WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'alerte et la prévention des limites et dangers d'Instagram


par Maëlle De Coninck
Université Lille - Infocom Roubaix - Master Communication Interne et Externe  2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre 3 : l'alerte et la prévention effectuées par les insta-

grammeurs

Les différents modes de prévention

Face à une standardisation des critères de publication et d'autres dérives d'Instagram que nous avons précédemment évoquées, certains utilisateurs décident de prendre la parole à ce sujet, et dédient une partie de leur activité à des fins de prévention et d'alerte sur Instagram. C'est le cas des comptes que nous étudions dans le cadre de ce travail de recherche : Essena O'Neil, coucoulesgirls, onveutduvrai et saggysara. Tous sont des comptes connus qui ont ainsi du poids, leur prévention est ainsi cruciale car elle a pour objectif de faire évoluer les normes.

La prévention par le détournement du rapport texte/image

Comme expliqué en début de ce travail de recherche, Essena O'Neill ancienne influen-ceuse australienne présente sur Instagram depuis l'âge de 15 ans, a subitement quitté l'application à ses 19 ans. A l'origine complexée, l'adolescente s'était inscrite sur le réseau social pour trouver un peu de réconfort. Très vite, elle s'approprie les codes de l'application, et reproduit le même type de publications standardisées et popularisées par les célébrités et influenceurs qu'elle admire. La jeune femme publie alors régulièrement sur le média social et devient de plus en plus connue. Alors qu'elle réalise son rêve en devenant influenceuse et en ayant la vie dont elle a toujours rêvé et a toujours aspiré, la jeune femme rentre dans un engrenage malsain qui ne la rend pas heureuse. Elle cache son mal-être à ses abonnés.

En effet, après avoir passé son adolescence à se construire une identité virtuelle, Es-sena est perdue et ressent une pression constante relative à la conservation de l'image qu'elle s'est donnée de jeune femme parfaite ainsi que d'idéal féminin. L'écart entre le

72 https://siecledigital.fr/2020/04/23/une-touche-de-transparence-supplementaire-sur-les-pages-face-book/

62

réel et l'idéal du moi qu'elle s'est construit en ligne devient de plus en plus difficile à vivre. Essena est piégée dans un type de contenu auquel elle a habitué ses abonnés. En 2015, l'influenceuse supprime alors de nombreuses photos sur son compte et va se servir des publications restantes pour y décrire la réalité cachée. Pour ce faire, elle garde les photographies d'origine mais en change les légendes. Ces dernières transmettent maintenant un message en opposition aux images d'une vie parfaite et de rêve. Ce qui était autrefois des textes vantant et mettant en avant une vie heureuse, se transforment en dénonciation. La jeune femme met en avant les limites d'Instagram et ses dangers en fonction de son expérience personnelle sur le réseau social. Elle publie également une vidéo YouTube73, dans laquelle elle raconte son histoire.

Depuis, la jeune femme a totalement supprimé son compte. Quelques-unes de ses publications détournées ont été reprises et repostées à l'identique par d'autres comptes Instagram qui ont été créés spécialement à cet effet. Nous nous basons sur le compte « essena.oneiil » que nous avons contacté afin de connaître la raison d'être, mais nous n'avons pas obtenu de réponses. Les publications que nous allons présenter reprennent donc à l'identique les publications originales de la jeune femme mais n'étant pas postées sur son compte, les réactions (commentaires et likes) sont à prendre en compte différemment.

L'instagrammeuse Essena O'Neill a ainsi réalisé une alerte par le biais d'un détournement du rapport texte (légendes) et image (photographies). Elle a néanmoins ajouté une photo pour annoncer sa démarche.

Figure 16 Publication D'Essena O'Neill annonçant son départ d'Instagram

73 https://www.youtube.com/watch?v=heHBcUOf sA

63

Légende : « Je quitte Instagram, YouTube et Tumblr. J'ai supprimé plus de 2000 photos aujourd'hui qui n'ont servi à rien d'autre que faire mon auto-promotion. Sans m'en rendre compte, j'ai passé la majeure partie de ma vie d'adolescente à être accro aux médias sociaux, à l'approbation sociale, au statut social et à mon apparence physique. Les médias sociaux, en particulier la façon dont je les ai utilisés, ne sont pas « réels », ce n'est pas la réalité. Ce sont des images artificielles et retouchées. C'est un système basé sur l'approbation sociale, les likes, la validation de soi par les vues, le succès en nombre d'abonnés. C'est un jugement parfaitement orchestré par soi-même. Je me suis consumée. Je passais la majorité de mes journées sur Instagram à faire défiler mon fil d'actualité et des publications sans but, des heures sur YouTube... Comment pouvons-nous nous voir et se concentrer sur nos objectifs, nos talents, si nous regardons constamment les autres ? Beaucoup d'entre nous sont si profondément ancrés dans le système qu'ils ne réalisent pas que ce sont des pouvoirs désillusionnaires et l'impact qu'ils ont sur nos vies. J'ai laissé quelques photos, la moitié avec des légendes que je crois être pédagogiques, l'autre moitié sont des photos qui vous ont trompé. Ce n'était jamais mon intention consciente, mais j'ai trompé beaucoup de gens ... Appelez cela duperie, de la manipulation, du mensonge. J'étais à la fois accro à l'approbation sociale et terrifiée que personne ne m'apprécie pour moi-même. J'ai donc réécrit les légendes de ces fausses photos avec la réalité. »

Cette publication révèle la réalité telle que la jeune femme la vivait et non plus comment elle la montrait. En abordant la publication du point de vue de l'approche sémio-pragmatique, nous constatons que cette dernière relève du mode moralisant. Suite à une prise de conscience drastique, Essena se libère et alerte ses abonnés qui peuvent eux aussi être victimes. En cela, elle produit et partage des valeurs. La jeune femme a elle-même alimenté le système qu'elle dénonce, en véhiculant un idéal et en participant à la standardisation des critères de publication.

64

Figure 17 Publication détournée d'Essena O'Neill, originairement à
la recherche d'une photo désirable pour être connue

Légende : « J'ai forcé ma petite-soeur à prendre la photo avant de partir à mon déjeuner d'anniversaire. (...) Je voulais juste être connue. Pour cela, j'avais besoin d'une nouvelle photo de profil sexy. Alors j'ai vraiment essayé d'en avoir une. Je voulais une image de moi sexy, « likeable » qui engendrerait plus de 100 likes. (...) Les gens m'ont dit que j'étais sexy. Donc je devais rester sexy. Les gens m'ont dit que j'étais drôle. Donc je continuais à être sarcastique et drôle aux dépens des autres. (...) J'étais obsédée par le fait d'être aimée. Donc je suis devenue obsédée par moi-même, narcissique. Et croyez-moi ça vous rend incroyablement seule. (...) » #gamechangers #so-cialmediaisnotreal #socialmedia #bethechange #movement #essenaoneill

Au travers de cette publication détournée, la jeune femme explique qu'elle était prisonnière d'un système dans lequel elle n'était plus vraiment elle-même. Elle cherchait avant tout à plaire aux autres avant de s'aimer. Cette publication à l'origine d'un mode esthétique car répondant aux normes des corps esthétiques et normes de publication, devient sensibilisatrice grâce à la légende modifiée. La jeune femme a changé également les hashtags qu'elle avait mis originairement et compte bien impulser un nouveau mouvement sur les réseaux sociaux comme ces derniers le montrent.

65

Figure 18 Publication détournée d'Essena O'Neill alertant sur la mise en scène derrière les publications

Légende : « S'il vous plaît, aimez cette photo, j'ai mis du maquillage, bouclé mes cheveux, mis une robe serrée, de gros bijoux inconfortables... Pris environ 50 photos jusqu'à ce que je trouve une qui pourrait vous plaire, puis j'ai édité ce selfie durant longtemps sur diverses applications, juste pour recevoir de l'approbation sociale de votre part. IL N'Y A RIEN DE REEL A TOUT CELA. » #celebrityconstruct #gamechangers #socialmediaisnotreal #socialmedia #bethechange #movement #es-senaoneill

Ici, le selfie de la jeune femme répond également aux critères esthétiques. Sa nouvelle légende dénonce la mise en scène derrière les photos et la perte totale de spontanéité. Tout est calculé et orchestré dans le but d'avoir un cliché parfait. La photo est le résultat d'un processus de scénarisation, et a demandé un investissement en temps mais aussi en vêtements et maquillage. La jeune femme aborde un sourire radieux. Sans le texte, beaucoup d'utilisateurs pourraient se dire qu'elle est heureuse, et c'est ce que l'influenceuse faisait croire à ses abonnés. Elle jouait un rôle.

66

Figure 19 Publication détournée d'Essena O'Neill dénonçant la mise en scène de sa vie sur Instagram et la démarche d'esthétisation

Légende : « Il n'y a rien de zen à essayer de paraitre zen, ni de prendre une photo de soi en train d'essayer d'être zen pour le prouver sur Instagram »

Comme une grande majorité des publications de la jeune femme, celle-ci correspond aux modes esthétique et artistique. Ici, l'influenceuse montre qu'elle vivait par procuration, qu'elle se mettait en scène dans la vie réelle afin d'alimenter sa vie virtuelle.

Nous avons choisi ces publications pour leur diversité (l'explication du départ de l'in-fluenceuse, un selfie et la mise en avant de la scénarisation des photos, une photo artistique, et une photo esthétique de la mise en avant du corps). Après le changement de la légende, ces publications deviennent sensibilisatrices, éducatrices et préventives. Vous trouverez en annexes d'autres publications détournées d'Essena O'Neill accompagnées de leurs légendes modifiées, traduites en français.

Nous avons demandé à Maureen Bourgois, une jeune femme de 23 ans très active sur Instagram (publications très régulières de photos, et story quotidienne) de nous parler de son activité sur le réseau social. Nous l'avons également confronté à une publication d'Essena O'Neill en maillot de bain sur la plage, sans lui montrer la légende. Vous pourrez retrouver cet échange en annexes. Maureen nous a expliqué dans un premier temps qu'elle ne poste des publications que quand elle est de bonne humeur, car « ça ne sert à rien de faire semblant ». Ainsi à première vue, elle ne se sent pas concernée par les phénomènes que dénoncent les comptes que nous étudions. L'étudiante se rend quotidiennement sur le média social pour échanger du

67

contenu avec ses abonnés (dont nous faisons partie), et en consommer à son tour. Elle explique toutefois que les réactions qu'elle suscite grâce à ses posts ont un impact sur elle, et que c'était notamment le cas lorsqu'elle était adolescente. Elle nous en parle en positif, en évoquant le fait que lorsqu'il y a en a c'est flatteur, d'autant plus qu'elle n'a pas entièrement confiance en elle. Les réactions ont ainsi un impact sur elle, elle n'en ressort pas neutre. La jeune femme est tout à fait consciente des dérives pouvant avoir lieu sur ce média social mais en échappe pourtant selon elle. Nous lui avons ensuite montré l'une des photos esthétique d'Essena O'neil et lui avons demandé ce qu'elle pensait de cette jeune femme à première vue. La réponse fut très intéressante. Elle nous a expliqué la trouver jolie et nous a signifié que ça se voit que c'est une personne qui a confiance en elle, qui se sent bien et passe un bon moment. Or, comme développé ci-dessus, l'ancienne influenceuse était loin d'avoir confiance en elle et dit avoir « menti » en se mettant en scène. Puis, quand nous lui avons lu la légende accompagnant la photo et présentant une tout autre réalité, Maureen a répondu que ça ne l»étonnait pas, confiant à son tour que finalement parfois ça lui arrive de ne pas poster un contenu de peur de recevoir des critiques sur son physique.

La prévention comparative « Instagram » versus « Réalité »

A ses 17 ans en 2015, Sara Puhto se crée un compte Instagram intitulé saggysara, où elle partage son parcours sportif et l'évolution de son corps. Elle poste alors de nombreuses photos d'elle et de son corps.

Par sa présence sur le réseau social, la jeune finlandaise y constate une uniformité des corps et la standardisation des critères de beauté, avec une sur-représentation des corps sculpturaux. Elle se reconnaît elle-même également dans ce phénomène et en prend conscience. A ses 20 ans, elle poste alors une première publication sur la représentation des corps sur le média social et continue la sensibilisation sur le sujet, jusqu'à en faire la mission de son compte. Elle confie également à ses abonnés avoir traversé une période difficile de 2012 à 2014 durant laquelle elle se faisait du mal physiquement. Elle transmet un message d'espoir et de positivité. En complément, elle s'empare de la thématique de la représentation des corps sur Instagram pour transmettre le message qu'il ne faut pas croire tout ce que l'on voit sur internet. Afin de montrer combien il est simple de transformer et sublimer une photo, sa spécialité est de publier deux photos d'elle côte à côte en opposition. Ces dernières ont

68

généralement pour objectif de montrer la différence entre une photo spontanée prise sur le fait, et une photo mise en scène, sélectionnée, et retravaillée.

Figure 20 Capture écran d'une publication de saggysara Instagram
versus Reality / décembre 2018

Légende : « Instagram n'est pas la réalité. Je sais que la plupart de nous sont au courant qu'Instagram peut-être incroyablement faux mais nous ne nous en souvenons pas tout le temps. J'ai mis du maquillage, cette robe et je me tiens dehors à 7°C pour prendre une photo de Noël où j'étais en train de geler. Ensuite, j'ai enlevé mon maquillage et je me suis changée pour mettre un survêtement agréable. On choisit les meilleures photos sur des centaines et on montre seulement les moments forts sur le média social. (....) Vous êtes valides et incroyables comme vous êtes, la façon dont vous vous comparez aux autres va vous faire sentir que vous n'êtes pas assez bien. Ce qui n'est pas vrai. Alors continue d'être toi bb, tu es incroyable. »

#instagramvsreality #socialmediaisnotreallife #positiveaffirmations #selfempower-ment

Sur cette publication, la jeune femme met en opposition deux photos d'elle dehors dans un paysage enneigé. Sur la première intitulée « Instagram », elle porte un chapeau de père Noël, un manteau rouge et une robe noire ce qui laisse supposer qu'elle est en train de célébrer les fêtes de fin d'année. Elle sourit et semble ainsi heureuse. S'il n'y avait eu que cette photo sans la légende explicative, c'est la représentation que se seraient fait ses abonnés. Sur la photo de droite nommée « réalité », elle grimace et se tient dans une position qui montre qu'elle a froid, on ne voit plus sa robe. A travers cette opposition et la légende qui l'accompagne (le texte et l'image sont ici complémentaires), saggysara montre le manque d'authenticité de certaines publications sur

69

Instagram et la mise en scène. Elle sourit et prend une pause qui n'est pas naturelle, elle détourne la réalité (celle d'avoir froid et de se mettre naturellement dans une position pour se réchauffer), pour se mettre en scène et réaliser une photo « instagram-mable ». La première photo relève du mode esthétique, et l'assemblage des deux photos avec la légende en font une publication relevant du mode sensibilisateur, préventif.

Figure 21 Capture écran d'une publication de saggysara "good" body
photo/"bad body photo" février 2020

Légende : « Pourquoi nous jugeons-nous si durement ? ça nous est tous déjà arrivé lorsque nous avons laissé une « mauvaise photo » de changer notre image. Mais ce à quoi vous ressemblez sur une photo ne devrait pas changer votre perspective de vous-même. (...) C'est parfois si dur de s'accepter. (...) En réalité nous sommes des individus si magnifiquement uniques. Nous ne devrions pas avoir ce besoin de prendre des « photos parfaites », et quand nous ne les obtenons pas, nous sentir tristes. Cette pression d'être « parfait » résulte des choses que nous voyons constamment dans notre société, et soudainement nous voulons être ce que la société promeut pour obtenir de l'approbation. Réalisez que les « bonnes photos » relayées par les médias sont une construction de ce qui est « censé être beau ». Trouvez l'approbation en vous-même, votre corps n'a pas besoin d'être « approuvé par la société ». (...) » #mentalhealthawareness #effyourbeautystandards #lovewhoyouare #beconfi-

dent #iambeautiful #flawsandall #bodypositive #nobodyshame

Ici, Sara Puhto confronte une photo intitulée « bonne photo de corps » sur laquelle elle se tient droite, la tête légèrement penchée et brandit en souriant une coupe de champagne, avec une deuxième photo « mauvaise photo de corps » où elle est assise et semble avoir été prise sur le fait et est ainsi davantage naturelle. Selon les critères

70

d'esthétisme présents sur Instagram, la jeune femme y est moins à son avantage. Si l'on fait attention, nous pouvons même remarquer des traces d'automutilation sur son bras. Saggysara montre ainsi comment la mise en scène, mais aussi des paramètres comme l'angle de prise de vue et la lumière peuvent sublimer et transformer une photo. Elle alerte ses abonnés sur les dessous des photos Instagram, et les invite à s'accepter tels qu'ils sont et à ne pas rentrer dans la spirale du culte des « photos parfaites ».

Figure 22 Capture écran d'une publication de saggysara "naturel"/ "photoshop" Mars 2020

Légende : « Photoshop cause des insécurités (...) Il est facile de perdre confiance en soi en comparant son corps à celui de quelqu'un d'autre sur une photo dont on ne sait même pas qu'elle a été retouchée. (...) Je ne vais pas mentir, la version de la photo non éditée n'est pas celle qui me rendait heureuse à propos de mon corps, j'en avais d'ailleurs honte. Mais j'ai réalisé que ce n'était pas grave, il s'agit juste de ce à quoi ressemble mon corps sous cet angle et je peux l'accepter, je n'ai pas besoin d'en avoir honte. Je n'ai pas besoin de me retoucher ou de paraître d'une certaine manière pour avoir confiance en moi. Je sais qu'il est impossible pour moi de ressembler au corps de la version éditée et cela me convient. Je sais que ce la manière dont mon corps a été construit. Comparer son corps avec un corps impossible à atteindre est contrepro-ductif et va seulement vous faire sentir mal. (...) vous êtes dignes, confiants et beaux. Ne changez pas votre corps, changez votre façon de voir votre corps.

#photoshop #selfdoubt #forgiveyourself #positiveenergy #selfesteem #loveyour-

body #iambeautiful #bodypositive #allbodiesaregoodbodies #instagramvsreality

Saggysara a été à la plage et a demandé à une tierce personne de la prendre en photo. Elle a ensuite retouché cette photo en affinant son corps (ses épaules, son ventre et ses hanches) et l'a publiée à côté de la photo d'origine. Il semble qu'un filtre ait également été ajouté car la mer est un peu plus claire sur la version éditée. La photo retouchée correspond aux corps et poses que nous avons l'habitude de voir sur Instagram et qui sont mises en avant et plébiscitées. Sara confie qu'elle aussi doute parfois de son corps et a du mal à l'accepter. Elle explique sa démarche d'acceptation de soi et cherche à s'assumer telle qu'elle est. La jeune finlandaise développe l'une des problématiques rencontrées par de nombreux utilisateurs sur le réseau social. Ces derniers se comparent et s'identifient à des corps retouchés, donc inatteignables même en faisant du sport. Surtout qu'il n'est pas toujours possible de deviner qu'une photo est retouchée, aucune mention n'est obligatoire à ce sujet.

La jeune finlandaise explique dans son texte qui vient en complément de la confrontation des deux photos, que chaque corps est différent et qu'on ne peut pas tous avoir le même, alors que justement les utilisateurs cherchent à converger vers un même type de corps dit esthétique, pour correspondre aux normes sociétales véhiculées sur Instagram. Les retouches sur Instagram sont un réel sujet de débat aujourd'hui sur internet. Il y a une prise de conscience de la part de nombreux utilisateurs ainsi que la volonté d'avoir accès à un contenu authentique et transparent. Sous les publications de certaines influenceuses, nous avons constaté des floppées de commentaires s'in-dignant de l'utilisation de Photoshop. Sur google se trouve une multitude d'articles concernant des personnalités accusées de trop retoucher leurs photos, et même des tops 10 des comptes Instagram les moins authentiques74.

71

74 Nous pensons par exemple à l'article « 10 influenceuses qui ne ressemblent pas du tout à leurs photos Instagram » publié par madmoizelle en août 2020. https://www.madmoizelle.com/influenceuses-ressemblent-pas-photos-instagram-1029082

72

Figure 23 Capture écran d'une publication de saggysara "ce à quoi je ressemble
en bikini sur Instagram"/"Ce à quoi je ressemble en bikini en réalité" Avril 2018

Légende : « (...) Les réseaux sociaux ne sont pas une version réaliste de nous-mêmes. J'essayais tellement de ressembler à d'autres personnes sur Instagram dans la vraie vie, jusqu'à ce que je réalise que vous ne pouvez pas poser et contracter tout le temps. Personne ne ressemble à ce à quoi ils ressemblent sur Instagram 24/7. Les photos ne sont qu'une fraction de seconde de la vie de quelqu'un. Pourtant, nous nous efforçons constamment d'être ces extraits. (...) Je vois cela dans les commentaires tout le temps, quand les gens ont des choses normales comme les vergetures, les poils, la cellulite, la graisse corporelle, les gens commentent instantanément négativement ces choses. Nous sentons que nous ne pouvons plus être simplement nous-mêmes. Nous sommes conditionnés à être si critiques envers nous-mêmes. (...) Je ne comprends pas pourquoi les gens peuvent être si horribles les uns envers les autres et eux-mêmes. (...) Ne vous changez pas, surtout pour ressembler à des mises en scène de la perfection qui n'existent même pas. Ne vous changez pas pour impressionner les autres, cela n'en vaut pas la peine. Ne soyez pas si dur avec vous-même. (...) Arrêtons de nous juger les uns les autres et nous-mêmes pour des choses insignifiantes. Soyez à l'aise dans votre corps tel qu'il est !! » #mybody #flatstomach #lo-veyourbody #selfesteem #lawofattraction #thankyourbody #youareworthit #youareu-nique #flaws #insecurities

Ici, saggysara poste une photo « A quoi je ressemble en bikini sur Instagram » où elle prend une pose populaire sur le réseau social (main sur la cuisse et l'autre derrière la

73

tête, jambes écartées pour paraître plus mince, ventre rentré et posture cambrée), qu'elle confronte à une photo qu'elle intitule « à quoi je ressemble en bikini dans la réalité ». Sur cette dernière, sa posture est plus naturelle et son corps relâché. Au travers de ces deux photos et de la légende, elle cherche à montrer que les photos ne représentent pas forcément la réalité, qu'elles sont sélectionnées parmi une grande quantité de clichés pris, et que les publications ne sont que des extraits de la vie des utilisateurs. Ces derniers ne montrent que ce qu'ils souhaitent, et ce qui les met en avant, en valeur. Nous ne voyons pas et ne pouvons pas imaginer les coulisses de ces photos et le contexte dans lequel elles ont été prises. Enfin, tout comme dans notre société, les poils, les vergetures et la graisse sont jugés non esthétiques notamment chez les femmes, la jeune finlandaise rappelle que ce sont des phénomènes naturels et qu'une grande majorité en a aussi, mais néanmoins fait en sorte qu'on ne les voit pas. Une grande mobilisation et vague d'appel à s'accepter voit d'ailleurs le jour sur Instagram ces dernières années.

Nous avons mis en avant ces quatre publications en particulier car elles couvrent les différentes thématiques que nous voulions aborder et sur lesquelles saggysara effectue une alerte et de la sensibilisation. Sur ces publications sélectionnées, la jeune femme évoque en effet les dérives d'Instagram en se basant sur son propre vécu : la mise en scène derrière les photos, le manque d'authenticité, les retouches, la recherche de l'approbation d'autrui et encourage l'acceptation de soi.

La prévention par l'ironie et la publication de posts dits non « conventionnels »

Juliette Katz est passionnée par la musique dès son plus jeune âge. A 16 ans, elle se lance dans une école de musique et signe quelques années plus tard un contrat avec Universal Music France. Après avoir sorti son premier single en 2011, un album en 2012, et eu différents projets musicaux, elle se sent à la fin de sa carrière dans la musique. Elle enchaîne alors des petits boulots et vit des périodes de chômage. Alors qu'elle se filme en train de parodier les Youtubeuses beauté pour s'amuser, une amie lui donne alors l'idée de poster ses vidéos sur Facebook. En 2016 Juliette se crée une page Facebook et Youtube coucoulesgirls où elle poste un contenu décalé, et se met en scène en faisant preuve d'auto-dérision et de beaucoup d'ironie. Quelques mois plus tard, elle se crée un compte Instagram en plus de son compte personnel, dédié à

74

cet amusement. Les abonnés sont de plus en plus nombreux jusqu'à être plus de 530 000 en 2020. Juliette fait alors de sa nouvelle activité son métier. Là où les instra-grammeurs postent leur petit déjeuner healthy75, coucoulesgirls se poste compléte-ment décoiffée et mal réveillée, quand les influenceurs postent des photos d'eux sous leur meilleur jour, elle montre son double menton et fait une grimace. Juliette se prend en photo au naturel et se montre sous toutes les coutures.

L'objectif derrière ces publications décalées ? Dénoncer les standards de beauté présents sur Instagram. Si autrefois, la jeune femme s'amusait à imiter les Youtubeuses beauté, les instagrammeurs et influenceurs n'y échappent pas.

La youtubeuse est également animée par d'autres combats, le féminisme, le harcèlement en ligne et la grossophobie en tant que femme en surpoids. Elle a d'ailleurs joué le premier rôle dans le téléfilm « Moi, grosse ».

Figure 24 Capture d'écran du compte de coucoulesgirls "Instagram"/"reality" Janvier 2019

Légende : « Instagram VS Reality »

Ce premier post que nous avons voulu mettre en avant montre toute l'ironie dont fait preuve coucoulesgirls au travers de ses publications. Tout comme saggysara, la jeune femme reprend le format « Instagram » versus « réalité ». Cependant, on ne voit aucune différence entre les deux photos présentées ci-dessus. Juliette fait ainsi passer le message qu'elle se montre comme elle est dans la « vraie vie », sans retouche et artifice. La jeune femme en rit.

75 Nourriture saine et naturelle accompagnée d'un mode de vie sain, devenu une véritable tendance sur les réseaux sociaux.

75

Figure 25 Capture d'écran du compte de coucoulesgirls août 2019

Légende : « Est-il encore nécessaire de rappeler qu'un corps quel qu'il soit, mérite de ne pas être photoshopé ? Visiblement oui. »

Suivant la même logique que la publication précédente, la jeune femme présente deux photos d'elle, son corps retouché et son corps authentique. A travers ce post, cou-coulesgirls dénonce les critères de beauté présents sur Instagram. Nous pouvons d'ail-leurs apercevoir ses vergetures et sa cellulite, des caractéristiques corporelles qu'on ne voit que très rarement sur le réseau social tant ils sont camouflés.

Dans une interview réalisée par Brut76, la jeune femme se confie sur sa démarche. Elle explique vouloir casser l'image de la femme parfaite et les injonctions autour de la beauté : non une femme n'est pas obligée de se maquiller, non elle ne doit pas souffrir pour être belle, tous les corps sont acceptables et la différence est belle. Cou-coulesgirls évoque également les dangers du « culte du parfait » : beaucoup de jeunes utilisateurs s'identifient aux instagrammeurs et cherchent à leur ressembler.

Or, les publications de ces derniers étant généralement retouchées et mises en scène, ils se confrontent à un idéal inatteignable.

76 https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/video-coucou-les-girls-un-compte-instagram-en-guerre-contre-les-diktats-de-beaute 2976327.html

76

Figure 26 Capture d'écran du compte de coucoulesgirls au nouvel an 2019

Légende : « En direct de ma meilleure vie pour le réveillon. Tapez 1 si le vôtre est pareil. Dans le rôle du canapé le plus confortable du monde (et tout le reste de la déco) : @madedotcom. Dans le rôle du chien @guizmothethug »

Alors que la majorité des instagrammeurs se montrent sous leur meilleur jour, heureux en train de vivre des moments excitants, coucoulesgirls se montre affalée dans son canapé en pyjama, un 31 décembre. Bien entendu, il est fort probable que la jeune femme ne passait pas réellement le nouvel an ainsi et qu'il s'agissait d'une blague. Quoi qu'il en soit il est peu courant de voir des influenceurs se montrer ainsi. La jeune femme apporte une touche d'humour et ne se prend pas au sérieux. Nous pouvons constater qu'elle conserve la même ligne éditoriale pour effectuer des partenariats, puisque cette publication est en lien avec la marque de décoration Madedotcom.

Figure 27 Capture d'écran du compte de coucoulesgirls en Belgique, Juin 2019

77

Légende : « Hier j'étais en direct de Washington à côté du Lac Leman devant la Joconde » La publication ci-dessus est totalement ironique tant au niveau de la photo que la légende et la localisation. Cette dernière indique la Grèce, la légende Washington et la Joconde, tandis que la photo a été prise en Belgique devant le Manneken-Pis. Coucoulesgirls poste devant la statue en faisant une grimace et imite la célèbre pose que font les touristes devant les monuments quand ils se prennent en photo. C'est justement par les grimaces et la parodie, ses deux marques de fabrique, que la jeune femme dénonce les diktats de la beauté. Elle détourne les standards de publication et met en ligne sur le réseau social un contenu non conventionnel. Cou-coulesgirls alerte ainsi indirectement sur un problème de société lié à l'injonction de la beauté (notamment auprès des femmes), et bouleverse les critères esthétiques. Elle montre ce qui ne faut habituellement pas montrer sur Instagram.

Figure 28 Capture d'écran du compte de coucoulesgirls posant nue, Juillet 2020

Légende : « Une semaine et 150 000 likes après, ces photos ont été supprimées pour cause d'« actes sexuels ». 4 ans que mon compte Instagram existe, 4 ans que je poste des photos de moi nue, 1ère fois que cela arrive. Est-ce le petit bout marron de mon téton qui est considéré comme un « acte sexuel » ? Ma peau trop présente ou encore le fait que mon corps prenne trop de place en photo ? C'est vrai quoi, un corps nu ça dérange mais vidéos/photos/commentaires qui incitent à la haine, la violence, qui discriminent... Ce n'est pas bien grave. Où avais-je la tête ? »

Coucoulesgirls pose nue et publie des photos de son corps où elle se trouve jolie afin de s'accepter telle qu'elle est. Dans de nombreuses interviews, elle explique le faire pour elle et insiste sur le fait de ne faire aucune retouche. Elle montre son corps de manière authentique. Les posts de nu lui permettent de s'assumer et de prendre

78

pleinement conscience de son corps de femme, et d'aider les autres utilisateurs à faire ce dont ils ont envie. Il s'agit en réalité d'un re-post puisque la jeune femme avait déjà posté cette photo qui a été censurée par Instagram (d'où la présence d'un carré flou pour ne pas montrer l'entièreté de sa poitrine). Elle critique Instagram qui censure des corps nus mais ne réagit pas assez au harcèlement en ligne et laisse passer des commentaires haineux et du contenu insultant. La trentenaire fait également référence à son poids et questionne le fait que les corps des personnes en surpoids soient généralement davantage censurés, ce qui est une réalité. Ce phénomène s'explique par l'algorithme d'Instagram qui supprime les photos en calculant automatiquement le pourcentage de peau découverte. Au-delà d'une certaine limite le contenu est classé comme pornographique. Les utilisateurs de grandes tailles se voient ainsi davantage sanctionnés. L'algorithme du réseau social est discriminant.

Nous avons choisi ces diverses publications qui ne sont que quelques-unes parmi tant d'autres intéressantes à étudier, pour leur diversité. Tantôt la jeune femme alerte les autres utilisateurs des dérives d'Instagram en postant des photos d'elle dans un contexte décalé et en faisant des grimaces, tantôt elle est davantage sérieuse et aborde de réelles questions autour de la représentation du corps féminin et de la grossophobie sur le réseau social, mais dénonce également toutes les mises en scène derrière les publications.

En janvier 2020, Juliette Katz s'est créé un nouveau compte Instagram intitulé « cou-coulescons » qui cumule un peu plus de 30 000 abonnés.

Elle y poste les nombreux commentaires insultants qu'elle reçoit, afin de dénoncer le cyberharcèlement qui a lieu sur Instagram.

Elle le décrit comme « Un compte de dénonciation qui témoigne de la violence (en toute impunité) de ce que je reçois quotidiennement », des commentaires rabaissant, grossophobes. » La trentenaire souhaite montrer la violence de ce type d'agressions en ligne et partage maintenant également des messages que d'autres utilisateurs ont reçu et qu'ils lui partagent.

79

Figure 29 Commentaire qu'a reçu coucoulesgirls, partagé sur son compte cou-

coulescons

La jeune femme met en lumière les messages désobligeants qu'elle reçoit de la part d'utilisateurs cachés derrière leur écran. En commentaires, les abonnés de ce nouveau compte réagissent en s'indignant de la cruauté.

La prévention par la création d'un mouvement

Louise Aubery est étudiante à Sciences Po Paris. En dehors de ses cours, elle est Youtubeuse et créatrice de contenu sur les réseaux sociaux.

En 2016, la jeune femme âgée de 18 ans se crée en plus de son compte personnel (ouvert en 2013), un compte Instagram nommé « mybetterself ». Elle y partage des conseils santé et fitness. Au fils des mois, elle se rend compte que malgré le fait qu'elle soit mince (voire très mince), elle ne se sent pas à l'aise dans son corps et ressent le besoin toujours de mincir et de se muscler davantage. Un déclic a lieu et la jeune femme décide de communiquer sur les injonctions que subissent les femmes, autour du poids mais pas que. Aujourd'hui, elle a gagné en kilos et en confiance en elle. Mybetterself n'est plus un compte où elle partage ses conseils sportifs, mais un espace où elle partage ses idées sur le féminisme, la représentation des femmes sur les réseaux sociaux et les dérives d'Instagram, et encourage les femmes à prendre le pouvoir de leur vie. Elle s'exprime ainsi notamment sur les sujets de société auprès de sa communauté de plus de 395 000 abonnés, de laquelle elle est très proche.

Tout comme Louise, Julie Bouges est Youtubeuse et créatrice de contenu. En 2013, alors qu'elle a 16 ans, elle participe à un carnaval qui tourne au drame. Son costume

80

prend feu et elle est emmenée en urgence à l'hôpital où elle sera plongée dans un coma artificiel durant trois mois. A son réveil, la jeune fille se rend compte que son corps est brûlé à 40% et doit réapprendre à manger, boire et se déplacer. Un an après son accident, elle ouvre un compte Instagram appelé « Douze février » en rapport à la date auquel ce dernier a eu lieu. Elle y partage dans un premier temps son histoire puis s'étend à partager de la positivité et à s'exprimer sur des faits de société à sa communauté de 506 000 utilisateurs.

En mai 2019, Mybetterself publie une photo (voir en annexes) avec l'instagrammeuse « Pausitiveworld » qui est en surpoids. Toutes les deux sont en sous-vêtements et tiennent une pancarte sur laquelle est écrit « All bodies are good bodies » soit « Tous les corps sont des bons corps ». A la suite de ce post, Louise est retirée de la liste d'invités d'un voyage presse auquel elle devait participer. Elle comprend que ses valeurs ne correspondent pas à l'entreprise avec laquelle elle devait partir et décide quelques jours après, de poster une photo d'elle seule en sous-vêtement, sans artifice et en ne posant pas (voir annexes). Elle tient à nouveau une pancarte avec le message « #OnVeutDuVrai » et lance un hashtag appelant à faire de même. Elle explique en légende de la publication qu'elle en a assez de ne voir sur Instagram que des photos qui font complexer. Elle appelle ses abonnés à créer un mouvement pour provoquer un changement et contrer les publications des marques, médias et publicités qui ne mettent en avant qu'un seul type de physique.

Julie Bourges rejoint rapidement l'initiative. Sur son compte Douzefévrier elle publie une photo similaire avec une légende appelant à briser les codes et les stéréotypes. Fin mai 2019, les deux jeunes femmes décident ensemble de créer le compte Onveut-duvrai ayant pour devise « Pour que les réseaux sociaux nous fassent sentir bien ». Un peu plus d'un an après, ce compte est suivi par 36 600 utilisateurs d'Instagram. Pour alerter et sensibiliser, Louise et Julie y partagent des publications publiées par leurs abonnés avec l'hashtag #OnVeutDuVrai, des illustrations sensibilisatrices créées

81

par divers comptes, créent elles-mêmes leur propre contenu et partagent les initiatives de certaines Influenceuses (toujours en écrivant leur propre texte comme légende).

Figure 30 Capture écran d'une publication sur le compte on-
veutduvrai montrant une photo de roro_le_costaud

Légende : « #OnVeutDuVrai, c'est ça. Ce sont des personnes de tout bord, de tous horizons, de tout sexe. Ce sont des personnes, qui ont connu des épreuves plus ou moins difficiles, mais qui se battent pour s'en sortir. Ce sont des personnes vraies, authentiques, qui ont réalisé que leur soi NATUREL était plus que suffisant. Et qu'il fallait en être fier.e. Ces personnes, en fait, c'est vous. Et avec Julie, qu'est-ce qu'on est fières de vous. » #OnVeutDuVrai #PhenixArmy #MyBetterSquad

Cette publication est un partage d'une photo de Romain alias roro_le_costaud qui a suivi le mouvement lancé par Louise et Julie. Cette publication est intéressante à étudier car c'est la première à représenter un homme. Suite à un accident de ski ce dernier est tétraplégique et se déplace en fauteuil roulant. Celui qui était autrefois pompier présente aussi une légère dépigmentation de la peau au niveau des bras. Ici Instagram est utilisé pour partager l'histoire d'un homme qui a rencontré une épreuve douloureuse dans sa vie et qui partage de manière authentique une grande positivité et des messages d'encouragements auprès de sa propre communauté. Dans un univers basé sur l'image, le handicap était jusqu'à ces deux dernières années peu représenté. Cette publication renforce le mouvement visant à briser la représentation du handicap sur Instagram et montre une diversité des utilisateurs, et ainsi des histoires et des corps.

82

Figure 31 Capture écran d'une publication sur le compte onveutduvrai partageant une
photo publiée par jujufitcat

Légende : « BRAVO et MERCI à jujufitcats d'utiliser les réseaux sociaux comme on aimerait qu'ils soient : pour qu'ils nous fassent du bien. Avouez, on se sent beaucoup mieux avec ce genre de photos sur notre feed, non ?! #OnVeutDuVrai »

Justine Becattini alias jujufitcats est une Youtubeuse et créatrice de contenu spécialisée dans le fitness, qui prône l'acceptation de soi. En mai 2019, elle partage deux photos d'elle mises côte à côté, dont l'une laisse apparaître sa cellulite. Suivie par plus de deux millions d'utilisateurs, elle lève le tabou sur un phénomène naturel en montrant que même une grande sportive peut avoir de la cellulite. Selon la position du corps, l'angle et la lumière d'une photo cette dernière est visible ou non.

Le compte onveutduvrai a reposté cette publication que ses deux gérantes trouvent positive et utile pour rappeler que la cellulite, les boutons et les vergetures (tous largement considérés comme des imperfections) sont normaux et présents chez de nombreuses personnes bien que camouflés sur Instagram.

83

Figure 32 Capture d'écran d'une publication du compte onveutduvrai / août

Légende : « Tu es là. Plongée dans les réseaux. Tu es là et tu vois tout. Les Kylie Jenner. Les Nanas de télé-réalité. Ces corps passés sous les couteaux de la chirurgie. Ces photos parfaitement photoshopées. Et toutes les marques qui savent si bien le gérer. Tu vois chaque jour ce que tu n'atteindras jamais. Tu vois chaque jour tout ce qui est fait pour te faire complexer. Tout ce qui est fait pour te faire croire que tu n'es pas un idéal de beauté. S'il te plaît ne crois pas en cette fausse réalité. Le virtuel c'est facile tu sais. Aujourd'hui on peut te faire croire ce qu'on veut, avec n'im-porte quoi. Et je vais te dire... La vérité c'est qu'on y a tous accès. C'est tellement facile. On nous met à disposition des outils qui ne nécessitent même plus d'être professionnels pour retoucher une photo. Tant c'est devenu à la mode... À la mode d'être faux. Un simple coup sur Facetune permet de blanchir les dents. Un autre permet de masquer la cellulite, les vergetures, les cicatrices, les boutons. Tandis que le dernier sert à réduire la taille des cuisses ou la largeur de ton ventre. Ne crois pas tout ce que tu vois. Tu sais la beauté est partout autour de toi. Tout ça, c'est les diktats de la société. Et les stéréotypes des réseaux sociaux. Faits pour te donner une fausse idée de toi. Faits pour te faire dépenser et acheter, ce corps que tu n'auras jamais. Ne te laisse pas avoir. Ouvre les yeux... Et dis-moi, dans la rue, combien de femmes vois-tu comme ça ? Nous sommes là tu sais. Tout autour de toi. Et nous sommes comme toi. Nous aussi nous avons nos complexes. Nous sommes grandes, petites, minces, maigres, rondes, brunes, rousses, blondes, chauves. Nous connaissons les cuisses qui se touchent autant que celles qui ne se

84

touchent pas. Nous avons toutes nos complexes. Un nez qu'on trouve tordu, des dents qu'on trouve trop grandes, de la cellulite, un double menton, des vergetures, des poignets d'amour. Nous sommes joyeuses, tristes, spontanées, impulsives, créatives, idéalistes. Nous sommes des femmes. Des vraies. Celles auxquelles tu peux t'identi-fier. Promets-moi de ne plus te tromper. » Julie #onveutduvrai

Julie alias Douzefévrier a créé cette illustration portée sur la comparaison, qu'elle a posté sur son compte Onveutduvrai et qu'elle accompagne d'un texte portant un discours sur la diversité des corps. Elle évoque la retouche comme une « fausse réalité » et explique qu'il ne faut pas se comparer à ce à quoi on ne peut pas ressembler, d'au-tant plus que chacun est unique et ne devrait pas ressentir ce besoin. Son message fait écho à la sortie du schéma traditionnel de la photographie et l'apport des filtres par Instagram et les autres applications de retouche qui ont suivi. Il invite à se détourner des codes de publications et à s'identifier à la communauté #Onveutduvrai plutôt qu'à des comptes Instagram non authentiques et transparents.

Figure 33 Capture d'écran d'une illustration réalisée par le compte miss_happy_c partagée par le compte onveutduvrai / Janvier 2020

Légende : « Évidemment qu'on a une vision déformée de notre corps. Depuis notre enfance on a eu droit à Barbie et aux mannequins maigres comme référence de ce que la société appelle « norme » et définit comme « attirants ». Évidemment qu'on a des troubles du comportement alimentaire quand on nous a vanté depuis 20 ans le mérite des diètes et régimes, ces pancakes sans goût, ces shakers dégeulasses.

85

Évidemment que le reflet du miroir est une torture quand à coup de Photoshop on nous fait croire que les gens « sains » n'ont pas de cellulite ou de stretch marks ou de cicatrices ou même de grain de peau. Évidemment. Ne nous étonnons pas de l'héca-tombe. Sous couvert de nous « inspirer » les marques, les magazines, les réseaux continuent de projeter cette vision déformée d'un corps idéal. Mais tu sais ce que c'est le corps idéal ?! Celui qui a vécu. Celui qui porte les traces de la vie, celui qui change, celui qui n'est pas lisse, et par dessous tout, le corps idéal c'est TOI qui le définit. Et ce qui m'inspire ? Le VRAI. Je ne veux pas du parfait, je veux la réalité, le bon angle et l'angle mort, je veux des DES corps, de la diversité, et encore plus : des gens qui rayonnent peu importe leurs corps. La RÉUSSITE m'inspire. Le DÉPASSEMENT de soi m'inspire. La perfection m'emmerde. Ce post c'était juste pour vous dire: 1) vous n'êtes pas seul(e)s. 2) ce n'est pas de votre faute donc arrêtez de culpabiliser. 3) on continue le combat pour s'accepter et pour une meilleure représentation de tous les corps. On veut du vrai ! »

Cette image représentant une barbie avec de la cellulite a été réalisée par le compte danaemercer et partagée par onveutduvrai. Les barbies étant des jouets avec lesquels les enfants et notamment les petites filles jouent, des normes physiques et des codes esthétiques sont inculqués dès l'enfance. Les barbies ont des mensurations irréalistes ne représentant pas la réalité du corps féminin et ne présentant aucune « imperfection ». Ainsi, ajouter de la cellulite à une barbie est un message fort qui a pour objectif de mettre fin aux diktats de la beauté. En complémentarité, la légende de la publication véhicule elle aussi un message fort en rapport à la standardisation des normes de beauté dans la société, et l'industrie qui s'enrichit sur les insécurités des femmes. Véritable coup de gueule, ce texte n'épargne pas Instagram puisque le réseau social participe largement à la standardisation d'un corps idéal.

Les deux jeunes femmes partagent leur point de vue sans tabou sur ce qui aujourd'hui est un phénomène de société et qui est l'une des grandes problématiques d'Instagram.

Ainsi le compte onveutduvrai a été créé suite à l'annulation d'un voyage de presse auquel Louise Aubery devait participer. La jeune femme a été désinvitée à la suite d'une publication postée sur son compte Mybetterself où elle était en sous-vêtement au côté d'une femme en surpoids. Rejointe par Julie Bourges, elle a alors lancé un mouvement prônant l'authenticité et la diversité des corps sur Instagram. Les

86

thématiques abordées sur Onveutduvrai ont également rapport au féminisme et à la place des femmes dans la société et par écho sur Instagram.

Comme pour les précédents comptes, nous avons sélectionné ces quatre photos pour la diversité des points de vue traités, des messages et des supports (deux photos et deux illustrations). Vous trouverez davantage de publications en annexes.

Caractéristiques et résultats de la prévention

Les échecs et difficultés de la prévention

Des utilisateurs passent à côté du discours d'alerte d'Essena O'Neill

L'alerte effectuée par Essena O'Neill par un changement de ses légendes amenant à une confrontation du rapport texte/image a résonné auprès de ses abonnés et de milliers d'utilisateurs. La prévention est d'autant plus forte qu'elle a été l'une des premières à mettre en avant les dérives d'Instagram. De plus, les personnes qui suivaient la jeune femme sont notamment des jeunes en pleine construction d'eux-même, qui pouvaient avoir pris l'influenceuse comme modèle pour la représentation que cette dernière véhiculait.

La jeune femme est sortie des codes présents sur l'application pour redéfinir un nouvel espace de communication avec de nouvelles contraintes. Malgré le décalage entre les photos, nous avons constaté que certains utilisateurs passent totalement à côté du discours de prévention et d'alerte en continuant de commenter les publications par de nombreux compliments sur son physique (que vous trouverez en annexes).

Des messages comme « tu es vraiment trop belle et magnifique, je rêve d'être comme toi » montrent que certains utilisateurs s'arrêtent aux photos et ne lisent pas les légendes, donc n'ont pas compris le message transmis par la jeune femme et ont mal interprété sa démarche. Ces utilisateurs ne respectent pas l'espace de communication redéfini par la jeune femme. Il y a ainsi un décalage étonnant entre le discours de la publication et certains commentaires, ces utilisateurs ont le comportement que la jeune femme dénonce. Cet exemple nous amène à nous demander si Instagram en tant que média n'est pas l'énonciateur et crée l'espace de communication. Il n'y aurait pas plusieurs espaces de communication mais un seul espace engendré par Instagram.

87

Cette réflexion nous amène également à nous demander si les utilisateurs suivent une personne sur Instagram pour son contenu ou pour ce qu'elle est. Ici, trop habitués à un type de contenu, certains utilisateurs passent à côté du message de la jeune femme.

EssenaO'Neil, accusée d'avoir voulu faire le buzz

La démarche de la jeune femme en dehors d'Instagram, n'a pas été acceptée par tous. L'ancienne influenceuse a par la suite créé un site internet « Let's be game changers »77 de type blog, ayant pour objectif de dénoncer les dérives des médias sociaux, d'informer, et de se reconnecter à la « vraie » vie, tout en proposant des discussions autour de ses nombreux centres d'intérêts. Dessus se trouvait une catégorie « support me » supprimée par la suite, proposant aux gens de lui faire des dons pour qu'elle puisse continuer à vivre et à proposer un nouveau type de contenu. Elle est alors accusée de mener une stratégie marketing et de vouloir susciter le buzz. Quelques mois après son lancement, le site internet est désactivé subitement alors que des personnes avaient effectué un don. Ce qui est considéré par certains comme du vol.

De plus, de nombreux utilisateurs mettent en évidence le paradoxe que nous avons développé dans la partie précédente, à savoir que la jeune femme se sert d'Instagram pour dénoncer Instagram, tandis que d'autres critiques sont tournées vers la promotion de son nouveau site internet, et le fait que l'influenceuse n'a jamais été aussi médiati-sée.78

Figure 34 Capture d'écran 1 d'un tweet critiquant la démarche d'Essena O'Neill
Source : compte Twitter d'Ophélie Duvillard via un article de L'express

77 Le site n'est plus accessible aujourd'hui.

78 https://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/instagram-la-strategie-bien-ficelee-d-essena-o-neill 1732544.html

88

Figure 35 Capture d'écran 2 d'un tweet critiquant la démarche d'Essena O'Neill
Source : compte Twitter d'Olivier Clairouin via un article de L'express

La jeune femme a recréé un site internet nommé « authority within »79 afin de partager ses opinions sur divers sujets, des essais sur le néolibéralisme, aux podcasts, en passant par le partage de photos au design particulier. Essena s'est également réinscrite sur Twitter, Tumblr et Pinterest, et a changé son comportement sur les médias sociaux. Elle ne met plus sa vie en avant mais s'en sert plutôt pour partager des opinions et réflexions. Dans un échange vidéo avec la Youtubeuse Tiffany Ferb80 elle explique n'avoir finalement pas réinstallé Instagram et que les réseaux sociaux ne sont ni bons ni mauvais, que tout dépend de l'utilisation que l'on en fait.

Coucoulesgirls : quand l'on est soi-même victime de ce que l'on dénonce

Dans le livre qu'elle a écrit intitulé « T'es bonne bébé ! », coucoulesgirls revient sur son parcours et témoigne de son expérience sur Instagram.

« Pour être honnête encore une fois, parfois je poste des photos pour venir rassurer mon manque d'amour en moi, ou juste parce que j'ai envie qu'on me dise que je suis belle. Mais ça, ça relève encore du regard des autres, de leur approbation, et d'un besoin d'exister aux yeux des autres... ce qui est très paradoxal. (....) Rentrer dans la vie des gens sur Instagram ou partout ailleurs, n'est pas très compliqué, il suffit de deux clics pour avoir accès à l'autre. (...) Mais n'oublions pas que c'est purement du voyeurisme de notre part, que l'autre met en place et que nous validons. » (Juliette Katz, 2019, p.133)

79 https://www.authoritywithin.com/

80 https://www.youtube.com/watch?v=Ce5kkO urHE

89

La trentenaire confie qu'elle-même a un rapport parfois compliqué avec Instagram, et fait face à certaines problématiques que nous avons développées dans la partie « Ins-tagram et les réseaux sociaux, reflets des problématiques contemporaines ». Ce qu'elle livre dans cet écrit est en contradiction avec son discours et sa position affirmée sur son compte coucoulesgirls. La jeune femme dénonce ce dont elle-même est victime et alerte des dangers d'Instagram sur la santé mentale, mais trouve en ce média un moyen de se sentir aimée et de combler un manque. Elle parodie le comportement de nombreux utilisateurs et notamment les Youtubeuses beautés et influenceurs, alors que peut-être, elle ressent le même besoin qu'eux.

Nous observons également que certaines de ses publications sont beaucoup travaillées et relèvent d'un effort de mise en scène. Nous ne pouvons pas savoir combien de photos la jeune femme a prises avant d'en poster une, nous n'avons pas accès à l'en-vers du décor de ses publications, mais nous pouvons néanmoins constater qu'elle produit un contenu atypique en contradiction avec les standards de publication présents sur le réseau social, et se tourne en auto-dérision.

La jeune femme réalise une mise en scène quotidienne d'elle-même en suivant une ligne éditoriale tournée autour de l'humour, peut-être pour elle une manière de se libérer. Par la parodie et l'humour, coucoulesgirls alerte les autres utilisateurs des dérives d'Instagram, mais c'est aussi un moyen pour elle d'y trouver une place.

La mise en scène de soi pour alerter

Les quatre comptes que nous avons sélectionnés dénoncent les dérives d'Instagram et alertent les autres utilisateurs sur ces thématiques. Parmi elles figurent la question de l'authenticité et de la mise en scène. A cette fin, la finlandaise Sara Puhto effectue de nombreuses confrontations de son corps version « Instagram » et version « réalité ». Les photos associées au réseau social sont esthétiques et travaillées tandis que les photos représentant la réalité sont davantage naturelles et ne répondent pas aux standards de beauté. Cependant, il est intéressant de noter que nous ne connaissons pas la façon de faire de la jeune femme. Se prend-elle en photo en prenant une pose particulière pour Instagram, puis ensuite relâche son corps et se prend en photo sans poser pour représenter ce qui est supposé être la réalité ? Ou bien, les différentes photos sont prises à la suite sans arrière-pensée et classées ensuite dans la catégorie « instagrammable » ou non ? Dans le premier cas, la jeune femme se met elle-même

en scène pour alerter les autres utilisateurs à propos de la mise en scène sur Insta-gram. Elle même choisit les photos qu'elle va mettre en confrontation. Comment être certains que les photos qu'elle juge non conformes au média social ne sont pas elles même sélectionnées, et qu'elle choisit celle avec laquelle elle se sent le plus à l'aise ? Rappelons qu'à ses débuts, la jeune femme publiait des photos de son corps musclé, en adoptant certains angles de vues et poses particulières et populaires. Ce n'est que par la suite qu'elle se confie sur les injonctions qu'elle ressent vis-à-vis des standards et des critères de publication. Nous pouvons nous demander aujourd'hui si elle est réellement sortie de ce schéma-là.

Parmi les publications que nous avions sélectionnées de saggysara, cette dernière en avait publié une « Instagram » versus « réalité » dans son jardin en plein hiver pour montrer que la réalité est qu'elle avait très froid et que la photo pour le réseau social n'était donc pas authentique. Quatre jours avant, la jeune femme a publié une photo qui semble issue de la même séance photo. Elle y souhaite un joyeux Noël à ses abonnés et sourit dans son jardin enneigé. Quand l'on compare cette publication à celle publiée quelques jours après et sa légende, nous comprenons que la jeune femme s'est mise en scène dans cette publication, ce qui est assez surprenant étant donné que c'est ce qu'elle dénonce et un sujet sur lequel elle alerte les autres utilisateurs.

Figure 36 Capture d'écran du compte de saggysara décembre 2018

90

Légende : « Joyeux Noël. Bonnes vacances !!! J'espère que vous passez tous un

91

super Noël et mangez plein de délicieuses choses et que vous passez du bon temps avec vos amis et votre famille. Je vous aime et apprécie !

#merrychristmas #happyholidays #eatallthefood #thiccmas #gettingfestive

Nous pensons également aux publications de Coucoulesgirls, qui elle aussi se met en scène pour faire rire ses abonnés et passer des messages.

L'apparition d'un paradoxe général

Etudier ces comptes de prévention qui alertent les utilisateurs des dérives et dangers d'Instagram, nous a amené à constater un paradoxe. En effet, il est assez contradictoire d'utiliser Instagram comme plateforme de dénonciation et d'alerte au sujet du réseau social lui-même. Les dangers de ce média social sont ainsi évoqués sur Insta-gram par des utilisatrices qui l'utilisent au quotidien. En cela, les comptes de prévention détournent le réseau social et son objectif initial. Instagram impose un certain cadre de communication que ces comptes cherchent à contourner, parfois en vain comme nous l'avons évoqué au travers du cas d'Essena O'Neill.

Nous pouvons ainsi nous demander si le réseau social n'est pas un seul espace de communication, et remettre ainsi en doute l'existence de multiples espaces de communication sur la plateforme.

Ainsi, des personnalités suivies sur Instagram avertissent leurs abonnés sur les dangers des réseaux sociaux qui les ont pourtant faits connaître et grâce auxquels elles vivent principalement aujourd'hui. C'est le cas notamment de coucoulesgirls, Douzefévrier, mybetterself (dans une moindre mesure puisqu'elle est encore étudiante), Essena O'Neill (qui s'est lancé dans des études et qu'elle a ensuite arrêté au profit de son nouveau site) qui sont dépendantes d'Instagram par leur activité sur cette plateforme, génératrice d'un revenu. Nous avons constaté également que se montrer sans filtre, sans artifice et sans retouche devient de plus en plus populaire.

Nous pensons directement aux hashtags #nofilter ou #iwokeuplikethis81 qui ont pour objectif d'indiquer à ses utilisateurs que la photo n'a pas été retravaillée et qu'elle est authentique.

81 Ce hashtag lancé par la reprise des paroles de Beyoncé dans sa chanson « Flawless » avait originairement pour objectif de lutter contre les injonctions de beauté qui pèsent sur les femmes, en les invitant

92

Mais cette nouvelle tendance ne représente-elle pas elle aussi une dérive ? N'est-ce pas un nouveau moyen de se montrer et de se mettre en avant ?

Néanmoins cette prévention est une très bonne initiative de la part de ces utilisatrices très présentes sur le réseau social qui font passer des messages importants et bienveillants à leur communauté « En désacralisant les stars du net et en incitant les utilisateurs à s'apprécier et à se montrer tels qu'ils sont et non tels qu'ils aimeraient être, les influenceurs ont une chance de devenir ce qu'ils ne faisaient qu'aspirer à passer pour : des leaders d'opinion respectables et respectés, capables de bouleverser les normes établies. » (Marchand, 2016, p.131)

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon