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De quoi l'auto-gynécologie est-elle le nom ?


par Lolane Dentand
Université Lumière Lyon 2 - Master Psychologie Sociale 2017
  

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III. De la gynécologie à l'auto·gynécologie

Il s'agira dans une dernière partie de présenter le phénomène de santé étudié, l'auto-gynécologie. Encore peu connu, il sera présenté à travers le contexte sociohistorique de sa naissance et de son évolution, en passant par la gynécologie (A) et le self-help (B).

A. La femme, un patient comme les autres ?

Premièrement, il parait intéressant de relever les particularités du rapport du système de santé aux femmes et à leur corps. Historiquement considérée comme un « homme manqué », dont les parties génitales sont celles d'un homme, mais à l'intérieur, la médecine -et la société- reconnaît ensuite à la femme une « nature féminine » basée sur la faiblesse et la prédestination à la reproduction (Laqueur, 1992). Deuxièmement, la médicalisation de la sexualité et de tous les phénomènes qui entourent la maternité conduit au XIXème siècle à la naissance de la gynécologie et de l'obstétrique comme disciplines médicales à part entière. Cela contribue à améliorer la prise en charge de la santé des femmes, puisque le taux de mortalité maternelle passe de 1% à 1 pour 10 000 (Vidal&Salle, 2017).

Toutefois, la naissance de la gynécologie n'est pas seulement liée à l'amélioration de la santé, mais s'inscrit également dans un contexte politique. En effet, malgré l'objectivité et la neutralité associées à la science et donc à la science médicale, les conceptions de la sexualité et de la santé publique entrainent une politique de contrôle des comportements et des populations à travers la santé sexuelle (Adam et al., 2016). C'est ce que Foucault (2004) nomme la biopolitique, lorsque l'exercice du pouvoir ne porte non plus sur le territoire mais sur la vie des individus. C'est dans cette perspective que se développe la médecine gynécologique.

« Fruit de la bicatégorisation sexuée, elle se distingue, parmi les spécialités médicales actuelles, par sa focalisation sur une catégorie dont on n'est pas censé·e pouvoir sortir, le sexe. Son pendant, qui n'a d'existence qu'anecdotique, serait l'andrologie. Ainsi, le rendez-vous périodique chez la ou le gynécologue perpétue et renforce une asymétrie fondamentale dans la surveillance sociale et le traitement médical des classes de sexe. »

Ruault, 2015, p. 35.

B. La crise de la gynécologie et l'auto-gynécologie

En dehors des caractéristiques historico-politiques de sa création, la discipline gynécologique est aussi traversée d'actualités et d'enjeux qui conditionnent son application et son évolution. Particularité française, elle se divise entre la gynécologie obstétrique et la gynécologie médicale, créée en 1963 pour la promotion de la contraception, la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles, la diminution des actes chirurgicaux et la prise en charge des troubles de la ménopause (Terris, 2016). Le nombre de gynécologues médicaux a baissé de 41,6 % de 2007 à 2017 en raison de l'harmonisation des lois européennes au sujet des spécialités médicales. En décembre 2017, un dossier du journal Le Monde titre ainsi « Consulter un gynécologue : la grande galère ». Enfin, la gynécologie est traversée depuis quelques années par des actualités polémiques, notamment avec l'épisiotomie, le « point du mari », les violences obstétricales ou les touchers vaginaux enseignés à l'université sur des patientes endormies3(*). Face à ces controverses, le Collège National des Gynécologues Français regrette un « gyneco-bashing », qui ne correspondrait pas à la réalité.

Dans un deuxième temps, il parait inévitable de situer l'auto-gynécologie au regard du self-help, qui fait le lien entre pratiques gynécologiques controversées et auto-gynécologie. Ainsi, on peut lire sur le site internet « gynandco », qui propose une liste de praticien·nessafe, que l'auto-gynécologie est une pratique qui était enseignée dans les années 1970 lors des luttes féministes pour l'avortement. Le MLAC, Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception, ou le Women'sHealth Collective de Boston, se battent la santé des femmes, et s'élèvent contre la médicalisation de la naissance, et les discours paternalistes et moralisateurs des gynécologues (injonction à la procréation, stigmatisation des sexualités...). Le self-help gynécologique, ou auto-gynécologie, est promu et se développe comme pratique politique de la santé à travers l'échange de savoirs et d'expériences, en dehors de l'institution médicale qui représente un frein à l'autonomie et à la liberté de choix.

« Le mouvement self-help est né aux États-Unis au sein du mouvement féministe de la fin des années 1960 (Women'sLiberationMovement). Ce mot self-help n'a jamais eu de traduction satisfaisante en français : s'aider soi-même, auto-assistance, entraide entre femmes... Il s'agit d'un mouvement de réappropriation du corps qui a commencé par la pratique de l'auto-examen gynécologique avec l'aide d'un spéculum et d'un miroir. Cette découverte, pratiquée en groupe, délie les langues et ouvre des discussions favorisant les prises de conscience sur notre relation au corps, à la sexualité, sur la santé et sur les rapports de pouvoir entre hommes et femmes ou encore avec le monde médical »


Rina Nissim,2014, introduction

Enfin, il conviendra de présenter l'auto-gynécologie actuelle, à travers des pistes de réflexion autour de la documentation profane disponible. Aujourd'hui en France, le phénomène de l'auto-gynécologie semble être porté par Martin Winckler, médecin et écrivain critique à l'égard de la prise en charge médicale actuelle, et PoussyDrahma, militante se définissant comme une « alter-gynécologue » parcourant la France dans un camion où sont organisés des ateliers d'auto-gynécologie. A la lueur de l'histoire de la gynécologie et de celle du self-help, l'auto-gynécologie se présente comme une pratique sanitaire avec des enjeux de réappropriation de son corps, du savoir, et d'émancipation de l'institution médicale, décrite comme paternaliste et potentiellement violente. Elle amène également des questionnements sur la promotion de la santé, la place des patientes et donc la démocratie sanitaire. En définitive, dans une perspective de santé publique, l'auto-gynécologie parait aussi intéressante que peu étudiée.

* 3 Voir à ce sujet les articles du Monde « Derrière le point du mari, le traumatisme de l'épisiotomie » du 18 avril 2014, de Libération « Episiotomie, derrière la polémique, une vraie violence » du 25 juillet 2017 ou du Figaro « Toucher vaginal sans consentement, une pratique bien réelle » du 28 octobre 2015.

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