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Les opérations d'aménagement olympique : intéret général ou intérêt de classe ? le cas de la complétude de l'échangeur Pleyel en vue des jeux olympiques de Paris en 2024


par Aristide Miguel
Université Sorbonne Paris Nord - Master 1 Politiques Publiques et Territoire 2021
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITÉ SORBONNE PARIS NORD

    LES OPÉRATIONS D'AMÉNAGEMENT OLYMPIQUE : INTÉRÊT GÉNÉRAL OU
    INTÉRÊT DE CLASSE ?
    LE CAS DE LA COMPLÉTUDE DE L'ÉCHANGEUR PLEYEL EN VUE DES JEUX
    OLYMPIQUES DE PARIS EN 2024

    MÉMOIRE
    PRÉSENTÉ
    COMME EXIGENCE PARTIELLE
    DU M1 POLITIQUES PUBLIQUES ET TERRITOIRE

    PAR ARISTIDE MIGUEL

    SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR JULIEN VITORES

    MAI 2022

    2

    SOMMAIRE

    LISTE DES FIGURES

    6

    LISTES DES ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYME

    7

    RÉSUMÉ

    .8

    INTRODUCTION

    ..10

    - L'intérêt général comme notion abstraite

    10

    - Retour historique sur la problématique du projet d'aménagement du système

    d'échangeur Pleyel .12

    - Définition des opérations d'aménagement olympique 14

    CHAPITRE 1 : L'ÉCHANGEUR PLEYEL OU LES OPÉRATIONS D'AMÉNAGEMENT OLYMPIQUE COMME CONCEPTION UTILITARISTE DE L'INTÉRÊT GÉNÉRAL.....18

    Partie 1 : A la recherche de l'intérêt général

    20

    - Section 1 : Du bien commun à l'intérêt général : histoire de l'intérêt général

    20

    L'émergence de l'intérêt général au XVIIIe siècle

    .20

    Définition et redéfinition de l'intérêt général

    ..21

    De l'intérêt général à l'intérêt des classes : courte introduction à la définition

    marxienne de l'intérêt générale 22

    - Section 2 : L'intérêt général : la légitimité comme fondement de l'action publique 23

    Légitimité et autorité 23

    Vers une nouvelle redéfinition de la légitimité 24

    L'intérêt général étudié sous le prisme de la domination rationnelle légale 24

    Partie 2 : La légitimation des opérations d'aménagement olympique : des Jeux Olympiques

    d'intérêt général à des opérations d'aménagement d'intérêt général ..25
    - Section 1 : La conception française du caractère d'intérêt général des événements sportifs : Les Jeux Olympiques comme événements « d'ampleur exceptionnelle »...25

    Le caractère d'intérêt général du sport en France 25

    3

    L'intérêt général des événements sportifs : le cas des Jeux Olympiques de

    Paris en 2024 27
    - Section 2 : L'intérêt général des projets d'aménagement olympique comme

    reconnaissance de la portée publique des enceintes sportives 29

    De la légitimité du sport à l'intérêt général des infrastructures sportives 29

    La complétude de l'échangeur Pleyel : les projets d'aménagement olympique

    consacrés juridiquement ..30

    Partie 3 : Les Jeux Olympiques comme levier de transformation urbaine : l'intérêt général des

    opérations d'aménagement olympique étudié sous le prisme utilitariste 30
    - Section 1 : Les JO comme fenêtre d'opportunité pour le projet d'aménagement du

    système d'échangeur Pleyel 30

    Les Jeux Olympiques comme accélérateur d'investissement .30

    Les Jeux Olympiques comme moyen de financement des opérations

    d'aménagement de l'échangeur Pleyel 32
    - Section 2 : L'intérêt général des opérations d'aménagement du système d'échangeur Pleyel par son insertion au sein d'un processus de développement urbain: le cas du

    Grand Paris

    ..33

    L'échangeur Pleyel comme réponse à un besoin urbain

    .33

    L'échangeur Pleyel dans une perspective de Grand Paris

    36

    CHAPITRE 2 : LES OPÉRATIONS D'AMÉNAGEMENT D'AMÉNAGEMENT DU SYSTÈME D'ÉCHANGEUR PLEYEL: INTÉRÊT GÉNÉRAL OU INTÉRÊT DE CLASSE

    ? 39

    Partie 1 : Délégitimation du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel : l'intérêt

    général étudié sous le prisme marxien 41
    - Section 1 : Vers une remise en question de l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique: le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel

    comme un intérêt de classe ? 41

    L'intérêt de classe chez Marx ..41

    Le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel comme un intérêt de classe

    ? 42

    4

    - Section 2 : Critique rationnelle de la légitimité de l'action publique ..46

    Questionnement des prétentions de légitimité de l'action publique 46

    Vers une illégitimité du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel

    ? 47

    Partie 2 : Les opérations d'aménagement olympique face aux limites de la rationalité 51

    - Section 1 : Les Jeux Olympiques de Montréal comme traduction d'opérations

    d'aménagement pensées à court terme ? 51

    Les Jeux Olympiques de Montréal : stratégie de régénération urbaine ..51
    L'échec des perspectives post-olympiques des aménagements de Montréal: le

    cas du Stade olympique 52
    - Section 2 : Les opérations d'aménagement olympique face aux limites de la

    perception et du calcul 53

    Limites financières et écologiques ..53

    Les limites du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel 56

    Partie 3 : Le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel comme traduction

    d'intérêts inconciliables ? 58
    - Section 1 : Le projet d'aménagement du système d'échangeurs Pleyel : La conception

    utilitariste de l'intérêt général face aux objectifs de développement durable .58

    L'adoption des mesures de développement durable 58

    Le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel : les opérations

    d'aménagement olympique à l'épreuve du développement durable 60
    - Section 2 : Le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel : responsabilités

    sociales des Jeux Olympiques ou limites du développement durable ? 62

    La question sociale comme fondement récent du développement durable 62

    Les limites de la durabilité sociale : le projet d'aménagement du système

    d'échangeur Pleyel comme exemple d'une injustice sociale ? 64

    CHAPITRE 3 : LA COMPLÉTUDE DE L'ÉCHANGEUR PLEYEL : VERS

    L'ÉMERGENCE D'UN INTÉRÊT GÉNÉRAL INDIVIDUEL ? 67

    Partie 1 : L'intérêt général territorialisé 69

    - Section 1 : Vers une définition de l'intérêt général territorialisé 69

    5

    A la genèse de l'intérêt général territorialisé 69

    De l'intérêt général territorialisé au développement durable territorialisé 70

    - Section 2 : La complétude de l'échangeur Pleyel comme outil de construction d'un

    intérêt général territorialisé ? 72
    La territorialisation de l'intérêt général : la complétude de l'échangeur Pleyel

    comme compromis entre des intérêts généraux et des intérêts territoriaux ? 72

    La complétude de l'échangeur Pleyel : entre opposition et ajustement ? 73

    Partie 2 : De l'intérêt général « local» à l'intérêt général « individuel » 75

    - Section 1 : La notion d'intérêt général local comme partie prenante du discours des

    militants de la démocratie locale

    .75

    L'intérêt général local comme réponse à une crise de l'intérêt général

    ..75

    L'intérêt général local : porte d'entrée sur la démocratie de proximité

    ..76

    - Section 2 : L'expérience individuelle comme nouvel outil de légitimation de l'intérêt

    général « individuel » .78
    La complétude de l'échangeur Pleyel : l'intérêt général « individuel» comme

    traduction des limites de l'intérêt général local ? 78
    L'expérience de l'injustice comme outil de délégitimation de l'intérêt

    général

    79

    CONCLUSION

    81

    BIBLIOGRAPHIE

    ..83

    ANNEXE

    90

    6

    LISTES DES FIGURES

    Figure 1 - Carte de l'emplacement du groupe scolaire Anatole France entre le Boulevard de la Libération, l'A86 et le Boulevard Anatole France

    Figure 2 - Estimation de l'impact économique des JO de Paris en milliard pour la période 2017 à 2034

    Figure 3 - Carte du projet d'aménagement des échangeurs Pleyel et de la Porte de Paris à Saint-Denis

    Figure 4 - Carte des travaux de fermeture des bretelles de l'échangeur de la Porte de Paris Figure 5 - Croquis des nouveaux aménagements autour de l'échangeur Pleyel

    Figure 6 - Carte de l'enclavement du groupe scolaire Anatole France

    Figure 7 - Projet citoyen de variant au projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel Figure 8 - Evolution des impacts urbains structurels des Jeux Olympiques d'été depuis 1896 Figure 9 - Tableau du coût ex ante comparé de la ville olympique sélectionnée

    Figure 10 - Tableau des cinq finalités majeures du développement durable

    Figure 11 - Les étapes d'un agenda 21 local

    7

    LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

    DIRIF Direction des routes d'Île-de-France

    OMS Organisation mondiale de la santé

    FCPE PLEYEL Fédérations des Conseils de Parents d'Élèves Pleyel

    CAAP Cour Administrative d'Appel de Paris

    ADEME Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

    Ae Autorité environnementale

    NO2 Dioxyde d'azote

    CO2 Dioxyde de carbone

    A86 Autoroute A86

    A1 Autoroute A1

    JO Jeux Olympiques

    UNICEF Fonds des Nations Unies pour l'enfance

    SOLIDEO Société de livraison des ouvrages olympiques

    CIO Comité international olympique

    ZAD Zone à défendre

    8

    Remerciements

    Si en effet cette étude vient achever une année dans le supérieur remplie de doutes, d'incertitudes et de remises en questions, ce n'est pas sans fierté que je vous remets dès à présent ce mémoire dont le sujet me portait extrêmement à coeur.

    Aussi, comme à chaque fois, j'ai une pensée particulière pour tous ces étudiants dont les espoirs d'un avenir radieux auront été balayés par le contexte sanitaire que nous avons vécu ces deux dernières années.

    Mes premiers remerciements seront à l'endroit de Monsieur Julien Vitores, enseignant en Politiques de développement durable, dont les précieux conseils m'auront permis de produire un mémoire cohérent et pertinent.

    Ensuite, je tenais à remercier Monsieur Manuel Roland, enseignant de Méthodologie de Recherche, sans qui je n'aurais pu trouver et définir un sujet de recherche qui soit à la fois attrayant et convaincant.

    Enfin, j'aimerais remercier l'ensemble des enquêtés, dont les propos m'auront permis de constituer un stock d'informations nécessaires à la réalisation de mon étude.

    Résumé

    En 2021 débutent les travaux d'aménagement de l'échangeur Pleyel à Saint-Denis après qu'un recours, qui avait été déposé en 2020, et qui avait permis la suspension de l'autorisation de travaux déposé par préfet de la région Île-de-France en 2019, ait été définitivement rejeté par la Cour Administrative d'Appel de Paris.

    Alors que l'intérêt général du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel est confirmé, les habitants dyonisiens n'en démordent pas et s'inquiètent de la situation sanitaire dans laquelle pourrait se retrouver les enfants du groupe scolaire Anatole France suite à la complétude de l'échangeur Pleyel.

    Ainsi, cette situation invite à entamer une réflexion autour de l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique, qui, malgré leur portée générale, ne font pas l'unanimité.

    L'étude portera alors sur une critique de la notion d'intérêt général en tentant de comprendre en quoi ce dernier peut-il se présenter comme l'intérêt d'une classe au détriment d'une autre.

    9

    10

    INTRODUCTION

    L'article 28 de la loi relative au développement et la modernisation des services touristiques dispose que « les enceintes sportives figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé des sports, destinées à permettre l'organisation en France d'une compétition sportive internationale (...), ainsi que les équipements connexes permettant le fonctionnement de ces enceintes, sont déclarés d'intérêt général, quelle que soit la propriété privée ou publique de ces installations, après avis de l'ensemble des conseils municipaux des communes riveraines directement impactées par leur construction »1.

    Si mon étude aurait pu s'arrêter à la simple confirmation de l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique, les définitions multiples que revêt cette notion m'ont poussé à questionner ce concept de manière plus profonde.

    L'intérêt général comme notion abstraite

    L'intérêt général est un concept relativement complexe. Dans son étude, Sylvie Trosa a défini l'intérêt général comme étant « un processus descendant à partir des objectifs nationaux »2. Aussi, en 1999, le Conseil d'Etat a, dans un rapport public, défini l'intérêt général comme « la capacité des individus à transcender leurs appartenances et leurs intérêts pour exercer la suprême liberté de former ensemble une société politique »3.

    Concept ancien autrefois analysé par Saint Thomas d'Aquin dans une analogie théologico-politique du « Bien commun »4, l'intérêt général se concevait alors comme la paix résultant de la sociabilisation de l'Homme - à laquelle est opposée la recherche de son intérêt personnel. Alors que la notion - qui est une particularité française - est historiquement imputable au droit administratif et s'est diffusée en France pendant la période révolutionnaire, sa définition est restée, au fil des siècles, particulièrement discutée.

    1 Article 28 - Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.

    2 Trosa, Sylvie. « L'intérêt général : une réalité introuvable ? », Gestion & Finances Publiques, vol. 3, no. 3, 2017, pp. 82-87.

    3 Rapport public du Conseil d'Etat, 1999, Considérations générales : Réflexion sur l'intérêt général (EDCE n°50), 1999.

    4 Barlier, Antoine. « Thomas d'Aquin et l'analogie théologico-politique du bien commun », Transversalités, vol. 138, no. 3, 2016, pp. 13-31.

    11

    Si David Truchet - agrégé de droit public - affirme qu'à sa connaissance, « personne n'y est jamais parvenu »5, ce dernier précise toutefois que deux éléments tendent à nous aider à concevoir la notion d'intérêt général. Premièrement, la qualification juridique, dans laquelle l'objet étudié entre, soit, dans la catégorie juridique d'intérêt général, soit, en est refusé.

    Secondement, la qualification sociologique, dans laquelle l'objet étudié est perçu comme une réponse à un besoin de la population.

    C'est le débat autour de la qualification de l'intérêt général qui m'a poussé à étudier la question de l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique, à travers une analyse portant sur la complétude de l'échangeur Pleyel à Saint-Denis. En effet, s'il est difficile de contester juridiquement la qualité d'intérêt général de ces opérations d'aménagement, il n'en demeure pas moins possible de la questionner en partant d'une part, sur une critique sémantique de la notion, puis, d'autre part, sur une critique sociologique.

    Effectivement, deux conceptions divergentes de l'intérêt général sont nées des débats tentant d'en faire émerger une définition. Premièrement, la conception utilitariste de l'intérêt général, qui conçoit l'intérêt général comme « (...) la somme des intérêts particuliers, laquelle se déduit spontanément de la recherche de leur utilité par les agents économiques »6 . C'est ainsi que l'on comprend que l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique repose, comme je le démontrerai plus tard, sur l'insertion de ces dernières au sein d'un processus qui soulève des intérêts économiques. Toutefois, la conception utilitariste, en justifiant l'intérêt général par un motif essentiellement économique, crée alors « une méfiance de principe envers l'Etat ». C'est de cette méfiance que découle l'analyse marxiste de l'intérêt général comme « l'intérêt de la classe dominante » 7, et de laquelle partira ma réflexion sur l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique.

    La seconde conception de l'intérêt général est la conception d'essence volontariste. Cette conception soulève l'incapacité à fonder une société durable qui reposerait sur des intérêts économiques. Dans cette logique - qui se rapproche de « la conception rousseauiste »8 de l'intérêt général -, la mission de l'Etat serait d'assurer l'expression de la volonté générale, par le dépassement - obligatoire et coercitif - de l'intérêt particulier.

    5 Truchet, Didier. « La notion d'intérêt général : le point de vue d'un professeur de droit », LEGICOM, vol. 58, no. 1, 2017, pp. 5-11.

    6 « L'intérêt général, instrument efficace de protection des droits fondamentaux ? » Conseil constitutionnel, www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/l-interet-general-instrument-efficac e-de-protection-des-droits-fondamentaux. Consulté le 12 juin 2022.

    7 Stéphanie ROZA, « Intérêt général, intérêt de classe, intérêt humain chez le jeune Marx », Astérion [En ligne], 17 | 2017, mis en ligne le 20 novembre 2017, consulté le 12 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/asterion/3057.

    8 Rousseau, Jean-Jacques, and Edmond-Paul Dreyfus-Brisac. Du contrat social. Alcan, 1896.

    12

    Toutefois, le dépassement de l'intérêt particulier est-il nécessairement justifié par une perspective économique de l'intérêt général ? C'est ce à quoi je tenterai de répondre au fil de mon analyse.

    Retour historique sur la problématique du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel

    Alors que le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel vient répondre à certain nombre de besoins, notamment à « (...) améliorer la desserte du quartier Pleyel » et les « conditions de circulation »9, et en dépit de son insertion au sein d'un processus de développement urbain post-olympique, son caractère de projet « pour le bien public »10 est largement remis en cause. Pour cause, le projet entend se déployer près d'une école - le groupe scolaire Anatole France - dans un quartier dans lequel les niveaux de pollution en NO2 - dioxyde d'azote - sont près cinq fois supérieurs aux seuils de l'OMS.

    Figure 1 - Carte de l'emplacement du groupe scolaire Anatole France entre le Boulevard de
    la Libération, l'A86 et le Boulevard Anatole France

    9 Entretien avec la Maire de Saint-Denis, réalisé le 21 mars 2022.

    10 Dans son rapport de 1999, le Conseil d'Etat fait part d'une action étatique pour le bien public. Le bien public renvoie ici aux besoins de la société politique.

    13

    Source : Comité de vigilance JO 2024 (2019)

    C'est en 2017 - du 20 novembre au 22 décembre - que débutent les premières concertations entre la Direction Interdépartementale des Routes d'Ile-de-France (DiRIF) - qui porte le projet d'aménagement de l'échangeur Pleyel - et le public dionysien, dans l'idée de recueillir des avis et des propositions devant faire émerger un projet qui satisfasse toutes les parties.

    Toutefois, malgré le prolongement des concertations, aucun accord ne parvient à être trouvé et une autorisation de travaux - par laquelle est déclaré le caractère d'intérêt général des opérations d'aménagement du système échangeur de Pleyel - est soumise par le préfet de la région Ile-de-France le 22 novembre 2019.

    Le 22 janvier 2020, un recours en justice est déposé devant de la Cour Administrative d'Appel de Paris par Géo Avocats - un groupe d'avocats spécialisés dans le droit environnemental - à l'initiative du FCPE Pleyel et de certains élus locaux pour contester l'intérêt général du projet d'aménagement du système échangeur de Pleyel. Si en effet, le 5 mai 2020, la CAAP rend sa décision et suspend l'arrêté préfectoral, notamment au motif d'une irrégularité de la concertation publique, le 22 octobre 2020, la Cour Administrative d'Appel de Paris rejette définitivement le recours et confirme « l'intérêt général des échangeurs Pleyel et Porte de Paris des autoroutes A86 et A1 au niveau de la commune de Saint-Denis »11.

    Cette décision de la CAAP pose un certain nombre de questions. Premièrement, parce que le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel avait été soumis à l'avis de l'Autorité environnementale qui avait rendu sa décision le 23 janvier 2019. Alors, plusieurs éléments avaient été notifiés par l'Ae, notamment des cas d'incohérences « (...) dans les données utilisées par les différentes études dont l'étude d'impact fait état, en particulier les données de trafic », ou encore « (...) entre les objectifs affichés par le projet et le projet lui-même »12. L'avis de l'Ae avait alors appuyé l'argumentaire en défaveur de l'intérêt général et le juge des fédérées avait estimé que d'une part les « (...) arguments étaient de nature à remettre en cause l'intérêt général du projet » et d'autre part, que « (...) les inconvénients du projet, notamment d'un point de vue sanitaire, étaient supérieurs à ses avantages ».

    Pourtant, malgré ces évidences, par son rejet définitif du recours, la CAAP « (...) a estimé que les inconvénients résultant du projet, bien que non contestés, ne remettaient pas en cause

    11 Décision n°20PA00219 du 22 octobre 2020 de la Cour administrative d'appel de Paris.

    12 Avis n°2019-N06 du 23 janvier 2019 de l'Autorité environnementale sur les projets d'infrastructures de transport routier.

    14

    l'intérêt général du projet compte tenu de « ces avantages socio-économiques» », et que plus encore, malgré les « (...) les effets « incertains » des mesures prévues pour limiter les impacts sanitaires du projet, (...) l'intérêt de l'opération, notamment pour l'organisation des JO, prévalait »13.

    De fait, la décision de la CAAP met en exergue le problème soulevé plus tôt concernant les multiples conceptions imputées à l'intérêt général. Le cas de la complétude du système d'échangeur Pleyel s'insère dans une conception utilitariste de l'intérêt général parce qu'il fait reposer l'intérêt général de l'opération d'aménagement sur des perspectives économiques visant à faire du quartier Pleyel un « (...) noeud de communication avec le lien aux lignes 13, 14, 15, 16 du Grand Paris Express », ou encore un quartier « (...) attractif, mais aussi très facile d'accès »14.

    Aussi, deux choses sont à noter. En premier lieu, le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel est cité dans un rapport de l'UNICEF concernant l'impact de la pauvreté sur l'exposition à un air pollué15. Ensuite, le fait que le projet soit « (...) porté par une délégation ministérielle »16, pourrait contribuer, conformément à la pensée marxienne de l'intérêt général, à créer d'une part, une méfiance vis-à-vis de l'administration étatique, mais aussi, d'autre part, à penser le projet d'aménagement du système Pleyel, conformément au rapport de l'UNICEF, comme l'intérêt d'un groupe au détriment d'un autre.

    Définition des opérations d'aménagement olympique

    Les opérations d'aménagement olympique sont l'ensemble des procédures de transformations urbaines amenant à la construction d'infrastructures olympiques ou à la restructuration du paysage urbain dans une logique olympique. L'article 28 de la loi sur le développement et la modernisation des services touristiques les présente comme étant les « (...) ouvrages et équipements nécessaires au fonctionnement et à la desserte des installations (...) ».

    Dans la littérature, ces opérations d'aménagement olympique sont communément définies en tant que « rénovation de l'espace urbain » et leurs études tendent principalement, soit, à analyser des phénomènes - tels que les régulations urbaines de population ou les dégradations environnementales - résultant de leurs constructions, soit, à comprendre les logiques relatives

    13 Entretien écrit avec Géo Avocats, réalisé le 3 mai 2022.

    14 Entretien avec la Mairie de Saint-Denis, réalisé le 21 mars 2022.

    15 En 2021, l'UNICEF et le Réseau Action Climat ont coécrit un rapport sur l'exposition des enfants pauvres à un air pollué.

    16 Entretien avec la Mairie de Saint-Denis, réalisé le 21 mars 2022.

    15

    à leur insertion dans un processus post-olympique souvent conceptualisé à travers la notion « d'héritages olympiques ».

    Toutefois, de manière générale, la question de l'héritage olympique renvoie davantage aux infrastructures sportives qu'aux équipements nécessaires à leur fonctionnement et à leur desserte.

    Thomas Maloutas et Nicos Souliotis se sont penchés sur la question de cet « héritage olympique» en prenant comme cas d'étude les Jeux Olympiques d'Athènes en 200417. Si les JO d'Athènes ont été perçus, préalablement, comme l'occasion d'offrir à la Grèce une forte visibilité, le lendemain des Jeux a aussi été l'occasion de revenir sur « l'absence de réflexion sérieuse » concernant l'exploitation future des aménagements olympiques. La Grèce a alors été confrontée à un échec de sa stratégie politico-économique, couronnée par la privatisation de certaines infrastructures olympiques et par l'abandon entier de deux d'entre elles.

    Claudio Zanotelli, quant à lui, s'est intéressé à l'éviction des populations les moins favorisés suite aux Jeux Olympiques de Rio en 201618. Son étude est intéressante dans sa manière de faire émerger le concept de « politique de l'espace », par lequel il est possible d'observer les rapports inégaux en matière de « droit à la ville »19. Ainsi, l'étude de Claudio Zanotelli nous invite à comprendre comment les projets d'Etat, bien que porteur d'un intérêt général, tendent à exclure les populations les moins favorisés, non seulement par leur éviction géographique, mais aussi à travers la minoration de leur voix au sein des concertations publiques précédant l'amorçage des opérations d'aménagement.

    Dès lors, le questionnement de l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique se trouve à la jonction entre une réflexion portant d'une part, sur les opérations d'aménagement comme besoin du public, et d'autre part, sur le public visé par ces opérations d'aménagement d'intérêt général.

    L'objectif de ce mémoire est de parvenir à comprendre, à travers l'étude du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel, dans quelle mesure le caractère d'intérêt

    17 Souliotis, Nicos, and Thomas Maloutas. "Jeux olympiques d'Athènes: quel héritage après dix ans de crise?.".

    18 Zanotelli, Cláudio. "L'espace du politique ou la politique de l'espace: l'éviction des quartiers populaires et les Jeux olympiques de Rio de Janeiro." EchoGéo 41 (2017).

    19 Le droit à la ville est une notion développée par Henri Lefebvre. La notion renvoie à l'idée de la ville comme bien commun à tous les habitants.

    16

    général des opérations d'aménagement olympique peut-il être critiqué à travers une lecture marxienne de l'intérêt général en tant qu'intérêt de classe.

    Pour ce faire, j'ai décidé d'utiliser la méthode qualitative pour différentes raisons. En premier lieu, parce que comme présenté par Laurence Kohn et Wendy Christiaens, la méthode qualitative permet d'étudier la réalité sociale de manière objective via « des processus subjectifs actifs »20. Ensuite, parce que l'analyse et la compréhension des différents concepts soulevés plus tôt dans l'introduction n'a été rendue possible que grâce à la collecte d'informations et grâce aux différents entretiens menés auprès de la DIRIF, de la Mairie de Saint-Denis et de Géo Avocats.

    Le premier chapitre de ma réflexion fondera les bases de mon étude. Il commencera par une analyse portant sur la notion de l'intérêt général, en opérant d'abord un retour historique sur sa construction, puis sur sa consécration comme fondement du droit public français.

    Ensuite, je tenterai d'expliquer comment les politiques publiques françaises ont consacré l'intérêt général des infrastructures sportives, ainsi que les équipements nécessaires à leur fonctionnement, par une légitimation du sport.

    Le dernier point de ce premier chapitre étudiera comment la perspective économique des Jeux Olympiques fonde l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique, notamment par l'insertion du système d'échangeur Pleyel au sein du projet du Grand Paris.

    Le deuxième chapitre de ce mémoire visera à interroger la question de l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique. Il s'attardera à critiquer le caractère d'intérêt général de l'opération d'aménagement du système d'échangeur Pleyel à travers une lecture essentiellement marxienne. Je commencerai ainsi par interroger, grâce à une lecture marxienne de l'intérêt général, la légitimité de l'action publique.

    Ensuite, dans un deuxième point, je tenterai d'expliquer en quoi l'intérêt général de la complétude de l'échangeur Pleyel - sous-entendu l'insertion du projet d'aménagement dans un processus post-olympique - peut-il être contesté par les contraintes imposées par les limites de la rationalité.

    Enfin, le dernier volet du deuxième chapitre portera sur une analyse de la difficile conciliation des intérêts soulevés par le projet d'aménagement de l'échangeur Pleyel.

    20 Kohn, Laurence, and Wendy Christiaens. "Les méthodes de recherches qualitatives dans la recherche en soins de santé: apports et croyances." Reflets et perspectives de la vie économique 53.4 (2014): 67-82.

    17

    Le dernier chapitre du mémoire constituera un dépassement des deux problématiques sur lesquelles nous nous serons penchés préalablement. Je tenterai de présenter en quoi la complétude de l'échangeur Pleyel est-elle un exemple de la territorialisation de l'intérêt général.

    Puis, j'essaierai d'analyser comment une opposition entre différentes revendications tend à faire émerger un intérêt général local initié par les tentatives de décentralisation amorcées par l'Etat.

    Enfin, l'étude sera donnée à l'analyse d'un nouvel intérêt général : l'intérêt général individuel, phénomène reposant sur l'expérience personnelle des individus comme d'un instrument de délégitimation de l'intérêt général.

    18

    CHAPITRE 1 : L'ÉCHANGEUR PLEYEL OU LES OPÉRATIONS D'AMÉNAGEMENT OLYMPIQUE COMME CONCEPTION UTILITARISTE DE L'INTÉRÊT GÉNÉRAL

    19

    Le premier chapitre de mon mémoire constitue la base de ma réflexion. Il vise à nous permettre de comprendre en quoi l'histoire particulière de la construction de la notion d'intérêt général rend cette dernière à la fois incertaine et imprécise.

    Nous allons voir ici comment la période révolutionnaire a façonné l'intérêt général jusqu'à en faire un fondement du droit français.

    Ensuite, nous observerons comment l'amorce du processus de légitimation du sport au début du XXe siècle a non seulement permis de construire l'identité du sport autour de l'intérêt général, mais aussi de construire ses représentations - notamment les évènements sportifs - et les moyens par lesquels ces dernières s'accomplissent, autour de ce même concept.

    Enfin, l'établissement de cette base de réflexion nous amènera à comprendre comment la conception utilitariste des Jeux Olympiques vient conforter le caractère d'intérêt général du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel.

    20

    Partie 1 : A la recherche de l'intérêt général

    Section 1 : Du bien commun à l'intérêt général : histoire de l'intérêt général

    L'émergence de l'intérêt général au XVIIIe siècle

    Comme énoncé plus tôt dans l'introduction, l'intérêt général demeure un concept abstrait, ancien, et parfois contesté. Vera Bolgar dira que de « tous les les concepts sociaux, celui d'intérêt général est l'un des plus anciens, des moins précis, et de ceux qui se laissent le moins aisément définir »21.

    Si aujourd'hui l'intérêt général renvoie à l'intérêt du peuple, la notion n'a, elle, pas toujours revêtie cette définition, et a été façonnée par son temps et par les différents auteurs de tradition, libérale, égalitariste ou républicaine qui ont tenté de la saisir.

    La notion d'intérêt général apparaît au XVIIIe siècle - bien qu'existante, par exemple, sous l'appellation de « commun profit »22 depuis le Moyen-Âge - en se substituant à la notion de bien commun. Si le bien commun, comme défini par Saint Thomas d'Aquin, représentait la propension naturelle de la Création à tendre vers le Bien, qui est Dieu; l'intérêt général vient, quant à lui, désigner, conformément à la pensée Rousseauiste, l'intérêt d'une nation qui « transcende celui de ses membres ». Mais la désignation de l'intérêt général ne revient pas de manière récurrente dans le Contrat Social de Rousseau. Bien au contraire, cette dernière est souvent remplacée par le concept de « volonté générale », qui, lui, renvoie à la somme de la volonté de tous les individus.

    Parfois définie en tant que volonté générale, intérêt public, ou encore bien commun, la question de l'intérêt général va peu à peu irriguer le milieu des penseurs politiques avant de connaître un essor majeur sous la Révolution française. Il va devenir un point de divergence entre les monarchistes et les défenseurs de la République, partisans d'une égalisation des conditions. Le concept, bien que contesté et parfois incertain, revêt une fonction majeure dans l'élaboration d'une rhétorique révolutionnaire. Il va endosser un rôle critique par la dénonciation de la noblesse comme d'une altératrice de l'intérêt général à des fins personnelles, et vient aussi redéfinir la conception usuelle de l'Etat. L'Etat, qui était jusque-là l'expression de l'ordre militaire, va devenir l'incarnation de l'intérêt du peuple, et

    21 Bolgar, Vera. "L'Intérêt général dans la théorie et dans la pratique." Revue internationale de droit comparé 17.2 (1965): 329-363.

    22 Le commun profit était autrefois la conception royale du bien commun, principalement entre le XIIIe et XVIIIe siècle.

    21

    l'avènement du peuple en tant que personne politique va alors consacrer le concept de l'intérêt général.

    L'intérêt général vient ainsi poser les fondements de l'Etat moderne ; l'idée d'un État caractérisant le « peuple en corps » dont le pouvoir et la légitimité reposent sur le dépassement de la « pure considération des intérêts d'ordres ou de corporations »23.

    Définition et redéfinition de l'intérêt général

    Ce que nous expliquent Pierre Crétois et Stéphanie Roza, c'est que l'intérêt général a pendant très longtemps été un outil de contournement des difficultés liées à la conceptualisation de la formation de la volonté générale. En effet, l'usage de l'intérêt général a constitué un moyen de mettre en perspective l'idée qu'il existe un intérêt impartial et neutre - qui est l'expression du peuple tout entier - sans avoir à représenter cet intérêt de manière concrète. Ainsi, dans un contexte révolutionnaire, l'intérêt général reposait sur l'idée d'un « accord substantiel du peuple » pour un renouvellement de la société, chose que critiquera par la suite Proudhon en dénonçant la « fausse unité »24.

    Les auteurs tendent aussi à démontrer comment le concept s'est construit par le débat constant. C'est ainsi qu'au-delà de renvoyer à un réalité sociale ou à un concept juridique précis, l'intérêt général renvoyait en premier lieu à une position philosophico-politique dont la mission portait sur une critique de l'ordre social. Derrière la désignation de l'intérêt général reposait d'abord le projet d'une nouvelle société fondée sur une reconception de l'Homme et de ses droits.

    C'est d'ailleurs cette idée que présente Florence Perrin dans son ouvrage L'intérêt général et le libéralisme politique. Selon elle, l'émergence d'une pensée libérale a conduit à la reformulation de l'intérêt général à partir des droits et des intérêts particuliers. Mais cette redéfinition se détache de la conception rousseauiste faisant de l'intérêt général - présenté en tant que volonté générale - la somme des volontés des individus. Parce qu'en effet, alors que la volonté générale chez Rousseau soulève l'idée d'une société qui se serait mise d'accord pour que la volonté de tous soit la volonté de chacun, Florence Perrin nous invite, elle, à questionner la formation de la volonté générale non pas comme un consensus, mais plutôt

    23 Pierre CRÉTOIS et Stéphanie ROZA, « De l'intérêt général : introduction », Astérion [En ligne], 17 | 2017, mis en ligne le 20 novembre 2017, consulté le 12 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/asterion/2996.

    24 Proudhon estimait que l'unité de l'ordre social était un mythe servant à justifier l'autorité hétéronome de l'Etat.

    22

    comme la convergence conflictuelle, mais nécessaire, des intérêts particuliers pour créer l'intérêt commun.

    De l'intérêt général à l'intérêt des classes : courte introduction à la définition marxienne de l'intérêt générale

    Plusieurs interprétations de l'intérêt général ont conduit à repenser le rôle prétendu de l'Etat comme celui d'une entité assurant la primauté de l'intérêt collectif sur l'intérêt particulier. En effet, la pensée proudhonienne reposant sur le fédéralisme intégrale25 - bien que la notion d'intérêt général n'y soit explicitement présentée - conçoit l'intérêt général comme décentralisée d'un État, qui, lui, serait à l'origine d'un ordre social établi.

    Dans Intérêt général, intérêt de classe, intérêt humain chez le jeune Marx, Stéphanie Roza explique comment une lecture classique de Marx tend à délégitimer le rôle de l'Etat dans sa mission de convergence des intérêts particuliers vers un intérêt général. Chez Marx, l'intérêt général est indissociable de l'intérêt du prolétariat. Toutefois, la pensée marxienne définit l'intérêt général comme un intérêt ayant été accaparé par une classe dominante, et qui serait porté par une entité faussement fédératrice et convergente que serait l'État.

    La définition marxienne de l'intérêt général diffère très largement des définitions qui lui ont été imputées plus tôt dans l'histoire, parce qu'en effet, si précédemment l'intérêt général était conçu comme l'intérêt de tous, chez Marx, l'intérêt général représente avant tout un concept visant à mettre en évidence le conflit des classes. Aussi, l'intérêt général a de si particulier que c'est un concept français n'ayant pas d'équivalent en allemand. De fait, si le nom de Marx sonne comme un questionnement visant à comprendre comment se présente l'intérêt d'une classe au détriment d'une autre, toute la difficulté de l'analyse des ses travaux résidait dans la capacité à faire émerger la notion d'intérêt général au sein de son oeuvre.

    L'intérêt général, qui a participé à faire émerger une rhétorique révolutionnaire, à inspiré les auteurs de la Révolution qui auront eux-mêmes insufflé leurs idées au sein de la pensée de Karl Marx. Dès lors, si pendant son séjour en France Karl Marx s'inspire des grands historiens français pour conceptualiser sa théorie de la lutte des classes, son oeil se porte particulièrement sur l'émergence d'une bourgeoisie qui est celle de « (...) l'intérêt particulier

    25 Dans la pensée proudhonienne, le fédéralisme intégral est perçu comme la réalisation du principe de souveraineté populaire.

    23

    en opposition à l'universel » et qui aspire à promouvoir par la défense de chaque individu ses propres intérêts.

    La définition marxienne de l'intérêt général constitue alors une nouvelle manière de penser l'intérêt général. Elle entend non seulement critiquer la légitimité de l'Etat - et son appareil juridique qui produit la loi et son interprétation de l'intérêt général - en tant qu'institution prétendument convergente, mais aussi contester la légitimité de son action - publique.

    Section 2 : L'intérêt général : la légitimité comme fondement de l'action publique

    Légitimité et autorité

    Si la légitimité se conçoit comme la capacité d'une personne ou d'un groupe à asseoir sa domination sur une communauté ou sur une société, elle constitue par ailleurs le fondement de l'action publique effectuée au nom d'une entité plus large que l'individu lui-même.

    Max Weber explique, dans Les trois types purs de la domination légitime, que non seulement la légitimité du pouvoir repose sur la raison, mais aussi que l'individu n'accepte de soumettre à l'autorité que parce qu'il la juge conforme à son intérêt et à l'intérêt du collectif.

    Le concept d'intérêt général se détache par son ambivalence et par sa faculté à saisir à la fois la politique mais aussi le droit. Politiquement parlant, l'intérêt général entend, selon Guillaume Merland, « (...) renforcer le sentiment d'unité entre des membres de la société »26. D'un point de vue juridique, il légitime l'action des pouvoirs publics menés au nom d'un intérêt qui dépasserait celui du simple citoyen.

    Devenu partie prenante du discours des gouvernants, l'intérêt général constitue le moyen par lequel ces derniers tentent d'asseoir leur autorité. Le droit administratif, qui a fait de l'administration l'instrument d'expression de l'intérêt général - par son action, a consacré l'intérêt général non seulement comme le « but de l'action de l'administration », mais aussi comme « sa limite »27.

    L'intérêt général revêt alors deux missions dans le contrôle de légalité. Premièrement, un contrôle de l'administration : il entend contrôler la légalité des actions effectuées en son nom.

    26 Merland, Guillaume. L'intérêt général dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Vol. 121. LGDJ, 2004.

    27 « L'intérêt général, instrument efficace de protection des droits fondamentaux ? » Conseil constitutionnel, www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/l-interet-general-instrument-efficac e-de-protection-des-droits-fondamentaux. Consulté le 12 juin 2022.

    24

    Secondement, il constitue la base de la légitimité de l'action administrative qui restreint les droits et libertés si l'intérêt général le justifie : c'est le dépassement de l'intérêt particulier. Instauré depuis deux siècles au sein de la pensée politique et juridique française, l'intérêt général est alors défini par le Conseil d'Etat comme la « finalité ultime de l'action publique

    ».

    Vers une nouvelle redéfinition de la légitimité

    Brigitte Bouquet nous explique, dans La légitimité en questions, que l'avènement de l'Etat de droit et l'émergence des démocraties modernes ont nécessité l'imposition d'une légitimité venant compléter la légalité. Alors que Brigitte Bouquet définit la légalité comme étant la conformité d'une action à la loi, sa définition de la légitimité diffère de la conception wébérienne de cette dernière. En effet, chez Bouquet, la légitimité revêt une définition davantage rousseauiste que weberienne, puisqu'elle se présente comme la conformité d'une action aux lois écrites « (...) par les représentants du peuple, votant en son nom, selon le principe de démocratie ». Ainsi, l'intérêt général, en tant qu'outil de l'action publique mais aussi comme finalité de cette dernière, oriente l'action collective. L'action collective, motivée par l'intérêt général, est alors légitime pour deux raisons. Premièrement, parce qu'elle est le fruit d'une coproduction entre les gouvernants et les gouvernés : l'élaboration de l'action publique se fait conformément aux revendications spécifiques des différentes parties. Ensuite, l'action publique, parce qu'étant finalité de l'intérêt général, est consentie et approuvée par la communauté. C'est ainsi dire qu'il ne saurait exister d'action publique sans légitimité.

    L'intérêt général étudié sous le prisme de la domination rationnelle légale

    Patrick Duran indique que le développement d'une sociologie politique de l'action a conduit à une meilleure compréhension du pouvoir politique28. Si effectivement les réflexions autour du pouvoir nous invite à analyser les rapports de domination entre l'autorité, qui dispose du pouvoir, et le gouverné, qui est se meut sous la contrainte du pouvoir ; la conception

    28 Sylvie Biarez, « Patrice Duran, Penser l'action publique », Sociologie du travail [En ligne], Vol. 43 - n° 2 | Avril-Juin 2001, mis en ligne le 14 juin 2001, consulté le 12 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/sdt/34962.

    25

    wébérienne du pouvoir soulève l'idée d'une légitimité du pouvoir assise sur la « réalité de sa puissance »29.

    Si chez Weber la domination rationnelle légale - qui fait partie des trois types de domination légitime - renvoie à la croyance de la légitimité du droit et des ses règles, plusieurs éléments contribuent à rendre cette conception pour le moins intéressante.

    Premièrement, parce que le développement de la domination rationnelle légale s'est opéré dans les sociétés occidentales au moment de la rationalisation de ces dernières. Cette rationalisation des sociétés occidentales - principalement européennes - est alors ce que nous avons présenté plus tôt comme l'avènement de l'Etat moderne de droit. Dès lors, l'on peut comprendre que la rationalisation des sociétés occidentales a consacré l'intérêt général comme l'outil rationnel et légitime d'expression de la puissance publique au nom du collectif. Mais si finalement la pensée wébérienne est si particulière, c'est parce qu'elle fonde la légitimité sur la croyance. La croyance, par les gouvernés - ici les individus de la société politique - en une administration bureaucratique légale - donc reposant sur leur propre consentement conformément au Contrat Social - et agissant de manière rationnelle en dépassant les aspirations particulières des individus dans un but commun : l'intérêt général.

    Partie 2 : La légitimation des opérations d'aménagement olympique : des Jeux
    Olympiques d'intérêt général à des opérations d'aménagement d'intérêt général

    Section 1 : La conception française du caractère d'intérêt général des événements sportifs : Les Jeux Olympiques comme événements « d'ampleur exceptionnelle »

    Le caractère d'intérêt général du sport en France

    En France, l'intérêt général du sport est présenté dans diverses lois qui lui sont relatives. Selon la loi du 4 mars 2022 relative à l'organisation des activités physiques et sportives30, le « (...) développement du sport pour tous et le soutien aux sportifs de haut niveau et aux équipes de France dans les compétitions internationales sont d'intérêt général ».

    29 Weber, Max. « Les trois types purs de la domination légitime (Traduction d'Elisabeth Kauffmann) », Sociologie, vol. 5, no. 3, 2014, pp. 291-302.

    30 Article 7 - Loi n°2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.

    26

    Comme expliqué par Jean-Paul Callède, la France a été marquée par le dessin d'une trajectoire des politiques sportives visant à ériger un « modèle singulier »31 reposant sur l'uniformisation des logiques cognitives et des expériences culturelles. Sous la Vème République, la notion d'intérêt général du sport s'est construite autour de la fonction de l'Etat, alors même que ce dernier amorçait une délégation de ses missions de service public aux « instances fédérales du Mouvement sportifpréalablement agréées ». C'est ainsi qu'en France, la particularité du sport repose sur le rapport entretenu entre le sport et la puissance publique.

    Si effectivement Badie et Birnbaum nous indique que l'État n'a cessé, au fil du temps, d'asseoir son contrôle sur la société civile en développant une administration touchant à « toutes les périphéries »32, on comprend que la qualification du sport comme d'intérêt général résulte d'une saisie par l'Etat - dès le début du XXè siècle - de la question du sport dans la société.

    L'analyse de Jean-Paul Callède permet de comprendre comment s'est opérée la construction historique du sport en tant qu'intérêt général en France. En effet, les prestations décevantes des français lors des JO de Stockholm - en 1912 - ont soulevé la question d'une intervention de l'Etat dans le sport. Alors que les événements sportifs internationaux émergent et se multiplient dès la fin du XIXè siècle - comme les JO d'Athènes en 1896 -, le sport devient un engagement du prestige de la nation. Au lendemain du revers subi aux JO de Stockholm, Georges Rozet - journaliste agrégé de l'Université - affirme que « (...) désormais la valeur sportive d'une nation ajoutera, d'une façon qui n'est point négligeable, à ses autres prestiges, à sa valeur sociale proprement dite ».

    Dès lors, les pouvoirs publics vont donner au sport une attention particulière, et les années 1920 vont voir se multiplier les compétitions sportives.

    Si pendant longtemps la dimension éducative du sport est discutée par les enseignants, la période qui suit la Première Guerre Mondiale voit le sport se détacher du ministère de la Guerre pour se rattacher, en premier lieu, au ministère de l'Instruction publique, puis ensuite, au ministère de la Santé. Un questionnement se pose sur le statut ministériel du sport ainsi que sur sa légitimité. Finalement, en dix ans, le sport est investi d'une légitimité publique

    31 Callède, Jean-Paul. "Les politiques du sport en France." L'Année sociologique 52.2 (2002): 437-457.

    32 Coutau-Bégarie, Hervé. "Bertrand Badie et Pierre Birnbaum. Sociologie de l'Etat." Politique étrangère 48.3 (1983): 765-766.

    27

    résultant du travail conjoint entre Henry Paté - sous secrétaire d'Etat à l'Education physique - et les parlementaires. En effet, c'est dès 1929 que se décide l'augmentation du budget alloué au sport - bien qu'il eût déjà été le premier budget de l'éducation - ainsi que l'augmentation des effectifs.

    Aujourd'hui, la loi consacre l'intérêt général du sport pour plusieurs raisons. Premièrement, parce que le sport « participe à la réalisation des objectifs de développement durable »33. Et Deuxièmement, parce que le sport est facteur « d'intégration sociale» et parce qu'il tend à créer une solidarité citoyenne indépendant du sexe, de la condition sociale ou des opinions politiques.

    L'intérêt général des événements sportifs : le cas des Jeux Olympiques de Paris en 2024

    Aujourd'hui, accueillir un événement sportif constitue une opportunité économique non négligeable pour bon nombre de villes. Selon Célestin Merlin, ces évènements sont aussi un moyen de « prendre une avantage décisif sur des villes concurrentes »34. Cette idée rejoint alors l'idée soulevée plus tôt du sport comme l'engagement du prestige de la nation.

    Aussi, les retombées économiques attendues et les perspectives de transformations du paysage urbain s'insèrent au sein du discours de légitimation des JO en tant qu'événement - sportif - d'intérêt général.

    Alors qu'en 1984 les JO de Los Angeles avait permis de générer un bénéfice d'environ 232 millions de dollars, il semblerait alors que les enjeux socio-économiques soulevés par les JO aient conforté la volonté d'organisation des villes candidates.

    En 2018, un projet de loi relatif à l'organisation des Jeux Olympiques de 2024 avait fait état des Jeux Olympiques de Paris comme de l'événement sportif « le plus important jamais organisé en France »35. Si effectivement ce projet de loi présentait l'aspect victorieux de l'organisation d'un événement sportif d'une « telle ampleur », il n'a cependant pas manqué d'affirmer que cette organisation incombe « une grande responsabilité ».

    33 Article 7 - Loi n°2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.

    34 Merlin, Célestin, and Nathalie Gilson. "L'impact sur l'économie domestique de l'organisation de grands événements sportifs: le cas des Jeux Olympiques.".

    35 LOI n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

    28

    Alors que Thomas Junod nous invite à relativiser l'intérêt général des JO - notamment fondé sur un bilan financier parfois surévalué36 -, le projet de loi relatif à l'organisation des Jeux Olympiques de 2024 expose en quoi les JO de Paris de 2024 constitue un « événement d'ampleur exceptionnelle ».

    En effet, 11 millions de spectateurs sont attendus. A titre de comparaison, c'est près de 5 fois le nombre de spectateurs ayant assisté à l'Euro 2016 de football. Plus encore, l'argument économique est largement évoqué. Si le coût des JO est évalué à 6.7 milliards d'euros - 3.7 milliards pour l'organisation et 3 milliards pour la confection des infrastructures -, les organisateurs estiment que les JO - dans le meilleur des scénarios - pourraient générer près de 10.6 milliards d'euros et créer 250 000 emplois pérennes d'ici 2034.

    Figure 2 - Estimation de l'impact économique des JO de Paris en milliard pour la période

    2017 à 2034

    Source : static.cnews (2018)

    Les JO ne s'affichent pas seulement comme une fenêtre d'exposition pour la ville de Paris, ils viennent aussi s'affirmer comme les initiateurs d'une transformation urbaine.

    36 Junod, Thomas. "Grands événements sportifs: des impacts multiples." Finance Bien Commun 1 (2007): 92-98.

    29

    En effet, alors que les JO de Paris sont un moyen pour la capitale française de se montrer sur la scène internationale, le projet de loi relatif à l'organisation des Jeux Olympiques de 2024 entend faire de la Seine-Saint-Denis le territoire majeur de ces Jeux Olympiques. Outre le village des athlètes situé à Saint-Ouen et le centre aquatique à Saint-Denis, ce sont près de 100 000 m2 de bureaux et 20 000 m2 de commerces qui vont s'y implanter.

    Cette transformation urbaine repose alors en premier lieu sur des motifs économiques. C'est d'ailleurs ce qu'explique Patrice Bouvet, qui affirme que les arguments avancés par les organisateurs des événements sportifs sont essentiellement économiques. C'est ainsi qu'apprécier « (...) l'impact économique de ces événements est présenté comme une nécessité absolue » puisque que l'argument économique - sur lequel repose l'intérêt général dans sa conception utilitariste -, « (...) permet de construire la légitimité de telles opérations »37.

    Section 2 : L'intérêt général des projets d'aménagement olympique comme reconnaissance de la portée publique des enceintes sportives

    De la légitimité du sport à l'intérêt général des infrastructures sportives

    L'intérêt général des projets d'aménagement olympique provient de cette longue histoire ayant conduit la puissance publique française a consacré l'intérêt général du sport. En effet, c'est par la construction de la légitimité du sport que les moyens de son exercice - donc des opérations d'aménagement nécessaires à la tenue d'événements sportifs - ont aussi été consacrés comme étant légitimes et d'intérêt général.

    Cette reconnaissance de l'intérêt général des infrastructures sportives a été amorcé dans les années 1920. Jean-Paul Callède précise que les élections municipales de 1925 ont été majeures dans l'impulsion donnée à la mise en place des politiques sportives à l'échelle de la municipalité. C'est à cette période que d'ambitieux projets sportifs émergent et que sont confectionnés les premiers stades municipaux, gymnases couverts et salles d'éducation physique. L'infrastructure sportive devient alors « (...) un domaine d'innovation architecturale, technique et technologique aux retombées symboliques immédiates » qui dépasse radicalement l'usage pratique qui lui était jusque-là imputé.

    37 Patrice Bouvet, « Les « retombées » des évènements sportifs sont-elles celles que l'on croit ? », Revue de la régulation [En ligne], 13 | 1er semestre / Spring 2013, mis en ligne le 25 juin 2013, consulté le 12 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/regulation/10215.

    La complétude de l'échangeur Pleyel : les projets d'aménagement olympique consacrés juridiquement

    Comme expliqué plus tôt, les projets d'aménagement olympique, conçus comme le moyen par lequel l'activité sportive d'intérêt général peut se tenir, ont été revêtus d'un caractère d'intérêt général grâce leur insertion au sein d'un processus estimé de notoriété publique.

    C'est ainsi que la question de l'intérêt général des opérations d'aménagement a été précisée dès 2009 par l'article 28 de la loi sur le développement et la modernisation des services touristiques. Cet article reconnaît alors que les « (...) enceintes sportives figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé des sports, destinées à permettre l'organisation en France d'une compétition sportive internationale ou à recevoir, à titre habituel, des manifestations sportives organisées par une fédération sportive (...), ainsi que les équipements connexes permettant le fonctionnement de ces enceintes, sont déclarés d'intérêt général, quelle que soit la propriété privée ou publique de ces installations, après avis de l'ensemble des conseils municipaux des communes riveraines directement impactées par leur construction ». Plus encore, l'article précise que les « (...) collectivités territoriales peuvent réaliser ou concourir à la réalisation des ouvrages et équipements nécessaires au fonctionnement et à la desserte des installations mentionnées ».

    Ainsi, l'article 28 de la loi sur le développement et la modernisation des services touristiques n'entend pas seulement faciliter la construction d'infrastructures sportives « (...) par la reconnaissance de leur intérêt général », il déclare d'intérêt général l'ensemble des constructions et rénovations qui doivent permettre la tenue d'un événement sportif quelconque.

    C'est de cette manière que la complétude de l'échangeur Pleyel, parce qu'elle doit permettre la tenue des Jeux Olympiques de Paris en 2024, revêt un caractère d'intérêt général.

    Partie 3 : Les Jeux Olympiques comme levier de transformation urbaine : l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique étudié sous le prisme utilitariste

    Section 1 : Les JO comme fenêtre d'opportunité pour le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel

    30

    Les Jeux Olympiques comme accélérateur d'investissement

    31

    Horne et Manzenreiter décrivent les évènements sportifs comme permettant « (...) une forte attractivité touristique, une possible influence sur l'image du pays, un effet dynamisant pour le commerce local, un effet accélérateur pour la construction d'équipements locaux » et « (...) une importante couverture médiatique »38. Pour Thomas Junod, ces événements s'insèrent dans une logique « (...) d'objectifs de long terme ».

    En effet, les dépenses peuvent conduire à des investissements durables. Ainsi, l'on peut observer qu'en Ile-de-France, certaines enceintes sportives - notamment le stade de Colombes - qui avaient été érigées pour les Jeux Olympiques de Paris en 1924, sont encore utilisées aujourd'hui. D'ailleurs, cette idée est d'autant plus confirmée par Valérie Fourneyron qui évoque l'importance des événements sportifs dans leurs capacités à être des accélérateurs « (...) de développement intérieur et de rayonnement pour le pays (...) »39.

    Le projet de loi relatif à l'organisation des Jeux Olympiques a fait de la question des investissements un axe majeur de son argumentaire. En effet, l'on y apprend que les JO seront des accélérateurs d'investissements, notamment de par leur mission consistant à « valoriser leur apport pour les territoires concernés ». Selon le projet de loi, les JO seront l'occasion de créer « 17 000 lits répartis sur 51 hectares, qui seront ensuite reconvertis en 2 200 appartements familiaux, 900 chambres de résidence étudiante », à Saint-Denis. Plus encore, le village des médias situés sur les communes du Bourget et de Dugny sera reconverti en « (...) 1 500 logements, dont 20 % de logements sociaux, et en un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, EHPAD », et le centre aquatique à Saint-Denis deviendra une « (...) piscine municipale à visée récréative et sportive ayant vocation à accueillir le centre d'entraînement de la fédération française de natation ».

    Outre le fait que les infrastructures seront réhabilitées en logements - dont 30% à caractère social -, les Jeux Olympiques sont perçus comme une « opportunité à saisir pour la Seine-Saint-Denis », puisque près de 2 milliards d'euros devraient y être investis, et permettraient non seulement de créer des milliers d'emplois - Plaine Commune a pour objectif d'en créer 1000 en vue des JO -, mais aussi d'améliorer, par le même biais, les « services publics ».

    38 Horne, John, and Wolfram Manzenreiter. "An introduction to the sociology of sports mega-events." The sociological review54.2_suppl (2006): 1-24.

    39 Fourneyron, Valérie. "Faire du sport un levier de croissance pour la France." Revue internationale et stratégique 2 (2014): 81-87.

    32

    Les Jeux Olympiques comme moyen de financement des opérations d'aménagement de l'échangeur Pleyel

    En 2010, l'article 21 de la loi du 3 juin relative au Grand Paris instituait la création du Contrat de Développement Territorial (CDT). Ces contrats de développement territorial sont alors conçus comme des « (...) projets de territoires élaborés par les collectivités locales et l'Etat afin de dynamiser les territoires du Grand Paris ».

    Alors que les travaux d'aménagement du système d'échangeur Pleyel ont commencé en 2021 et que les premières concertations avaient été amorcées en 2017, et outre le fait le projet d'aménagement ait été inscrit au sein du CDT de Plaine Commune - Etablissement public territorial comprenant 9 communes de Seine-Saint-Denis - en 2014, Monsieur Mathieu Hanotin - maire de Saint-Denis et président de Plaine Commune - avait déclaré lors d'une allocution télévisée que le projet avait été pensé depuis bien avant, mais était jusque-là resté dans les cartons.

    En 2018, le projet de loi relatif à l'organisation des JO de Paris en 2024 faisait déjà mention de la volonté de Plaine Commune de mobiliser « l'événement olympique et paralympique pour améliorer ses services publics avec la création de deux parcs de 2 à 3 hectares, l'aménagement des berges de Seine, la restructuration de l'échangeur autoroutier Pleyel, l'enfouissement d'une ligne électrique haute tension et la construction d'un mur antibruit au bord de l'autoroute A 86 ».

    D'ailleurs, ces affirmations ont été confirmées lors d'un entretien mené auprès de la municipalité de Saint-Denis. En effet, si le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel « (...) n'a pas avancé plus tôt, c'est très certainement pour des questions financières (...) ». Alors que beaucoup font de l'échangeur Pleyel « un projet olympique », la Maire de Saint-Denis précise que le projet d'aménagement « (...) a été accéléré par les financements olympiques, puisque c'est la SOLIDEO qui finance ce projet », mais qu'il a comme principale mission de « (...) rectifier (...) un contexte un peu historique avec des difficultés de branchement» entre l'autoroute A1 et l'A8640.

    C'est la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) - créée par la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain41 - qui prend en

    40 Entretien téléphonique avec la DiRIF, réalisé le 23 février 2022.

    41 La SOLIDEO est chargée de la livraison des ouvrages et des opérations d'aménagement olympique. Son conseil d'administration est présidé par la mairie de Paris.

    charge l'entièreté des coûts d'opérations. En effet, la DiRIF a affirmé lors d'un entretien que lorsque « (...) la candidature de la France a été mise et lorsqu'il a été décidé que le village olympique viendrait s'installer à Saint-Denis et sur l'Ile-Saint-Denis, à proximité de l'échangeur Pleyel, cette opération qui (...) rentrait dans le cadre (...) du schéma de développement de la zone et du secteur (...) était vue comme importante » puisque c'était « (...) une opportunité pour le village, pour assurer, faciliter la desserte du village ». De fait le projet d'aménagement de l'échangeur Pleyel « (...) a trouvé son financement pour un usage plus large à priori, une vocation hors village, hors Jeux initial »42.

    Section 2 : L'intérêt général des opérations d'aménagement du système d'échangeur Pleyel par son insertion au sein d'un processus de développement urbain : le cas du Grand Paris

    L'échangeur Pleyel comme réponse à un besoin urbain

    L'aménagement du système d'échangeur Pleyel, avant d'être un outil facilitant la desserte du village olympique, est avant tout un projet devant répondre à la question d'un échangeur qui « (...) ne marche pas » et qui poussent les véhicules à « (...) faire des circuits beaucoup plus longs que nécessaires ». Ainsi, les opérations d'aménagement du système d'échangeur Pleyel visent à réduire « (...) le nombre de kilomètres des voitures, donc de gaz à effet de serre et de polluants »43.

    Figure 3 - Carte du projet d'aménagement des échangeurs Pleyel et de la Porte de Paris à

    Saint-Denis

    33

    42 Entretien téléphonique avec la DiRIF, réalisé le 23 février 2022.

    43 Entretien avec la Maire de Saint-Denis, réalisé le 21 mars 2022.

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    Source : ville-saint-denis (2017)

    En effet, l'A86 ne dispose pas d'échangeur complet, « (...) historiquement, elle a eu un demi-échangeur sur l'A86 au niveau de Pleyel, (...) qui a rendu, finalement, les échanges assez compliqués », et certaines connexions impossibles.

    Alors que la configuration actuelle des échangeurs Pleyel et Porte de Paris conduit à une intensification du trafic sur le boulevard Anatole France, les opérations d'aménagement de l'échangeur Pleyel porté par la DiRIF tendent à « (...) améliorer la desserte du quartier Pleyel» à « (...) offrir aux usagers des conditions optimales de circulation (...) » et à « (...) permettre le développement des offres de déplacement »44.

    Pour ce faire, la DiRIF entend supprimer l'échangeur de la Porte de Paris et libérer « le foncier nécessaire aux projets menés par Plaine Commune pour repenser les liaisons entre le centre-ville et le sud de la ville ».

    La fermeture des bretelles de l'échangeur de la Porte de Paris en 2023 et leur déconstruction en 2025, auront pour objectif de réduire le trafic sur le boulevard Anatole France, et la suppression de l'échangeur de la Porte de Paris amorcera une restructuration de l'échangeur Pleyel.

    44 « Aménagement du système d'échangeurs Pleyel (A86) et Porte de Paris (A1) | Ville de Saint-Denis ». Ville de Saint-Denis | Accueil, ville-saint-denis.fr/aménagement-du-système-déchangeurs-pleyel-a86-et-porte-de-paris-a1. Consulté le 12 juin 2022.

    35

    Figure 4 - Carte des travaux de fermeture des bretelles de l'échangeur de la Porte de Paris.

    Source : DiRIF (2017)

    Alors que jusqu'à aujourd'hui seules l'entrée et la sortie depuis et vers Nanterres étaient possible, les opérations d'aménagements vont rendre possible l'entrée et la sortie de l'A86 depuis le quartier Pleyel.

    Les perspectives environnementales seront majeures et la DiRIF entend « (...) limiter l'impact de la qualité de l'air sur l'école Anatole France ».

    Au surplus, 41 000 m2 d'espaces végétalisés vont être créés et près de 7000 m2 de sols vont être rendus perméables dans un territoire historiquement marqué par une forte pollution et une importante bétonisation.

    Figure 5 - Croquis des nouveaux aménagements autour de l'échangeur Pleyel

    36

    Source: DiRIF (2017)

    L'échangeur Pleyel dans une perspective de Grand Paris

    Thomas Junod nous indique que « (...) l'accueil d'un méga-événement sportif constituerait aujourd'hui une bonne affaire pour la ville hôte, la région, voire pour le pays entier », notamment parce que « (...) les transformations urbaines que nécessitent l'organisation d'un méga-événement sportif sont extrêmement rapides »45.

    La littérature a montré comment les Jeux Olympiques ont constitué un moyen d'initier de grands projets urbains pour les villes qui les accueillent. En effet, en 1992, se déroulent les Jeux Olympiques dans la ville de Barcelone. Alors que le front de mer avait jusque-là été délaissé, les JO ont été l'occasion d'une transformation majeure pour la capitale de la Catalogne, notamment suite à l'agrandissement des plages, l'enfouissement de l'autoroute ou encore l'ouverture du quartier sur la mer. Plus encore, les retombées économiques ont été importantes puisque le tourisme s'est considérablement développé, entraînant dans son élan l'augmentation du nombre d'hôtels et la rénovation de l'aéroport de Barcelone ainsi que des nombreuses gares qui parsèment la ville.

    45 Junod, Thomas. "Grands événements sportifs: des impacts multiples." Finance Bien Commun 1 (2007): 92-98.

    Boris Lebeau s'est intéressé à comprendre en quoi les Jeux Olympiques de Paris constituerait une chance pour le Grand Paris. Alors que les Jeux Olympiques semblent être une aubaine inespérée d'impulser une dynamique pour une banlieue « (...) largement défavorisée de ses problèmes », ces derniers seraient aussi un moyen d'accélérer le développement économique des territoires du Grand Paris46.

    La région Ile-de-France entend faire des JO un outil devant à la fois « (...) léguer un héritage matériel» et mettre en valeur « (...) les innovations et les emplois nourris et créés (...) »47. Ainsi, l'échangeur Pleyel, en plus de répondre à un besoin en matière de mobilité et développement urbain, s'insère dans une logique de transformation urbaine visant à faire du quartier Pleyel un « (...) noeud de communication avec le lien aux lignes 13, 14, 15, 16 du Grand Paris Express (...) », ainsi qu'un quartier « (...) attractif »48.

    Outre la volonté affichée par la région Ile-de-France d'utiliser les JO de paris comme d'un tremplin économique, notamment via une accélération de l'internationalisation et via l'accroissement de l'attractivité régionale, la région entend aussi créer le réseau de transport le plus performant et durable au monde. C'est ainsi que l'entretien auprès de la Mairie de Saint-Denis a fait émerger l'idée d'un quartier Pleyel « (...) connecté en termes de transport en commun ».

    37

    46 Lebeau, Boris. "Une «banlieue créative» dans le Grand Paris ?." EchoGéo 27 (2014).

    47 « Jeux olympiques et paralympiques Paris 2024 | Région Île-de-France ». Région Île-de-France, www.iledefrance.fr/jeux-olympiques-et-paralympiques-paris-2024. Consulté le 12 juin 2022.

    48 Entretien avec la Maire de Saint-Denis, réalisé le 21 mars 2022.

    38

    Le premier chapitre de ce mémoire a constitué un moyen de comprendre comment la notion d'intérêt général est née en France et a été élaborée suite aux différentes approches ayant tenté de la définir.

    La première partie a mis en évidence toute la difficulté qui se trouvait dans la définition de l'intérêt général, notamment du fait de l'opposition entre une conception utilitariste et une conception volontariste de ce dernier. Aussi, d'autres auteurs, tels que Karl Marx et Proudhon, ont tenté de critiquer l'approche faisant de l'Etat, l'acteur garantissant l'expression de la volonté générale. Ce retour historico-sémantique nous a permis d'entrevoir en quoi les opérations d'aménagement olympique sont d'intérêt général.

    En effet, la France a, par ses politiques publiques, institué la légitimité du sport et des enceintes nécessaires à son exercice. Dès lors, cette construction de la légitimité du sport et des événements sportifs - notamment les Jeux Olympiques -, a permis la consécration juridique du sport, des événements sportifs et des moyens nécessaires à leurs tenues. C'est ainsi que le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel s'insère dans une logique d'intérêt général résultant d'un processus historique d'utilisation du sport - et des événements sportifs - non seulement comme des outils sociaux - d'intégration et de lutte contre les discriminations -, mais aussi comme des accélérateurs de transformation urbaine.

    On peut ainsi comprendre que les opérations d'aménagement olympique reposent sur une conception utilitariste de l'intérêt général comme d'un intérêt reposant avant tout sur des motifs économiques.

    39

    CHAPITRE 2 : LES OPÉRATIONS D'AMÉNAGEMENT D'AMÉNAGEMENT DU SYSTÈME D'ÉCHANGEUR PLEYEL: INTÉRÊT GÉNÉRAL OU INTÉRÊT DE CLASSE ?

    40

    Le deuxième chapitre de mon mémoire entend questionner l'intérêt général des opérations d'aménagement du système d'échangeur Pleyel.

    Pour ce faire, la première partie du chapitre sera consacrée à une étude de l'intérêt général du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel à travers le point de vue marxien de la notion d'intérêt général. Ainsi, nous observerons en quoi, au-delà de son fondement juridique, le concept d'intérêt général peut être critiqué sur différents points qui tendent à faire émerger l'idée d'opérations d'aménagement olympique davantage d'intérêt de classe que d'intérêt général.

    Ensuite, nous analyserons comment la question de l'intérêt général des opérations d'aménagement peut être remise en question, notamment suite aux contraintes imposées par les limites de la rationalité.

    Enfin, la dernière partie tentera de présenter comment le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel traduit une limite de la conception utilitariste de l'intérêt général, et dans quelle mesure cette limite de la conception utilitariste de l'intérêt général révèle toute la difficulté qui réside dans la mise en place d'une politique de développement durable à l'échelle nationale.

    41

    Partie 1 : Délégitimation du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel :
    l'intérêt général étudié sous le prisme marxien

    Section 1 : Vers une remise en question de l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique : le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel comme un intérêt de classe ?

    L'intérêt de classe chez Marx

    La première partie du premier chapitre du mémoire avait brièvement introduit la question de l'intérêt général chez Karl Marx. Ainsi, nous avons pu comprendre comment Karl Marx percevait l'intérêt général comme étant l'intérêt d'une classe dominante portée par l'Etat.

    L'étude de la conception marxienne de l'intérêt général est intéressante pour plusieurs raisons. Premièrement, parce que comme nous l'indique Stéphanie Roza, l'intérêt général en tant que « (...) besoins propres à la société en tant que collectif unifié » est étranger à une oeuvre marxienne fondée sur une lutte des intérêts par les classes sociales. En effet, outre la particularité faisant de l'intérêt général une conception essentiellement française et rendant peu visible les équivalences allemandes dans l'oeuvre de Karl Marx, Stéphanie Roza précise que la pensée marxienne ne fait pas émerger une notion d'intérêt général à proprement dite. En effet, l'oeuvre marxienne tend plutôt à critiquer la définition qui lui a été imputée pendant la Révolution française avant qu'elle ne finisse par s'insérer au sein de l'oeuvre juridique.

    Alors que dans la pensée marxienne le prolétariat renvoie à cette classe sociale qui s'oppose à la classe capitaliste, l'opposition d'une bourgeoisie minoritaire à un prolétariat majoritaire semble presque suivre la logique initiée par Emmanuel Sieyès, dans laquelle la Noblesse, minoritaire, se confronte à un Tiers-état majoritaire, et formant le « Tout de la Nation »49. Dans les deux pensées, l'on retrouve un rapport de domination dans lequel le dominé, qu'il soit le prolétariat ou le Tiers-état, est perçu comme « (...) politiquement légitime » parce qu'il « (...) produit la totalité de la richesse nationale et remplit l'ensemble des missions et des services ».

    49 Quiviger, Pierre-Yves. "Sieyès et l'État." Tumultes 1 (2015): 27-35.

    42

    L'intérêt de classe, chez Karl Marx, est particulier en ce sens que l'appartenance à une classe ne dépend pas du revenu mais du rapport entretenu aux moyens de la production sociale. La dénomination de classe dominante - établie par Marx et Engels50 - devient alors l'outil permettant de dépeindre l'ordre social du fait que « (...) les conditions à l'intérieur desquelles des forces productives déterminées peuvent être employées sont les conditions de la domination d'une classe déterminée de la société, dont la puissance sociale, qui est issue de ce qu'elle possède, trouve son expression idéaliste pratique dans chaque forme d'État ». Ainsi, l'intérêt de classe, en plus de renvoyer à la possession des moyens de la production sociale, met aussi en exergue la saisie des instances « (...) idéologico-culturelles et étatico-politiques » à des fins personnels. C'est en ce sens que l'intérêt de classe diffère de la conception usuelle de l'intérêt général. Parce qu'en effet, si l'Etat est conçu - conformément à la pensée wébérienne - comme étant un « groupement de domination de caractère institutionnel qui a cherché - avec succès - à monopoliser, dans les limites d'un territoire, la violence physique légitime comme moyen de domination et qui, dans ce but, a réuni dans les mains des dirigeants les moyens matériels de gestion »51, et qu'en plus de cela il est l'outil d'une classe dominante - bourgeoise - qui, « (...) promeut la défense par chaque individu de ses propres prérogatives, différentes, voire contraires à celles de tout autre » ; il paraît évident, dans la pensée marxienne, que la définition de l'intérêt général en tant que « (...) besoins propres à une société en tant que collectif unifié », quand bien même elle trouverait ses fondements dans la loi, soit finalement malléable aux grés des intérêts d'une classe dominante.

    Le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel comme un intérêt de classe ?

    L'introduction du mémoire avait été l'occasion de soulever une question visant à comprendre à qui le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel est destiné. Si effectivement la Mairie de Saint-Denis affirme que la volonté des opérations d'aménagements est avant tout de faire du quartier Pleyel un quartier « (...) très facile d'accès (...) pour ceux qui y vivent », la problématique du groupe scolaire Anatole France vient quelque peu contrarier ces affirmations.

    50 Marx et Engels voient dans la classe dominante une classe à laquelle est subordonné le pouvoir politique de l'Etat.

    51 Genet, Jean-Philippe. "La genèse de l'État moderne." Actes de la recherche en sciences sociales 118.1 (1997): 3-18.

    43

    En effet, selon le Comité de vigilance JO 2024, le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel prévoit de prendre en étau l'école Anatole France entre deux boulevards « (...) qui accroitront la pollution sonore et de l'air, sans compter l'insécurité à laquelle seront confrontés les enfants lors de la traversée de ces larges axes de circulation »52.

    De fait, cette reconfiguration du quartier entend approcher l'axe routier du groupe scolaire composé de 600 enfants.

    Figure 6 - Carte de l'enclavement du groupe scolaire Anatole France

    Source : FCPE Saint-Denis (2020)

    Alors que la municipalité précédente avait décider de doubler « (...) la capacité de l'école» dans un moment où « (...) le niveau de pollution était plus élevé qu'il ne l'est aujourd'hui »53, la question de l'exposition des enfants du groupe scolaire Anatole France à un air pollué, qui, selon le collectif Pleyel - collectif de citoyens dyonisiens - risque de l'être davantage à cause de la nouvelle configuration qui « (...) engendrerait environ 30% de trafic supplémentaire », ne cesse d'alimenter les débats.

    Effectivement, les réflexions autour de l'exposition des enfants à un air pollué ont donné lieu à une multitude d'études scientifiques. En 2021, l'UNICEF avait déclaré qu'en France, entre

    52 « Enquête publique : réagissez contre les pollutions à venir ». Comité de vigilance JO 2024 Saint-Denis, vigilancejo93.com/2019/06/09/enquete-publique-reagissez-contre-les-pollutions-a-venir. Consulté le 12 juin 2022.

    53 Entretien avec la Maire de Saint-Denis, réalisé le 21 mars 2022.

    44

    47 000 et 100 000 décès prématurés survenaient chaque année à cause de la pollution de l'air. Ainsi, alors que 3 enfants sur 4 respirent un air pollué, le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel soulève l'idée d'un intérêt de classe, conformément à la pensée marxienne, pour plusieurs raisons.

    Premièrement, parce qu'en 2019, l'Etat français avait été condamné par la Cour de justice de l'Union européenne en raison de la pollution de l'air au microparticules54. Si cette condamnation peut sembler anodine, l'étude de Christian Nicourt et Jean Max Girault sur les problèmes environnementaux comme facteur de régulation sociale nous permet de mieux saisir les enjeux soulevés par le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel55.

    En effet, Christian Nicourt et Jean Max Girault expliquent qu'il existe une relation inégalitaire à la qualité de l'environnement dans laquelle les populations les plus pauvres des banlieues ouvrières souffrent « (...) des contraintes d'environnement», notamment des « (...) nuisances sonores et la pollution atmosphérique typiques des transports urbains contemporains ».

    Ainsi, alors que l'Etat français - défenseur du besoin de la société en tant que collectif unifié - a été condamné pour ne pas protéger ses citoyens de la pollution de l'air de manière suffisante, et alors que le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel, qui avait en premier lieu été suspendu, a par la suite été conforté, l'interrogation d'un projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel porteur d'un intérêt de « groupe » qui diffèrerait de l'intérêt général, et notamment de l'intérêt des groupes les moins favorisés, semble être légitime.

    En effet, alors que le taux de pauvreté dans le quartier Pleyel s'élève à environ 37 %, ici, l'intérêt de classe ne résiderait pas dans la possession d'un moyen de production, mais plutôt dans l'usage de l'appareil « étatico-politique » dans un intérêt qui ne favoriserait pas les groupes les moins favorisées.

    C'est d'ailleurs une logique propre à l'opposition entre la conception utilitariste de l'intérêt général et la conception volontariste. En effet, l'espace public est perçu, soit, comme un espace dans lequel coexiste les intérêts particuliers, soit, un espace caractérisé par la « (...) capacité des individus à transcender leurs appartenances et leurs intérêts pour exercer la suprême liberté de former ensemble une société politique »56. L'intérêt de classe du projet

    54 Dans un arrêt rendu le 24 octobre 2024, la Cour de justice de l'Union Européenne a condamné la France suite à ses manquements vis-à-vis de la directive sur la qualité de l'air de 2008.

    55 Nicourt, Christian, and Jean Max Girault. "Environnement et relégation sociale, l'exemple de la ville de Saint-Denis du début du XIXe siècle à nos jours." Natures Sciences Sociétés 5.4 (1997): 23-33.

    56 Rapport public du Conseil d'Etat, 1999, Considérations générales :

    Réflexion sur l'intérêt général (EDCE n°50), 1999.

    45

    d'aménagement du système d'échangeur Pleyel serait alors le renoncement - par la transcendance - à un intérêt sanitaire et environnemental pour un intérêt économique à portée générale.

    Mais finalement, ne serait-ce pas, suivant l'analyse de Jean-François Calmette, la question d'un intérêt privé face à l'intérêt général ? En effet, Jean-François Calmette précise qu'alors que la protection de l'environnement a toujours été perçu comme un intérêt collectif majeur, l'activité économique, telle que conçue par les utilitaristes, s'est toujours heurté au respect de « l'ordre public environnemental ». Ainsi, alors que « (...) la finalité environnementale risque d'aller à l'encontre de l'intérêt général », Jean-François Calmette affirme que c'est « (...) recherchant la maximisation de son profit que l'entrepreneur génère des émissions polluantes »57.

    Mais dans notre étude, qui serait l'entrepreneur voulant maximiser son profit ? La municipalité de Saint-Denis, Plaine-Commune ou le département de Seine-Saint-Denis ?

    Ce questionnement autour de l'intérêt général des opérations d'aménagement olympique est d'autant plus pertinent lorsque l'on se plonge dans l'historique des précédents Jeux Olympiques.

    En effet, alors que Claudio Zanotelli évoquait l'éviction des quartiers populaires suite aux JO de Rio en 2016, Pascal Gillon s'est lui aussi intéressé à savoir à qui profite l'héritage des Jeux Olympiques.

    Si les Jeux Olympiques de Rio ont été une occasion pour la ville de transformer son image, d'apporter de nouveaux logements, ou d'entamer des rénovations urbaines, les spéculations immobilières ont aussi largement chassé les populations les plus pauvres. Ainsi, Pascal Gillon explique que « (...) des pans entiers de l'agglomération ne profiteront pas des Jeux et il se trouve que ce sont les zones les plus pauvres» et que plus encore, le coût élevé des JO tient en l'idée « (...) des expropriations pas toujours justifiées par les travaux, à un montant d'indemnisation largement sous-évalué et à la politique de relogement qui a rejeté des familles à la périphérie» de Rio58.

    57 Calmette, Jean-François. "Le droit de l'environnement: un exemple de conciliation de l'intérêt général et des intérêts économiques particuliers." Revue juridique de l'Environnement 33.3 (2008): 265-280.

    58 « Les Jeux Olympiques de Rio 2016 : un héritage mais au profit de qui ? -- Géoconfluences ». Ressources de géographie pour les enseignants -- Géoconfluences,

    geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/eclairage/jo-rio-2016. Consulté le 12 juin 2022.

    46

    Ces différentes expériences questionnent non seulement les Jeux Olympiques, mais aussi les opérations d'aménagements nécessaires à leur déroulement. Ainsi, le rapport entre les prétendus bénéficiaires des JO et les véritables bénéficiaires met en lumière la possible portée non générale d'opérations d'aménagement pourtant baptisées d'intérêt général.

    Section 2 : Critique rationnelle de la légitimité de l'action publique

    Questionnement des prétentions de légitimité de l'action publique

    L'intérêt général se présente comme la finalité de l'action publique et occupe une place importante dans l'oeuvre juridique française.

    Alors que nous avons vu dans la première partie du Chapitre 1 comment l'intérêt général institue la légitimité de l'action publique, Patrick Pharo, lui, pose une réflexion portant sur les conditions de légitimité de l'action publique59. En effet, Patrick Pharo indique que la prétention à la légitimité est « (...) soumise à des contraintes de cohérence normative » par lesquelles l'on vérifie la « (...) cohérence et vérité des énoncés ». Son analyse rompt avec la pensée rousseauiste telle que décrite dans le Contrat Social et dépeignant un ordre civil légitime et reposant sur des « (...) structures régulatives librement et antérieurement consenties ». Pour ainsi dire, la légitimité d'une action publique ne saurait uniquement se fonder sur la loi ou la morale, mais aussi sur la capacité de l'individu de raison à critiquer sa cohérence. Cette cohérence est alors définie par Patrick Pharo comme étant une action publique qui « (...) se montre vraie, dans un sens très large du terme ».

    Si un questionnement portant uniquement sur la légitimité ne permet pas de définir une action publique comme légitime ou illégitime, la réflexion autour de la légitimité peut être étudiée en portant l'attention sur le rapport qu'entretiennent les actions publiques entre-elles, notamment en observant la manière dont elles s'imposent à elles mêmes des contraintes de légitimité qu'elles respectent ou non. Ainsi, c'est dans la dichotomie entre le discours affiché et l'acte public que l'on peut critiquer la légitimité de l'action publique, qui, parce que porteuse d'un intérêt général, se doit d'être cohérente.

    Jean-Philippe Bras et Gérald Orange se sont aussi penchés sur la légitimité de l'intervention publique dans l'idée de comprendre quels éléments confèrent à l'action publique sa légitimité

    59 Pharo Patrick. Les conditions de légitimité des actions publiques. In: Revue française de sociologie, 1990, 31-3. pp. 389-420.

    47

    60. Si effectivement la légitimité économique d'une opération peut se remarquer dans la capacité à rendre le territoire attractif, elle ne saurait toutefois se dépourvoir des principes démocratiques visant à informer les citoyens et à incorporer des mécanismes participatifs dans la prise de décision.

    La question de la légitimité de l'action publique est d'autant plus intéressante qu'elle a été critiquée par Marx et Engels, qui définissaient l'État comme une entité au service d'une classe capitaliste. Chez Marx, l'action publique est alors foncièrement illégitime puisqu'elle est le fruit d'une administration politique dont l'illégitimité découle d'une subordination à un groupe - classe - plutôt qu'à la société politique. Mais cette conception tient ses limites dans la démocratie moderne - que Marx n'a que très peu observer - dans laquelle l'action publique est l'expression de tous, parce que volonté générale, et de chacun, parce que sommes des volontés particulières.

    Malgré tout, alors que la démocratie, fondée sur le suffrage universel, a, semble-t-il, équilibré le jeu du pouvoir politique, la thèse générale marxienne continue à présenter l'État comme inévitablement enclin à servir les intérêts d'une classe dominante.

    Vers une illégitimité du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel ?

    Alors que la réflexion de Patrick Pharo invite à questionner la légitimité de l'action publique par la capacité de cette dernière à se montrer vraie, les limites de la rationalité nous empêchent de pouvoir évaluer la cohérence d'une intervention publique. Alors, pour ce faire, c'est par l'analyse de la dissemblance entre le discours étatique - notamment le discours juridique - et l'action publique, que sera pensée la possible illégitimité du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel.

    L'article L. 103-2 du code de l'urbanisme indique que la concertation avec le public est requise lorsque le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) est révisé, lorsqu'une zone d'aménagement concerté (ZAC) est créée, pour certains projets d'aménagement modifiant la cadre de vie - notamment ceux susceptibles d'affecter l'environnement, et pour les projets de renouvellement urbain. Dès lors, l'article précise que l'autorité compétente en charge des

    60 Bras, Jean-Philippe, et Gérald Orange. "Risques et légitimité de l'action publique locale: heurs et malheurs d'une collectivité territoriale dans ses interventions économiques." Politiques et management public 23.4 (2005): 53-72.

    48

    concertations doit « (...) préciser les objectifs poursuivis dans le cadre du projet, (...) déterminer les modalités de concertation, (...) rendre les informations accessibles aux publics » et « (...) enregistrer et conserver les observations ».

    Alors que des concertations ont eu lieu en 2017 puis en 2018 entre la DiRIF et les citoyens dyonisiens, dans laquelle ces derniers ont proposé plusieurs variantes au projet, sans succès, le préfet de la région Ile-de-France a déposé une autorisation de travaux le 22 novembre 2019.

    Plusieurs variantes avaient déjà été préparées par la DiRIF et les variantes proposées par le public « (...) apportaient des éléments intéressants » mais ne permettaient pas de répondre aux objectifs fixés. Alors que la DiRIF affirme qu'elle a « (...) récupéré la variante B, (...) l'a améliorée, (...) l'a modifiée, (...) en a fait une variante B (...) optimisée (...) qui a été choisie, derrière »61, les habitants du quartier Pleyel indiquent, eux, qu'ils ont « (...) proposé plusieurs solutions, comme le déplacement de l'entrée de la bretelle vers la périphérie du quartier, mais les élus n'ont pas donné suite »62. La Mairie de Saint-Denis explique quant à elle que « (...) leurs propositions ont été écoutées, et évaluées mais écartées par la direction des routes d'Ile-de-France, maître d'ouvrage du projet ».

    La question de la concertation est importante puisqu'elle est encadrée par le code de l'environnement et permet « (...) la participation du public en amont de la finalisation d'un projet, afin de l'élaborer en associant les habitants/ associations / personnes publiques et autres parties prenantes »63.

    Figure 7 - Projet citoyen de variant au projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel

    61 Entretien téléphonique avec la DiRIF, réalisé le 23 février 2022.

    62 « Seine-Saint-Denis : le futur échangeur Pleyel épinglé par l'Unicef ». Les Echos,

    www.lesechos.fr/pme-regions/ile-de-france/seine-saint-denis-le-futur-echangeur-pleyel-epingle-par-lunicef-1365 276. Consulté le 12 juin 2022.

    63 Entretien écrit avec Géo Avocats, réalisé le 3 mai 2022.

    49

    Source : Pleyel à venir (2017)

    En 2020, bien qu'elle ait rejeté le recours déposé par le FCPE Pleyel par la suite, la CAAP a suspendu les travaux d'aménagement du système d'échangeur Pleyel en relevant notamment « une irrégularité de la concertation » ou encore une « (...) erreur manifeste d'appréciation compte tenu des conséquences sanitaires négatives du projet et son impact sur la dégradation de la qualité de l'air au niveau des sites sensibles »64. Plus encore, alors que selon le code de l'urbanisme l'autorité compétente en charge des concertations doit « (...) préciser les objectifs poursuivis dans le cadre du projet », l'Ae avait, elle, relevé des cas d'incohérences « (...) dans les données utilisées par les différentes études », mais aussi « (...) entre les objectifs affichés par le projet et le projet lui-même ».

    De fait, alors que le projet a été confirmé par un rejet du recours par la CAAP en octobre 2020, l'illégitimité du projet de l'échangeur ne résiderait non pas dans sa mission, qui est

    64 Décision n°20PA00254 du 5 mai 2020 de la Cour administrative d'appel de Paris

    50

    jugé nécessaire par les requérants eux-mêmes65, mais plutôt dans son adoption « non démocratique » qui met en exergue une dichotomie au sein du discours juridique.

    En effet, on observe d'une part, la nécessité de concertation avec le public conformément à la législation et dans un souci de démocratie, et d'autre part, la validation d'un projet qui, lui, ne respecterait pas les dispositions exigées par cette même législation.

    La loi du 30 décembre relative à l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie dispose à son Article 1er que « L'Etat et ses établissements publics (...) concourent (...) à la mise en oeuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé », et précise que cette « (...) action d'intérêt général consiste à prévenir, à surveiller, à réduire ou à supprimer les pollutions atmosphériques, à préserver la qualité de l'air et, à ces fins, à économiser et à utiliser rationnellement l'énergie ». Aussi, l'article 3 indique que « L'Etat (...) confie à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie la coordination technique de la surveillance de la qualité de l'air ». Mais toutefois, alors que l'avis de l'Ae avait recommandé que la variante du projet soit expliquée, conformément au code de l'environnement qui impose de donner « une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine », la variante retenue, bien qu'étant « (...) la plus préjudiciable à la qualité de l'air déjà dégradée de cette zone »66, n'a pas empêché la CAAP de valider les travaux d'aménagement malgré une reconnaissance des « (...) effets « incertains » des mesures prévues pour limiter les impacts sanitaires du projet (...) ».

    Ceci étant dit, cette dissemblance dans l'oeuvre juridique qui tend à discréditer la légitimité de l'action publique, n'est-elle pas simplement la conséquence d'un « désordre normatif »67? Un désordre résultant d'une loi comme outil de gestion des politiques publiques soumise à diverses tentatives de déréglementation et de privatisation ?

    65 Le projet est perçu comme nécessaire par les habitants du quartier, ce sont les variantes proposées - notamment celle retenue -, qui, elles, se heurtent aux contestations.

    66 Entretien écrit avec Géo Avocats, réalisé le 3 mai 2022.

    67 Le Conseil constitutionnel avait mis en évidence la désorganisation qui pouvait exister dans l'édiction des normes, notamment quand ces dernières tendent à se confronter.

    51

    Partie 2 : Les opérations d'aménagement olympiques face aux limites de la rationalité

    Section 1 : Les Jeux Olympiques de Montréal comme traduction d'opérations d'aménagement pensées à court terme ?

    Les Jeux Olympiques de Montréal : stratégie de régénération urbaine

    C'est au cours de la 69e session du CIO - Comité international olympique - le 12 mai 1970 à Amsterdam que l'organisation des Jeux olympiques d'été est confiée ville de Montréal.

    Roman Roult, Sylvain Lefebvre et Jean-Marc Adjizian ont étudié la question du développement territorial par le sport à travers le cas du Parc olympique de Montréal. Malgré un coût des opérations 3 fois supérieur au montant estimé, Montréal est parvenu à devenir une ville majeure dans le domaine du sport68.

    Alors que depuis plusieurs années la tendance est à un usage des événements sportifs comme des leviers de transformation urbaine, Montréal n'a pas échappé à cette orientation.

    Figure 8 - Evolution des impacts urbains structurels des Jeux Olympiques d'été depuis 1896

    68 Romain Roult, Sylvain Lefebvre et Jean-Marc Adjizian, « Régénération urbaine et développement territorial par le sport : Le cas du Parc olympique de Montréal », Norois [En ligne], 230 | 2014, mis en ligne le 30 juin 2016, consulté le 12 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/norois/5020

    52

    Source : Romain Roult, Sylvain Lefebvre, Le Stade olympique comme vecteur de
    développement urbain (2012)

    La construction du stade olympique de Montréal a été perçue comme un vecteur de développement urbain. Elle a généré le développement d'une économie des espaces d'accueil par laquelle les territoires en périphérie du stade se sont retrouvés insérés dans une dynamique « événementielle ». Ainsi, le stade n'était plus uniquement conçu comme le lieu dans lequel se tiennent les événements sportifs, mais il est devenu la place des spectacles urbains.

    La régénération urbaine de Montréal s'est alors construite autour de ce stade dont l'existence a participé au « (...) processus de branding» de la ville. Mais cette régénération urbaine tient en plusieurs points. Premièrement, à l'installation du stade en périphérie de la ville de manière à impulser l'émergence d'une activité commerciale, à l'amélioration des voies de communications et à l'augmentation de la valeur du foncier.

    Ensuite, la construction du stade a permis de transformer un territoire relativement peu attractif en un pôle majeur du sport.

    Enfin, la performance architecturale notable a contribué à changer l'image de la ville en lui conférant une dimension nouvelle et moderne.

    L'échec des perspectives post-olympiques des aménagements de Montréal : le cas du Stade olympique

    Si plusieurs études ont démontré l'importance des Jeux Olympiques dans leurs capacités à « (...) régénérer et reconvertir des quartiers entiers »69, plusieurs exemples ont malgré tout présenté les limites de ces capacités.

    Outre le déficit acquitté près de 30 après la fin des JO de Montréal, la question des aménagements olympiques s'est rapidement heurtée à des grands enjeux relatifs à leur gestion et à leur reconversion. Effectivement, malgré une dynamique post-olympique qui laissait présager une planification à long terme concluante, le contexte de crise et d'urgence dans lequel s'est décidée la construction du Stade olympique de Montréal a empêché la planification d'un programme d'insertion post-olympique.

    69 Roult, Romain, et Sylvain Lefebvre. « Reconversion des héritages olympiques et rénovation de l'espace urbain : le cas des stades olympiques », Géographie, économie, société, vol. 12, no. 4, 2010, pp. 367-391.

    53

    En 1980, la Commission d'enquête sur le coût des JO de Montréal avait révélé que l'échec de la reconversion des infrastructures était notamment dû à un problème de « (...) surveillance des travaux défectueux », aux « (...) absences d'un budget global établi dès le début», ou encore à « (...) l'acquisition d'installations superflues et luxueuses (...) » ayant « (...) conduit à l'augmentation exponentielle des coûts et à la difficile reconversion de ces équipements ». Ainsi, les problèmes de reconversion sont nés d'une dichotomie évidente entre les besoins de la ville et la construction d'un stade davantage de nature artistique que sportive.

    Alors que la non-étude de l'insertion des infrastructures olympiques a été dévoilée en 1977 suite à un rapport élaboré à la demande du Gouvernement du Québec, toutes les stratégies visant à sa réutilisation ont échoué. Plus encore, en 2008, André Gourd, président de la RIO - Régie des Installations Olympiques du Québec - avait déclaré que la priorité ne résidait plus dans la mise en place d'une stratégie de reconversion du stade, mais plutôt dans une atténuation de l'impact économique de ce dernier (environ 25 millions par an).

    Section 2 : Les opérations d'aménagement olympique face aux limites de la perception et du calcul

    Limites financières et écologiques

    Thomas Junod a étudié les impacts des événements sportifs et si bon nombre de villes candidates s'imaginent pouvoir utiliser les JO comme des outils de transformation urbaine, plusieurs exemples - notamment Athènes en 2004 ou Pékin en 2008 - ont permis de révéler que les retombées attendues étaient parfois bien loins de celles espérées70.

    En premier lieu, Thomas Junod indique que le bilan financier est largement à relativiser. En effet, les villes candidates ne sont pas assurées de récupérer les sommes investies, et la question de la rentabilité et du bénéfice économique - sur lequel repose l'intérêt général - n'est pas nécessairement évidente. Ainsi, en 2007, alors que le projet des Jeux d'hiver de Sotchi annonçait un coût d'organisation d'environ 1,2 milliard de dollars, le montant final approchait, lui, près de 12 milliards de dollars.

    70 Junod, Thomas. "Grands événements sportifs: des impacts multiples." Finance Bien Commun 1 (2007): 92-98.

    54

    Cette question de dépassement des coûts semble revenir de manière récurrente et Wladimir Andreff avait déjà tenté de comprendre pourquoi le coût des JO était nécessairement sous-estimé71.

    De Londres à Sotchi en passant Turin et Salt Lake City, toutes ces villes ont été marquées par une augmentation du budget initial d'organisation des JO.

    Si Thomas Junod nous indique que « (...) l'héritage d'un événement, notamment sur les dimensions économiques, urbaines, infrastructurelles, sociales et sportives du territoire organisateur, ne peut pas être visible au moment des festivités », Wladimir Andreff précise, lui, que le déficit entre les « (...) coûts anticipés ex ante et coûts observés ex post est inhérent au processus d'enchères lui-même ». La question de la « malédiction du vainqueur de l'enchère »72 serait alors davantage liée à un acte délibéré visant à conforter l'organisation des JO en écartant les études d'impact économique portant sur une phase post-olympique caractérisée par un ralentissement de l'activité économique, qu'à une réelle limite dans le calcul des retombées économiques.

    Figure 9 - Tableau du coût ex ante comparé de la ville olympique sélectionnée

    Source : Wladimir Andreff, Pourquoi le coût des jeux olympiques est-il toujours sous-estimé ?
    la « malédiction du vainqueur de l'enchère » (2012)

    71 Andreff, Wladimir. "Pourquoi le coût des Jeux Olympiques est-il toujours sous-estimé? La «malédiction du vainqueur de l'enchère»(winner's curse)." Papeles de Europa 25 (2012): 3-26.

    72 La malédiction du vainqueur des enchères ou malédiction du gagnant est une phénomène par lequel le gagnant d'une vente aux enchères propose davantage que la valeur réelle de l'offre.

    55

    Patrice Bouvet s'est lui aussi penché sur la question des retombées des événements sportifs. Selon lui, les études d'impact ex ante des événements sportifs sont fondées sur le principe de multiplication73.

    Si le principe est pour le moins compliqué, je le résumerai ici de manière à ce qu'il soit entendu par le plus grand nombre.

    Le principe de multiplication porte sur l'étude de trois phénomènes résultant de l'organisation des événements sportifs par les économistes : « (...) les conséquences sur l'emploi, les conséquences sur la demande et les conséquences en termes de revenu ». Ainsi, on part du principe que l'organisation d'un événement nécessite des dépenses supplémentaires qui s'ajoutent aux dépenses courantes d'un territoire donné. Le phénomène qui engendre des dépenses supplémentaires repose sur l'idée que les dépenses relatives à l'organisation entraînent elles-mêmes d'autres dépenses : c'est le principe de multiplication.

    Si Bouvet reconnaît que ce principe est quelque peu confus pour les « non économistes» et bien le principe ait été critiqué, notamment à cause de sa logique qui ne définit pas d'où provient l'épargne initiale permettant de procéder à la première dépense relative à l'organisation d'un événement, la logique du principe de multiplication vise à présenter l'organisation d'événements sportifs comme nécessairement encline à une augmentation significative des coûts d'opération d'aménagement.

    Outre l'aspect économique qui laisse percevoir la limite de la rationalité dans la mise en place des opérations d'aménagements olympiques, la question écologique est aussi une question relativement peu étudiée.

    Jean-Jacques Gouguet a étudié la nécessité de penser les événements sportifs autrement. Selon lui, plusieurs problèmes environnementaux sont déjà à déplorer: « (...) réchauffement climatique, perte de biodiversité, pénurie d'eau, effondrement des stocks halieutiques, déforestation, épuisement et destruction des sols arables, diffusion de produits toxiques »74. Ainsi, l'obligation de penser les événements sportifs autrement découle d'une analyse effectuée par Jean-Jacques Gouget sur l'impact environnemental des grands événements sportifs. Ainsi, par exemple, en 2010, « (...) l'empreinte de la coupe du monde de football en

    73 Patrice Bouvet, « Les « retombées » des évènements sportifs sont-elles celles que l'on croit ? », Revue de la régulation [En ligne], 13 | 1er semestre / Spring 2013, mis en ligne le 25 juin 2013, consulté le 12 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/regulation/10215.

    74 Gouguet, Jean-Jacques. « L'avenir des grands événements sportifs : La nécessité de penser autrement », Revue juridique de l'environnement, vol. , no. HS15, 2015, pp. 95-115.

    56

    Afrique a été estimée à 2,8 millions de tonnes équivalent CO2 » - dont la plupart émise par les mobilités - , presque 8,5 fois celle de la coupe du monde de 2006.

    Dès lors, on comprend que malgré une volonté des Jeux Olympiques de Paris de considérablement réduire les émissions de CO2, la question de la mobilité risque de très largement conduire à une empreinte carbone très largement au-dessus des estimations.

    Les limites du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel

    Dans son avis du 6 février 2019, l'Ae a fait part d'un certain nombre de limites concernant le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel. La première limite portait sur une faible intégration de la question de la transition énergétique, et notamment celle relative à la pollution atmosphérique. En effet, selon l'Ae, alors que la France s'est engagée par l'accord de Paris75 à limiter ses émissions de gaz à effet de serre, l'Ae a indiqué qu'il semblerait que « (...) les maîtres d'ouvrages (...) éludent ou minorent régulièrement le rôle de la modification dans l'induction de trafic par rapport à la tendance dite naturelle» et qu'ils « (...)arguent (...) l'absence d'effet de l'infrastructure sur le trafic évoqué plus haut (...) pour justifier la neutralité de l'infrastructure en matière d'émissions de gaz à effet de serre »76.

    Une deuxième limite notifiée par l'Ae porte sur la question de la compensation des impacts sur les milieux naturels. Par ses mots, l'Ae précise que « (...) les justifications du choix des sites de compensation ne sont que trop peu explicitées dans les études d'impact», que « (...) les raisons du choix final n'étaient pas fournies » et que plus encore, « (...) le ratio de compensation retenu par le maître d'ouvrage a semblé dans certains cas inférieur à ceux fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux applicable ».

    Enfin, la dernière limite présentée par l'Ae concerne des réflexions trop limitées sur l'intermodalité et l'urbanisme. Alors que les projets routiers visent à répondre à des problèmes de mobilité, l'Ae précise qu'il est nécessaire pour la maîtrise d'ouvrage de « (...) définir des mesures coordonnées pour maîtriser et structurer les développements urbains et l'intermodalité » afin d'éviter de faire accroître « (...) le nombre de personnes qui subissent les risques sanitaires liés aux pollutions et aux nuisances sonores du trafic routier ».

    75 En 2015, 55 pays ratifient le traité de Paris relatif au réchauffement climatique. Par cette signature, les États signataires se sont engagés à atténuer les effets du changement climatique.

    76 Avis n°2019-N06 du 23 janvier 2019 de l'Autorité environnementale sur les projets d'infrastructures de transport routier.

    57

    Aujourd'hui, d'autres questionnements vis-à-vis des limites du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel commencent peu à peu à émerger.

    En effet, alors que le dépassement des coûts des Jeux Olympiques a déjà été l'objet de plusieurs études, notamment celles de Wladimir Andreff77, la question du dépassement des coûts des JO de Paris semble plus que jamais d'actualité.

    Si en effet le budget de 6,2 milliards d'euros avait été un atout dans l'attribution des JO à Paris, en 2021, l'Inspection général des finances a souligné qu'un risque de dépassement de près de 500 millions d'euros était à prévoir. Aussi, en avril 2022, la Chambre régional de la Cour des comptes d'Ile-de-France a publié un rapport faisant part d'une bonne gestion des fonds publics par Plaine Commune, mais soulignant un danger résultant, d'une part, de la convention de 35 millions d'euros signé avec la SOLIDEO pour contribuer au financement des infrastructures olympiques, et d'autre part, du projet de Franchissement urbain Pleyel d'un montant de 221 millions d'euros - dont près de 57 million encore à payer. La Chambre régionale de la Cour des comptes d'Ile-de-France a aussi mentionné le risque d'écart qui pourrait se creuser après les Jeux Olympiques de Paris entre les communes limitrophes de Paris et celles plus en marge, non seulement suite à l'implantation des commerces dans les communes du sud, mais aussi grâce qu'une meilleure desserte assurée par le Grand Paris Express.

    Mais cette question de dépassement de budget pousse d'autant plus à la réflexion dans le cas du projet d'aménagement d'échangeur Pleyel.

    En effet, l'on pourrait se retrouver, comme l'indique Wladimir Andreff, dans une situation dans laquelle le contribuable se retrouve, tout comme l'a été le contribuable canadien, a payé le déficit des Jeux Olympiques, notamment via un impôt local.

    Alors, à l'image de leurs homologues canadiens, les habitants dyonisiens - du quartier Pleyel - seraient amenés à payer le déficit de Jeux Olympiques, qui leur coûteraient non seulement d'un point de vue sanitaire et environnementale, mais aussi d'un point de vue social, avec des retombées économiques et des aménagements olympiques qui ne leur profiteraient pas.

    77 Andreff, Wladimir. "Les dépassements de coût des Jeux Olympiques: Paris doit-elle candidater à n'importe quel prix?." Quel Sport? 27 (2015).

    58

    Partie 3 : Le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel comme traduction
    d'intérêts inconciliables ?

    Section 1 : Le projet d'aménagement du système d'échangeurs Pleyel : La conception utilitariste de l'intérêt général face aux objectifs de développement durable

    L'adoption des mesures de développement durable

    C'est en 1987 qu'est popularisé l'objectif du développement durable suite au rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement dirigée par Gro Harlem Brundtland. Cette notion est rapidement devenue un qualificatif renvoyant à développement contrôlé et écologiquement responsable tel qu'il avait déjà été pensé à la fin des années 60. Alors que le développement durable s'articule autour de la « (...) viabilité économique, (...) la viabilité environnementale (...) et l'équité sociale» et que son objectif est de « répondre aux besoin du présent sans compromettre la capacité des générations à répondre à leurs propres besoin »78, le bilan depuis la conférence de Rio en 1992 - lors de laquelle est adopté l'Agenda 21 - reste malgré tout bien en-dessous des objectifs préalablement fixés.

    En 1992, la France, tout comme 183 autres pays signataires, adopte l'Agenda 21. Cet Agenda, composé de 27 principes visant à mettre en place un développement durable d'ici la fin du XXIe siècle, a par la suite été consacré juridiquement suite à l'intégration des objectifs de développement durable au sein du code de l'environnement.

    Le chapitre 28 de l'Agenda 21 accorde une place particulière aux collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de plans d'actions visant à répondre aux objectifs de développement durable. Ainsi, comme nous l'indique Guillaume Danneels, on a pu observer l'émergence d'un Agenda 21 local au début des années 200079. En France, c'est à la suite d'une réunion interministérielle en juillet 2006 qu'est définie la base sur laquelle s'appuieront les Agenda 21 locaux (voir tableau ci-dessous).

    Figure 10 - Tableau des cinq finalités majeures du développement durable

    78 Godard, Olivier. "Le développement durable: paysage intellectuel." Natures Sciences Sociétés 2.4 (1994): 309-322.

    79 Danneels, Guillaume. « L'Agenda 21, outil du développement durable local », I2D - Information, données & documents, vol. 53, no. 1, 2016, pp. 32-33.

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    Lutte contre le changement climatique et protection de l'atmosphère

    Préservation de la biodiversité, protections des milieux et des ressources

    Epanouissement de tous les êtres humains

    Cohésion sociale et solidarité entre territoires et entre générations

    Dynamiques de développement suivant des modes de production et de consommation

    responsables

    Source : Guillaume Danneels, L'Agenda 21, outil du développement durable local (2016)

    Toutefois, alors que les collectivités territoriales sont perçues comme une déclinaison permettant au mieux de répondre aux objectifs de développement durable à une échelle moindre, Christine Gagnon, dans son étude portant sur la question de l'Agenda 21 local dans les collectivités territoriales québécoises, indique que ce dernier, en tant qu'outil de développement durable, reste très largement sous-utilisé par les collectivités. Plus encore, alors que la stratégie locale doit être le résultat d'une réflexion collective impliquant les habitants, les associations et les acteurs politiques et économiques, la question de démocratie locale et participative reste encore aujourd'hui sujette à de nombreux manquements.

    La question des Jeux Olympiques et du développement durable a été pensée dès 1992, comme l'indique Séverine Niel80. En effet, à la suite de la conférence de Rio, le CIO a reconnu la responsabilité environnementale et écologique peu après la conférence de Rio, et en 1995, l'environnement devient le troisième pilier de l'Olympisme avec l'institution de la commission « sport et environnement » du CIO. Ceci étant dit, l'adoption de ces principes n'auront pas empêché les scandales environnementaux des JO de Pékin, ou encore les évictions des classes populaires suite aux JO de Rio.

    80 Niel, Séverine. "Les relations entre le mouvement olympique et sportif et le développement durable." Cahiers de l'INSEP 37.1 (2006): 23-26.

    60

    Figure 11 - Les étapes d'un agenda 21 local

    Source : tarn.educagri (2008)

    Le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel : les opérations d'aménagement olympique à l'épreuve du développement durable

    En 2013, « (...) consciente de la nécessité d'une transition écologique et sociale », la municipalité de Saint-Denis a adopté son Agenda 21. Par cette initiative, la ville entendait alors agir sur la mobilité, le logement, la pollution de l'air ou encore la pauvreté. D'après ses propres mots, 5 enjeux prioritaires étaient à traiter :

    l un espace public partagé et respecté

    l un développement endogène et solidaire

    l un environnement de qualité, favorable à la santé, au bien-être et à l'autonomie

    l une ville en transition énergie

    l

    61

    une administration exemplaire81

    Cependant, la question du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel vient quelque peu présenter le difficile alliage entre un projet d'ordre économique et des motivations de transition écologique et respect de l'environnement.

    En effet, si la municipalité de Saint-Denis n'a, depuis 2013, publié aucun rapport annuel de développement durable - alors que la rédaction du Rapport Annuel de Développement durable est une obligation pour les collectivités de plus 50 000 habitants dans un souci de transparence de l'action publique -, le département de Seine-Saint-Denis a, quant à lui, publié son rapport annuel en matière de développement durable pour l'année 2020 (seul rapport disponible au moment de l'étude). Dans ce rapport, plusieurs points tendent à nous pousser à la réflexion quant au projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel et à la situation du groupe scolaire Anatole France, dans un contexte pourtant orienté autour de la mise en place de mesures de développement durable.

    En effet, alors que le conseil départemental de Seine-Saint-Denis indique avoir développé, conjointement avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), un dispositif de lutte contre les nuisances sonores dont les objectifs visaient à notamment à « (...) sensibiliser les publics vulnérables au risque auditif, dans les collèges notamment »82, le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel prévoit, lui, de s'étendre à quelques mètres du groupe scolaire, et bien qu'un écran végétal soit prévu pour isoler l'école et la circulation piétonne du trafic routier, la DiRIF avait malgré tout reconnu que cette proposition n'avait fait l'objet d'aucune étude et que plus encore, son efficacité n'était pas garantie83.

    Ensuite, le second point intéressant porte sur la garantie d'un « (...) environnement sain dans les structures accueillant des enfants ». Le département de Seine-Saint-Denis, qui est à « (...) la charge des crèches et des collèges », a affirmé la responsabilité de la collectivité « (...) vis-à-vis de ses usager.e.s afin que ceux-ci.celle-ci ne soient pas exposés à des polluants qui peuvent avoir un impact négatif sur leur santé ». C'est ainsi que le département « (...) est (...) logiquement engagé dans un certain nombre d'actions visant à (...) améliorer l'environnement intérieur et extérieur ». Pourtant, alors que le département a adopté la Charte

    81 « Agenda 21 | Ville de Saint-Denis ». Ville de Saint-Denis | Accueil, ville-saint-denis.fr/agenda-21. Consulté le 12 juin 2022.

    82 Rapport annuel de développement durable du 12 novembre 2020 du département de Seine-Saint-Denis

    83 Entretien avec la DiRIF, réalisé le 23 février 2022.

    62

    Villes et territoires sans perturbateurs endocriniens84 visant « (...) en particulier (...) les tout-petits, population la plus exposée et la plus sensible aux perturbateurs endocriniens », et alors qu'une récente étude menée par l'association Générations Futures85 a indiqué que l'air pollué - aussi bien en ville qu'en campagne - contenait des pesticides dont les 2/3 sont des perturbateurs endocriniens, le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel pourrait très largement augmenter la pollution aux abords du groupe scolaire Anatole France. En 2021, Airparif - organisme agréé par le ministère de l'Environnement sur la surveillance de la qualité de l'air en Île-de-France - avait affirmé que les niveaux de pollution dans le quartier Pleyel étaient élevés mais « (...) similaires à l'ensemble du territoire en Île-de-France ».

    Alors que Ralph Epaud - pédiatre pneumologue au CHU de Créteil - indiquait que « (...) la pollution est une menace sanitaire à long terme » et que « (...) les enfants sont plus vulnérables parce qu'ils sont à un moment où les voies aériennes se développent », le maire de Saint-Denis déclarait quant à lui que si « (...) l'on devait respecter les nouvelles normes de l'OMS, il n'y aurait plus d'école à Saint- Denis ».

    Section 2 : Le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel : responsabilités sociales des Jeux Olympiques ou limites du développement durable ?

    La question sociale comme fondement récent du développement durable

    Jean-Luc Dubois et François-Régis Mahieu expliquent que la dimension sociale du développement durable est particulièrement récente. Elle provient notamment d'une réflexion portant sur la pérennisation de la pauvreté et de l'accroissement des inégalités dans une période caractérisée par une dynamique de croissance relativement perceptible. Si en effet la durabilité du développement repose sur « (...) l'accessibilité aux biens et services, la constitution des capacités, et l'équité intra et intergénérationnelle »86, Jean-Luc Dubois et François-Régis Mahieu précisent que l'action publique ne respecte pas toujours ces paramètres, entraînant ainsi un certain nombre de dysfonctionnements. Plus encore, alors qu'aujourd'hui l'intervention publique tend principalement à réduire la pauvreté, l'éviction

    84 En 2017, à la suite d'un colloque européen, une charte est proposée aux collectivités afin de réduire l'exposition aux perturbateurs endocriniens.

    85 En 2022, l'association des médecins contre les pesticides et Générations Futures ont publié un rapport concernant la teneur de l'air pollué en perturbateurs endocriniens.

    86 Dubois, Jean-Luc, et François-Régis Mahieu. "La dimension sociale du développement durable: réduction de la pauvreté ou durabilité sociale?." Développement durable (2002): 73-94.

    63

    de la question de l'évolution des inégalités ne fait que croître le risque de « non-durabilité sociale »87.

    Léa Sébastien et Christian Brodhag ont eux aussi tenté de comprendre la profondeur sociale du développement durable. Si l'une des propositions du rapport Brundtland entendait dans ses objectifs « (...)favoriser un état d'harmonie entre les êtres humains et entre l'homme et la nature », la réalité a semble-t-il quelque peu effacé la question de l'harmonie entre les humains des grandes lignes du développement durable88. En effet, Léa Sébastien et Christian Brodhag expliquent que la question sociale s'est heurtée à deux oppositions : la première privilégiant une approche portant sur la protection de tous les êtres vivants - écocentrée - et la seconde portant sur la protection exclusive des êtres humains - anthropocentrée.

    Toutefois, la question sociale, intimement liée à la question économique, a piégé les acteurs politiques dans une conception du développement durable, soit, en tant que modernisation écologique, soit, en tant que croissance économique raisonnable. Parce qu'en effet, le développement durable a longtemps renvoyé à deux problématiques : l'environnement et l'économie. La question de l'insertion du social au sein du triptyque a alors été minoré à la fois par les anthropocentristes et les écocentristes.

    Si la dimension sociale au sein d'objectifs de développement durable souligne la nécessité d'une développement soutenable reposant sur une structure sociale à même de trouver « (...) des solutions aux tensions nées d'un développement déséquilibré », elle s'est heurté à une logique voulant, soit, l'intégrer au sein d'une dimension environnementale du développement durable, soit, l'insérer au sein d'une dimension économique.

    Alors que partout la pauvreté et les inégalités croissent et que ces croissances contribuent à exacerber les tensions sociales, et alors que les objectifs du développement durable visent à pacifier les rapports humains, l'incapacité des politiques publiques à répondre aux déséquilibres sociaux tend à favoriser la création de structures solidaires extra-étatiques tels que les associations, ou les collectifs citoyens.

    Au surplus, l'objectif principal de la dimension sociale du développement durable tend davantage à prévenir le conflit social qu'à répondre aux dysfonctionnements sociales résultant d'un développement économique dévergondé.

    87 La durabilité sociale renvoie à une harmonie entre les individus entre eux.

    88 Sébastien, Léa, et Christian Brodhag. "A la recherche de la dimension sociale du développement durable." Développement durable et territoires. Économie, géographie, politique, droit, sociologie Dossier 3 (2004).

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    Les limites de la durabilité sociale : le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel comme exemple d'une injustice sociale ?

    Les Jeux Olympiques ont fait de la question sociale et environnementale un des piliers de leur pensée, et d'ailleurs, le CIO en a même fait son faire-valoir.

    En effet, la dimension sociale des JO portent sur de multiples aspects. Premièrement, elle porte sur une organisation et une tenue des Jeux Olympique qui doit se faire conformément au respect des grands principes sociaux et environnementaux érigés comme nécessaires à la mise en place d'un développement durable - notamment par le sport - et à l'amorçage d'un développement urbain.

    Secondement, elle touche à la question de l'héritage des aménagements olympiques. En effet, alors que Cécile Collinet et Pierre-Olaf-Schut nous apprennent que la question de l'héritage social des JO a longtemps été effacé au détriment d'une étude portant sur l'héritage économique des Jeux Olympiques89, l'étude de la dimension sociale des JO a permis d'observer des changements dans la pratique sportive, « (...) l'adhésion des populations à l'événement (...) » ou encore l'inclusion sociale.

    La question de l'inclusion sociale se situe au coeur de l'étude du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel puisqu'elle vise à comprendre comment une partie de la population se trouverait évincée d'une problématique à laquelle est pourtant rattachée.

    En octobre 2021, paraît un rapport rédigé par l'UNICEF et le Réseau Action Climat concernant l'impact de la pauvreté dans l'exposition à un air pollué, et dans lequel est mentionné le cas du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel. Ce rapport nous indique qu'en France, près de 3/4 des enfants respirent un air pollué et que le trafic routier constitue une des principales sources de pollution atmosphérique. On y apprend aussi que les enfants sont exposés de manière hétérogène à la pollution à l'air. Ainsi, le constat de l'UNICEF est que 21 % des enfants vivent en situation de pauvreté et que la majorité des populations pauvres logent dans des villes où les niveaux de pollution atmosphérique sont les plus élevés.

    89 Collinet, Cécile, et al. "L'articulation des temporalités dans les politiques de prévention du vieillissement. La prise en compte des activités physiques et sportives comme outil d'anticipation du bien vieillir." Temporalités. Revue de sciences sociales et humaines 19 (2014).

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    Mais la question sanitaire de la complétude de l'échangeur Pleyel révèle aussi un manquement dans la politique de développement durable. En effet, alors que la durabilité sociale invite à la recherche de consensus entre les acteurs, le rapport de l'UNICEF, à travers le cas du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel, mentionne la difficulté des catégorie socio-économiques les moins favorisés à « (...) rendre visible et à faire connaître aux décideurs publics une situations d'injustice sociale en matière d'exposition de l'air »90.

    Daniel Cefaï avait étudié la question des difficultés dans la construction des problèmes publics et avait notamment fait part de la méconnaissance des mécanismes institutionnels91. Cette méconnaissance des mécanismes institutionnels par les groupes les moins favorisés est d'autant plus notable si l'on se penche sur les JO de Rio où des familles contraintes de quitter leur propriété n'avaient pu obtenir gain de cause essentiellement suite à leur incapacité à user de l'appareil juridique.

    Ainsi, alors que les objectifs du développement durable visent essentiellement à l'équité intra et intergénérationnelle, le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel, notamment par la qualification des revendications citoyennes comme « (...) excessif par rapport à l'intérêt de l'opération », participe en quelque sorte à l'accroissement des inégalités sociales et environnementales des générations présentes et futures.

    90 UNICEF et Réseau Action Climat. De l'injustice sociale dans l'air : pauvreté des enfants et pollution de l'air. Unicef France, oct. 2021.

    91 Cefaï, Daniel. "La construction des problèmes publics. Définitions de situations dans des arènes publiques." Réseaux. Communication-Technologie-Société 14.75 (1996): 43-66.

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    Le deuxième chapitre a été l'occasion pour nous d'opérer une critique de l'intérêt général du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel en partant d'une analyse marxienne de la notion. En effet, alors que l'intérêt général est consacré juridiquement, la critique marxienne nous a permis d'observer les oppositions conceptuelles qui continuent de persister dans qualification de cette notion. Ainsi, on a pu, en retournant au fondement sémantique de l'intérêt général, penser ce concept comme étant davantage la réponse aux besoins d'un groupe précis - présenté comme une classe dominante - qu'à la satisfaction des besoins de la société en tant que collectif unifié.

    Ensuite, notre interrogation a consisté à réfléchir sur la légitimité de l'action publique à travers des procédés de questionnement issus notamment des études de Pharo. Ces outils nous ont permis de remettre en question la légitimité du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel de manière objective, en faisant reposer notre analyse sur la dissemblance entre la législation étatique et son application concrète suivant une problématique donnée.

    Enfin, le dernier point de ce chapitre consistait à comprendre les limites de l'intérêt général du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel, notamment suite à une difficile conciliation entre la conception utilitariste de ce dernier et la nécessité de répondre aux objectifs de développement durable pourtant fondement de la pensée olympique.

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    CHAPITRE 3 : LA COMPLÉTUDE DE L'ÉCHANGEUR PLEYEL : VERS L'ÉMERGENCE D'UN INTÉRÊT GÉNÉRAL INDIVIDUEL?

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    Le dernier chapitre de ce mémoire vise à comprendre comment la complétude de l'échangeur Pleyel traduit l'émergence d'un nouveau type d'intérêt général. Alors que nous avons vu précédemment que l'intérêt général était la réponse à un besoin de la société, nous verrons que cette réponse aux besoins peut aussi renvoyer à un pan donné de la société. Alors, cette fragmentation de l'intérêt général peut être déclinée à un territoire, à une localité ou même à l'individu.

    Le premier point de ce chapitre portera sur une étude de l'intérêt général « territorialisé », et notamment la compréhension de la manière dont la complétude de l'échangeur tend à le faire émerger.

    Ensuite, nous verrons comment la déclinaison local de l'intérêt général traduit une volonté de mettre en place des mécanismes démocratiques de proximité, et comment les limites de cette déclinaison locale tendent à produire un intérêt général « individuel » légitimé par l'expérience personnelle des individus.

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    Partie 1 : L'intérêt général territorialisé

    Section 1 : Vers une définition de l'intérêt général territorialisé

    A la genèse de l'intérêt général territorialisé

    Comme expliqué par Jean-Eudes Beuret, l'intérêt général territorialisé est né d'une opposition dans laquelle des intérêts environnementaux se confrontaient à des projets économiques. Mais cette territorialisation ne met pas nécessairement en exergue une dichotomie entre des velléités environnementales et velléités économiques92. Elle révèle aussi des manières différentes de concevoir l'intérêt général au sein d'une échelle territoriale donnée.

    L'exemple qui suit va nous permettre de mieux saisir le concept évoqué: imaginons que sur un territoire donné, la volonté d'un groupe d'individus s'articule autour de la défense d'une espèce animale - quelconque, dans ce même territoire, la volonté d'un autre groupe d'individus viserait, quant à elle, à préserver le territoire en question. De fait, les différentes conceptions de l'intérêt général au sein de même territoire crée une opposition qui réside dans l'idée, soit, de préserver une espèce au détriment du territoire, soit, de préserver le territoire au détriment d'une espèce. Mais cet exemple n'est qu'une approche permettant de saisir le concept de l'intérêt général territorialisé.

    L'intérêt général territorialisé est ainsi défini comme étant « (... ) un compromis entre des intérêts généraux et des intérêts territoriaux représentés au sein du territoire (...) construit via des processus visant l'adaptation, l'ajustement de l'intérêt général aux enjeux territoriaux ».

    Alors que l'intérêt général constitue en partie le discours des élus, différentes observations ont permis de relever que l'intérêt général qu'ils défendent diffère parfois des perceptions que l'on peut en avoir à différentes échelles du territoire.

    92 Beuret, Jean-Eudes. "La confiance est-elle négociable? La construction d'un intérêt général territorialisé pour l'acceptation des parcs éoliens offshore de Saint Brieuc et Saint Nazaire." Géographie, économie, société 18.3 (2016): 335-358.

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    Lascoumes et Le Bourhis avaient déjà évoqué l'idée d'un « bien commun territorial »93. En effet, ces derniers nous expliquent que la confrontation des modèles d'actions par les différentes parties d'un territoire tend à faire émerger une conception territoriale de l'intérêt général dans laquelle « (...) la prise en compte des intérêts supra-territoriaux reste peu considérée (...) ». Les élus se retrouvent alors, soit, porteurs d'un intérêt général national, soit, porteurs d'un intérêt général à une échelle territoriale moindre.

    Mais cette question de territorialisation de l'intérêt général est sous-jacente à la question de la légitimité de l'action publique, et plus encore, à la légitimité des définitions imputées à l'intérêt général.

    En effet, Jean-Eudes Beuret, Anne Cadoret et Hélène Rey-Valette ont pris comme exemple celui de l'installation des éoliennes pour tenter de comprendre en quoi la légitimité de l'Etat dans la définition de l'intérêt général était parfois largement remise en doute94.

    Alors que l'Etat a initié des projets de parcs éoliens pour amorcer une transition énergétique et lutter efficacement contre le réchauffement climatique, l'installation des parcs éoliens s'est fortement heurtée au rejet des populations locales. Ainsi, bien que l'intérêt général, tel que conçu par la législation, légitime l'installation des éoliennes dans une volonté de lutter contre le dérèglement climatique, la perception du caractère d'intérêt général de ces éoliennes à l'échelle du territoire n'est pas absolument pas admise. Plus encore, ce type d'oppositions pose à la fois la question de la territorialisation de l'intérêt général, mais aussi celle de la territorialisation du développement durable.

    En effet, si Jean-Eudes Beuret, Anne Cadoret et Hélène Rey-Valette indiquent que l'intérêt général territorialisé résulte d'une opposition entre des enjeux environnementaux et globaux, cette appropriation de l'intérêt général à différents niveaux du territoire n'est pas singulière et s'accompagne aussi d'une territorialisation du développement durable.

    De l'intérêt général territorialisé au développement durable territorialisé

    Puisque la lutte contre le dérèglement climatique crée, au sein d'une société, un certain nombre de divergences concernant la manière de répondre aux différentes problématiques

    93 Lascoumes, Pierre, et Jean-Pierre Le Bourhis. "Le bien commun comme construit territorial. Identités d'action et procédures." Politix. Revue des sciences sociales du politique 11.42 (1998): 37-66.

    94 Beuret, Jean-Eudes, Anne Cadoret, et Hélène Rey-Valette. "Développement durable en zones côtières: comment territorialiser l'intérêt général environnemental? Un cadre d'analyse." Développement durable et territoires. Économie, géographie, politique, droit, sociologie 7.3 (2016).

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    soulevées, le développement d'un programme de développement durable à l'échelle des territoires et répondant aux spécificités des territoires en question, a été perçu comme une réponse pertinente au problème énoncé plus tôt.

    Alors que la question du développement durable est aujourd'hui largement admise par le champ politique national et international, la conciliation entre une croissance économique soutenue et une protection de l'environnement suffisante reste malgré tout relativement complexe.

    Cette difficile conciliation est d'autant plus forte qu'elle vient mettre en opposition une conception utilitariste de l'intérêt général face à la nécessité de répondre, dans une urgence socio-climatique, à un certain nombre d'objectifs adossés au développement durable.

    La question de la territorialisation du développement durable est particulière parce qu'elle soulève un paradoxe. Alors que le développement durable est le résultat d'un consensus qui entend répondre à une urgence climatique globale, qu'entend-on réellement par sa territorialisation ? La territorialisation du développement durable est l'idée selon laquelle les objectifs du développement durable ne sont atteignables que par une déclinaison des moyens pouvant y répondre à différentes échelles territoriales. Cette déclinaison met en exergue l'évidence présentée plus tôt, à savoir l'application d'une politique publique générale dans au sein d'une société hétérogène. Cette territorialisation permet alors la prise en compte de la multiplicité des actions locales.

    Au surplus, la territorialisation du développement durable exige un certain nombre de précautions, notamment la nécessité d'adopter un compromis à l'échelle des territoires par la participation d'acteurs divers, qu'ils soient des habitants ou des élus. La territorialisation du développement durable entend alors répondre aux spécificités locales tout en tenant compte des objectifs globaux.

    Toutefois, ce débat autour de la territorialisation, alors même qu'il supposait une réflexion sur la légitimité de la définition de l'intérêt général, pousse aussi à interroger les mécanismes par lesquels les acteurs expriment leurs opinions. Parce qu'en effet, la territorialisation interroge le rapport entre développement durable, intérêt général et démocratie, alors même que

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    Tapie-Grime souligne l'existence de phénomènes performatifs favorisant l'expression des acteurs les plus habitués à ces pratiques95.

    Section 2 : La complétude de l'échangeur Pleyel comme outil de construction d'un intérêt général territorialisé ?

    La territorialisation de l'intérêt général : la complétude de l'échangeur Pleyel comme compromis entre des intérêts généraux et des intérêts territoriaux ?

    L'entretien avec la Mairie de Saint-Denis avait permis de révéler toute la complexité qui existe dans la mise en place d'un projet d'une telle ampleur.

    En effet, le milieu urbain se confronte « (...) en permanence à des conjonctions multiples d'ambitions, d'objectifs qui, parfois, sont difficiles à conjuguer »96. C'est d'ailleurs cette problématique des intérêts environnementaux face à des projets économiques que Jean-Eudes Beuret a présentée dans son étude.

    Dans notre cas, la territorialisation de l'intérêt général est d'autant plus affirmée par la confirmation du projet du système d'échangeur Pleyel malgré « (...) des insuffisances tendant à l'absence de prise en compte de l'ensemble du projet d'aménagement de Saint-Denis (...)

    »97.

    La complétude de l'échangeur Pleyel témoigne d'un compromis entre des intérêts généraux et des intérêts territoriaux pour plusieurs raisons. Premièrement, parce que conformément à la décision de justice de la CAAP du 22 octobre 2020, il est possible de constater ce que Jean-Eudes Beuret, Anne Cadoret et Hélène Rey-Valette avaient dénommé « (...) l'ajustement de l'intérêt général aux enjeux territoriaux ».

    En effet, le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel, bien qu'inscrit au sein du « (...)contrat de développement territorial 2014-2020 conclu le 22 janvier 2014 entre l'État et l'établissement public territorial Plaine Commune », était en quête de financement depuis plusieurs années. L'opportunité des Jeux Olympiques a alors constitué un moyen de financer un projet qui « (...) qui préexistait et dont la finalité n'est pas l'accueil des Jeux olympiques

    95 Blatrix, C., Patrick Moquay, et M. Tapie Grime. "Développement durable et démocratie participative: la dynamique performative locale." (2007): 174.

    96 Entretien avec la Maire de Saint-Denis, réalisé le 21 mars 2022.

    97 Décision n°20PA00254 du 5 mai 2020 de la Cour administrative d'appel de Paris

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    et paralympiques de 2024 »98. De fait, la tenue d'un événement sportif porteur d'un intérêt général a permis de financer et d'ajuster le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel à la problématique urbaine du quartier Pleyel, longtemps marquée par des problèmes de trafic routier.

    Ensuite, la question de l'opposition entre des intérêts environnementaux et des projets économiques est d'autant plus visible au regard de la décision de la CAAP qui affirme qu'en tenant compte des avantages socio-économiques du projet, « (...) les inconvénients relevés par les requérants, en particulier en ce qui concerne les nuisances sonores et la qualité de l'air pour certains riverains, qui sont inhérents à de tels travaux de voiries, ne peuvent être regardés comme excessifs par rapport à l'intérêt que l'opération présente et ne lui retirent pas son caractère d'intérêt général ».

    Mais cette décision est d'autant plus intéressante qu'elle nous invite à comprendre comment s'effectue le passage d'une territorialisation de l'intérêt général à une acceptabilité du projet. Parce qu'en effet, au coeur de l'acceptation se trouve d'abord l'idée d'un « contrat social territorial »99 par lequel les projets sont consentis par les individus puisqu'ils sont portés par une administration composée de représentants qu'ils ont élus conformément aux dispositions démocratiques.

    La complétude de l'échangeur Pleyel : entre oppositions et ajustements ?

    La territorialisation de l'intérêt général est basculée entre une opposition au projet et des ajustements devant permettre de rendre ce dernier acceptable par la communauté.

    En effet, la question de territorialisation s'insère dans une logique dans laquelle les questions de l'intérêt général et du développement durable reposent sur des principes démocratiques. C'est ainsi que la participation constitue un des principales caractéristiques de l'action publique territoriale.

    Dans le cas du projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel, la décision de justice de la CAAP du 22 octobre 2020 présente plusieurs éléments témoignant de l'opposition et des ajustements ayant permis de faire naître un projet construit par les différents acteurs du

    98 Décision n°20PA00219 du 22 octobre 2020 de la Cour administrative d'appel de Paris

    99 Farah avait défini le contrat social territorial comme la convention tacite consentie entre les individus d'un territoire. Sa définition entend alors faire émerger l'administration territoriale comme l'organe suprême d'une société à l'échelle territoriale.

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    territoire conformément à l'idée de bien commun territorial développé par Lascoumes et Le Bourhis .

    Premièrement, la CAAP indique que « (...) l'avis relatif à la concertation publique sur le projet a été publié sur Internet le 16 novembre 2017 et modifié le 23 novembre 2017, que cette concertation s'est déroulée du 20 novembre au 22 décembre 2017 et que le public a pu accéder aux informations relatives au projet, notamment au travers d'un site Internet dédié au projet, de 650 exemplaires du dossier du maître d'ouvrage, 5 500 plaquettes d'information, 4 500 tracts distribués en boîtes aux lettres quelques jours avant les réunions publiques, 40 affiches et 3 jeux de panneaux d'exposition ». Elle ajoute aussi que les « (...) circonstances que le calendrier d'une partie des travaux ait évolué entre la phase de concertation et l'enquête publique et que les études relatives à la qualité de l'air n'aient été communiquées au public que dans le cadre de l'étude d'impact ne suffisent pas à priver la concertation d'un effet utile» .

    Ensuite, alors que Jean-Eudes Beuret, Anne Cadoret et Hélène Rey-Valette nous parlent de la nécessité du compromis entre les revendications locales et l'intérêt général d'un projet donné, la décision de la CAAP affirme que « (...) deux réunions d'ouverture, deux ateliers, une réunion thématique sollicitée par les habitants afin de présenter les variantes portées par le collectif des habitants (...) ont été organisées» et que « (...) conformément aux engagements pris par le maître d'ouvrage et les partenaires du territoire, les variantes proposées par les riverains au cours de la concertation ont été étudiées au cours du premier trimestre 2018 et ont été l'objet de deux ateliers les 23 janvier et 8 mars 2018, avant la réunion de restitution du 27 mars 2018 »100.

    Ainsi, alors que la CAAP défend que les concertations ont été menées conformément aux dispositions juridiques « (...) pendant une période suffisante », il est possible de retrouver, au sein du projet du système d'échangeur Pleyel, des éléments d'oppositions et d'ajustements caractéristiques d'une territorialisation de l'intérêt général.

    100 Décision n°20PA00219 du 22 octobre 2020 de la Cour administrative d'appel de Paris

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    Partie 2 : De l'intérêt général « local » à l'intérêt général « individuel »

    Section 1 : La notion d'intérêt général local comme partie prenante du discours des militants de la démocratie locale

    L'intérêt général local comme réponse à une crise de l'intérêt général

    Dès la fin du XXe siècle commencent les premiers questionnements à propos de l'intérêt général et le Conseil d'Etat tentera d'expliquer la crise de l'Etat par la crise de cet intérêt. Si cette explication fait suite à l'interrogation des professionnels du droit quant à l'existence de cette notion, l'ensemble du corps étatique ne paraît pas moins douter de cette existence.

    Cette crise de l'intérêt général est le fruit d'une construction sémantique reposant sur le rôle central de l'Etat dans l'exercice de l'intérêt général. Alors que pendant longtemps l'intérêt général a justifié l'action de l'Etat, il en est aussi devenu un instrument de légitimation. Toutefois, ce monopole étatique dans la définition de l'intérêt général a quelque peu été critiqué, notamment suite à la mise en exergue de la réelle capacité de l'Etat à définir efficacement et de manière objective l'intérêt général. Plus encore, l'intégration européenne a introduit une approche concurrentielle de l'intérêt général alors même que la décentralisation invitait les acteurs locaux à développer une action publique d'intérêt locale en concertation avec les citoyens. Cette crise de l'intérêt général a ainsi d'autant plus été affirmée par les oppositions contre certains projets d'aménagements - la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, par exemple - pourtant jugés d'intérêt général.

    Aujourd'hui, l'intérêt général local semble revêtir une légitimité qu'il n'avait pourtant pas quelques années auparavant. Effectivement, François Rangeon nous explique que la notion d'intérêt général local aurait été perçue comme un « contresens » il y a quelques années de cela101. En effet, alors que l'intérêt général garanti par l'Etat est de l'ordre du national, la question d'un intérêt général local renvoie, elle, à l'intérêt de l'individu. Mais cette déclinaison locale de l'intérêt général n'est pas si récente. Si elle trouve certainement ses racines dans la territorialisation de l'intérêt général évoquée plus tôt dans le chapitre, c'est avant tout l'émergence d'un pouvoir local résultant des volontés de décentralisation qui a permis son développement.

    101 Rangeon, François. "Peut-on parler d'un intérêt général local?." (2005): p-45.

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    Toutefois, cette construction est lente et près de vingt ans sont nécessaires pour que la notion devienne partie prenante du discours des professionnels du droit, des élus locaux ou des militants de la démocratie locale.

    Alors qu'au départ la notion se confondait avec d'autres concepts tels que « le bien commun local », « l'intérêt général territorialisé », ou encore « l'intérêt public territorial », elle devient au fil des approches tentant de la définir, une notion à part entière.

    Les tentatives de décentralisation n'ont pas seulement accru le pouvoir des collectivités, elles leur ont aussi permis de revendiquer la légitimité de leur définition de l'intérêt général. Ainsi, alors qu'historiquement l'intérêt général est du ressort de l'Etat, les collectivités ont pu, se saisir d'un intérêt général national qui « (...) ne récapitule pas tous les intérêts généraux qui peuvent exister dans notre pays »102.

    Le développement de l'intérêt général local s'explique par une crise de l'intérêt général principalement marqué par une délégitimation de l'action publique centralisée et technocratique. Mais cette délégitimation n'est pas le seul facteur de cette émergence puisque la consécration de la France en tant que « République décentralisée » suite à la révision constitutionnelle de 2003 a considérablement effrité le principe de suprématie de l'Etat sur ses collectivités locales.

    C'est de cette manière que l'intérêt général local diffère de l'intérêt général territorialisé. L'intérêt général local ne renvoie pas à une « (...) une fraction territorialement située de l'intérêt général tel que défini par le pouvoir central », puisque la décentralisation « (...) consacre juridiquement l'existence d'intérêts locaux distincts de l'intérêt de la généralité des citoyens ».

    L'intérêt général local : porte d'entrée sur la démocratie de proximité

    L'intérêt général local, en tant que résultat de la décentralisation, a participé à promouvoir « (...) les vertus d'écoute démocratique et d'efficacité de la gestion locale de la proximité ». François Rangeon explique que l'intérêt général local et la proximité sont liés en plusieurs points. Premièrement, parce que l'intérêt général local diffère de l'intérêt général « national

    102 Rangeon, François. «2. Peut-on parler d'un intérêt général local ?». Le Bart, Christian, et Rémi Lefebvre. La proximité en politique : Usages, rhétoriques, pratiques.Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2005. (pp. 45-65) Web. < http://books.openedition.org/pur/9692>.

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    »103, qui, lui, renvoie davantage à la transcendance et la hauteur. Ainsi, l'intérêt général local, par sa proximité au citoyen, se voit conférer davantage de légitimité de par son rapport aux réalités locales. Cette relation contiguë se présente alors comme la caution d'une intervention publique non seulement juste, mais aussi légitime.

    Hélène Bertheleu et Catherine Neveu se sont elles aussi penchées sur la question de la proximité au sein de la démocratie. Elles indiquent que c'est la loi de février 2002 relative à la démocratie de proximité qui a introduit le développement de mécanisme participatif au niveau des localités104. Mais cette introduction d'outils de participation n'est pas anodine puisqu'elle vient façonner la démocratie à une échelle relativement plus restreinte que celle nationale. Alors que la localité n'est historiquement pas encline à une action collective, l'institution de mécanismes participatifs - notamment les Conseil de la vie locale - traduit une volonté des collectivités locales de consacrer l'intérêt général à travers l'intérêt particulier. C'est ainsi que François Rangeon affirme que « (...) légitimant l'intérêt général local, la proximité est en retour légitimée par l'intérêt général local qui lui retire son caractère étriqué et particulariste, et lui permet d'opérer une montée en généralité ».

    Aujourd'hui, l'idée de débat démocratique est centrale dans les dogmes de l'aménagement urbain, puisqu'il doit permettre de dépasser ce que Tapie-Grime présentait comme étant les biais en faveur des groupes dominants.

    Alors que les principes de délibération ont été importés suite à la crise de la légitimité de la décision technocratique, l'intérêt général local était vu comme le moyen de faire émerger un « aménagement urbain participatif» dans lequel seraient exprimées les opinions des groupes dominés. C'est cette idée même qui fondait l'intérêt général territorialisé comme la recherche d'un consensus résultant d'une opposition, puis de la recherche de mesures d'ajustement devant faire naître une action collective.

    Mais finalement, en plus d'avoir présenté ses limites, l'idée d'un aménagement participatif a aussi mis en lumière la mésentente entre la justice et la démocratie, créant ainsi une dichotomie dans le discours étatique et faisant émerger l'expérience personnelle des individus comme un instrument de délégitimation de l'intérêt général.

    103 L'intérêt général national n'est nul autre que l'intérêt général. Le terme «national» vise à différencier l'intérêt général - tel que porté par l'Etat pour l'ensemble de la société - de l'intérêt général local.

    104 Bertheleu, Hélène, et Catherine Neveu. "De petits lieux du politique: individus et collectifs dans des instances de «débat public» à Tours." Espaces et sociétés 4 (2005): 37-51.

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    Section 2 : L'expérience individuelle comme nouvel outil de légitimation de l'intérêt général « individuel»

    La complétude de l'échangeur Pleyel : l'intérêt général « individuel » comme traduction des limites de l'intérêt général local ?

    Le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel permet non seulement de comprendre les limites dans la conception de l'intérêt général, mais aussi d'observer les limites dans l'émergence d'un intérêt général local dont la mission principale est de concourir à la satisfaction d'un besoin propre à la localité.

    Si nous avons vu plus tôt que l'intérêt général local ne s'exclut pas d'un intérêt général plus global, nous verrons ici que l'intérêt général individuel, lui, tend à s'évincer des deux concepts auxquels il devrait normalement se rattacher.

    La première partie de ce chapitre avait été l'occasion de comprendre en quoi l'échangeur Pleyel témoignait d'une territorialisation de l'intérêt général, notamment par une opposition entre des intérêts environnementaux et des projets économiques.

    Alors que l'intérêt général local renvoyait davantage à une idée de co-construction avec les citoyens, la question d'une indissociabilité de ce dernier à un intérêt général national, défini par l'Etat, a largement effrité le principe par lequel l'intérêt général local entendait pourtant tirer sa légitimité par son approche plus accessible.

    Parce qu'en effet, alors que originellement le contresens de l'intérêt général résidait notamment dans son identification à l'intérêt particulier - contrairement à l'intérêt général national qui dépasse l'intérêt particulier -, la déclinaison locale de l'intérêt général n'aura pas empêché de faire émerger des oppositions à des projets pourtant « d'intérêt général local ».

    La complétude de l'échangeur Pleyel met en exergue, par la construction d'un intérêt général individuel, la délégitimation de l'appareil étatique dans son entièreté - les collectivités locales incluses - dans la qualification de l'intérêt général. Cette délégitimation est d'autant plus certaine que le FCPE Pleyel avenir déclarait que « (...) Paris 2024 est une manifestation extra-légale et extra-démocratique » et plus encore, que le projet d'aménagement démontre « (...) à quel point les habitants de Saint-Denis sont négligeables face à un « intérêt général» qui reste totalement à démontrer ».

    79

    Mais cette remise en question de l'intérêt général est d'autant plus intéressante qu'elle vient aussi remettre en question les mécanismes démocratiques par lesquels sont décidés les projets. Ainsi, auprès de qui l'Etat est-il garant de l'intérêt général si le bien commun auquel l'action publique aspire à répondre n'est lui-même pas reconnu par les individus sur lesquels repose toute la légitimité de l'intervention publique ?

    L'expérience de l'injustice comme outil de délégitimation de l'intérêt général

    Pierre Zémor avait présenté au combien il est difficile de parvenir à une concorde dans l'intérêt général, parce qu'en effet, l'opposition à l'intérêt général n'est pas simplement une simple critique d'une définition qui lui serait imputée, mais aussi la traduction d'un « (...) conflit (...) de plus en plus intériorisé dans chaque individu, entre intérêt personnel et intérêt collectif »105.

    Alors que l'intérêt général individuel semble être la réponse aux limites de l'intérêt général national et local, il est aussi, par l'expérience à laquelle il renvoie, porteur d'une certaine légitimité.

    En effet, puisque le rôle de la nation est d'assurer à l'individu les conditions de son développement et puisque la frustration de l'intérêt de l'individu ne peut s'opérer que dans l'utilité publique, l'individu ne peut-il pas contester l'utilité publique quand cette dernière met en péril les conditions de son développement ? C'est la toute l'idée de l'expérience de l'injustice comme d'un outil de délégitimation de l'intérêt général.

    Proudhon présentait les limites de la pensée rousseauiste dans sa conception des individus comme subordonnés à la loi qui serait, elle, légitimée par une volonté générale. En effet, cette conception de la loi comme volonté de tous les individus, et de l'action publique comme expression de la volonté des individus, légitimerait alors l'intérêt général par son fondement reposant sur le contrat social.

    Mais la critique proudhonienne nous intéresse pour une raison principale : parce qu'elle affirme que la légitimité se trouve « (...) dans l'individu dont la volonté est déjà entièrement déterminée et qui a fait son choix »106.

    105 Zémor, Pierre. La communication publique. Presses Universitaires de France, 2008

    106 Édouard JOURDAIN, « Intérêt général, intérêt individuel et raison collective : perspectives à partir de l'oeuvre de Proudhon », Astérion [En ligne], 17 | 2017, mis en ligne le 20 novembre 2017, consulté le 12 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/asterion/3050

    Par cette logique, l'expérience d'injustice tient sa légitimité n'ont pas dans l'individu dont la volonté aurait été déterminée, mais plutôt dans l'individu dont la volonté n'a pas été déterminée.

    L'expérience de l'injustice entend alors questionner la justice dans son rapport à une action publique perçue comme étant injuste. Mais la question d'injustice ne renvoie pas seulement à une situation qui serait perçue comme injuste, elle porte aussi sur un contenu cognitif permettant à l'individu de qualifier une situation comme étant injuste107.

    Dans le cas de la complétude de l'échangeur Pleyel, l'expérience d'injustice résulte d'une part, de la capacité des individus à identifier les attentes normatives - ici l'annulation du projet pour des motifs environnementaux et sanitaires -, et d'autre part, de la dérogation de la décision finale - confirmant le caractère d'intérêt général du projet d'aménagement de l'échangeur Pleyel - aux principes de justices établis.

    C'est en ce sens que l'expérience de l'injustice constitue un outil de délégitimation de l'intérêt général, parce qu'elle soulève une situation injuste non seulement à partir d'une appréciation personnelle, mais aussi à partir d'une série d'attentes normatives découlant de la loi, qui constitue, elle, le fondement de la justice.

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    107 Renault, Emmanuel. L'expérience de l'injustice: reconnaissance et clinique de l'injustice. La découverte, 2013

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    CONCLUSION

    Notre réflexion visait à comprendre, à travers une étude portant sur la complétude de l'échangeur Pleyel, dans quelle mesure le caractère d'intérêt général des opérations d'aménagement olympique peut-il être critiqué à travers une lecture marxienne de l'intérêt général en tant qu'intérêt de classe.

    Pour répondre à la problématique formulée ci-dessus, nous avons premièrement effectué un retour historique sur la notion d'intérêt général. Ce retour nous a permis de saisir à quel point la notion, bien qu'existante sous des appellations différentes, n'a jamais revêtu de définition unique. En effet, alors même que l'intérêt général a été consacré juridiquement, de nombreuses critiques ont émergé en remettant en cause la légitimité de l'Etat à définir la notion de manière objective.

    Au-delà des divergences conceptuelles opposant une conception utilitariste et volontariste de l'intérêt général, le débat sémantique autour de la notion a aussi servi comme matière pour la pensée proudhonienne ou marxienne.

    La pensée marxienne a été le fondement de notre questionnement sur l'intérêt général de l'opération d'aménagement du système d'échangeur Pleyel. En effet, alors que Marx critiquait la légitimité de l'Etat dans sa définition de l'intérêt général, notamment parce qu'il le concevait comme porteur de l'intérêt d'une classe, son point de vue a permis de penser la complétude de l'échangeur Pleyel comme l'usage des instruments institutionnels étatiques dans un intérêt qui différerait de celui des classes les moins favorisés. Parce qu'effectivement, Chez Marx, l'intérêt général est avant tout l'intérêt du prolétariat. Mais si notre réflexion est intéressante, c'est avant tout parce qu'ici, l'intérêt de classe ne réside pas dans la possession des moyens de productions, mais dans l'utilisation des appareils étatiques dans un intérêt autre que celui d'une classe à qui ne profite pas l'intérêt général tel que pensé par l'Etat.

    Enfin, après avoir repensé la légitimité de l'action publique et de l'intérêt général de la complétude de l'échangeur Pleyel, le dernier chapitre a été l'occasion de comprendre comme le projet d'aménagement du système d'échangeur Pleyel exprime une territorialisation de l'intérêt général. Alors que cette territorialisation a conduit, tout en étant appuyée par les actes de décentralisation, à l'émergence d'un intérêt général local, nous avons pu constater en quoi cette intérêt général local présentait un certain nombre de limites, qui, elles, contribuent

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    à l'identification des individus à un intérêt général individuel. Cet intérêt général individuel, par l'expérience individuelle de l'injustice, devient alors un instrument de délégitimation de l'intérêt général.

    Si la question de l'intérêt général semble aujourd'hui de plus en plus au coeur des débats, c'est en réalité parce qu'elle témoigne de la crise démocratique que traversent un grand nombre de démocratie européenne.

    Ainsi, tout l'intérêt d'une prochaine réflexion serait alors de comprendre en quoi la crise de l'intérêt général témoigne-t-elle des limites de la démocratie.

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    ANNEXE

    Entretiens réalisés

    Entité

    Date

    Modalités

    DiRIF

    23 février 2022

    Téléphonique

    Mairie de Saint-Denis

    21 mars 2022

    Présentiel

    Géo Avocats

    3 mai 2022

    Écrit






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery