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Gouvernance et création de valeur

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par Fatma Ben Moussa
Ecole Supérieure de Commerce de Tunis - mastère finance 2005
  

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ECOLE SUPERIEURE DE COMMERCE DE TUNIS

Mémoire présenté pour l'obtention du diplôme de Mastère en Gestion des Organisations

Option : Finance

GOUVERNANCE ET CREATION DE VALEUR

Elaborée par : Encadré par :

BEN MOUSSA Fatma Monsieur Le Professeur :

EZZEDINE ABAOUB

Année universitaire : 2004-2005

Introduction générale

Les graves dysfonctionnements observés dans la gestion de certaines grandes firmes ainsi que les désordres boursiers qui les ont accompagnés ont suscité un foisonnement d'articles et d'ouvrages, d'origine et de nature diverses sur la gouvernance d'entreprise. Pourtant, l'intérêt retrouvé pour ce sujet ne date pas de ces deux ou trois dernières années.

L'origine du thème de gouvernement d'entreprise se situe dans l'analyse de Berle et Means (1932)1(*) qui faisait suite à la crise de 1929. Pour ces auteurs, le problème de la gouvernance est né du démembrement de la fonction de propriété, - en une fonction de contrôle, qui fait intervenir les systèmes d'incitation et de surveillance, censée être accomplie par les actionnaires et une fonction décisionnelle supposée être l'apanage des dirigeants -, qui s'est produit dans les grandes sociétés américaines au début du siècle, et qui caractérise la grande société cotée à actionnariat diffus, la firme managériale. Ce démembrement, en raison d'une défaillance des systèmes de contrôle chargés de discipliner les principaux dirigeants, aurait provoqué une dégradation de la performance et une spoliation des actionnaires.2(*)

Le renouveau de la littérature sur la gouvernance se situe au début des années 1990 : c'est à peu près à ce moment que l'on a commencer à recontester les excès du pouvoir managérial et à vouloir le réguler au nom de l'intérêt des actionnaires. Ce qui montre qu'au-delà des circonstances et de l'effet de mode, le développement de la réflexion en ce domaine correspond à une tendance de fond touchant aux transformations du modèle dominant de la firme.

De fait, il semble que la valeur actionnariale est devenue une référence essentielle dans la définition des stratégies et dans le pilotage des firmes. Et les causes de cette évolution ne font guère débat. D'un coté, les vagues de privatisation, les opérations de fusion et d'acquisition, les restructurations industrielles et l'émergence du secteur des nouvelles technologies ont accru l'activité des marchés d'actions ainsi que la dépendance des firmes à leur égard. La globalisation financière a aussi étendu l'influence des marchés boursiers. Parallèlement, les évolutions démographiques ont orienté l'épargne des ménages vers les placements boursiers. De surcroît, cette réorientation s'est faite par l'intermédiaire de fonds d'investissement qui ont potentiellement renforcé le pouvoir de l'actionnariat en le concentrant. Celui-ci est désormais en mesure de demander des comptes et de faire valoir ses objectifs auprès des dirigeants d'entreprise.

Le système de gouvernement de l'entreprise est assimilé à un ensemble de mécanismes internes (conseil d'administration et système de compensation) et externes (géographie de capital) ou de contrôle (géographie de capital et conseil d'administration) et un mécanisme incitatif à travers le rôle assigné à la compensation, par lequel, l'investisseur s'assure d'avoir un rendement équitable de ses investissements.

Plusieurs études empiriques ont prouvé la contribution de la géographie de capital dans la détermination du niveau de performance de l'organisation (Schleifer et Vishny 1986, Wruck et Backer 1989, Wruck 1989, Mc Connel et Servaes 1990...). D'un coté, la détention d'une part importante du capital par le manager (Jensen et Meckling 1976) influence directement le comportement du manager. D'un autre côté, la présence d'investisseurs institutionnels dans la structure de propriété renforce le contrôle exercé sur la manager à moindre coût (Pound 1988) et forme une source d'accumulation de vote pour les stratégies les plus créatrices de valeur.

Un autre courant de recherche a essayé d'examiner le rôle assigné au conseil d'administration à travers la formulation des stratégies, ainsi que la révocation et la nomination des managers en fonction de leurs compétences et leur capacité à créer la valeur aux actionnaires (Fama 1980, Fama et Jensen 1983,). En effet, l'apport du conseil d'administration dans la résolution des conflits d'intérêt est d'autant plus efficace, que le nombre d'administrateurs externes est important Agrawal et Knoeber(1996), BYRD et HICKMAN (1992), Hermalin et Weisbach (2003) et que sa taille est optimale Ferris, Jagannathan, et Pritchard (2003), Olubunmi Faleye (2004).

D'autres auteurs accordent plus d'importance aux mécanismes d'incitation et insistent sur le rôle de la compensation dans la motivation du manager : Jensen et Murphy (1990), Danka Starovic, Stuart Cooper, Matt Davis (2004), Michael C. Jensen, Kevin J. Murphy, Eric G. Wruck (2004), Janne Väänänen (2005).

Toutes ces études faites ont pour but la recherche d'un système de gouvernance efficace dans la mesure où il permet aux investisseurs et plus particulièrement aux actionnaires de juger la performance de l'entreprise et de s'orienter vers la firme la plus performante et vers les stratégies les plus créatrices de valeur. Ainsi, Selon Nicolas Mottis et Jean-Pierre Ponssard (2000) 3(*), l'objectif de la création de la valeur est un thème périodique dans tout le discours courant sur l'évolution d'entraînements du gouvernement d'entreprises. Si le concept de la création de valeur pour les actionnaires est aujourd'hui en passe de devenir une exigence réelle, qu'en est-il  de sa mesure? A une époque, on a considéré qu'on pourrait juger de la valeur d'une entreprise d'après sa taille. Les dirigeants très portés sur les acquisitions, proclamaient haut et fort l'augmentation de valeur des actifs de leurs entreprises. Puis, vinrent l'ère du bénéfice, PER, dividendes et de flux cash-flow. Aujourd'hui, des nouveaux indicateurs ont fait progressivement leur chemin dans le discours des dirigeants et ont envahi les pages des revues financières, il s'agit de l'EVA, et de la MVA.

Notre problématique de recherche s'articule autour des questions suivantes :

- Quels sont les indicateurs les plus appropriés pour mesurer la création de valeur ? Les nouveaux indicateurs apportent-ils une contribution nouvelle à la théorie de valorisation des entreprises ou ne sont -ils qu'une formulation des indicateurs traditionnels ?

- Comment le système de gouvernance de l'entreprise affecte t-il la valeur créée aux actionnaires ?

Pour répondre à cette problématique, nous avons scindé notre travail en trois chapitres.

Le chapitre premier traitera les différentes approches et outils de mesure de création de valeur qu'ils soient traditionnels : l'approche de dividende, de bénéfice et de free cash-flow ou nouveaux : l'Economic Value Added (EVA), Market Value Added (MVA)...etc. ce chapitre sera achevé par une validation empirique des travaux de Tracey West et Andrew Worthington, (2004)4(*) qui confirment la pertinence du bénéfice avant éléments extraordinaires, du bénéfice résiduel et de l'EVA dans l'explication du rendement annuel des actions des entreprises.

Le chapitre deuxième traitera le système de gouvernance de l'entreprise qui sera étudié à travers les mécanismes de contrôle et de structure de propriété et il sera achevé par un test empirique de travaux de S. Beiner, W. Drobetz, F. Schmid et H. Zimmermann (2003)5(*) et Panasian C et Andrew K. Prevost (2004)6(*) qui ont essayé de montrer la relation qui existe entre la composition du conseil d'administration, la structure de propriété et la performance de l'entreprise mesurée par le ratio Q de Tobin.

Dans le troisième chapitre, nous analyserons l'impact du système de gouvernance sur la création de la valeur à travers la politique de la rémunération des dirigeants. Ce chapitre sera achevé par une validation empirique de travaux de Richard Startz (2003)7(*).

CHAPITRE PREMIER 

Evaluation des entreprises et création de valeur

Introduction

L'évaluation des entreprises est une tâche extrêmement importante et constitue la variable clé de toute politique financière. L'étude de la valeur d'une entreprise consiste dans sa valorisation ainsi que dans l'identification des éléments susceptibles de l'influencer, et en particulier des sources de création de valeur. Ainsi, selon Pablo Fernandez (2004)8(*), comprendre les mécanismes d'évaluation de la firme est une condition indispensable pour toute personne impliqué dans le champ de la finance d'entreprise. C'est pas seulement à cause de l'importance de l'évaluation dans les opérations d'acquisitions et des fusions mais aussi parce que le processus d'évaluation permet d'identifier les sources de création et de destruction de la valeur économique dans l'entreprise.

Les déterminants de la valeur, de même que la valorisation à proprement parler, ont fait l'objet de très nombreuses recherches, qui permettent aujourd'hui d'appréhender les différents problèmes en se fondant sur des concepts théoriques solides. Cependant, Il a fallu attendre le début du XXème siècle et les contributions de Fischer [1930] et de Williams [1938] (The Theory of Investment Value)9(*) pour que soit donnée une définition précise de la valeur d'une firme. Elle est pensée comme la capacité de la firme à engendrer des profits futurs.

Ainsi, les différents modèles établis dans les années 50 [D. Durand 1957 ; M. Gordon, E. Shapiro 1956 ; F. Modigliani et M.H. Miller 1958, 1961] ont posé toutes les bases pour la pratique de l'évaluation des entreprises. De même, les recherches sur l'impact de la structure financière et de la politique de dividende sur la valeur de l'entreprise, bien que faisant toujours l'objet de nombreuses discussions, permettent aujourd'hui de s'interroger sur d'autres sources de création de valeur. La politique d'investissement, les flux issus de l'exploitation, les rentabilités économiques réalisée et normative, et l'actif économique se placent au coeur des études sur la valeur, et semblent apparaître comme autant de solutions aux problèmes de structure financière, de politique de dividende, de fluctuations des cours boursiers et d'estimations de paramètres dans des modèles d'évaluations, comme le coefficient « bêta » dans le Modèle d'Evaluation des Actifs Financiers (MEDAF). Le retour aux paramètres fondamentaux pour appréhender la valeur de l'actif économique est une réalité tant au sein de la littérature que dans les pratiques financières.

De nos jours, on entend souvent parler du management de la valeur ou Value Based Management (VBM) qui est une approche par laquelle les aspirations totales de la compagnie, les techniques analytiques, et les processus de la gestion sont alignées pour aider l'entreprise à maximiser la valeur en mettent l'accent sur l'alignement des décisions des dirigeants sur un objectif de création de valeur actionnariale10(*). Dès lors, la conception des critères de performance et des systèmes d'incitations rendant mieux compte de la création de valeur joue un rôle essentiel. Il s'agit en particulier de remplacer les mesures comptables traditionnelles (résultat net, bénéfice par action ou flows) par de «nouveaux» critères supposés mieux traduire la performance économique en termes de création de valeur. Parmi les critères les plus connus, citons l'EVA, breveté par Stern, Stewart et Co. (Stewart 1991, Stern et al. 1995) qui n'est autre que le bénéfice résiduel auquel on a appliqué une série d'ajustements, le CFROI (Cash Flow Return On Investment), le TSR (Total Shareholder Return) ou la SVA (Shareholder Value Added - Rappaport 1998).

L'évaluation de l'entreprise est donc une étape très importante qui consiste à calculer sa valeur financière en tenant compte des données comptables passées et du potentiel de développement de la société. Cependant, l'objectif de la valorisation est rarement le même, et donc la technique retenue aussi. Ainsi, l'évaluation peut se faire pour différentes raisons. En effet, la valorisation se fait afin d'estimer le prix de l'entreprise dans les opérations d'achat ou de vente, valoriser l'action et justifier le prix offert au public, comparer des entreprises d'un même secteur...etc. l'évaluation des entreprises est aussi intéressante dans la mesure où elle permet de prendre des décisions stratégiques (maintenir une activité, abondant, ..etc). Pour notre étude, l'évaluation d'une entreprise ou d'une affaire est intéressante et fondamentale  pour quantifier la valeur créée et pour identifier et stratifier les principaux leviers de création de valeur.11(*)

Nous allons traiter dans une première section, les méthodes d'évaluation actuarielles et essentiellement le Discounted Dividend Model et le Discounted Cash Flow Model.

Dans la deuxième section, nous allons essayer de définir le concept « création de valeur » pour passer en suite à une présentation des différents outils de mesures traditionnels et nouveaux de la création de valeur.

Enfin, la troisième section sera consacrée à faire une comparaison de l'EVA par rapport aux autres mesures de création de valeur à travers une étude empirique.

Section 1 : Les méthodes actuarielles d'évaluation

Il a fallu attendre le début du XXème siècle et les contributions de Fischer [1930] et de Williams [1938] (The Theory of Investment Value)12(*) pour que soit donnée une définition précise de la valeur d'une firme. Elle est pensée comme la capacité de la firme à engendrer des profits futurs.

Irving Fisher est connu comme le père de l'économie mathématique en Amérique. Il a écrit en [1930], dans « La Théorie de l'intérêt »13(*), "La valeur de tout bien ou droit de propriété est sa valeur en tant que source de revenus [...] elle est déterminée en actualisant les revenus anticipés [...] [ce] principe évidemment n'est pas limité aux obligations. Il s'applique à tout bien et richesse : actions, terres, immeubles, machines ou à toute autre chose"

J.B. Williams [1938] a développé la même approche (The Theory of Investment Value) quand il écrit: "Like a host in a haunted house, the notion of a soul possessing the market and sending it up or down with a shrewdness uncanny and superhuman, keeps ever reappearing... Let us define the investment value of a stock as the present worth of all dividends to be paid upon it." En effet, aucun auteur avant J.B. Williams n'avait développé le concept de la valeur de manière aussi complète, tout particulièrement dans son application à la détermination de la valeur intrinsèque d'une action. Celle-ci vaut ce qu'elle rapporte, c'est-à-dire le plus souvent des dividendes, bien qu'ils puissent être parfois les revenus de la liquidation de l'entreprise ou d'une prise de contrôle. Cette technique d'évaluation n'est autre que le modèle d'actualisation des dividendes.

Le modèle original de J.B. Williams devait être prolongé par M.J. Gordon et E. Shapiro (1956)14(*), pour lesquels la valeur de l'action est égale à la somme des dividendes actualisés à un taux k, les dividendes augmentant à un taux g.

A partir des années 1980 et 1990, plusieurs auteurs ont présenté des modèles d'évaluation des entreprises basés sur le free cash-flow (FCFF). D'où le Discounted Cash-flow Model, à partir duquel l'entreprise est considérée comme une entité dont la valeur dépend de sa capacité bénéficiaire qui est mesurée par ses « free cash-flows » ou flux de trésorerie disponibles. Les auteurs ayant développés ce modèle sont Copeland, Koller et Murrin [1990,1994, 2000], Rappaport [1988, 1998], Stewart [1991] et Hackel et Livnant [1992]. Récemment, Copeland, Koller et Murrin [1994, p. 500] ont présenté une définition du free cash-flow. Quelques années Damadoran plus tard [1998, 2001] et Reilly et Marron [2000, p. 797] ont présenté une méthodologie pour estimer le free cash-flow to equity [FCFE]15(*). De même Pablo Fernandez (2003)16(*) a présenté dix méthodes d'évaluation des entreprises selon le Discounted Cash-flow Model.

1-1  : Discounted Dividend Model

1-1-1 : Le modèle d'Irving Fisher (1930)17(*)

La justification économique de l'investissement la plus communément partagée repose sur l'appréciation de la rentabilité. Concrètement, cette mesure se détermine par la comparaison entre la somme du profit futur et celle de la dépende initiale. Chacun des termes de cette comparaison peut se développer sur plusieurs années, tant pour les dépenses engagées que pour les revenus futurs. Dans ces conditions, il est nécessaire de prendre en compte « la valeur du temps » an actualisant les dépenses et les revenus correspondant à chaque exercice.

Cette réalité parfaitement applicable à l'investissement boursier, est décrite par Irving Fisher qui présente «  la valeur de tout capital comme la somme actuel de son rendement futur ». Cette réflexion est matérialisée, dans le cadre d'un investissement en bourse, par la formule suivante :

(1.1)

Avec :

- V0 = la valorisation actuelle

- Di = le dividende perçu pour i, de 1 à n

- Vn = le prix de vente de l'action à l'année n

- t = le taux d'actualisation

Cette équation fondamentale reste malheureusement d'un emploi délicat sitôt que l'année n s'éloigne de l'année zéro. Il est en effet difficile de prétendre construire une valorisation fiable si l'appréciation de la série de dividendes versés sur la longue période, et si l'appréciation de Vn, restent peu ou pas réalistes. Ces réserves sont d'autant plus importantes dans l'application de cette formule que la valeur Vn / (1+t)n reste significative, dans la détermination de V0, à partir du moment où on se met à dépasser l'horizon de prévisions des analystes.

Sous une certaine simplicité apparente, cette formule, qui est à la base de toutes les méthodes d'évaluation actuarielles, n'en est pas moins difficile à utiliser en pratique, étant donné qu `il est nécessaire de déterminer au préalable le taux d'actualisation à appliquer, les dividendes futurs (fonction des résultats futurs et de la politique de distribution des dividendes retenue par les dirigeants) et le prix auquel les investisseurs pourront revendre l'action dans n années.

En définitive, on se rend compte que la contribution concrète de cette approche reste limitée. En effet, ce modèle fondamental, s'il présente l'avantage de la simplicité, repose malgré tout sur un certain nombre d'hypothèses fortes qui doivent préalablement être justifiées.

Par contre, d'importants efforts de simplification ont permis ensuite de développer d'autres modèles (le modèle de Gordon Shapiro, le modèle de Bates....), plus accessibles et plus satisfaisants.

1-1-2 : Le modèle de Gordon Shapiro (1956)18(*) 

Elaboré en 1956, il se base sur le modèle d'actualisation des dividendes. Ce modèle s'appui sur le principe suivant : Le prix d'une action correspond à la somme des flux futurs de dividendes générés par l'entreprise actualisés au taux de rentabilité exigé par les actionnaires.

Gordon et Shapiro (1956) reprennent le modèle de Fisher en introduisant un certain nombre d'hypothèses qui permettent de valoriser une action et donc une société ;

- Les dividendes augmentent à un taux constant g, année après année (hypothèse de croissance perpétuelle des bénéfices).

- Le pay-out ratio (taux de distribution des bénéfices) est identique tous les ans.

- La période de distribution des dividendes est infinie.

Dès lors la formule d'actualisation des dividendes permettant d'obtenir une valorisation de la société est la suivante :

(1.2)

Avec :

· V = valorisation

· D = dividende de l'année retenue

· t= le taux de rentabilité exigé par les actionnaires

· g = le taux de croissance des bénéfices

Dans les faits si cette formule est très connue, elle est peu utilisée par les professionnels en raison des hypothèses trop simplificatrices introduites. D'abord, pour être applicable, elle suppose que le taux de rentabilité exigé par les actionnaires soit supérieur au taux de croissance des dividendes (t>g) ce qui n'est pas forcément le cas dans la réalité. Par ailleurs, dans un environnement économique en perpétuelle évolution, le dividende par action varie régulièrement et le pay-out ratio est également rarement identique (après une phase durable de croissance, une entreprise distribue généralement plus de dividendes qu'après une année e ralentissement économique). Ces hypothèses font que le modèle de Gordon Shapiro est en réalité peu utilisé, ou il est au moins par d'autres modèles d'évaluation.

Pour répondre à ces limites, la formule développée de Gordon-Shapiro a tenté d'aménager les hypothèses, ou plutôt de les décaler dans le temps :

· Hypothèse n°1 : les prévisions sur les dividendes portent sur D i, avec i de 1 à n ;

· Hypothèse n°2 : à partir de l'année n, on considère l'existence d'une croissance à l'infini du dividende à un taux g constant avec un P/O stable.

Dans ces conditions, la formule d'Irving Fisher :

Où D1.....D n sont des estimations d'analystes devient, pour V n, selon l'approche simplifiée de Gordon-Shapiro que nous venons de présenter :

(1.3)

Ainsi :

(1.4)

Soit encore :

(1.5)

Cette formule souffre des mêmes contraintes arithmétiques que la précédente sur t-g De plus, elle s'avère plus lourde à calculer. Toutefois, et c'est ce qui explique son utilisation dans la pratique des marchés, son approche reste facilement accessible par la programmation d'une machine à calculer.

De façon plus globale, l'approche de Gordon-Shapiro présente un certain nombre d'avantages. En effet, elle s'appuie sur des flux réels (les dividendes versés aux actionnaires) et répond sur ce point à la préoccupation de l'investisseur en quête d'une mesure concrète de retour sur son placement. Cette approche intègre également dans son actualisation une des composantes de la valorisation des marchés actions avec le choix d'un taux t de rentabilité spécifique des actions risquées.

Par contre, cette approche reste éloignée de toute référence au prix de marché. De plus, la formule, sous sa forme développée, est fortement dépendante, à l'issue de la période de prévision des analystes, de la contribution prépondérante de Vn / (1+t) n dans la détermination de Vo.

En définitive, si le modèle de Gordon-Shapiro offre l'avantage de la simplicité, il reste difficile à mettre en oeuvre dans la mesure où les dividendes futurs et le taux d'actualisation sont concrètement des éléments délicats à déterminer.

1-1-3 : Le modèle de Bates 19(*)

Le modèle de Bates est également une approche actuarielle de valorisation des sociétés. Il prolonge l'approche développée par Gordon Shapiro, mais présente un aspect plus réaliste dans la mesure où il annihile certaines hypothèses réductrices de ce modèle.

Le modèle de Bates permet d'évaluer une société en tenant compte des bénéfices futurs et du pay out et pas simplement du dividende comme dans le modèle de Gordon Shapiro. Il permet par ailleurs de diviser la période totale d'observation en sous périodes ce qui annihile ainsi le problème de constance des données inhérent au modèle de Gordon Shapiro. La méthode de Bates bénéficie ainsi d'un aspect plus réaliste puisqu'il est possible - conformément à la réalité du marché- de modifier les paramètres de la formule.

L'originalité et la réalité de la formule de Bates résident dans la logique comparative du modèle. La relation est la suivante : la société appartient à un échantillon ou à un secteur de référence dont les données (price earning ratio (PER), pay-out, taux de croissance des bénéfices sur n années et rentabilité exigée par les actionnaires), sont connues. Elles permettent de définir le price earning ratio du secteur, à l'année n. Au-delà de l'année n, l'horizon est trop lointain et Bates affirme que le PER du secteur se confond alors avec le PER de la société. Dès lors, à partir les prévisions effectuées par les analystes sur le secteur pour les périodes n, il est possible de déterminer la valeur actuelle de la société.

La formule simplifiée est la suivante :

(1.7)

A et B sont des paramètres de calcul (données immédiatement par la lecture de la table de Bates) fonction du taux de croissance des bénéfices sur la période considérée, du taux de rentabilité exigé par les actionnaires et de la durée n de la période.

On obtient alors la valorisation :

V = PER société * bénéfice année en cours

Sa facilité d'utilisation et ses hypothèses proches de la réalité font de ce modèle une méthode d'évaluation couramment utilisée par les professionnels.

La synthèse entre les modèles de Gordon-Shapiro et de Bates

La préoccupation légitime de l'investisseur de mesurer la performance de son placement ne trouve pas de réponse directe dans les deux grandes méthodes d'évaluation financière que nous venons de développer : le modèle de Gordon-Shapiro et le modèle de Bates. En effet, malgré leurs supports théoriques, ces deux approches supportent chacune des réserves dans leur appréciation.

L'atout développé par l'approche de Gordon-Shapiro, les flux réels, souffre dans la détermination de Vo, à la fois dans la contribution prépondérante et souvent aléatoire de Vn, et aussi de sa grande indépendance d'une référence avec la valorisation de marché.

L'approche de Bates, pour sa part, se développe dans un univers de flux (les bénéfices) qui reste théorique dans la mesure du rendement du placement pour l'investisseur.

Or, il est possible de retenir une combinaison de ces deux approches basée sur :

- Les flux réels de dividendes, liés aux prévisions des analystes, pour permettre, le cas échéant, de considérer les augmentations de capital futures de l'entreprise ;

- Un taux t correspondant au taux de rentabilité exigé sur le marché actions avec la prise en compte d'une prime de risque supplémentaire ;

- Une valeur terminale Vn qui ne soit plus l'actualisation d'une croissance à l'infini (approche de Gordon-Shapiro), mais l'expression d'un PE n théorique déterminé en fonction des références actuelles du secteur (Bates).

En tenant compte de ces remarques, l'équation fondamentale d'Irving-Fischer :

devient simplement, avec E n le bénéfice de l'année n :

(1.8)

Cette méthode est souvent utilisée dans la pratique des marchés financiers. En effet, le dernier terme, qui pose souvent des problèmes lors de l'utilisation des modèles d'évaluation actuariels, est, cette fois ci calculé à partir des prévisions des analystes financiers.

1-1-4 : Le modèle de Molodovsky 

Très proche du modèle de Bates, le modèle de Molodovsky se distingue de ce dernier dans la mesure où la croissance des bénéfices nets par action et des dividendes nets par action n'est plus constante ni perpétuelle.

En effet, le modèle de Molodovsky propose de diviser l'avenir d'une société en trois périodes caractérisées par des rythmes de croissance différents : La première correspond à une phase de croissance rapide et stable, la deuxième à une phase de maturité caractérisée par une décélération linéaire de taux de croissance, et la troisième à une phase de relative stagnation avec un taux de croissance résiduel perpétuel (phase prolongée jusqu'à l'infini de croissance nulle). Ce modèle va actualiser les dividendes qui suivent ces trois phases de croissance successives.

L'équation de base du modèle de Molodovsky avec un seul taux de croissance, est de type :

(1.9)

Avec :

- Po = le Price Earning Ratio de l'année d'origine ;

- g = le taux de croissance des dividendes ;

- t = le taux d'actualisation ;

Cette formule présente des avantages. En effet, il possible de faire varier le taux d'actualisation t en fonction du rendement exigé, compte tenu du niveau de risque que présente la société étudiée.

Par contre cette méthode d'évaluation ne tient pas compte de la rentabilité de l'entreprise considérée non plus d'autres paramètres tel que l `inflation. C'est la raison pour laquelle ce modèle est très rarement utilisé par les spécialistes des marchés financiers opérant au sein des sociétés en bourse. En effet, il repose sur des observations trop éloignées pour pouvoir être adapté au contexte économique actuel.

1-1-5 : Le modèle de Holt 

Le modèle de Holt répond à la critique faite au modèle de Bates en ce qui concerne l'hypothèse de perpétuité de la croissance des dividendes puisqu'il ne la reprend pas. Au contraire, ce modèle a pour objectif de déterminer la durée de croissance exceptionnelle de la société implicitement contenue dans son Price Earning Ratio.

Le principe de cette méthode, qui va permettre d'échapper partiellement à la difficulté du choix du taux d'actualisation, est de comparer le P/E relatif de la société étudiée avec le P/E moyen du marché.

La formule développée par Holt est la suivante :

(1.10)

Avec :

- c = le taux de croissance du bénéfice par action

- r = le taux de rendement

-n = l'horizon au-delà duquel le P/E de l'entreprise a rejoint celui du marché.

Simple et clair dans sa conception, le modèle de Holt souffre lui aussi de ses hypothèses trop peu réalistes. En effet il suppose un taux de croissance des BNPA et un rendement constants. Or, rien ne prouve que le P/E du marché reste stable et que les risques de non-réalisations des BNPA propres à chaque société soient identiques.

De plus, le modèle de Holt ne s'applique qu'aux sociétés de croissance qui ont un P/E élevé. Toutefois, une société de croissance ne le demeurera pas toujours et son P/E rejoindra tôt ou tard celui d'entreprises dont l'activité progresse à un rythme beaucoup plus lent.

Les difficultés de cette méthode résident surtout dans la croissance des données (P/E, croissance, rendement) de marché. Par contre, elle peut être pratique à utiliser pour évaluer une société dotée d'une croissance exceptionnelle par rapport à d'autres sociétés du même secteur.

1-2 : Discounted Cash-flow Model

La méthode d'évaluation de l'entreprise par les Discounted Cash-Flow est probablement la plus utilisée et la plus universellement reconnue. Dans cette méthode, l'entreprise est considérée comme une entité dont la valeur ne dépend pas de son bénéfice mais de sa capacité bénéficiaire qui est mesurée par ses « free cash-flows » ou flux de trésorerie disponibles. Cette méthode est utilisée pour la valorisation des sociétés innovantes, souvent déficitaires les premières années d'existence et pour qui l'actualisation des bénéfices n'a donc pas de sens. Par ailleurs on considère aujourd'hui que les cash-flows représentent de façon plus réaliste le potentiel de création de valeur de l'entreprise car ces flux peuvent être réinjectés dans la société.

Cette méthode est particulièrement adaptée à l'actionnaire majoritaire qui peut mesurer les performances financières futures de la société. En effet, par cette méthode, la valeur de l'entreprise est égale à la somme actualisée des flux futurs générés par l'exploitation courante de l'entreprise. Autrement dit, cette méthode permet de dégager la valeur économique de la firme en faisant abstraction de ses dettes financières c'est à dire de sa structure financière.

1-2-1 : La méthode des free cash-flow

Selon Pablo Fernandez (2004)20(*), trois éléments sont importants quant à la pertinence de cette méthode : le cash-flow initial, le coût du capital et les cash-flows à long terme de l'entreprise. En actualisant les cash-flows à un taux au moins égal au coût du capital, on évalue le bénéfice supplémentaire généré par l'entreprise et donc son accroissement de valeur.

Le cash-flow utilisé est le « free cash-flow » c'est-à-dire l'excédent net de trésorerie après financement des investissements d'exploitation et de distribution (dividendes). Autrement dit, c'est l'excédent dégagé par l'entreprise qui serait mis à la disposition des créanciers et actionnaires. Selon cette méthode la valeur de l'entreprise est égale à :

(1.11)

 Avec :

- FCFt : est le flux de trésorerie libre relatif à l'année t ;

- t : est le Wacc (Weighted Average Cost of Capital) ou CMPC (Coût Moyen Pondéré du Capital) utilisé en tant que taux d'actualisation ;

- n : est le nombre d'année que comprend l'horizon de prévision ;

- FCFn : est la valeur terminale de l'entreprise c'est le cash-flow disponible de l'année n ;

La détermination des flux libres de trésorerie (free cash-flow) et de la valeur terminale :

Le free cash-flow (FCF) peut s'apprécier à partir de l'excédent brut d'exploitation (EBE). Il se calcule alors de la façon suivante :

FCF = EBE - variation du besoin en fonds de roulement (BFR) - (2.12) investissements d'exploitation + /- frais financiers nets - dividendes distribués - impôts

Le free cash-flow peut également s'apprécier à partir du résultat (du bénéfice net). Il se calcule alors de la façon suivante :

FCF = BN + amortissements et provisions + / - éléments exceptionnels - variation du BFR - dividendes distribués - investissements d'exploitation (1.13)

Le cash-flow disponible de l'année n est déterminé selon une approche classique de capitalisation du flux (FCF p) de la dernière année :

(1.14)

Avec :

- t : le taux d'actualisation risqué ;

- g : le taux de croissance à l'infini du FCF.

Le cash-flow disponible à l'année n peut être déterminé d'une autre façon de manière à tenir compte du prix du marché. La valeur terminale ne va plus être calculée en tenant compte de l'hypothèse d'une croissance à l'infini, mais en tenant compte d'un P/E(n) théorique déterminé en fonctio, n des références et des prévisions actuelles du secteur.

Ainsi le cash-flow disponible de l'année n :

(1.15)

devient :

(1.16)

Avec :

- P/E (n) le price earning ratio du marché anticipé en n ;

- E (n) le bénéfice anticipé en n de la société considérée ;

La formule précédente d'actualisation des free cash-flow devient :

(1.17)

La détermination du taux d'actualisation :

Le taux utilisé pour actualiser les flux libres de trésorerie est le coût moyen pondéré du capital (Weighted Average Cost of Capital). Ce taux se définit comme la somme :

· Du coût des capitaux propres, pondéré par l'importance de ces capitaux propres dans la structure de financement à long terme de l'entreprise (capitaux propres et dettes financières à long terme).

· Du coût lié à l'endettement financier à long terme, pondéré par le poids de cet endettement dans la structure de financement à long terme de l'entreprise.
Le coût des capitaux propres se calcule par référence à la rentabilité exigée par les actionnaires d'entreprises comparables cotées en bourse.

La pondération entre l'endettement financier et les capitaux propres est déterminée par référence à une structure de financement optimale, c'est-à-dire générant un coût de financement minimum pour l'entreprise.

La méthode de l'actualisation des flux de trésorerie libre bénéficie d'un grand intérêt dans la mesure où elle tient particulièrement compte des spécificités propres à l'entreprise (risque lié à l'activité, perspectives de croissance, dépenses d'investissement,). La mise en oeuvre de cette méthode amène, en effet, l'évaluateur à se pencher sur l'avenir de l'entreprise, sur l'évolution de sa position concurrentielle et sur la tendance du marché dans lequel elle opère.

L'application de cette méthode présente, cependant, certaines difficultés pratiques liées à l'estimation de différents paramètres. Ainsi, l'estimation du taux d'actualisation est délicate pour les raisons suivantes :

· Le coût des fonds propres est déterminé sur base de données passées et non futures;

· La pondération entre l'endettement financier et les capitaux propres n'est guère aisée vu la difficulté d'appréhender une structure de financement optimale pour l'entreprise.

Par ailleurs, l'estimation des flux libres de trésorerie représente un exercice subjectif dépendant de l'appréciation des perspectives de développement futur de l'entreprise. D'autre part, l'accès à l'information sur l'entreprise est souvent limité, en particulier pour l'analyste externe ou l'acquéreur potentiel. Dans ces conditions, il est difficile d'anticiper l'évolution de la stratégie de l'entreprise ou l'adéquation des moyens humains et techniques aux développements attendus.

Enfin, le calcul de la valeur terminale, composante souvent importante de la valeur totale de l'entreprise, est également délicat en raison des incertitudes qui surgissent au-delà de l'horizon prévisionnel.

1-2-2 : La méthode des cash-flows pour les actionnaires ou Equity cash-flow (ECF)

D'après Pablo Fernandez (2004)21(*), en se basant sur l'ECF, la valeur de l'entreprise est égale à la valeur des Equity cash-flow anticipé et actualisé au taux de rentabilité des fonds propres Ke plus la valeur des dettes cash-flow ou les cash-flows pour les créanciers anticipés et actualisés au taux du coût de la dette Kd.

L'ECF est calculé comme suit :

ECF = FCF - [intérêt payé x (1- t)] - paiement du principal + nouvelle dette (1.18)

Le taux de rentabilité des fonds propres est calculé selon le modèle d'évaluation des actifs financiers

Ke = Rf + â (Rm - Rf) avec

Avec :

Rf : le taux sans risque ; R: le rendement espéré du marché

 : la volatilité du cours de l'action par rapport au marché

Rm - Rf : prime de risque

Le Debt cash-flow est égal aux intérêts diminués de la variation des dettes

CFD = It - Ä Dt

1-2-3 : La méthode du capital cash-flow

Le capital cash-flow est le cash-flow valable pour la sécurité de tous les partenaires de l'entreprise. La valeur de l'entreprise est ainsi équivalente à la valeur des cash-flows capital actualisée au coût moyen pondéré avant impôt. Ce dernier est obtenu comme suit

(1.19)

Avec :

CMPC : Le coût moyen pondéré du capital avant impôt ;

Ke : Le taux de rentabilité des fonds propres calculé selon le MEDAF ;

E : Fonds propres ;

D : Dettes ;

Kd : Le coût d'endettement

En conclusion, on peut obtenir la relation suivante :

CCFt = ECFt + CFDt

= ECFt - Ä Dt + It

CCFt= FCFt + It (1.20)

Les méthodes basées sur l'actualisation des free cash flows ne sont pas différentes dans leur nature des méthodes basées sur l'actualisation des dividendes ou des bénéfices. En effet, elles consistent de façon générale à actualiser l'ensemble des sommes qui peuvent être libérées pour être investies dans une autre activité. Il ne s'agit donc plus seulement d'un dividende, mais également d'une partie des amortissements que l'on ne peut réinvestir dans l'activité normale de l'entreprise.

Nous avons vu dans cette partie que l'évaluation financière d'une société à partir de l'actualisation de ses flux futurs est une opération délicate qui ne saurait en aucun cas se réduire, à partir de quelques données financières simples, à l'utilisation d'une formule mathématique.

Le défaut relatif à l'ensemble des méthodes actuarielles est la force des hypothèses de départ, un taux d'actualisation ou une durée différente pouvant par exemple modifier complètement le montant de l'évaluation finale. De plus, on considère souvent dans les méthodes actuarielles que les éléments de base utilisés dans les calculs sont constants dans le temps (taux de croissance des dividendes, bénéfices, ...), ce qui est bien entendu une aberration dans un contexte économique en constante évolution.

Section 2 : La création de valeur: définition et outils de mesure

Aujourd'hui, classer les entreprises selon la richesse créée pour l'actionnaire est une pratique qui se développe compte tenu de la place essentielle prise par les apporteurs des fonds propres. La création de valeur est devenu ainsi le critère essentiel du marché financier, même si ce concept a toujours existé dans l'esprit des dirigeants des entreprises. Ce fut une contrainte extérieure, à savoir la mondialisation et la libéralisation du marché financier, qui a donné plus d'importance au thème de création de la valeur.

Il existe aujourd'hui de nombreux modèles ou méthodes de calcul de la création de valeur pour l'actionnaire. Un des plus cités par la presse financière au cours des dernières années est connu sous les vocables EVA (Economic Value Added) et MVA (Market Value Added). Ces vocables étant des marques déposées par le cabinet américain Stern et Stewart de nombreux cabinets de consultant et des entreprises ont développé sous des appellations différentes leur propre système de mesure de la création de valeur. Parmi les plus diffusés on citera ici les méthodes et indicateurs de création de valeur suivants : Total Shareholder Return (TSR) et Total Business Return (TBR) du cabinet Boston Consulting Group (BCG), le CFROI (Cash Flow Return on Investment) indicateur utilisé notamment par les cabinets Holt Value Associé et Braxton et Associés, les méthodes de calcul de la création de valeur actionnariale à partir de la valeur économique intrinsèque (cabinets Mckinsey et LEK consulting).

2-1 : Définition de la création de valeur pour l'actionnaire

La notion de « création de valeur pour les actionnaires » ou Shareholder Value Added (SVA) est soutenue par une grande majorité d'économistes. L'approche a été développée par Alfred Rappaport dans les années 1980. Elle peut être utilisé pour estimer la valeur créée pour les actionnaires ou utilisée comme une base pour formuler et évaluer des décisions stratégiques.22(*)

A ce propos, Pablo Fernandez et Alvaro Villanueva (2004)23(*) ont énoncé qu'il y a création de valeur pour l'actionnaire quand le rendement des actionnaires excède le coût des capitaux propres (le rendement exigé des capitaux propres). Une firme détruit la valeur quand l'opposé se produit.

Cette valeur se mesure comme la différence entre la richesse tenue par les actionnaires à la fin d'une année donnée et la richesse qu'ils ont tenu l'année antérieure. Le calcul de la création de la valeur des actionnaires se fait comme suit :

Création de valeur des actionnaires = valeur marchande des capitaux propres x [rendement des actionnaires - WACC (Weighted Average Cost of Capital)].

Cette valeur se mesure comme la différence entre le résultat d'exploitation après impôts et le coût de financement de l'actif net. Elle rapproche ainsi le cash-flow du coût du capital investi pour le générer et valorise le différentiel dégagé, lequel traduit précisément la vraie richesse créée pour les actionnaires.

En d'autres termes, si l'indicateur SVA est positif, il représente la création de valeur dégagée par l'entreprise après le paiement de son dû auprès de tous ses créanciers, banquiers et actionnaires. Dans le cas contraire, l'entreprise enregistre une baisse de valeur pour ses actionnaires.24(*)

Alfred Rappaport, l'un des pères du renouveau de la « création de valeur pour les actionnaires », a eu en la matière une influence déterminante au début des années 90, en démontrant par l'observation des titres cotés le lien organique fort existant entre cette création de valeur et l'appréciation boursière. Selon Rappaport, la valeur de l'entreprise est scindée en une valeur préstratégique et la valeur de la stratégique envisagée. La valeur préstratégique est le fruit d'une capitalisation au coût du capital, du résultat d'exploitation après impôt actuel. La valeur de la stratégie est obtenue en retranchant la valeur préstratégique à la valeur totale. La valeur totale des actions est calculée par actualisation des cash-flows et d'une valeur résiduelle obtenue par capitalisation d'un cash flow stabilisé (Rappaport, 1986)25(*). Plus la valeur stratégique est forte, plus la stratégie envisagée est créatrice de valeur.

Selon Alfred Rappaport, on voit que la notion de valeur occupe une place prépondérante dans les préoccupations des managers et des investisseurs. Les premiers essayent, à travers cette approche, de développer un climat de confiance avec les fournisseurs de fonds. Les derniers trouvent dans cette approche le gage qu'ils peuvent tirer du manager en contre partie de la participation au capital de l'entreprise. La création de valeur est une forme radicale et complète de la société cotée, réforme fondée sur de nouvelles façons d'envisager la rémunération des dirigeants, la direction, l'évaluation des stratégies et la distribution des ressources excédentaires aux actionnaires, devrait entraîner un rajeunissement de cette institution vitale.

Au Etats Unis, selon l'AICPA (American Institue of Certified Public Accountants) 26(*), la valeur est créée quand la gestion produit des revenus supérieurs aux coûts économiques générés par ces revenus. Ces coûts proviennent de quatre sources: les salaires; matériel, matières premières, la dépréciation des actifs physiques; les impôts et taxes et le coût de capital. Cette valeur est créée aux seuls actionnaires de la firme parce qu'ils sont les vrais propriétaires de l'entreprise. Les actionnaires espèrent donc que la gestion produise la valeur au-dessus des coûts des ressources consommés, y compris le coût de capital.

2-2- : Les outils de mesure traditionnels de la création de valeur

2-2-1 : Le Profit Economique (PE) ou Residual Income (RI)

Le profit économique, appelé aussi bénéfice résiduel, est calculé en soustrayant du résultat d'exploitation après impôt NOPAT (net operating profit after taxes), le coût total de l'utilisation des capitaux utilisés. Ce coût est déterminé en appliquant aux capitaux engagés le coût moyen pondéré du capital.

Le bénéfice résiduel a été considéré depuis longtemps un outil de mesure de la performance, et il a été l'objet d'un débat académique étendu dans la littérature de la comptabilité de gestion durant les 1960 et 1970. Il n'a joué aucun rôle proéminent dans les recherches de la comptabilité financière jusqu'à l'étude de Ohlson (1989, 1995) qui a introduit à une nouvelle génération une ancienne idée selon laquelle la valeur économique d'une entité est égale à sa valeur comptable plus la valeur actuelle de tous les bénéfices résiduels futurs. L'évaluation basée sur le profit économique est devenu un trait familier des recherches récentes sur le rôle de la comptabilité dans l'évaluation des projets.27(*)

Profit économique = Bénéfice résiduel = (ROIC- Kct) x CI (1.21)

Avec :

ROIC : le retour sur capital investi ;

Kct : le coût moyen pondéré du capital ;

CI : le capital investi

Solomon (1965) a considéré que le residual income peut être utilisé comme une mesure interne de performance et selon Anthony (1973, 1982a, and 1982b) il peut être utilisé comme une mesure de performance externe.28(*)

2-2-2  : Le Return On Equity (ROE) 

(1.22)

Il s'agit d'un bon indicateur de performance mais il peut être manipulé.

Le ROE est égale à la somme de la rentabilité économique et de l'effet de levier. L'analyse de la rentabilité des capitaux propres doit donc séparer nettement ces deux composantes. En effet, si le recours à l'endettement peut permettre d'obtenir une rentabilité des capitaux propres nettement supérieure à la rentabilité économique, il fait aussi peser un risque financier plus lourd sur les actionnaires, dont l'exigence de rentabilité croît d'autant. Sur le long terme, seule une rentabilité économique élevée peut donc permettre de créer de la valeur pour les actionnaires.

2-2-3  : Le Return On Assets (ROA)

(1.23)

Le résultat après impôt traduit l'enrichissement ou l'appauvrissement de l'entreprise au cours de l'exercice considéré ; il relève donc d'un concept patrimonial et non de trésorerie. Il s'agit en fait de la part résiduelle du résultat d'exploitation revenant aux actionnaires après que les créanciers et l'Etat ont perçu leur part. Ce résultat net peut donc être distribué sous forme de dividendes, ou mis en réserves (et augmenter ainsi le montant des capitaux propres de l'entreprise). 

2-2-4: Le Return On Investment (ROI)

Le ROI, concept apparu en 1920, met en rapport une marge ou un gain avec un actif utilise pour l'obtenir. Il permet de ce fait, dans une hypothèse de régularité de rendement d'apprécier le temps requis pour récupérer le capital engagé.

(1.24)

Avec le ROI dans l'esprit de beaucoup de dirigeants, une nouvelle approche appelée la création de la valeur de l'entreprise cherche à identifier et à donner la priorité aux projets ayant plus d'impact sur la création de valeur pour l'actionnaire. Le ROI est donc utilisé pour évaluer les performances des dirigeants et pour sélectionner les projets d'investissement. Ainsi, on acceptera un projet si  son ROI est supérieur au coût du capital29(*).

Brewer, Chandra et Hock (1999) ont discuté la supériorité de l'EVA par rapport au ROI. En effet, le ROI peut encourager les dirigeants à prendre des décisions dans leurs propres intérêts au lieu de travailler pour l'intérêt des actionnaires30(*). Avec le ROI on se focalise sur le court terme, c'est pourquoi, il a été progressivement rejeté et d'autres critères (agrégats et indicateurs synthétiques) ont été élaborés dans les années 1990 afin d'améliorer les mesures de la performance financière.

Les outils de mesure comme le ROI, ROA et ROE présentent certaines limites : le ROE comme le ROA est un outil de mesure de la performance à court terme. D'où, on ne tient pas compte du risque. Le niveau du ROE ne peut pas être une information exacte pour les actionnaires si l'entreprise est entrain de créer de la valeur ou de la détruire.31(*)

2-2-5  : Le multiplicateur de bénéfice ou (PER) et le Price book ratio (PBR)

Le Price Earning Ratio relie la valeur de l'entreprise à son résultat. La plupart des analystes ont pris l'habitude d'évaluer une action à partir du bénéfice net par action (BPA) multiplié par le PER tel que,

(1.25)

Mais en raisonnant non plus pour une action mais de manière globale, on a alors :

(1.26)

Le PER (également appelé coefficient de capitalisation) permet de dégager une mesure de la cherté d'un titre. Un PER élevé est représentatif d'un titre cher ou sur-évalué (en terme de bénéfices) et inversement. Cet agrégat indique combien de fois la bourse accepte de payer le bénéfice. En d'autres termes, il permet de calculer et d'apprécier la valorisation d'une société en comparant le prix et la rentabilité.

Le Price book ratio (PBR) mesure le nombre d'unités de compte de valeur actionnariale produites par unité de compte d'investissement. C'est un moyen d'apprécier la manière dont la direction a géré une unité d'argent actionnariale : soit en créant de la valeur (PBR>1), soit en en détruisant (PBR<1). La valeur de marché de ce capital sera d'autant plus élevée par rapport à son coût initial que la rentabilité prévue de l'entreprise dépassera son « k » et que les possibilités d'investissement aussi rentables seront nombreuses.

(1.27)

2-2-6 : Le Bénéfice Par Action (BPA)32(*) ou Earning Per Share 

Le bénéfice par action traduit l'enrichissement théorique, d'un actionnaire détenant une action, au cours d'un exercice. Le bénéfice net est en effet la part revenant aux actionnaires de la richesse créée par l'entreprise pendant ce même exercice. Le bénéfice par action fait l'objet d'un calcul très précis, l'analyste corrigeant le résultat net part du groupe publié de l'impact des survaleurs et des opérations exceptionnelles. Trop souvent, le BPA est considéré comme le critère financier le plus important alors qu'il peut être manipulé par certains choix multiples, recours à l'endettement, une fusion, une acquisition. La progression du BPA n'est pas toujours synonyme de création de valeur, son recul de destruction de valeur.

2-3 : Les nouveaux agrégats et indicateurs synthétiques

2-3-1 : Les nouveaux agrégats 

2-3-1-1 : L'Earning Before Interest Taxes, Depreciation and Amortization (EBITDA)

L'évaluation de l'entreprise peut être obtenue sur la base d'un multiple de résultats, L'EBITDA est l'un de ces multiples. C'est un agrégat qui équivaut approximativement à l'excédent brut d'exploitation. Il s'agit de la mesure de la création de richesse avant toute charge calculée33(*). Au sein d'un même secteur, les analystes financiers utilisent de plus en plus le multiple d'EBITDA pour évaluer les entreprises afin de s'affranchir des différences de traitement comptable entre les différentes entreprises.

C'est un agrégat simple à utiliser et s'adapte aux spécificités sectorielles, il est moins sensible aux options comptables et est donc moins délicat à manipuler que le PER. Il est censé refléter la véritable capacité bénéficiaire d'une activité, indépendamment des politiques d'investissement, de la fiscalité et des structures d'endettement. Toutefois ce critère est rejeté parce qu'il ne donne qu'une information partielle sur la profitabilité ou la rentabilité et n'apporte aucune information sur le niveau de risque associé à l'entreprise et en terme actionnariale, le levier offert par une optique du niveau de dette financière est totalement ignoré par une analyse fondée sur l'EBITDA.

2-3-1-2  : L'Earning Before Interest Taxes (EBIT)

L'EBIT équivaut au résultat opérationnel. Il est moins utilisé que l'EBITDA car il prend en compte les amortissements. L'EBE constitue le cash-flow d'exploitation avant charges financières et impôt sur le résultat. C'est la ressource fondamentale que l'entreprise tire régulièrement du cycle de son exploitation. Il exprime donc la capacité de celle-ci à engendrer des ressources de trésorerie et à ce titre, il sert de charnière entre les résultats de l'entreprise et le tableau de financement.

2-3-2 : Les nouveaux indicateurs synthétiques

2-3-2-1: Le Cash Flow Return On Investment (CFROI)

Proposé par le Boston Consulting Group, Le CFROI correspond à la moyenne des taux de rentabilité interne des investissements actuels de l'entreprise. Le CFROI est le taux de du capital. Comme le CFROI rentabilité interne qui égalise l'actif économique de l'entreprise, pris en montant brut, c'est-à-dire avant dotations aux amortissements et réévalué du taux d' inflation, et la série des excédents bruts d'exploitation après impôt, calculée sur la durée de vie des actifs immobilisés en place. Cette dernière s'estime en divisant la valeur brute des immobilisations par la dotation aux amortissements de l'année. Le CFROI est alors comparé au coût moyen pondéré est supérieur au coût de capital, il y a création de valeur. Les changements dans le CFROI d'une année à l'autre peuvent être utilisés comme un indicateur de la performance annuelle de l'entreprise.34(*)

Le CFROI tente de palier au caractère statique de l'indicateur ROI. Il s'agit du taux de rendement de tous les investissements réalisés par une entreprise. La création ou destruction de valeur est mesurée par la différence entre le CFROI et le coût moyen pondéré du capital (CMPC). L'estimation de la rente économique dégagée par l'entreprise s'obtient par la formule suivante :

Rente économique dégagée = (CFROI - CMPC) x CE (1.29)

L'objectif du CFROI est étudier la performance d'ensemble d'une entreprise en généralisant les techniques de choix d'investissement ou de financement de projets à un niveau global. L'indicateur CFROI considère donc l'entreprise comme un seul et grand investissement. La méthode du CFROI va alors se calquer sur le calcul du TRI (taux de rentabilité interne). Les éléments suivants vont donc intervenir dans le calcul du CFROI :

- Un investissement initial pour chaque période : le total des capitaux employés ou les actifs économiques bruts.

- Un flux de trésorerie d'exploitation Operating Cash Flows par période :

OCF = Résultat d'Exploitation après impôts + amortissements + provisions d'exploitation BFRE.

2-3-2-2  : Le taux de rentabilité de l'actionnaire ou Total Shareholder Value (TSR)

Le TSR, développé par le Boston Consulting Group, est le taux de rendement interne obtenu par l'actionnaire grâce aux dividendes et à la plus réalisée lors de la revente de l'action. Il est en général exprimé par un pourcentage annuel. Un « bon » TSR serait un chiffre plus haut que celui des entreprises comparables.

Selon Boston Consulting Group35(*) la mesure la plus claire de la création de valeur est le TSR. Le TSR mesure le changement dans la valeur de marché d'une entreprise, plus son rendement du dividende, sur une période donné de temps.

On peut augmenter le TSR en améliorant la valeur fondamentale, celle ci représente la valeur actualisée des cash-flows futurs du projet, basée sur sa marge, sa productivité, sa croissance, et son coût de capital. On peut aussi améliorer le TSR en distribuant des dividendes aux actionnaires.

2-4 : Les mesures de la création de valeur issues de la théorie du portefeuille

Dans un article de Patricia Charléty (2004)36(*), Charreaux a cité trois mesures usuelles, issues de la théorie du portefeuille et de ses prolongements, qui constituent des mesures de la valeur créée pour les actionnaires qui prennent également la forme d'indices. Quel que soit l'indice retenu, la mesure des rentabilités réalisées se fait à partir des cours boursiers ; ces mesures ne font intervenir aucune valeur comptable.

2-4-1  : L'indice de Sharpe

Il rapporte le différentiel entre le taux de rentabilité moyen R du titre de l'entreprise obtenu sur une période donnée et le taux de rentabilité sans risque Rf, ajusté par l'écart-type, représentatif du risque total. Ce faisant, on suppose que le portefeuille de l'investisseur n'est pas diversifié et comprend exclusivement des titres de l'entreprise considérée.

Cet indice est mesuré par :

(1.30)

Cet indice, tel quel, ne constitue pas une mesure directe de la valeur créée ; il permet uniquement une comparaison de la rémunération offerte par unité de risque. Il peut cependant permettre d'apprécier la valeur créée en étant confrontée au benchmark constitué par l'indice de Sharpe évalué à partir de la rentabilité d'équilibre.

Selon le MEDAF, le taux de rentabilité d'équilibre est:

Re = Rf + ß [Em - Rf]

Avec : - Em la rentabilité anticipée pour le portefeuille de marché

- ß le coefficient de risque systématique du titre

L'indice de Sharpe à l'équilibre est tel que :

(1.31)

Si l'indice calculé est supérieur à cette norme -- qui suppose un comportement de diversification --, l'entreprise a offert sur la période considérée une rentabilité, ajustée pour le risque total, supérieure à celle requise par les actionnaires.

2-4-2  : L'indice de Treynor

L'indice de Treynor repose sur l'hypothèse que le détenteur des titres de l'entreprise détient par ailleurs un portefeuille bien diversifié. Le risque spécifique étant éliminé, seul le risque systématique, non éliminable par diversification, est retenu pour pondérer la rentabilité obtenue.

(1.32)

À l'instar de l'indice de Sharpe, cet indice ne constitue pas non plus une mesure directe de la valeur créée. On ne peut appréhender cette dernière qu'en le comparant à un indice de référence fondé sur la rentabilité d'équilibre et égal à

Te = Em - Rf.

Si T est supérieur à Te, la rémunération offerte par l'entreprise, pondérée par le risque systématique, est plus élevée que la norme requise et il y a création de valeur.

2-4-3  : L'indice Alpha de Jensen

L'indice Alpha de Jensen représente l'écart de taux de rentabilité entre la rentabilité obtenue et le taux requis évalué à partir du Medaf.

á ?= R - Re (1.33)

Un terme á positif signifie qu'il y a eu création de valeur, les capitaux ayant été rémunérés au dessus du taux d'équilibre. L'indice de Jensen permet d'appréhender directement la valeur créée sous forme d'un écart de taux.

On suppose également que l'investisseur détient également un portefeuille bien diversifié. Cependant, la logique qui sous-tend cet indice s'écarte de celle de l'indice de Treynor dans la mesure où on montre aisément que T - Te = . Autrement dit, l'indice de Treynor pondère par le risque systématique la mesure de la valeur créée que représente le á de Jensen.

2-5 : L'EVA et la création de valeur

Les auteurs (Stephens and Bartunek, 1997; Milunovich and Tsuei, 1996; Jackson, 1996; Tully, 1993; Chamberlain and Campbell, 1995; Mayfield, 1997; O'Bryne, 1996; Lleiman 1999; Biddle, Bowen, and Wallace, 1997 and 1999; Martin and Petty, 2000; and Feltman et al 2004) ont discuté les vertus de l'EVA et on essayé d'expliquer pourquoi l'EVA s'est imposée à la fois comme la définition la plus riche analytiquement et la plus représentative de la valeur. Les origines d'EVA peuvent être tracées depuis Hamilton (1777) et Marshall (1890). Selon ces auteurs les entreprises créent de la richesse lorsqu'elles gagnent plus que le coût de leur dette. Dès les années 1920 General Motors a appliqué ce concept et dans les années 1950 Général électrique l'a appliqué comme une mesure de performance dans leurs divisions décentralisées sous le nom de «residual income» (Stewart 1994).

En 1991 Stewart a révisé le calcul de revenu résiduel à travers une série d'ajustements comptables pour aboutir à l'EVA. Depuis lors le débat à propos de l'efficacité d'EVA a été rigoureux mais inconcluant.

La plupart des travaux sur l'EVA ont porté sur l'indicateur en tant que tel. Ramené à un simple élément de théorie financière, il est alors facile de montrer que l'EVA n'apporte rien de substantiel, il s'agit simplement de la remise au goût du jour de la notion ancienne de bénéfice résiduel (O'Hanlon et Peasnell, 1998).

L'EVA vise à dénoncer l'incapacité du système d'information comptable standard à mettre en évidence les gains véritables des propriétaires de l'entreprise. Le Résultat Net Comptable, en particulier, ne donne à ce sujet qu'une indication extrêmement trompeuse. Une entreprise peut fort bien dégager des bénéfices en apparence substantiels et pourtant ne pas encore rémunérer correctement le capital apporté par ses actionnaires.

L'EVA est aussi la mesure de la performance liée directement à la création de richesse de l'actionnaire dans le temps.37(*)

2-5-1 : Définition de l'EVA

L'une des contributions essentielles de l'EVA est de mettre en évidence le fait que le capital a un coût. Le message central de' l'EVA consiste t-il à dire qu'il n'est pas suffisant d'avoir un résultat net positif ou un certain niveau de bénéfice par action. Bien plutôt, l'entreprise doit gagner assez pour couvrir le coût de la dette et le coût d'opportunité du capital avant même de songer à créer la valeur.

Peter Drucker écrit « there is no profit unless you earn the cost of capital, Alfred Marshall said that in 1896, peter Drucker said that in 1954 and in 1973, and now EVA (Economic Value Added) has systematized this idea, thank god ». (Drucker, 1998).38(*)

L'EVA est alors définie comme un profit économique généralisé, c'est à dire, non pas le résultat net comptable traditionnel, mais le surplus obtenu après rémunération de tous les apporteurs de fonds, dettes et capitaux propres. L'EVA est donc égale à la différence entre le résultat opérationnel après impôts (NOPAT, Net Operating Profit After Tax) et la rémunération de la totalité des capitaux investis au coût moyen pondéré du capital (pour tenir compte de la structure de financement de l'entreprise). Il y a donc création de valeur (EVA > 0) non pas lorsque l'entreprise s'est révélée simplement profitable, mais lorsque son résultat est suffisamment abondant pour couvrir la rémunération des fonds propres évaluée au coût du capital.

2-5-2 : Le Calcul de l'EVA 

(1.34)

Avec: NOAPT: net operating profit after taxes

On a aussi :

EVA = (rendement sur capital investi - coût de capital) * (capital investi)

EVA = (RCI - CMPC) * CI (1.35)

Avec :

CI : Capitaux investis.

RCI : Rentabilité économiques des capitaux investis.

CMPC : Coût moyen pondéré du capital.

* La rentabilité économique des capitaux investis est donnée par :

(1.36)

* Le coût de capital estimé doit être :

- Une moyenne pondérée des coûts de toutes les sources de financement (fonds propres et dettes) qui sont employés par le processus d'exploitation pour générer la valeur créée pour l'entreprise

- Calculé sur la base des taux de rentabilité nominaux et tenant compte à la fois des taux réels et de l'inflation attendue.

- Estimé tout en tenant compte du risque systématique supporté par chacun des bailleurs de fonds

- Formulé de telle sorte que chaque composante du capital soit pondérée par sa valeur du marché, qui reflète les véritables exigences économiques liées à chaque type d'encours de financement.

Stern et Stewart ont proposé la formule suivante d'estimation du coût de capital de l'entreprise :

(1.37)

Avec :

Ic : le taux marginal d'imposition de l'entité évaluée

E : la valeur du marché de l'endettement portant l'intérêt

V : la valeur du marché de l'entreprise et donc V = E+P+S

Kb : le coût de la dette

Ks : le coût d'opportunité des fonds propres (estimé par le MEDAF)

S : la valeur du marché des fonds propres.

Le coût des capitaux propres est donné par le modèle d'équilibre des actifs financiers

(MEDAF) ou « Capital Asset Pricing Model » (CAPM), qui a été élaboré par Sharpe, Lintner (1965) et Mossin (1966) :

(1.38)

Avec :

- E(Ri) : le taux de rendement espéré du titre i

- Rf : le taux sans risque

- E(Rp) : le taux de rendement espéré

- Âp : la volatilité du titre i par rapport au portefeuille p

Si l'on raisonne en terme de portefeuille de marché qui est un portefeuille efficient pour tous les investisseurs lorsque le marché est à l'équilibre. On aura le résultat suivant :

(1.39)

Avec :

- E(Ri) : le taux de rendement espéré du titre i

- E(Rm) : le taux de rendement du portefeuille du marché

- Âi : la volatilité du titre i par rapport au portefeuille du marché

On a :

(1.40)

- Rf : le taux sans risque

- [E(Rm)-Rf] : la prime de risque du marché des actions

* Le capital investi est la somme de tous les financements de l'entreprise, à l'exclusion des dettes d'exploitation ne portant pas intérêt telles que les comptes fournisseurs, les salaires à payer et les impôts dus. Ce qui équivaut à dire qu'il est égale à la somme des titres des actionnaires et de toutes les dettes portant intérêt, qu'elles soient de long terme ou de court terme.

2-5-3 : Les ajustements comptables

Anne M. Anderson, Roger P. Bey, Samuel C. Weaver (2004)39(*) ont essayé, à partir d'une illustration de la relation entre le bénéfice résiduel et l'EVA, d'identifier les principaux ajustements comptables et d'insister sur la nécessité de recourir aux ajustements comptables au niveau de l'EVA.

On a :

BR = BN - CMPC x CI (1.41)

Avec :

BR : le bénéfice résiduel

BN : le bénéfice net

CI : le capital investi

Et

EVA = NOAPT - WACC x CI

Il est clair que l'EVA et le Bénéfice Résiduel sont identiques, d'où les ajustements comptables du NOAPT et du CI doivent avoir un impact significatif pour pouvoir dire que l'EVA est une mesure de la création de valeur favorisée au bénéfice résiduel. Egalement, comme :

BN = ROA x CI

ET,

I = l'intérêt après impôt du coût de la dette, KdVd

Kd : le coût de la dette après impôt

Vd : la valeur de la dette

Donc:

(1.42)

BR = BN + I - KeVe - I (1.43)

BR = BN - KeVe (1.44)

Avec :

Ke : le coût de capital

Ve : la valeur comptable des capitaux propres

Et le bénéfice résiduel est égale au bénéfice net moins les charges du capital investi. Aussi, si on n'effectue aucun ajustement on a, EVA = BN - KeVe . Ainsi, l'EVA et le bénéfice net seraient fortement corrélés. Si les ajustements sont effectués mais non significatifs, la relation entre l'EVA et le bénéfice net reste essentiellement inchangé. D'où la nécessité des ajustements comptables pour que l'EVA ait un apport et une valeur ajoutée par rapport au bénéfice net.

Pour identifier les ajustements nécessaires, nous allons nous référer à Tracey West et Andrew Worthington (2004)40(*)

· Les dépenses de recherches et de développement 

Ne pas capitaliser la rechercher et développement revient à sous évaluer le capital de l'entreprise et donc à surestimer l'EVA. Et si les dépenses en recherches et développement ne sont pas capitalisées ils sont supposés générer des revenus futurs. Donc, au lieu de déduire les dépenses dans l'exercice en cours, il est plus judicieux de les répartir sur quelques années pour les faire correspondre aux revenus qu'ils engageraient.

· Les impôts différés 

Pour calculer l'EVA, on rajoute au résultat opérationnel la variation des impôts différés au cours de la période considérée. Cet ajustement dégage une charge d'impôt plus conforme à ce que l'entreprise doit réellement chaque année à l'administration fiscale.

· Les plus-values d'acquisition : (goodwill)

Les intangibles et spécialement le goodwill provenant de l'acquisition des entreprises ne sont pas automatiquement déduits dans le calcul de l'EVA. La comptabilisation du goodwill dans le résultat fait disparaître du bilan une partie de l'investissement de l'acquéreur et n'oblige donc plus les dirigeants à dégager un rendement compétitif sur cette portion du capital investi. En d'autres termes, toute réduction du goodwill sous estime le capital, et en l'absence d'ajustement, surestime l'EVA. Pour calculer l'EVA tout amortissement du goodwill est rajouté au capital et au résultat opérationnel. L'accumulation de l'amortissement des années antérieures est également ajoutée au capital, de même que le goodwill passée en charges à l'époque d'acquisitions d'entreprises qui sont encore détenus par l'acquéreur.

· Les provisions 

Les provisions sont une source très importante de manipulation. La technique la plus courante consiste à constituer des provisions généreuses lorsque l'entreprise marche bien. Les profits de l'année en sont réduits mais, ce faisant, les dirigeants disposent d'une réserve cachée qui sera utile pour stimuler les profits d'années ultérieures moins fastes.

· Finalement, les ajustements peuvent aussi être faits pour les industries extractives (miniers, forêts, huiles et gaz...etc.). On suppose que des changements généraux dans ces industries résultent d'une lourde accentuation sur les prix des produits exogènes : conditions sur lesquelles le manager n'a plus de contrôle discrétionnaire.

2-5-4 : La relation entre l'EVA et ses composantes41(*) 

Nous allons commencer par la description des liaisons qui existent entre les mesures de la création de la valeur pour l'entreprise, à savoir : le bénéfice avant éléments extraordinaires (EBE), les flux de trésorerie d'exploitation nets (NCF), le bénéfice résiduel ou residual income (RI) et la valeur ajoutée économique (EVA). Commençant par l'EBE comme indicateur de base de la valeur de la firme.

Nous avons:

EBE = NCF + ACC (1.45)

Avec :

ACC : total des accruals relatifs aux activités d'exploitation

Le résultat d'exploitation net d'impôt (NOPAT) est un indicateur qui est lié étroitement à la performance courante et future de l'entreprise. Il est calculé en ajoutant les dépenses d'intérêts après impôts (ATI) à l'EBE. On aura donc :

NOPAT = EBE + ATI = NCF+ACC+ATI (1.46)

Comme il est indiqué, la différence la plus signifiante entre EBE et NOPAT, est que la dernière sépare les activités d'exploitation des activités de financement en incluant l'effet de financement de dette après impôts (dépenses d'intérêts).

Le bénéfice résiduel diffère de l'EBE dans le sens où il mesure la performance d'exploitation (NOPAT) nette de charge de coût de dette et des capitaux propres employés :

RI = NOPAT - (WACC x CAP) = NCF + ACC + ATI - CC (1.47)

Avec:

WACC : coût moyen pondéré du capital de la firme (CMPC)

CAP : capital défini comme actif investi dans les activités d'exploitation (net de dépréciation), c'est aussi équivalent aux dettes et capitaux propres au début de la période.

CC : la charge du capital qui est égale au produit de la firme et le montant du capital contribué.

Un RI positif (négatif) indique un profit en surplus (déficit) d'où création (destruction) de la valeur créée pour les actionnaires.

Comme l'on a déjà vu, l'EVA n'est autre que le Bénéfice Résiduel plus les ajustements faits sur le NOPAT et le CAP.

Donc l'EVA est déterminée par :

EVA = NCF +ACC + ATI - CC + ADJ (1.48)

L'ajustement comptable total de l'EVA est l'ajustement net de NOPAT (NCF + ACC + ATI) moins l'ajustement au capital dans la détermination de CC (WACC x CAP).

2-5-5 : Comment accroître l'EVA42(*)

L'EVA peut être augmentée à travers les moyens suivants :

- Améliorer la rentabilité des capitaux investis. Cela peut être accompli à travers l'augmentation des prix ou des marges, les stratégies de volume ou par la baisse des coûts.

- La croissance avantageuse : c'est à dire investir dans des projets où la croissance du profit excède le coût du capital additionnel. Cela peut faciliter la croissance des ventes, la production de nouveaux produits et la conquête de nouveaux marchés.

- Rationaliser, liquider ou abandonner les projets qui ne peuvent pas générer des revenus supérieurs au coût de capital. C'est à dire désinvestir ou se retirer des marchés peu avantageux.

- Optimiser le coût de capital. Cela peut être accompli à travers la réduction du coût de capital tout en essayant de maintenir la flexibilité financière nécessaire de supporter la stratégie du projet d'investissement à travers l'usage prudent de la dette, du risque, et autres produits financiers.

2-5-6 : Les avantages de l'EVA

La popularité croissante de la méthode EVA reflète la prise de conscience que les instruments de mesure du passé, en particulier le rendement des capitaux propres et autres outils basés uniquement sur les données comptables, laissent beaucoup à désirer lorsqu `il s'agit de mesurer la création de valeur.

· Le premier avantage de l'EVA réside dans sa simplicité conceptuelle. En effet, il est facile de comprendre et d'appliquer le concept de l'EVA43(*). Si on dispose des données financières adéquates on peut reconnaître parmi les facteurs qu'on contrôle ceux qui augmentent la valeur économique de l'entreprise ou la diminuent. On en déduit que c'est là l'un des avantages de l'EVA sur les méthodes de la valeur actualisée nette (DCF ou discounted cash flow). Celles-ci déterminent la valeur présente de tous les flux financiers de l'entreprise et s'avèrent souvent lourdes à mettre en oeuvre.

· L'EVA n'est pas seulement un outil de mesure de la performance de l'entreprise, c'est aussi un moyen de motivation des dirigeants et facilite les activités économiques à tous les niveaux de l'entreprise. En effet, l'EVA constitue un outil de gestion financière décentralisé car elle permet à tous les niveaux de l'entreprise de mesurer la performance d'une unité en lui appliquant un taux de rentabilité exigé individuel.44(*)

· On pourra noter l'habileté du positionnement stratégique de l'EVA qui, s'établissant à l'intersection du financier et de l'économique, s'adresse aussi bien à l'actionnaire, dont on entend défendre le point de vue et le revenu, qu'au chef d'entreprise à qui l'on fournit un critère de performance.

· Les investisseurs institutionnels sont progressivement conduits à s'intéresser aux firmes mais de l'intérieur, et non plus comme seule composante « ponctuelle » d'un portefeuille diversifié, l'EVA venant alors opportunément combler le besoin d'indicateurs internes de performance économico-financière.

· L'EVA élimine les distorsions économiques pour se concentrer sur les décisions qui affectent les résultats économiques réels.45(*)

· Selon Stern et Stewart, l'EVA est une base de compensation des dirigeants des entreprises dans un objectif bidimensionnel :

- Motiver les directeurs au sein de l'organisation

- Assurer l'alignement des intérêts du manager sur ceux des actionnaires.

En effet, si la compensation est basée sur une autre mesure tel que le bénéfice,... et qui se caractérise par une faible corrélation avec l'objectif ultime de l'entreprise à savoir la création de valeur pour ses actionnaires, le comportement du manager sera orienté dans le sens qui assure la maximisation de sa propre fonction d'utilité au détriment des actionnaires.

· L'EVA aligne et accélère la prise des décisions et améliore la communication, la collaboration et la coopération entre les différentes divisions et départements. L'EVA est en effet un système interne de gouvernement de l'entreprise qui guident tous les managers et les employés et les amènent à se concentrer sur les intérêts des actionnaires.

2-5-7 : Les limites de l'EVA46(*)

· L'EVA ne peut pas être un moyen de contrôle pour des divisions de taille différentes.

· L'EVA est basée sur méthodes de la comptabilité financières qui peuvent être manipulées par les dirigeants.

· L'EVA peut se concentrer sur des résultats immédiats qui diminuent l'innovation. L'EVA néglige aussi les opportunités de croissance pour la firme en se focalisant sur la mesure de performance à court terme (Johnson et Soenen, 2003).

· Etant Donné l'accentuation d'EVA dans l'amélioration de la performance, elle n'encourage pas la collaboration entre les dirigeants des unités différentes (Ibendahl et cFleming, 2003).

· Malgré la suprématie de l'EVA par rapport aux autres outils de mesure de la création de valeur, elle n'est pas encore une mesure parfaite.

2-6 : Market Value Added (MVA) et création de valeur

2-6-1 : La définition de la MVA

La MVA, comme l'EVA, a été développée par le cabinet américain Stern et Stewart. Elle représente une autre méthode de détermination de la valeur de l'entreprise. C'est une référence de comparaison de sociétés. Elle sert d'indicateur de classement des entreprises par le cabinet Stern et Stewart (Paliard, 1999) notamment.

La MVA est définie comme étant la différence entre la valeur de marché (soit la capitalisation boursière) et la valeur historique des capitaux engagés. La MVA reflète la richesse créée et accumulée par l'entreprise depuis sa création.

2-6-2 : Le calcul de la MVA

La MVA se présente par la formule suivante :

MVAt = Vt - Ct (1.49)

Avec :

- Vt : la valeur globale de l'entreprise = MV (capitalisation boursière) + B (la valeur marchande de la dette).

- Ct : la valeur comptable des capitaux propres

La MVA s'exprime donc par la différence entre la valeur boursière des capitaux propres et leur valeur comptable.

MVAt = MVt - CPt (1.50)

Avec :

- MVt : la capitalisation boursière de l'entreprise à la date t

- CPt : la valeur comptable des capitaux propres au début de la période t.

2-6-3 : La MVA et la création de valeur

L'entreprise est créatrice de valeur si sa MVA est positive, c'est à dire que sa capitalisation boursière est supérieure à la valeur bilancielle des capitaux propres.

Lorsque la capitalisation boursière est inférieure à la valeur bilancielle des capitaux propres, l'entreprise détruit de la valeur.

Donc, pour atteindre son objectif, qui est la maximisation de la valeur, l'entreprise doit se focaliser sur la maximisation de la MVA.

2-6-4 : La relation EVA-MVA

Si l'évaluation des marchés était rétrospective, la MVA ne serait pas autre chose que le cumul des EVA antérieures. Comme le marché financier est anticipatif et regarde les actifs d'un point de vue prospectif, la MVA est en fait la somme des EVA futures actualisées. Incidemment, le fait que la MVA cumule les EVA, c'est-à-dire les surplus dégagés après rémunération des apporteurs de capitaux, confirme à sa façon que les EVA, incorporées dans la MVA, sont bien conçues comme appartenant de fait aux actionnaires, alors qu'en principe elles se présentent comme des surplus libres et offerts à la répartition. Stewart (1990) décrit l'EVA de l'entreprise comme étant le « fuel » qui tire la MVA.

Selon François Larmande et Jean-Pierre Ponssard (2003)47(*), l'EVA se calcule schématiquement comme suit pour l'année n

EVAn = EBITn (1 - t) - r.CEn-1 (1.51)

Avec:

EBIT = earning before interest and taxes;

t = taux d'imposition sur les bénéfices;

r = coût du capital ;

CE = capital engagé ou actif total.

Sachant que le flux net de trésorerie FNTn correspondant à l'année n peut se déterminer Comme :

FNTn = EBITn (1 - t) - (CEn - CEn-1 ) (1.52)

Il est facile de voir que l'EVA vérifie la propriété suivante :

(1.53)

Si l'on admet que la valeur de marché totale VMT, est égale à la valeur actualisée des FNT au coût du capital, on obtient

(1.54)

(1.55)

D'où finalement la relation souvent citée entre MVA et EVA :

(1.56)

La MVA est donc la valeur actuelle de tous les EVA futures.

Section 3 : La comparaison de l'EVA aux autres mesures de création de valeur : validation empirique

Nous avons mentionner dans ce qui précède que selon Stern et Stewart l'EVA est le meilleur outil de mesure de la création de valeur. L'objectif de cette section est de tester empiriquement cette affirmation

3-1 : Présentation du modèle

On se réfère à l'étude de Tracey West et Andrew Worthington, (2004)48(*) qui ont essayé de calculer le contenu incrémental relatif à chaque instrument de mesure de la création de valeur à savoir le bénéfice résiduel, les flux de trésorerie, le bénéfice avant éléments extraordinaires et la valeur ajoutée économique.

Il s'agit de tester le contenu informationnel relatif et incrémental à travers la régression suivante

STK it = á0 + á 1 NCFit + á 2 EBEIit + á 3 RIit + á 4 EVAit + åi,t

3-2 : Définition des variables

3-2-1 : La variable dépendante

STK it : C'est le rendement ajusté des actions c'est-à-dire commençant trois mois après la fin de l'exercice et ceci pour que l'information soit saisie dans les cours.

3-2-2 : Les variables indépendantes 

NCFit = Les flux de trésorerie d'exploitation nets de l'entreprise i à la date t

EBEIit = Le bénéfice avant éléments extraordinaires de l'entreprise i à la date t

RIit = Le bénéfice résiduel de l'entreprise i à la date t

EVAit = La valeur économique ajoutée de l'entreprise i à la date t.

Les flux de trésorerie sont calculés comme bénéfice plus les accruals de la firme i à la date t.

Le bénéfice résiduel est calculé en ajoutant au résultat d'exploitation les charges de capital. Les charges de capital sont calculées en multipliant le coût moyen pondéré par le capital investi (capitaux propres et dettes à long terme et court terme portant intérêts).

L'EVA est calculé en ajoutant les ajustements au bénéfice résiduel. Mais, faute de disponibilité des données nous avons utilisé comme ajustement que la variation des provisions.

3-3 : Description de l'échantillon

L'échantillon de l'étude comporte 19 entreprises non financières cotées en Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis (BVMT) sur une période de cinq ans s'étalant de 1999 à 2003.

Les données de l'étude ont été recueillies manuellement à partir des sources d'information suivantes:

- Les documents d'informations, les prospectus d'émission d'emprunt obligataire, les prospectus d'émission d'actions et les rapports d'activité des entreprises disponibles au Conseil du Marché Financier.

- Les états financiers publiés dans les bulletins officiels de la BVMT.

- Le site Web de la BVMT, les sites Web des entreprises et les entreprises elles-mêmes.

3-4 : Résultats et interprétations

Nous avons appliqué la méthode de données de panel. La régression se fait sous deux dimensions : temporelle et individuelle.

3-4-1 : Test de significativité des variables

NCE

EBEI

RI

EVA

4.662535

(1.705353)*

0.094614

(0.083814)

-0.014344

(-1.8293)*

0.014389

(1.771099)*

* : Significatif à 10 %

Les résultats du test nous montrent que le NCF, et l'EVA ont un impact positif et statistiquement significatif sur le rendement annuel composé des capitaux. Tandis que le bénéfice résiduel affecte négativement le rendement composé annuel des capitaux.

L'objectif de ce test est de déterminer le pouvoir explicatif de chaque variable prise toute seule pour pouvoir déterminer le contenu informationnel relatif de chacune des mesures de création de valeur.

3-4-2 : Le contenu informationnel relatif

NCF

EBEI

RI

EVA

R2

4.212878

(1.641873)

0.423099

(0.38566)

-0.05855

(-1.989581)

0.04106

(0.660462)

19.0038%

19.0584%

19.5576%

18.7871%

RI EBEI NCF EVA

R19.5576% 19.0584% 19.0038 % 18.7871%

Les résultats du contenu informationnel relatif montrent que le bénéfice résiduel (RI) présente le pouvoir explicatif le plus élevé suivi par l'EBEI puis par les flux de trésorerie d'exploitation et finalement par l'EVA.

3-4-3 : Le contenu informationnel incrémental

NCF

EBEI

RI

EVA

R2

4.276004

(1.46877)

0.150456

(0.132987)

 
 

18.9365%

4.348576

(1.951194)

 

-0.004554

(-0.778525)

 

19.2620%

5.000826

(1.7298)

 
 

0.005398

(0.8786)

18.4151%

 

0.585609

(2.526405)

-0.006172 (-1.027)

 

19.3918%

 

0.332318

(0.292796)

 

0.003880

(0.614860)

18.7203%

 
 

-0.15158

(-1.910938)

0.13882

(1.716265)

18.4493%

NCF / EBEI

NCF / RI

NCF / EVA

EBEI / RI

EBEI / EVA

RI / EVA

18.9365%

19.2620%

18.4151%

19.3918%

18.7203%

18.4493%

Les combinaisons par paire de NCF et EBEI, RI, EVA indiquent que le pouvoir explicatif a changé respectivement de 18.9365% ; 19.2620% ; 18.4151%.

Une combinaison par paire de l'EBEI et NCF, RI, EVA montrent que le pouvoir explicatif a augmenté respectivement de 18.9365% ; 19.3918% ; 18.7203%.

Une combinaison par paire de RI et NCF, EBEI, EVA montrent que le pouvoir explicatif a augmenté respectivement de 19.2620% ; 19.3918% ; 18.4493%

Enfin, la troisième combinaison entre L'EVA et NCF, EBEI, RI indiquent que le pouvoir explicatif a augmenté de 18.4151% ; 18.7203% ; 18.4493%.

Ces résultats nous montrent que le pouvoir explicatif de la paire RI et EBEI est le plus élevé.

Les résultats de notre étude ont montré que le bénéfice résiduel présente le pouvoir explicatif le plus élevé que les autres mesures ce qui infirme les idées de Stern et Stewart (1991) et contredisent les résultats de West et Worthington (2004). Nos résultats sont conformes à ceux de Bao (1998) qui a montré que le bénéfice est meilleur que l'EVA.

En effet, West et Worthington (2004) ont trouvé que le bénéfice après éléments extraordinaires a le pouvoir explicatif le plus élevé (9.04%) supérieur à celui du bénéfice résiduel (6.24%), supérieur à celui de l'EVA (5.07%) supérieur à celui des flux de trésorerie d'exploitation (2.38%). Tandis que Stern et Stewart prouvent que l'EVA présente le pouvoir explicatif le plus élevé.

Conclusion

Au cours de ce chapitre nous avons traité les approches traditionnelles d'évaluation (Discounted Dividend Model et Discounted Cash flow Model) en présentant leurs références théoriques ainsi que leur contribution dans la stratégie de la création de valeur pour les actionnaires. Puis, nous avons présenté les diffférents outils de mesure traditionnels et nouveaux de la création de valeur.

Dans la section empirique de ce chapitre, nous avons essayé de calculer le contenu incrémental relatif à chaque instrument de mesure de la création de valeur à savoir le bénéfice résiduel, les flux de trésorerie, le bénéfice avant éléments extraordinaires et la valeur ajoutée économique en estimant le modèle de Tracey West et Andrew Worthington, (2004).

Les résultats de ce test ont montré que le bénéfice résiduel (RI) présente le pouvoir explicatif le plus élevé suivi par l'EBEI puis par les flux de trésorerie d'exploitation et finalement par l'EVA.

Les résultats du contenu informationnel relatif montrent que le bénéfice résiduel (RI) présente le pouvoir explicatif le plus élevé suivi par l'EBEI puis par les flux de trésorerie d'exploitation et finalement par l'EVA.

Chapitre deuxième :

« Corporate Governance » et création de valeur

Introduction 

Plus l'entreprise est complexe, plus elle est objet à des problèmes d'agence c'est à dire à des conflits d'intérêts entre les actionnaires et les dirigeants. D'après BERLE et MEANS (1932)49(*), la dissociation des fonctions entre les dirigeants et les actionnaires freine la bonne marche de l'entreprise. En effet, chacun cherche à maximiser sa propre utilité au détriment de l'autre.

Le développement de la théorie relative au gouvernement de l'entreprise est venu donc distinguer plusieurs moyens mis en oeuvre afin de contrôler les dirigeants pour pouvoir réduire ces conflits. Parmi ces mécanismes de contrôle, on distingue les mécanismes de contrôle externe tel que le marché des biens et services, le marché de travail et le marché des prises de contrôle et les mécanismes de contrôle interne dont le plus important est le conseil d'administration développé par FAMA et JENSEN (1983).

Outre ces mécanismes de contrôle externe et interne visant la discipline des dirigeants, le système de gouvernement de l'entreprise accorde un rôle important à la structure de propriété dans la résolution des conflits d'agence. La structure de propriété a été objet de plusieurs études théoriques et empiriques mettant en évidence la relation entre la performance et la propriété managériale. En plus de la détention d'actions par les managers, la présence au niveau de la structure de la propriété de la firme d'investisseurs institutionnels peut contraindre les dirigeants à agir de façon à maximiser la richesse des actionnaires. Pound (1988) et McConnell et Servaes (1990) montrent La propriété institutionnelle sert comme un signal pour la valeur de l'entreprise. Ainsi, plus haut est la propriété institutionnelle, meilleure serait la performance de l'entreprise.50(*)

Ce chapitre sera consacré à étudier l'importance du gouvernement des entreprises, à travers le processus de contrôle, dans la création de valeur pour les actionnaires.

Nous allons traiter dans une première section, les fondements théoriques du gouvernement d'entreprise et ses principes de base, pour passer par la suite à l'analyse du rôle joué par le dirigeant au sein de l'organisation en mettant en évidence la théorie de l'enracinement des dirigeants.

La deuxième sera consacrée à présenter, en premier lieu, l'importance du conseil d'administration dans le processus de création de valeur à travers les fonctions accomplies par celui-ci ainsi que ses principaux caractéristiques à savoir la taille, la structure et la composition, et en deuxième lieu, la relation entre la structure de propriété et la valeur de la firme en étudiant l'impact de la participation du dirigeant dans la structure de propriété et le rôle des investisseurs institutionnels dans le processus de création de valeur.

Enfin, la troisième section fera l'objet d'une étude empirique de l'impact du processus de contrôle sur la création de valeur dans le cadre du gouvernement d'entreprise.

Section 1 : Le management par la valeur  et « corporate governance »

Apparu au début des années soixante-dix aux États-Unis, la « corporate governance » est un phénomène qui s'est progressivement répandu dans le monde au cours des années quatre-vingt-dix pour s'imposer aujourd'hui dans de nombreux débats économiques et politiques sous le thème du « gouvernement d'entreprise ».

La « corporate governance » ou gouvernement d'entreprise est issu d'un puissant courant d'opinion qui s'est développé aux États-Unis puis en Angleterre en réaction à des scandales financiers mettant en cause de grands groupes industriels et bancaires et leurs dirigeants. En France, les affaires qui ont touché les secteurs bancaires et d'assurance affaires ont également déclenché des débats sur le pouvoir dans les sociétés. Comme le précise Philippe Bissara « certains chefs d'entreprises français [...] y ont vu une mode contestataire par laquelle leur autorité était mise en cause par des trublions anglo-saxons, relayés par des journalistes ignares et des organisateurs de colloques en peine de sujets ». Aujourd'hui le « gouvernement d'entreprise » est devenu un critère pris en compte par les analystes financiers avant de communiquer leurs recommandations et par les investisseurs avant de prendre leurs décisions.51(*)

1-1 : Les fondements théoriques du gouvernement d'entreprise

Issu du débat instauré par Berle et Means et associé à la forme organisationnelle particulière de la firme managériale, le modèle financier de la gouvernance trouve son origine dans la théorie de l'agence.

1-1-1 : L'objet de la théorie d'agence :

L'objet de la théorie de l'agence (M.C. Jensen et W.H. Meckling ; 1976)52(*) est d'appréhender les relations d'échange entre des parties en tenant compte des contraintes institutionnelles et informationnelles dans lesquelles elles évoluent. On parle de sélection adverse lorsque parmi les parties candidates à un échange, l'une possède une information privée à laquelle les autres n'ont pas accès. Il s'agit donc de décrire et d'analyser les interactions d'un petit nombre d'agents, en fait souvent deux seulement ; l'un de ces agents possédant une information qu'il est le seul à connaître est appelé la partie informée ou l'Agent, l'autre agent non informé est appelé le Principal. Le but du Principal est de proposer à l'Agent un contrat qui soit acceptable pour ce dernier et qui aboutisse à l'utilité maximale (ou aux profits maximaux) pour le Principal. Pour cela, le Principal doit faire révéler moyennant un coût son information par l'Agent qui détient de fait une rente informationnelle. Mais chacun d'eux reste soumis au phénomène d'aléa moral qui décrit une situation où l'une des parties n'observe pas parfaitement les actions entreprises par l'autre partie.

Appliquée aux relations entre dirigeants (managers) et actionnaires (propriétaires), la théorie de l'agence met en évidence l'existence de conflits issus de la recherche de maximisation par chacun des deux acteurs de sa propre utilité au détriment de l'autre. Ainsi, en cherchant à optimiser d'abord leur satisfaction individuelle mesurée en termes de carrière, prestige, notoriété..., les dirigeants gèrent l'entreprise sans se soucier des intérêts des actionnaires. Par exemple, pour préserver leur pouvoir et leur poste, les managers choisissent plutôt des investissements peu risqués, à la rentabilité mesurée sur le court terme ; d'autant que leurs résultats font l'objet d'évaluations et de commentaires aujourd'hui largement médiatisés.

De leur côté, les actionnaires qui ont investi un capital financier cherchent à maximiser la valeur de leurs titres ou valeur actionnariale (shareholder value) sur une durée la plus longue possible, même s'ils souhaitent rentabiliser rapidement leur capital. Cette espérance de gains à long terme conduit donc les actionnaires à contester la gestion à court terme menée par les dirigeants dont la position au sein de l'entreprise les rend en outre détenteurs d'informations privilégiées inaccessibles aux actionnaires.

1-1-2 : Présentation des stratégies du dirigeant et de l'actionnaire53(*)

Soit un propriétaire d'entreprise qui cherche à embaucher un manager. L'entreprise réalisera un profit brut ð, fonction des «actions» du manager e. Par action on peut désigner une variable unique qui sera le niveau d'effort du manager e.

1-1-2-1 : La relation effort-profit :

Le profit ð dépend de e mais d'une manière qui n'est pas connue des acteurs ; dans le cas contraire il suffirait d'observer ð pour connaître le niveau d'effort, et il n'y aurait pas d'asymétrie d'information.

- On peut écrire cette relation :

(2.1)

Où å est une variable aléatoire ;

- alternativement on peut dire que est la fonction de densité conditionnelle reliant le profit et le niveau d'effort. On simplifiera l'analyse en supposant que le niveau d'effort est un scalaire pouvant prendre deux valeurs : eH (effort intense) et eL(faible effort).

Les fonctions de distribution de ð conditionnel à e sont supposées telles que :

(2.2)

Cela signifie simplement que le niveau attendu des profits quand e = eH est plus grand que quand e = eL, les profits espérés seront d'autant plus grands que l'effort du manager est grand. En désignant par E() la fonction d'utilité espérée on peut donc écrire :

(2.3)

1-1-2-2 : La stratégie du manager (agent) :

On suppose que le manager maximise une fonction d'utilité u (w,e) qui dépend positivement du salaire w et négativement du niveau d'effort :

(2.4)

Un cas particulier est souvent est celui d'une fonction d'utilité additive :

(2.5)

On estime généralement que cette utilité ne peut pas descendre au-dessous d'un certain niveau, qui résulte par exemple de l'existence d'un marché concurrentiel pour les managers, noté  ; le problème de maximisation du manager peut s'écrire :

(2.6)

1-1-2-3 : La stratégie du propriétaire :

Le propriétaire cherche à maximiser son surplus espéré E(S), défini comme l'espérance mathématique de la différence entre le profit brut et la rémunération du manager :

(2.7)

Un contrat se définit par un schéma de rémunération w(ð) et un niveau d'effort e :

(2.8)

Le propriétaire cherche donc le contrat qui permet de maximiser E(S) tout en s'assurant que le manager en accepte les conditions, ce qui s'appelle la contrainte de rationalité individuelle ou aussi la contrainte de participation.

(2.9)

Le propriétaire va donc déterminer w(ð) et e de sorte à réaliser :

(2.10)

Par conséquent, c'est dans cet environnement rationnel d'intérêts divergents et d'asymétries d'information que s'exprime le conflit dirigeants-actionnaires.

1-2 : Le gouvernement d'entreprises : définitions

« Le gouvernement d'entreprise prend la forme d'un débat sur le système par lequel les sociétés sont dirigées et contrôlées. Ce système permet de préciser comment les objectifs sont établis et sont accomplis, comment le risque est géré et réparti et comment la performance est optimisée. Le gouvernement d'entreprise s'inquiète les aspects internes de la compagnie, tel que le contrôle interne, et les aspects externes tel que la relation d'une organisation avec les actionnaires et les autres stakeholders. La transparence et la responsabilité sont les principes fondamentaux d'un bon gouvernement d'entreprise. » 54(*)

Selon Kath et Kim (2003)55(*), « le gouvernement d'entreprise est constitué du réseau de relations liant plusieurs parties dans le cadre de la détermination de la stratégie et de la performance de l'entreprise. Ces parties sont d'une part les actionnaires, les dirigeants et le conseil d'administration, d'autre part, les clients, les fournisseurs, les banquiers et la communauté.

La Porta et al. (2000)56(*) considère le gouvernement d'entreprise comme étant un ensemble de mécanismes à travers lequel les administrateurs externes se protègent contre l'expropriation des administrateurs internes c'est à dire les managers et les actionnaires. Ils donnent des exemples spécifiques des formes différentes d'expropriation. En effet, les administrateurs internes peuvent voler les profits, vendre la production, détourner les opportunités qui se présentent à l'entreprise, mettre des membres de la famille non qualifiés dans des postes importantes de la direction...etc. Cette expropriation est centrale au problème de l'agence décrit par Jensen et Meckling (1976).

PETER WIRTZ (2004)57(*) « Le gouvernement d'entreprise spécifie des processus qui devraient être adoptés par les dirigeants pour réaliser leurs devoirs comme dirigeants. Il est défini dans ce cas comme l'ensemble des mécanismes qui délimitent l'espace discrétionnaire du dirigeant, est désormais reconnue comme un aspect important dans la vie d'une entreprise en se basant sur la transparence des décisions majeures prises et la responsabilité vis à vis des actionnaires (les autres parties prenantes) ».

Le gouvernement d'entreprise concerne la conduite de l'entreprise (ou des autres entités) par le conseil d'administration et les rapports entre celui ci, la gestion de l'entreprise et les actionnaires. Il s'agit de l'organisation du pouvoir au sein d'une société ou d'une entreprise visant à un meilleur équilibre enter les instances de direction, les instances de contrôle et les actionnaires ou sociétaires. Ce système de gestion des entreprises d'origine américaine a pour objectif de redonner le pouvoir aux actionnaires, par rapport aux conseils d'administration et aux dirigeants.58(*)

1-3 : Les principes du gouvernement d'entreprises

Le gouvernement d'entreprise repose sur plusieurs principes de bases, les plus importants sont les suivants :

1-3-1 : Le principe de la création de valeur.59(*)

D'un point de vue financier, l'enjeu central pour juger les pratiques de gouvernance est leur impact sur la création de valeur. Aguilera et Cuervo-Cazurra (2004, p. 428) affirment: « Leading institutional investors, such as CalPERS (California Public Employees Retirement System) in the USA, believe that `good governance is good business, and hence will by default create shareholder value. » Sera jugée comme « meilleure » toute pratique de gouvernance contribuant à un accroissement de la valeur.

Les « meilleures pratiques » de gouvernance constituent une initiative fortement appuyée par des parties prenantes à la politique financière des firmes. Fort de ce constat, il convient de se tourner vers la finance pour rechercher les critères de jugement que propose cette discipline pour discriminer entre les pratiques. Il s'avère alors que le critère central est celui de la valeur, ou plutôt celui de la création de valeur (Jensen, 2000).

Selon Nicolas Mottis et Jean-Pierre Ponssard (2000) 60(*), l'objectif de la création de la valeur est un thème périodique dans tout le discours courant sur l'évolution d'entraînements du gouvernement d'entreprises. C'est un but qui paraît, malgré tout, exprimer le point de vue des analystes financiers qui veulent maximiser des recettes sur le capital investi dans une entreprise particulière, est dans une position de choix entre les différents investissements possibles, et qui sont souvent eux-mêmes soumis à une pression croissante dû à l'analyse comparative de leur propre performance. Mais ce point de vue strictement financier est un aspect de l'apparition de nombreux actionnaires qui veulent propulser les mécanismes du contrôle dans les entreprises, par exemple: la demande d'une plus grande transparence des comptes, des risques et politiques; un contrôle plus strict des directeurs; et une distinction plus claire entre les fonctions de la politique de production d'entreprise (Président) et la gestion des opérations (le Principal). Cette importance croissante du marché financier est génératrice d'un débat sur les objectifs de l'entreprise, en particulier sur le poids relatif d'actionnaires comparé aux autres stakeholders. En France ce débat est récent et est le centre de beaucoup d'attention (voir, par exemple, Morin, 1997, ; Charreaux et Desbrières, 1998, Peyrelevade, 1999) et aussi aux États-Unis (Prahalad, 1993).

1-3-2 : Le principe de l'intérêt des parties prenantes61(*)

La création de la richesse par une entreprise est basée sur une stratégie saine et une pratique de gestion adoptée pour maintenir une discipline financière et opérationnelle permettant l'augmentation de la richesse créée pour les différentes parties prenantes.

Les partisans de la perspective du stakeholder combattent que le point de vue Anglo-américaine traditionnelle des objectifs de l'entreprise est trop étroit et qu'il devrait être étendu pour rejoindre les intérêts des autres groupes associés avec l'entreprise, y compris employés, la communauté... etc. Ces stakeholders sont considérés avoir des intérêts qui dépendent, en partie, du développement continu de l'entreprise. Par conséquent, un processus du gouvernement efficace doit tenir compte des intérêts de tout le groupe.62(*)

On peut résumer à travers le schéma suivant la part de chaque partie prenante dans la valeur créée par l'entreprise :

-Source : William H. Ferguson (2004)63(*)-

1-3-3 : Le principe de la séparation entre le contrôle et la prise de décision

Les codes de gouvernance militent pour une séparation des fonctions de management et de surveillance, même dans les firmes à conseil unique, afin de rendre l'exercice de cette fonction de surveillance plus efficace. Cela passerait notamment par trois types de mesures : la séparation des rôles de président du conseil et de directeur général, l'indépendance de l'organe de contrôle et, enfin, la mise en place de comités au sein du conseil de direction et du conseil de surveillance.

1-3-4 : Le principe du respect des droits des actionnaires :

Selon KATH et KIM (2003) 65(*) le principe du respect des droits des actionnaires et la facilité de l'application de ces droits nécessite la communication avec eux en leur assurant la facilité d'assister aux réunions générales et en diffusant l'information dont ils ont besoin.

D'après WIRTZ, P (2004) 66(*) , il est nécessaire d'assurer un traitement équitable de l'ensemble des actionnaires (Weil, Gotshal et Manges, 2002, p. 76). Pour cela, plusieurs mécanismes sont préconisés. Il s'agit d'assurer une circulation de l'information sans faille auprès de tous les actionnaires concernant la structure du capital et ses évolutions. Les barrières à la participation active aux assemblées générales sont à réduire et les déséquilibres entre structure du capital et structure des droits de vote à éviter. Cette exigence revient à réclamer, en principe, un alignement du droit de contrôle résiduel sur le droit de propriété attaché au statut d'actionnaire.

1-4 : Pourquoi la maximisation de la valeur actionnariale ?67(*)

La littérature sur la gouvernance de l'entreprise s'est focalisée presque exclusivement sur la relation dirigeants-actionnaires. Comme si les problèmes d'asymétrie d'information dans l'entreprise ne se posaient qu'à ce niveau et comme si la création de valeur ne dépendait que du respect des intérêts des actionnaires. Et, dans la mesure où de telles suppositions sont évidemment intenables, qu'est ce qui peut bien justifier cette orientation particulière ?

En un sens, il suffit de répondre que, juridiquement, les sociétés sont la propriété de leurs actionnaires, ce qui donne à ceux-ci le pouvoir de disposer comme ils l'entendent des actifs de l'entreprise. Aussi, c'est au nom de l'utilité collective que la théorie dominante justifie le pouvoir conféré au capital et la maximisation de la valeur actionnariale. Comme il est d'usage dans la théorie économique libérale, on cherche à démontrer que, derrière l'intérêt particulier, se dissimule l'intérêt général : la situation de l'ensemble des acteurs de la firme se trouvera mieux assurée si l'on oriente les décisions en fonction de l'intérêt des apporteurs de capitaux. L'objectif de la valeur actionnariale est donc l'instrument d'optimisation de l'efficacité économique d'ensemble. De même, les actionnaires peuvent jouer le rôle d'assureurs pour les salariés : ils accepteraient de garantir à ces derniers un revenu fixe en contre partie de l'appropriation du surplus résiduel. Les salariés aient une plus forte aversion pour le risque dans la mesure où le capital humain n'est pas diversifiable à la différence du capital financier.

En définitive, la meilleure justification de l'objectif de la valeur actionnariale se trouve dans le principe d'incitation aux investissements spécifiques. Ou du moins c'est ce principe qui semble le plus souvent évoqué lorsque sont explicités les fondements de la gouvernance. On peut le résumer en trois propositions qui s'enchaînent.

· Il n'est pas possible d'écrire tous les droits et devoirs des diverses parties prenantes de l'entreprise dans l'ensemble des configurations (de marché, de conjoncture, d'environnement...) imaginables dans le futur. L'incomplétude des contrats suppose donc l'existence d'un surplus résiduel (ce qui reste lorsque les obligations formelles de l'entreprise ont été remplies). Il faut donc que ce surplus résiduel soit pris en charge, avec les risques qu'ils comportent, par un ou plusieurs acteurs ou groupes d'acteurs de la firme. De surcroît, il faut confier à l'un ou plusieurs d'entre eux le soin de prendre les décisions qui ne peuvent être prédéfinies et qui ne peuvent faire l'objet d'engagements contractuels.

· Ces droits doivent être conférés à celui ou à ceux des acteurs qui disposent de la plus forte incitation à maximiser la valeur de la firme ou du surplus résiduel, donc l'efficience. Logiquement, cela implique de donner ces droits à l'acteur ou (aux acteurs) dont le pouvoir de négociation est le plus fragile, car cet avantage compense la faiblesse de sa position (leurs positions). Il est clair que les parties prenantes, dont la situation est suffisamment garantie par un contrat, ont peu d'incitation à maximiser la valeur de la firme. Au contraire, les acteurs qui ont le plus à gagner à la poursuite de cet objectif sont ceux dont la position dans le jeu est la moins assurée.

· Or, ce sont les apporteurs de capitaux qui seraient, selon la thèse traditionnelle, dans le rapport de force le plus défavorable. En effet, les droits et les devoirs des autres parties prenantes de l'entreprise, qu'ils s'agissent des salariés, des clients, des fournisseurs... sont clairement définis par des contrats et ceux-ci peuvent aisément interrompre leur « investissement » au sein de l'entreprise. A l'inverse, le capital financier se transforme en équipements spécifiques qui implique des coûts de désengagement élevés, ceci d'autant plus que l'équipement en question est plus spécialisé : il n'existe pas de marché d'occasion pour des investissements spécifiques conçus pour une entreprise particulière. Dans ces conditions, les apporteurs des capitaux ne disposent plus de pouvoir de négociation, une fois leur investissement effectué. Pour qu'ils acceptent de financer l'entreprise, pour qu'ils permettent à ces financements de se matérialiser dans des équipements peu liquides, parce que spécifiques, il faut par conséquent leur attribuer des droits de contrôle sur l'entreprise, avec pour conséquent le droit de s'approprier le surplus créé.

1-5 : L'analyse du rôle joué par le dirigeant au sein des organisations

Selon ALAIN FINET (2003), en analysant le rôle joué par le dirigeant au sein des organisations, deux schémas sont envisageables : Premièrement, il y a accord sur la perspective néo-classique selon laquelle tous les choix individuels convergent vers un objectif commun de maximisation de la richesse de l'entreprise. Le raisonnement sous-jacent est que les décisions prises par les dirigeants doivent permettre de réduire les coûts et d'améliorer la position concurrentielle de l'entreprise, ce qui devrait aussi consolider la relation avec l'ensemble des stakeholders de l'entreprise. Deuxièmement, la critique de la théorie néoclassique des organisations est principalement formalisée au niveau de la théorie de l'agence qui sert de base au développement de la théorie de l'enracinement des dirigeants.

De manière schématique et selon un raisonnement repris par Jensen et Meckling (1976), des conflits d'agence peuvent apparaître à partir du moment où les actionnaires délèguent une partie de la prise de décision à des managers qui peuvent avoir comme objectif la maximisation de la richesse de l'ensemble des stakeholders (et pas uniquement celle des actionnaires, Scot, Lane (2000) et, dans certains cas, la maximisation de leurs intérêts personnels. Par exemple, le dirigeant peut opter pour des mesures de diversification pour accroître son pouvoir : la liaison négative entre la diversification et la valeur de l'entreprise est généralement établie pour les Etats-Unis (Comment, Jarrel, 1995), alors que, pour l'Europe, elle reste toutefois plus problématique (Perdreau, 1999).

Actionnaire /

Marché financier

Rentabilité immédiate,

Retour sur investissement;

Productivité maximale;

Profits futurs;

Pérennité; création de valeur

Pression temporelle

Changement permanent

Société

Respect de l'environnement;

Intérêts sociaux

Développement durable

Globalisation

Concurrents directs, partenariat, alliance, coopération

Médiatisation

Institution

Respect civique de la moralité, des règles de la concurrence

et de l'intérêt général

Partenaires

Respect des délais de paiement

Niveau de commandes élevé;

Marge financier

Clients

Qualité et fiabilité des produits et services; délais de livraison Réduits; coût minimum d'acquisition renouvellement des produits

Salariés

Satisfaction; sécurité; éthique;

PDG

Manager

Concurrents directs, partenariat, alliance, coopération

Complexité\ incertitude

- Contraintes et pressions pesant sur le PDG -

Source : CHAKRAVARTHY, B.S (1986)68(*)

A partir d'un certain nombre d'interview faites avec des cadres supérieurs de plusieurs grandes entreprises, on a conclu que les dirigeants sont influencés par deux principales motivations :

· la survie

· L'indépendance c'est à dire la liberté dans la prise de décisions sans recourir à des parties externes et sans être dépendants des exigences du marché financier. De même, les dirigeants n'aiment pas publier de nouvelles parts de réserves mais ils préfèrent plutôt être capables de compter sur les cash-flows internes produits.

Ces suggestions nous mènent à dire que, sur le plan financier, le principal objectif des dirigeants est la maximisation de la richesse de l'entreprise. Celle ci n'est pas nécessairement la richesse des actionnaires. De même, le fait d'assurer la croissance ou encore augmenter la taille ne veut pas dire augmenter la richesse des actionnaires.

La rémunération de certains dirigeants sans commune mesure avec leurs performances soulève des interrogations. Les dirigeants sont également accusés de privilégier la croissance (politique d'acquisitions non justifiées, dépenses inutiles...) plutôt que de distribuer les flux de trésorerie aux actionnaires (dividendes, rachats d'actions) en l'absence de projets rentables. On leur reproche une attitude protectionniste vis-à-vis du marché financier (modifications des droits de vote associés aux titres ou des règles de vote, limitation des voix détenues par un même actionnaire). Dans certains cas, ils sont mis en cause pour le manque de transparence de la société ou du groupe (présentation des comptes, opacité des holdings). Ils auraient également tendance à privilégier le court terme parce que leur horizon d'investissement, la durée estimée de leur mandat, est inférieur à celle des marchés financiers.

Finalement, les dirigeants n'ont pas la même perception du risque que les actionnaires : étant donné leur investissement en capital humain dans l'entreprise, étant donné leur rémunération liée aux profits et à la survie de l'entreprise, les dirigeants sont plus sensibles au risque que les actionnaires qui détiennent généralement un portefeuille diversifié de titres ; pour cette raison, les dirigeants favoriseraient la sécurité aux dépens de la rentabilité (moindre endettement, diversification...).

Les coûts de surveillance de la part des actionnaires induisent des pertes de valeur pour ces derniers ; celles-ci sont appelées les coûts d'agence.

1- 6 L'enracinement des dirigeants69(*)

La présence d'un gouvernement d'entreprise efficace doit permettre d'éviter des comportements déviants dans le chef des dirigeants ; par comportements déviants, nous nous référons aux actions qui ne sont pas nécessairement génératrices de valeur au sens large pour les stakeholders les plus importants au sein de l'entreprise (les stakeholders étant l'ensemble des personnes en relation avec l'entreprise ou encore, selon Freeman et Reed (1983), les individus ou groupe d'individus dont dépend la pérennité de l'entreprise). L'idée est donc que si le système de gouvernance mis en place (et les mécanismes qui le composent) est pleinement efficace, alors toute sous performance des dirigeants sera rapidement sanctionnée par leur évincement du processus de prise de décision au sein de l'entreprise.

Cependant, il semble que, dans certains cas, des dirigeants se maintiennent à leur poste, et ce en dépit de niveaux de performance relativement médiocres (eu égard à l'état général de la conjoncture économique ou de la confiance des investisseurs dans les perspectives de secteurs d'activités particuliers). Dans ce cas, on peut penser que les dirigeants contournent tout ou partie des mécanismes de surveillance repris au sein du gouvernement d'entreprise ; les dirigeants obtiennent alors une position privilégiée à partir de laquelle il semble difficile de les évincer : on parlera d'un processus d'enracinement de la part du dirigeant au sein de l'entreprise considérée. Cette stratégie de contournement peut aussi se réaliser de diverses manières selon les mécanismes disciplinaires pris en considération ;

La théorie d'enracinement des dirigeants s'inscrit dans une perspective mise en évidence initialement par la théorie de l'agence : l'enracinement traduit une volonté de la part de l'agent (à savoir le dirigeant) de neutraliser les mécanismes de contrôle qui lui sont imposés par le principal (à savoir les actionnaires) ; ce qui devrait lui permettre de s'octroyer des avantages personnels plus importants.

Les premiers développements de cette théorie sont dus à Shleifer et Vishny (1989) ; le processus d'enracinement passant par la réalisation d'investissements spécifiques : ces investissements doivent permettre de diminuer la probabilité d'éviction des managers, d'obtenir des salaires plus élevés et de profiter d'un espace discrétionnaire plus important dans le choix de la stratégie du groupe. Ces investissements spécifiques vont entraîner la réalisation de projets en relation directe avec leur formation ou expérience, même si ceux-ci ne sont pas nécessairement les plus rentables pour l'entreprise. Ces investissements spécifiques aux managers risquent des les rendre rapidement indispensables. Pour cette raison, les dirigeants deviennent difficilement remplaçables, ce qui peut entraîner, premièrement, une hausse de salaires et, deuxièmement, la création d'un espace discrétionnaire plus important, à partir duquel le dirigeant est en mesure de gérer l'entreprise de manière indépendante.

La théorie de l'enracinement a pris de l'importance pour une raison centrale. Depuis les années 80, on observe au sein des entreprises une politique de repositionnement sur leur métier (leurs compétences distinctives), avec un abandon des stratégies reposant sur des politiques de diversification tout azimut (Lang, Stulz, 1994). La contingence économique a donc fait que les modèles de gestion sont passés d'un essaimage du marché à une concentration sur ce que l'entreprise fait de mieux. Dans cette optique, l'enracinement peut apparaître comme la conséquence d'une focalisation des dirigeants sur leurs compétences spécifiques. Les connaissances du dirigeant deviennent un facteur fondamental qui suppose que l'opportunisme contribue, sous certains égards, à l'amélioration du processus de création de valeur (aspect positif de l'enracinement). L'aspect négatif de l'enracinement relève du fait que les dirigeants apparaissent avoir une position de plus en plus dominante au sein de l'organisation, ce qui conduit dans certains cas, à un accroissement démesuré de leur pouvoir discrétionnaire et de leur latitude managériale pouvant déboucher sur une dégradation de la performance de l'entreprise. Selon ce raisonnement, il existerait donc un seuil optimal d'enracinement.

Selon nous, l'enracinement passe par un contournement des différents mécanismes de contrôle présents dans le gouvernement d'entreprise. Ce contournement de tout ou partie des mécanismes de contrôle devrait permettre aux dirigeants de créer des poches d'inefficience au sein des organisations et, ainsi, de générer et maintenir des rentes. Le dirigeant va peut-être essayer de se créer une position préférentielle au sein de l'entreprise de manière contractuelle (certaines clauses de son contrat empêchant son évincement rapide) et/ou par le biais des mesures qu'il va prendre (le dirigeant en place est peut-être la seule personne - étant donnée ses compétences spécifiques - réellement en mesure de mener à terme le type de décision prise).

En conclusion, le gouvernement d'entreprise rassemble les dispositifs qui visent à résoudre en partie le problème d'agence, parmi ces dispositifs on distingue le rôle de la politique de contrôle et de la rémunération des dirigeants dans la résolution des conflits d'intérêts entre les actionnaires et les dirigeants ainsi que son impact sur la création de valeur actionnariale.

Section 2 : Le processus de contrôle et la création de valeur

En principe, divers mécanismes de contrôle limitent le comportement opportuniste des dirigeants. En particulier, le conseil d'administration, en tant qu'autorité légale chargée de ratifier et de contrôler les décisions des dirigeants, joue un rôle important dans la résolution des conflits d'intérêts. Il constitue un mécanisme de gouvernance interne, dont l'efficacité n'est probablement pas sans incidence sur la création de valeur et, par conséquent, sur la satisfaction des actionnaires.

2-1 : Le conseil d'administration

Le conseil d'administration est une institution importante dans le gouvernement des entreprises modernes. Fama et Jensen (1983) considèrent le conseil d'administration comme étant « le point culminé des systèmes du contrôle de la décision interne dans les organisations ».70(*)

2-1-1 : Le rôle joué par le conseil d'administration dans le processus de création de valeur :

Une bonne gouvernance a pour objectif d'accroître la solidité, la viabilité et la compétitivité des entreprises. Le conseil d'administration est responsable des actifs de l'entreprise et son comportement doit viser à ajouter de la valeur à ces actifs en travaillant avec la direction à bâtir une entreprise prospère et à améliorer la valeur pour les actionnaires.

Selon Fama et Jensen (1983) parmi les mécanismes de gouvernement d'entreprises, on distingue le conseil d'administration qui présente le principal mécanisme interne de contrôle. «  Le conseil d'administration se présente comme un lieu d'échange de discussion, de suivi d'approbation que les actionnaires peuvent suggérer. Il s'agit d'un mécanisme chargé de représenter les intérêts des actionnaires et qui dispose d'un pouvoir disciplinaire sur les dirigeants. »71(*)

Un conseil d'administration engagé, solidaire et efficace ajoute de la valeur, d'abord et avant tout, par le choix d'un bon chef de la direction pour l'entreprise. En outre, le conseil contribue à la valeur de diverses façons, examinées plus loin, mais notamment en évaluant et en approuvant l'orientation stratégique de l'entreprise; en veillant à ce que l'entreprise ait des processus appropriés pour l'appréciation et la gestion des risques ainsi que pour le contrôle interne; en assurant la surveillance de la performance par rapport à des points de repère convenus; et en assurant l'intégrité de l'information sur la performance financière. Si le conseil ajoute de la valeur en s'acquittant de ses responsabilités dans ces domaines, il en résultera une plus grande transparence et une meilleure compréhension, par les principaux intéressés, de la situation de l'entreprise.

2-1-1-1 : Le rôle du conseil d'administration dans le choix du chef de direction

Une fonction fondamentale dont le conseil devrait être explicitement chargé est de choisir le chef de la direction, et veiller à ce que l'équipe de la haute direction soit compétente, focalisée et capable de gérer l'entreprise avec succès. La relation du conseil d'administration avec la direction est vitale pour une saine gouvernance. C'est une relation qui exige sans cesse le maintien d'un équilibre délicat. Pour cela, il faut que la direction et le conseil comprennent bien leurs rôles respectifs, que chacun respecte la manière dont l'autre s'acquitte de son rôle, et qu'ils dialoguent et communiquent entre eux d'une façon continue et ouverte. Un solide leadership au sein du conseil est aussi essentiel.

Le conseil choisit le chef de la direction et doit, pour ajouter de la valeur, collaborer avec la haute direction à servir les intérêts de l'entreprise. Pour y arriver, il doit déléguer des pouvoirs et reconnaître que, les pouvoirs une fois délégués, il faut laisser la direction gérer librement. Mais il ne faut pas que le conseil accepte trop docilement les vues de la direction. Il lui incombe d'éprouver et de mettre en question les affirmations de la direction, de suivre l'avancement des dossiers, d'évaluer la performance de la direction et, au besoin, de prendre des mesures correctives. Il est impératif que les conseils d'administration comprennent leur rôle dans cette relation et qu'ils définissent collégialement leurs responsabilités.

Mace (1986)72(*) suggère que la plus grande responsabilité du conseil d'administration est de choisir le PDG de la firme, de le contrôler et de le remplacer si c'est nécessaire. Ainsi, l'évaluation de l'efficacité du conseil d'administration se fait à travers l'évaluation des décisions relatives au maintien/remplacement du PDG.

HERMALIN et WEISBACH (1998)73(*) suggèrent aussi que le conseil d'administration doit décider s'il faut garder le PDG ou le remplacer. Cette décision dépend de la capacité du PDG de gérer la firme et du degré d'indépendance du conseil du PDG. L `indépendance du conseil vis à vis du PDG dépend d'un jeu de négociation entre les deux parties : le PDG préfère avoir un conseil moins indépendant alors que conseil préfère garder son indépendance.

2-1-1-2 : Le rôle du conseil d'administration dans la fixation de rémunération du PDG74(*) 

Le conseil d'administration établit et contrôle la politique de rémunération de la firme. Depuis Berle et Means (1932), les auteurs conviennent que les PDG utilisent leur pouvoir dans le conseil d'administration afin de s'approprier des niveaux de rémunération excessifs.

Yermack (1996) a trouvé que la relation performance- rémunération du dirigeant décroît avec la taille du conseil, ce qui suggère que les conseils de petite taille accordent aux PDG plus d'incitations financières, mais les forcent à supporter plus de risque.

HALLOCK (1997) et al (1999) ont tous les deux trouvé que la rémunération du PDG augmente lorsque le conseil compte parmi ses membres des administrateurs liés, qui risquent d'être influencés par le PDG.

CORE et al (1999) ont étudié la relation entre la composition du conseil, la structure de propriété et la rémunération du PDG. Ils suggèrent que les firmes dotées de structures de gouvernance faibles tendent à rémunérer plus leurs PDG. En particulier, ils ont trouvé que la rémunération tend à augmenter avec le nombre d'outsiders désignés par le PDG, le nombre de directeurs âgés de plus de 69 ans, la taille du conseil et le nombre de directeurs actifs c'est à dire les directeurs travaillant dans plusieurs entreprises en même temps.

2-1-1-3 : Le rôle du conseil dans la planification stratégique et la surveillance des opportunités et des risques : 75(*)

Pour que le conseil soit une source de valeur ajoutée, il doit s'intéresser activement et régulièrement aux fonctions de planification stratégique et de gestion des risques. Ces deux fonctions doivent être intégrées étroitement : la planification stratégique doit se fonder sur une identification des opportunités et de toute la gamme des risques d'affaires qui déterminent lesquelles de ces opportunités devraient être exploitées. La planification stratégique est un processus continu qui doit être adaptable aux changements survenant dans l'environnement externe et aux changements internes. La souplesse et l'adaptabilité sont cruciales. Dans ce sens, la planification stratégique recouvre une notion beaucoup plus étendue que l'établissement du plan d'affaires, et elle devrait comprendre une évaluation des opportunités et des risques touchant tout un éventail de domaines,

Pour cela le conseil d'administration doit fixer les grands paramètres de fonctionnement de l'équipe de direction, définir un cadre de surveillance de la gestion des opportunités et des risques, dans des circonstances bien précises, approuver les grandes décisions impliquant la société, approuver une politique de communication comprenant un cadre pour les relations avec les investisseurs, et une politique régissant la publication de l'information, qui pourrait comporter un mécanisme de surveillance des relations entre la société et les courtiers en valeurs mobilières

2-1-2 : La taille du conseil d'administration76(*)

Selon Olubunmi Faleye (2004), un conseil est tout simplement un groupe d'individus qui travaillent ensemble pour accomplir un objectif commun. D'où, son succès dépend de la dynamique de ce groupe et de leur interaction. La taille de ce conseil est une caractéristique très importante dans la mesure ou elle peut avoir un impact sur cette dynamique.

La taille du conseil d'administration a fait l'objet de diverses critiques. Diverses questions ont été posées. Combien de membres doivent siéger au conseil d'administration? Faut-il limiter le nombre d'administrateurs? Existe-t-il un manque de cohérence dans les conseils composés d'un nombre trop élevé d'administrateurs? Ainsi, un aspect crucial de l'organisation du conseil est le choix d'un nombre optimal d'administrateurs.

Jensen (1993) et Lipton et Lorsch (1992) ont trouvé que les entreprises ayant un conseil d'administration de grande taille sont poins performants que les autres cela réside dans la difficulté de résolution des problèmes d'agence. Ces auteurs concluent donc que les entreprises ayant un conseil d'administration de petite taille sont plus performantes et produisent plus de valeur. La proposition stipule que même si les capacités du conseil augmentent avec sa taille, ces avantages sont contrebalancés par des coûts additionnels, comme une prise de décision lente, de discussions peu franches à propos de la performance de l'entreprise et des biais en défaveur de la prise de risque. De la même façon, Business Roundtable (2002) conclut que «les conseils de taille réduite sont souvent plus cohésifs et travaillent plus efficacement que les grands conseils.»

En associant la taille du conseil à des mesures de performance de l'entreprise, Yermack (1996) a démontré qu'il existe une relation négative considérable entre la taille du conseil d'administration et la valeur de l'entreprise mesurée par le ratio Q de Tobin.

Des études plus récentes faites par Eisenberg, Sundgren et Wells (1998) pour analyser la taille du conseil d'administration dans un échantillon de presque 900 petites et moyennes entreprises en Finlande. Ils ont trouvé que l'augmentation de la taille du conseil de 3 à 4 membres se traduit par une diminution du Return On Assets (ROA) d'environ 0.02%. Par contre, Ferris, Jagannathan, et Pritchard (2003) trouvent une relation positive entre la taille du conseil et la valeur de l'entreprise mesurée par le ratio market/book pour un large échantillon d'entreprises américaines homogènes. De même, Mak et Li (2001) ont prouvé statistiquement une relation positive entre la taille du conseil d'administration et la valeur de l'entreprise mesurée par le ratio Q de Tobin pour des entreprises à Singapore, alors que Bhagat et Black (2002) ont fait plusieurs études sur un échantillon de grandes entreprises américaines et ils n'ont pas réussi à prouver l'existence d'une relation entre la taille du conseil d'administration et la performance de la firme.

Les résultats de Olubunmi Faleye (2004) suggèrent qu'il y a une relation négative entre le turnover du PDG et la taille du conseil d'administration. Ainsi, Hermalin (2004) et Huson et al. (2004) suggèrent que plus le conseil est de taille petite plus il sera capable de prendre des décisions au profit des actionnaires.

En résumé, on peut conclure que les administrateurs élus ont la responsabilité de promouvoir et de protéger les intérêts des actionnaires. Un conseil de trop grande taille a pour conséquence de diluer le pouvoir de vote de chacun de ses membres et pourrait réduire l'efficacité de l'organisme. Par contre, un conseil de trop petite taille pourrait ne pas être en mesure d'exercer ses responsabilités de façon satisfaisante, ce qui est préjudiciable au rendement général de l'entreprise. Le nombre de participants au conseil doit être suffisant pour que celui-ci fonctionne de façon efficiente et efficace.

2-1-3 : La structure et la composition du conseil d'administration : 

Un des principes fondamentaux de la gouvernance cité par Kath et Kim (2003)77(*), est le fait de « structurer le conseil pour ajouter la valeur » c'est à dire avoir un conseil d'une composition efficace, de dimension adéquate pour que chacun puisse assumer ses responsabilités et ses devoirs. En effet, un conseil efficace facilite l'accomplissement effectif des devoirs imposés par la loi sur les directeurs et permet de créer la valeur.

Ainsi, les investigateurs de la composition du conseil d'administration ont exploré de nombreuses caractéristiques du conseil y compris le nombre d'administrateurs dans le conseil, le pourcentage d'administrateurs externes, la structure de propriété, la structure du comité du conseil, et le nombre des réunions tenues annuellement.

La facette de la composition du conseil d'administration la plus étudiée par les chercheurs est le nombre d'administrateurs externes (Hermalin et Weisbach, 2000)78(*).

Selon Agrawal et Knoeber (1996), on a intérêt à introduire plus d'administrateurs externes dans le conseil d'administration pour des raisons politiques. Ces auteurs suggèrent que la présence des administrateurs externes tend à affecter négativement la performance de l'entreprise. Ils ont aboutit à ce résultat à travers une étude empirique mettant en relation le nombre d'administrateurs externes présents dans le conseil d'administration et la performance de l'entreprise mesurée par le ratio Q de Tobin.

Hermalin et Weisbach (1991), en régressant la composition du conseil d'administration sur des variables mesurant la performance de la firme, conclurent qu'il n'y a pas de corrélation significative entre la présence d'administrateurs externes et la performance.

Bhagat et Black (2000) ont montré qu'il n'y a aucune relation entre la performance de l'entreprise et la fraction d'administrateurs extérieurs. De même, Lawrence et Stapledon (1999) n'ont pas pu trouver une relation logique entre la présence des administrateurs indépendants dans le conseil et le fait de créer ou de détruire la valeur.

Barnhart et Rosenstein (1998) ont examiné la performance de la firme, la structure de propriété et la composition du conseil d'administration dans un système de trois équations et ils ont trouvé que ces variables sont déterminées conjointement.

BYRD et HICKMAN (1992) ont examiné la relation entre les caractéristiques du conseil et la richesse des actionnaires et ils ont conclut de leur part que le rôle disciplinaire du conseil d'administration est d'autant plus effectif qu'il comprend des administrateurs externes.

Hermalin et Weisbach (2003)79(*) ont trouvé de leur part que les administrateurs externes ont tendance à rejoindre les conseils d'administration des entreprises après que celles-ci aient réalisé de mauvaise performance. En effet, les administrateurs externes peuvent assurer aussi bien la fonction de contrôle que de conseil surtout lorsqu'ils sont des personnes expertes dans des domaines liés à l'activité de l'entreprise. Hermalin et Weisbach soutiennent encore que les conseils d'administration sont généralement une combinaison entre les administrateurs externes et internes dont les motivations sont différentes, et selon que la fraction des administrateurs externes ou internes soit plus ou moins importante, le conseil sera plus ou moins indépendant.

Andrew K Prevost et Christine Panasian (2004) ont étudié la relation entre la composition du conseil d'administration et la performance des firmes à partir d'une liste d'entreprises de Toronto Stock Exchange et en choisissant celles qui encouragent l'indépendance des conseils. Il conclut que l'existence des administrateurs externes affecte positivement la performance des entreprises, celle ci est mesurée par le ratio Q de Tobin.

Dans un article de Kenneth Biggs (2004)80(*) une définition de la gouvernance d'entreprise efficace a été proposée par Purdy Crawford : «la gouvernance créatrice de valeur». Selon lui, « le but de la société est d'accroître la valeur à long terme pour les actionnaires ». Ce type de gouvernance peut être obtenu grâce à des administrateurs qui sont capables de réfléchir et de s'exprimer en toute indépendance, ont un sens aigu des affaires, sont intéressés et veillent aux intérêts des actionnaires. Le fait que la loi exige que le comité de vérification se compose de personnes autonomes, possédant des connaissances financières, permet de penser qu'on cherchera à doter les conseils d'administration de personnes répondant à ces critères. Un conseil d'administration doit être essentiellement composé d'administrateurs de ce calibre, ayant pour mission de créer et de maintenir des systèmes grâce auxquels la gouvernance créatrice de valeur pourra se concrétiser. Par exemple, c'est avec l'aide d'administrateurs indépendants que doivent être élaborés la vision, les buts et les stratégies globales qu'adoptera l'entreprise pour créer de la valeur.

2-1-4 : La dualité

La dualité est indicatrice de la structure du pouvoir dans le conseil d'administration lorsque le manager occupe en même temps la poste de président du conseil d'administration. Dans ce cas, il aura un fort pouvoir dans le choix des administrateurs dans le conseil, dans le processus de planification stratégique et dans la nomination et la révocation des dirigeants dans l'entreprise.

Selon PEI SAI FAN (2004) 81(*), les chercheurs ont des suggestions contradictoires concernant la question si le président du conseil et le dirigeant devait être la même personne. A cet effet, Fama et Jensen (1983), Vance (1983) et Jarrell, Brickley et Netter (1988) ont suggéré que la dualité est reliée négativement à la performance et à la valeur de la firme. Selon Faleye (2003), aucune situation n'est idéale pour qu'elle soit applicable à toutes les entreprises. Selon lui, la structure de la direction du conseil d'administration dépend des caractéristiques spécifiques de l'entreprise tel que la complexité d'organisation, la disponibilité d'autres contrôles sur l'autorité du PDG, la réputation du PDG et son pouvoir. Faleye (2003) a fait une étude sur un large échantillon d'entreprises américaines, il trouve que les entreprises dont les opérations et les activités sont complexes (ce qui implique la nécessité d'avoir un PDG pour faire des actions rapides), ont besoin d'avoir un dirigeant qui a une bonne réputation plutôt d'avoir recours à la dualité.

Uma. V. Sridharan et Allan Marsinko (1997)82(*) ont démontré que la dualité réduit l'indépendance du conseil d'administration et se traduit par des coûts dus aux conflits entre le conseil et le manager. Anderson et Anthony (1986), Stoeberl et Sherony (1985) et Alexander, Fennell et Halpern (1993) suggèrent qu'il existe une relation positive entre la dualité et la valeur marchande de la firme. Ainsi, la non-dualité va diluer le pouvoir au sommet de la direction et donc va créer des conflits d'intérêts entre la manager et le conseil d'administration. Par contre Boyd (1994) a démontré que la dualité se traduit effectivement par une perte de performance de l'entreprise.

Christine Panasian (2004)83(*) suggère que la dualité n'est pas un facteur signifiant dans l'explication du niveau de la performance de l'entreprise.

2-2 : La structure de propriété

La structure de propriété constitue, à notre avis, le levier de gouvernance le plus important dans l'entreprise dans la mesure où elle détermine la part du capital détenu par le manager et par les investisseurs institutionnels et qui influencent largement la qualité de gouvernance de l'entreprise et donc sa valeur.

2-2-1 : La séparation entre la propriété et le contrôle

Les recherches théoriques et empiriques sur la relation entre la structure de propriété et la performance de l'entreprise ont été motivées par la séparation entre la propriété et le contrôle (Berle et Means, 1932) et, plus récemment, par théorie de l'agence (Jensen et Meckling, 1976, Fama et Jensen, 1983).

L'étude de Walid Ben Ammar et Paul André (2005)84(*) contribue ainsi à la récente littérature qui évalue l'impact de la concentration de la propriété et de la séparation entre les droits de propriété et de contrôle sur la valeur de la firme (Claessens et al., 2002 ; Cronqvist et Nilsson, 2002 ; Anderson et Reeb, 2003). Les résultats obtenus montrent que la séparation entre les droits de propriété et de contrôle n'affecte pas négativement la valeur de la firme. Ces résultats contredisent ceux obtenus par des études testant une telle question dans des juridictions offrant peu de protection juridique aux actionnaires minoritaires (Bigelli et Mengoli, 2001 ; Bae et al., 2002). Leurs résultats font ressortir l'importance de la protection juridique offerte aux actionnaires minoritaires comme moyen de limitation des possibilités d'expropriation offertes aux actionnaires dominants (Holderness et Sheehan, 2000).

Les résultats suggèrent également que la séparation entre la propriété et le contrôle ne nuit pas toujours à la performance de l'entreprise. En effet, la séparation entre les droits de propriété et de contrôle peut assurer la croissance de l'entreprise sans que les dirigeants/ fondateurs n'en perdent le contrôle. Attari et Bannerjie (2002) montrent que la séparation entre les droits de propriété et de contrôle permet d'éviter le problème de sous-investissement. L'émission d'actions à droits de vote inférieurs permet aux dirigeants l'obtention du financement nécessaire à leurs projets d'investissement tout en conservant le contrôle des droits de vote. Dans une telle situation, la séparation entre les droits de propriété et de contrôle pourrait améliorer la valeur de la firme.

2-2-2 : L'effet du niveau de la participation du dirigeant sur la valeur de la firme 85(*)

Plusieurs études ont obtenu des évidences empiriques sur la relation entre la performance de l'entreprise et la structure de propriété. Ces études essaient de tester quelques hypothèses dans les différents systèmes de gouvernement d'entreprises.

La structure de propriété d'une entreprise a un impact sur sa performance. Leland et Pyle (1977) suggèrent que la structure de la propriété est un signal de la valeur de la firme. La propriété d'une entreprise consiste en propriété managériale, propriété institutionnelle et propriété individuelle. Si nous considérons que les managers ou les investisseurs institutionnels comprennent mieux la valeur de la firme. La proportion de parts possédée par les dirigeants ou les investisseurs institutionnels transporte un signal au sujet de la valeur de l'entreprise aux investisseurs extérieurs. Par conséquent, le cours des actions réagit au changement de la structure de la propriété. Cependant, l'effet du changement de la structure de propriété sur la performance est indécis. L'augmentation de la propriété managériale devrait transporter un signal positif à la valeur de la firme parce que l'avantage des actionnaires est connecté à l'avantage des dirigeants internes. C'est le coût de l'agence qui est réduit pour élever la valeur de la firme quand les dirigeants possèdent plus de parts dans la propriété. De l'autre côté, l'augmentation de la propriété managériale permet aux dirigeants d'avoir plus de pouvoir pour contrôler l'entreprise. La valeur de la firme devrait décliner s'il n'y a aucun malfaiteur potentiel pour défier le titulaire de l'entreprise.

La structure de la propriété managériale est en rapport avec la performance de la firme. Cependant, son effet sur la performance est double. La théorie des coûts d'agence et la théorie de contrôle d'entreprise examinent le rapport entre la structure de propriété et la performance de la firme de deux manières différentes.

Fondamentalement, la théorie de l'agence et la théorie de signal suggèrent que l'augmentation de la propriété managériale, fait augmenter la valeur de l'entreprise. La théorie du contrôle d'entreprise est contre l'implication de théorie de l'agence, et implique que le haut niveau de la propriété managériale détruit la valeur de la firme. Morck, Shleifer et Vishny (1988) ont montré qu'il y a un rapport non - linéaire entre la propriété managériale et la valeur de l'entreprise. Quand la propriété managériale est à un niveau bas, elle est reliée positivement avec la valeur de la firme. Mais, quand la propriété managériale est à un haut niveau, elle est reliée négativement avec sa valeur de la firme.

Oswald et Jahera (1991), Makhija et Spiro (2000) et Cole et Mehran (1998) ont trouvé des évidences pour supporter l'idée de l'existence d'une relation positive entre la valeur de l'entreprise et la part détenue par les managers. De l'autre côté, Jensen et Rubuck (1983) suggèrent que plus haut est la propriété managériale, plus bas est la valeur de l'entreprise.

Si la baisse de la propriété managériale est malfaisante à la valeur de la firme, les investisseurs institutionnels réduiront leur propriété pour éviter le déclin de la valeur de la firme dû aux coûts d'agence qui résultent de l'augmentation de la propriété managériale (Jensen et Meckling, 1976).

J.R. Davies, David Hillier et Patrick McColgan (2004)86(*) suggèrent que la relation entre la valeur de la firme et la propriété managériale peut être étudiée selon la zone où se situe le pourcentage de capital détenu par les managers.

Ainsi, Pour des bas niveaux de propriété managériale, la discipline externe, les contrôles internes et les mécanismes d'incitations peuvent dominer le comportement des managers[Fama (1980), Hart(1983), et Jensen et Ruback (1983)]. Empiriquement, Morck et al. (1988), McConnell et Servaes (1990) et Hermalin et Weisbach (1991) rapportent des résultats logiques avec ce comportement pour la relation entre la propriété managériale et la valeur d'entreprise. Jensen et Meckling (1976) suggèrent que les managers détenant une faible participation dans le capital de la société qu'ils dirigent, ne réussissent pas à maximiser la richesse des actionnaires puisqu'ils seront incités à accroître leur consommation d'avantages en nature. 

A des niveaux moyens de propriété managériale, les intérêts des managers commencent à converger avec ceux des actionnaires. Or, plus grande est la propriété, plus grand serait le pouvoir sous forme de droits de vote. Les dirigeants peuvent, à ce niveau de propriété, maximiser leur richesse personnelle à travers les gratifications croissantes et garantir leur emploi aux dépens de la valeur de l'entreprise. Les études faites par Denis et al. (1997) dans les USA et Dahya, McConnell et Travlos (2002) au ROYAUME-UNI ont montré l'existence d'une relation inverse entre le chiffre d'affaire maximum et la propriété managériale.

Lorsque les dirigeants détiennent des parts importantes de la propriété (mais moins de 50%), leurs objectifs convergent vers ceux des actionnaires. A un niveau moins de 50% les managers n'ont pas un pouvoir total de contrôle de la firme et les disciplines externes existent encore.

Lorsque les niveaux de la propriété managériale sont au-dessus de 50%, les managers ont un contrôle complet de la compagnie. Mais, si les actionnaires soient incapables d'influencer des dirigeants, il peut exister un cartel de blockholders, allié avec les droits des actionnaires minoritaires qui sont capable de monter un défi aux managers s'ils manquent de prise des décisions dans l'intérêt des actionnaires.

Finalement, lorsque les managers détiennent des parts très importantes, ils deviennent les seuls propriétaires de la compagnie. Morck et al. (1988), short et Keasey (1999) et Faccio et Lasfer (1999) suggèrent qu'au-dessus d'un certain niveau de propriété, les managers sont en face de pénalités financières très sévères dans le cas d'échec de maximisation de la valeur de l'entreprise, ils sont donc contraints à prendre des décisions qui maximisent cette valeur.

2-2-3 : Les investisseurs institutionnels :

Au cours des cinquante dernières années, la structure de l'actionnariat a été profondément modifiée pour reposer aujourd'hui essentiellement sur l'existence d'investisseurs institutionnels (Sociétés d'assurances, Caisse des dépôts et consignations, banques, Organismes de Placements Collectifs en Valeurs Mobilières, Fonds de pension, Caisses de retraite).

Les investisseurs institutionnels sont les acteurs qui détiennent aujourd'hui la fraction la plus élevée des titres cotés sur les marches financiers. Par exemple aux États-Unis l'investissement institutionnel croît de 6.1% en 1950 à plus que 50% en 2002. Les actifs détenus par les investisseurs institutionnels ont aussi augmenté dans plusieurs marchés. Par exemple, le total des actifs détenus par les investisseurs institutionnels dans l'Union Européenne croit de plus de 150% entre 1992 et 199987(*).

2-2-3-1 : Les investisseurs institutionnels et la valeur de l'entreprise

Bathala, Moon et Rao (1994) et Seetharaman, Zane et Bin (2001) suggèrent que les investisseurs institutionnels jouent un rôle important dans les activités de management ainsi que dans la réduction des problèmes d'agence.

Pound (1988) et McConnell et Servaes (1990) montrent La propriété institutionnelle sert comme un signal pour la valeur de l'entreprise. Ainsi, plus haut est la propriété institutionnelle, meilleure serait la performance de l'entreprise. 88(*)

Pound (1988)89(*) présente trois hypothèses concernant la relation qui existe entre la propriété institutionnelle et la valeur de l'entreprise : l'hypothèse de l'efficience de la direction, l'hypothèse des conflits d'intérêt et l'hypothèse des stratégies d'alignement. D'après l'hypothèse de l'efficience de la direction, les investisseurs institutionnels ont une plus grande expérience et ils sont des contrôleurs plus efficaces que les actionnaires minoritaires sur le plan coût de contrôle. Donc cette hypothèse prédit l'existence d'une relation positive entre la propriété institutionnelle et la valeur de l'entreprise. D'après l'hypothèse des conflits d'intérêts, à cause d'autres relations d'affaires avantageuses avec l'entreprise, les investisseurs institutionnels sont contraints de voter leurs parts avec le management. L'hypothèse des stratégies d'alignement suggère que les investisseurs institutionnels et les managers trouvent que la coopération est mutuellement avantageuse. Cette coopération réduit les effets bénéfiques sur la valeur de l'entreprise qui pourrait résulter de la direction par les investisseurs institutionnels. Donc le conflit d'intérêt et les stratégies d'alignement prédisent une relation négative entre la propriété institutionnelle et la valeur de la firme.

Gillan et Stark (2000)90(*) ont démontré que les stratégies qui sont acceptés par les investisseurs institutionnels sont celles qui seront entreprises par les firmes à travers l'accumulation d'un nombre important de votes lors de la réunion du conseil d'administration ce qui tend à privilégier les stratégies créatrices de la valeur au détriment de celles destructrices de la valeur aux actionnaires.

2-2-3-2 : Les investisseurs institutionnels et les principes de la corporate governance :91(*)

Les investisseurs institutionnels présentent un certain nombre de traits fondamentaux similaires qui convergent vers l'exigence de développement de la « shareholder value ». Comme l'on a déjà vu, toutes les organisations doivent satisfaire aux principes de la corporate governance notamment, la transparence accrue en matière de gestion et d'information, l'implication forte des dirigeants, l'instauration d'un dialogue social entre actionnaires et dirigeants, l'optimisation des ressources financières et l'attribution des droits résiduels aux seuls actionnaires. L'application de ces principes est l'élément central du dispositif institutionnel permettant d'accroître la valeur actionnariale. L'action des investisseurs doit donc se limiter aux principes précédemment évoqués. A ce titre une étude conduite par Calpers, sur le marché américain, a montré que le respect des principes de la corporate governance et l'application par les investisseurs des droits de vote suffisent à accroître la rentabilité financière des firmes dans lesquels les minoritaires sont actifs. L'indicateur de mesure de la performance économique et financière des firmes aujourd'hui mis en avant par les investisseurs internationaux est celui de l'EVA-MVA. Dans cette optique, l'investisseur par la connaissance de l'EVA détermine à priori le montant des cash-flows libres dont dispose l'entreprise. Il le fait en appréciant l'écart entre le résultat d'exploitation net d'impôt et le flux de liquidité nécessaire pour la rémunération des capitaux investis.

 Théoriquement, l'investisseur peut exiger de l'entreprise le versement immédiat de la MVA (équivalent présent et certain des flux d'EVA futurs anticipés). Il peut ainsi bénéficier ex-ante de flux de revenus futurs, situation qui théoriquement se traduit par trois éléments :

- Une hausse instantanée de la rentabilité financière dont bénéficie l'investisseur puisqu'il perçoit dans ses flux de revenus actuels des anticipations de croissance (la MVA).

- Un transfert du risque économique de l'investisseur vers l'entreprise, puisque celle ci doit assurer par avance la rémunération du capital investi

- Une incitation à la réalisation du niveau d'EVA anticipé par les investisseurs, puisque c'est la firme qui, en définitive, assume le risque de non-réalisation des anticipations de revenus futurs.

Il en résulte alors une modification de la relation d'agence qui lie les dirigeants aux investisseurs. Ces derniers peuvent estimer le montant des EVA futures et ainsi anticiper le montant du rendement financier qu'ils ont la capacité d'exiger. Le modèle EVA-MVA ne réclame en aucune manière une information parfaite. C'est une trajectoire que les investisseurs peuvent imposer aux dirigeants comme ligne directrice de leur action. Il s'ensuit alors que l'excédent ainsi déterminé, l'EVA, présente les caractéristiques d'un revenu résiduel dont la théorie de l'agence énonce que ce revenu doit revenir aux seuls actionnaires.

Dès lors la relution92(*) s'insère parfaitement dans le dispositif de « délivrer du cash ». Il est alors relativement aisé de montrer que toutes les techniques qui permettent de faire passer la valeur vers les actionnaires excipent d'un même principe qui consiste à renvoyer le risque économique vers l'entreprise. Dans la même optique, la technique du « demerger »93(*) est une des pratiques employées pour identifier et faire remonter les sources de cash vers les actionnaires.

Par la mise en oeuvre de tels mécanismes, les investisseurs institutionnels maîtrisent la circulation des flux de liquidités auparavant gérés en interne par les directions d'entreprises.

Section 3 : Etude de l'impact du processus du contrôle sur la création de valeur

L'objectif de cette recherche est d'étudier l'effet des mécanismes de contrôle par le conseil d'administration et la structure de propriété sur la création de valeur aux actionnaires dans les entreprises tunisiennes.

3-1 : Présentation du modèle

On se réfère à l'étude de Panasian C et Andrew K. Prevost (2004)94(*). Ces auteurs ont mesuré la performance des entreprises par le ratio Q de tobin.

Le modèle à tester se présente comme suit :

Qi,t = á0 + á 1 ADMEXTi,t  + á 2 LTCAi,t  + á 3 KDIRi,t  + á 4 KINSi,t  + á 5 DUALi,t + á 6 TAILLEi,t  + á 7 DETTEi,t  + á 8 CAPEXi,t+ á 9 ROAi,tåi,t

3-2 : Définition des variables

3-2-1 : La variable dépendante

Qi,t = nous allons mesurer la performance de l'entreprise par le ratio Q de Tobin. Il est calculé de la manière suivante :

Qi,t = valeur de marché de l'entreprise + total actifs - valeur comptable des capitaux / total actifs

3-2-2 : Les variables indépendantes

ADMEXTi,t : C'est le pourcentage des administrateurs externes dans le conseil d'administration mesuré par le rapport suivant :

Nombre d'administrateurs externes / taille du conseil.

LTCAi,t : C'est le logarithme népérien appliqué à la taille du conseil d'administration.

KDIRi,t : C'est le pourcentage du capital détenu par les dirigeants, mesuré par le rapport suivant : Nombre d'actions détenues par les dirigeants / Nombre total des actions. Cette variable mesure l'importance de la propriété managériale et son influence sur l'amélioration de la performance. Une augmentation de la propriété managériale aura pour effet de réduire les conflits d'intérêt entre actionnaires et dirigeants.

KINSi,t : C'est le pourcentage du capital détenu par les investisseurs institutionnels, mesuré par le rapport suivant :

Nombre d'actions détenues par les investisseurs institutionnels/ Nombre total des actions.

DUALi,t : C'est une variable muette qui prend la valeur (1) lorsque le manager occupe la position du président du conseil d'administration et la valeur (0) ailleurs.

TAILLEi,t : C'est la taille de l'entreprise, elle est mesurée par le Logarithme népérien des actifs totaux.

DETTEi,t : notre mesure de la structure de capital est défini par le rapport : total des dettes à long terme / total actifs.; la dette a un impact sur la création de valeur par sa fonction de réduction de l'impôt.

CAPEXi,t : nous allons contrôler les opportunités d'investissement par le rapport suivant : charges de capital / total actif. Etant donné que dans le numérateur on trouve la valeur de marché de la firme qui reflète la valeur actuelle des opportunités de croissance future. On s'attend à ce que CAPEX et le Q de Tobin soient reliés positivement.

ROAi,t : défini par le rapport : résultat net / total actif. On s'attend à une relation positive entre Q Tobin et ROA.

3-3 : Description de l'échantillon

L'échantillon de l'étude comporte 43 entreprises cotées en Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis (BVMT) et pour une période de deux années (2002) et (2003).

3-4 : Résultats et interprétations

L'estimation par la méthode des Moindres Carrés Généralisés (MCG) du modèle est résumée dans le tableau qui suit.

Tableau 1-1 : validation empirique du modèle

ADMEXT

LTCA

KDIR

KINS

DUAL

TAILLE

DETTE

CAPEX

ROA

R2

-0.053346

-0.684253

-4.198762

0.073305

-0.066017

0.220859

-0.077681

1.454736

-3.618031

0.982487

-0.195342

-1.759508

-2.204470

0.270778

-0.824530

2.723844

-1.003545

1.875191

-3.515987

 

-

(***)

(**)

-

-

(*)

(**)

(**)

(*)

 

(*) Significatif à 1%

(**) Significatif à 5%

(***)Significatif à 10

3-4-1 : Test de validité du modèle 

Le test de validité du modèle nous permet de juger le pouvoir explicatif du modèle. Il consiste à tester le corps des hypothèses :

H0 : á1 = á2 =.......... á9 = 0

H1 : á1 = á2 =.......... á 9 ? 0

Les résultats de l'estimation nous renseignent que le modèle retenu est significatif pour un niveau de risque de 1%. Ceci indique que le système de gouvernance de l'entreprise joue un rôle déterminant dans le processus de création de valeur. Quelles sont donc les composantes de ce système qui ont un effet significatif sur la création de valeur et comment affectent-elles ce processus?

3-4-2 : Test de significativité des variables

Dans un premier temps nous allons étudier l'impact du conseil d'administration comme étant un mécanisme interne de surveillance et de contrôle du manager. Les résultats de l'estimation du modèle indiquent que le pourcentage d'administrateurs externes n'a pas un impact significatif sur la performance des entreprises tunisiennes. Ce résultat a été prouvé par plusieurs auteurs tels que Hermalin et Weisbach (1991), Mehran (1995), Klein (1998), Adams et Mehran (2002) et Bhagat et Black (2002) qui stipulent que les administrateurs externes ne sont pas en mesure de comprendre la complexité des activités des entreprises, de résoudre les conflits d'agence et d'accomplir leur principal rôle à savoir la discipline des dirigeants. Toutefois, ce résultat contredit les travaux de Andrew K Prevost et Christine Panasian (2004).

Les résultats de la régression révèlent que la taille du conseil d'administration a un impact négatif et statistiquement significatif sur la performance comptable des entreprises tunisiennes. Ce résultat est conforme à la littérature stipulant que le conseil d'administration ayant un nombre réduit d'administrateurs est plus efficace dans l'exercice de ses fonctions et dans la surveillance des dirigeants que le conseil ayant un nombre élevé de membres et ce du fait des problèmes de coordination (Hermalin et Weisbach, 2003). Ainsi, un conseil d'administration de petite taille permet un meilleur alignement des intérêts entre les dirigeants et les actionnaires et par conséquent, il engendre l'augmentation de la performance des entreprises. Notre résultat est conforme aux études de Yermack (1996), Eisenberg et al. (1998) et de Olubunmi Faleye (2004) qui dévoilent l'existence d'une corrélation négative entre la taille du conseil d'administration et la performance des entreprises de leurs échantillons.

Nous constatons que la dualité n'a pas un impact significatif sur la valeur de marché des entreprises tunisiennes. Ce résultat corrobore ceux de Changanti et al. (1985), Baliga et al. (1996), Brickley et al. (1994), Dalton et al. (1998) et Vafeas et Theodorou (1998) qui stipulent que le cumul des fonctions n'a pas d'effet sur la performance des entreprises.

Dans un second temps, l'étude sera consacrée au processus de contrôle exercé par la structure de répartition du capital entre les dirigeants (propriété managériale) et les investisseurs institutionnels (propriété institutionnelle).

La participation des dirigeants au capital de l'entreprise a un effet négatif sur la performance des entreprises tunisiennes. Ce résultat confirme différentes études empiriques dans différents contextes (Shleifer et Vishny, 1989 ; Morck, Shleifer et Vishny, 1990 ; Paquerot, 1997). En Tunisie, quand la propriété des dirigeants augmente, l'effet d'enracinement peut s'établir et conduire vers un niveau plus élevé d'opportunisme managérial et par conséquent un niveau faible de performance. En effet, les dirigeants ayant des parts importantes dans la propriété peuvent privilégier leurs intérêts personnels et font passer la maximisation de la valeur de l'entreprise au second plan.

La présence des investisseurs institutionnels a un effet positif sur la performance des entreprises tunisiennes. En Tunisie, les investisseurs institutionnels sont impliqués dans le contrôle et la gestion des entreprises. Les mutations touchant essentiellement le secteur d'assurance et le secteur bancaire, affectent probablement le degré d'intérêt que porte les institutionnels auprès des entreprises dont ils sont actionnaires. D'ailleurs, les pouvoirs publics en Tunisie poussent ces institutions, qui sont en majorité des entreprises publiques, à participer au capital de certaines entreprises et à faciliter leur financement, soit par l'achat de billets de trésoreries émis par ces entreprises dont ils sont actionnaires, soit par la facilité d'octroi de crédit. De même, la majorité des entreprises de l'échantillon ont des crédits à court terme et des concours bancaires importants. Les investisseurs institutionnels peuvent influencer les modes d'organisation en faisant bénéficier les entreprises de leurs compétences dans les domaines variés. Ceci pourrait améliorer la performance.

L'impact de la taille de l'entreprise est mesuré par le logarithme népérien du total des actifs. Cette variable affecte significativement et dans le sens positif la performance de l'entreprise ce qui corrobore avec les résultats de Alberto de Miguela, Julio Pindado, Chabela de la Torre (2002) mais contredisent les résultats de Panasian C et Andrew K. Prevost (2004). En outre, la structure financière des entreprises tunisiennes a un impact négatif sur leur performance comptable. Ceci peut s'expliquer par l'importance des charges financières associées avec l'endettement des entreprises.

Conclusion

Le système de gouvernance joue un rôle déterminant dans l'amélioration de l'efficience de l'organisation dans la création de la valeur, ainsi qu'au niveau de la réorganisation de l'entreprise afin de maximiser la richesse aux actionnaires.

Ce système peut être subdivisé en mécanismes internes d'alignement d'intérêt du manager sur ceux des investisseurs (conseil d'administration) et d'autres externes mesurés par la géographie du capital. Néanmoins, la séparation entre ces mécanismes s'avère réductionniste de l'interaction entre les différentes composantes su système de gouvernance. Nous avons, essayé de combiné tous les effets dans notre modèle. Les résultats suggèrent que le processus de création de valeur aux actionnaires est directement affecté par le système de gouvernance à travers ces mécanismes internes et externes.

La valeur créée aux actionnaires est d'autant plus importante que la composition du conseil d'administration comporte des administrateurs externes et sa taille est faible.

La structure de propriété démontre que la présence des investisseurs institutionnels tend à affecter négativement la valeur créée aux actionnaires et que la propriété managériale optimale permettant la résolution des conflits se situe dans l'intervalle de [....]. En dehors de cet intervalle, son effet sur la valeur créée aux actionnaires est négatif.

Chapitre troisième :

La création de valeur : Le rôle de la politique de rémunération des dirigeants

Introduction

Dans les débats sur la gouvernance des entreprises, le dirigeant occupe un rôle central car il est à la fois un acteur majeur du processus conduisant à la création de la valeur, mais dispose également de la capacité à influer sur sa répartition. En outre, la théorie insiste à travers des développements récents sur le fait que le dirigeant doit être avant tout appréhendé comme un agent économique créateur de valeur devant également être protégé de toute spoliation par les autres groupes de stakeholders.

Selon Janne Väänänen (2005)95(*), les systèmes de motivation jouent un rôle essentiel dans l'alignement des intérêts des actionnaires et des dirigeants. Par conséquent, il est vital de créer un plan de motivation qui pousse les dirigeants et les autres salariés à entreprendre les projets d'investissement qui maximisent la valeur des actionnaires. Ainsi, selon Danka Starovic, Stuart Cooper, Matt Davis (2004)96(*), « La politique de la rémunération du dirigeant doit être étroitement liée à la performance de l'entreprise et aussi à l'objectif de la création de la valeur pour les actionnaires. La performance basée sur la rémunération s'est développée aux Etats unis du fait que les entreprises, en adoptant ce système de rémunération, peuvent bénéficier des avantages fiscaux.

Le thème de la rémunération des dirigeants suscite de nombreux débats quant à ses modes de fixation, ses niveaux, ses évolutions et ses relations aux performances de l'entreprise. La théorie de l'agence, puis les différents codes de bonnes conduites édictés par les comités en charge de la réflexion sur la gouvernance d'entreprise l'ont bien mis en avant : La question de la rémunération du dirigeant, de son mode de fixation, de ses différents éléments constitutifs, de son lien avec les responsabilités et les tâches assumées par le dirigeant (et donc avec la notion de performance prise dans son sens large) constitue un des vecteurs du contrôle de la bonne conduite de l'entreprise.

On traitera dans une première section, les fondements théoriques de la relation entre la rémunération des dirigeants et la performance de l'entreprise. Nous allons en premier lieu présenter les travaux de référence sur le lien entre la rémunération des dirigeants et la performance de l'entreprise de M.C Jensen et K.J Murphy(1990) et Hall et Liebman (1998) et nous allons présenter un modèle de contrat de rémunération basée sur la performance de l'entreprise présenté par LERONG HE et MARTIN J. CONYON (2004)97(*) .Par la suite, nous allons mettre l'accent sur le système de rémunération proposé par Stern et Stewart(1991)98(*) qui dépend du niveau de l'EVA atteint par rapport au montant ciblé et dont l'objectif est de pousser les dirigeants à gérer l'entreprise comme s'ils étaient les vrais propriétaires. Enfin, nous allons présenter le problème du détournement des revenus par les dirigeants pour leurs propres comptes comme étant une insuffisance majeure de la théorie d'agence qui a négligé cet aspect d'expropriation des revenus et de réalisation de bénéfices privés.

La deuxième section sera consacrée à étudier la structure de la rémunération globale des dirigeants en présentant les différentes composantes de cette rémunération en mettant l'accent sur l'importance de l'existence d'une partie fixe et d'une partie variable dans la rémunération. Nous allons par la suite présenter la technique des stock-options comme moyen de motivation des dirigeants à long terme. Ainsi, Selon Eliezer M. Fich et Anil Shivdasani (2004)99(*), montrent à travers une étude empirique faite sur la relation entre la rémunération incitative des dirigeants et la performance de la firme l'utilisation des stock-options comme composante de la rémunération des dirigeants augmente la valeur de la firme. La présence de plans des stock-options est reliée positivement au ratio Market-To-Book et aux autres mesures comptables de la performance. Nous allons aussi présenter les incitations sous forme de primes et bonus comme moyen de motivation à court terme. Puis, nous allons présenter les différents facteurs déterminants de la rémunération des dirigeants.

Enfin, la troisième section fera l'objet d'une étude empirique de l'impact de la politique de rémunération des dirigeants sur la création de valeur.

Section 1 : Les fondements théoriques de la relation rémunération création de valeur

De nombreuses études ont testé l'intensité du lien existant entre la rémunération des dirigeants et la création de valeur pour l'actionnaire. Les discussions actuelles s'effectuent en référence à deux études importantes qui ont produit des conclusions divergentes. Il s'agit des travaux de Jensen et Murphy (1990)100(*) et ceux de Hall et Liebman (1998).

1-1 : Les travaux de référence de M.C Jensen et K.J Murphy (1990) et Hall et Liebman (1998)

La première étude (Jensen et Murphy, 1990) concluait que la rémunération des PDG (américains) était indépendante des performances de leur firme. Les auteurs ont déterminé que les PDGs recevaient 3,25 $ pour 1 000 $ de création de valeur en faveur des actionnaires. Selon eux, un partage aussi mince constitue un mécanisme de gouvernance déficient car il offre peu d'incitatif aux dirigeants à gérer les actifs de façon économique, d'où le titre de leur document à l'effet que les PDG étaient payés comme des bureaucrates.

Cette conclusion est réfutée par la seconde étude (Hall et Liebman, 1998) qui démontre que, si on la mesure autrement, on constate que la rémunération des PDG est liée à la création de valeur pour les actionnaires. Selon les auteurs, l'erreur des études antérieures a été de limiter la mesure de la rémunération au salaire et bonus en ignorant la partie la plus importante, soit la détention des actions et des options sur les actions de l'entreprise.

Ainsi, le premier modèle sur lequel Jensen et Murphy (1990) se sont penchés est construit de la manière suivante :

(CEO Salary + Bonus)t = a + b.(Shareholder Wealth)t (3.1)

La variation de la richesse actionnariale est définie comme suit :

(3.2)

Avec :

* r : le taux déflaté de retour sur investissement des actionnaires l'année t

* V : la valeur de l'entreprise à la fin de l'année précédente

Selon Hall et Liebman (1998), Si on s'en tient à une mesure étroite de la rémunération, il est vrai que le lien rémunération performance est très faible. Cependant, en tenant compte des actions et des options détenues, on constate que la rémunération des PDG n'est pas celle de bureaucrates. Hall et Liebman (1998) attribuent leur conclusion différente de celle de Jensen et Murphy (1990) à deux raisons principales :

- La première raison tient à leurs données qui sont plus récentes soit sur la période 1980-1994 contre 1969-1983 pour Jensen et Murphy. Elles reflètent ainsi mieux l'importance accrue des options dans les régimes de rémunération des hauts dirigeants.

- La seconde raison est que leur étude utilise un éventail plus large de mesures de sensibilité. Ainsi, Jensen et Murphy (1990) mesurent l'élasticité de la rémunération par rapport à la performance par la relation entre la variation de la richesse du dirigeant et la variation de la valeur totale de la firme. Une augmentation de plusieurs millions de dollars dans la richesse d'un dirigeant est alors minuscule en comparaison de l'augmentation de la capitalisation boursière de la société.

Hall et Liebman ont utilisé quatre différentes mesures pour tester le lien entre la rémunération et la performance de la firme pour conclure que quelle que soit la mesure retenue, le lien entre rémunération et performance s'est resserré depuis 1980. Ainsi, l'analyse de leur échantillon a déterminé qu'alors qu'une augmentation de 10 % dans la performance de la firme accroît le salaire et les primes de seulement 23 000 $ (accroissement d'environ 2 %), cette augmentation accroît la valeur médiane des actions et options détenues par les dirigeants de 1 250 000 $ soit une augmentation 53 fois supérieure. La réévaluation des actions et options détenues compte pour 98 % de la relation entre rémunération et performance mesurée par les deux chercheurs. Hall et Liebman n'en concluent pas pour autant que les contrats soient efficients ni que la sensibilité à la performance est suffisante, mais uniquement que le lien entre la rémunération et la performance existe.101(*)

1-2 : Le contrat de rémunération basée sur la performance comme solution au problème de l'agence

Selon LARCKER (1983)102(*) les plans de rémunération liés à la performance de la firme présente l'avantage de réduire la tendance des dirigeants, averse au risque, à rejeter les projets d'investissement ayant une variance de rendement élevée. Lorsque la richesse des dirigeants, soucieux de l'accroître, est étroitement reliée à celle des actionnaires, les dirigeants auront des préférences vis à vis des projets plus risqués, tout comme les actionnaires. Inversement, lorsque la rémunération n'est pas subordonnée à la performance, les dirigeants ne seront pas incités à entreprendre des projets risqués, ils auront tendance à limiter les résultats de la firme en adoptant les options stratégiques les moins risquées et peuvent recourir aux politiques de lissage comptable des résultats. Par conséquent les modes de rémunération qui sont étroitement liés à la performance ont l'avantage de favoriser « l'autorégulation » de l'agent (ce qui permet d'éviter un contrôle direct, complexe et coûteux) qui sera bien entendu réducteur des coûts d'agence.

LEONARD (1990) a fait une étude sur un échantillon de grandes entreprises entre 1981 et 1985 et il a trouvé que les entreprises adoptant les plans de motivation à long terme sont exposés à une plus grande augmentation des recettes que les entres entreprises. ABOWD (1990) a conclu que la rémunération des dirigeants a un effet sur la performance mais celui ci n'est pas instantané. En effet, la sensibilité de la rémunération des dirigeants durant une année est corrélée positivement avec la performance de l'année qui suit.

O'Byrne (1995), pour sa part, indique que la rémunération des dirigeants doit répondre à quatre préoccupations, si elle souhaite les inciter à maximiser la valeur de l'entreprise : aligner la fonction d'utilité des dirigeants sur la maximisation de la valeur de l'entreprise ; inciter les dirigeants à prendre des décisions nécessaires mais aux conséquences contraignantes ; maintenir un niveau de rémunération suffisant dans les périodes de conjoncture défavorable ; réduire le coût pour les actionnaires en limitant la rémunération à des niveaux permettant de préserver la maximisation de leur richesse. Selon O'Byrne (1995), aucune autre formule de rémunération ne peut mieux garantir le respect de ces conditions que la participation au capital des dirigeants.

Selon Jennifer Hill et Charles Yablon (2003)103(*), Il y a une tendance à envisager la rémunération comme un sujet spécialisé isolé des autres domaines de la loi des sociétés. Plusieurs entreprises ont adopté les systèmes de rémunération basée sur la performance. La rhétorique qui accompagne ce changement était qu'en alignant les intérêts des dirigeants avec ceux des actionnaires, la performance basée sur la rémunération est une technique d'auto exécution du gouvernement d'entreprise sans avoir besoin de surveillance ou de contrôle de la part des actionnaires.

La relation entre la rémunération et la performance a été évoquée par Michael C. Jensen, Kevin J. Murphy, Eric G. Wruck (2004)104(*). Selon ces auteurs, cette dimension définit quelles actions et résultats sont récompensés et lesquels sont pénalisés, et par conséquent savoir qu'est ce que l'employé fait, comment il effectue son travail et quelle est sa productivité. L'ampleur de la relation rémunération performance encourage les dirigeants à créer plus de valeur et surtout qu'ils vont eux aussi partager (avoir une part) de cette valeur créée. Donc, les comités de la rémunération devraient développer une «philosophie de rémunération» qui est fidèle à l'objectif de la gouvernance et qui reflète la vision de l'entreprise et sa stratégie. Une bonne politique de rémunération doit accomplir trois conditions: attirer les bons cadres au plus bas coût; retenir les bons cadres au plus bas coût et motiver les cadres pour prendre des mesures qui créent la valeur pour l'actionnaire à long terme et éviter les actions qui détruisent la valeur.

Selon Joe Farris (2005)105(*) il est extrêmement important que la rémunération du dirigeant soit liée à performance de la firme et à la création de la valeur pour les actionnaires. Choisir la mesure efficace de la performance dans les programmes de motivation des dirigeants assurera le lien entre récompenses et performance et permettra aux actionnaires de sentir qu'ils sont traités de manière équitable. Ainsi ces mesures doivent accomplir certains critères pour qu'on s'assure que le lien rémunération performance existe. Ces mesures doivent en fait assurer l'alignement des intérêts des actionnaires et des dirigeants, être mesurables, contrôlables, facile à communiquer et à saisir. Les mesures les plus utilisées et les plus appropriées pour démontrer l'existence d'un lien entre la rémunération et la performance sont le TSR, le ROE, l'EVA.

Afin de trouver une solution au problème de l'agence et afin de motiver l'agent à sélectionner les actions qui sont dans l'intérêt du principal, LERONG HE et MARTIN J. CONYON (2004)106(*) ont proposé de désigner un contrat de rémunération basée sur la performance de l'entreprise (Holmstrom et Milgrom, 987; Jensen et Murphy, 1990; Milgrom et Roberts, 1992).

Considérons un simple modèle de motivation : La fonction de la valeur de la firme est donnée par la technologie de production linéaire suivante :

V = P(e) + å (3.3)

Où : P(e) : le niveau de la performance ;

e : l'effort de l'agent ;

å : le terme stochastique des résidus tel que å ~N(0,ó2)

Le revenu de l'agent (son salaire) :

W = á + âvV (3.4)

Avec :

á : constante

â: taux du partage (ou motivation)

Un agent averse au risque, avec une fonction d'utilité exponentielle choisit un niveau d'effort, e, qui maximise son utilité :

(3.5)

Avec :

c(e) : le coût de l'effort

r : le coefficient de l'aversion absolue au risque

ó2å : la variance de la valeur de la firme.

L'effort optimal de l'agent est alors :

e* = âv (3.6)

La firme maximise le surplus, S, ce qui signifie :

maxá,âv E [S] = maxá,âv{E [V] - E[W]} (3.7)

La solution optimale d'équilibre dans ce modèle d'agence est donnée par (Holmstrom et Milgrom, 1987)

(3.8)

La théorie économique présente des perspicacités à la structure des motivations. Premièrement, les statistiques comparatives montrent que P'(e) doit être élevé dans les firmes entrepreneuria7les par rapport aux firmes traditionnelles. Les variables qui sont positivement corrélées avec la productivité marginale du dirigeant mèneront aux plus hauts niveaux de motivation. Parmi ces variables, on peut citer les opportunités de croissance de la firme. En effet, en se basant sur les recherches théoriques antérieures et sur les travaux empiriques (Bernardo et al., 2001; Core et al., 1999; Nohel et Todd, 2002b; Smith et Watts, 1992), on trouve une relation positive entre les opportunités de croissance de la firme et la motivation des dirigeants.

Deuxièmement, lorsque les motivations augmentent, l'agent devient moins averse au risque (r). Les dirigeants des grandes entreprises doivent être plus riches et moins averses au risque que les dirigeants des petites entreprises, et accepteront donc plus les motivations (Core et Guay, 1999). Donc, on s'attend à une relation positive entre le niveau de la rémunération du dirigeant (motivation) et la taille de l'entreprise. Il faut aussi mentionner que l'aversion au risque peut pousser les dirigeant à refuser des projets d'investissement qui sont risqués mais qui sont profitables (Smith et Watts, 1992). Afin de réduire l'aversion au risque des dirigeants, il faut offrir les actions et les options pour créer une convexité dans la rémunération du dirigeant (Guay, 1999; Nohel et Todd, 2002).

Finalement, ce model standard suggère que les motivations sont reliées négativement à la variance de la performance de la firme () (Holmstrom et Milgrom, 1987; Milgrom et Roberts, 1992). Mais certains chercheurs comme Prendergast (2000,2002) suggère que les motivations et le risque peuvent être corrélés positivement. En effet, dans un environnement incertain le principal ne connaît pas exactement les actions que l'agent puisse sélectionner. Donc, les actionnaires doivent déléguer la prise de décisions aux dirigeants. Ces derniers doivent donc recevoir une plus grande rémunération pour être motivés à choisir les projets les plus rentables et qui créeront plus de valeur aux actionnaires.

1-3 : L'EVA et le système de rémunération107(*)

Pour ses protagonistes, l'intérêt de cet indicateur est surtout associé à son usage dans un système de motivation. Il s'agit alors d'aligner les intérêts des managers sur ceux actionnaires (Zimmerman 1997, et Wallace 1998, pour des auteurs académiques qui insistent sur cette caractéristique essentielle du système EVA). La société de conseil Stern et Stewart a donc développé tout un arsenal de techniques visant explicitement cet objectif et elle a été suivie dans cette voie par de nombreuses autres sociétés de conseil. C'est donc surtout sur ce terrain qu'il convient d'évaluer les apports éventuels de cette démarche.

Or, en dépit de la diffusion du système EVA dans les sphères de management (Ross 1998), il existe en fait encore peu de recherches sur l'utilisation de cet indicateur dans les systèmes de rémunération (Ittner et Larcker, 1998). Il existe quelques analyses très globales de l'impact de l'EVA sur les résultats financiers de l'entreprise (Wallace, 1997) ou des enquêtes qualitatives sur les caractéristiques générales des systèmes d'incitations inspirés par l'EVA et leurs conséquences en termes de management (Haspeslagh et ali. 2001, Mottis et ponssard, 2001).

Plus récemment Ricemen et ali. (2002) ont évalué l'efficacité comparée de managers selon le système d'incitations mis en place au sein d'une même entreprise ayant adopté sélectivement l'EVA. Cette étude repose sur des questionnaires dans lesquels les managers étaient invités à faire une auto évaluation du lien entre le système de rémunération auquel ils étaient soumis (EVA ou non-EVA) et leur performance. Cette étude met en évidence l'importance de la congruence d'un système de rémunération dans l'efficacité plus que le choix de l'indicateur en tant que tel. La congruence est alors définie comme l'alignement hiérarchique des objectifs dans l'organisation entre supérieur et subordonné (Govindarajan et Gupta 1985, Simons 1987, Brickley et ali. 1995). Le choix d'un indicateur unique facilite certainement cette congruence. Cette étude souligne aussi qu'un nombre significatif de managers ne comprenaient pas le système EVA. Cette difficulté de compréhension est également mentionnée par Wallace (1998) alors que Stern assure que le système EVA est plus simple et plus objectif que les systèmes traditionnels.

1-3-1 : Un standard externe

Il existe une distinction importante dans les systèmes d'incitation selon la manière dont le standard est défini (Murphy, 2000). On parle de standard interne lorsque ce standard est négocié à partir des éléments internes à l'entreprise, par exemple en référence au budget. Lorsque ce standard est défini par rapport à des éléments externes à l'entreprise, comme par exemple un cours de bourse ou un panel de « pairs », on parle de standard externe. Comme nous aurons l'occasion de le voir, le choix d'un standard interne ou externe est très structurant.

Le système EVA s'appuie sur un standard externe construit à partir de la relation suivante (cette relation est déjà évoquée au niveau du premier chapitre) :

(3.9)

Dans ces conditions, le standard externe pour l'EVA de l'année n+1 est égal à :

EVAn+1 = EVAn + EI(EVAn) (3.10)

Les variations d'EVA porte souvent le nom d'EI pour «Expected Improvement ». Connaissant à une date donnée VMT0, CE0 et EVA0, on peut rechercher les variations d'EVA au cours des années futures de telle sorte que cette relation soit bien vérifiée.

1-3-2 : Une décentralisation dans l'entreprise

Contrairement par exemple à un système de rémunération ayant recours à l'attribution de stock options (système également basé sur un standard externe), le système EVA est décentralisable dans l'entreprise. Cette décentralisation consiste d'une part à décomposer l'indicateur de performance (EVA) puis d'autre part à décomposer le standard c'est-à-dire l'EI. Dans ces conditions on dispose d'un indicateur et d'un standard jusqu'à un niveau assez décentralisé dans l'entreprise, par exemple jusqu'au niveau de ses centres de profits, à condition que le capital engagé soit effectivement décomposé à ce niveau. Cette possibilité de définir un indicateur de performance à un niveau local tout en conservant un standard externe constitue un avantage théorique important du système. Il permet de mobiliser les managers sur des indicateurs dont ils se sentent directement responsables.

1-3-3 : Un bonus pluriannuel

Pour aligner les objectifs des managers sur ceux des actionnaires, il ne suffit pas d'attribuer des primes en fonction de l'écart entre la variation d'EVA et l'EI pour une année donnée, il faut répéter l'opération année après année. Aussi les primes attribuées aux managers devraient-elles théoriquement dépendre de la série des EVA.

Outre le bonus annuel, un nouveau bonus est introduit sous la forme d'un bonus tri annuel. L'idée est alors de construire une banque de bonus alimentée chaque année en positif ou en négatif en fonction de l'écart constaté entre la variation d'EVA et l'EI correspondant, puis de verser aux managers une sorte de dividende fonction du capital accumulé dans la banque.

- EVAn = EVA de l'année n

- EIn = standard pour l'écart EVAn - EVAn-1

- Intn = intervalle pour EVAn

- PIn = indice de performance pour l'année n

- PIn = 1 + (EVAn - EVAn-1 - EIn )/ Intn

Notons que si :

· EVAn - EVAn-1 = EIn alors PIn = 1,

· EVAn - EVAn-1 = EIn + Intn alors PIn = 2,

· EVAn - EVAn-1 = EIn - Intn alors PIn = 0.

Le bonus annuel est déterminé à partir de la valeur de PI. Il vaut 0 pour PI inférieur à 0, est linéaire lorsque PI est compris entre 0 et 2, et reste constant pour PI > 2.

Le bonus tri-annuel représenté par la figure est déterminé à partir des PI de trois années selon la règle suivante :

· ?PIn < 3 zéro bonus tri-annuel

· 3< ?PIn < 6 bonus tri-annuel linéaire

· 6 < ?PIn bonus tri-annuel maximum (constant)

- Forme des bonus tri-annuel-

Source : Larmande F et Ponssard J.P., (2003)

Le bonus tri-annuel n'est donc pas la moyenne des bonus annuels des 3 dernières années, des compensations entre années sont possibles. Par exemple, si PI1 = -1, PI2 = 3 et PI3 = 1 alors les bonus annuels sont respectivement 0, bonus max et bonus moyen tandis que le bonus tri annuel est nul (voir figure).

Qu'il s'agisse du bonus annuel ou du bonus pluriannuel, il est important de noter que c'est l'écart d'EVA d'une année à l'autre qui est comparé au standard, et non pas le niveau absolu d'EVA. On mesure ainsi la création de valeur par rapport à l'augmentation de capital d'une année sur l'autre et non pas, ce qui serait plus discutable, la valeur absolue de cette création de valeur par rapport à une valeur comptable du stock de capital.

1-4 : Le détournement des bénéfices par les dirigeants : les bénéfices privés

Bruno S. Frey et Margit Osterloh (2004)108(*) suggèrent que les dirigeants sont capables d'exercer un contrôle considérable sur les bénéfices qu'ils obtiennent (Bertrand et Mullainathan, 2001,; Benz, Kucher et Stutzer, 2002,; Bebchuk et a Frit, 2003). Et par conséquent les dirigeants peuvent voler ou détourner une partie des revenus pour leurs propres comptes et c'est là une insuffisance majeure de la théorie d'agence qui a négligé la possibilité qu'il y ait un détournement des bénéfices. Ainsi, Becht, Bolton et Röell, (2002) suggèrent «... much of agency theory ... unrealistically assumes that earnings and stock prices cannot be manipulated. That is a major weakness of the theory ... ». Et c'est pour cette raison qu'on ne peut pas toujours vérifier la relation entre la rémunération des dirigeants et la performance de l'entreprise.

L'opposition entre actionnaires et dirigeants se manifeste avec force à travers les bénéfices privés. Ceux-ci peuvent être définis comme la valeur "psychique" que certains attribuent à la détention de pouvoir (Harris et Raviv 1988, Aghion et Bolton 1992), mais surtout, et plus concrètement comme toute action qui prive les actionnaires d'une partie de la valeur créée. Les bénéfices privés représentent une expropriation de la valeur créée par le dirigeant au détriment des actionnaires. De ce point de vue, les bénéfices privés ne sont pas désirables et doivent être découragés soit par des mécanismes de gouvernement d'entreprise (contrôle interne, conception d'actifs..., Shleifer et Vishny (1997), Tirole (2001)) soit par la loi (Kraakman et al. (1994), Zingales 1995, La Porta et al. 1997).

Cependant, de nombreux auteurs (Manne 1965, Easterbrook et Fischel 1982, 1991) montrent l'intérêt des bénéfices privés d'un point de vue managérial. Ceux-ci constitueraient une forme particulière de rémunération des dirigeants. Il s'agit pour les actionnaires de trouver le bon équilibre entre la rémunération directe (salaire) et la forme de rémunération indirecte que sont les bénéfices privés. Au final, la richesse disponible pour les actionnaires ne serait pas modifiée, que la rémunération du dirigeant prenne une forme salariale ou celle de bénéfices privés.

Les dividendes versés aux actionnaires et donc observables par ces derniers dépendent à la fois des capacités du dirigeant reflétées par le niveau de bénéfice de l'entreprise, mais aussi du niveau des bénéfices privés. Le type du dirigeant (i.e. ces capacités managériales ) ainsi que le niveau des bénéfices privés qu'il tire de l'activité de direction sont inobservables par les actionnaires. Par voie de conséquence, les actionnaires sont dans l'incapacité de déterminer si le versement de faibles dividendes résulte d'une mauvaise performance du dirigeant évaluée en termes de bénéfices ou d'un abus de bénéfices privés. L'effort mis en oeuvre par le dirigeant se traduit donc en terme de bénéfices privés (Burkart, Gromb et Panunzi 1998). Il s'agit alors de déterminer le contrat de rémunération optimal qui permet de réduire les conséquences de la présence d'aléa moral et de sélection adverse.109(*)

Nous considérons une entreprise dont le capital est entièrement détenu sous forme d'actions ordinaires par un continuum d'actionnaires. Cette entreprise est gérée par un dirigeant neutre au risque qui ne détient pas d'actions. Il réalise un revenu V qu'il peut soit verser aux actionnaires sous forme de dividendes v, soit en détourner une partie Ø qui lui procure des bénéfices privés. Le montant de dividendes, observé par chacun, est donc :

= V - Ø = 0 (3.11)

Or, on suppose que le détournement s'accompagne d'une perte sèche (consécutive par exemple, au coût de l'effort du détournement). Formellement, notons :d(Ø) le montant de bénéfices privés obtenu grâce au détournement Ø. Ainsi, la perte sèche est égale à Ø - d(Ø). Nous supposons :

· d'(Ø) > 0 et d''(Ø) < 0 ; c'est à dire un accroissement du détournement accroît les bénéfices privés réalisés à un taux décroissant.

· d(0) = 0 et dØ (0) = 1 ; c'est à dire que si le dirigeant ne détourne aucun revenus alors il ne réalise aucun bénéfice privé

· d'(0) est convexe en Ø.

Le dirigeant reçoit un paiement t pour son activité. Son utilité est donc la somme des bénéfices privés réalisés grâce au détournement de Ø au détriment des actionnaires et de son paiement :

(3.12)

La richesse des actionnaires est :

(3.13)

Les actionnaires ne peuvent pas déterminer si de faibles dividendes reflètent un dirigeant peu efficace ou un montant élevé de bénéfices privés.

Nous considérons que le dirigeant connaît seul le montant du revenu V qu'il réalise. Il est connaissance commune que est distribué selon et de densité > 0 sur.

Le programme des actionnaires est :

(3.14)

Comme (selon (3.13)), on la remplace dans l'équation de la maximisation de l'espérance de l'utilité, on aura :

(3.15)

Nous observons que l'objectif des actionnaires fait apparaître un arbitrage entre la distribution directe des dividendes (ce qui suppose Ø faible) et le recouvrement indirect des bénéfices privés ( ce qui suppose Ø élevé) via la réduction du salaire versé, net des rentes concédées au dirigeant U (V ). Ici, apparaît nettement la possible substitution du point de vue des actionnaires entre une rémunération salariale directe du dirigeant et une rémunération implicite qu'autoriseraient les bénéfices privés.

Christian AT, Nathalie CHAPPE, Pierre-Henri MORAND et Lionel THOMAS (2004) ont essayé de déterminer la fraction de détournement permise par les actionnaires dans le cas d'un contrat optime en information complète et dans le cas d'un contrat optimal en information incomplète. Selon ces auteurs :

- En information complète, les actionnaires n'accordent aucun bénéfice privé au dirigeant. En information complète, le contrat optimal est tel que le dirigeant ne détourne aucun revenu. L'extraction de bénéfices privés fait supporter une perte sèche aux actionnaires. Par conséquent, l'arbitrage entre une rémunération salariale et l'autorisation d'un montant de bénéfices privés permettant la réduction du salaire se fait, sans ambiguïté, en faveur de la rémunération salariale. Tout le revenu est directement distribué aux actionnaires. Le paiement du dirigeant n'est ici constitué que de son opportunité extérieure, et n'est là que pour s'assurer de sa participation. La rémunération managériale est de plus indépendante des résultats de l'entreprise, il ne s'agit ni plus ni moins que d'un salaire fixe.

L'asymétrie d'information conduit à l'abandon de rentes à l'agent. Il faut donc assurer au dirigeant une utilité (somme de ses rémunérations) supérieure à sa simple opportunité extérieure, soit en accroissant sa rémunération salariale, soit en l'autorisant à détourner à son profit une partie des revenus. Selon le contrat optimal en asymétrie d'information, les actionnaires doivent autoriser un montant positif de bénéfices privés au dirigeant

Section 2 : La structure de la rémunération des dirigeants

La rémunération globale des dirigeants constitue un dosage d'éléments destinés à attirer, récompenser, motiver et fidéliser les gestionnaires de talent. Cet assemblage comprend généralement un salaire de base, un programme d'intéressement à court terme, un programme d'intéressement à long terme, un ensemble d'avantages sociaux et certains programmes particuliers.

2-1 : L'existence d'une partie fixe et d'une partie variable dans la rémunération globale

2-1-1 : L'importance de la partie fixe de la rémunération

La rémunération fixe est généralement déterminée relativement à la moyenne de l'industrie pour un poste comportant des responsabilités similaires. On procède généralement à un ajustement en fonction de la taille de l'entreprise mesurée par les revenus ou la capitalisation boursière. Cette partie de la rémunération intervient pour monnayer un savoir, des compétences et une expérience du poste de direction. Le salaire fixe est très important car d'autres composantes de la rémunération globale telles que les primes sont généralement établies en proportion de celui ci. De même, cette partie de la rémunération permet le maintien du manager au sein de l'organisation pendant les périodes de difficultés (O'Byrne 1995), et elle dépend de la taille de l'entreprise (Cisel et Caroll, 1980).

L'évolution de la partie fixe, si elle peut être organisée selon des modalités claires, transparentes et édictées dès l'entrée en fonction du dirigeant, ne peut être menée indépendamment des décisions prises au niveau des autres composantes de la rémunération.

Le montant alloué au titre du salaire de base ne doit pas être un élément totalement indépendant de la vie de l'entreprise et des efforts menés par le dirigeant. Ainsi, revoir le niveau de ce salaire de base ne peut se faire idéalement, qu'à des moments-clés de la carrière du dirigeant ou de l'évolution de la société dirigée. Cette réévaluation constitue une forme de reconnaissance à posteriori du travail accompli et des résultats obtenus sur une période dépassant l'année3. Revaloriser le revenu fixe revient ainsi à notre sens à « capitaliser les compétences et le niveau d'expérience », ou autrement dit, la qualité du dirigeant.

Selon Johan Grunditz et Johan Lindqvist (2003)110(*), la présence d'un bon salaire de base peut servir comme meilleure motivation des dirigeants pour améliorer la performance de l'entreprise surtout lorsque les stock-options n'existent pas. Ainsi, cette partie de la rémunération tend à motiver le manager afin de privilégier les intérêts des actionnaires et réorienter les stratégies de l'entreprise vers la maximisation de la richesse des actionnaires (Murphy, 1985).111(*)

2-1-2 : L'importance de la partie variable de la rémunération :

La partie variable dans la rémunération des dirigeants remet au coeur de la politique de rétribution la notion de création de valeur et de sa mesure. En effet, la mise en place d'une rémunération sous forme de bonus répond à l'objectif d'incitation de la politique de rémunération prise dans sa problématique globale. En fait, en octroyant une part plus ou moins importante de rémunération indexée sur certains critères de performance, les actionnaires, via les administrateurs et les comités de rémunération, souhaitent inciter les dirigeants à prendre des décisions allant dans le sens de la maximisation de leurs intérêts. La partie variable vise donc à faire converger les intérêts divergents des actionnaires et des dirigeants.

De même, la mise en place d'une politique de rémunération variable liée à la performance de l'entreprise, ou plus précisément à la rémunération des actionnaires, est susceptible de réduire les antagonismes existant entre actionnaires et dirigeants. Ainsi, plusieurs études économétriques (Salle et Liebman, 1998) et (Hewitt, 1994)112(*) ont montré que les politiques de la rémunération ont changé dans les quinze dernières années passées dans la mesure où ont prévoient une plus grande part variable du salaire. Dans de nombreuses entreprises la rémunération des dirigeants, la formalisation et la validation des décisions étaient une force motrice. Les analystes financiers sont aussi devenus plus en plus attentifs à ces questions dans leurs évaluations des entreprises. Dans les années 1980 la politique de rémunération des dirigeants a été fortement critiquée , en particulier dans les USA. La rémunération était à peine sensible à l'évolution de la performance de l'entreprise parce qu'elle dépend des indicateurs de la comptabilité qui sont trop manipulables (Jensen et Murphy, 1990). Pour fortifier la partie variable, deux méthodes sont fréquemment utilisées:

- Demander aux dirigeants d'investir une partie substantielle de leur rémunération en achetant des actions (pour par exemple quelques années de leur salaire de base). Cette approche qui peut être encouragée par une somme grosse de l'entreprise (par exemple, 50% de la prime annuelle ont payé dans la forme des parts et a augmenté à 100% si la personne entreprend pour le bloquer pour 5 années), paraît développer.

- Fournir des primes directement en rapport à performance de la bourse.

Nous allons dans ce qui suit mettre l'accent sur les stock-options car selon Shaun Clyne  les options offertes constituent une large proportion du salaire du dirigeant et durant le retentissement de la technologie elles représentent un moyen pour les entreprises d'attirer les cadres compétents.113(*)

2-2 : La rémunération en stock-options : programme d'intéressement à long terme

Ce programme prend généralement la forme d'un régime d'options d'achats d'actions. Les options d'achat d'actions donnent le droit d'acheter des actions ordinaires de la société à un prix stipulé d'avance et pendant une période déterminée. Les entreprises qui utilisent les stock-options pour rémunérer leurs dirigeants, et éventuellement leurs cadres, poursuivent un double objectif : profiter d'une fiscalité avantageuse d'une part, recruter, motiver et garder les meilleurs dirigeants d'autre part.

2-2-1 : Les avantages des stock-options

Selon Mauboussin (2004)114(*), les options sont un investissement motivationnel, et comme tout investissement, l'avantage d'une option doit dépasser le coût de capital pour pouvoir créer de la valeur aux actionnaires. Les entreprises déclarent en général utiliser cet outil au titre de trois avantages principaux : Motiver et inciter les managers à haut potentiel à améliorer les résultats futurs de l'entreprise, attirer et fidéliser les meilleurs éléments et récompenser les performances individuelles.

Eliezer M. Fich et Anil Shivdasani (2004)115(*) a mené une étude empirique à travers laquelle on suggère que l'utilisation des stock-options comme composante de la rémunération des dirigeants augmente la valeur de la firme. La présence de plans des stock-options est reliée positivement au ratio market to book et aux autres mesures comptables de la performance.

Selon PATRICIA CHARLETY (2004) 116(*), les avantages des stock-options sont :

- La convergence d'intérêt entre dirigeants et actionnaires : Quand les dirigeants sont rémunérés sous forme de stock-options, leur richesse s'accroît en même temps que celle de leurs actionnaires, comme dans le cas d'une rémunération en actions. Cela ne peut que limiter les choix de gestion motivés par un intérêt personnel. Cela contribue également à aligner leur horizon d'investissement sur celui des actionnaires, au contraire d'autres politiques de motivation basées sur les résultats passés (bonus, primes...) qui conduisent plutôt à privilégier le court terme.

- Incitation à la prise de risque : Comme on vient de le souligner, une politique de rémunération en actions aurait des effets similaires ; les options jouent cependant un rôle particulier d'incitation à la prise de risque. Cet effet est positif si les dirigeants ont plus d'aversion pour le risque que les actionnaires comme on le suppose généralement.

- " Court-termisme ", manipulation de cours : selon l'argument développé plus haut, la rémunération en titres de l'entreprise tend à aligner l'intérêt des dirigeants sur celui des actionnaires et en particulier à rapprocher leurs horizons d'investissement. Cet argument peut être retourné dans les cas où toute l'information pertinente ne peut être transmise au marché. Afin d'exercer plus rapidement l'option mais dans de bonnes conditions, il peut en effet être tentant de favoriser des projets de plus court terme pour lesquels la communication est plus facile et la transmission de l'information dans les cours plus immédiate aux dépens de projets de plus long terme ou de projets plus stratégiques qu'on ne désire pas annoncer aux marchés et aux concurrents, voire de " manipuler les cours ". Pour ces raisons, il est souhaitable de fixer une date d'échéance des options suffisamment éloignée, de prévoir un exercice à terme uniquement (options " européennes ") et de renouveler les options régulièrement (dans le cadre d'un plan pluriannuel par exemple).

2-2-2 : Les limites des stock-options 

- La rémunération sous forme d'options est globalement plus coûteuse :
La rémunération en options implique le versement d'une prime de risque aux dirigeants afin de compenser l'aléa sur les revenus. En l'absence de problème de motivation, d'avantage fiscal ou d'asymétrie d'information, la rémunération fixe est donc moins coûteuse pour l'entreprise.
Les stock-options devraient pour cette raison être réservées aux dirigeants et mandataires sociaux dont les choix stratégiques conditionnent la valorisation de la société. Pour les cadres non dirigeants, d'autres formules d'intéressement (compléments de retraites, plan d'épargne entreprise,...) sont mieux adaptées : elles permettent une rémunération fiscalement avantageuse sans imposer aux bénéficiaires un risque supplémentaire qui se traduit forcément par un surcoût de rémunération pour l'entreprise.

- Décalage entre l'objectif poursuivi et la réalité :

Un des objectifs de la rémunération sous forme d'options est d'inciter les dirigeants à mieux valoriser le patrimoine des actionnaires en les intéressant directement aux augmentations de la valeur boursière. Cependant, les cours évoluent pour des raisons indépendantes de la gestion des entreprises : ils suivent la tendance générale du marché et, à court terme, peuvent être affectés par des phénomènes de " bulles financières " ; la réalité de la rémunération ne correspond alors plus à l'objectif poursuivi. Dans une conjoncture favorable, les gains très élevés des dirigeants ne sont pas " mérités " ; au contraire, dans un contexte défavorable, les options peuvent ne jamais être exercées alors même que la gestion a été bonne. Or, comme on l'a vu plus haut, il n'est pas souhaitable d'imposer la prise de risques supplémentaires aux dirigeants si elle ne s'accompagne pas d'effets positifs en termes de comportement. Il est facile d'ajuster la politique de stock-options de façon à ne garder que la performance propre à l'entreprise ; il suffit de corriger le prix d'exercice des variations de cours liées à l'évolution de la bourse ou du secteur ; par exemple, plutôt que de fixer un prix d'exercice au départ, on peut fixer une règle d'exercice du type :

E = P(1 + taux de croissance du marché) ou E = P(1 + taux de croissance du secteur)
où E représente le prix d'exercice et P un prix fixé au départ qui peut être le cours au lancement du plan par exemple.

- Le problème du " passager clandestin " et l'efficacité des plans : Les bénéficiaires des stock-options n'ont qu'une influence limitée sur les cours des actions, et le gain provenant directement d'une gestion plus rigoureuse qui dépend du total actions/options détenues peut s'avérer relativement faible. De plus, ils peuvent être tentés de profiter de la meilleure gestion des autres bénéficiaires du plan sans consentir eux-mêmes d'efforts supplémentaires, devenant ainsi des " passagers clandestins " (ils tirent des bénéfices de l'action des autres sans en payer les coûts). La célèbre étude de Jensen et Murphy (Journal of Political Economy 1990) portant sur 25 grosses entreprises américaines met en évidence une augmentation de la rémunération des dirigeants de 3.25$ pour 1000$ d'augmentation de la valeur des actions qui est jugée relativement faible pour être réellement motivante.

- Les problèmes d'équité à l'intérieur de la société ou du groupe : les stock-options ne s'adressant qu'à une petite partie des dirigeants et aux mandataires sociaux, les autres salariés risquent de mal percevoir l'écart grandissant de rémunération entre les individus les mieux payés et les autres.

Selon Michael C. Jensen, Kevin J. Murphy, Eric G. Wruck (2004)117(*), certaines entreprises risquent de payer leurs dirigeants pour détruire la valeur des actionnaires. On peut illustrer ceci par un exemple : Soit une entreprise dont l'objectif est d'augmenter les prix des actions de 57$ à 100$ par action dans 5 ans. Le coût de capital étant de 15% et les dividendes annuels sont égaux à environ 2.5% par an. Selon ces hypothèses, la valeur de marché dans 5 ans (juste en tenant compte du coût de capital net des dividendes) = 102.72$ = 57 (1.125)5.

Donc, si l'objectif est d'avoir un cours d'action est égal à 100$ dans 5 ans se réalise, les actionnaires vont perdre 2.72$ par action. D'où, si le projet est exécuté parfaitement il va y avoir destruction de la valeur pour les actionnaires par ce que si le marché croyait que le plan se réaliserait et que les $100 prix de l'action prévus serait le résultat, le prix courant de l'action tomberait à $100/(1.125)5 = $55.49 et donc une perte immédiate de la value de 1.51$ par action. Cependant, les options des dirigeants accordées au prix courant de $57 par action peut être dans cinq années égale à $43 = $100 - $57 par action. On va donc payer les dirigeants pour détruire la valeur des actionnaires.

2-3 : L'attribution de primes ou de bonus 

Cette prime est généralement déterminée en fonction des performances financières de la société. Un plan typique prévoit qu'aucune prime ne sera versée à moins que la performance n'atteigne un certain seuil. Le contrat de travail fixe en général un niveau maximum pour la prime. La marge entre la prime minimum et maximum constitue la zone d'incitation où le montant varie en fonction de la performance. La prime peut être reliée à un éventail de critères financiers comme le niveau ou taux de croissance du bénéfice net, du bénéfice d'exploitation, de la valeur économique ajoutée, du bénéfice par action et autres critères similaires.118(*)

Les primes ou bonus sont généralement considérés comme étant un programme d'intéressement et de motivation à court terme. Cependant ils peuvent être utilisés comme moyen de motivation des dirigeants à long terme. Ainsi, selon Isabelle Mas (2004)119(*), Quelle que soit la taille de l'entreprise, les comités d'administration font de plus en plus pression pour que les attributions de bonus soient justifiées et corrélées à des résultats tangibles. Et comme le succès d'une entreprise se mesure rarement sur un exercice, les spécialistes en paie patronale ont trouvé de nouveaux types de carottes. La plus en vogue en ce moment est le « bonus différé à trois ans », qui pèse déjà 9 % du package moyen des dirigeants britanniques. Calé sur des objectifs à long terme, il est distribué en trois tiers annuels, placé sur un compte bloqué et versé à échéance. En cas de départ avant l'échéance, une partie de la prime sera perdue.

Stern et Stewart (1991)120(*) proposent dans leur modèle EVA un système de rémunération des dirigeants qui dépend du niveau de l'EVA atteint par rapport au montant ciblé. Par ce système, ils veulent atteindre l'objectif que les dirigeants gèrent l'entreprise comme s'ils étaient les vrais propriétaires et non de simples entrepreneurs. En effet, baser la rémunération sur l'amélioration de l'EVA est la source du plus grand pouvoir dans le système EVA. Ainsi, le seul chemin à suivre par les dirigeants pour gagner plus d'argent est de créer plus de valeur aux actionnaires.

Ce système de rémunération peut être adopté pour assurer une performance à long terme des dirigeants en différant le versement des primes. Le maintien dans le temps de l'EVA est assuré par une différenciation entre une prime déclarée et les primes réellement versées. Un tiers seulement des primes déclarées sont versées pendant l'année de réalisation, le reste est gardé en otage dans un compte différé. De plus, pour garantir une évolution favorable de l'EVA, les primes se composent d'un pourcentage de l'EVA et d'un pourcentage de la variation de l'EVA au cours de la même période. Ainsi, si l'EVA baisse, les primes dans le compte différé sont réduites. Ce qui signifie que les managers doivent gérer l'entreprise sur un horizon décisionnel de trois ans.

Selon Selon Michael C. Jensen, Kevin J. Murphy, Eric G. Wruck (2004)121(*), le plan de bonus peut être catégorisé en terme de 3 composantes principales : les mesures de la performance, la performance visée, et la structure de la relation rémunération - performance. La figure suivante illustre ces 3 composantes de base pour un plan de bonus typique. Sous ce plan typique, aucun bonus n'est payé jusqu'à ce qu'un seuil de performance (généralement exprimé comme un pourcentage de la performance cible) soit atteint, et un « bonus seuil » est payé une fois que le seuil de la performance est atteint.

- Components of a typical annual incentive plan -

Source : Michael C. Jensen, Kevin J. Murphy, Eric G. Wruck (2004).

Ainsi, on peut conclure qu'il existe deux sortes de rémunération financière incitative pour les dirigeants : les rémunérations liquides (salaire, bonus, primes non différés) et les rémunérations différées (stock option, primes différées, plan de retraite). Ces incitations financières permettent non seulement d'élargir l'horizon décisionnel des managers mais aussi de garantir un jeu où les managers et les actionnaires tous les deux gagnants : Les managers ne peuvent gagner qu'une fois que les actionnaires aient gagné.

2-4 : Les facteurs déterminants de la rémunération du dirigeant

La rémunération des dirigeants dépend généralement de trois types de facteurs : les facteurs relatifs à l'entreprise (essentiellement sa taille), les facteurs liés aux attributs personnels du dirigeant (l'âge, l'éducation, l'ancienneté ...) et les facteurs de gouvernance à savoir le conseil d'administration (sa taille, composition , existence d'administrateurs externes, indépendance du conseil, la dualité), et la structure de propriété.

2-4-1 : La taille de l'entreprise

Plusieurs auteurs ont prouvé l'existence d'un lien entre la rémunération et la taille de la firme. Selon Christiane Alcouffe (2004)122(*) Le principe hiérarchique conduit ainsi à l'hypothèse d'une relation du type :

Rémunération = k [Taille] a

Où :

- k représente un facteur de proportionnalité entre la rémunération et l'indicateur de taille retenu

- a : représente l'influence de la taille sur la rémunération (dans les études empiriques, a est généralement voisin de 0,33).

Cette constatation a été largement théorisée par le courant néo-institutionnaliste (H. A. Simon, 1957 et O. E. Williamson 1967 et 1985). Elle fournit un fondement au soupçon de divergence entre les intérêts des propriétaires et ceux des dirigeants. Si la taille de l'entreprise influence davantage les rémunérations que la profitabilité, les dirigeants sont incités à privilégier la croissance interne ou, plus encore, externe notamment par le biais de l'autofinancement au détriment de la distribution de dividendes.

Plus récemment, la théorie du tournoi a fourni une justification des écarts de rémunération observés entre les niveaux hiérarchiques les plus élevés. Ces écarts seraient nécessaires pour justifier les efforts fournis par les cadres pour s'élever dans la hiérarchie. Ainsi l'importance des rémunérations au sommet de la hiérarchie serait l'incitation nécessaire pour que les jeunes talents fournissent tous les efforts dont ils sont capables pour le plus grand bien de leur carrière, mais aussi pour celui de l'entreprise et de ses propriétaires.

L'étude empirique de Arijit Ghosh (2003)123(*) montre que la taille de l'entreprise est un facteur plus important que la performance de l'entreprise dans la détermination de la rémunération des dirigeants. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette relation. Tout d'abord, les grandes entreprisses sont plus complexes et, par conséquent, demandent une plus grande expertise des gens qui y travaillent. Ces entreprises offriraient donc des salaires plus élevés afin d'attirer les meilleurs éléments. Ensuite, les grandes firmes ont généralement accès à des ressources financières plus importantes que les PME. Elles sont donc en mesure de payer leur dirigeant à un salaire plus élevé. En troisième lieu, les entreprises de grande taille ont plus de niveaux hiérarchiques, et comme elles tentent de conserver un différentiel de rémunération équitable entre les niveaux hiérarchiques, ces firmes doivent payer plus leur dirigeant. Autrement dit, la rémunération des dirigeants serait, en partie, déterminée par la hiérarchie interne de l'organisation. On trouve ce même raisonnement dans l'étude empirique effectuée par Julie Wulf (2005)124(*) , Généralement, les dirigeants les plus compétents et dont le rendement est important gèrent les grandes entreprises parce qu'il y a une relation positive entre la taille de l'entreprise et la rémunération des dirigeants (Schaefer, 1998, Murphy, 1999, et Baker et Hall, 2004). Plusieurs économistes suggèrent (par exemple Calvo et Wellisz (1979), Rosen (1982)) que les dirigeants les plus talentueux sont embauchés pour diriger les plus grandes unités parce que leurs décisions sont très importantes et affectent les résultats de l'entreprise. Ce raisonnement est logique puisque les études empiriques ont démontré que le salaire des dirigeants est fortement corrélé avec la taille de l'entreprise. De même plus la taille est grande plus le travail devient confus, les directeurs des divisions qui sont aux plus hauts niveaux hiérarchiques doivent avoir des taches plus complexes par rapport aux dirigeants dans les niveaux hiérarchiques inférieurs. Ils doivent avoir une plus grande autorité dans la prise de décisions et une rémunération incitative importante.

2-4-2 : Les attributs personnels des dirigeants 

Selon Arijit Ghosh (2003)125(*), la rémunération du dirigeant dépend de ses attributs personnels à savoir : l'âge, l'expérience et ses qualifications pédagogiques.

- L'âge: La rémunération du PDG augmente avec l'âge. Gibbons et Murphy (1991), Dechow et Sloan (1991) ont montré que les dirigeants les plus âgés ont plus d'expérience et ils choisissent des projets à long terme et non risqués. Par contre les jeunes PDG sont réputés se concentrer sur les projets de courte durée et relativement plus risqué (Hirshleifer (1993)). Rayan et Wiggins (2001) ont démontré l'existence d'une relation concave entre le paiement des primes et l'âge du PDG.

-  L'expérience: Murphy (1985) suggère que les capacités d'un dirigeant au commencement de la carrière ne sont reconnues. Lorsqu'il il progresse il devient plus expérimenté et sa rémunération augmente. Palia (2001) trouve que la rémunération du PDG croit exponentiellement avec l'augmentation du nombre d'années de travail.

- L'éducation: La rémunération du PDG pourrait dépendre potentiellement de son niveau d'éducation Saha et Sarkar (1999). Sarkar and Sen (1996).

Enfin, la relation entre les facteurs de gouvernance et la rémunération des dirigeants a été traitée au niveau du chapitre précédent.

Section 3 : Etude de l'impact des incitations financières sur la création de valeur

Pour mieux apprécier le cloisonnement reliant la performance en terme de création de valeur aux actionnaires et la compensation accordée aux managers afin de les motiver à créer la valeur et réduire les conflits d'intérêts entre ces deux parties on se réfère dans la spécification de notre modèle aux travaux de Ronald E. Shrieves et Keith D. Harvey (2000), et Conrad Satake et Richard Startz (2003)126(*).

3-1 : Le modèle estimé

Le modèle à tester se présente comme suit :

LN TOTAL COMP i,t = a0 + a1 ADMEXTi,t  + a2 KDIRi,t + a3 KINSi,t +a4 DUALi,t +a5TAILLEi,t  +a6 ROAi,t + a7 BRTOTi,t+ åi,t

3-2 : Définition des variables

3-2-1 : La variable dépendante

LN TOTAL COMP : c'est le logarithme népérien appliqué à la rémunération totale accordée au PDG de l'entreprise i à l'année t.

3-2-2 : Les variables indépendantes

ADMEXTi,t : C'est le pourcentage des administrateurs externes dans le conseil d'administration mesuré par le rapport suivant :

Nombre d'administrateurs externes / taille du conseil.

En effet, on s'attend à avoir un signe négatif du coefficient a1. Par contre cette composante tend à affecter positivement la compensation si la nomination des administrateurs externes est influencée par le manager.

KDIRi,t : C'est le pourcentage du capital détenu par les dirigeants, mesuré par le rapport suivant : Nombre d'actions détenues par les dirigeants / Nombre total des actions.

KINSi,t : C'est le pourcentage du capital détenu par les investisseurs institutionnels, mesuré par le rapport suivant :

Nombre d'actions détenues par les investisseurs institutionnels/ Nombre total des actions. Ces derniers exercent plus de contrôle sur le manager et par conséquent ils peuvent affecter négativement la compensation accordée à ces derniers.

DUALi,t : C'est une variable muette qui prend la valeur (1) lorsque le manager occupe la position du président du conseil d'administration et la valeur (0) ailleurs. Selon Murphy (1985), les managers qui occupent une double fonction tendent à profiter d'une compensation plus importante.

TAILLEi,t : C'est la taille de l'entreprise, elle est mesurée par le Logarithme népérien des actifs totaux. On s'attend à ce que la taille de l'entreprise affecte positivement la compensation accordée au manager.

ROAi,t : défini par le rapport : résultat net / total actif. On s'attend à une relation positive entre la compensation accordée au manager et ROA.

BRTOTi,t : Bénéfice résiduel/ actif total, c'est une mesure de l'efficacité du management dans la création de valeur aux actionnaires. L'influence de la performance sur la compensation doit être dans le sens positif. Ainsi pour Jensen et Murphy (2004), la compensation doit être basée sur la richesse créée pour les actionnaires.

3-3 : Description de l'échantillon

L'échantillon de l'étude comporte 43 entreprises cotées en Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis (BVMT) et pour une période de deux années (2002) et (2003).

4-3 : interprétations des résultats

L'estimation par la méthode des Moindres Carrés Généralisés (MCG) du modèle est résumée dans le tableau qui suit.

Cte

ADMEXT

KDIR

KINS

DUAL

TAILLE

ROA

BRTOT

2.600784

(5.657441)

-0.766690

(-3.277603)

0.111002

(0.099315)

-0.188278

(-1.787102)

-0.042679

(-0.293530)

0.165636

(4.784948)

0.459215

(0.567271)

0.046035

(1.747625)

(*)

(*)

-

(**)

-

(*)

-

(***)

(*) : Significatif à 1%

(**) : Significatif à 5%

(***) : Significatif à 10%

Test de validité du modèle

Le test de validité du modèle nous permet de juger le pouvoir explicatif du modèle. Il consiste à tester le corps des hypothèses :

H0 : á1 = á2 =.......... á7 = 0

H1 : á1 = á2 =.......... á 7 = 0

Les résultats de l'estimation nous renseignent que le modèle retenu est significatif pour un niveau de risque de 1%. Ceci indique que la compensation est déterminée par le système de gouvernance de l'entreprise.

Test de significativité des variables :

La compensation du manager est l'une des composantes affectée par la composition et la structure du conseil d'administration. Il apparaît clairement que les dirigeants des entreprises dont les conseils d'administration sont dominés par les outsiders sont moins rémunérés. Ces résultats soutiennent l'hypothèse d'efficacité des outsiders, confirment les propos de Weisbach (1988) et infirment les présomptions de Crystal (1991) qui postule que les administrateurs externes sont principalement choisis par les managers et donc la probabilité qu'ils vont prendre une position adverse à celle des managers est faible. Ceci corrobore avec l'hypothèse de «l'efficacité des externes» soutenue par les théoriciens d'agence (Fama 1980 ; Fama & Jensen 1983 ; Baysinger, Bulter 1985) qui indiquent que la présence des externes expérimentés et indépendants diminue la probabilité d'une expropriation de la richesse des actionnaires de la part des managers. La présence des outsiders dans le conseil d'administration est perçue positivement par le marché.127(*)

La dualité du manager n'a pas d'effet significatif sur la compensation ce qui implique que la compensation est plus rattachée à la composition du conseil qu'à la structure du pouvoir du manager. Les dirigeants ayant une position duale ne semblent pas profiter de leur pouvoir sur le conseil d'administration pour altérer les politiques de rémunération. Ces résultats s'opposent aux propos de Vancil 1987 et Jensen (1993).

En ce qui concerne la propriété managériale, son effet n'est pas significatif quant à la fixation de la compensation accordée au manager. Par contre, la présence des investisseurs institutionnels dans la structure du capital se traduit par une réduction de la compensation accordée au manager, étant donné que ces derniers sont plus efficients dans le contrôle du manager que les autres actionnaires (pound1988). Ceci limite le pouvoir du manager à exproprier la richesse des actionnaires.

L'impact de la taille de l'entreprise est mesuré par le logarithme népérien des actifs totaux. Cette variable affecte significativement et dans le sens positif la compensation accordée au manager, ce qui confirme la thèse de Cisel et Caroll (1980) ; Arijit Ghosh (2003) Julie Wulf (2005) qui suggèrent que la taille de l'entreprise contribue à l'amélioration de la compensation liquide accordée au manager et que les dirigeants les plus compétents et qui garantissent un rendement élevé gèrent les entreprises de grande taille.

Les résultats de notre étude montrent aussi que la compensation du manager est d'autant plus importante que la valeur créée aux actionnaires, mesuré par le bénéfice résiduel, est plus élevée. Ainsi, l'alignement des intérêts du manager sur ceux des actionnaires est récompensé par une hausse de la compensation afin de rémunérer le risque subi par le manager et par la suite maximiser la valeur à ses actionnaires.

L'étude de la significativité des variables montrent que la compensation accordée au manager constitue un outil de motivation et d'incitation permettant de rémunérer le risque subi par ce dernier en privilégiant l'intérêt des actionnaires. Le rôle joué par ce mécanisme est d'autant plus significatif sur la valeur créée, que la compensation soit basée sur des mesures internes qui prouvent leur efficacité dans la mesure de la valeur créée aux actionnaires tel que le bénéfice résiduel, le ROA ou aussi l'EVA.

Conclusion

L'objectif de ce chapitre est d'expliciter les déterminants de la rémunération des managers et d'analyser le lien entre la paie, la performance et les déterminants du conseil d'administration et de la structure de propriété.

Ainsi, les résultats de l'étude empirique faite sur le processus d'incitation et son effet sur la valeur créée aux actionnaires nous montre que la compensation est plus affectée par les mécanismes de contrôle interne à travers le rôle assigné au conseil d'administration.

Toutefois, la structure de propriété démontre un effet non significatif de la fraction du capital détenu par les dirigeants. La participation des investisseurs institutionnels dans le capital de l'entreprise tend à réduire la compensation accordée au manager.

L'effet de la compensation sur la création de valeur est significatif. Celle-ci permet de motiver le manager pour qu'il agisse dans l'intérêt des actionnaires. Son effet est d'autant plus significatif que ma compensation se base sur des mesures internes de la performance capables de détecter tout comportement créateur ou destructeur de la valeur pour les provoyeurs de fonds.

Conclusion générale

Au terme de ce travail nous avons tenté de retracer dans son cadre théorique et empirique la question de la création de valeur dans le cadre de gouvernement d'entreprises.

Nous avons étudié d'une part, l'apport des indicateurs traditionnels et nouveaux et plus particulièrement celui du bénéfice résiduel et celui de l'EVA. Le choix de ces indicateurs parmi d'autre n'est pas arbitraire, il est inspiré des travaux de Biddle et al. (1997) et de Tracey West et Andrew Worthington (2004) qui ont essayé de calculer le contenu incrémental relatif à chaque instrument de mesure de la création de valeur à savoir le bénéfice résiduel, les flux de trésorerie, le bénéfice avant éléments extraordinaires et la valeur ajoutée économique.

Le résultat de l'estimation du modèle révèle que le bénéfice résiduel a un pouvoir explicatif supérieur à celui de l'EVA et aux autres mesures de création de valeur.

Plusieurs auteurs ont étudié la pertinence de cet indicateur Solomon (1965), Anthony (1973, 1982), Ohlson (1989, 1995). Toutefois, Stern et Stewart (1991) ont soutenu que l'EVA est le meilleur indicateur de création de valeur.

D'autre part, nous nous sommes intéressés au sujet de gouvernance des entreprises. En effet, le problème de gouvernance est apparu avec la séparation de la propriété et du contrôle dans les firmes. Ce sujet a connu un regain d'intérêt depuis l'apparition d'une vague de prises de pouvoir sur le marché américain durant les années 1980, et plus récemment avec la crise asiatique.

Donc, loin d'être théorique, nous avons opté dans cette recherche pour des tests empiriques afin d'étudier les moyens disciplinaires et incitatifs qui contribuent dans la résolution des conflits d'intérêts entre les dirigeants et les actionnaires et réorientent les décisions prises au sein de l'organisation vers la maximisation de la valeur créée aux provoyeurs de fonds.

Par ailleurs, nous avons mené une étude empirique sur un échantillon d'entreprises tunisiennes cotées à la Bourse des Valeurs Mobilières. Les modèles étudiés ont été estimés par la méthode des moindres carrés généralisés sur des données de panels sur deux années (2002-2003).

L'estimation des modèles mettant en oeuvre la relation sous-jacente entre le système de gouvernance et la performance de l'entreprise à travers sa capacité à créer de la valeur à ses actionnaires nous a permis de tirer les conclusions suivantes :

- Le rôle du conseil d'administration à travers sa fonction e révocation et de nomination du manager, ainsi que sa contribution dans la formulation des stratégies est déterminant dans la résolution des problèmes entre les deux parties prenantes surtout si le nombre de directeurs externes est important et sa taille est réduite.

- L'impact de la structure de propriété sur la valeur créée aux actionnaires démontre une relation entre la propriété managériale et la performance de l'entreprise.

- La présence des investisseurs institutionnels dans la structure de propriété ne semble pas exercé un contrôle externe efficace sur le manager. En effet, nous constatons que cette catégorie d'investisseurs participe dans la destruction de la valeur, plutôt que dans un meilleur contrôle exercé sur le manager pour le pousser à créer la valeur aux actionnaires. Cette conclusion peut être expliqué par le développement d'un effet de collusion entre le manager et ces investisseurs afin de privilégier leurs intérêts au détriment du reste de l'actionnariat (Pound, 1988).

- La compensation accordée au manager pour le motiver et rémunérer le risque qu'il subit en privilégiant l'intérêt des actionnaires, elle-même est déterminée par le système de gouvernance de l'entreprise. En effet, nos résultats démontrent la contribution de plusieurs facteurs dans la fixation de cette rémunération.

D'un coté, cette compensation dépend positivement de la taille de l'entreprise, de la valeur créée aux actionnaires, de l'âge du manager et la présence des administrateurs externes dans la composition du conseil d'administration.

D'un autre côté, la présence des investisseurs institutionnels dans la structure de propriété, ainsi que la taille du conseil d'administration tendent à affecter à affecter négativement la compensation accordée au manager.

Comme un moyen d'incitation et d'alignement des intérêts, on remarque que la compensation joue un rôle déterminant dans la motivation du manager afin de le pousser à privilégier les intérêts des actionnaires, surtout si elle est basée sur des mesures comptables qui prouvent leur efficacité dans la détection de l'effort employé au sein de l'organisation pour créer ou détruire la valeur des actionnaires.

Malgré son apport sur le plan théorique et empirique, l'approche de la valeur reste sujette à plusieurs reproches.

Tout d'abord, nous voulons insister sur la suprématie accordée aux actionnaires comme étant le centre d'intérêt du manager qui serait un maximisateur de la valeur pour ces derniers. En effet, si l'on se place du point de vue de l'efficacité et de la stabilité du système économique, la maximisation de la valeur actionnariale n'a aucune justification théorique. L'efficience de l'entreprise résulte de sa capacité à mobiliser toutes ses parties prenantes dont l'apport ne peut être contractualisé. Cette définition peut conduire à une conception plus large de la gouvernance. L'attribution des droits de propriétés et le partage du surplus résiduel n'a aucune raison de s'opérer au seul profit des apporteurs du capital financier. La répartition peut être optimale si elle insiste les différents acteurs à réaliser les investissements spécifiques qui maximisent la création de valeur à long terme. Il n'y a pas sur ce point de solution unique. Mais, il est vrai que l'entrée dans une économie de la connaissance donne à l'investissement en capital humain un rôle essentiel. En ce sens, il est paradoxal que l'on insiste sur la valeur actionnariale à un moment où le capital financier apparaît moins stratégique.

Finalement, nous voulons signaler que ce travail peut être rendu plus riche si nous avons plus de données à introduire qui permettent d'expliquer mieux les résultats empiriques.

* 1 Berle A.A. et Means G.C., The Modern Corporation and Private Property, New York, MacMillan, 1932.

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