9) de Delacroix pour 50 francs163.

Signalant le caractère exceptionnel de la collection du colonel de La Combe, Philippe Burty interpelle les institutions culturelles dans sa préface du catalogue de vente. Il soumet à l'État l'importance de la collection lithographique de Charlet, et l'incite à l'acquérir. Il demande également au musée du Louvre de prendre conscience de la qualité de certaines pièces.

Espérons que ce bel ensemble [lithographie de Charlet] ne sera pas dispersé : l'expert, avant de le détailler, le mettra sur table dans son entier, à un prix déterminé. Il n'est pas de collection publique ou à l'étranger, qui ne doive tenir à honneur de posséder l'oeuvre de Charlet, du colonel de La Combe. Mais puisque nous venons de prononcer ce mot de « collection nationale, » espérons aussi que le Louvre qui ne possède de Charlet que des croquis insuffisants, voudra exposer dans ses galeries, à côté des aquarelles de Géricault cette aquarelle si noble et si touchante, la Mort du Cuirassier ou cet important paysage, la Voiture du cantinier164.

Le souhait de Philippe Burty semble être à moitié exaucé. L'ensemble lithographique de Charlet est acquis en un lot par le collectionneur Lafaulotte pour la somme de 5 300 francs165. Une vingtaine d'années plus tard, l'oeuvre complet de Charlet est revendu le 12 avril 1886 à l'hôtel Drouot, pour 3 350 francs166. Quelques lithographies ont cependant été extraites à l'évidence de ce lot important à en croire le catalogue de l'exposition Charlet aux origines de la légende napoléonienne. En effet, Marianne Grivel fait remarquer que quelques lithographies de la collection de la Combe entrent dans les collections publiques par l'intermédiaire de certains amateurs. Quelques jours après la vente, le 20 février 1863, Honoré His de La Salle (1796-1878) fait don au cabinet des Estampes de la Forme avant la lettre et du Général Bonaparte à cheval de Charlet167. Muret donne aussi à Bibliothèque nationale le 20 octobre 1865 le Portrait de Denon fils (fig. 10) semblant provenir de la collection de La Combe. Si le musée du Louvre et le cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale ne réagissent pas à

163 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 82 et 87. Exemplaire de la BnF

164 BURTY, Philippe, op. cit. p. X.

165 BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la Curiosité. Vente de la Combe », La Chronique des Arts et de la Curiosité, t. I, n°12, 8 février 1863, p. 117.

166 CHEVALLIER, Paul, BOUILLON, Jules, Catalogue des estampes et livres dépendant de la collection Lafaulotte, Paris, Imp. De l'Art E. Ménard et J. Augry, 1886, p. 4. Exemplaire du cabinet des estampes de la BnF, numérisé sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1244088b/f4.item.r=Charlet.

167 GRIVEL, Marianne, « On demande en vain à la Bibliothèque de la nation l'oeuvre de Charlet », in BOCHER, Nathalie, FOUCART, Bruno, JAGOT, Hélène (éd.), op. cit., p. 133.

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l'appel de Burty et n'enrichissent à cette occasion leurs collections que grâce aux dons des amateurs, le musée des Beaux-Arts d'Orléans achète quant à lui le Christ en croix d'après Rubens de Cathelineau pour la somme de 60 francs168.

La vente de la collection du colonel de La Combe apparaît donc comme un événement important pour le marché de l'art en 1863. Un public nombreux se déplace pour y assister. Les amateurs y voient notamment l'occasion de compléter leur collection, tandis que les artistes semblent présents pour rendre un dernier hommage et emporter un souvenir de leur ami le colonel de La Combe et du cercle d'amis auquel il appartenait. La vente n'aurait à l'évidence pas eu le même retentissement si elle s'était effectuée à Tours. Les moyens de communication mis en place témoignent du caractère exceptionnel de la vente et des enjeux financiers qui reposent sur elle. L'ensemble des vacations de cette vente réalise un produit de 40 237 francs, soit quatre fois la somme de la vente du mobilier vendu à Tours en novembre et décembre 1859. Complétée à la marge à Tours, principalement à Paris, conservée à Tours, vendue à Paris, la collection du colonel de La Combe s'inscrit finalement dans un rapport de déséquilibre et de complémentarité entre une ville de province française et la capitale, que nous proposions de présenter en début de ce chapitre.

168 BURTY, Philippe, « Mouvement des Arts et de la Curiosité. Vente de la Combe », La Chronique des Arts et de la Curiosité, t. I, n°14, 22 février 1863, p.131

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Chapitre deuxième : La collection de La Combe, un ensemble inédit de la production de l'école de romantique.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway