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Le motif du retour au pays natal dans le roman de l'immigration: l'exemple de ces à¢mes chagrines de Leonora Miano et voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue


par Fabrice Lyonel NJIOTOUO NJAKOU
Université de Douala - Master 2 2019
  

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I.2.2 Les immigrés en proie aux regrets

Les regrets constituent un autre aspect de ce sentiment de non-appartenance qui favorise la crise identitaire des immigrés. Déçus de ne pouvoir pas faire corps avec cet ailleurs longtemps rêvé, ils nourrissent des regrets vis-à-vis de leurs pays de départ. À présent, ce pays redevient un endroit lointain, un lieu qui semble, lui aussi, leur échapper. Seulement, il ne s'agit pas d'un regret affirmé, mais d'un regret voilé. Lorsque Jende par exemple dans sa conversation avec Edwards, son patron, lui parle de Limbé, on y perçoit beaucoup de nostalgie. Il dit :

Limbe est une ville où il fait si bon vivre. Vous devez vous rendre là-bas un jour Monsieur. En toute vérité, Monsieur vraiment, il faut y aller [...] vous pouvez être n'importe qui, venir à Limbé pour une nuit ou pour dix ans, être gros ou petit, vous êtes heureux d'être arrivés là. Vous sentez le souffle de l'océan qui parcourt de kilomètres pour venir vous saluer. Ce souffle est si doux et là, vraiment, vous avez l'impression que cette ville près de l'océan que l'on appelle Limbé est unique au monde » (VVR : 46-47).

Cette nostalgie qu'éprouve Jende en parlant de sa ville natale n'est que la face visible d'un sentiment beaucoup plus profond. Limbé, dans ses dires, connote un espace attractif, un lieu où il fait bon vivre, un endroit agréable à contempler. Alors, la question que son patron lui pose est celle de savoir pourquoi un individu peut-il se permettre de quitter un endroit aussi attrayant. La réalité est toute autre. Jende est convaincu que Limbé n'aurait pas pu lui offrir tout ce qu'il désirait. Néanmoins, faute de pouvoir réaliser ses rêves dans son nouveau pays, il se représente son Limbé natal. Le fait de parler de Limbé en de si bons termes est une volonté pour lui de réaliser, de façon mentale, ce qu'il n'a pu faire de façon réelle, c'est-à-dire avoir une vie, reflet de la beauté de sa ville natale. Boubacar joue également un rôle important dans la construction de ce sentiment chez Jende. Son pragmatisme, teinté d'un optimisme de façade, fait prendre à Jende la mesure de la difficulté, de l'inaccessibilité à ses rêves. « Tu dis que l'Amérique ne t'a pas accepté [dit-il à Jende] eh, je te crois. Parfois j'ai l'impression que

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c'est pareil pour moi. L'Amérique c'est l'enfer parfois, je sais ça [nous soulignons] j'ai souffert depuis le jour où je suis arrivé en Amérique, je te le dis-moi » (VVR : 358).

L'attitude de Jende, suite à ces propos, renseigne sur ses états d'âme : « il éclata de rire, mais un rire dans lequel pesaient cette fois toutes les difficultés. » (Ibid.) Jende regrette, mais ne saurait l'avouer ouvertement, de s'être embarqué dans cette aventure aux issues incertaines. Il a conscience que « même [s'il] obtenait ses papiers [...] étant un homme noir immigré, jamais il ne sera en mesure de gagner un salaire qui lui permettrait de vivre la vie dont il rêvait. » (Ibid.). Toutefois, l'attitude de Jende rompt avec celle de son épouse. À défaut de se faire accepter par l'Amérique, de devenir citoyenne américaine, elle veut voir son fils le réaliser ce rêve ; elle fait une projection sur ce dernier. Elle est prête à tout afin de rendre cela possible. Au pasteur qui veut comprendre ce désir en lui demandant si elle n'aura pas à regretter ses agissements, elle répond « je ne vais pas le regretter [...] je ne vais pas regretter de laisser mon fils pour qu'il devienne citoyen américain, qu'il grandisse... » (VVR : 365). Voir son fils devenir américain constitue pour elle un motif de satisfaction. Elle se voit en cet enfant et souhaite que ce dernier puisse porter une marque qu'elle n'a pas pu avoir.

Antoine également développe des regrets. Ceux-ci sont dus à l'hostilité de son pays d'accueil. Il regrette d'avoir quitté son pays natal, même si, contrairement aux Jende, il y a été contraint. Pour lui « tout valait mieux que [l'Afrique] » (CAC : 127) et « en réalité, il ne pensait [plus] fouler à nouveau le sol du Mboasu » (Ibid.) une fois qu'il le quitterait.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand